Mémoire OPA - Geoscience e-Journals e

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Mémoire OPA - Geoscience e-Journals e
I A E BREST
Institut d’Administration des Entreprises
MEMOIRE :
LES OFFRES PUBLIQUES D’ACHAT
Chargé d’études : CONAN Élodie
Responsable de mémoire : COTILLARD Nathalie
PROMOTION 2003-2004
DESS INGENIERIE FINANCIERE
Les offres publiques d’achat sont-elles un outil de la lutte
concurrentielle au détriment des actionnaires ?
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION .............................................................................................................................. 4
I – LES MOTIVATIONS D’UNE OFFRE PUBLIQUE D’ACHAT .................. 7
A – Des enjeux stratégiques................................................................................................7
1 – la recherche de synergies ..........................................................................................7
2 – la recherche de la taille critique...............................................................................10
B – les sociétés opéables...................................................................................................12
1 – la situation de l’actionnariat ....................................................................................13
2 – des sociétés diverses ...............................................................................................15
II – DU LANCEMENT A LA CONTRE-OFFENSIVE ............................................ 17
A – Réaliser une offre publique d’achat ............................................................................17
1 – la méthode non réglementée....................................................................................18
2 – organiser légalement une offre publique d’achat .....................................................19
B – les réactions face à une offre publique d’achat............................................................21
1 – acceptation de l’offre ..............................................................................................22
2 – des actionnaires réfractaires ....................................................................................24
CONCLUSION ................................................................................................................................... 26
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................... 27
3
INTRODUCTION
Après avoir traversé un contexte économique morose : les attentats du 11 septembre
2001, la perte de confiance des individus dans les marchés boursiers, la guerre en Irak…,
l’année 2003 marque le grand retour des offres publiques d’achat (OPA). Dans une offre
publique d’achat, une société dite société initiatrice propose à l’ensemble des actionnaires
d’une autre société, dite société cible, de leur racheter la totalité des titres à un prix déterminé
à l’avance. Les offres publiques d’achat sont nées dans les années 60 et elles se sont fortement
développées dans les années 80-90 avec les grandes vagues de fusions-acquisitions.
Tous les secteurs et tous les pays sont concernés. C’est donc le retour de la croissance externe.
Cette méthode d’accroissement de la taille d’une entreprise est caractérisée par l’acquisition
de capacité de production ou de commercialisation préexistante. L’avantage de la croissance
externe par rapport à la croissance interne est de permettre un développement plus rapide des
unités de production ; en effet, les actifs sont déjà opérationnels, le personnel est formé voire
qualifié et immédiatement disponible. À l’inverse, la croissance interne nécessite de créer de
nouvelles capacités de production ou de vente, la société devra chercher de nouveaux locaux,
embaucher de nouveaux salariés… et donc le retour sur investissement peut prendre beaucoup
plus de temps que dans le premier type de croissance. En général, le délai est estimé à 3 ou 4
ans. Néanmoins, ce mode de croissance a connu un fort développement jusque dans les
années 70, mais au fil du temps, le facteur temps a pris de l’importance. Les sociétés
disposent d’un délai de réaction réduit pour s’adapter aux évolutions du marché, aux
stratégies des concurrents. Elles ont alors dû s’orienter vers un autre mode de croissance : la
croissance externe. D’où l’essor des offres publiques qui réapparaissent aujourd’hui. Elles ne
sont pas forcément plus nombreuses que par le passé, mais elles sont beaucoup plus
médiatisées. Ce regain d’activité pour les offres publiques d’achat est attisé par le phénomène
d’opportunité engendré par la faiblesse des taux d’intérêt (cela favorise le recours à l’emprunt
et donc les investissements car les sociétés peuvent s’endetter à moindre coût) mais aussi par
les excédents de liquidité détenus par un certain nombre de firmes. En effet, la conjoncture
économique de ces dernières années n’incitait pas les sociétés à investir et elles optaient plutôt
pour des placements sécurisés. Elles auraient pu réaliser des investissements mais les risques
étaient très élevés, ils étaient alors repoussés. Mais depuis l’an dernier, la reprise économique
annoncée par Bercy ravive l’esprit d’entreprendre et donc les investissements. Les individus
sont optimistes vis-à-vis de l’avenir et sont donc plus prêts à réaliser leurs projets. De même,
la globalisation étant toujours d’actualité, les sociétés continuent de se livrer une concurrence
4
rude pour obtenir la meilleure place sur le marché. Un des derniers exemples en date, c’est
l’offre publique d’achat de SANOFI-SYNTHELABO sur AVENTIS. Le premier groupe
pharmaceutique français souhaite devenir un des leaders au niveau mondial et propose aux
actionnaires d’AVENTIS, un concurrent franco-allemand, de leur racheter leurs actions.
Toutefois, les offres publiques d’achat s’adressent à un public restreint : les sociétés cotées.
En effet, l’initiatrice de l’offre propose à la société cible de lui racheter ses titres à un certain
prix. Il est généralement supérieur au cours de bourse pour inciter les actionnaires à apporter
leurs titres car ils sont libres d’accepter ou de refuser l’offre. Par exemple, s’ils jugent l’offre
insuffisante, ils manifestent leur refus en n’apportant pas leurs titres. Ils restent alors
propriétaires de la société. Le prix est donc une « arme » de défense à une offre publique
d’achat où une contrepartie donné aux actionnaires quand ils acceptent de céder leurs titres.
De fait, les offres publiques peuvent être amicales, quand elles sont acceptées, ou hostiles si
les actionnaires sont réticents à l’offre.
La contrepartie versée aux actionnaires qui apportent leurs titres peut se faire en numéraire
(offre publique d’achat) ou par échange de titres (offre publique d’échange). Dans ce dernier
cas, une parité d’échange entre les titres de la société initiatrice et de la cible est établie. Ce
moyen de paiement facilite les offres publiques car ne nécessite pas de mobiliser
d’importantes sommes d’argent. Actuellement, on constate d’ailleurs que les offres publiques
sont généralement mixtes : elles combinent à la fois le règlement en numéraire et l’échange de
titres.
Remarquons que la fixation du prix est souvent difficile car les financiers recours à des
méthodes d’évaluation (s’inspirant entre autre du cours de bourse) qui doivent respecter la
législation imposée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). La réglementation permet
les comportements abusifs en matière de prise de contrôle.
Cependant, avant de déterminer le prix dans une offre publique d’achat, une réflexion
stratégique doit être menée par les dirigeants de la société initiatrice d’un projet de lancement
d’une offre publique d’achat. Comme dans un grand nombre d’entreprise d’une taille assez
importante, les dirigeants définissent une politique générale qui doit générer la croissance de
la société et ainsi assurer sa pérennité. La politique générale d’une société définit aussi bien
des objectifs de court terme que de moyen et long terme. Des stratégies seront alors élaborées
pour mener à bien la réalisation des buts décrits dans la politique générale. Des choix
stratégiques s’imposent donc, en effet, si les dirigeants de la société aspirent à un
agrandissement de sa taille, à un renforcement de sa position sur le marché… la question du
5
type de croissance à engager se pose alors. La société peut opter pour une croissance interne
ou pour une croissance externe. Le choix des dirigeants se porte généralement sur ce dernier
type de croissance puisque cela leur permet de réaliser l’économie des longs d’attente de
maturation de l’investissement productif. Les offres publiques d’achat sont alors un des
moyens d’assouvir leur besoin de croissance du fait qu’elles se traduisent par la prise de
contrôle d’une autre société via l’acquisition de ses titres.
