2 ans de réflexion à CM aussi

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2 ans de réflexion à CM aussi
VENDREDI 20 JANVIER 2012 LE NOUVELLISTE
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2 GRAND ANGLE
CRANS-MONTANA En interdisant la transformation d’hôtels en appartements durant
Deux ans de réflexion
FRANCE MASSY
«Les six communes de CransMontana ont décidé d’interdire,
pour les hôtels de la station, tout
changement d’affectation pendant
deux ans. Objectif: éviter la diminution récurrente des lits hôteliers
et se donner le temps de la réflexion en vue du maintien d’une
hôtellerie viable et de qualité sur le
Haut-Plateau.» Le communiqué
des six communes a fait l’effet
d’une bombe dans le ciel du
Haut-Plateau. Les autorités se
basent sur les articles 19 LcAT et
27 LAT (voir en page 3) pour imposer ce qui pourrait passer
pour de l’ingérence dans le domaine privé. Certains hôteliers
sont outrés et ont haussé le ton,
traitant les présidents de «voleurs», d’autres ont applaudi.
«Cette décision, prise sous l’impulsion du comité directeur de
l’Association des Communes des
Crans-Montana (ACCM), n’était
pas évidente, mais nous sommes
au début d’une phase de réflexion
et nous avons deux ans pour définir
les zones hôtels et les faire accepter
aux assemblées primaires», indique Francis Tapparel, président
de la commission coordination
de l’ACCM et président de la
commune de Montana. «Nous
avons estimé qu’il était d’intérêt
public que Crans-Montana puisse
continuer à disposer d’une infrastructure hôtelière de qualité. Sinon, à quoi bon continuer à investir des dizaines de millions de
francs dans des infrastructures
touristiques importantes (remontées mécaniques, golf, parc aquatique, centre d’Ycoor, centre de congrès, etc.) s’il n’y a plus d’hôtels. Et
sans parler des grands événements
qui ne pourraient plus avoir lieu si
la disparition de lits devait se poursuivre: Open de Golf, Quadrimed,
Caprices Festival, Cristal Festival,
Coupes du monde, etc...».
Une affirmation qui fait réagir
Armand Bestenheider. L’hôtelier le plus important du HautPlateau – il est propriétaire de
l’hôtel Aïda, de l’hôtel Etrier, de
l’Hostellerie du Pas-de-l’Ours et
de ses deux restaurants, des restaurants Greni et Gerber ainsi
que de la boulangerie et du nouveau piano-bar du même nom…
Au total, 120 employés et quatre
à cinq millions de salaires –
pense que ce moratoire pourrait
être une bonne chose si tous les
A l’instar de Gstaad ou de Lucerne, Crans-Montana veut définir des zones «hôtels» afin de sauvegarder un secteur vital pour le tourisme et dont le chiffre d’affaires est passé
de 160 millions à 60 millions en 26 ans. CMT – PATR FRILET
raison d’avoir honte de notre parc
hôtelier. Il faut prendre la question
à l’envers et se demander pourquoi
les hôtels ferment.
Manque d’infrastructures
Pour Armand Bestenheider, photographié dans son nouveau piano-bar
chez Gerber, «pour les hôteliers, le meilleur amortissement, c’est
l’investissement. Les banquiers devraient le comprendre». LE NOUVELLISTE
acteurs du tourisme profitent
vraiment de ces deux ans pour
se remettre en question et faire
en quelque sorte leur examen de
conscience.
«Pourquoi faire toujours passer
l’hôtellerie pour le bouc émissaire
responsable des difficultés de la
station? Il y a de beaux hôtels à
Crans-Montana, il n’y a aucune
Et Armand Bestenheider, qui
n’est pas né de la dernière pluie,
de rappeler qu’il y a 30 ou 40 ans,
la station possédait plus d’infrastructures qu’en 2012. «Il y avait
une piste de saut à skis, des possibilités de faire du bob, du skijöring.
On avait deux patinoires, le curling-club était très actif et organisait nombre de tournois… Aujourd’hui, on n’a pas encore de
piscine publique! Lorsqu’il fait
mauvais, les clients viennent à la
réception et demandent comment
ils peuvent s’occuper et je vous jure
qu’on a de la difficulté à leur répondre! Il faut arrêter de se renvoyer la
balle. Les communes et le développement ne peuvent pas tout faire et
demander aux seuls commerçants
«Le RQC, une fausse bonne idée»
«Le RQC est une fausse bonne idée. Le
RQC permet la vente d’hôtels sans remplacement de lits hôteliers, difficile à
comprendre. Il aurait été plus judicieux
de déterminer des zones hôtels, ça aurait
permis d’en sauver quelques-uns», affirme Armand Bestenheider.
