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L’Encéphale (2012) 38, 111—117
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
MÉMOIRE ORIGINAL
Qualité de vie des malades atteints de
schizophrénie : étude de 100 cas
Quality of life in patients with schizophrenia: A study of 100 cases
L. Zouari ∗, J. Ben Thabet , Z. Elloumi , M. Elleuch , N. Zouari , M. Maâlej
Service de psychiatrie « C », CHU Hédi Chaker, route El Aïn km 1, Sfax 3029, Tunisie
Reçu le 28 avril 2010 ; accepté le 22 novembre 2010
Disponible sur Internet le 25 mai 2011
MOTS CLÉS
Facteurs de risque ;
Psychose ;
Qualité de vie ;
Schizophrénie ;
SF-36
KEYWORDS
Psychosis;
Quality of life;
Risk factors;
Schizophrenia;
SF-36
∗
Résumé
Objectif. — Évaluer la QDV de malades atteints de schizophrénie, traités à titre externe, et
identifier les facteurs corrélés à une QDV altérée chez eux.
Sujets et méthodes. — Étude sous forme d’enquête auprès de 100 malades traités à titre externe
en psychiatrie. Leur QDV a été évaluée par la SF-36.
Résultats. — Le taux des malades ayant une QDV altérée était de 34 %. Les dimensions les plus
touchées étaient : la santé psychique, la santé perçue, la vitalité, les limitations dues à la santé
physique et les limitations dues à la santé psychique. L’analyse par régression linéaire multiple
a montré quatre facteurs fortement corrélés à une QDV altérée : l’inactivité professionnelle,
le cours évolutif épisodique avec symptômes résiduels entre les épisodes, la présence d’effets
indésirables influençant modérément la vie quotidienne et un score de la psychopathologie
générale d’au moins 26.
Conclusion. — La connaissance des facteurs d’altération de la QDV permettrait d’optimiser la
prise en charge. Les antipsychotiques atypiques apportent une contribution précieuse dans ce
sens.
© L’Encéphale, Paris, 2011.
Summary
Objective. — The aim of the present study was to evaluate the quality of life (QOL) in outpatients
with schizophrenia, and to identify factors correlated to an impaired QOL among them.
Subjects and methods. — A transversal study, in the form of an inquiry, was conducted in 100
outpatients, during seven months, in the psychiatric department of the Hedi Chaker teaching
hospital in Sfax — Tunisia. We used the ‘‘36 item Short-Form Health Survey’’ (SF-36) to assess
the QOL; this has been considered as impaired when the global medium score was inferior to
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : lobna [email protected] (L. Zouari).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2011.
doi:10.1016/j.encep.2011.03.005
112
L. Zouari et al.
66.7. For the global assessment of functioning and the global assessment of the interference by existing side effects with the patient’s daily performance, we have used respectively
the Global Assessment of Functioning scale (GAF) and the Udvalg of Kliniske Undersogelser (UKU) side effect rating scale. The positive and negative symptoms added to the
general psychopathology were assessed using the Positive and Negative syndrome scale
(PANSS).
Results. — The QOL was impaired in 34% of the cases. The analysis of the scores of the eight
dimensions by the scale SF-36 has shown that the most affected dimensions were, in decreasing order: mental health (MH), general health perceptions (GH), vitality (VT), role limitations
due to physical health problems (RP) and role limitations due to emotional problems (RE).
The standardization revealed that six dimensions were impaired; these were, in decreasing
order: mental health (MH), social functioning (SF), role limitations due to emotional problems
(RE), role limitations due to physical health problems (RP), general health perceptions (GH) and
physical functioning (PF). The standardization has also revealed an impairment of the psychological component, while the physical component has been conserved. After analysis by multiple
linear regression, four factors appeared strongly correlated with the impaired QOL: the professional inactivity, the episodic course with interepisode residual symptoms, the presence of side
effects moderately influencing the daily performance, and a general psychopathology score
for 26 at least. These four factors affected, in decreasing order of importance, social functioning (SF) (related to two factors), general health perceptions (GH) and role limitations due to
emotional problems (RE) (each related to one factor). None of the factors appeared to affect
the other dimensions: physical functioning (PF), role limitations due to the physical health
problems (RP), bodily pain (BP), mental health (MH) and vitality (VT). The bivariate analysis
revealed three other factors correlated, to a lesser degree, to the impairment of the QOL:
the disorganized sub-type, a score of (GAF) inferior or equal to 30 and the negative type of
schizophrenia.
