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Unilet 127OK .QXD 27/07/07 17:17 Page 13 T echnique CÉCIDOMYIE DU CHOU-FLEUR Un ravageur des brocolis sous surveillance en Bretagne Depuis 2001, les cultures de brocoli de Bretagne font régulièrement l’objet d’attaques de cécidomyie du chou-fleur. Face aux dégâts provoqués par ce ravageur, la Chambre d’Agriculture du Finistère a conduit de nombreux essais visant à mieux repérer les vols et à organiser la lutte. Le piégeage est aujourd’hui opérationnel et des seuils d’intervention sont proposés. Reste désormais à étoffer les moyens de protection chimique. n Bretagne, la présence de la cécidomyie du chou-fleur a été confirmée en 2001, dans plusieurs parcelles de brocoli d'industrie du sudFinistère. Des observations récurrentes ont ensuite été réalisées de 2002 à 2007, essentiellement dans des parcelles de brocoli (très peu en choufleur) du Finistère, des Côtes d'Armor et du Morbihan. Ce petit moucheron, connu depuis la fin du XIXème siècle dans le marais de St Omer (Pas-de-Calais), peut faire des dégâts très graves. Il pond en effet des œufs au cœur des plantes, ce qui provoque, selon le stade de développement du chou, la déformation ou l'avortement des têtes. E UNE PETITE MOUCHE AUX EFFETS DURABLES La cécidomyie du chou-fleur (Contarinia nasturtii) est un insecte de 2 mm de long, muni de très longues DES DÉGÂTS PARFOIS SPECTACULAIRES Les larves de cécidomyies font parfois avorter le bourgeon terminal des choux. L’inflorescence ne se forme pas : c’est le plant borgne. Les larves vivent dans un milieu liquide, d'où leur localisation au niveau de l'apex, à l'abri du dessèchement. En se nourrissant, elles produisent une sécrétion qui détruit la surface des tissus et liquéfie le contenu des cel- Pomme de brocoli déformée suite à une attaque de cécidomyie. lules, ce qui provoque la réaction de la plante : déformations, nécroses et avortement de la tête si le méristème est touché. Les dégâts sont de deux ordres selon la précocité et « l'intensité » d'attaque : avortement de l'apex (chou borgne avec cicatrice brun clair ou pourriture du cœur par colonisation bactérienne) ou déformation de la tête avec nécrose brun clair également. S’y ajoutent d’autres symptômes assez variables : pétioles renflés, déformés, vrillés avec feuilles chiffonnées ou froissées ; bourgeon gonflé (jeunes plants). Le niveau de perte peut atteindre 100 % dans les parcelles très contaminées et sur les cultures les plus sensibles, en l’occurrence le brocoli (voir encadré page suivante). Photos : Chambre d’Agriculture du Finistère antennes garnies de soies et d'une paire d'ailes avec deux nervures caractéristiques (voir p.15). Elle pond ses œufs au niveau de l'apex des choux (= extrémité en croissance). L'éclosion a lieu 1 à 3 jours plus tard, et donne naissance à des larves transparentes à jaunes, de 0,3 à 4 mm selon leur âge (stade larvaire de 7 à 21 jours en fonction des températures). En fin de développement larvaire, les asticots tombent au sol et s’y « pupéfient » dans les premiers centimètres. En été, l'émergence des adultes intervient 12-15 jours après, alors qu'en fin de saison, les pupes sont hivernantes. Une partie de ces pupes hivernantes peut rester « dormante » pendant plusieurs années. Ainsi en Bretagne, nous piégeons toujours des cécidomyies en 2007, avec des cages à émergence, dans deux parcelles qui ont subi de gros dégâts en 2003 et qui n'ont pas été emblavées avec des crucifères depuis. La durée de vie des insectes adultes est très brève, de l'ordre de 1 à 3 jours. Il y aurait 3 à 4 vols par an. D'après la littérature, la cécidomyie du chou-fleur peut faire son cycle sur toutes les crucifères cultivées (chou, colza, radis…) ou sauvages (tabouret des champs, capselle…). 13 Unilet Informations n° 127 - Août 2007 Unilet 127OK .QXD 27/07/07 17:17 Page 14 Technique Des types de choux et des variétés aux sensibilités différentes Constatant que l'essentiel des dégâts observés depuis 2001 concerne le brocoli, des essais de comparaison des 4 culti-groupes de chou (chou-fleur, brocoli, romanesco, chou de Milan) ont été mis en place en 2005 et 2006 dans le nord-Finistère, dans des parcelles fortement contaminées les années précédentes. Ces trois essais ont confirmé l'extrême sensibilité du brocoli par rapport au romanesco, le comportement intermédiaire du chou-fleur et la tolérance élevée du chou de Milan. Importance des dégâts de cécidomyie suivant le type de chou Essais Chambre d'Agriculture