VERS LES GAMMA-CAMÉRAS À SEMI

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VERS LES GAMMA-CAMÉRAS À SEMI
Vers les gamma caméras à semi-conducteurs
VERS LES GAMMA-CAMÉRAS
À SEMI-CONDUCTEURS
O.PEYRET, C.MESTAIS, L.VERGER
LETI (CEA - Technologies Avancées) - Département Systèmes - CEA/G
- Grenoble -
1. Introduction :
les limites de la caméra d’Anger
Avec l’utilisation principale du 99mTc, la caméra d’Anger
s’impose depuis près de 40 ans comme la solution standard pour la tête de détection d’une gamma-caméra pour la
médecine nucléaire. Le principe est basé sur l’utilisation
d’un cristal scintillateur monobloc en NaI(Tl), couplé à un
ensemble de photomultiplicateurs (PM) . La somme des
signaux des PM fournit l’énergie du gamma, sa position
est donnée par le calcul du barycentre des réponses des
PM (Figure 1).
- PM
- guide de lumière
- cristal
- collimateur
l’électronique associée. En améliorant la résolution en énergie d’un facteur 2 au cours des années, on a limité la contribution du diffusé dans l’image, mais aujourd’hui on atteint pratiquement la limite physique, soit 9 à 10 % à 140
keV. En ce qui concerne la résolution spatiale intrinsèque
de la caméra, il est coûteux et peu efficace de chercher à
l’améliorer, car la résolution du système est essentiellement limitée par la résolution du collimateur, c’est-à-dire
par le principe même d’acquisition de l’image, soit 8 à 9 mm
à une distance de 10 cm.
Des applications spécifiques ont amené certains constructeurs à proposer des variantes de la solution d’Anger déplaçant des compromis classiques, en particulier en proposant des solutions multi-cristaux ou multi-détecteurs.
C’est le cas de produits dédiés pour l’imagerie cardiaque
ou pour la mesure du débit sanguin cérébral (2). Mais depuis 4 à 5 ans, plusieurs constructeurs orientent leurs efforts sur le développement d’une nouvelle génération de
gamma-caméras, basée sur l’utilisation de détecteurs semiconducteurs (3).
2. Un nouveau matériau détecteur
- FIGURE 1 Schéma de principe de la caméra d’Anger
L’évolution technologique a permis une progression sensible des performances : résolution en énergie, résolution
spatiale, capacité de comptage. Cependant, on peut considérer qu’aujourd’hui, la solution d’Anger est arrivée à ses
performances limites. En effet, la structure d’une gammacaméra, commune chez tous les constructeurs, trouve un
compromis optimal entre sensibilité, résolution en énergie,
résolution spatiale et capacité de comptage (1). Si quelques progrès ont été encore réalisés ces dernières années
sur la capacité de comptage (500 kcoups/s) pour permettre
les mesures pour corrections d’atténuation et l’utilisation
en coïncidence avec émetteur positons, il est évident que
la caméra ne traitant qu’un gamma à la fois, on peut difficilement envisager de dépasser le million de coups par seconde sans risque élevé d’empilements. La limitation est
donnée par la rapidité du cristal et par la complexité de
Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°2
Deux modes de détection permettent de convertir le rayonnement gamma en un signal électrique (Figure 2) :
- un mode indirect, utilisant le principe de la scintillation
du milieu détecteur. La conversion se fait en deux étapes : gamma-lumière puis lumière-charges. C’est le cas
de l’ensemble scintillateur-PM,
- un mode direct, utilisant le principe de l’ionisation du
milieu détecteur. Le rayonnement crée directement des
charges électriques : paires électron-ion dans un gaz,
paires electron-trou dans un semi-conducteur, qui sont
collectées par un champ électrique établi dans le détecteur.
La conversion directe dans un semi-conducteur présente
deux avantages :
- les charges collectées au droit de l’interaction sont canalisées par le champ électrique. On peut ainsi avoir un
détecteur épais pour obtenir un fort pouvoir d’arrêt sans
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compromis sur la résolution spatiale, ce qui n’est pas le
cas d’un scintillateur dans lequel la lumière diffuse et
dont l’épaisseur doit être choisie en fonction de la résolution spatiale souhaitée,
- mais surtout, le nombre de charges créées par l’interaction est bien supérieur dans un semi-conducteur, ce qui
permet d’améliorer la résolution en énergie. En effet, la
résolution en énergie dépend en premier lieu du nombre
d’événements secondaires créés puis finalement du nombre de charges collectées suite à l’interaction primaire.