Mais qu’est-ce qui justifie la volonté des entreprises à croîtrent ? quels sont les effets
recherchés en lançant une offre publique d’achat sur une société déterminée ? quels types de
sociétés sont opéables ? comment sont-elles « recrutées » ? Les actionnaires sont également
au centre des offres publiques d’achat, il convient alors de se demander si les offres publiques
d’achat ne sont pas un outil de la lutte concurrentielle au détriment des actionnaires ?
Certes, ce type d’opération boursière offrent un champ d’étude large. L’intérêt peut se porter
sur les caractéristiques des sociétés initiatrices, sur la possible existence de facteurs clés de
succès des offres publiques d’achat. L’étude peut aussi être centrée sur le mode de
financement de ces offres et sur le fait qu’aujourd’hui, le terme d’offre publique d’achat
recouvre celui d’offre publique d’échange ; sur les méthodes d’évaluation des termes de
l’offre (prix et parité). De même, il peut intéressant d’analyser les conséquences d’une offre
publique d’achat sur les deux sociétés concernées : évolution du cours de bourse,
restructuration d’emplois, nouvelle organisation…. Mais avant d’apporter des éléments de
réponse à ces questionnements, il est utile d’étudier l’origine des offres publiques d’achat et
plus précisément, ce qui motive les sociétés cotées à lancer ce type d’offre (I) et de voir
comment sont protégés les actionnaires, les premiers visés par l’offre (II).
6
I – Les motivations d’une offre publique d’achat
L’arme la plus efficace pour les sociétés cotées dans la concurrence qu’elles se livrent
de nos jours est l’offre publique d’achat. Les sociétés initiatrices d’offre publique d’achat font
preuve de technicité dans l’élaboration de leur stratégie (A) ainsi que dans la sélection de
leurs « proies » (B).
A – Des enjeux stratégiques
Les offres publiques d’achat sont un outil de croissance externe pour les sociétés. Elles
se proposent de racheter les titres d’une société dite société cible mais en vertu de quels
motifs, à quelles fins ? Initier un offre publique d’achat sur une société relèvent d’une
stratégie spécifique à chaque société dont la finalité est cependant bien souvent commune :
accroître le pouvoir économique de la société initiatrice.
1 – La recherche de synergies
La cause la plus couramment évoquée par les dirigeants de sociétés pour justifier le
lancement d’une offre publique d’achat est la recherche de synergies. Le concept de synergies
repose sur le principe de « 2 + 2 = 5 », c’est-à-dire que la valeur de deux sociétés réunies est
supérieure à la somme de leur valeur distincte. On obtient alors la relation suivante :
[ V( A+B) > V(A) + V(B) ]. Les sociétés espèrent être plus rentable en étant unies grâce aux
synergies réalisées, ces dernières sont définies comme une « économie de moyens, et/ou
supplément de performance résultant de la mise en commun de plusieurs actions concourant à
un effet unique »1. En général, deux types de synergies sont attendues : les synergies
économiques et les synergies financières.
1
Lexique de gestion, édition Dalloz 2003
7
a/ Les synergies économiques
La préoccupation actuelle des dirigeants de société est la réduction des coûts. Ainsi, en
favorisant l’accroissement de la taille de l’entreprise, cette dernière peut gagner en efficacité
du fait d’un volume de production plus important et ainsi diminuer ses coûts. En s’inspirant
des travaux de MARSHALL, bon nombre d’économistes démontrent que les coûts unitaires
de production d’une entreprise diminuent jusqu’à une certaine taille (économies d’échelle),
puis augmentent déséconomie d’échelle). Cela signifie que l’augmentation de la production
réduit les coûts de production jusqu’à un certain de seuil de production. Dans les entreprises
nécessitant un capital humain important, obtenir des économies d’échelle est primordial : une
firme plus grande permettra d’amortir les coûts fixes élevés (salaires et charges sociales
notamment), sur un plus grand volume de production. Dès lors, en initiant une offre publique
d’achat, la société espère atteindre la taille optimale qui lui permettra de réaliser la quantité
optimale de production afin d’atteindre le niveau de coût unitaire de production le plus faible
possible. En outre, en réalisant l’acquisition d’une firme par offre publique d’achat,
l’initiatrice bénéficie de matériels productifs déjà en service, de personnel qualifié, de locaux
et d’un réseau de distributions implantés dans des zones géographiques où l’initiateur n’était
pas présent et qui facilite ainsi l’accès au marché. En théorie, le consommateur bénéficiera de
ce gain via une baisse des prix.
Exemple : dans le cas de TOTALFINA et ELF AQUITAINE, les synergies attendues étaient de
2,5 milliards d’€ par an avant impôt jusqu’en 2002 pour Elf sur Totalfina et de 1,2 milliards
par an avant impôt jusqu’en 20022. Dans le cas ALCAN-PECHINEY (secteur de
l’aluminium), les économies escomptées s’élèvent à 360 millions de $ dont 22 % serait issu de
la fabrication3.
Ces objectifs confirment l’une des motivations des offres publiques d’achat : réduire les coûts
en devenant une société plus grande.
En réalisant des économies d’échelles, les firmes souhaitent rester compétitives dans un
contexte concurrentiel accru, favorisé par l’ouverture des frontières européennes, et cherche à
assurer également le maintien ou le renforcement de leur position sur le marché. Par exemple,
le domaine de la recherche et développement nécessitent des moyens financiers importants
2
3
Journal des Finances de la semaine du 24 juillet 1999
La tribune, 28 avril 2004
8
alors en organisant une fusion, les deux entités, mêmes concurrentes, peuvent envisager de
travailler en commun pour partager les coûts et réaliser des économies d’échelles.
A contrario, il faut également noter que l’accroissement de la dimension d’une entreprise va
générer l’élimination de fonctions à double emploi. En effet, des postes seront supprimés suite
à des restructurations de personnel. Ce sont à la fois les postes de direction et les postes des
ouvriers qui sont concernés. Les postes de directions de la société cible sont bien souvent
repris par des cadres de la société initiatrice.
Exemple : Pour TOTALFINA et ELF AQUITAINE, la suppression de postes estimée du fait de
l’offre publique s’établissait à 4 000 postes dont 2 000 en France.
b/Synergies financières
Elles sont un complément des synergies économiques. La société initiatrice d’une offre
publique d’achat espère par le biais de l’acquisition de la société cible réduire son risque de
faillite ou bénéficier de sa capacité d’endettement. En effet, en devenant propriétaire de la
cible, il lui est alors possible de contracter des emprunts en son nom pour financer ses
investissements et ses projets. De plus, en s’endettant la société doit accroître la rentabilité
financière c’est-à-dire la richesse créée aux actionnaires grâce à l’effet de levier financier. En
réalisant des investissements rentables, la société génère des flux de trésorerie économique
positifs, ils servent à rembourser l’emprunt. Le montant du remboursement de la dette doit
être inférieur aux flux dégagés, l’excédent étant versé aux actionnaires. L’endettement sera
alors créateur de valeur pour ces derniers.