du Finistère Dégâts (exprimés en %) = chou borgne ou pomme déformée non commercialisable Variétés Ploudalmézeau 2005 (moyenne plantation : semaines 22 et 25) Lanmeur 2005 (plantation : semaine 22) Variétés St Martin des Champs (moyenne plantation : semaines 18, 20 et 22) Brocoli MONACO (S & G) Romanesco WHITE GOLD (Béjo) Chou-fleur MARINE (S & G) Chou de Milan ATLANTA (S & G) 33 % 24 % 7% 0% 65 % 29 % 12 % 1% MONACO (S & G) WHITE GOLD (Béjo) 98 % 48 % CORTES (S & G) MILAN (S & G) 47 % 2% Dans le groupe le plus sensible (brocoli), nous avons également observé une différence de sensibilité selon les variétés. La tolérance partielle de la variété IRONMAN (Seminis) a été confirmée sur 4 essais : elle s'élève à environ 25 % par rapport aux 2 autres variétés testées. IRONMAN est donc recommandée en présence de cécidomyie. Variétés Importance des dégâts de cécidomyie selon la variété de brocoli Moyenne de 4 essais réalisés en 2005 et 2006 par la Chambre d'Agriculture du Finistère CHEVALIER (Seminis) MONACO (S & G) IRONMAN (Seminis) Dégâts (en %) 89 % 86 % 66 % Dans les 2 essais réalisés en 2005, d'autres variétés ont été comparées : MONOPOLY, PARTHENON, MARATHON. Elles expriment le même niveau de dégâts que les variétés CHEVALIER et MONACO. OÙ TROUVE-T-ON LA CÉCIDOMYIE EN BRETAGNE ? La réponse est simple : sans doute partout. Grâce au développement de pièges à phéromones spécifiques de la cécidomyie du chou-fleur, des réseaux de surveillance ont été mis en place à partir de 2005 dans différentes zones légumières de Bretagne. Dans les Côtes d'Armor, le Morbihan et le sud-Finistère, les pièges ont été installés dans (ou à proximité) des parcelles ayant eu des dégâts les années précédentes. Le niveau de captures varie de quelques individus à quelques centaines. Dans le nord-Finistère, un réseau aléatoire de plus grande importance a été mis en œuvre en 2005 et 2006. Sur les 61 parcelles de ce réseau (réparties dans 27 communes), la présence de cécidomyies a été confirmée dans 57 d’entre-elles (soit 93 % des parcelles réparties dans 25 communes). En général, le niveau des captures est faible : - moins de 10 cécidomyies piégées dans 30 parcelles (soit 49 % des parcelles du réseau) ; - 10 à 100 cécidomyies dans 23 parcelles (38 %) ; - plus d’une centaine d'insectes capturés dans 3 parcelles (5 %). Les piégeages débutent à partir de la mi-mai et se poursuivent jusqu'à fin octobre. Contrairement à certains ravageurs (exemple : mouche du chou), il n'y a aucune synchronisation des vols entre les parcelles. Cette caractéristique empêche tout avertissement collectif, le suivi et le conseil ne pouvant se faire qu'à la parcelle. 14 Unilet Informations n° 127 - Août 2007 UN PIÉGEAGE OPTIMISÉ Les cages-éclosoirs ont été utilisées pour le suivi des populations de 2002 à 2004, avec plus ou moins (et plutôt moins !) de satisfaction : mauvaise corrélation piégeage / niveau de dégâts, travail d'identification extrêmement laborieux. A partir de 2005, la commercialisation d'une phéromone sexuelle (suite à la validation en 2004 de la phéromone expérimentale, issue de la recherche publique Suisse, par l'équipe de l'UNILET de Quimperlé) a permis un suivi des vols de cécidomyies à plus grande échelle et de manière beaucoup plus rapide. En 2005 et 2006, la Chambre d'Agriculture du Finistère a réalisé plusieurs essais pour optimiser l'utilisation de ces pièges à phéromones, dont voici les principaux enseignements : • Le piège commercialisé par Andermatt Biocontrol est en carton paraffiné de couleur beige. D’après nos expérimentations de 2005, il présente 2 inconvénients : une fragilité à l'eau (durée de vie de quelques semaines) et une moins bonne spécificité de piégeage due à la couleur beige (si le nombre de cécidomyies piégées est le même statistiquement entre les 2 couleurs, le nombre d'autres insectes piégés est plus élevé dans les pièges beiges). C’est pourquoi nous utilisons des pièges en plastique alvéolaire peints en vert. • Deux pièges sont nécessaires pour apprécier la population de cécidomyies dans une parcelle : un en bordure, si possible le long d'une zone abritée (haie, talus) où seront en général piégés les premiers insectes, et un autre au centre de la parcelle. • Le fond du piège doit être positionné précisément à 20 cm du sol. Cette hauteur correspond aux préconisations Unilet 127OK .QXD 27/07/07 17:17 Page 15 Technique du fabricant et à notre pratique, l'ensemble des essais sur les seuils de nuisibilité ayant été réalisés