Un mois pour s`aimer

Transcription

Un mois pour s`aimer
- 1 Plus que quelques minutes, et elle serait libérée, songea
Katherine.
Mais le bruit du papier qui se déchire rompit le silence.
Stupéfaite, Katherine se tourna vers Clay, le cœur battant. Oh,
mon Dieu ! Pas maintenant ! Pas alors qu’ils étaient si près du but.
Clay tapa du poing sur la longue table de merisier, troublant
son lustre parfait, tandis que des morceaux de documents officiels
tombaient sur le sol.
Katherine bondit. Sans pouvoir trouver quoi dire.
— J’ai changé d’avis, asséna Clay, en se levant d’un mouvement fluide.
Il agrippa la table des deux mains, tout son corps soumis à
une terrible tension.
Les épaules de Katherine s’affaissèrent.
— Calmez-vous, monsieur Landon, commença l’avocat de
Katherine.
— Non, interrompit Clay d’une voix calme.
Trop calme.
Combien de fois, ces dernières années, Katherine avait‑elle
entendu ce ton ? Pas aussi souvent qu’au début de leur mariage,
mais assez pour reconnaître le contrôle précaire avec lequel
Clay retenait sa colère.
— Non, insista-t‑il, c’est à vous de m’écouter. Katherine est
toujours ma femme.
Il quitta l’avocat des yeux et posa son regard bleu glacial sur
elle — la partie adverse.
Elle frissonna, malgré le soleil qui filtrait à travers la vitre.
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L’espace d’un instant, elle crut voir un peu de douceur dans
l’expression de Clay. Et un soupçon de quelque chose d’autre.
De la souffrance, peut-être ?
Non, impossible.
Clay et elle avaient perdu la capacité de se faire du mal depuis
trois ans. Kate s’en souvenait très bien. Cela remontait exactement
à l’époque où ils avaient perdu la capacité de communiquer et
de partager des choses.
— Elle n’est votre épouse que pour très peu de temps encore,
insista Kevin Dobson.
Quand Clay porta son attention sur l’avocat de Katherine,
celui-ci sortit un mouchoir de sa poche et s’épongea le front.
— Je veux parler à ma femme. En privé.
— Clay, intervint Jack Simmons. Ce n’est vraiment pas le
moment.
— Sortez ! ordonna-t‑il à son propre avocat.
Katherine sentit trois regards intenses se poser sur elle. Celui
de Clay, et des deux avocats.
Sous la table, elle croisa les mains, cherchant machinalement
l’alliance qui n’était plus là. L’alliance… Clay l’avait passée avec
douceur à son doigt en lui promettant de l’aimer et de la chérir
pour toujours.
Cet anneau, elle l’avait quitté lorsqu’il avait trahi sa promesse.
A présent, il gisait au fond d’une boîte à bijoux.
— Cinq minutes, Kate.
L’intensité brute dans la voix de Clay la fit tressaillir.
— Ce que nous avons vécu ne vaut‑il pas que tu m’accordes
cinq minutes ?
Elle se souvint du jour de leur mariage, de la façon dont il lui
avait pris la main, pour la porter à ses lèvres. Même le prêtre
avait marqué un temps. Elle pouvait presque ressentir la chaleur
qui l’avait parcourue alors, quand elle avait cru que Clay et elle
fonderaient une famille et vieilliraient ensemble…
— Laissez-nous, Jack, et emmenez Dobson avec vous.
— C’est très inhabituel, protesta Kevin Dobson.
En l’espace d’un battement de cœur, Clay avait contourné la
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table pour la rejoindre. Lorsqu’il posa les mains sur ses épaules,
elle leva les yeux, essayant de sonder les émotions soigneusement
masquées derrière ses yeux bleus indéchiffrables.
— Dis-lui de sortir, Kate.
Avec une pression lente et douce, et néanmoins inexorable,
Clay la fit se lever. Puis il l’attira vers lui. Elle aurait pu résister.
Une part d’elle-même lui hurlait de le faire. Mais Katherine ne
l’écouta pas.