Conclusion. — Management of schizophrenic patients should go beyond the remission of the
symptoms; it has also to target the improvement in QOL. This needs an action over the factors
that affect the QOL, among which residual symptoms and side effects. The atypical antipsychotics would contribute preciously in this way, due to their efficacy on negative symptoms and
their better tolerance than the conventional ones.
© L’Encéphale, Paris, 2011.
Introduction
Sujets et méthodes
La schizophrénie, par sa prévalence élevée (0,4 à 1 %) [4,11],
son évolution chronique et ses répercussions sociales,
constitue un enjeu majeur pour les professionnels de
la santé [23]. Elle est classée par l’OMS parmi les dix
pathologies les plus préoccupantes pour le xxie siècle. Des
progrès conséquents, notamment l’avènement des neuroleptiques atypiques qui ont permis de mieux faire face
non seulement aux symptômes positifs mais aussi et surtout aux symptômes négatifs de la maladie, ont amélioré
la prise en charge des patients atteints de cette pathologie. Cependant, les critères d’évaluation, dont dispose le
thérapeute, ne rendent pas toujours pleinement compte
des symptômes et de leur intensité. C’est justement là que
réside l’intérêt de l’évaluation de la qualité de vie (QDV).
Celle-ci constitue un outil précieux, à côté des critères
cliniques, biologiques ou d’imagerie, pour l’appréciation
de l’impact de la maladie et l’ajustement des mesures
thérapeutiques [23].
L’objectif de notre étude était d’évaluer la QDV d’une
population hospitalière ambulatoire de malades atteints de
schizophrénie et d’identifier les facteurs corrélés à une QDV
altérée chez eux.
Type et lieu de l’étude
Notre étude était de type transversal, sous forme d’enquête
au cours de laquelle une fiche a été remplie par
l’examinateur à partir des données recueillies auprès du
malade et de l’examen du dossier médical. Elle a été réalisée sur une période de sept mois, du 1er juillet 2007 au
31 janvier 2008.
Population étudiée
L’étude a concerné 100 malades atteints de schizophrénie,
suivis à l’unité des consultations externes de psychiatrie au
CHU Hédi Chaker à Sfax en Tunisie. Ces 100 malades ont été
choisis au hasard parmi les consultants atteints de schizophrénie répondant aux critères d’inclusion et d’exclusion de
l’étude.
Critères d’inclusion
Accord préalable du patient ; âge compris entre 20 et
65 ans ; diagnostic nosographique établi en référence au
Qualité de vie des malades atteints de schizophrénie
manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de
l’Association américaine de psychiatrie, IVe édition, Texte
Révisé (DSM-IV-TR) [1] ; durée d’évolution de la maladie d’au
moins deux ans.
Critères d’exclusion
Présence d’une affection organique sévère décompensée,
d’un retard mental ou de troubles cognitifs majeurs (en se
basant sur le dossier et sur une appréciation clinique lors de
l’interview), d’un épisode de décompensation sévère (indiquant l’hospitalisation) au moment de l’enquête.
Méthodes
Tous les patients de l’étude ont été rencontrés par
l’examinateur. Pour chaque patient ont été recueillies
les données sociodémographiques (âge, sexe, situation
familiale, mode de vie, niveau d’études, situation professionnelle, niveau socioéconomique, zone de résidence), et
cliniques (âge de début de la maladie, type de la schizophrénie selon le DSM-IV-TR, cours évolutif de la maladie, durée
d’évolution de la maladie, nombre d’hospitalisations, durée
cumulée des hospitalisations, durée et nature du traitement
médicamenteux).