avec des pièges placés à cette hauteur. Or, le niveau de piégeage varie énormément en fonction de cette hauteur : Hauteur des pièges (4 répétitions) 40 cm Nombre moyen de cécidomyies piégées par semaine (pendant 6 semaines) 4 20 cm 10 cm 36 56 • En 2006, nous avons défini un premier seuil d’intervention de 15 cécidomyies / semaine / piège, qui est valable uniquement pour les variétés MONACO, MONOPOLY, CHEVALIER, PARTHENON et MARATHON. De plus, nous avons démontré que le brocoli n'est sensible à la cécidomyie que durant les 7 premières semaines de culture, soit jusqu’à 1 à 2 semaines avant l’apparition de la pomme. UNE LUTTE FORCÉMENT INTÉGRÉE La lutte contre la cécidomyie du chou-fleur nécessite de combiner différents moyens. Elle implique notamment le choix des parcelles et des variétés, et l'utilisation de pièges à phéromones. Choix des parcelles : Les pupes restent viables plusieurs années (4 ans au minimum dans nos essais). Une parcelle ayant subi des dégâts risque donc d'en avoir pendant plusieurs années si des cultures sensibles sont implantées. Une rotation sans crucifères de plusieurs années est alors souhaitable. Travail du sol : Seules les pupes situées dans les premiers centimètres du sol peuvent émerger. L'option de réaliser un labour plutôt qu'un travail superficiel du sol (TCS) est efficace en cas de premiers dégâts. Dans un essai réalisé en 2005 comparant les 2 techniques, nous avons démontré que les émergences sont 24 fois plus importantes après un TCS par rapport à un labour (31 cécidomyies capturées / m2 en TCS contre 1,3 / m2 sur labour). Le même essai reconduit dans une parcelle subissant des dégâts depuis 3 ans, n'a donné aucun résultat : la zone travaillée (25 cm) était sans doute totalement « imprégnée » de pupes. Choix des variétés : En cas d'impossibilité de rotation, privilégier dans les parcelles à risque (= parcelles ayant déjà subi des dégâts) les cultigroupes les moins sensibles : un choufleur plutôt qu'un brocoli. Parmi les brocolis, la variété IRONMAN (Seminis) présente en moyenne 25 % de dégâts en moins par rapport aux autres variétés (voir encadré p.14). Larve de cécidomyie du chou-fleur. Bâchage : Le bâchage (non tissé) est très efficace pour protéger les cultures de parcelles mitoyennes contaminées. Par contre, si la parcelle bâchée est elle-même infestée de pupes, le niveau de dégâts est le même qu'il y ait ou non une bâche. Lutte chimique : En 2007, la panoplie insecticide (environ 45 produits homologués) repose sur 3 pyréthrinoïdes. Ces produits sont uniquement adulticides et à faible rémanence (quelques jours). Aussi leur efficacité atteint environ 60 % en traitement hebdomadaire à haut volume (500 l/ha). PERSPECTIVES D’AVENIR Des travaux sont prévus en 2007 pour établir d'autres seuils de nuisibilité, en particulier pour la variété de brocoli IRONMAN et le chou-fleur d'été CORTES. L'utilisation d’une matière active systémique plus rémanente (en cours d'expérimentation) permettrait dans les années à venir de réduire la cadence des traitements (actuellement hebdomadaire dès que le seuil de nuisibilité est dépassé) et d'améliorer, nous l'espérons, l'efficacité. Un travail est également en cours sur l'optimisation des applications avec, en particulier, l'étude de l'impact du volume de la bouillie et l'adjonction de certains mouillants. Vianney ESTORGUES Chambre d'Agriculture du Finistère Les pièges à phéromone : mode d’emploi • Le piège utilisé est un piège delta dont le fond mesure environ 20 x 10 cm. • Les fonds (feuille de PVC blanc + glu ou papier autocollant) sont relevés une fois par semaine. • Les phéromones ont une durée d'action de 6 semaines (essai 2006) sans perte d'efficacité (le fabricant annonce une durée de 4 à 6 semaines). • L'identification des insectes piégés nécessite au minimum une loupe (grossissement 10 fois) ou une binoculaire. Environ 30 % des insectes piégés sur les fonds ne sont pas des cécidomyies (moyenne de l'année 2005). • 4 critères de reconnaissance sont utilisés : - une taille de 2 mm (distance tête-abdomen = 1,4 mm) - une couleur grise à jaunâtre (ni noire, ni orange, ni brune) La nervure radiale atteint - des ailes et antennes caractéristiques. Uniquement l'extrémité de l'aile Piége utilisé pour repérer les vols de cécidomyie. Nervure anale en fourche } 2 nervures Photos : Chambre d’Agriculture du Finistère Antennes très longues portant de longues soies Cécidomyies piégées sur une plaque engluée. 15 Unilet Informations n° 127 - Août 2007