Pour la caméra d’Anger, elle est limitée par le rendement
lumineux du NaI(Tl), les pertes de lumière et par l’efficacité quantique du PM. Au final, on ne peut récupérer
qu’au plus 1500 électrons par photon de 140 keV. Dans
le cas d’un semi-conducteur, l’énergie de création de
paires étant de 3 à 5 eV, on peut récupérer environ 20 fois
plus de charges. La résolution théorique limite est alors
proche de 1 % !
Dès les années 1970, l’idée de réaliser des images de scintigraphie au moyen d’un détecteur semi-conducteur est
envisagée. Il existe en particulier quelques tentatives d’utilisation du germanium Ge HP (Haute Pureté) démontrant le
gain apporté en contraste des images grâce à la meilleure
résolution en énergie (1,5 à 2 %) de la caméra (4), (5). Mais
la nécessité de refroidir à 77 K et la non-disponibilité du
matériau à des coûts compatibles avec l’application, rendent ce candidat semi-conducteur peu "crédible" malgré
ses performances en résolution en énergie.
UN NOUVEAU MILIEU DETECTEUR
Détection directe
Détection indirecte
lumière
+ -
Na I(Tl)
charges Photomultiplicateur
charges
semi-conducteur
+
30 000 charges
à 140 keV
1500 charges
à 140 keV
- FIGURE 2 Principes de détection du rayonnement gamma
Parmi les quelques détecteurs semi-conducteurs fonctionnant à température ambiante, l’intérêt porté au CdTe (Tellurure de Cadmium) ou au CdZnTe est croissant depuis environ 5 ans, tant sur le plan scientifique qu’industriel. Connu
depuis longtemps pour ses propriétés spectromé-triques,
il présente effectivement des caractéristiques intéressantes pour la détection gamma . Matériau de numéro atomique élevé (Cd=48, Te=52) et de densité élevée (d=6), il
permet d’assurer un bon pouvoir d’arrêt avec une épais-
130
seur raisonnable, typiquement 90 % à 140 keV pour 6 mm.
Sa haute résistivité, d’au moins 109 W .cm, permet de fonctionner à température ambiante dans de bonnes conditions. Sa faible largeur de bande interdite (1,5 eV) et ses
propriétés de transport des charges, en particulier mobilité
et durée de vie des électrons, permettent d’atteindre une
résolution en énergie meilleure que 5 % à 140 keV ce qui
améliore d’un facteur 2 cette performance par rapport au
standard actuel de la caméra d’Anger (Figure 3).
Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°2
Vers les gamma caméras à semi-conducteurs
longtemps (10). Mais si on peut l’envisager aujourd’hui
avec réalisme, c’est grâce à l’évolution récente des technologies, et outre les progrès du matériau, ceux de l’électronique (intégration) et des technologies associées (connectique, technologies des hybrides, ...).
La gamma-caméra à semi-conducteurs est en fait une nouvelle structure de détection qui a peu de choses en commun avec la solution d’Anger. Dans les différents projets,
on envisage une structure de caméra à pixels, c’est à dire
formée d’une matrice de détecteurs indépendants, chaque
détecteur représentant un point de l’image (Figure 4).
Spectre typique
- FIGURE 3 Co obtenu avec un détecteur CdZnTe
d’origine eV-Products
57
Plusieurs méthodes de tirage permettent d’obtenir du CdTe
ou du CdZnTe. Pour obtenir la haute résistivité, le matériau est traditionnellement compensé au chlore. Au début
des années 1990, une nouvelle technique de croissance
sans compensation au chlore, est apparue qui a contribué
fortement à l’essor récent du matériau (6). Dite croissance
sous haute pression (environ 100 bars), elle permet de fabriquer de gros lingots (au moins de diamètre 100 mm)
d’un matériau de qualité spectrométrique qui présente des
propriétés intéressantes : sa résistivité est environ dix fois
supérieure soit quelques 1010 W .cm (diminution du bruit du
détecteur) et il ne présente pas de phénomène de polarisation (phénomène de polarisation = sous polarisation, effondrement du champ électrique dans le détecteur). Les
premiers spectres avec ce matériau ont été obtenus en 1991
aux Etats-Unis par la société AURORA (7). Depuis, plusieurs fabricants se sont lancés dans cette méthode de
croissance : la société eV-Products aux Etats-Unis,
EURORAD en France et Saint-GOBAIN avec l’aide du LETI.