Ainsi, lancer une offre publique d’achat sur une société cible peu endettée permet de
bénéficier du levier financier. De même, les capacités d’emprunt pourront être obtenues à de
meilleures conditions.
L’offre publique d’achat est également un moyen de limiter le risque lié à un chiffre d’affaires
saisonnier. Ceux-ci sont très contraignants pour les sociétés : si une saison est déclarée
« mauvaise », c’est une partie du chiffre d’affaires qui est amputée. Cela est très contraignant
pour les sociétés car leur santé financière dépend de quelques mois et non pas d’une année
entière. La saisonnalité de leurs activités les rend plus fragiles aux événements extérieurs
(inflation, chômage, temps météorologique…)
9
Exemple : la Compagnie des Alpes justifiait son offre publique d’achat sur Grévin et
Compagnie par une complémentarité de leur chiffre d’affaires, le premier réalisant l’essentiel
en hiver et le second en été4.
Enfin, les excédents de liquidités dont disposent certaines firmes du fait des réticences à
l’investissement de ces dernières années peuvent être mis au profit des sociétés cibles pour les
soutenir dans leur développement.
2 – La recherche de la taille critique
Dans un contexte concurrentiel fort, les sociétés, au-delà de leur souhait de réaliser des
économies, cherchent à atteindre la taille critique. Taille qui leur permet d’être rentable et de
pouvoir asseoir une position de leader. Ainsi, en prenant possession d’une autre entité,
l’initiatrice de l’offre publique d’achat espère gagner des parts de marché et devenir dominant
sur le secteur. En effet, dès lors qu’une entreprise devient nettement rentable, elle dispose de
plus de flexibilité vis-à-vis des concurrents par exemple, elle peut réduire ses prix pour attirer
une nouvelle clientèle et la subtiliser à ses rivaux. Avec une rentabilité accrue, la société
devient également plus solide et plus à même de faire face aux imprévus et aux aléas de la
conjoncture économique. Sa sensibilité aux risques de faillite décroît.
Il faut également noter que la hausse des coûts dans certains domaines dont la recherche et
développement incitent les firmes à atteindre la taille critique. Tel est le cas dans l’industrie
pharmaceutique. L’offre publique d’achat SANOFI - SYNTHELABO sur AVENTIS illustre
ce phénomène : la nécessité d’innover et de commercialiser de nouveaux médicaments
s’imposent au groupe. En effet, la lutte concurrentielle des médicaments s’est trouvée
alimentée par la montée en puissance des ventes de médicaments génériques (production
moins coûteuse et donc des prix de vente moins élevés). En outre, le gouvernement français
souhaite réduire les dépenses de santé et encourage donc à un remboursement moins
systématique des médicaments. De fait, pour garder un certain niveau de rentabilité et réduire
le risque de faillite de SANOFI-SYNTHELABO, les dirigeants ont lancé une offre publique
d’achat sur un de leurs concurrents franco-allemand : AVENTIS. Sa position fragile et la
dispersion de son capital (86 % de flottant) ont attiré le groupe français. L’accroissement de la
4
Centrale des cas et des médias pédagogiques, F0404, www. ccip. fr/ccmp
10
taille du groupe aurait pu être réalisé par croissance interne, mais les effets escomptés se
manifestent généralement moins rapidement. L’un des autres atouts d’AVENTIS est sa
possession de brevets sur des médicaments dont l’échéance d’expiration est plus lointaine à
ceux de SANOFI-SYNTHELABO.
L’augmentation de la taille d’une société a aussi pour objectif de modifier la relation qui
l’unie à ses différents partenaires économiques : fournisseurs, clients, concurrents…
Son pouvoir de négociation vis-à-vis des fournisseurs est renforcé. Face à un client important,
le fournisseur sera en position de « faiblesse » et s’il veut le conserver, des concessions sur les
tarifs devront être réalisées. La nouvelle société cherchera le meilleur rapport qualité-prix et
n’hésitera pas à aller vers les fournisseurs concurrents. De plus, le volume de commande peut
augmenter, des négociations commerciales peuvent alors être envisagées. Cela peut constituer
une opportunité que le fournisseur doit s’approprier même si c’est en contrepartie d’un baisse
de ses marges. Et par ce biais, les sociétés réalisent des réductions de coûts
d’approvisionnement en matières premières par exemple entraînant ainsi une amélioration de
la rentabilité du groupe nouvellement créé. En outre, cette volonté d’atteindre la taille critique
est justifiée par la recherche croissante des firmes à sécuriser leur approvisionnement et à
diminuer leur dépendance envers les fournisseurs.
Le contexte économique dirige également les sociétés vers l’internationalisation. Plus elles
seront présentes sur un grand nombre de marchés, plus elles réaliseront de chiffre d’affaires.
Toutefois, tous les marchés ne sont pas propices à l’entrée « d’étrangers ». En effet, des
marchés tel que le marché chinois, bien qu’en voie d’occidentalisation, nécessitent une
adaptation à la culture, aux modes de vie et de consommation, aux habitudes
alimentaires…De fait, lancer une offre publique d’achat sur une société déjà implantée sur le
marché permettra de le pénétrer beaucoup plus rapidement. Des gains de temps seront alors
réalisés et la société initiatrice bénéficiera de l’expérience et de la connaissance du marché de
la société cible. L’autre avantage de lancer une offre publique d’achat sur des sociétés
concurrentes est de réduire la concurrence et de tendre ainsi vers une situation oligopolistique.
Cette situation oligopolistique, caractérisée par un petit nombre d’offreurs et un grand nombre
de demandeurs, modifie également les rapports avec les concurrents dont le nombre
s’amoindrit. En devenant moins nombreuses, les sociétés s’accaparent le marché et instaurent
des barrières à l’entrée du marché. Les nouveaux entrants pourront se trouver découragés : les
entreprises déjà implantées ont atteint leur seuil de rentabilité et peuvent se permettre de
mener des politiques de prix agressives (prix très concurrentiels) afin d’entraver toutes entrées
11
potentielles sur le marché. Les nouveaux entrants potentiels ne seront pas capables de
rivaliser. Toutefois, le lancement d’une offre publique d’achat à cette fin sera néfaste pour les
consommateurs : en vertu de la loi de l’offre et de la demande, les prix sont élevés sur ce type
de marché. Les offreurs disposant d’un fort pouvoir de marché. Pour lutter contre tout
débordement de ce type, fixation de prix élevée, la commission de Bruxelles veillent à ce que
les marchés restent en situation se concurrence pour protéger les consommateurs. Dans son
article 82 du Traité de Rome, elle interdit tout abus de position dominante ainsi toute
concurrence déloyale.
Notons enfin que l’accroissement de la taille d’une société peut renforcer sa notoriété et
inspirer plus de confiance auprès des investisseurs.
