La mécanique du désir

Transcription

La mécanique du désir
Le Comité de lecture de la FNCTA
a aimé…
La mécanique du
désir
Arlette Fétat
Nous rappelons aux compagnies que la représentation des pièces de théâtre est soumise à
l’autorisation de l’auteur et de ses ayants droit.
Ce texte est déposé à la SACD et est édité aux éditions ALNA Editeur.
Pour les compagnies affiliées à la FNCTA, la demande d’autorisation (à l’aide du « bordereau
rouge ») est à adresser au siège de la FNCTA qui transmet à la SACD.
Sur scène : Deux costumes suspendus à un cintre accroché à deux silhouettes avec
une ouverture pour passer la tête au dessus. Au fond, c’est un costume féminin, côté
cour un costume masculin.
On ne verra que les costumes suspendus. L’ouverture pour passer la tête étant cachée
par un petit rideau.
Quelque part en hauteur seront accrochés 3 ballons gonflés à l’hydrogène en forme
de cœur, l’un à côté de l’autre.
Le plus d’objets de décor possible sur scène.
Les décors sont plus suggérés que réels, en dehors des éléments indispensables.
Participants :
-
ELLE (plutôt jeune)
-
LUI (plutôt jeune)
-
LEO = Le musicien
-
TINA = la bruiteuse
-
Un histrion (peut être un homme ou une femme)
Pour la musique et les sons enregistrés, LEO et/ou TINA utiliseront (ou feront
croire à) une régie son sur scène.
Toute musique et tout bruit non enregistré se feront par LEO et/ou TINA (sauf
indiqué)
Les bruits sont indiqués en caractères gras.
Les changements de décor se feront par tous.
FÉTAT Arlette
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Au début de l’histoire, ELLE et LUI ont passé chacun la tête dans une des ouvertures au dessus
des costumes, chacun au dessus de son costume.
On ne les voit pas.
Les 2 costumes sont des costumes de jeunes gens plutôt mode.
Il y a d’abord de la musique : une musique sirupeuse mais jolie à entendre, vive, donnant de
l’entrain. Musique pendant un petit temps, puis arrêt brusque.
L’histrion qui circule sur scène, en scandant sa marche sur le rythme de la musique, va
s’arrêter en même temps que la musique près des 3 ballons.
Les 3 ballons seront éclatés l’un après l’autre.
Reprise de la musique identique ainsi que de la marche de l’histrion.
Quand il passera près des costumes suspendus, il découvrira les ouvertures, l’une puis l’autre.
On verra alors la tête d’ELLE et de LUI.
Un gong assez doux signifiera la fin de cette ouverture.
GONG
FÉTAT Arlette
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L’HISTRION : (au micro ou sans micro suivant le lieu, mais il faut éviter que ce soit
enregistré) La mécanique du désir commence toujours par une rencontre…
Jeu d’ELLE et de LUI humant l’air à la recherche de quelque chose qui va
arriver… LUI la voit…
L’HISTRION : Il la vit…
ELLE le voit…
L’HISTRION : Elle le vit…Ils se virent… et voulurent…
ELLE et LUI très émoustillés s’échappent de leur ouverture et courent l’un vers
l’autre…
L’HISTRION : Et coururent…et furent…
C’est alors qu’on les voit en entier… et eux aussi… LUI sera habillé en garçon
boucher et ELLE en tenue de ménagère. Arrêt de l’un et de l’autre…
L’HISTRION : Plutôt déçus.
ELLE : (face au public) La réalité n’est pas comme dans mes rêves !
LUI : ( il fait oui de la tête… puis après réflexion :) Mais l’amour est aveugle !
Ils se précipitent à nouveau l’un vers l’autre, les yeux dans les yeux… se prennent
par les mains, tendent les bras et se regardent à nouveau en entier.
Ils se lâchent et s’écartent, déçus et tristes.
Ils se retrouvent chacun face au public et vont dire ensemble :
ELLE et LUI : L’amour n’est pas aveugle… longtemps.
ELLE : Juste myope
LUI : Presbyte
ELLE et LUI : Dois-je lui dire que nu (e), je suis beau (belle) ?