Parallèlement, la nouvelle société IMARAD en Israël propose depuis cette année un nouveau matériau CdZnTe,
compensé à l’Indium, qui présente des caractéristiques
originales (8).
3. Une nouvelle structure de caméra
En médecine nucléaire, la société EURORAD par exemple,
commercialise déjà depuis plusieurs années des sondes
miniatures en CdTe pour remplacer les sondes NaI encombrantes utilisées principalement dans deux applications :
la localisation per-opératoire des petites masses et le suivi
en continu de fonctions physiologiques. Sur ce principe,
une petite caméra per-opératoire (25 pixels) est en évaluation (9). L’idée de réaliser une gamma-caméra grand champ
à base de CdTe est en fait présente dans les esprits depuis
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- FIGURE 4 Schéma de principe d’une gamma-caméra à pixels
Chaque détecteur est relié à une voie d’électronique qui
traite le signal issu de l’interaction d’un photon gamma et
peut en mesurer son énergie. Les progrès de l’intégration
électronique permettent effectivement d’envisager l’intégration d’une chaîne de spectrométrie gamma au niveau
de chaque pixel. Concrètement, la caméra est formée d’un
assemblage de plates-formes, chaque plate-forme étant
équipée d’une petite matrice de détecteurs (de 4x4 à 16x16)
et d’un ou plusieurs circuits intégrés (ou ASIC=Application
Specific Integrated Circuit) comprenant l’électronique de
proximité. A noter que la matrice de détecteurs peut être
réalisée par l’association de petits cubes élémentaires de
CdTe ou par la réalisation d’une matrice d’électrodes sur
un échantillon monolithique de plus grand format.
Les performances demandées à l’électronique intégrée
sont très exigeantes, en particulier en niveau de bruit et
des efforts importants sont développés pour les atteindre.
Dans ce secteur, le domaine spatial a pris les devants et
conduit des développements qui profiteront au domaine
médical. En effet, le programme INTEGRAL (INTErnational
Gamma-Ray Astrophysics Laboratory) de l’Agence Spatiale Européenne a pour objectif le lancement en 2001 d’un
satellite d’observation gamma. Le CEA (dont le LETI) avec
la société SAGEM développe le plan de détection à base
de CdTe de l’imageur pour la bande d’énergie 20 keV-1MeV.
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Le plan imageur de 60x60 cm2 comprend 1024 plates-formes, comprenant chacune 16 détecteurs CdTe associés
chacun à une voie de spectrométrie regroupée par 4 dans
un ASIC. A ce jour, l’ASIC a été développé et des prototypes de plates-formes ont déjà démontré les potentialités
de la technologie (11).
Une telle structure présente des avantages certains par
rapport à la solution d’Anger . Elle permet de réaliser une
caméra beaucoup plus compacte associée à une forte réduction du poids (diminution du blindage) pouvant ouvrir
la voie à de nouvelles conditions d’utilisation. Certains
constructeurs montrent effectivement un statif mobile très
allégé, permettant par exemple de se déplacer au lit du malade et pouvant être aisément transporté. Sa capacité de
comptage est potentiellement très élevée car il y a autant
de voies indépendantes que de pixels. On peut traiter des
gammas simultanés qui arrivent dans deux pixels différents.
La zone morte autour de la caméra, inhérente au principe
d’Anger, est fortement réduite (limitée à l’enveloppe de la
caméra) permettant une meilleure accessibilité des organes. Enfin la résolution spatiale intrinsèque est uniquement liée au pas des pixels.
- FIGURE 5 Spectre 57Co obtenu avec un détecteur CdZnTe montrant
la perte de charges (fenêtre en énergie visualisée + 5 %)
4. Un challenge technique :
l’efficacité de détection
Pour remédier à cette difficulté, il existe plusieurs approches concurrentes qui font l’objet d’une intense activité
dans le domaine, car il est fort probable que ce paramètre
sera un critère important de différentiation des produits
dans le futur. Trois types d’études (matériau, nature et
géométrie des électrodes, traitement du signal) permettant
d’améliorer les performances ou de compenser les défauts
des détecteurs sont en instruction :
Le gain en résolution en énergie apporté par le CdTe ne
doit cependant pas se faire au détriment de l’efficacité de
détection. L’efficacité de détection est une performance
essentielle d’une gamma-caméra pour le domaine médical.