Outils d’évaluation utilisés :
• l’échelle « Positive and Negative Symptom Scale » (PANSS)
pour l’évaluation de la sévérité de la pathologie et des
symptômes positifs et négatifs [10] ;
• l’échelle « 36-item Short-Form Health Survey » (SF-36)
pour l’évaluation de la QDV [27]. Le questionnaire a été
traduit, de sa forme originale en langue anglaise, à l’arabe
littéraire.
Cette échelle comporte 36 questions réparties en huit
dimensions :
•
•
•
•
•
•
•
•
D1 :
D2 :
D3 :
D4 :
D5 :
D6 :
D7 :
D8 :
activité physique ;
limitations dues à l’état physique ;
douleur physique ;
santé psychique ;
limitations dues à l’état psychique ;
vie et relations avec les autres ;
vitalité ;
santé perçue.
Les huit dimensions sont regroupées en une composante
physique (D1, D2, D3, D8) et une composante psychique (D4,
D5, D6, D7). Les réponses aux questions sont cotées de 0 à
100. Un score moyen est calculé pour chaque dimension.
Le score moyen global (SMG) est obtenu par le calcul de la
moyenne des réponses aux 36 questions. Selon Léan et al.
[18], la QDV est considérée comme altérée si le SMG est
inférieur à 66,7 :
• l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement (EGF)
[1] ;
• l’échelle UKU des effets secondaires pour l’évaluation
globale de l’interférence des effets indésirables avec la
vie quotidienne du patient [20].
113
Analyse statistique
Les données ont été codées et saisies grâce au logiciel
« SPSS » dans sa version 15. L’étude statistique a comporté
une étape descriptive et une étape analytique dans laquelle
les scores moyens des huit dimensions de la SF-36 ont fait
l’objet d’une analyse bivariée, par croisement avec les
variables sociodémographiques et cliniques ainsi qu’avec
les scores obtenus à la PANSS et l’EGF, en utilisant chaque
fois, pour les comparaisons statistiques, le test Chi2 (␹2 ).
Le seuil de signification retenu était de 5 %. Ensuite, nous
avons effectué une analyse multivariée, de type régression
linéaire multiple, afin de préciser les corrélations entre les
scores moyens des dimensions de la SF-36 et les différentes
variables étudiées. Les coefficients de régression multiple
ß et R2 , ainsi que les significations statistiques, visaient à
déterminer les facteurs les plus incriminés dans l’altération
de la QDV des malades de notre étude.
Résultats
Profil général de la série
Les patients de notre étude avaient une moyenne d’âge
de 41 ans six mois, un sex-ratio de 3,54 et un niveau
d’instruction bas dans 66 % des cas ; ils étaient mariés dans
34 % des cas, inactifs ou irréguliers sur le plan professionnel
dans 68 % des cas ; leur niveau socioéconomique était bas
dans 93 % des cas et ils résidaient en zone urbaine dans 54 %
des cas.
L’âge moyen de début de la maladie était de 25 ans
trois mois, et l’ancienneté moyenne de la maladie était
de 16,4 ans. Il s’agissait de schizophrénie de type paranoïde dans 75 % des cas, et le cours évolutif était de type
épisodique sans symptômes résiduels entre les épisodes
dans 53 % des cas. Le nombre moyen des hospitalisations
était de 3,65 avec une durée cumulée des hospitalisations
de 82,5 jours ; 90 % recevaient une association de psychotropes et 52 % ont signalé des effets indésirables. Le niveau
de sévérité des symptômes était faible pour 90 % (score de
psychopathologie générale à la PANSS inférieur à 25) et le
score de l’EGF était d’au maximum 70 pour 85 %.
Évaluation de la QDV
Les scores moyens globaux (SMG) de la SF-36 de l’ensemble
des patients variaient entre 27,54 et 92,87, avec une
moyenne de 68,77 et un écart-type de 15,71. Trente-quatre
pour cent avaient une QDV altérée (SMG inférieur à 66,7).
