L`Armée de l`Air au 1 mars 1941

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L`Armée de l`Air au 1 mars 1941
L’Armée de l’Air au 1er mars 1941
(D’après l’ouvrage d’Etienne Perrier, Matériels et tactiques de l’Armée de l’Air dans la
Seconde Guerre Mondiale, Ed. Docavia, Paris, 1997)
Note : les données chiffrées relatives au D-520 concernent également les versions dérivées D520M et D-523.
En janvier et février 1941, l’Armée de l’Air a supporté la plus grande partie du poids du
combat aérien en Méditerranée Occidentale, que ce soit pour défendre la Corse et la Sardaigne
ou pour défendre la région Malte (avec la RAF) et Tunis. Le rythme très élevé des opérations,
proche de celui de la Bataille d’Angleterre, a évidemment eu un sérieux effet sur la situation
et les capacités opérationnelles de l’Armée de l’Air.
I – La chasse
A – Pertes et victoires
Les pertes ont été lourdes durant les six premières semaines de l’année, mais non sans
résultats. Les données à la disposition du commandement français sont reproduites ci-dessous,
par unité (Escadre de Chasse : EC, Groupe de Chasse : GC).
Pour les pertes, le premier chiffre indique les pertes directes en combat, le second les autres
pertes, par accident à l’entraînement ou à l’atterrissage d’un appareil endommagé.
Pour les victoires en combat aérien, le premier chiffre indique les victoires officielles
(confirmées notamment par l’épave de l’avion ennemi), le second les victoires probables
(déclarations du pilote non confirmées par d’autres preuves). Les chasseurs français ayant
surtout combattu au-dessus de leur territoire et les avions allemand et italiens devant rentrer à
leur base au-dessus de la mer après le combat, les victoires probables décrivent des avions qui
ont pu tomber en mer ou être trop endommagés pour être réparés par les équipes au sol
allemande ou italiennes.
1 – Unités équipées de Hawk-81
* Pertes totales de Hawk-81 : 92
4e EC (Malte) : 34 / 17, total 51
5e EC (Tunis) : 26 / 15, total 41
* Avions abattus en combat par les unités équipées de Hawk-81:
4e EC (Malte) : 81 / 31
5e EC (Tunis) : 64 / 27
* Rapport victoires (confirmées + probables) sur pertes totales : 203 / 92 = 2,2
2 – Unités équipées de D-520
* Pertes totales de D-520 : 91
3e EC (Corse) : 31 / 16, total 47
GC II/6 (Corse puis Tunis) : 11 / 5, total 16
7e EC (redéployée d’Oran à Tunis) : 17 / 11, total 28
* Avions abattus en combat par les unités équipées de D-520 :
3e EC (Corse) : 84 / 39
GC II/6 (Corse puis Tunis) : 21 / 17
7e EC (redéployée d’Oran à Tunis) : 39 / 29
* Rapport victoires (confirmées + probables) sur pertes totales : 226 / 91 = 2,48
3 – Unités équipées de Hawk-75
* Pertes totales de Hawk-75 : 47
GC II/2 et III/2 (Sardaigne) : 19 / 9, total 28
GC I/2 (redéployé à Tunis) : 9 / 4, total 13
GC I/10 (Corse) : 4 / 2, total 6
* Avions abattus en combat par les unités équipées de Hawk-75 :
GC II/2 et III/2 (Sardaigne) : 37 / 24
GC I/2 (redéployé à Tunis) : 15 / 12
GC I/10 (Corse) : 5 / 2
* Rapport victoires (confirmées + probables) sur pertes totales : 95 /47= 2,02
4 – GC à long rayon d’action équipés de bimoteurs
* Le GC I/13 a perdu 7 Potez 631 et 3 Douglas DB-7
Le GC II/13 a perdu 4 Douglas DB-7
Total : 14 avions perdus
Le I/13 a revendiqué 8 victoires confirmées et 6 probables
Le II/13 a revendiqué 3 confirmées et 3 probables
Total : 11 confirmées et 9 probables (bombardiers et transports surtout)
5 – Totaux généraux de victoires
Le total des victoires des chasseurs de l’Armée de l’Air en presque six semaines de combat
continu s’établit à 544 avions. Il faut y ajouter 139 avions revendiqués par les Hurricane de la
RAF et 35 par les G36A de l’Aéronavale et les Fulmars de la FAA, pour un total général de
718 avions. La DCA a revendiqué 21 avions.
