VERS LES GAMMA-CAMÉRAS À SEMI
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VERS LES GAMMA-CAMÉRAS À SEMI
Vers les gamma caméras à semi-conducteurs VERS LES GAMMA-CAMÉRAS À SEMI-CONDUCTEURS O.PEYRET, C.MESTAIS, L.VERGER LETI (CEA - Technologies Avancées) - Département Systèmes - CEA/G - Grenoble - 1. Introduction : les limites de la caméra d’Anger Avec l’utilisation principale du 99mTc, la caméra d’Anger s’impose depuis près de 40 ans comme la solution standard pour la tête de détection d’une gamma-caméra pour la médecine nucléaire. Le principe est basé sur l’utilisation d’un cristal scintillateur monobloc en NaI(Tl), couplé à un ensemble de photomultiplicateurs (PM) . La somme des signaux des PM fournit l’énergie du gamma, sa position est donnée par le calcul du barycentre des réponses des PM (Figure 1). - PM - guide de lumière - cristal - collimateur l’électronique associée. En améliorant la résolution en énergie d’un facteur 2 au cours des années, on a limité la contribution du diffusé dans l’image, mais aujourd’hui on atteint pratiquement la limite physique, soit 9 à 10 % à 140 keV. En ce qui concerne la résolution spatiale intrinsèque de la caméra, il est coûteux et peu efficace de chercher à l’améliorer, car la résolution du système est essentiellement limitée par la résolution du collimateur, c’est-à-dire par le principe même d’acquisition de l’image, soit 8 à 9 mm à une distance de 10 cm. Des applications spécifiques ont amené certains constructeurs à proposer des variantes de la solution d’Anger déplaçant des compromis classiques, en particulier en proposant des solutions multi-cristaux ou multi-détecteurs. C’est le cas de produits dédiés pour l’imagerie cardiaque ou pour la mesure du débit sanguin cérébral (2). Mais depuis 4 à 5 ans, plusieurs constructeurs orientent leurs efforts sur le développement d’une nouvelle génération de gamma-caméras, basée sur l’utilisation de détecteurs semiconducteurs (3). 2. Un nouveau matériau détecteur - FIGURE 1 Schéma de principe de la caméra d’Anger L’évolution technologique a permis une progression sensible des performances : résolution en énergie, résolution spatiale, capacité de comptage. Cependant, on peut considérer qu’aujourd’hui, la solution d’Anger est arrivée à ses performances limites. En effet, la structure d’une gammacaméra, commune chez tous les constructeurs, trouve un compromis optimal entre sensibilité, résolution en énergie, résolution spatiale et capacité de comptage (1). Si quelques progrès ont été encore réalisés ces dernières années sur la capacité de comptage (500 kcoups/s) pour permettre les mesures pour corrections d’atténuation et l’utilisation en coïncidence avec émetteur positons, il est évident que la caméra ne traitant qu’un gamma à la fois, on peut difficilement envisager de dépasser le million de coups par seconde sans risque élevé d’empilements. La limitation est donnée par la rapidité du cristal et par la complexité de Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°2 Deux modes de détection permettent de convertir le rayonnement gamma en un signal électrique (Figure 2) : - un mode indirect, utilisant le principe de la scintillation du milieu détecteur. La conversion se fait en deux étapes : gamma-lumière puis lumière-charges. C’est le cas de l’ensemble scintillateur-PM, - un mode direct, utilisant le principe de l’ionisation du milieu détecteur. Le rayonnement crée directement des charges électriques : paires électron-ion dans un gaz, paires electron-trou dans un semi-conducteur, qui sont collectées par un champ électrique établi dans le détecteur. La conversion directe dans un semi-conducteur présente deux avantages : - les charges collectées au droit de l’interaction sont canalisées par le champ électrique. On peut ainsi avoir un détecteur épais pour obtenir un fort pouvoir d’arrêt sans 129 O. PEYRET, C. MESTAIS, L. VERGER compromis sur la résolution spatiale, ce qui n’est pas le cas d’un scintillateur dans lequel la lumière diffuse et dont l’épaisseur doit être choisie en fonction de la résolution spatiale souhaitée, - mais surtout, le nombre de charges créées par l’interaction est bien supérieur dans un semi-conducteur, ce qui permet d’améliorer la résolution en énergie. En effet, la résolution en énergie dépend en premier lieu du nombre d’événements secondaires créés puis finalement du nombre de charges collectées