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REGIONAL P 09 Vevey - Riviera Date 18.04 N C M J Jeudi 17 - vendredi 18 avril 2008 - No 416 9 Corruption à Montreux, nouvelles révélations: première classe et champagne sous les tropiques... Exclusif • Accusé de corruption, Jean-Claude Doriot a été libéré ce mardi. Il aurait bénéficié pour acheter sa maison d’un prêt sans intérêt octroyé par le promoteur architecte inculpé avec lui. Un voyage à l’Ile Maurice en 1ère classe et l’achat d’un yacht seraient aussi dans la liste, provisoire à ce stade de l’enquête, des avantages perçus, pour un total de 300’000 francs. Elément troublant, le municipal a acheté sa maison 22 jours après l’acceptation par le Conseil communal de la vente des Bosquets à la société immobilière TFI Vaud. Précisément la transaction qui serait entachée de corruption et dans laquelle le promoteur inculpé a servi d’intermédiaire. Enquête, avec réaction du juge d’instruction. M unicipal de l’urbanisme à Montreux, Jean-Claude Doriot est inculpé de corruption passive. Le juge d’instruction l’accuse d’avoir accepté des avantages patrimoniaux dans l’exercice de sa fonction. Incarcéré le 2 avril à la prison préventive de la Croisée à Orbe, l’édile socialiste a été libéré ce mardi 15 avril. Un promoteur architecte de la place, ancien conseiller communal et président des radicaux de Montreux, a lui aussi été inculpé, de corruption active. Tous deux bénéficient pour l’heure de la présomption d’innocence. Cette double inculpation fait suite à une lettre de dénonciation d’une proche de JeanClaude Doriot. En proie à un conflit d’ordre privé, cette femme a révélé, dans un courrier envoyé au juge d’instruction en novembre 2007, des éléments très précis relatifs à des cadeaux et autres avantages perçus par le municipal. Champagne steward! Selon nos informations, cette personne détaillerait dans cette missive une série de trois dépenses faites par Jean-Claude Doriot, pour un montant total de l’ordre de 300’000 francs, qu’il aurait pu selon elle engager grâce à la générosité du promoteur architecte inculpé. Elle parlerait notamment du yacht que nous avons évoqué dans notre précédente édition (lire notre dossier sur www. leregional.ch). Un bateau qui vaut à lui seul près de 300’000 francs neuf. L’auteure de la lettre mentionnerait aussi le rachat en 2005 par Jean-Claude Doriot de la maison qu’elle et lui possédaient en co propriété depuis l’an 2000. Elle évoquerait enfin un voyage effectué par Jean-Claude Doriot et elle-même à l’Ile Maurice, en 1ère classe, d’une valeur de 10’000 à 15’000 francs. Pour la petite histoire, une photo de ce voyage montrant le camarade socialiste dans un fauteuil d’avion de 1ère classe, une coupe de champagne à la main, aurait été annexée à cette lettre... Un prêt sans intérêt Moins drôle, ce courrier fait aussi état de menaces explicites qu’aurait subi cette femme de la part de Jean-Claude Doriot si d’aventure elle venait à le dénoncer à la justice. Mais le besoin de libérer sa conscience a été plus fort, dans une lettre qui résonne dès lors comme un appel au secours. En dehors du juge d’instruction, plusieurs personnes ont reçu une copie de cette lettre en novembre 2007. Dont le syndic de Montreux Pierre Salvi. Selon nos informations, après lecture de cette lettre, la Municipalité aurait demandé des explications à Jean-Claude Doriot. Face à ses collègues de l’exécutif, le patron de l’urbanisme aurait balayé ces accusations, les qualifiant de «calomnies», selon le terme de Pierre P U B L I C ITé Salvi. Pour sa défense, Jean-Claude Doriot aurait expliqué avoir simplement bénéficié de la part de ce promoteur architecte, avec lequel il est de notoriété publique qu’il est ami, d’un prêt sans intérêt pour l’achat de sa maison. Il s’agirait d’un montant de l’ordre de 80’000 francs. En contrepartie de quoi il aurait déclaré avoir cédé à ce même promoteur architecte une cédule hypothécaire d’un même montant grevant sa maison. Une Municipalité passive Vérification faite, la maison de Jean-Claude Doriot est grevée de deux cédules hypothécaires. Une au premier rang de 600’000 francs, datant de 