L’Axe a donc perdu 739 avions militaires (combat et transport), dont environ 420
allemands (sur 1 248 mis en ligne sur ce théâtre à cette époque) et 320 italiens (sur 1 081 mis
en ligne, mais dont plus de 35% ont été redéployés pendant la bataille vers la côte est de
l’Italie pour soutenir les troupes en Albanie).
B – Commentaire sur le « score »
1 – Le rapport victoires/pertes par type est un bon indicateur de la valeur des avions,
mais aussi de la situation tactique.
Les D-520 opéraient, en dehors des avions de la 3e EC, à partir de terrains moins exposés que
les H-81. Le Dewoitine possède des réservoirs auto-obturants et un blindage, et le « moteurcanon » Hispano-Suiza de 20 mm est souvent mortel pour sa cible.
Les Hawk-81 opérant de Malte avaient peu de marge d’alerte avant un raid et l’armement de 2
x 12,7mm et 4 x 7,5mm, efficace contre les avions italiens, l’était souvent moins contre les
avions allemands, mieux protégés. Néanmoins, les équipages allemands de bombardiers ont
subi contre eux des pertes importantes (tués et blessés), même dans des avions considérés
comme légèrement endommagés (ce qui reproduit les faits observés durant la bataille
d’Angleterre, contre les Spitfire et les Hurricane armés de 8 x 7,7 mm).
2 – Le rapport victoires/pertes global est nettement favorable.
Trois raisons principales expliquent ce succès.
– D’abord, les avions. Si la Luftwaffe a introduit début 1941 un nouveau chasseur, le
Bf.109F, ce n’est pas encore en nombre important. La plupart des avions italiens restent des
modèles dépassés. L’Armée de l’Air combat avec une bien plus grande proportion d’avions
modernes qu’en mai 1940. Même les Hawk-75 utilisés sont de la variante A4, dotée du
moteur Wright GR-1820-G205A, plus puissant que celui des variantes A2 et A3 utilisées
durant la Bataille de France.
– Ensuite, au moins dans la zone Malte-Tunis, les chasseurs français (et britanniques)
jouissent d’un contrôle et d’un guidage radar dont les unités de la Bataille de France ne
disposaient pas. En Corse, même après la destruction du radar d’origine britannique, les
postes d’observation installés dans les montagnes avertissent les chasseurs opérant d’Ajaccio
assez en avance pour leur permettre de grimper à l’altitude de combat avant d’attaquer la
formation ennemie.
– Enfin, les chasseurs monomoteurs de l’Axe opèrent le plus souvent au-dessus de la mer et,
en dehors des combats au-dessus de la plaine d’Aléria, à relativement longue distance de leurs
bases. Ils sont moins aptes à protéger les bombardiers et à combattre, car les pilotes craignent
de manquer de carburant pour le voyage de retour. De ce fait, l’avance technologique relative
représentée par l’introduction du Bf.109F est largement compensée par les contraintes
tactiques.
C – Déploiement
A la suite des pertes subies et de la livraison de 50 Hawk-81 en février 1941, le
commandement de la Chasse de l’Armée de l’Air a redéployé ses forces comme suit.
– Corse / Sardaigne
3e EC (GC I/3, II/3, III/3), Ajaccio Campo-dell’Oro et Sartène-1: 48 D-520
GC II/2, III/2, Cagliari-Elmas : 40 Hawk-75 A4
GC I/10, Corse : 20 Hawk-75 A4
– Malte-Tunis
4e EC (GC I/4, II/4, III/4), Malte : 48 Hawk-81
5e EC (GC I/5, II/5, III/5), région de Tunis : 48 Hawk-81
7e EC (GC II/7, III/7), Tunis : 40 D-520
GC II/6, Corse puis région de Tunis : 16 D-520
GC I/2, région de Tunis : 20 Hawk-75 A4
– Algérie
41e EC (belge – I/41, II/41 et III/41) : 60 Hawk-75 A3
NB – Une partie de la 41e EC interviendra ponctuellement en Tunisie ou au Maroc
– Maroc
GC I/9, Casablanca : 20 Hawk-75 A4, en attente de transformation dès que possible sur
Hawk-81
– Chasse à long rayon d’action
GC I/13, Cagliari-Elmas et Bône : 6 Potez-631 et 14 DB-7A.