suite à l’interaction primaire. Pour la caméra d’Anger, elle est limitée par le rendement lumineux du NaI(Tl), les pertes de lumière et par l’efficacité quantique du PM. Au final, on ne peut récupérer qu’au plus 1500 électrons par photon de 140 keV. Dans le cas d’un semi-conducteur, l’énergie de création de paires étant de 3 à 5 eV, on peut récupérer environ 20 fois plus de charges. La résolution théorique limite est alors proche de 1 % ! Dès les années 1970, l’idée de réaliser des images de scintigraphie au moyen d’un détecteur semi-conducteur est envisagée. Il existe en particulier quelques tentatives d’utilisation du germanium Ge HP (Haute Pureté) démontrant le gain apporté en contraste des images grâce à la meilleure résolution en énergie (1,5 à 2 %) de la caméra (4), (5). Mais la nécessité de refroidir à 77 K et la non-disponibilité du matériau à des coûts compatibles avec l’application, rendent ce candidat semi-conducteur peu "crédible" malgré ses performances en résolution en énergie. UN NOUVEAU MILIEU DETECTEUR Détection directe Détection indirecte lumière + - Na I(Tl) charges Photomultiplicateur charges semi-conducteur + 30 000 charges à 140 keV 1500 charges à 140 keV - FIGURE 2 Principes de détection du rayonnement gamma Parmi les quelques détecteurs semi-conducteurs fonctionnant à température ambiante, l’intérêt porté au CdTe (Tellurure de Cadmium) ou au CdZnTe est croissant depuis environ 5 ans, tant sur le plan scientifique qu’industriel. Connu depuis longtemps pour ses propriétés spectromé-triques, il présente effectivement des caractéristiques intéressantes pour la détection gamma . Matériau de numéro atomique élevé (Cd=48, Te=52) et de densité élevée (d=6), il permet d’assurer un bon pouvoir d’arrêt avec une épais- 130 seur raisonnable, typiquement 90 % à 140 keV pour 6 mm. Sa haute résistivité, d’au moins 109 W .cm, permet de fonctionner à température ambiante dans de bonnes conditions. Sa faible largeur de bande interdite (1,5 eV) et ses propriétés de transport des charges, en particulier mobilité et durée de vie des électrons, permettent d’atteindre une résolution en énergie meilleure que 5 % à 140 keV ce qui améliore d’un facteur 2 cette performance par rapport au standard actuel de la caméra d’Anger (Figure 3). Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°2 Vers les gamma caméras à semi-conducteurs longtemps (10). Mais si on peut l’envisager aujourd’hui avec réalisme, c’est grâce à l’évolution récente des technologies, et outre les progrès du matériau, ceux de l’électronique (intégration) et des technologies associées (connectique, technologies des hybrides, ...). La gamma-caméra à semi-conducteurs est en fait une nouvelle structure de détection qui a peu de choses en commun avec la solution d’Anger. Dans les différents projets, on envisage une structure de caméra à pixels, c’est à dire formée d’une matrice de détecteurs indépendants, chaque détecteur représentant un point de l’image (Figure 4). Spectre typique - FIGURE 3 Co obtenu avec un détecteur CdZnTe d’origine eV-Products 57 Plusieurs méthodes de tirage permettent d’obtenir du CdTe ou du CdZnTe. Pour obtenir la haute résistivité, le matériau est traditionnellement compensé au chlore. Au début des années 1990, une nouvelle technique de croissance sans compensation au chlore, est apparue qui a contribué fortement à l’essor récent du matériau (6). Dite croissance sous haute pression (environ 100 bars), elle permet de fabriquer de gros lingots (au moins de diamètre 100 mm) d’un matériau de qualité spectrométrique qui présente des propriétés intéressantes : sa résistivité est environ dix fois supérieure soit quelques 1010 W .cm (diminution du bruit du détecteur) et il ne présente pas de phénomène de polarisation (phénomène de polarisation = sous polarisation, effondrement du champ électrique dans le détecteur). Les premiers spectres avec ce matériau ont été obtenus en 1991 aux Etats-Unis par la société AURORA (7). Depuis, plusieurs fabricants se sont lancés dans cette méthode de croissance : la société eV-Products aux Etats-Unis, EURORAD en France et Saint-GOBAIN avec l’aide du LETI. Parallèlement, la nouvelle société IMARAD en Israël propose depuis cette année un nouveau matériau CdZnTe, compensé à l’Indium, qui présente des caractéristiques originales (8). 