1990, avant que JeanClaude Doriot n’en devienne propriétaire, et une au second rang de 80’000, constituée en 2000. Ce qui pourrait corroborer la version selon laquelle ce prêt de 80’000 francs serait bel et bien garanti par une hypothèque du même montant, une cédule hypothécaire étant un papier valeur. Face à ce qui, à ce stade, apparaissait au minimum comme un grave conflit d’intérêts – le promoteur prêteur en question est actif sur nombre de projets immobiliers touchant le dicastère de l’urbanisme de Jean-Claude Doriot – la Municipalité s’est contentée de ces explications, sans même lancer une enquête interne, ni prendre de quelconques mesures provisionnelles à l’encontre de JeanClaude Doriot. Une apparente passivité qui s’explique par une «instruction de ne rien faire», reçue du Préfet, se justifie le syndic Pierre Salvi (lire son interview en page 11). «Bien que j’étais mentionné en copie de cette lettre, je ne l’ai jamais reçue», précise Roland Berdoz, Préfet du district Riviera Pays-d’Enhaut. «Mais comme Monsieur Salvi m’a dit qu’elle était adressé au juge, je lui ai en effet dit que, du moment qu’une instruction judicaire était engagée, il n’y avait pas lieu d’entreprendre de démarche parallèle». Deux ventes très proches S’agissant toujours de la maison de JeanClaude Doriot, sise rte des Colondalles à Montreux, il ressort en outre de nos investigations qu’il en était co propriétaire, avec la femme qui l’a dénoncé au juge, depuis septembre 2000. Mais cinq ans plus tard, le municipal rachète à cette femme sa part, devenant dès lors l’unique propriétaire de cette demeure. Fait troublant, cette transaction intervient le 27 octobre 2005, date de son inscription au Registre foncier. Soit exactement 22 jours après que le Conseil communal accepte – le 5 octobre 2005 – le préavis municipal relatif à la vente des Bosquets de Fontanivent à la société immobilière TFI Vaud. C’est-à-dire pile au terme du délai référendaire de 20 jours relatif à cette vente... Il y a donc quasi simultanéité entre la vente de cette propriété communale à TFI Vaud SA et le rachat par Jean-Claude Doriot de sa maison grâce à un prêt sans intérêt octroyé Rectificatif Contrairement à ce que nous avons écrit dans notre précédente édition, Nabil Charaf, cité dans notre encadré sur la flambée immobilière à Montreux comme promoteur des deux immeubles construits au ch. de Rodioz, juste au-dessus des Planches, n’est pas promoteur, mais avocat de profession. «Comme le promoteur de ce projet n’avait pas pu assurer le financement, j’ai été mandaté par les acheteurs pour en assurer la réalisation en faisant appel à deux architectes qui ont exécutés les plans. La construction a été financée par mes clients et ma mission était de contrôler les paiements aux entreprises choisies pour ce projet», tient à préciser l’avocat. par le promoteur architecte inculpé de corruption. Elément d’autant plus intéressant que le même promoteur architecte a joué un rôle clé dans la vente des Bosquets: «C’est lui qui a servi d’intermédiaire entre nous et la commune, c’est lui qui nous amené le terrain», révèle David Corminboeuf, président de TFI Vaud SA. Des indices de corruption Autant d’éléments laissant penser que la vente des Bosquets pourrait être entachée de corruption. Ce sont en tout cas précisément ces indices qui ont conduit le juge à inculper, puis à arrêter Jean-Claude Doriot. «Le fait que ces opérations soient contemporaines est en effet un indice (réd: la vente des Bosquets et l’achat de la maison de Jean-Claude Doriot)», acquiesce le juge d’instruction Yves Nicolet, confirmant nos investigations. Tout comme le fait que le promoteur architecte ait servi d’intermédiaire dans la vente des Bosquets et que l’achat de sa maison par Jean-Claude Doriot survienne pile au terme du délai référendaire relatif à cette opération. «En effet, tous ces indices mis ensemble vont dans le sens de l’infraction de corruption», confirme le magistrat instructeur. Avantages indus? Selon le code pénal, deux éléments sont constitutifs de l’infraction de corruption. Il faut premièrement que le fonctionnaire ait accepté un avantage indu et