Gong
Ils vont tous les deux s’approcher du public, chacun d’un côté, pour dire le texte
qui suit, ensemble mais chacun peut garder son rythme :
ELLE et LUI : Dois-je lui dire que c’est l’habit qui fait l’amant (e) et que le sien me donne
plutôt l’impression d’avoir le désir dans les chaussettes, tire-bouchonné dans des odeurs
d’arrière cuisine, de resto sans cœur au foyer des loufs ? L’amour n’est aveugle qu’avec le soleil
dans les yeux. Ah ! mon bel amour ! Non, non, nonnonnon… je ne vois absolument pas le
FÉTAT Arlette
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minuscule défaut que tu as là, au coin de l’œil (la bouche), vi, vi, vivivi, la minuscule ride (le
minuscule bouton) qui te rend tellement moins jolie (viril). Je ne vois rien. D’ailleurs je m’en
moque. Je t’aime encore plus. Non ! Ne l’enlève pas, tu ne serais plus la (le) même. Et c’est
comme ça que je t’aime. Comme tu es. Entièrement comme tu es…
Ils se retournent et se voient à nouveau… et à nouveau la déception. Ils se tournent
vers le public et disent absolument ensemble comme un cœur, très sérieux,
dégoûtés et presque agressifs :
Il y a des jours de pluie plus bleus qu’une plage au soleil où le vent dans les chevelures dorées
fait croître les cœurs. Et puis il y a moi, qui ne sait pas vivre avec le soleil en face.
ELLE : Je manque de confiance.
LUI : Je manque de croyance.
Ils se regardent à nouveau :
LUI : J’aime tes yeux !
ELLE : J’aime tes yeux !
Un temps
ELLE et LUI : Et c’est tout !
ELLE : Ça ne suffit pas !
LUI : Non, ça ne suffit pas !
ELLE et LUI : Vais-je lui dire que nu(e) je suis plus beau (belle) ?
GONG
Ils vont pour parler… n’y arrivent pas… et à la place, tandis que leurs bouches se
tordent, on entend des bruits de grincements pas très agréables.
Il faut que leurs bouches se tordent d’abord lentement, puis de plus en plus vite
jusqu’à une articulation exagérée, mais toujours silencieuse. Seuls, les bruits
suivent le rythme, qui seront bientôt associés à de la musique.
Puis les bruits vont disparaître. Il n’y aura plus qu’une musique de valse. ELLE et
LUI, dans une ambiance connue, rassurés, pourront retrouver leur parole :
LUI : Oh… ça je connais.
ELLE : Moi aussi.
LUI : J’aime. Je connais.
ELLE : Moi aussi.
LUI : Et je sais ce qu’on peut faire.
ELLE : Je sais ce qu’on peut dire.
LUI : Voulez-vous danser avec moi Mademoiselle ?
ELLE : Sans musique ?
FÉTAT Arlette
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LUI : On peut l’imaginer…
Il fait quelques pas de danse tout seul en fredonnant la musique qu’on entend
toujours. Elle le regarde et se met à rire un peu bêtement, puis commence quelques
pas de danse de son côté avant de s’arrêter brusquement :
ELLE : Oh ! Mais nous n’avons pas de jolis habits !
La musique s’arrête brusquement à la fin de ses paroles. LUI aussi.
ELLE : Je trouve que c’est toujours un peu ridicule de danser sans jolis habits. Vous aimez les
comédies musicales ? Je rêve d’une comédie musicale. Sans de jolis habits, ça ne peut pas faire.