Pour rappel, le RQC (règlement des quotas de construction) impose aux nouvelles
constructions 70% de résidences principales (habitées à l’année, en location ou
surfaces commerciales) pour 30% de résidences secondaires. Ce quota peut être
appliqué sur plusieurs parcelles d’un périmètre déterminé d’une même commune.
Le paiement d’une taxe permet d’inverser
le rapport. Les montants ainsi récoltés devraient être affectés aux infrastructures
touristiques. «On n’a pas encore été capables de s’entendre sur la répartition et la
manière d’utiliser ce pot commun. Pire,
on trouve sans arrêt des astuces pour que
les promoteurs échappent aux taxes.»
Selon Armand Bestenheider, l’esprit du
RQC n’est donc pas respecté.
«Chaque commune veut être autonome
et craint une ingérence dans sa manière
d’utiliser ces fonds. Or, ce ne serait pas si
difficile de trouver un équilibre pour tous.
Il manque juste la volonté. C’est la preuve
d’un manque de courage politique.» Et
lui, qui a fait partie de l’exécutif depuis
plus de vingt ans? «J’ai essayé, je n’ai sans
doute pas été assez convaincant.» Pour
Armand Bestenheider, la meilleure solution serait un pot commun afin de financer une partie des infrastructures touristiques pour en faire profiter l’ensemble des
commerçants.
«Avec un peu de bonne volonté, certaines
communes payeraient plus mais profiteraient aussi de plus grandes surfaces à bâtir,
alors que d’autres mettraient une partie des
meilleurs terrains à disposition des collectivités.» FM
de financer ces infrastructures est
utopique. Il faut impliquer tous les
gens qui vivent du tourisme. Les
promoteurs en tête.» L’hôtelier,
qui est aussi conseiller communal de Montana, avait d’ailleurs
proposé que ces derniers versent
un pourcentage du prix de vente
par m2 d’appartement. Mais le
vieux sage n’a pas (encore?) été
entendu.
Une réflexion plus globale
Ardent défenseur d’une fusion
des communes, Armand Bestenheider pense global. «Les touristes, comme nos enfants, nos petitsenfants et tous les gens sensés, ne se
posent jamais la question lorsqu’ils
sont sur le golf, sur les pistes de ski,
au centre de congrès ou à la patinoire sur quelle commune ils se
trouvent. Ce sont nous les politiques qui créons la polémique.» Armand Bestenheider refuse d’entrer dans le jeu de la controverse.
«Aucune envie de pleurnicher devant les caméras de la TSR. Ce
pays est magnifique, il a des atouts
et c’est ça que je veux défendre.»
Un manque d’infrastructures
soit, mais aussi et surtout une situation exceptionnelle, une vue à
couper le souffle, des kilomètres
de pistes de ski ou de chemins
de randonnées, des golfs, des
lacs… «Il y a de quoi faire, non?
Mais il faut rester vigilant et ne pas
détruire le patrimoine naturel.
Avec le projet d’Ycoor par exemple,
nous veillons à conserver des espaces verts. Vous savez, la construction d’immeubles mastoc au milieu de la station peut s’avérer bien
plus dommageable que la perte
d’un hôtel.»
Pour répondre aux attentes des
clients, Armand Bestenheider
reste fidèle à son idée de «supermarché touristique». «J’imagine
une sorte de comptoir d’informations qui regrouperait une permanence médicale, les remontées mécaniques, les écoles de ski, une
agence de change et le bureau de
l’office du tourisme. Il faut que le
clienttrouvetoutsurunemêmesurface, que celle-ci soit ouverte jusqu’à
22 heures, 7 jours sur 7, et qu’elle soit
située au cœur de la station sur
n’importe quelle commune.»
Le moment d’investir
Pour encourager l’hôtellerie
différemment et prolonger les
saisons, Armand Bestenheider
réclame des investissements,
«les communes doivent investir
maintenant que l’argent est bon
marché. On peut emprunter à 1 ou
1,5% pour une période de dix
ans», des efforts de la part des
remontées mécaniques et des
golfs, «en octobre-novembre, plus
rien n’est ouvert!», et une certaine anticipation dans la promotion, «c’est trop tard de lancer
une action en novembre pour la
saison d’hiver. Pourquoi la société
de développement ne profiterait
pas de faire de la promotion durant des événements importants
tels que l’Open de Golf ou autres
manifestations.»
Armand Bestenheider ne veut
pas jouer les donneurs de leçons, mais estime, au vu de son
parcours et de ses réalisations,
avoir son mot à dire. «Lorsqu’on
aura compris que l’intérêt privé
passe par l’intérêt général, tout deviendra possible…»