deuxièmement, que cela soit pour un dossier en relation avec son activité officielle ou qui dépende de son pouvoir d’appréciation (art. 322 quater). Dès lors, la question est de savoir où se situe la limite entre le simple cadeau et l’avantage indu. «Tout le problème est là», commente le juge Yves Nicolet, «c’est-à-dire de savoir à partir de quand un cadeau devient un avantage patrimonial en vue d’orienter la décision du fonctionnaire public?». Qu’en est-il d’un prêt sans intérêt? «Cela constitue en effet une forme d’avantage indu», admet Yves Nicolet. De même que le voyage à l’Ile Maurice, qui, selon nos informations, aurait eu lieu après la vente des Bosquets, pendant les fêtes de fin d’année de 2005 ou de 2006, et l’achat du yacht, qui a lui aussi Entre autres avantages indus, totalisant 300’000 francs à ce stade de l’enquête, Jean-Claude Doriot aurait bénéficié d’un prêt sans intérêt de quelque 80’000 francs, octroyé par le promoteur architecte inculpé avec lui, pour finaliser l’achat de sa maison, sise rte des Colondalles à Montreux. Photo: Le Régional été effectué après la vente des Bosquets de Fontanivent. un des éléments qui a justifié ces inculpations et l’arrestation du municipal». Le municipal et le promoteur S’agissant de la relation entre l’avantage perçu et la fonction du municipal, second élément constitutif de l’infraction, il s’agit pour le juge de démontrer en l’espèce que, en échange du prêt octroyé, l’architecte a bénéficié de faveurs dans le cadre d’un processus dans lequel Jean-Claude Doriot avait un pouvoir décisionnel ou qui dépendait de son pouvoir d’appréciation. Mais la jurisprudence, notamment le Tribunal fédéral, n’exige pas la preuve concrète d’un contrat illicite pour chaque avantage reçu, mais se contente de critères auxiliaires objectifs tels que par exemple «la fréquence des contacts entre le donateur et le donataire, et, en particulier, la relation entre la situation professionnelle du premier et la fonction exercée par le second». Le Tribunal fédéral parle d’«identité des domaines d’activités». Ce qui ici saute aux yeux, vu la fonction du municipal et l’activité du promoteur. «C’est vrai», confie le juge Yves Nicolet. «C’est d’ailleurs D’autres cadeaux? A ce stade, même si le juge a décidé de libérer Jean-Claude Doriot, il poursuit ses investigations. Car au-delà de ces cadeaux à hauteur de 300’000 francs mentionnés dans la lettre, le magistrat enquêterait aussi sur d’autres aspects de l’activité de Jean-Claude Doriot. Selon nos informations, la comptabilité de son entreprise privée serait notamment passée au crible. Jean-Claude Doriot a vendu son imprimerie, mais il est encore éditeur propriétaire de Montreux Info Ville, un hebdomadaire d’informations locales. Le juge s’intéresserait également à un autre gros projet immobilier en cours à Montreux, ainsi qu’à certaines procédures relatives à des mises à l’enquête. «Nous avons des hypothèses et nous avons des documents», confirme Yves Nicolet, «mais je ne peux pas entrer dans les détails au risque de trahir le secret de l’enquête»... Enquête: Serge Noyer La vente des Bosquets de Fontanivent annulée? Aujourd’hui, des opposants au projet des Bosquets de Fontanivent (photo) réfléchissent à l’opportunité de se porter partie civile dans l’enquête pénale contre Jean-Claude Doriot. Objectif: tenter d’obtenir de la Municipalité qu’elle demande l’annulation de la vente de ce vaste domaine à l’origine d’un projet immobilier très controversé. Au motif que cette vente pourrait être entachée de corruption, ce qui pourrait la rendre illicite. A ce stade en effet, les indices du juge d’instruction laissent croire que des avantages indus auraient été perçus par le municipal de l’urbanisme précisément en marge de ce projet immobilier. Comme notre enquête le révèle, au départ de ce projet se trouve le promoteur architecte qui a été inculpé pour corruption active en même temps que Jean-Claude Doriot. Lequel a joué un rôle clé, puisqu’il a servi d’intermédiaire entre la commune et TFI Vaud SA, la société immobilière qui a acheté ce terrain communal pour 7,6 millions de francs, selon son président David