L’histrion tousse un peu, pour attirer leur attention, et l’air de rien, leur montre
les costumes suspendus. Sauvés, ils se précipitent chacun vers le sien. Ils
commencent à les mettre, mais très vite, constatent que ce sont des costumes bien
trop petits. Ils les abandonnent et se retrouvent tous les deux face au public, très
tristes. À mesure que ELLE parle, le visage de LUI va s’illuminer :
ELLE : Vous n’avez jamais rêvé que vous êtes en train de naître ? Là, brusquement c’est la
première seconde où vous êtes lancé dans la vie. Et tandis que vous glissez gluamment vers des
mains qui vous saisissent pour vous empoigner et vous taper vigoureusement sur les fesses, en
même temps que cette atrocité immuablement perpétrée par des traditions stupides et glauques,
vous vous rendez compte que vous venez de débarquer dans un monde où l’on ne se parle qu’en
chantant… et où l’on ne marche qu’en dansant ?… (Elle chante :)
Ah ! quel joli bébé
Que ses cris sont divins
On dirait le chat du voisin
Celui qui pisse sur le palier…
Et ainsi tous les jours ! La vie, comme une comédie musicale du matin au soir ! (Elle chante :)
Passe-moi le pain
Ça manque de sel
Encore du boudin
À la béchamel…
LUI : ( Il enchaîne :)
Demain matin
Je partirai à l’aube
Quand tous les chats qui rôdent
Seront encore très loin…
ELLE se précipite vers LUI. Ils se prennent les mains comme dans les comédies
musicales. La lumière change autour d’eux. Une musique les accompagne :
ELLE : Je partirai avec toi !
LUI : Non ! Je ne veux pas !
FÉTAT Arlette
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Tu sais le danger qui me guette…
ELLE : Te perdre me serait abjecte !
Main dans la main, face au public, tandis que la lumière n’entoure que leurs
visages :
ELLE et LUI :
Ah ! Nous serons unis pour toujours
Malgré les chats des alentours…
La lumière se réduit à leur visage jusqu’à s’éteindre.
Il faut des applaudissements qui seront faits par LEO, TINA et l’histrion, debout,
et disant : « Bravo !… » ainsi que des effets de flashs d’appareils photos dans le
noir qui les mitraillent et vont permettre au public de suivre les saluts de l’actrice
ELLE et de l’acteur LUI ainsi que leur sortie de scène après avoir envoyé des
baisers vers le public.
FÉTAT Arlette
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Quand la lumière revient, ELLE et LUI sont chacun assis près de leur costume
suspendu avec pour les aider, ELLE : l’histrion ; et LUI : TINA.
Nous sommes dans les loges de deux chanteurs. Loges séparées. Ils ne se parlent
donc pas, même s’ils continuent parfois à parler en même temps.
De chaque côté et en même temps, l’histrion et TINA vont apporter une chaise
(bruit de chaise) où ELLE et LUI vont s’asseoir, et un miroir (bruit) ce qui va
permettre au public de voir ELLE et LUI se refléter dedans.
ELLE et LUI : (Pas forcément ensemble, à l’histrion et à TINA :) Ils ont aimés n’est-ce pas ?
L’HISTRION et TINA : signe de tête affirmatif.
ELLE et LUI : (idem) Comment était-il (elle) ce soir ?
L’HISTRION et TINA : haussement d’épaules pour dire « bof »…
ELLE et LUI : Je l’ai senti ! Il (Elle) n’est pas à la hauteur, n’est-ce pas ?
L’HISTRION et TINA : haussement d’épaules pour dire « bof »…
ELLE et LUI : Je sais ce qui lui manque… la passion ! Oui, le cœur qui chavire ! Il (Elle) n’est
pas amoureux (euse) ! Ça se voit tout de suite.
L’HISTRION et TINA : haussement d’épaules pour dire « je sais pas »…
ELLE et LUI : Pourtant, le public à aimé, n’est-ce pas ?
L’HISTRION et TINA : signe de tête affirmatif.
ELLE et LUI : … et moi aussi, je l’ai aimé (e)… Pourquoi ça n’a pas marché ?
L’HISTRION et TINA : haussement d’épaules pour dire « je sais pas »…
ELLE et LUI : Je suis sûr(e) que si nous n’avions pas été célèbres, notre amour aurait pu
survivre. Oui, je l’aurais aimé(e)…
ELLE : Lui, simple apprenti boucher
LUI : Elle, simple ménagère.
ELLE et LUI : (ensemble) La vie n’aurait pas été toujours facile avec des fins de mois
impossibles à se serrer et se serrer la ceinture…
LUI : Mais grâce à mon métier, nous aurions toujours eu au moins des restes de jus de viande
ELLE : Mais grâce à mon métier, pas de maison plus propre que la nôtre. Coquette !
LUI : Ordonnée !
