Interprété par Robert Shaw Les années 70
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Interprété par Robert Shaw Les années 70
100 icônes badass du cinéma Les années 70 • John Plissken • QUINT Interprété par Robert Shaw • Le film: Les dents de la mer (Jaws, 1975). Réalisé par Steven Spielberg • R obert Shaw mériterait un livre à lui tout seul pour son interprétation inoubliable du chasseur de requins au long cours Quint, pièce maîtresse et certainement personnage le plus extraordinairement fascinant du chef-d’œuvre de Steven Spielberg. Shaw, vétéran du cinoche depuis les années 1950, réputé casse-burnes sur les plateaux mais acteur d’immense talent, n’était pourtant que le troisième choix de Steven Spielberg, qui avait initialement jeté sans succès son dévolu sur Lee Marvin puis Sterling Hayden. Le tournage des Dents de la mer fut, comme on sait, un cauchemar pour Spielberg, le pire de toute sa carrière et le réalisateur en garda durant de longues années un véritable ressenti vis-à-vis du film. Parmi les innombrables galères : le Britannique Robert Shaw. Le comédien ne faillit pas à sa réputation de prima donna ingérable et importa sur le plateau ses problèmes d’alcoolisme, ajoutant une tension supplémentaire là où Spielberg n’en avait vraiment pas besoin. Shaw détestait Richard Dreyfuss et, dans le film, l’inimitié entre les personnages de l’océanographe Hooper (Dreyfuss) et Quint n’est pas vraiment feinte. La scène-clé du récit de Quint sur le naufrage de l’USS Indianapolis, en partie écrite par John Milius, fut au départ une catastrophe, toutes les prises de Shaw étant inutilisables au vu de l’état d’ébriété avancée de l’acteur ce soir-là. Conscient d’avoir merdé, Shaw mit tout de même de l’eau dans son vin (si je puis dire, hum…) et demanda à Spielberg de recommencer la scène le lendemain, avec le fabuleux résultat que l’on sait. Poivrot peut-être, mais professionnel encore plus. À l’écran, Robert Shaw est autant un pilier émotionnel de Jaws qu’une véritable attraction. À l’image de sa première apparition dans le film (des doigts crissant sur un tableau), il polarise inexorablement l’attention par ses vociférations, son chaleureux argot (magnifique VF d’origine) et sa gouaille permanente. Sa part de ténèbres, il nous la révèle lors de cette glaçante anecdote de l’Indianapolis, fondation de sa haine recuite du requin renvoyant directement à l’obsession du capitaine Achab pour le grand cachalot blanc Moby Dick. Robert Shaw s’y montre prodigieux, d’une justesse terrible et nous impose le silence comme à ses deux compagnons de chasse, médusés. Le badass marin achèvera de s’octroyer une place au soleil dans nos mémoires avec l’atroce disparition de Quint dans la gueule du requin retors. La mâchoire du monstre se referme, celle de Quint s’ouvre en grand pour pousser le plus traumatisant des cris. Une fin opératique à la mesure de ce vieux loup de mer, boulotté par son pire ennemi. ¶ 63