Exemple : dans le cas ALCAN-PECHINEY, la société ALCAN n’avait pas la taille critique et
les fusions de ses concurrents l’ont rendu plus vulnérable la plaçant ainsi qu’au cinquième
rang mondial. PECHINEY a saisi l’opportunité d’en prendre le contrôle pour devenir ellemême une société plus grande5.
Remarque : Au -delà de permettre d’atteindre la taille critique, les offres publiques d’achat
sont un moyen pour une société de mettre en œuvre une stratégie de diversification. Après
l’analyse de ses activités, la société peut choisir de mener une stratégie de diversification afin
de bénéficier de revenus supplémentaires et de limiter sa dépendance à une seule activité.
Exemple : l’OPA du premier cablô-opérateur américain COMCAST sur EURODISNEY. Il
disposait de la qualité de distributeur réputé grâce à ses acquisitions du passé dont le
téléphone et le haut débit. En vue d’élargir ses compétences et de devenir à la fois
distributeur et producteur, il a lancé une offre publique d’achat sur DISNEY6.
B- Les sociétés opéables.
Favoriser sa croissance externe en lançant une offre publique d’achat est un choix de
gestion, mais toutes les sociétés ne sont pas propices aux offres publiques d’achat. Quelles
5
6
L’Expansion, 7 juillet 2003
www.lexpress.fr/info/economie/dossier/disney
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caractéristiques rendent une société cotée sensible à cette pratique ? Comment une société
initiatrice détermine sa cible ?
1 – La situation de l’actionnariat
a/ un actionnariat concentré
Une société détenue principalement par un seul actionnaire peut attirer l’attention d’un
acheteur. Il suffit à l’initiateur de ne convaincre que cet actionnaire, cela facilite la réussite de
l’offre. Certes, l’actionnaire n’envisage pas forcément la cession de ses titres dans l’immédiat,
mais il ne les conservera pas non plus éternellement. De fait, sa société devient une proie à
une offre publique d’achat. Le succès de cette offre est en outre conditionné par le
comportement opportuniste des agents. Dans ces théories de l’environnement économique,
WILLIAMSON, en s’inspirant des pensées du philosophe SIMON, démontre que les
individus cherchent avant tout à satisfaire leur intérêt personnel, ils prennent toutes les
décisions qui leur semblent profitables. Ainsi, en juxtaposant cette théorie aux offres
publiques, on peut en déduire que la proposition de rachat des titres peut-être pour
l’actionnaire une façon de se désengager de la société à un prix qui lui convient, voire même
de réaliser une plus-value supérieure à ces attentes si le repreneur surévalue les actions ou
simplement s’il est prêt à payer un prix élevé. De même, un actionnaire important d’une
société peut saisir l’opportunité de sortir du capital.
Exemple : Thierry DESMAREST, un des actionnaire principal de SANOFI-SYNTHELABO
(24 %) au travers de Total : « Il a prévu de se désengager de la pharmacie, et l’opération lui
offrirait une sortie opportune »7.
b/ un actionnariat dispersé
Un actionnariat diamétralement opposé au premier cas, c’est-à-dire éparpillé, attise également
la convoitise des repreneurs de société cotée. La société initiatrice peut s’approprier petit à
petit les actions de sa cible puisque le flottant, part du capital social détenu par le public sous
la forme d’actions, est important. Les transactions sont facilitées par la dilution importante du
7
L’Expansion, mai 2004, N° 686
13
capital dans le public. Et la société qui devient propriétaire d’un certain seuil de détention du
capital : plus du tiers des titres ou des droits de vote d’une société cotée (thème qui sera
développé dans la seconde partie) a pour obligation d’informer l’Autorité des Marchés
Financiers (AMF) et de déposer un projet d’offre publique d’achat. Dès lors, des dirigeants
peuvent voir leur société passer sous le contrôle d’une autre.
En soi, un important capital flottant n’est pas un problème, mais se défendre face à une
société qui lance une offre publique d’achat attractive (prix supérieur au cours de bourse)
devient difficile dès lors que les actionnaires sont nombreux et s’ils ne sont pas « unis ». La
société devra alors faire adhérer ses actionnaires au projet de contre-offensive si elle souhaite
garder son autonomie. Elle devra les séduire en leur exposant ses projets, ses perspectives de
croissance… elle devra leur prouver qu’en restant dans le capital, la société leur créera plus de
richesse que si l’offre aboutit. Une lutte contre le comportement opportuniste des agents
s’engage alors : les actionnaires cherchent à maximiser leur profit et investissent dans les
sociétés qui leur attribueront un revenu à la hauteur du taux qu’ils requiert.
Exemple : Igor LANDAU, président du directoire d’AVENTIS a bien compris cela, ayant 86%
de son capital flottant, il a présenté le mois suivant l’annonce de l’offre publique d’achat de
SANOFI-SYNTHELABO, sa stratégie au conseil de surveillance d’AVENTIS et obtient
notamment le soutien du principal actionnaire, Seham RAZZOUQI, qui détient 13,5 % du
capital8.
c/ un retrait de la cote anticipé
Dès lors qu’un « Public to Privat » est envisagé, la société concernée par ce retrait de la cote
devient propice à une offre publique d’achat. Cette technique consiste à retirer une société des
mains du public. Pour réaliser ce retrait : 95 % des droits de vote de la société cotée doivent
être détenus puis la société peut faire l’objet d’une offre publique de retrait obligatoire ; dans
ce cas, les minoritaires sont contraints de céder leur part. Mais pour acquérir 95 % des droits
de vote, la société initiatrice lance une offre publique d’achat afin de racheter les titres
dispersés dans le public et devenir ainsi actionnaire majoritaire afin de pouvoir prendre les
décisions. Notons que l’intérêt n’est pas prioritairement la prise de contrôle mais plutôt
d’apporter une solution au problème des besoins en fonds propres de la société cotée sous
valorisée.
8
L’Expansion, mai 2004, n°686
14
Exemple : FRANCE TELECOM a utilisé ce procédé pour retirer sa filiale WANADOO de la
cotation en bourse.
2 – Des sociétés diverses
La faiblesse de certaines sociétés attise la convoitise des sociétés en quête de projets
(recentrage, diversification des activités…). Ainsi, les sociétés cibles des sociétés initiatrices
d’une offre publique d’achat sont généralement définies comme fragiles et ce quelles qu’en
soient les raisons. Cependant, nous ne devons pas généraliser cet aspect car il se peut que les
cibles soient assimilés à des potentiels.
a/ des cibles miroirs
Actuellement, la grande majorité des sociétés recentrent leurs activités. L’heure n’est plus à la
diversification. « Il s’agit avant tout d’opérations stratégiques centrées sur le cœur de métier
qui s’inscrivent dans une logique de renforcement géographique ou de compétence »9. En
conséquence, la société qui envisage une croissance externe par une offre publique d’achat
étudie les firmes qui exercent la même activité qu’elle ou des activités similaires. L’avantage
pour l’initiatrice est de disposer ainsi d’un minimum de connaissance dans le domaine
concerné pour faciliter la mise en commun des savoir-faire et des compétences humaines et
matérielles. Mais aussi en vue de favoriser la réalisation d’économie d’échelles grâce à des
productions quasi voire totalement similaires.