ELLE : Distinguée !
LUI : Avenante !
Puis ELLE et LUI se voit chacun dans leur miroir :
ELLE et LUI : Oh ! J’ai une ride (un bouton), là, au coin de l’œil (de la bouche) ! Mon Dieu,
mais c’est affreux ! Comme je suis laide (laid) ! ! !
L’HISTRION et TINA : signe négatif de la tête.
FÉTAT Arlette
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ELLE et LUI : Mais si voyons ! Ne mens pas !
ELLE : Ma vie est foutue !
LUI : Fichue !
ELLE et LUI : Ratée !… Il (Elle) ne pourra plus jamais m’aimer !
L’HISTRION et TINA : haussement d’épaules pour dire « bof »…
ELLE et LUI : Comment vais-je lui dire que nu(e) je suis toujours aussi beau (belle) ?
NOIR.
GONG
FÉTAT Arlette
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Quand la lumière se fait, l’Histrion est seul en scène et peut même passer dans le
public avec une bombe désodorisante dans chaque main : une à la lavande, une à
la rose.
Puis on verra au fond de la scène et dans la pénombre les approches amoureuses
de TINA et de LEO. Eux pensent qu’on ne les voit pas.
L’HISTRION: La mécanique du désir fait appel à chacun de nos sens. Aussi j’affirme qu’elle
ne peut pas fonctionner sans les odeurs. D’une part les bonnes odeurs, celles qui nous rappellent
les champs de lavande que nous avons vu sur les boîtes de chocolats de Noël et qui nous rendent
malades, ou que nous connaissons grâce à ces merveilleuses bombes odeur lavande qu’on
trouve souvent dans les chiottes…. Contenant toutes un champ de lavande... Humez ! (il
pulvérise) Vision odoriférante, étrange impression de pénétrer brusquement dans une carte
postale… Humez ! (idem) mais attention ! Warning ! Les champs de lavande sont des territoires
envahis par les abeilles, bees, qui existent encore un peu et qui piquent toujours autant ! Aïe !
Fermez les yeux pour ne pas les voir tournoyer autour de vous et respirez... (il pulvérise)
Comment ? On n'aime pas l'odeur de lavande ? Le soleil les tournesols et les cigales ? On
préfère l’odeur des roses… (Il pulvérise avec l’autre bombe) les roses de Padoue ou les Duprée
du Chêne quoique les Baronnes de Sabret soient moins sujettes aux maladies et c’est une bonne
chose parce qu’on n’a jamais le temps de passer son temps à s'occuper de l'odeur des roses dans
un jardin qu'on n'a pas forcément. Ah ! Les roses, roses… cueillir l’odeur d’une rose dans la
rosée du matin et ne pas savoir où elle est passée trois minutes après… fugitive smell ! Cueillir
seulement une goutte de rosée remplie de l'odeur d'une rose... Fleeting odeur ! d’une rose qui
vient juste de s’ouvrir… rosebud ?! et se piquer le doigt au bord de la bombe… Aïe ! To sting !
Ah ! saigner… To bleed ! To suffer ! souffrir… s’infecter sûrement parce qu’on ne pense jamais
à vaporiser ces putains de fleurs avec sa trousse de soins d’urgence à portée de son autre main…
Oh my God !…
Ainsi va la vie : de désirs en désillusions…attirance répulsion… Piqûres au doigt… piqûres au
cœur… amour, désir, tristesse… Il nous faudrait plus de deux mains pour tenir en main ce que
nos cœurs ravagés...
On voit TINA dans les bras de LEO de plus en plus émue par le discours se mettre
à pleurer.
LEO : (coupant l’histrion) Oh ! ça va ! Tu vois pas que tu fais pleurer tout le monde ?
L’HISTRION: … et malgré tout, la joie d’être à deux l’emporte… (à LEO) Si tu me laissais
finir, tu pourrais voir que ça se termine par un happy end !
L’histrion lance un dernier pschitt plutôt rageur et sort.
FÉTAT Arlette
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LEO et TINA s’embrassent. Puis vite, se séparent pour le changement de décor et
de costumes : décor de restaurant style asiatique chinois. Ils se mettent tous à
marcher à petits pas.