Cela semblait si naturel, si évident de se retrouver dans les
bras de Clay, de nouveau. Il y avait si longtemps…
Sans logique, un frisson d’excitation s’empara d’elle. Clay
agissait comme si elle était unique, exactement comme l’homme
dont elle était tombée amoureuse, des années auparavant. Elle
s’avisa que c’était l’homme qu’il était devenu dont elle divorçait.
Elle scruta son regard. Ses yeux ne semblaient plus aussi froids.
Ni aussi enfiévrés que par le passé, quand il la tenait dans ses bras.
— Kate, parle-moi. Dis-leur de s’en aller. Je t’en prie, dit‑il
calmement.
La chaleur de son souffle chaud contre sa joue affola ses sens
affamés, et réveilla ses souvenirs — des images des nuits froides
du Colorado, et du corps puissant de Clay qui la réchauffait et
la rassurait.
— C’est bon, dit‑elle enfin à son avocat.
Celui-ci regarda sa montre.
— Mais, madame Landon, ce n’est pas ainsi que l’on procède,
objecta-t‑il.
Clay resserra son étreinte.
Katherine savait par expérience qu’il valait mieux faire face
à la tempête, la braver et la laisser souffler.
Si Clay voulait ses cinq minutes, elle les lui accorderait.
Ensuite, elle fermerait la porte derrière elle, pour ne plus jamais
regarder en arrière.
D’ailleurs, connaissant Clay, il allait rester là et argumenter
jusqu’à avoir gain de cause, de toute façon. Céder maintenant,
c’était obtenir la victoire au final. Et la victoire, c’était sa liberté.
— Donnez-nous cinq minutes, monsieur Dobson, insista-t‑elle.
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L’avocat s’essuya de nouveau le front, puis vérifia sa montre.
— Cinq minutes, madame Landon. J’ai d’autres clients,
vous savez.
La porte se referma derrière les deux avocats. Clay et elle
étaient seuls pour la première fois depuis qu’elle avait quitté le
domicile conjugal, il y avait quelques mois.
Contre toute attente, elle esquissa un sourire.
— Il se comporte comme si c’était lui le client, ironisa-t‑elle.
Mais Clay ne sourit pas en retour. Pire, son expression s’était
assombrie. La tempête n’avait pas diminué, elle s’était intensifiée.
Le sourire de Katherine s’évanouit. Elle serra les poings, si
fort que ses ongles s’enfoncèrent dans ses paumes.
— D’accord, Clay, tu as gagné, murmura-t‑elle. Je t’écoute,
parle.
— On aurait dû se parler plus souvent, n’est-ce pas ?
— Arrête, répliqua-t‑elle, glissant un de ses poings entre eux
dans une tentative désespérée pour gagner de la distance. C’est
un peu tard pour les regrets.
Il secoua la tête. Une mèche rebelle tomba sur son front, et
aussitôt, les années d’expérience furent effacées de ses traits.
Si seulement la souffrance pouvait être vaincue avec autant de
facilité !
— J’étais sérieux. J’ai changé d’avis, Katherine. Je ne suis
plus d’accord pour divorcer.
Le cœur battant de Katherine s’arrêta. Clay ne pouvait pas
être sérieux ! Pas à ce stade !
Il se mit à promener ses doigts sur elle, dans une douce caresse.
Son cœur se remit à battre.
Elle se força à inspirer et retint son souffle pendant quelques
secondes.
— Tu ne peux pas m’empêcher de divorcer, Clay. Nous
sommes au xxie siècle.
— Je sais, dit‑il, d’une voix très basse qui obligea Katherine
à tendre l’oreille. Mais je peux faire de ta vie un enfer.
Sa propre colère remonta à la surface, noire et ardente.
— Des menaces ?
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— Non.
Elle fronça les sourcils.
— Quoi, alors ?
— J’ai une proposition à te faire.
La fureur fit place à la surprise.
— Une proposition ? répéta-t‑elle.
— Je t’aime, Kate.
Son pouls tressauta. Oh, mon Dieu, il avait enfin prononcé
les mots qu’elle avait espérés, nuit après nuit, ces trois dernières
années ! Mais ils arrivaient trop tard. Lentement, elle desserra
les poings.