Corminboeuf. Au prix, soit dit en passant, de 325 francs le mètre carré, un montant étonnament bas, selon les professsionnels de la branche. «C’est lui qui nous amené le terrain et c’est aussi lui qui a effectué pour nous la mise à l’enquête», précise David Corminboeuf. Justement la mise à l’enquête qui a été invalidée par le Tribunal administratif (TA). «Nous n’avons jamais vécu une histoire pareille», s’emporte le promoteur, visiblement remonté par toutes ces révélations... Il faut dire que le projet de TFI Vaud SA construire sur ce domaine cinq immeubles d’habitations avec 26 appartements de haut standing pour un investissement de 24 millions - a du plomb dans l’aile à plus d’un titre. Car outre l’enquête pénale actuellement en cours, les opposants à la délivrance du permis de construire ont en effet partiellement obtenu gain de cause auprès du TA. «Nous n’avons toujours pas de permis de construire», soupire David Corminboeuf. «Et nous n’allons l’avoir que pour les deux bâtiments du bas, mais pas pour les bâtiments d’en haut, que nous allons devoir remettre à l’enquête. Car le Tribunal estime qu’un des bâtiments doit être conservé, car il abrite des logements à loyers modérés, que nous avions prévu de démolir», précise le promoteur. A l’origine, cette vaste propriété a été léguée à la commune de Montreux par Roland Zehnder, premier directeur du MOB. Ce domaine, qui abrite sur plus de 23’000 m2 des bâtiments, des arbres centenaires, ainsi que de nombreuses espèces végétales et animales, constitue un biotope important. D’où une autre bataille pour sauver ce parc, engagée celle-ci par Franz Weber en parallèle aux oppositions au permis de construire. Il s’agit de l’initiative communale lancée par le célèbre écologiste, demandant que le parc demeure accessible au public. Initiative qui, de recours en recours, a d’abord été validée par la Cour constitutionnelle vaudoise, avant d’être invalidée par le Tribunal fédéral, pour un vice de forme. Selon certaines sources qui avaient vu le testament de la veuve de Roland Zehnder, Lucie Zehnder, ce document stipulerait que le parc devait demeurer accessible au public. Pour faire taire ces soupçons, la Municipalité a produit le testament, mais en prenant soin de caviarder plusieurs passages. Aussi, à ce jour, un doute subsiste dans certains esprits... REGIONAL P 11 Vevey - Riviera Date 18.04 N C M J Jeudi 17 - vendredi 18 avril 2008 - No 416 11 Corruption à Montreux: la loi du silence et la passivité de la Municipalité Interview • Après avoir provisoirement destitué Jean-Claude Doriot de ses compétences, la Municipalité se porte partie civile dans l’affaire pénale impliquant le municipal de l’urbanisme. Pourtant, informé dès novembre 2007 des soupçons pesant sur ce dernier, l’exécutif s’était alors contenté des explications de Jean-Claude Doriot, sans prendre de quelconques mesures provisionnelles à son encontre. Le syndic Pierre Salvi s’en explique. A ujourd’hui, la municipalité se porte partie civile dans cette affaire pénale. L’exécutif, qui a provisoirement destitué JeanClaude Doriot de ses compétences, indique agir ainsi pour préserver les intérêts de Montreux. Pourtant parfaitement au courant des soupçons très précis pesant sur le municipal de l’urbanisme depuis novembre 2007, date où le syndic a reçu copie de la lettre envoyée au juge d’instruction, la Municipalité s’est contentée de la version de Jean-Claude Doriot - octroi d’un prêt sans intérêt contre une cédule hypothécaire (lire notre enquête en page 9) - alors qu’elle était au minimum face à un grave conflit d’intérêts. D’autres personnages publics ont été mis en cause pour bien moins que ça. Dont par exemple l’ancien procureur cantonal Jean-Marc Schwenter, qui avait été au centre d’une polémique pour avoir simplement bénéficié d’un rabais de flotte à l’achat de son véhicule. Pourquoi la Municipalité est-elle restée à ce point passive? N’aurait-elle pas dû entreprendre une enquête interne ou prendre des mesures provisionnelles à l’encontre de JeanClaude Doriot? N’aurait-elle pas dû se montrer plus curieuse sur la nature de la relation que le municipal entretient