Lire l`histoire du kiosque à musique

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LE KIOSQUE A MUSIQUE DE CREST
Vers la fin de l'année 1898, pour satisfaire les Sociétés de Musique Crestoises
qui réclamaient un kiosque pour y donner des Concerts populaires, la Municipalité de
l'époque décida d'en faire établir un sur le Quai des marronniers. Il devrait être
modeste, avec un toit très simple. M. Galland-Pelet, de Tournus, en fut chargé.
En Juin 1899, tout était terminé et, le 16, la Fanfare put donner un concert qui
dura plus de trois heures. Mais, l'apothéose, ce fut pour les fêtes de St-Ferréol. La
Fanfare avait soigneusement préparé des morceaux alors en vogue, qu'elle exécuta
magistralement, sous la baguette de son Directeur, M..Brunel, également
compositeur:
- Un adio à la Brigata ancône
- La reine de Chypre (Halévy)
- Les Faucheurs, ouverture (Bondouck)
- Grande Marche Dauphinoise (Brunel)
- Mandolinette, mazurka (Brunel)
Le lundi, ce fut le tour de l'orphéon La Lyre, musique et chœurs :
- Espérance, allegro (Brunel)
- Sambre et Meuse, avec chœurs (Planquette)
- Aubade Provençale (Orphéon)
- Marthe, orchestre Flotow)
- Le Danube Bleu, valse avec chœurs (Strauss)
- Mia Carissima, mazurka.
Vingt bancs de bois, à double siège, avaient été achetés, pour la foire du 6
Août, à la maison Cordeil, on les avait installés sur la Promenade des marronniers, ce
qui permit à la population de savourer confortablement la musique, sous les arbres
déjà assez grands pour procurer une ombre appréciée.
Pour les fêtes de la St-Pierre de 1900, dix Fanfares des environs vinrent se
produire avec la Lyre sous la direction de L. Barral. Les concerts, dès lors, se
succédèrent nombreux, pour le plus grand plaisir des Crestois. Il est fort probable que
l'on dut y jouer des compositions de Ferdinand Marie, natif de Crest, qui dirigeait la
Fanfare des Sapeurs-Pompiers de Valence, mais revenait souvent au pays. Et aussi.
celles de Masseron, musicien crestois, qui mit en musique de nombreuses œuvres de
nos poètes locaux, Roch-Grivel et Léopold Bouvat. Que de fois dut-on y exécuter notre
"San-Ferruou"...
Des problèmes financiers, hélas, amenèrent bientôt la dissolution de l a Société
qui n'avait pu obtenir une subvention demandée à la Municipalité (il fallait faire des
économies). Maintenant que nous avions enfin notre kiosque, voilà que nous n'avions
plus de Fanfare! Une pétition fut donc signée par les musiciens, le 25 Août 1901,
demandant une subvention pour reconstituer la Fanfare, faisant ressortir qu'après les
frais importants faits pour la construction de ce kiosque, celui-ci devait être utilisé. L a
subvention fut finalement accordée, moyennant l'élaboration d'un règlement par la
Commission des Fêtes Publiques. Avec quelle joie les musiciens allèrent-ils récupérer
leurs instruments au dépôt pour reprendre les répétitions!
En 1902, M. Armorin, pâtissier, installa sur le quai une petite maisonnette en bois
pour y vendre glaces et bonbons que petits et grands mélomanes et gourmands,
pouvaient déguster sous les ombrages, tout en écoutant la musique. Elle devait être
reprise plus tard par Mme Legay. Beaucoup de Crestois se souviennent encore des
cornets de glace et des sucettes multicolores qu'elle leur vendait, sous son grand
auvent de bois, et aussi de sa gentillesse envers les enfants.
Que de fêtes, que de bals populaires, pour la St-Pierre, le 14 Juillet, la StFerréol, se déroulèrent autour de ce kiosque! Que de jeunes amoureux s'y donnaient
rendez-vous, le soir, sous les lanternes vénitiennes pour y danser. Bien des couples de
Crestois se sont rencontrés là pour la première fois au cours d'un bal!
Parmi ces fêtes, il faut mentionner, vers les années trente, le vaste canular qui
fut organisé par un groupe de commerçants de la ville, entre autres MM. Vinay et
Ripert, et toute une équipe de joyeux lurons: la soi-disant visite du Sultan du Maroc et
de la Fanfare de Tizi-Ouzou.
Un groupe partit discrètement, de bon matin, pour prendre le train à Allex, et
fut reçu, presque officiellement, en gare de Crest, sous les regards curieux de la
population alertée par la Presse. Les musiciens "Marocains", affublés de gandouras,
burnous et chéchias ( en papier rouge), figure barbouillée, pourvus d'instruments
bizarres en carton doré du genre mirliton, donnèrent sous le kiosque une
démonstration de musique et danses arabes, avec, à leur tête, Odon, qui alliait à ses
fonctions de tambour-de-ville un petit talent de rimailleur. Et tous, en chœur,
reprenaient à tue-tête le refrain d'un chant qu'il avait composé pour la circonstance:
- "C'est nous qui sommes la Fanfare - Qui vient à Crest dare-dare - de Titi, de zizi, de
Tizi-Ouzou"...
Quel succès! Tous les environs s'étaient déplacés. Le secret avait été bien
gardé, seuls quelques initiés étaient au courant. Peut-être y en a-t-il même qui y
croient encore, s'ils s'en souviennent?
Après ce temps où concerts et bals, foires et vogues, étaient les seules
distractions, vint celui du cinéma, de la radio, de la télévision, des Associations
sportives, des sorties en voiture, sans oublier ces tristes années où l'on n'avait plus
envie de s'amuser car on avait bien d'autres graves soucis. Et notre kiosque, délaissé,
commença à se dégrader. Il ne servait plus qu'à signaler "Arrêt des Cars". Certains
préconisaient même sa démolition pour agrandir le parking.
Une Municipalité intelligente, sous l'impulsion d'un Maire dynamique, soucieux
de la conservation de notre patrimoine local, a heureusement décidé de le faire
restaurer. Et nous pouvons, aujourd'hui, nous réjouir du rajeunissement de notre bon
vieux kiosque qui a été célébré par une grande fête de la Musique. Reste à savoir s'il
ne se trouvera pas quelque part un nouveau Peynet qui pourrait lui apporter une
célébrité semblable à celle de son frère Valentinois?
P. FOLNY ( Bulletin des AMIS DU VIEUX CREST N° 13)
Aimablement communiqué par Mme Nadine Merle de l’Office du Tourisme de Crest en
avril 1998.