— Clay…
— Laisse-moi finir.
Elle essaya de blinder son cœur. Mais comment y parvenir
alors qu’il se tenait si près d’elle ? Qu’elle respirait ce même
parfum sauvage qu’il portait le jour de leur mariage ? Qu’il
promenait ses mains sur elle avec tant de douceur, comme s’il
cherchait à la séduire ?
Ils s’étaient retrouvés dans la même pièce depuis moins
d’une demi-heure, que déjà, il avait provoqué le chaos de ses
émotions. Il fallait qu’elle résiste. Il le fallait. Mais un regard
sur son visage implacable, sa mâchoire contractée, ses lèvres
serrées, la persuadèrent du contraire.
— D’accord, dit‑elle d’un ton résigné. Tu as encore trois
minutes.
— Notre couple était merveilleux.
Comme les seuls sons qui emplirent la pièce furent ceux d’un
téléphone au loin et de leurs deux souffles, il demanda :
— Quoi ? Tu ne protestes pas ?
Elle secoua la tête.
— Notre couple était merveilleux, approuva-t‑elle. Etait, Clay.
— Que s’est‑il passé ?
— La vie, répondit‑elle.
Elle s’était posé cette même question un millier, non, des
milliers de fois. Pas un soir ne se passait sans qu’elle s’assoie
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dans son rocking-chair blanc, et se demande en se balançant :
« Pourquoi en est-on arrivé là ? »
— Nous avons pris des directions différentes. Toi tu as ton
entreprise. Moi, mon magasin d’antiquités.
Elle inspira, le regardant dans les yeux, en mémorisant chaque
détail, se demandant si c’était la dernière fois qu’ils se tenaient si
proches l’un de l’autre. Si c’était la dernière fois qu’elle sentirait
ses bras naguère aimants autour d’elle.
Katherine n’était pas dupe. Elle avait songé à tout cela avant
de tirer un trait sur le passé et de tourner la page. Toutefois, elle
n’avait pas prévu que Clay rendrait la dernière étape aussi difficile.
— Et ton magasin suffit à ton bonheur ?
Son regard exigeait la franchise, même si ses yeux cachaient
ses véritables sentiments.
— Pour l’instant, oui, dit‑elle.
— Même le soir ? Quand tu te couches et que tu retrouves
un lit froid ? Ou au réveil, quand tu n’as personne à qui dire
bonjour ? Cela te suffit encore ?
— Les cinq minutes sont écoulées ! cria Dobson, frappant
à la porte.
— Dis-lui de nous laisser, Kate. Ou c’est moi qui le ferai.
Il était sérieux. Aucun doute.
— J’ai presque fini, cria Katherine.
Aussi soudainement qu’il l’avait saisie par les épaules, Clay
la relâcha.
Sans son soutien, ses épaules tombèrent en avant.
— Comme je te l’ai dit, j’ai une offre à te faire.
Il se tourna et se dirigea vers l’autre bout de la pièce, posant
la main sur le cadre de la fenêtre.
Il regarda dehors pendant de longs moments, les yeux dans
le vide.
Elle attendit.
Mais son pouls n’était pas aussi patient qu’elle.
A une autre époque, elle serait allée vers lui, aurait fait dériver
ses doigts le long de sa colonne vertébrale. Il aurait penché la
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tête en avant, et elle aurait évacué les tensions dans ses épaules,
qu’elle devinait d’instinct.
Mais elle ne pouvait plus prétendre à ce genre d’intimité
aujourd’hui.
Elle avait abandonné ce droit quand elle avait déposé son
alliance, les yeux embués, au fond de sa boîte à bijoux.
Une minute entière s’était écoulée, et il se tourna pour la
regarder. Cette fois, elle lut de la vulnérabilité dans son regard,
brute et nue. La profondeur de l’émotion contenue dans ses yeux
la fit chanceler.
— Ce n’est pas le moment de discuter de ce qui n’a pas
marché, déclara-t‑il.
— Une semaine ne suffirait pas, murmura-t‑elle, cherchant
à rassembler ses forces.