3. Une nouvelle structure de caméra En médecine nucléaire, la société EURORAD par exemple, commercialise déjà depuis plusieurs années des sondes miniatures en CdTe pour remplacer les sondes NaI encombrantes utilisées principalement dans deux applications : la localisation per-opératoire des petites masses et le suivi en continu de fonctions physiologiques. Sur ce principe, une petite caméra per-opératoire (25 pixels) est en évaluation (9). L’idée de réaliser une gamma-caméra grand champ à base de CdTe est en fait présente dans les esprits depuis Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°2 - FIGURE 4 Schéma de principe d’une gamma-caméra à pixels Chaque détecteur est relié à une voie d’électronique qui traite le signal issu de l’interaction d’un photon gamma et peut en mesurer son énergie. Les progrès de l’intégration électronique permettent effectivement d’envisager l’intégration d’une chaîne de spectrométrie gamma au niveau de chaque pixel. Concrètement, la caméra est formée d’un assemblage de plates-formes, chaque plate-forme étant équipée d’une petite matrice de détecteurs (de 4x4 à 16x16) et d’un ou plusieurs circuits intégrés (ou ASIC=Application Specific Integrated Circuit) comprenant l’électronique de proximité. A noter que la matrice de détecteurs peut être réalisée par l’association de petits cubes élémentaires de CdTe ou par la réalisation d’une matrice d’électrodes sur un échantillon monolithique de plus grand format. Les performances demandées à l’électronique intégrée sont très exigeantes, en particulier en niveau de bruit et des efforts importants sont développés pour les atteindre. Dans ce secteur, le domaine spatial a pris les devants et conduit des développements qui profiteront au domaine médical. En effet, le programme INTEGRAL (INTErnational Gamma-Ray Astrophysics Laboratory) de l’Agence Spatiale Européenne a pour objectif le lancement en 2001 d’un satellite d’observation gamma. Le CEA (dont le LETI) avec la société SAGEM développe le plan de détection à base de CdTe de l’imageur pour la bande d’énergie 20 keV-1MeV. 131 O. PEYRET, C. MESTAIS, L. VERGER Le plan imageur de 60x60 cm2 comprend 1024 plates-formes, comprenant chacune 16 détecteurs CdTe associés chacun à une voie de spectrométrie regroupée par 4 dans un ASIC. A ce jour, l’ASIC a été développé et des prototypes de plates-formes ont déjà démontré les potentialités de la technologie (11). Une telle structure présente des avantages certains par rapport à la solution d’Anger . Elle permet de réaliser une caméra beaucoup plus compacte associée à une forte réduction du poids (diminution du blindage) pouvant ouvrir la voie à de nouvelles conditions d’utilisation. Certains constructeurs montrent effectivement un statif mobile très allégé, permettant par exemple de se déplacer au lit du malade et pouvant être aisément transporté. Sa capacité de comptage est potentiellement très élevée car il y a autant de voies indépendantes que de pixels. On peut traiter des gammas simultanés qui arrivent dans deux pixels différents. La zone morte autour de la caméra, inhérente au principe d’Anger, est fortement réduite (limitée à l’enveloppe de la caméra) permettant une meilleure accessibilité des organes. Enfin la résolution spatiale intrinsèque est uniquement liée au pas des pixels. - FIGURE 5 Spectre 57Co obtenu avec un détecteur CdZnTe montrant la perte de charges (fenêtre en énergie visualisée + 5 %) 4. Un challenge technique : l’efficacité de détection Pour remédier à cette difficulté, il existe plusieurs approches concurrentes qui font l’objet d’une intense activité dans le domaine, car il est fort probable que ce paramètre sera un critère important de différentiation des produits dans le futur. Trois types d’études (matériau, nature et géométrie des électrodes, traitement du signal) permettant d’améliorer les performances ou de compenser les défauts des détecteurs sont en instruction : Le gain en résolution en énergie apporté par le CdTe ne doit cependant pas se faire au détriment de l’efficacité de détection. L’efficacité de détection est une performance essentielle d’une gamma-caméra pour le domaine médical. C’est le rapport entre le nombre de photons détectés dans la fenêtre en énergie et le nombre de photons incidents sur le détecteur. Elle a un impact direct sur le temps d’examen et sur l’activité nécessaire à injecter, c’est-à-dire sur la dose patient. La caméra d’Anger utilisant un cristal de NaI