Toute l’installation du restaurant aura les bruits des objets posés ou bougés
enregistrés plutôt fortement, plus ou moins synchronisés. Les petits pas aussi.
Lumière ambiance restaurant.
ELLE et LUI entrent dans le restaurant. Ils vont vivre un dîner en tête à tête.
Ils sont accueilli par LEO qui tire les chaises pour qu’ils s’installent (bruits)
Sourires… minauderies… gêne… élan de tendresse etc.…
TINA vient leur apporter la carte et s’en va.
LUI fait du pied à ELLE qui se trouve intimidée.
Choix des plats dans des rires exagérés.
À nouveau jeu de pieds, mais d’ELLE cette fois… opposition totale entre les jeux
de pieds sous la table et leur attitude qui redevient neutre dès que TINA revient
pour prendre leur commande.
ELLE : Une boule de merlan frit.
LUI : Une pince de crabe en beignet.
ELLE : Des cuisses de grenouilles pékinoises piquantes.
LUI : Du blanc de seiche sauce aigre-doux.
ELLE : Avec du riz
ELLE : Nature !
LUI : (en même temps :) Cantonnais !
LUI : Et une bouteille de beaujolais rouge.
TINA s’en va et l’histrion entre immédiatement avec tout ce qui est commandé,
pose les plats (bruits) et ressort.
Gong.
Une musique sirupeuse exotique commence. Il faudra prévoir un éclairage faible
pour tout le restaurant et un éclairage fort pour le dessous de la table.
Sans un mot, ELLE et LUI vont se laisser aller dans leur désir sous la table avec
jeux de pieds et jambes…
Et en contraste absolu, dégustation maladroite et attitude timide et gênée au
dessus de la table.
Jusqu’à la fin où LUI renverse un verre de vin ( bruit désagréable) sur ELLE qui
se relève horrifiée.
FÉTAT Arlette
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Aussitôt, l’histrion arrive pour essuyer ELLE. LUI est tout penaud et ne sait que
faire pour se faire pardonner :
LUI : Oh mon dieu !… Mon dieu !… Pardonnez-moi ! Quel lourdaud je fais ! Quel abruti !
Quelle erreur impardonnable, irréparable, immémoriale… Ah ! Si je pouvais là, maintenant,
faire tourner la terre à l’envers pour un retour juste avant ? Blacâdrois langue de bois –
Blaguadère langue de fer – Je raye, je barre, j’efface de la mémoire cette minute maladroite !
Que ce vin misérable retourne dans le verre à tout jamais ! Puni ! Banni ! Mémoire ensevelie, je
te reconstruis ! Cependant que puis-je faire pour me faire pardonner ? Dites-moi ! Je ferais tout
et n’importe quoi ! N’importe quoi ! (il se lance à ses genoux) Voulez-vous m’épouser ?
Arrêt sur image de tous. Arrêt de la musique.
GONG
NOIR
FÉTAT Arlette
La mécanique du Désir - 12/29
Visiblement, une histoire d’amour a commencé entre LEO et TINA. Ils s’amusent à
croire que les préparatifs du mariage sont pour eux. Décor pour la fête au soir
d’un mariage. Puis :
LEO : (jingle ) Combien de plus beaux jours de ma vie il y a dans une vie ? (jingle )
L’HISTRION: (tout en plaçant le décor) : Pas beaucoup.
LEO : Ce n’est pas un nombre !
L’HISTRION: Non, mais c’est une quantité.
LEO : Je préférerais un nombre…
L’HISTRION: Cinq.
LEO : Cinq ?
L’HISTRION: Cinq.
Le jour où on sait faire peur aux autres
Le jour où on a le droit de se tromper.
Le jour où on n’est pas obligé de rentrer dormir chez soi.
Le jour où on arrive à poser et oublier ses valises
Le jour où les autres n’osent plus vous contrarier.
LEO joue le début de la marche nuptiale. TINA fait semblant de marcher avec
quelqu’un à son bras.
LEO : Et ce jour d’aujourd’hui, tu le mets où ?
L’HISTRION: Dans les jours à ne pas louper… forcément les plus angoissants de sa vie.