C’est le rapport entre le nombre de photons détectés dans
la fenêtre en énergie et le nombre de photons incidents sur
le détecteur. Elle a un impact direct sur le temps d’examen
et sur l’activité nécessaire à injecter, c’est-à-dire sur la dose
patient. La caméra d’Anger utilisant un cristal de NaI épais
(3/8 pouce) permet d’atteindre une efficacité de détection
supérieure à 80% dans une fenêtre d’énergie + 10 %. Il
n’est pas admissible que cette performance soit fortement
dégradée avec l’arrivée d’une nouvelle technologie. Ainsi,
le challenge est d’atteindre une efficacité de détection du
même ordre dans la fenêtre en énergie plus étroite que
permet le CdTe.
- Etudes sur le matériau CdZnTe :
Concernant le matériau haute pression, les sociétés
Digirad, eV-Products, Eurorad et Saint-GOBAIN cherchent à améliorer ses performances par l’augmentation
de la durée de vie des trous. Outre le matériau haute
pression, deux études principales sur l’obtention de matériaux CdZnTe de qualité spectrométrique sont en cours :
La société IMARAD propose un nouveau matériau
CdZnTe compensé à l’indium qui permettrait d’obtenir
des détecteurs pour lesquels la mauvaise collection des
trous serait compensée par l’injection d’électrons via
des contacts spécifiques (8).
L’université de Fisk associée à la société Johnson
Matthey propose dernièrement une alternative intéressante avec une autre méthode d’élaboration du matériau
CdZnTe (12),(13). La plus grande pureté du matériau
obtenue limiterait ainsi le piégeage des trous.
Comme nous l’avons vu, le CdTe ou le CdZnTe possède
un très fort pouvoir d’arrêt aux rayons gamma d’énergie
standard de la médecine nucléaire, mais comme on peut le
voir sur un spectre classique (Figure 5), la collection des
charges est imparfaite conduisant à sous-estimer la mesure en énergie de certains gammas. Sortant de la fenêtre
en énergie, ils réduisent d’autant l’efficacité de détection.
Cette perte est due à la durée de vie limitée des charges, en
particulier des trous dans le matériau, qui se piègent au
cours de leur transit vers les électrodes.
- Etudes sur la nature et la géométrie des électrodes :
Les détecteurs CdZnTe ont des électrodes à base d’or,
permettant d’appliquer des champs électriques limités à
2kV/cm pour ne pas augmenter le bruit de leur courant à
l’obscurité.
L’étude de la nature des électrodes déposées sur CdZnTe
consiste à proposer d’autres structures Métal-Semiconducteur permettant d’appliquer de plus forts champs électriques (15 à 20 kV/cm), ce qui contribue à limiter également le piégeage des trous (14), (15).
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Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°2
Vers les gamma caméras à semi-conducteurs
Une autre alternative consiste à utiliser des géométries
d’électrodes telles que le signal généré ne dépende pas
ou peu du lieu d’interaction dans le détecteur. La société
Digirad propose une structure dite SpectrumPlusTM dont
la face collectante est constituée de deux électrodes concentriques : l’électrode de plus fort diamètre permet de
canaliser et "écranter" les électrons durant leur migration dans le détecteur et l’électrode centrale de petit diamètre, de les collecter seulement lorsqu’ils en sont proches (16),(17). D’autres solutions apparentées sont proposées par les universités de Michigan (18) et de Berkeley.
- Etudes du traitement du signal :
L’idée consiste à utiliser la structure classique du détecteur afin de limiter les difficultés associées à la technologie de fabrication des électrodes et de compenser la
mauvaise collection des trous par le traitement du signal
généré à l’électrode collectante. Le matériau haute pres-
sion présente l’intérêt de posséder d’excellentes propriétés de transport des électrons. Le LETI a mis en évidence l’existence d’une corrélation entre l’amplitude et
le temps de montée du signal strictement lié au transit
des électrons (19),(20). Cette corrélation obtenue sur le
seul signal "électrons" est quasi-linéaire et le sera d’autant plus que les trous sont piégés. L’acquisition et la
mise en équation de cette corrélation permet alors d’appliquer différentes fonctions mathématiques afin de corriger le manque du signal associé aux trous (Figure 6).