GC II/13, Bône : 18 DB-7A (dont 4 équipés d’un radar britannique AI).
– Réserves
41 D-520, 36 Hawk-81 (70 autres doivent être livrés mi-mars 1941), 93 Hawk-75 A4, 100
Hawk A-75 A3.
D – Organisation
Avec le redéploiement partiel du Ve FliegerKorps vers la région de Grosseto, l’offensive
contre Malte s’atténue. De plus, on peut tenir compte des renforts de Hurricane parvenus aux
squadrons de la RAF défendant l’île. Il est donc possible de consacrer davantage de forces à la
défense de la Corse et de la Sardaigne. L’achèvement d’un nouveau terrain près de Propriano
(Sartène-1) est un facteur important de stabilité après la perte des terrains de Solenzara et de
Bastia.
Par ailleurs, le gouvernement américain a accepté d’accélérer la livraison de Hawk-81 et de
lancer la production de Hawk-87 (P-40 D/E) dès que possible pour permettre la conversion
des GC encore équipés de Hawk-75.
E – Tactique
En théorie, la formation de chasse standard dans l’Armée de l’Air est encore la « patrouille
double » de 2 x 3 avions. Cependant, comme cela a déjà été expérimenté avec succès durant la
Bataille de France, la véritable formation est de 3 x 2 avions. Pas aussi efficace que la « finger
four » ou la « twin finger four », elle donne cependant une assez bonne flexibilité en combat
aérien. Cependant, pour améliorer la répartition des forces, le GC standard de 20 avions a
souvent été réduit à 16 avions divisés en deux patrouilles de 8, elles-mêmes composées de 4
sections de 2 avions. Cette modification imposée par les événements va par la suite favoriser
l’adoption de la « finger four ».
F – Améliorations techniques
– Le gouvernement a acheté en mai 1940 des Curtiss Hawk-81B avec réservoirs autoobturants et blindage du cockpit. Ils commencent à être livrés début 1941 à la France (et au
Royaume-Uni, sous le nom de Tomahawk IIB). Mieux armé et plus rapide, le Hawk-87 qui
doit les remplacer est attendu avec impatience.
– Sans possibilité de nouvelle fabrication, le stock de D-520 fond rapidement. Néanmoins, il
est nécessaire de poursuivre sur ceux qui restent les deux programmes d'amélioration
imaginés dès le début de juin 1940 et mis en œuvre dès le mois de décembre. Le premier est
axé sur des améliorations aérodynamiques simples, à effectuer par les dépôts de l’Armée de
l’Air. Le D-520 MA (ou D-520M) ainsi obtenu peut atteindre près de 570 km/h à 6 000 m. Le
second programme reprend ces améliorations en les combinant à des modifications plus
poussées, dont notamment le montage d’un moteur HS 12Y-51 fabriqué en Suisse et obtenu
grâce à la « filière yougoslave ». Cette évolution a été mise en œuvre dès avant le Grand
Déménagement, donnant le prototype D-523, qui aurait dû devenir le standard de production.
L’avion atteint près de 590 km/h à 6 000 m. Dans les deux cas, c’est nettement mieux que le
Hawk-81, qui ne peut dépasser 553 km/h 5 000 m et aussi bien que le Hawk-87 à haute
altitude (ce dernier étant meilleur au-dessous de 5 000 m).
La taille du programme va être réduite par les lourdes pertes subies pendant l’opération
Merkur. Néanmoins, au 1er mars, 112 D-520 MA et 40 D-523 ont été produits et les livraisons
aux unités ont commencé : D-520 MA aux GC I/3, III/3 et III/7, D-523 au GC II/3.