épais (3/8 pouce) permet d’atteindre une efficacité de détection supérieure à 80% dans une fenêtre d’énergie + 10 %. Il n’est pas admissible que cette performance soit fortement dégradée avec l’arrivée d’une nouvelle technologie. Ainsi, le challenge est d’atteindre une efficacité de détection du même ordre dans la fenêtre en énergie plus étroite que permet le CdTe. - Etudes sur le matériau CdZnTe : Concernant le matériau haute pression, les sociétés Digirad, eV-Products, Eurorad et Saint-GOBAIN cherchent à améliorer ses performances par l’augmentation de la durée de vie des trous. Outre le matériau haute pression, deux études principales sur l’obtention de matériaux CdZnTe de qualité spectrométrique sont en cours : La société IMARAD propose un nouveau matériau CdZnTe compensé à l’indium qui permettrait d’obtenir des détecteurs pour lesquels la mauvaise collection des trous serait compensée par l’injection d’électrons via des contacts spécifiques (8). L’université de Fisk associée à la société Johnson Matthey propose dernièrement une alternative intéressante avec une autre méthode d’élaboration du matériau CdZnTe (12),(13). La plus grande pureté du matériau obtenue limiterait ainsi le piégeage des trous. Comme nous l’avons vu, le CdTe ou le CdZnTe possède un très fort pouvoir d’arrêt aux rayons gamma d’énergie standard de la médecine nucléaire, mais comme on peut le voir sur un spectre classique (Figure 5), la collection des charges est imparfaite conduisant à sous-estimer la mesure en énergie de certains gammas. Sortant de la fenêtre en énergie, ils réduisent d’autant l’efficacité de détection. Cette perte est due à la durée de vie limitée des charges, en particulier des trous dans le matériau, qui se piègent au cours de leur transit vers les électrodes. - Etudes sur la nature et la géométrie des électrodes : Les détecteurs CdZnTe ont des électrodes à base d’or, permettant d’appliquer des champs électriques limités à 2kV/cm pour ne pas augmenter le bruit de leur courant à l’obscurité. L’étude de la nature des électrodes déposées sur CdZnTe consiste à proposer d’autres structures Métal-Semiconducteur permettant d’appliquer de plus forts champs électriques (15 à 20 kV/cm), ce qui contribue à limiter également le piégeage des trous (14), (15). 132 Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°2 Vers les gamma caméras à semi-conducteurs Une autre alternative consiste à utiliser des géométries d’électrodes telles que le signal généré ne dépende pas ou peu du lieu d’interaction dans le détecteur. La société Digirad propose une structure dite SpectrumPlusTM dont la face collectante est constituée de deux électrodes concentriques : l’électrode de plus fort diamètre permet de canaliser et "écranter" les électrons durant leur migration dans le détecteur et l’électrode centrale de petit diamètre, de les collecter seulement lorsqu’ils en sont proches (16),(17). D’autres solutions apparentées sont proposées par les universités de Michigan (18) et de Berkeley. - Etudes du traitement du signal : L’idée consiste à utiliser la structure classique du détecteur afin de limiter les difficultés associées à la technologie de fabrication des électrodes et de compenser la mauvaise collection des trous par le traitement du signal généré à l’électrode collectante. Le matériau haute pres- sion présente l’intérêt de posséder d’excellentes propriétés de transport des électrons. Le LETI a mis en évidence l’existence d’une corrélation entre l’amplitude et le temps de montée du signal strictement lié au transit des électrons (19),(20). Cette corrélation obtenue sur le seul signal "électrons" est quasi-linéaire et le sera d’autant plus que les trous sont piégés. L’acquisition et la mise en équation de cette corrélation permet alors d’appliquer différentes fonctions mathématiques afin de corriger le manque du signal associé aux trous (Figure 6). Ce traitement électronique très simple permet une récupération de plus de 85 % des gammas à 122 keV, en conservant la performance spectrométrique du détecteur (typ. 5 %). L’acquisition de deux paramètres (amplitude et temps de montée) pour chaque photon absorbé permet d’identifier la nature de chaque photon détecté (photon direct, diffusé, d’échappement) et ainsi mieux rejeter les photons inutiles : la qualité de l’image s’en trouvera améliorée. Spectre Biparamétrique Vue en 3D d’un spectre