L’analyse des scores des huit dimensions de l’échelle SF-36 a
montré que les dimensions les plus touchées étaient, par
ordre décroissant : la santé psychique (D4), la santé perçue
(D8), la vitalité (D7), les limitations dues à la santé physique (D2) et les limitations dues à la santé psychique (D5)
(Tableau 1).
Pour une meilleure interprétation de nos résultats, nous
avons procédé à la standardisation des scores moyens initiaux des huit dimensions de la SF-36 à une moyenne de
50, et un écart type de 10, conformément à l’étude en
population générale « USA 98 » [26]. La standardisation a
114
Tableau 1
L. Zouari et al.
Répartition de la série selon les scores moyens initiaux et standardisés de la SF-36.
Dimension
Score moyen initial
Score standardisé
Santé physique (D1)
Limitations dues à la santé physique (D2)
Douleur physique (D3)
Santé psychique (D4)
Limitations dues à la santé psychique (D5)
Vie et relations avec les autres (D6)
Vitalité (D7)
Santé perçue (D8)
Composante physique
Composante mentale
82,50
64,75
80,50
60,09
68,66
70,80
64,20
63,52
72,98
65,76
49,79
46,26
54,38
41,51
45,33
44,42
53,43
46,92
50,96
44,54
montré que seulement deux dimensions de la SF-36 étaient
non altérées : la vitalité (D7) et la douleur physique (D3) ;
les altérations touchaient, par ordre décroissant : la santé
psychique (D4), la vie et relations avec les autres (D6), les
limitations dues à la santé psychique (D5), les limitations
dues à la santé physique (D2), la santé perçue (D8) et la santé
physique (D1). La standardisation a aussi montré une altération de la composante psychique, alors que la composante
physique était conservée.
Facteurs associés à l’altération de la QDV
L’analyse bivariée a montré que l’altération de la QDV, chez
nos malades, était corrélée à sept facteurs : l’inactivité professionnelle (p = 0,02), le sous-type désorganisé (p = 0,04), le
cours évolutif épisodique avec symptômes résiduels entre
les épisodes (p = 0,003), la présence d’effets indésirables
influençant modérément la vie quotidienne (p = 0,001), un
score de l’EGF inférieur ou égal à 30 (p = 0,03), le soustype négatif de la symptomatologie psychotique (p = 0,00)
et un score de la psychopathologie générale d’au moins 26
(p = 0,00).
Après analyse par régression linéaire multiple, quatre
facteurs étaient apparus fortement corrélés à une QDV
altérée : l’inactivité professionnelle, le cours évolutif épisodique avec symptômes résiduels entre les épisodes, la
présence d’effets indésirables influençant modérément la
vie quotidienne et un score de la psychopathologie générale
d’au moins 26. Ces quatre facteurs touchaient, par ordre
d’importance décroissante, les dimensions suivantes : la vie
et relations avec les autres (D6) (qui étaient liées à deux
facteurs), la santé perçue (D8) et les limitations dues à la
santé psychique (D5) (qui étaient liées chacune à un facteur). Aucun facteur ne touchait la santé physique (D1), les
limitations dues à la santé physique (D2), la douleur physique
(D3), la santé psychique (D4) et la vitalité (D7) (Tableau 2).
Discussion
Les limites de l’étude
Notre étude était de type transversal. Ce type d’étude, relativement facile à réaliser, ne permet toutefois pas d’assurer
une vision longitudinale de l’impact de la schizophrénie sur
la QDV, sachant qu’une telle vision est essentielle pour la
recherche étiologique et des facteurs de risque qui peuvent
être mis en cause dans l’altération de la QDV.
Pour la mesure de la QDV, nous avons utilisé un instrument générique multidimensionnel, en l’occurrence, la
SF-36, en considérant ses avantages et sa pertinence. C’était
initialement un autoquestionnaire devant être rempli par
le sujet lui-même, après lecture des consignes dans des
conditions aussi standardisées que possible, permettant une
utilisation simple, répétée si besoin, sans distorsion des
réponses dues au jugement d’un tiers comme les échelles
d’hétéroévaluation ; elle est devenue une entrevue semidirigée, en raison de sa traduction de sa langue d’origine à
l’arabe littéraire. Ce point soulève le problème important
de l’adaptation de cet instrument à notre contexte socioculturel : à notre connaissance, cette échelle n’a pas été
validée dans une population maghrébine, du moins jusqu’à
la date de notre étude ; ce qui constitue l’une des limites
de l’étude.