– Après modifications par les ateliers de l’Armée de l’Air, le DB-7A à moteurs Wright R2600 remplace peu à peu le Potez 631 dans le rôle de chasseur à long rayon d’action. Le poste
du navigateur bombardier est remplacé par un nez opaque abritant 4 x 7,5 mm et 2 canons de
20 mm Hispano (dont certains ont été récupérés sur de vieux MS-406 utilisés pour
l’entraînement avancé dans les écoles de pilotage du Maroc).
Globalement, les pertes éprouvées dans les deux premières semaines de Merkur sont trop
importantes pour être compensées sans livraisons américaines supplémentaires et massives
(correspondant au démarrage les semaines suivantes des livraisons Prêt-Bail). En fait, au 1er
mars, l’Armée de l’Air ne met plus en ligne en Méditerranée Occidentale que 360 chasseurs
monoplaces opérationnels contre 420 au 1er janvier, et les réserves baissent rapidement.
II – Le bombardement
Les unités de bombardement moyen ont plus souffert que celle de bombardement léger lors
des raids diurnes contre les terrains et les ports de l’Axe. 51 LeO-451 et 43 Douglas DB-7 ont
été perdus, et seulement 36 Martin M-167 Maryland. Cela ne reflète pas un défaut quelconque
d’un des deux types, mais le fait qu’ils ont été utilisés de façon plus intensive et contre des
objectifs mieux protégés. Devant l’évolution de la situation en Corse et en Sardaigne, toutes
les Escadres de Bombardement ont été redéployées en Afrique du Nord, à l’exception de la
34ème EB, opérant de Malte.
Groupes équipés de LeO-451
11e EB (GB I/11, II/11) et 12e EB (I/12, II/12), avec 30 avions chacune, opérant de Bône
(aujourd’hui Annaba).
23e et 31e EB, avec 36 avions chacune, opérant d’Alger-Maison Blanche.
Total : 132 avions et 27 en réserve.
Groupes équipés de Douglas DB-7
21e EB, 25e EB et GB I/61 indépendant, avec un total de 100 avions, opérant de Bône.
19e EB, avec 40 avions, et 42e EB (belge) avec 20 avions, déployés à Alger-Maison Blanche.
Total : 160 avions et 57 en réserve.
Note – Deux des trois GB belges de la 42e EB sont encore équipés d’appareils anciens (DB-8,
Battle), en attente de la livraison des DB-7A achetés par la Belgique aux USA.
Groupes équipés de Martin M-167 Maryland
32e EB, avec 40 avions, opérant de Bône.
62e et 63e EB, avec 40 avions chacune, opérant d’Oran-La Sénia.
34e EB, avec 40 avions, opérant de Malte.
Total : 160 avions et 74 en réserve.
Comme pour le D-520, aucune production supplémentaire de LeO-451 ne peut être espérée.
Le remplacement de ce bombardier moyen rapide est donc une priorité.
Le gouvernement français a acheté un grand nombre de DB-7 à moteurs Wright R-2600. Les
100 premiers, commandés en octobre 1939, seront dénommés DB-7A. Une variante
légèrement modifiée (avec une dérive agrandie) est commandée sous l’appellation DB-73
(480 achetés en mai 1940). Fin 1940, les livraisons de DB-7A sont terminées et celles de DB73 (dont la moitié seront en réalité fabriqués par Boeing) commencent en février 1941.
Les DB-7A, dont la RAF a reçu 50 exemplaires sous le nom de Havoc II pour la chasse de
nuit, seront utilisés comme chasseurs à long rayon d’action, remplaçant les Potez-631, et
quelques-uns pourront recevoir le radar British AI Mk IV.
Le DB-73 remplacera les DB-7 à moteurs Pratt & Whitney et, à partir de l’été 1941, une
partie des LeO-451. Avec une vitesse maximum de 510 km/h à 3000 m, le DB-73 sera un
efficace bombardier à basse altitude, mais ne pourra pleinement remplacer le LeO-451. Ce
rôle sera celui du North-American B-25.
Le Martin-167 (Maryland pour les Anglais, et souvent dénommé « Glenn », pour GlennMartin, par les Français) devait être remplacé par le Martin-187 A-30 Baltimore, un peu plus
puissant. Mais c’est le Martin B-26 Marauder qui prit la place de celui-ci.

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