(petits bruit secs et rapides)
Le jour de mon mariage, il y avait la lune en plein jour et personne n’a pu nous dire si c’était
bon ou mauvais signe. On était jeunes, on a décidé que c’était bon signe. Le maire n’est pas
venu parce qu’il s’était cassé une jambe en voulant se lever de son lit en pleine nuit pour aller
pisser sans allumer. L’adjoint au maire n’est pas venu parce qu’il avait les oreillons et l’adjoint
de l’adjoint au maire n’est pas venu parce qu’on n’a pas réussi à le trouver. Peut-être
simplement parce qu’il n’y avait pas d’adjoint de l’adjoint au maire. Bref ! On a reporté le
mariage au mois suivant, le seul jour où il restait une place, entre un enterrement et une
commémoration de je ne sais plus quoi. Certains ont dit alors que la lune en plein jour était
mauvais signe, en tout cas pour les mariages. Comme on n’a pas pu décommander notre voyage
de noce, on est partis le faire, avant !
( bruit joyeux )
Et au retour, 3 jours avant le jour du mariage, on s’est rendu compte qu’on n’était pas fait l’un
pour l’autre et qu’il valait mieux se séparer avant de s’unir.
( bruit triste )
Alors, la lune en plein jour, c’est bon ou mauvais signe ?
LEO : Je ne sais pas. Moi, le jour de mon mariage, il y aura de la musique partout…
FÉTAT Arlette
La mécanique du Désir - 13/29
Pendant leurs paroles, ils ont placé plein de choses diverses et forment une allée
d’honneur s’ouvrant vers le public.
La marche nuptiale est jouée tandis que ELLE et LUI entrent par le fond, l’un à
côté de l’autre, en habit de mariés (en réalité des demis habits couvrant l’avant du
corps) et avec un masque tout sourire. Ils se tiennent par la main et s’approchent
du public au rythme de la marche.
L’histrion va à petits pas passer de l’un à l’autre. Il marmonne pour qu’on ne
comprenne que le premier et le dernier mot. LEO et TINA vont mimer en double
les réponses d’ELLE et de LUI :
L’HISTRION : Monsieur mmm………présente ?
LUI : Vouivouivouivouivoui !
L’HISTRION : Mademoiselle mmm…….. toujours ?
ELLE : Vouivouivouivouivoui !
L’HISTRION : Je vous déclare unis, attachés, liés, fusionnés, associés, homogénéisés,
uniformisés, amalgamés, assimilés, confondus, monotones, ennuyeux, accablés, insipides pour
toujours. Que la vie se fasse par traces dans l’oubli du lendemain.
L’histrion sort et ramène deux chaises qu’il place derrière ELLE et LUI, puis s’en
va.
ELLE : Oh ! mon amour ! Notre amour va rayonner plus fort que le soleil.
LUI : Nuit et jour !
ELLE : Tu entends battre mon cœur ?
LUI : Comme mille tambours.
ELLE : Quand pourrons nous partir ?
LUI : Quand tout le monde nous aura oubliés…
Un temps.
ELLE : J’ai mal aux pieds mon bel amour !
LUI : Ne montre rien !
ELLE : Je t’y verrais bien ! Je ne peux plus marcher !
LUI : Dans la difficulté je te soutiens !
Ce qu’il fait. Mais la mariée s’appuie fortement…
LUI : Soyons discrets ! tous les regards…
ELLE et LUI : Sont posés sur nous !
ELLE : Je le vois bien ! (Un temps.) Mais j’ai mal aux pieds !
LUI : Pour le meilleur et pour le pire !… Pourquoi commencer par le pire ?… Je sens que
bientôt je n’aurais plus la force de te soutenir…
ELLE : Je vais m’asseoir.
LUI : Soyons discrets ! tous les regards…
FÉTAT Arlette
La mécanique du Désir - 14/29
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sont diffusés auprès des Centres de ressources FNCTA et
peuvent ainsi être mis à disposition des compagnies et
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Les coordonnées des centres de ressources FNCTA sont
disponibles à l’adresse suivante :
http://www.fncta.fr/repertoire/centres.php
N’hésitez à pas à les contacter !