Ce traitement électronique très simple permet une récupération de plus de 85 % des gammas à 122 keV, en conservant la performance spectrométrique du détecteur
(typ. 5 %). L’acquisition de deux paramètres (amplitude
et temps de montée) pour chaque photon absorbé permet d’identifier la nature de chaque photon détecté (photon direct, diffusé, d’échappement) et ainsi mieux rejeter
les photons inutiles : la qualité de l’image s’en trouvera
améliorée.
Spectre Biparamétrique
Vue en 3D d’un spectre biparamétrique
ke
V
122 keV
nbre de
coups
échappement W
Am p
Te
m
ps
13
6
Spectre corrigé
litude
échantillon de CdZnTe
- FIGURE 6 Principe de la correction par mesure du temps de montée du signal "électrons"
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5. Les projets en cours dans le monde
durée d’acquisition et fenêtre en énergie comparables, en
particulier sur des scintimammographies .
Encore située dans les laboratoires, l’activité de développement d’une tête de détection à base de CdTe/CdZnTe
pour la médecine nucléaire fait l’objet de plusieurs projets
de la part des constructeurs. Sont connus publiquement
les projets de DIGIRAD, ELGEMS, SIEMENS, SaintGOBAIN, et plus récemment IMARAD. Il existe très probablement d’autres projets, en particulier au Japon.
Il faut de plus noter les travaux conduits depuis plusieurs
années par H.B. Barber à l’Université d’Arizona en lien
avec la société HUGHES pour le développement d’un détecteur à base de matrices de CdZnTe haute résolution
(125 µm) associées à des collimateurs multi-trous pour l’imagerie du cerveau (21).
La société SIEMENS a un projet en cours aux Etats-Unis. Il
existe par ailleurs un projet européen BIOMED II, avec la
participation de la société SIEMENS, qui associe la société française EURORAD, le laboratoire PHASE (P. Siffert)
pour la partie détecteur, le Rutherford Appleton Laboratory
pour la partie électronique, l’Institut de Physique Biologique de Strasbourg et le Cardiology State Hospital en Hongrie. Le projet est orienté sur les applications cardiaques.
Un module de 16 x 16 détecteurs (5 x 5 cm2) avec des pixels
de 3 x 3 mm2 a été monté permettant de réaliser les premières images [25]. Une tête de 2304 détecteurs (15 x 15 cm2)
est en cours de montage. Des évaluations cliniques devraient démarrer début 1999.
La nouvelle société IMARAD (IMARAD Imaging Systems) en Israël commercialise depuis cette année des composants pour la détection gamma et, en particulier pour
constituer des têtes de gamma-caméra sur la base du nouveau matériau CdZnTe, compensé à l’Indium. La technologie permet d’obtenir des structures monolithiques de 40x40
mm² composées de 16x16 pixels au pas de 2.5 mm. L’épaisseur typique est 4 mm. Le détecteur est associé à une plateforme intégrant l’électronique de proximité pour 256 voies.
Cette plate-forme peut elle-même être associée à d’au-tres
sur une carte-mère pour constituer une tête de détection.
Les performances annoncées sont de l’ordre de 5 % pour
la résolution en énergie avec une récupération de 70 % des
gammas détectés dans une fenêtre de largeur 13 %.
En dehors des premières réalisations déjà anciennes de
maquettes de détecteurs de quelques pixels (10), on peut
considérer que SOREQ (Y. Eisen) en Israël a été le premier
à montrer un prototype complet de gamma-caméra CdTe
16x16 cm² et des images : la caméra NUCAM (1995) . Le
matériau est du CdTe chloré avec des détecteurs de 4x4
mm2 associés à une électronique standard. La tête de la
caméra pèse environ 4 kg. Les images mettent en valeur le
gain en contraste obtenu grâce à une résolution en énergie de 5 %, mais l’efficacité de détection est réduite. En
évaluation clinique depuis plus de 3 ans, les performances
sont considérées comparables à celles de la caméra d’Anger
(22),(23).
Sur les bases de cette première expérience et l’apparition
du matériau haute pression, s’initie en 1995, la collaboration General Electric- eV Products - ISORAD pour le développement d’une gamma-caméra CdZnTe. Le développement se poursuit dans le cadre de la nouvelle société
ELGEMS regroupant les activités de médecine nucléaire
de General Electric et de ELSCINT.