Elle sourit… un sourire feint, et faible. Qui reflétait des sentiments qu’elle tenait à cacher.
Clay plongea les doigts dans ses cheveux.
— Alors, donne-moi trente jours, dit‑il.
— Comment ?
— Un mois, Katherine. Laisse-moi trente jours pour te prouver
que nous sommes faits l’un pour l’autre. Pour te montrer que j’ai
changé, et que je ferai n’importe quoi pour regagner ton amour.
Il lui demandait l’impossible. Elle avait mis si longtemps
à trouver le courage d’admettre que les choses n’étaient et ne
pourraient jamais être réparées comme par magie.
Quant à l’amour, elle n’avait jamais cessé d’aimer Clay. Mais
la vie lui avait enseigné une précieuse leçon qu’elle n’avait pas
l’intention d’oublier : l’amour ne suffit pas.
En guise de réponse, elle fit un signe de tête négatif, tout en
retenant ses larmes.
— Tu n’es pas sérieuse, dit‑il.
Katherine se découvrit une force nouvelle, mais savait qu’elle
disparaîtrait si elle ne s’en servait pas maintenant.
— Je suis sérieuse. C’est non.
Elle cligna des yeux. Diable, comme la douleur pouvait être
cinglante !
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— Notre relation est terminée, Clay.
En tremblant, elle se dirigea vers la porte.
Quand elle referma la main sur la poignée, la menace tranquille
dans la voix de Clay la brûla comme un fouet.
— Je réclamerai la moitié de ton magasin.
Katherine laissa tomber sa tête contre la porte de bois.
Il ne pouvait pas se montrer aussi cruel ! Certes, il était d’un
caractère emporté, et il pouvait user de toutes ses ressources
lorsqu’il était acculé. Mais la cruauté ? Il n’en avait jamais montré
envers elle.
Jusqu’à maintenant.
Elle ferma les yeux tandis qu’une nouvelle vague de colère
la submergeait.
Sa boutique était l’unique rêve auquel elle s’était accrochée au
cours des années. Alors que Clay et elle étaient peu à peu devenus
des étrangers l’un pour l’autre, ouvrir son propre magasin avait
pris de plus en plus d’importance.
Pour l’heure, il lui donnait la force de continuer.
Mais si Clay intentait une action en justice…
Les secondes s’étirèrent indéfiniment.
— Ne me pousse pas à faire ça, menaça-t‑il.
Elle se tourna d’un mouvement brusque.
— Tu n’as pas à faire quoi que ce soit, rétorqua-t‑elle. Sauf
me rendre ma liberté.
— C’est précisément ce que je refuse de faire.
— Bon sang ! Va au diable, marmonna-t‑elle entre ses dents
serrées.
Clay plissa les yeux et serra le poing.
— Si tu veux une lutte déloyale, Clay, tu l’auras.
Elle essuya ses yeux embués du revers de la main, en se répétant
une litanie silencieuse : « Je ne le laisserai pas me faire pleurer. »
— Je réclamerai la moitié de Landon Constructions, ripostat‑elle.
— Bien sûr, dit‑il en hochant la tête. Mais la bataille juridique
prendra des mois et nous coûtera une fortune.
Les implications d’un tel scénario firent leur chemin dans son
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esprit. Clay ne lançait pas de menaces à la légère. Etre empêtrée
dans un procès pendant des mois et des mois était la dernière
chose dont elle avait besoin. Les finances de sa boutique étaient
fragiles. Clay avait le pouvoir de lui rendre la vie impossible. Et
de ruiner tout ce qu’elle avait bâti à la sueur de son front.
— Tu es impossible, dit‑elle.
— Tout à fait.
Laissant retomber sa main humide, elle annonça d’une voix
calme :
— Ne joue pas avec moi.
— Je ne joue pas, dit‑il en levant sa main gauche. Je te fais
une offre. Je te laisserai ta boutique, et je te céderai la moitié de
Landon Constructions…
— Si je t’accorde un mois ?
— C’est un sacré investissement, Kate, dit‑il d’une voix posée.