Concernant la spécificité de cette échelle pour
l’évaluation de la QDV chez les malades atteints de
schizophrénie, Reine et al. [22] ont montré que l’utilisation
d’un instrument générique tel que la SF-36 était appropriée
pour de tels patients. Il n’en demeure pas moins que
la SF-36, comme toutes les échelles génériques, pose le
problème du manque de spécificité pour de tels malades ;
par exemple, elle manque d’items relatifs aux fonctions
cognitives, à la sexualité et aux ressources financières,
dont l’évaluation est importante chez les malades atteints
de schizophrénie. Il existe des instruments plus spécifiques
telle la Schizophrenia Quality of Life (S-QoL).
Discussion des résultats
Mesure de la QDV
Dans notre étude, 34 % des malades avaient une QDV altérée.
L’analyse des scores des huit dimensions de l’échelle SF-36 a
montré que les dimensions les plus touchées étaient, par
ordre décroissant : la santé psychique (D4), la santé perçue
(D8), la vitalité (D7), les limitations dues à la santé physique
(D2) et les limitations dues à la santé psychique (D5).
Nous avons confronté nos résultats à ceux de cinq
études ayant utilisé la SF-36 pour l’évaluation de la QDV des
patients atteints de schizophrénie (Tableau 3).
L’analyse des résultats de ces différentes études montre
que la santé physique (D1) était la dimension la plus pré-
11,4
0
R2 9,4
ß −0,304
p 0,042
0
9,4
R2 39,56
ß −0,47
p 0,000
50,16
R 10,6
ß 0,337
p 0,008
2
D4
0
D3
0
D2
Total R2
Cours évolutif épisodique avec
symptômes résiduels entre les
épisodes
Présence d’effets indésirables
influençant modérément la vie
quotidienne
Psychopathologie générale
(Score ≥ 26)
Inactivité professionnelle
0
D1
Variable corrélée à une QDV altérée
Tableau 2
Corrélation entre les variables étudiées et les scores moyens des dimensions de la SF-36.
D5
D6
D7
D8
R2 11,4
ß 0,243
p 0,029
Qualité de vie des malades atteints de schizophrénie
115
servée dans la plupart des études, y compris la nôtre. La
dimension la plus touchée dans notre étude était la santé
psychique (D4) ; alors qu’il s’agissait des limitations dues à
la santé psychique (D5) dans les autres, à l’exception de
celles de Pukrop et al. [21] et de Fleischhacker et al. [9], où
c’était la vitalité (D7). Ces deux dernières dimensions figuraient parmi les cinq dimensions les plus altérées dans notre
étude.
La standardisation des scores moyens initiaux des huit
dimensions de la SF-36, de notre étude, à une moyenne
de 50, et la répartition de ces dimensions en deux composantes : physique et mentale, a montré que la composante
psychique était altérée (46,32), alors que la composante
physique était conservée (50,14).
Dans les études de Kaneda et Ohmori [13,14,15], la
composante psychique ainsi que la composante physique
étaient altérées.
Facteurs corrélés à l’altération de la QDV
L’analyse par régression linéaire multiple, dans notre étude,
a montré quatre facteurs (fortement) corrélés à une QDV
altérée : l’inactivité professionnelle, un cours évolutif épisodique avec symptômes résiduels entre les épisodes, la
présence d’effets secondaires influençant modérément la
vie quotidienne et un score de la psychopathologie générale
d’au moins 26.