La société DIGIRAD (DIGIRAD Corporation) aux EtatsUnis est la première société à proposer à la commercialisation depuis 1997 une gamma-caméra CdZnTe sur la base
d’un concept d’unité mobile, dénommé Digirad 2020tc Imager. La surface active est de 21.6 x 21.6 cm² et est composée
de 64 modules de 2.5x2.5x1.2 cm3. Chaque module comprend un détecteur CdZnTe monolithique de 8x8 pixels de
3x3 mm² et un circuit intégré pour la mise en forme du
signal. La capacité de comptage est de 500 kcoups/s. Intégrant des détecteurs réalisés selon la technologie
SpectrumPlusTM (cf. § 4), la résolution en énergie peut atteindre 4 % à 140 keV (spécifications 8% à 140 keV) (24).
DIGIRAD a mis la caméra en évaluation clinique dans plusieurs hôpitaux et publie une série d’images disponibles
sur INTERNET (www.digirad.com) qui montre l’amélioration de la détectabilité par rapport à une caméra d’Anger, à
Le groupe Saint-GOBAIN, leader mondial des cristaux NaI
pour gamma-caméras, est lui aussi engagé sur ce thème
par l’intermédiaire de ses filiales CRISMATEC en France
et Saint-GOBAIN industrial Ceramics (Division BICRON)
aux Etats-Unis en collaboration avec le CEA-LETI. Le projet dénommé PEGASE (Projet d’Etude d’une GAmma-caméra à SEmi-conducteurs) a démarré en 1995 par une phase
aidée par le Ministère de la Recherche dans le cadre d’une
procédure "Saut technologique". Cette phase, principalement axée sur le développement du matériau CdZnTe par
la méthode haute pression initié en collaboration avec le
Dr. Raiskin, s’est achevée avec succès courant 1998.
134
Le programme de collaboration Saint-GOBAIN-LETI se
poursuit par une nouvelle phase qui doit aboutir au développement d’un produit industriel (Figure 7).
Le produit initial est un module de 4 plates-formes comportant chacune 16 détecteurs et un circuit intégré 16 voies
pour l’électronique de proximité. Le matériau et la technologie des détecteurs sont développés conjointement par
Saint-GOBAIN et le LETI. La partie système, à savoir le
développement des composants de base (la plate-forme,
Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°2
Vers les gamma caméras à semi-conducteurs
les circuits intégrés spécifiques, l’électronique d’acquisition) est assumée par le LETI.
Dans ce projet, l’originalité intervient en particulier au niveau du traitement du signal décrit au paragraphe 4 et qui
fait l’objet d’un brevet CEA-LETI. Cette méthode présente
l’intérêt d’atteindre une efficacité de collection optimale
en conservant la performance spectrométrique du matériau.
Les technologies utilisées issues des progrès de l’électronique et de son intégration vont dans le sens de la fiabilité.
Ce critère sera déterminant pour le choix de la technique de
croissance du matériau et de la technologie de réalisation
des détecteurs .
Le coût reste le véritable challenge, car le contexte du marché de la santé, particulièrement en médecine nucléaire,
n’est pas prêt à accepter des hausses de prix des équipements. Le point sensible est essentiellement sur le rendement du matériau, c’est-à-dire le rendement avec lequel on
va obtenir des détecteurs élémentaires de la qualité requise. C’est là que se portent beaucoup d’efforts.
Références bibliographiques
- FIGURE 7 Schéma gamma-caméra PEGASE
6. Conclusions
Comme dans le domaine de la radiologie où une nouvelle
technologie de détecteurs numériques apparaît pour remplacer le film radiographique et les intensificateurs d’image
radiologique, la nouvelle génération de détecteurs pour la
médecine nucléaire, qui remplacera la technologie d’Anger,
est en marche. Mais des efforts importants sont encore à
fournir, et la nouvelle technologie ne s’imposera qu’à partir du moment où elle proposera des produits plus performants, plus ergonomiques, plus fiables, et à terme moins
chers que les produits existants.
Du côté des performances, la nouvelle technologie présente, comme nous l’avons vu, de sérieux atouts en résolution en énergie et en capacité de comptage. Les efforts
vont se porter sur le paramètre efficacité de détection. Par
ailleurs, du côté de la résolution en énergie, on peut s’attendre à des évolutions, car les résultats actuels sont encore assez éloignés des limites physiques.
En ce qui concerne l’ergonomie, la structure très légère et
à pixels de la caméra devrait ouvrir des possibilités tant du
point de vue de l’utilisation courante de la caméra que du
point de vue de nouvelles modalités accessibles par de
nouvelles géométries.
Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°2
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