Pour attirer une société initiatrice, la cible doit également se positionner sur un secteur en
croissance qui offre ainsi des perspectives de rentabilité et donc de profits. Le but premier
étant d’obtenir un retour sur investissement positif c’est-à-dire créateur de valeur.
Remarquons en outre que le lancement d’une offre publique d’achat, synonyme de croissance,
renforce la notoriété de la société initiatrice puisqu’une société qui réalise ses projets s’attend
à améliorer sa rentabilité.
La demande est aussi une variable étudiée : plus la demande anticipée est élevée, plus les
perspectives de ventes le sont. En conséquence, si la société cible se positionne sur un marché
9
Option Finance, n°772, 16 février 2004
15
porteur, elle attire les investisseurs qui espèrent retirer des gains positifs de l’union via
notamment une progression du chiffre d’affaires. A cela s’ajoute l’ambition de gagner des
parts de marchés grâce à cette société cible. De même, la cible peut assurer à l’initiatrice de
l’offre un positionnement géographique plus large que celui dont elle dispose actuellement via
son réseau commercial.
En fait, ce sont les débouchés, les opportunités commerciales et les rentabilités anticipées qui
font d’une société une proie potentielle. À cela peut s’ajouter les caractéristiques de la
structure du haut de bilan d’une société : de faibles dettes rendent une société attractive car sa
capacité d’endettement sera mise au service de la stratégie de la société initiatrice. Elle
identifiera en cette cible un moyen de financer ses projets et par la même occasion le moyen
de bénéficier de l’effet de levier financier profitant aux actionnaires. (cf. effet de levier I A-1).
Néanmoins, en dehors de l’attrait pour les sociétés en bonne santé, les investisseurs ne
délaissent pas les sociétés en difficulté.
b/ des sociétés fragiles
Une société présentant des résultats décevants, déficitaires pouvant faire suite à la mise en
œuvre d’une stratégie va être convoitée. En effet, le prix d’une société tient compte de ses
résultats ainsi, moins elle est rentable, moins son prix d’achat sera élevé. D’ailleurs, selon la
théorie managériale, il est rationnel pour une entreprise de prendre le contrôle d’une
entreprise faiblement rentable : quand les mauvais résultats d’une firme sont à tort ou à raison
perçus comme la conséquence d’une gestion inefficace, une autre firme peut être tentée d’en
prendre le contrôle pour remplacer le dirigeant. Le poste de ce dernier sera alors occupé par
une personne considérée comme plus compétente en matière de gestion et de management. Le
but étant d’améliorer la rentabilité de la société grâce à une gestion efficace.
D’autre part, la complémentarité d’activité peut justifier le lancement d’une offre publique
d’achat sur une société présentant des résultats négatifs. L’une des activités pouvant permettre
de soutenir la seconde. Certaines activités sont en effet non rentables, économiquement, elles
devraient être supprimées, mais stratégiquement leur maintient est nécessaire pour assurer la
rentabilité d’une autre activité. PORTER les définit comme des « dilemmes ». La
complémentarité est également un moyen de diversification. La société initiatrice s’empare
16
alors de sa cible à un faible prix, celle-ci n’ayant pas toujours la possibilité de contrer l’offre
au vu d’une situation endommagée.
Exemple : COMCAST a profité de la faiblesse d’EURODISNEY pour lancer une offre
publique sur ses titres : en novembre 2003, la société visée présente « un des pires résultats
de son histoire ». Le groupe annonce dès lors à la Communauté financière que ses
engagements bancaires sont remis en cause suite à la baisse de la fréquentation des parcs à
thèmes10. Le groupe est fortement endetté. Cette situation conforte COMCAST dans son projet
de rachat des actions et lui offre la personnalité de mettre en œuvre sa stratégie de
diversification. Toutefois, l’opérateur américain n’a pas donné suite à l’offre11.
Notons tout de même que si l’offre publique d’achat est amicale (thème développé dans la
seconde partie), elle permet à la cible de survivre à ses difficultés.
II – Du lancement à la contre-offensive
Comme évoqué dans la première partie, l’offre publique d’achat est un moyen
d’assouvir les désirs de croissance d’une société et de renvoyer aux yeux de ses concurrents
l’image d’une entité plus forte. Ces offres sont néanmoins délimitées par un cadre législatif
qui définit les procédures de lancement et d’application de ce type d’offre (A). Quant aux
actionnaires de la cible, ils sont libres d’accepter ou, le cas échéant de refuser l’offre (B).
A – Réaliser une offre publique d’achat
Décider de lancer une offre publique d’achat est un moyen de mettre en œuvre la
stratégie de croissance externe élaborée par une société. Toutefois, des règles régissent les
procédures d’offre publique dont l’objectif est de protéger les intérêts des actionnaires et
principalement des minoritaires.
10
11
www.lexpansion.fr/art/2338.73942.0.htlm; L’Expansion, n°1233
www.lexpansion.fr/art/2417.75413.0.htlm; L’Expansion, n°1276
17
1 – La méthode non réglementée
Envisager un offre publique d’achat, c’est envisager de prendre le contrôle d’une
société cotée. Cela implique donc que l’initiateur de l’offre doit acquérir la totalité des titres
de sa cible quelle que soit la forme : actions, obligations convertibles, obligation
remboursable en action, bons à souscription d’action…Pour acquérir préalablement des titres,
une méthode non réglementée existe : celle du « ramassage des titres ». Elle consiste à acheter
sur les marchés boursiers les titres de la société convoitée en passant tout simplement des
ordres de bourses, de fait, les transactions sont effectuées au cours de bourse et avec le plus
souvent des vendeurs inconnus. Petit à petit, la personne qui envisage de lancer une offre
publique d’achat augmente sa participation dans le capital de la société qu’il convoite afin
d’en prendre le contrôle. Toutefois, le capital de ladite société doit être assez diffus pour
assurer la réussite de l’opération qui doit rester secrète pour éviter toute riposte de sa part.
En effet avec cette structure actionnariale diffuse, les actionnaires ne sont pas réellement
identifiés et ils disposent en général d’un infime partie du capital, leurs ventes de titres
n’entraînent donc pas de modification significative de l’actionnariat. Il est ainsi difficile et
long de se rendre compte de la manœuvre engagée.
En soi cette procédure ne paraît pas illégale, mais elle va à l’encontre des intérêts des
actionnaires minoritaires. Pour les préserver, les autorités boursières ont instauré des règles
légales qui imposent la notification du franchissement de certains seuils de contrôle de la
société concernée (5 %, 10 %, 20 %, 33 1/3 %, 50 %, et 66 2/ 3 %) qui s’apprécient
simultanément par rapport aux droits de vote et au pourcentage de capital. En conséquence, la
personne ou la société qui atteint à ces seuils doit informer les actionnaires concernés et
l’Autorité des Marchés Financiers. L’avantage de cette évolution juridique est d’entraver la
prise de contrôle abusive d’une société et donc d’empêcher que des décisions contraires à
l’intérêt des minoritaires leurs soient imposées. De plus, les actionnaires de la société ciblée
sont tenus informés de la modification de la structure actionnariale et leur confère ainsi une
liberté de choix : en toute connaissance de cause, ils peuvent continuer de céder leurs titres ou
au contraire d’arrêter en vue d’organiser une contre-offensive (thème qui sera développé dans
la partie B).