biparamétrique ke V 122 keV nbre de coups échappement W Am p Te m ps 13 6 Spectre corrigé litude échantillon de CdZnTe - FIGURE 6 Principe de la correction par mesure du temps de montée du signal "électrons" Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°2 133 O. PEYRET, C. MESTAIS, L. VERGER 5. Les projets en cours dans le monde durée d’acquisition et fenêtre en énergie comparables, en particulier sur des scintimammographies . Encore située dans les laboratoires, l’activité de développement d’une tête de détection à base de CdTe/CdZnTe pour la médecine nucléaire fait l’objet de plusieurs projets de la part des constructeurs. Sont connus publiquement les projets de DIGIRAD, ELGEMS, SIEMENS, SaintGOBAIN, et plus récemment IMARAD. Il existe très probablement d’autres projets, en particulier au Japon. Il faut de plus noter les travaux conduits depuis plusieurs années par H.B. Barber à l’Université d’Arizona en lien avec la société HUGHES pour le développement d’un détecteur à base de matrices de CdZnTe haute résolution (125 µm) associées à des collimateurs multi-trous pour l’imagerie du cerveau (21). La société SIEMENS a un projet en cours aux Etats-Unis. Il existe par ailleurs un projet européen BIOMED II, avec la participation de la société SIEMENS, qui associe la société française EURORAD, le laboratoire PHASE (P. Siffert) pour la partie détecteur, le Rutherford Appleton Laboratory pour la partie électronique, l’Institut de Physique Biologique de Strasbourg et le Cardiology State Hospital en Hongrie. Le projet est orienté sur les applications cardiaques. Un module de 16 x 16 détecteurs (5 x 5 cm2) avec des pixels de 3 x 3 mm2 a été monté permettant de réaliser les premières images [25]. Une tête de 2304 détecteurs (15 x 15 cm2) est en cours de montage. Des évaluations cliniques devraient démarrer début 1999. La nouvelle société IMARAD (IMARAD Imaging Systems) en Israël commercialise depuis cette année des composants pour la détection gamma et, en particulier pour constituer des têtes de gamma-caméra sur la base du nouveau matériau CdZnTe, compensé à l’Indium. La technologie permet d’obtenir des structures monolithiques de 40x40 mm² composées de 16x16 pixels au pas de 2.5 mm. L’épaisseur typique est 4 mm. Le détecteur est associé à une plateforme intégrant l’électronique de proximité pour 256 voies. Cette plate-forme peut elle-même être associée à d’au-tres sur une carte-mère pour constituer une tête de détection. Les performances annoncées sont de l’ordre de 5 % pour la résolution en énergie avec une récupération de 70 % des gammas détectés dans une fenêtre de largeur 13 %. En dehors des premières réalisations déjà anciennes de maquettes de détecteurs de quelques pixels (10), on peut considérer que SOREQ (Y. Eisen) en Israël a été le premier à montrer un prototype complet de gamma-caméra CdTe 16x16 cm² et des images : la caméra NUCAM (1995) . Le matériau est du CdTe chloré avec des détecteurs de 4x4 mm2 associés à une électronique standard. La tête de la caméra pèse environ 4 kg. Les images mettent en valeur le gain en contraste obtenu grâce à une résolution en énergie de 5 %, mais l’efficacité de détection est réduite. En évaluation clinique depuis plus de 3 ans, les performances sont considérées comparables à celles de la caméra d’Anger (22),(23). Sur les bases de cette première expérience et l’apparition du matériau haute pression, s’initie en 1995, la collaboration General Electric- eV Products - ISORAD pour le développement d’une gamma-caméra CdZnTe. Le développement se poursuit dans le cadre de la nouvelle société ELGEMS regroupant les activités de médecine nucléaire de General Electric et de ELSCINT. La société DIGIRAD (DIGIRAD Corporation) aux EtatsUnis est la première société à proposer à la commercialisation depuis 1997 une gamma-caméra CdZnTe sur la base d’un concept d’unité mobile, dénommé Digirad 2020tc Imager. La surface active est de 21.6 x 21.6 cm² et est composée de 64 modules de 2.5x2.5x1.2 cm3. Chaque module comprend un détecteur CdZnTe monolithique de 8x8 pixels de 3x3 mm² et un circuit intégré pour la mise en forme du signal. La capacité de comptage est de 500 kcoups/s. Intégrant des détecteurs réalisés selon la technologie SpectrumPlusTM (cf. § 4), la résolution en énergie peut atteindre 4 % à 140 keV (spécifications 8% à 140 keV) (24). DIGIRAD a mis la caméra en évaluation clinique