Dickerson [7] et Browne et al. [3] ont trouvé aussi une
corrélation entre l’inactivité professionnelle et une QDV
altérée chez des malades atteints de schizophrénie. Kapfer
et Singer [16], dans une étude sur des schizophrènes travaillant aux centres d’aide par le travail, ont observé une
amélioration nette des troubles chez la majorité, avec une
diminution considérable du nombre de rechutes et de réhospitalisations et, par conséquence, un changement dans la
QDV de ces malades.
Concernant les effets indésirables, des études ont rapporté que leur intensité était corrélée aux doses cumulées
du traitement. Dans ce sens, Verdoux et Bourgeois [25] ont
fait remarquer que la plurithérapie psychotrope, souvent
nécessaire, entraînait un risque accru d’effets indésirables,
ce qui majorait l’altération de la QDV des patients. Certains auteurs [8,22] ont rapporté une corrélation négative
entre les effets indésirables neurologiques et la QDV dans
les groupes recevant des neuroleptiques classiques. D’autres
auteurs [29] ont constaté une amélioration de la QDV sous
neuroleptiques atypiques.
L’évaluation de la symptomatologie psychotique, dans
notre étude, a montré qu’un score de la psychopathologie générale d’au moins 26 était corrélé à une altération
de la QDV. Des résultats comparables ont été rapportés dans plusieurs autres études utilisant la même
échelle [2,3,12].
L’analyse bivariée, dans notre étude, a montré que
l’altération de la QDV, chez nos malades, était corrélée, mais de façon moins forte que les quatre facteurs
susmentionnés, au sous-type désorganisé, à un score de
l’EGF ≤ 30 et au sous-type négatif de la symptomatologie
psychotique.
Quant à l’EGF, les données de la littérature [12,28]
indiquent l’existence d’une corrélation très significative
entre son score et la QDV ; ce qui paraît évident compte tenu
116
Tableau 3
L. Zouari et al.
Comparaison des résultats des études ayant évalué la QDV par la SF-36, chez des malades atteints de schizophrénie.
Auteurs
Nombre des malades
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
Diaz et al. (1999) [5]
Pukrop et al. (1999) [21]
Kaneda et al. (2002) [13,14,15]
Fleischhacker et al. (2005) [9]
Kebede et al. (2005) [17]
Notre étude (2008)
183
40
55
615
208
100
68,6
66,9
76,8
76,5
69,1
82,5
48,2
52,6
55,6
61
51,7
64,75
63,5
48,2
52,3
77,9
59,8
80,5
46,3
44,9
41,2
63,2
52,1
60,09
44,4
38,1
38,4
56,8
14,3
68,66
64,2
41,4
62,1
66
36,2
70,8
47,6
36,7
39,2
51,5
43
64,2
55,7
58,8
52,8
58,5
31,5
63,5
du fait que l’EGF évalue le fonctionnement psychologique,
social et professionnel.
D’autres facteurs corrélés à l’altération de la QDV ont été
rapportés dans la littérature [3,6,7,19,24] : l’âge avancé,
le statut matrimonial de veuf ou de divorcé, le niveau
d’instruction bas, le nombre d’enfants ≥ 6, le niveau socioéconomique bas, une longue durée d’évolution de la maladie,
la longue durée cumulée des hospitalisations, l’association
de psychotropes et la mauvaise observance du traitement.
Conclusion
La prise en charge des malades souffrant de schizophrénie devrait aller au-delà de la rémission symptomatique,
et cibler aussi l’amélioration de leur QDV, souvent altérée ;
notre étude a montré qu’elle était altérée chez le tiers.
Mais, il faudrait, au préalable, penser à évaluer de façon
codifiée la QDV chez de tels malades. Il faudrait pour cela
sensibiliser les médecins généralistes aussi bien que les psychiatres au concept de QDV et à la pertinence de l’utilisation
des échelles de mesure codifiées, devenues désormais des
instruments cliniques à part entière.
L’optimisation de la prise en charge passe par une action
sur les facteurs qui affectent la QDV, dont les symptômes
résiduels et les effets indésirables. Les antipsychotiques atypiques, de par leur meilleure tolérance et leur action sur les
symptômes négatifs, apportent une contribution précieuse
dans ce sens.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
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