Outre cette technique de ramassage des titres, une autre procédure, celle-ci réglementée,
permet l’acquisition des titres de la société cible. Elle consiste tout simplement à proposer
publiquement aux actionnaires une offre d’achat de leurs titres. La réglementation impose
simplement des étapes pour vérifier que l’initiateur n’entrave pas les intérêts des minoritaires.
18
2 – Organiser légalement une offre publique d’achat
Les règles établies par les autorités boursières abordant les offres publiques s’appuient
sur deux principes généraux : « la transparence (dans la préparation et le déroulement de
l’offre) et l’égalité de traitements des actionnaires » 12.
Ainsi, le projet d’offre publique (qu’il soit d’achat ou d’échange), appelé « note
d’information », doit être déposé à l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) par la société
initiatrice. L’AMF a été créée par la loi n°2003-706 de sécurité financière du 1er août 2003,
elle est issue de la fusion de la Commission des Opérations de Bourses (COB), du Conseil des
Marchés Financiers (AMF) et du Conseil de la Discipline de la Gestion Financière (CDGF).
Ce rapprochement a pour objectif de renforcer l’efficacité et la visibilité de la régulation de la
place financière française. L’Autorité des Marchés Financiers est un organisme indépendant
dotée de la personnalité morale avec une autonomie financière. En terme d’offre publique
boursière, elle a pour mission de veiller à leur bon déroulement. Elle vérifie que les sociétés
respectent les délais de publication des informations qui doivent être complètes et de qualité,
et délivrée de manière équitable à l’ensemble des acteurs13.
La Commission des Opérations de Bourse, au sein de l’AMF, centre son étude sur la note
d’information et veille à ce que l’initiateur de l’offre détaille ses activités, sa situation
financière, les motifs de son offre (complémentarité de produits, devenir plus performant…),
ses intentions (en matière de restructurations : emplois ; en matière de projets…). L’initiateur
doit également dire s’il détient ou non une partie du capital de sa cible, ses actionnaires
principaux (exemple : Total et L’Oréal pour SANOFI-SYNTHELABO) et les caractéristiques
de l’offre (prix d’acquisition proposé aux actionnaires de la cible).
Ces informations sont ensuite rendues publiques, les actionnaires visés par l’offre publique
d’achat disposent d’un certain nombre de renseignements qui doit leur permettre de prendre
leur décision en toute connaissance de cause. Or dans ces analyses sur l’environnement
économique (années 60-70), le théoricien WILLIAMNSON pose deux hypothèses sur le
comportement des agents. La première concerne leur rationalité limitée, il démontre que les
individus ont une capacité réduite à percevoir l’environnement dans lequel ils évoluent du fait
de sa complexité. De plus, l’information est souvent mal répartie. Ce phénomène est lié à la
12
Finance d’entreprise, P. Vernimmen, Edition Dalloz, 2003, chapitre 47.
13
www.cof.f/styles/default/affiche_page.asp?vrldoc=lesmissionsamf.htm&lang.fr
19
seconde hypothèse développée par WILLIAMSON : les agents ont un comportement
opportuniste. Ils cherchent en priorité à satisfaire leur intérêt personnel et certains n’hésitent
pas à délivrer le minimum d’information qu’ils détiennent ou n’hésitent pas à les falsifier. Par
conséquent, le risque de délit d’initié n’est pas exclu, dans cette situation un agent utilise à des
fins spéculatives un ensemble d’information dont il est le seul à connaître. L’efficience totale
des marchés est alors remise en cause : les cours de bourse ne reflètent pas l’ensemble des
informations disponibles. La libre fluctuation des cours de bourse (au gré de l’offre et de la
demande) est perturbée par le comportement du ou des initiés. L’efficience des marchés tend
à être semi-forte voir faible.
Toutefois, en imposant la diffusion publique des caractéristiques d’une offre publique d’achat,
l’Autorité des Marchés Financiers chercher à favoriser à la fois une répartition optimale des
informations entre les individus et l’efficience des marchés. La société cible est également
concernée par ces mesures puisque la note d’information lui est adressée ; à son tour, elle doit
donner des renseignements la concernant et émettre un avis sur l’offre, c’est-à-dire, si elle
accepte les termes de l’offre ou si elle les juges insatisfaisants (prix de rachat sous valorisant).
Elle doit aussi informer les autorités boursières des accords pouvant avoir une incidence
significative sur l’issue de l’offre et les pactes d’actionnaires doivent être rendus publics.
Tous ces renseignements sont examinés par la Commission des Opérations de Bourse et si
elle appose son visa à la note d’information, l’offre publique d’achat peut-être lancée.
Remarque : une société qui souhaite lancer une offre publique sur une autre société n’est pas
tenue de détenir une partie de son capital.
Exemple : SANOFI-SYNTHELABO ne détenait directement ou indirectement, aucun titre de
capital ou donnant accès au capital d’AVENTIS lors du dépôt de projet de lancement de
l’offre publique d’achat14.
Le prix (et/ou la parité d’échange dans le cadre d’une offre publique mixte ou d’échange) que
l’initiateur propose aux actionnaires de la société cible est contrôlé. Toujours dans un souci de
protection des actionnaires et notamment des minoritaires, l’Autorité des Marchés Financiers
estime que l’offre proposée doit correspondre à une juste évaluation de la valeur de la cible
pour être déclarée recevable. La méthode d’évaluation doit reposer sur une évaluation
14
www.amf-france.org
20
multicritère qui inclut entre autre : le cours de bourse, la valeur patrimoniale et la valeur de
rendement de l’action de la cible. Remarquons qu’en général, le prix proposé est supérieur au
cours de bourse pour inciter les actionnaires à céder leurs actions. En principe, il est de 15 à
30 % plus élevé que la valeur en bourse de l’action15.
Dans le cas où l’Autorité des Marchés Financiers déclare non recevable l’offre, l’initiateur de
l’offre doit faire une nouvelle proposition.
Exemple : AVENTIS s’est déclarée insatisfaite de l’offre de SANOFI-SYNTHELABO, Igor
LANDAU a même parlé de « hold-up » jugeant que l’offre sous valorisait sa société16.
Ce type de contrôle permet d’éviter que des actionnaires s’enrichissent sur le compte d’autres
actionnaires. Des minoritaires pourraient se voir contraints de céder leurs titres à l’initiateur
de l’offre face à la pression exercée par les actionnaires principaux ou majoritaires de la
société cible qui eux souhaitent céder leurs titres à l’issue d’un accord avec la société
initiatrice par exemple. De fait, ces minoritaires réaliseraient une moins-value sur leurs
cessions si l’offre propose un prix de rachat inférieur à la valeur boursière ou réelle. À
l’inverse, pour les autres, cette procédure les enrichiraient, ils achèteraient des titres sousévalués et pourraient les revendre plus tard afin de réaliser une plus-value. Il y aurait alors
création de valeur pour les actionnaires principaux ou majoritaires de la société cible et
destruction de valeur pour les minoritaires. Le comportement opportuniste influe donc sur la
détermination du prix de l’offre : l’initiateur cherche à payer les titres à moindre coût et le
cédant cherche la maximisation de son profit.