Quelques centaines de milliers de dollars, peut-être plus, sans
discussion, contre trente jours de ta vie. L’Antre des Antiquités
serait un magasin de premier ordre avec tout cet apport financier. Et tu n’aurais pas à me reverser le moindre centime sur tes
bénéfices. Réfléchis bien.
Elle s’adossa contre la porte. Impossible de tenir debout quand
ses pensées tournaient à toute vitesse comme maintenant.
— Viens avec moi. Nous irons au chalet. Pour apprendre à
nous connaître.
Il la fixa avec intensité.
— Réapprendre, rectifia-t‑il. Découvrons si nous nous accordons toujours aussi bien.
Elle rougit. A la façon dont il la regardait, elle comprit à quoi
il faisait allusion.
Il fit un pas vers elle.
Elle se redressa, regrettant de ne pouvoir fuir. Luttant pour
sa survie, elle répliqua :
— L’alchimie sexuelle ne veut rien dire.
— Une alchimie sexuelle exceptionnelle, précisa Clay.
— Exceptionnelle ? Cela remonte à si loin…
— Si nous remédiions à cela ?
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En quelques pas, il effaça la distance qui les séparait.
La moquette épaisse étouffa le bruit des pas de Clay, mais les
battements de son cœur à elle emplirent l’air.
— Clay, murmura-t‑elle quand il repoussa une mèche de
cheveux bouclés de sa joue.
Il se pencha plus près. Puis il caressa sa gorge avec son pouce
et son index.
Troublée, elle marmonna un juron.
— Accorde-moi trente jours, Kate, fit‑il d’une voix caressante.
Ensuite, tu pourras reprendre ta liberté.
Il effleura l’endroit où battait son pouls.
— Si tu la veux toujours, dit‑il.
Il piégea ses poignets dans une main et l’éloigna de la porte
de quelques centimètres. De sa main libre, il se mit à retirer les
épingles dans ses cheveux.
La première flotta vers le sol.
Suivie de la deuxième.
Elle ne put retenir un frémissement. Ses doigts sur sa peau
étaient si merveilleux. Captivants. Excitants.
Katherine rappela à son souvenir un élément crucial pour
protéger son cœur de l’attaque de Clay : elle n’avait peut-être
jamais cessé de l’aimer, mais lui ne l’aimait plus.
Il jeta la dernière épingle à chignon. Elle cliqueta en tombant
sur les autres.
Sans la quitter des yeux, il secoua ses cheveux, les ébouriffant.
— Tu te sens mieux ?
— Oui, dit‑elle, avant de se rendre compte à quel point elle
avait baissé sa garde.
— Et ce tailleur…
Il effleura le premier bouton de sa chemise.
— Kate, tu es faite pour porter des robes vaporeuses et des
shorts. Pas pour les costumes stricts.
— Clay, arrête.
L’attitude de Clay était encore plus dangereuse que ses menaces
de tout à l’heure, songea-t‑elle. Et au final, elle souffrirait de la
même manière, voire plus encore.
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Mais, comme à son habitude, il avait réussi à la piéger, comme
n’importe quel adversaire. Il n’existait aucune issue, sauf celle
que Clay proposait.
Elle ne pouvait pas croire qu’elle envisageait d’accepter son
offre ridicule. Un mois en réclusion, dans le petit chalet des
Rocheuses que le père de Clay avait acheté ! Ce même chalet
qu’il avait eu l’intention d’utiliser comme résidence secondaire.
Ce qu’il n’avait jamais fait.
Seuls.
Clay au sommet de sa séduction ? Elle ignorait si elle aurait
les moyens de résister.
— Ne fais pas ça, Clay. Je t’en prie.
— Ne nous fais pas ça, rétorqua-t‑il.
Un des avocats tambourina à la porte.
Clay tourna le verrou. Puis, avant qu’elle ait pu retrouver son
équilibre, il se tourna vers elle.
— Si tu me quittes au terme de ce mois, je t’accorderai ton
fichu divorce. Et ton argent. Sans poser de questions.
