A PROPOS DU SECRET PROFESSIONNEL
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A PROPOS DU SECRET PROFESSIONNEL
A PROPOS DU SECRET PROFESSIONNEL par M. le Bâtonnier Jean-Paul COTTIN Le décret du 12 juillet 2005 (dit décret déontologique) a repris l’ensemble des règles établies tant par la loi du 31 décembre 1971 que par le décret du 27 novembre 1991 et le Règlement Intérieur National. Les textes relatifs au secret professionnel ont subi des modifications depuis la rédaction de l’article 160 du décret du 27 novembre 1991 qui a été abrogé pour être recodifié sous les articles 4 et 5 du décret du 12 juillet 2005. L’article 5 a été modifié par le décret du 15 mai 2007. L’article 4 précise : « Sous réserve des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclarations ou de révélations prévus ou autorisés par la loi, l’avocat ne commet en toute matière aucune divulgation contrevenant au secret professionnel ». L’article 5 précise : « L’avocat respecte le secret de l’enquête et de l’instruction en matière pénale, en s’abstenant de communiquer, sauf pour l’exercice des droits de la défense, des renseignements extraits du dossier, ou de publier des documents, pièces ou lettres intéressant une enquête ou une information en cours. Il ne peut transmettre de copies de pièces ou actes du dossier à son client ou à des tiers que dans les conditions prévues à l’article 114 du code de procédure pénale ». C’est sur le fondement de ces deux articles que la Cour de Cassation, par arrêt du 5 février 2009, a rejeté le pourvoi en cassation d’une avocate qui avait été déclarée coupable du délit de violation du secret professionnel, l’avait dispensée de peine mais l’avait condamnée à des dommages et intérêts vis-à-vis des parties civiles. LES FAITS : Maître Gisèle X…, en qualité d’avocate de parties civiles constituées dans une information portant sur d’éventuelles pathologies contractées par des personnes ayant reçu une vaccination contre l’hépatite B, a accordé des entretiens à plusieurs organes de presse sur le contenu d’un rapport d’expertise judiciaire remis au juge d’instruction. La société LABORATOIRE G. a déposé plainte pour violation du secret professionnel. LA MOTIVATION DE LA CONDAMNATION : La Cour de Cassation, sur le fondement du nouvel article 5 du décret du 12 juillet 2005, a approuvé les juges d’appel en ce qu’ils avaient retenu la culpabilité de l’avocate pour violation du secret professionnel. La Cour de Cassation juge : - qu’il n’est pas démontré que les révélations en cause aient été nécessaires à l’exercice des droits des clients de l’intéressée ; - que l’intention délictueuse est avérée, dès lors que la prévenue avait nécessairement conscience de divulguer des informations dont elle n’avait eu connaissance qu’en sa qualité d’avocate des parties civiles. CONCLUSION : Le secret professionnel s’applique aussi bien en matière juridique qu’en matière judiciaire (article 4 du décret). L’article 5 complète l’article 4 en matière d’enquête et d’instruction, tout en admettant que le secret professionnel peut être divulgué pour l’exercice des droits de la défense. L’arrêt ci-dessus rappelé démontre que la notion « d’exercice des droits de la défense » est laissée à l’appréciation du juge et qu’il s’agit nécessairement d’une interprétation subjective. Il convient également de noter que pour la Cour de Cassation, la qualité d’avocat implique la conscience de la violation du secret professionnel dès lors que l’élément matériel de l’infraction est retenu. Il est donc important pour chacun d’entre nous, à l’occasion de chaque affaire, qu’elle soit pénale ou civile, juridique ou judiciaire, de s’abstenir de communications intempestives qui pourraient être retenues comme des violations du secret professionnel. ---------Une question demeure en suspens : celle de la production dans une instance civile des pièces d’un dossier pénal en cours d’enquête ou d’instruction. Ces pièces peuvent avoir une incidence importante sur la solution du litige civil. Le texte de l’article 5 du décret du 12 juillet 2005 ne précise pas en effet si « L’exercice des droits de la défense » s’entend uniquement de la défense assurée dans le cadre de l’instruction ou de l’enquête en cours ou s’il s’entend plus largement dans le cadre de toute défense du client par son avocat. Rappelons toutefois que depuis longtemps, la Cour de Cassation a dégagé un principe général du droit selon lequel le droit à la défense prime le droit au secret. Ce principe devrait permettre dans cette hypothèse la communication du dossier pénal dans la mesure où toutes les parties ont eu accès à ce dossier. Si le procès civil mettait en cause d’autres parties n’ayant pas accès au dossier pénal, il serait bon de recourir aux dispositions de l’article 114 du code de procédure pénale ou de demander au juge civil le sursis à statuer. Rappelons que le sursis à statuer ne s’impose plus au juge civil et qu’il ne s’est jamais imposé en matière de référé.