Notons également que le dépôt d’un projet d’offre publique d’achat auprès des autorités
boursières entraîne la suspension de la cotation des titres visés par l’offre. C’est la déclaration
de recevabilité qui entraîne la reprise de la cotation (maximum deux jours après la publication
de l’avis de recevabilité). Cette mesure suspensive a pour vocation de limiter au maximum le
délit d’initié, par conséquent l’utilisation d’informations privilégiées à des fins spéculatives.
B – Les réactions face à une offre publique d’achat
15
16
Finance d’entreprise, P. Vernimmen, Edition Dalloz, 2003, chapitre 47
L’expansion, mai 2004, N°686
21
Face au lancement d’une offre publique d’achat, les actionnaires peuvent accepter
l’offre, l’offre publique est déclarée amicale ; ou au contraire refuser la proposition, l’offre est
alors déclarée hostile.
1 – Acceptation de l’offre
« Sur le marché français, la plupart des offres publiques sont des opérations
amiables »17. Cela signifie donc que la majorité des sociétés cibles d’une offre publique
acceptent la proposition de la société initiatrice et lui confère son contrôle en contrepartie
d’une rémunération.
Dans une offre publique d’achat amicale, les actionnaires de la cible apportent leurs titres à
l’offre sous forme d’apport à leurs intermédiaires ou en les vendant directement sur le marché
boursier. La société cible estime donc que le prix proposé pour le rachat de ses titres reflète
une valeur juste et acceptent de se désengager du capital de la société pour en laisser le
contrôle à une autre société.
Exemple : SUEZ LYONNAISE DES EAUX lance en 1999 une offre publique d’achat sur
UNITED WATER HOUSE, l’offre porte sur 1 milliard de $ US et ce projet a été approuvé à
l’unanimité par le conseil d’administration d’UWH. L’offre est donc amicale.
L’avantage d’une offre publique d’achat qui ne rencontre pas d’obstacle à sa réalisation est
que les dépenses considérées comme irrécupérables se limitent aux frais d’études et à la
rémunération d’intermédiaires. De plus, la stratégie du nouveau groupe est mise plus
rapidement en place, les investissements nécessaires aux restructurations sont réalisés. Audelà d’être, normalement, bénéfique au groupe, les investissements profitent à la croissance
économique en général. En effet, des sociétés qui investissent sont des entreprises qui ont des
projets, l’objectif étant souvent d’être plus compétitive, de proposer des produits plus
performants aux consommateurs et même de nouveaux produits afin d’élargir l’offre et par
conséquent la clientèle. Si la société doit produire plus, elle prendra possession de matériel
17
Gestion financière, G.Charreaux, édition Litec 2000
22
supplémentaire et embauchera du personnel. En outre, des clients plus nombreux permet un
accroissement de chiffre d’affaires et dans le cadre d’une bonne gestion de la rentabilité. Des
résultats satisfaisants génèrent un montant de dividendes à distribuer aux actionnaires plus
important créant ainsi de la richesse aux actionnaires.
Or en cas d’offre publique d’achat hostile, des frais supplémentaires sont engagés : l’initiateur
doit surenchérir l’offre s’il souhaite réellement prendre le contrôle de sa cible, il doit rendre sa
proposition plus attractive. Des réunions s’imposent alors pour déterminer la nouvelle offre,
reformuler les objectifs stratégiques de l’opération afin de convaincre les actionnaires. Le
temps de procédure est allongé et retarde les projets. Autant d’éléments qui accroissent les
dépenses et qui retardent la réalisation des projets et la création de valeur actionnariale.
Du point de vue de l’actionnaire, accepter une offre publique d’achat est un moyen de réaliser
une plus-value sur leurs titres. Ils peuvent estimer que le cours de leurs titres va baisser dans
le futur (même proche) ; de même, l’offre peut correspondre à une somme d’argent supérieure
à leur mise de départ. Quelles que soient la raison de l’apport de leurs titres, les actionnaires
seront en possession de liquidités. Ils peuvent choisir de les réinvestir en bourse en achetant
d’autres actions, ils mettent donc de nouveaux fonds à la disposition des sociétés cotées. Ces
dernières voient leurs capitaux propres augmenter et améliore par conséquent leur capacité
d’endettement. Si elles optent alors pour l’emprunt comme mode de financement de leur
projet, elles accroissent la rentabilité financière et crée ainsi de la valeur pour les actionnaires
grâce à l’effet de levier financier. En outre, un afflux de capitaux qui est réinvestit peut
renforcer la compétitivité de la société, renforcer son positionnement sur le marché ou
atteindre la taille critique. Ses résultats s’améliorent et permettent la distribution de
dividendes. Les actionnaires s’enrichissent.
Autre possibilité, les actionnaires peuvent utiliser immédiatement leur disponibilités en
achetant des biens et participer à la croissance économique par la croissance de leur demande.
Enfin, les actionnaires peuvent épargner leurs excédents de liquidités. Ces sommes d’argent
immobilisées seront employées à une échéance plus lointaine. Le gain pour l’économie ne
sera cependant pas immédiat.
D’une manière général, chaque actionnaire va rechercher la maximisation de sa richesse et
saisir les opportunités qui se présentent à lui pour y arriver, offres publiques d’achat incluses.
23
Des études ont d’ailleurs montré que les actionnaires de la société cible sont généralement les
premiers gagnants 18. Il est donc dans leur intérêt d’accepter l’offre publique d’achat.
2 – Des actionnaires réfractaires
Comme évoqué précédemment, une offre publique d’achat peut-être bien accueillie
par les actionnaires de la société cible et créer de la valeur à la fois pour les actionnaires et
pour l’économie. Toutefois, la société cible est libre de refuser l’offre pour des raisons qui lui
sont propres, elle devra alors faire preuve de stratège pour conserver son indépendance.
Quelques méthodes de contre-offensive après le lancement d’une offre publique d’achat sont
décrites ci-dessus.
Si une offre publique d’achat est déclarée recevable par les autorités boursières mais que les
actionnaires de la société cible la refuse, on parle d’offre publique d’achat hostile. Les
actionnaires peuvent juger l’offre d’achat insuffisante au regard de la valeur qu’ils se font de
leur société. (cf. AVENTIS qui parle de « hold-up »).