Pouvait‑il sentir à quel point son pouls battait vite ? Savait‑il
l’effet qu’il avait sur elle ?
— Regarde-moi, Kate. Et donne-moi ta réponse.
Elle leva les yeux. Lut l’intensité brute qu’il ne prenait plus la
peine de masquer. Et constata qu’il ne s’était pas rasé.
Clay se rasait tous les jours. Sauf s’il n’avait pas dormi de la nuit.
Comme s’il était en phase avec ses pensées, il annonça :
— Cela fait deux jours.
Il relâcha la pression sur ses poignets.
— Je n’ai pas dormi depuis deux jours.
Les coups sur la porte se firent plus pressants, et la tension
monta encore d’un cran entre eux.
Elle leva une main vers sa joue, suivant la barbe qui soulignait la mâchoire décidée, trouvant le léger creux — il refusait
d’appeler cela une fossette — dans son menton. Son entreprise
était la seule chose qui empêchait Clay de dormir.
Non ?
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— J’ignore ce qui n’a pas marché, Kate. Mais j’ai l’intention
de le découvrir. Et de réparer ça. Si tu le veux bien.
— Deux semaines, négocia-t‑elle.
— Un mois.
Son visage s’illumina. Il savait qu’il avait gagné, mais, apparemment, il n’allait pas pavoiser. Dieu merci.
— Deux semaines et demie.
Il croisa les bras sur sa poitrine.
— Un mois.
Clay était si près. Trop près. Il emplissait son champ de vision,
ses pensées. Il lui coupait le souffle.
— Mais…
— Tu l’as dit toi-même. Cela prendra du temps pour faire le
bilan des failles.
— Tu veux passer un mois entier au chalet ?
Il opina.
— Est-ce que les portables fonctionnent là-bas ?
— Non.
Elle écarquilla les yeux.
— Tu veux dire que tu veux passer tout un mois seul avec
moi ? Sans portable ? Sans ordinateur ? Sans modem et sans fax ?
— Oui. Et sans télévision. Les nuits sont longues. Cela nous
laissera tout le temps de nous redécouvrir.
Les coins de sa bouche se soulevèrent. Oh, mon Dieu, pria-t‑elle,
pourvu qu’il ne sourie pas ! Le sourire de Clay était irrésistible.
— Allez, Katherine ! Fuis avec moi.
— Tu oublies mon magasin…
— Melissa est toujours ton assistante, non ?
— Oui, mais…
— Elle peut très bien diriger la boutique pendant quelques
semaines.
Elle soupira et acquiesça, admettant sa défaite. Il n’y avait pas
grand-chose d’autre à faire quand on était face à une locomotive
lancée à vive allure.
— Je confie Landon Constructions à Jeremy.
Katherine se mordilla la lèvre. Il n’avait même pas fait
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confiance à Jeremy, son frère cadet, pour arroser leurs plantes
durant leur lune de miel !
— C’est si important que ça, alors ? dit‑elle.
Le souvenir de leur lune de miel idyllique servait le dessein
de Clay. Leur semaine en amoureux avait été parfaite.
Hawaii était un endroit magnifique — le paradis sur terre.
Son nouveau mari lui avait prodigué toute l’attention d’un époux
dévoué. Elle avait été choyée et aimée.
Elle soupçonnait que la même chose se reproduirait pendant
les prochaines semaines.
Mais ensuite, la réalité reprendrait le dessus, comme toujours.
Quand l’avion s’était posé à Denver, son mari était devenu un
autre homme, obnubilé par l’idée de faire de Landon Constructions
un succès, dans un secteur du bâtiment en récession. Personne
ne le croyait capable de réussir. Sauf elle.
Et il avait réussi. Admirablement.
Au prix de leur mariage.
Elle voulait croire que les choses pourraient être différentes,
mais l’expérience lui indiquait le contraire. Pourtant, pour gagner
la guerre — et sa liberté — elle devait concéder cette bataille.
— D’accord, Clay. Je viens avec toi.
Il se pencha vers elle, son souffle effleurant son oreille quand
il murmura :
— Tu ne le regretteras pas.
Elle soupira.
— Je le regrette déjà.