dans plusieurs hôpitaux et publie une série d’images disponibles sur INTERNET (www.digirad.com) qui montre l’amélioration de la détectabilité par rapport à une caméra d’Anger, à Le groupe Saint-GOBAIN, leader mondial des cristaux NaI pour gamma-caméras, est lui aussi engagé sur ce thème par l’intermédiaire de ses filiales CRISMATEC en France et Saint-GOBAIN industrial Ceramics (Division BICRON) aux Etats-Unis en collaboration avec le CEA-LETI. Le projet dénommé PEGASE (Projet d’Etude d’une GAmma-caméra à SEmi-conducteurs) a démarré en 1995 par une phase aidée par le Ministère de la Recherche dans le cadre d’une procédure "Saut technologique". Cette phase, principalement axée sur le développement du matériau CdZnTe par la méthode haute pression initié en collaboration avec le Dr. Raiskin, s’est achevée avec succès courant 1998. 134 Le programme de collaboration Saint-GOBAIN-LETI se poursuit par une nouvelle phase qui doit aboutir au développement d’un produit industriel (Figure 7). Le produit initial est un module de 4 plates-formes comportant chacune 16 détecteurs et un circuit intégré 16 voies pour l’électronique de proximité. Le matériau et la technologie des détecteurs sont développés conjointement par Saint-GOBAIN et le LETI. La partie système, à savoir le développement des composants de base (la plate-forme, Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°2 Vers les gamma caméras à semi-conducteurs les circuits intégrés spécifiques, l’électronique d’acquisition) est assumée par le LETI. Dans ce projet, l’originalité intervient en particulier au niveau du traitement du signal décrit au paragraphe 4 et qui fait l’objet d’un brevet CEA-LETI. Cette méthode présente l’intérêt d’atteindre une efficacité de collection optimale en conservant la performance spectrométrique du matériau. Les technologies utilisées issues des progrès de l’électronique et de son intégration vont dans le sens de la fiabilité. Ce critère sera déterminant pour le choix de la technique de croissance du matériau et de la technologie de réalisation des détecteurs . Le coût reste le véritable challenge, car le contexte du marché de la santé, particulièrement en médecine nucléaire, n’est pas prêt à accepter des hausses de prix des équipements. Le point sensible est essentiellement sur le rendement du matériau, c’est-à-dire le rendement avec lequel on va obtenir des détecteurs élémentaires de la qualité requise. C’est là que se portent beaucoup d’efforts. Références bibliographiques - FIGURE 7 Schéma gamma-caméra PEGASE 6. Conclusions Comme dans le domaine de la radiologie où une nouvelle technologie de détecteurs numériques apparaît pour remplacer le film radiographique et les intensificateurs d’image radiologique, la nouvelle génération de détecteurs pour la médecine nucléaire, qui remplacera la technologie d’Anger, est en marche. Mais des efforts importants sont encore à fournir, et la nouvelle technologie ne s’imposera qu’à partir du moment où elle proposera des produits plus performants, plus ergonomiques, plus fiables, et à terme moins chers que les produits existants. Du côté des performances, la nouvelle technologie présente, comme nous l’avons vu, de sérieux atouts en résolution en énergie et en capacité de comptage. Les efforts vont se porter sur le paramètre efficacité de détection. Par ailleurs, du côté de la résolution en énergie, on peut s’attendre à des évolutions, car les résultats actuels sont encore assez éloignés des limites physiques. En ce qui concerne l’ergonomie, la structure très légère et à pixels de la caméra devrait ouvrir des possibilités tant du point de vue de l’utilisation courante de la caméra que du point de vue de nouvelles modalités accessibles par de nouvelles géométries. Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°2 1. C. Mestais, R. Allemand, O. Peyret, E. Tournier, Les compromis physiques de la détection nucléaire. Incidence sur la conception des caméras. Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique 1994 ; 19 : 303-309 2. D.W. Heyda, F.R. Croteau, J.A. Govaert, A third generation digital gamma camera. Proceedings of SPIE 1984;454 : 478-484 3. O. Peyret, C. Mestais, R. Allemand, E. Tournier, Les méthodes de détection autres que la caméra d’Anger. Médecine Nucléaire Imagerie fonctionnelle et métabolique 1994 ; 18 : 310-316 4. L. 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