Pour réussir à contrer une offre publique d’achat, les actionnaires de la cible doivent agir
ensemble. Le dirigeant actuel doit démontrer à ses actionnaires qu’il est capable de leur
apporter plus que ce que leur propose le repreneur qui sera alors détenteur du capital. On entre
dans le cadre de la théorie de l’agence qui définit la relation entre les dirigeants et les
actionnaires comme un contrat par lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage une
autre personnes (l’agent) pour effectuer en son nom ou en leur nom une tâche qui implique
une certaine délégation de pouvoir. Les actionnaires apportent des capitaux et laissent la
gestion aux dirigeants qui sont plus compétents dans ce domaine, c’est le principe de la
séparation de la propriété et du contrôle évoquée par BERLE et MEANS en 1932. De fait, les
dirigeants ont été choisis grâce à leur capacité de gestion mais rien n’obligent les actionnaires
à les maintenir à leur poste. Ils sont donc libres de conserver ou de recomposer partiellement
ou totalement leur équipes de direction. Ce choix dépend de la satisfaction, monétaire
notamment, qu’ils retirent de l’équipe dirigeante en place. Si la gestion actuelle leur convient,
ils ne verront pas l’intérêt d’accepter l’offre publique d’achat qui impliquerait leur
renonciation à des profits pécuniaires. Cependant, les auteurs soulignent que cette relation
18
www.dauphine.fr/cereg/cahiers/cahiers9501.pdf
24
entre dirigeants et actionnaires peut souffrir de divergences d’intérêts surtout en situation
d’information imparfaite. Les dirigeants (agents) ont bien souvent des informations en
quantité plus abondante que les actionnaires (principaux) et qui sont difficilement vérifiables.
De fait, les agents de la cible peuvent profiter de l’asymétrie d’information au détriment des
principaux et dans le cadre d’une offre publique d’achat les orienter vers un choix de gestion
qui leur convient. Le remaniement de l’équipe de direction, souvent à leur détriment, suite aux
succès d’un offre publique d’achat peut les inciter à faire refuser aux actionnaires de céder
leurs titres. Il est donc important que les actionnaires instaurent un système de contrôle sur
leurs dirigeants afin de faire converger les intérêts de chacun, or cela suppose des coûts
d’agence.
Un autre moyen de contrer une offre publique d’achat et de recourir à une aide extérieure : le
« chevalier blanc ». Cette aide peut venir spontanément d’une autre société. Toutefois, le
cheval blanc peut se désengager et ne pas prendre le contrôle de la société cible de l’offre
publique d’achat laissant de nouveau la place à l’initiateur de l’offre. Remarquons également
que ce système de défense contraint la société cible à perdre son indépendance quel que soit le
repreneur.
Exemple : Le groupe pharmaceutique suisse NORVATIS se propose de racheter AVENTIS,
solution qui convenue de suite à AVENTIS qui ne souhaitait pas céder ses titres à SANOFISYNTHELABO19. NOVARTIS n’a cependant pas donné suite à sa proposition.
Enfin, évoquons une dernière « arme » contre la réussite d’une offre publique d’achat : le
R.E.S : reprise de l’entreprise par les salariés, c’est la technique anglo-saxonne du L.M.B.O :
Leverage Management Buy Out. Cette technique permet à la société cotée d’être rachetée par
ses salariés et ne pas voir entrer « un étranger » dans son capital pour en prendre le contrôle.
Les salariés lancent une autre offre publique d’achat sur leur société et utiliseront des outils
d’ingénierie financière pour la réaliser :
Ø Le levier juridique : ils doivent créer une société holding de reprise dont la mission
est de racheter la société cible de l’offre publique d’achat.
Ø Le levier financier : la société holding s’endettera en vue d’acquérir les titres de sa
cible, la remontée des dividendes de cette dernière permettra le remboursement de
l’emprunt.
19
L’Expansion, Mai 2004, n° 686
25
Ø Le levier fiscal : en rachetant 95 % du capital de la cible, la société holding pourra
opter pour l’intégration fiscale et réaliser des économies d’impôts. En effet, les
résultats de la cible seront négatifs du fait de la déductibilité des charges d’intérêts
aux dividendes.
Dans ce cas, la distinction entre la propriété et le contrôle sera plus floue. Néanmoins, ce ne
sera pas forcément négatif puisque l’avantage d’un R.E.S et que les salariés repreneurs
connaissent le fonctionnement de la société et ses méthodes de travail. Le succès de la reprise
est facilité.
En théorie, cette technique s’apparente à un moyen de défense pertinent pour empêcher le
succès de la première offre publique d’achat mais la procédure est longue. Les contraintes de
temps sont trop fortes pour permettre la mise en pratique de cette « arme ».
Globalement, la réaction des actionnaires est largement conditionnée par la plus ou moins
grande implication des actionnaires dans la société cible. Les réticences sont plus fortes dès
lors qu’ils sont issus de la famille fondatrice par exemple. La transmission du capital est plus
difficile à cause de leur attachement familial et sentimental.
CONCLUSION
26
Les offres publiques d’achat sont donc un outil au service de la croissance externe,
elles permettent à une société de prendre le contrôle d’une autre société. Les offres publiques
sont considérées comme un puissant mécanisme de réallocation des ressources. Ces dernières
doivent en effet être réparties de façon optimale afin d’améliorer les capacités de production
des sociétés et donc leurs performances, engendrant ainsi une meilleure rentabilité. Les
sociétés actuelles désirent être plus rentables pour renforcer leur pouvoir de marché et leur
puissance financière ; de fait, elles utilisent les offres publiques d’achat à des fins
concurrentielles. Mais au-delà d’être une arme de concurrence, ces manœuvres boursières
concourent à créer de la richesse aux actionnaires du groupe nouvellement crée . En effet, une
société plus rentable est une société présentant de meilleurs résultats qui permettent la
distribution de dividendes.
De même, les actionnaires de la cible qui sont les premiers
concernés par la proposition de rachat de leurs titres peuvent tirer profit de la situation grâce
notamment au prix de rachat qui est généralement supérieur au cours de bourse. Cette
conséquence est concevable grâce à l’encadrement législatif de ces offres. En effet, l’absence
de réglementation accentuerait l’asymétrie d’informations entre les agents et fausseraient leur
choix. De même, ce vide juridique favoriserait les prises de contrôle abusive qui pourraient
être nuisibles aux actionnaires.
Actuellement, les offres publiques d’achat sont très à la mode et elles laissent présager
qu’elles seront encore plus nombreuses dans les prochaines années. Les chaos boursiers ont
entraîné la sous valorisation de certaines sociétés affectant par conséquent leur capitaux
propres. Elles pourraient même faire l’objet de retrait de la cote (public to private). Notons
également, que de nombreux actionnaires minoritaires déçus par la bourse n’attendent qu’une
chose : la remontée des cours afin de sortir avec le moins de pertes possible. Les offres
publiques d’achat peuvent être l’occasion de se retirer des marchés boursiers en réalisant une
plus-value et ne seraient donc pas contraires à l’intérêt des actionnaires.
BIBLIOGRAPHIE
27
Certains ouvrages ne sont pas cités directement mais ils ont concouru à la réalisation du
mémoire :
- Charreaux G. : Gestion financière, Edition Litec, 2000
- Vernimmen P. : Finance d’Entreprise, Edition Dalloz, 2003
- Chadefaux M. : Fusions et acquisition, Groupe Revue Fiduciaire, 2003
Revues économiques et boursières :
-
La tribune
-
L’expansion
-
Les échos
-
Option Finance
Sites Internet
-
www.lexpasnion.fr
-
www.laviefinancière.com
-
www.lexpress.fr
-
www.amf-france.org
-
www.lesechos.fr
28

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