avec le promoteur architecte aujourd’hui inculpé de corruption active, par ailleurs actif dans nombre de projets immobiliers présents, passés et à venir sur la commune? De même que sur le train de vie de Jean-Claude Doriot? «Plus personne n’osait ouvrir la bouche»... A la décharge des autres municipaux, il faut dire que Jean-Claude Doriot, après avoir lui P U B L I C ITé aussi pris connaissance de cette lettre, aurait écrit à tous ses destinataires pour les menacer en cas de propagation de ces bruits. De même qu’il a menacé publiquement de porter plainte contre toute personne qui oserait «salir son nom». A tel point que «cette histoire est devenue un tabou dans toute la ville», lâche, sous couvert de l’anonymat, un conseiller communal de droite. «Il menaçait tout le monde de plaintes, alors plus personne n’a osé ouvrir la bouche. Nous nous sommes dit que s’il était tellement sûr de lui et vindicatif, il devait avoir raison...». En clair, JeanClaude Doriot a fait régner la loi du silence à coup de menaces et de coups de gueule, entretenant un climat délétère au sein de la classe dirigeante. Reste que ces questions méritent réponse. A peine sorti de l’hôpital et en convalescence suite à une intervention prévue de longue date pour des calculs rénaux, Pierre Salvi, syndic socialiste de Montreux, a accepté d’y répondre. Lorsque vous avez reçu une copie de cette fameuse lettre de dénonciation, avez-vous demandé des explications à Jean-Claude Doriot? Et si oui, quelle réponse vous a-t-il donné? Pierre Salvi: Oui, et il y a apporté un démenti, nous expliquant que c’était de la calomnie et qu’il était l’objet de simples rumeurs. Vous êtes-vous contenté de ces réponses ou avez-vous entrepris des démarches complémentaires? Même à la lumière de la récente double inculpation? Pierre Salvi, syndic de Montreux. Dans un premier temps, ces réponses nous ont rassurés. Mais dans le même temps, j’ai eu un contact avec l’office d’instruction pénale pour demander si je devais entreprendre quelque chose. On m’a répondu non. J’ai aussi pris contact avec le Préfet, l’autorité tutélaire, pour lui demander quelle mesure je devais adopter dans cette situation. J’ai reçu de sa part l’instruction de ne rien faire, dans la mesure où la justice était saisie de l’affaire. Vous vous êtes donc bel et bien contenté de ces explications, sachant pourtant que les soupçons portaient notamment sur le projet très controversé des Bosquets de Fontanivent, alors en pleine polémique... Il y a un mélange privé et public dans cette affaire. Au plan privé, la question est de savoir s’il y a eu ou non l’obtention d’un avantage. Mais au plan public, rien ne me laisse penser que nos processus de décision, nos orientations et nos validations concernant le dossier des Bosquets n’ont pas été suivis de manière correcte. C’est le sentiment que j’ai. Mais je suis bien sûr suspendu aux conclusions du juge. Reste que depuis, nous avons fait le nécessaire. Et nos décisions ont été rapides et fortes. Nous avons relevé Jean-Claude Doriot de ses compétences et surtout, nous nous sommes portés partie civile. Ce faisant, nous ne portons pas un jugement sur Jean-Claude Doriot, qui, et j’insiste la dessus, bénéficie de la présomption d’innocence. Mais cette démarche était indispensable pour accéder au dossier et connaître les faits. Connaissant tous ces soupçons, n’auriezvous pas dû vous montrer plus curieux sur la nature de la relation entre Jean-Claude Doriot et le promoteur architecte inculpé, qui révèle au minimum un grave conflit d’intérêts, vu sa fonction de municipal de l’urbanisme et l’implication du promoteur dans les dossiers immobiliers de la commune? J’entretiens moi même en tant que syndic des relations très étroites avec beaucoup de monde à Montreux. Est-ce normal ou pas? Ceci dit, je ne peux pas savoir quels étaient leurs contacts en dehors des aspects professionnels. Je ne suis ni dans leur tête, ni dans leur agenda... De même, n’auriez-vous pas dû vous montrer plus curieux sur le train de vie de votre collègue? Je ne sais pas combien gagne un indépendant. Non seulement je sais qu’il avait vendu son imprimerie, je ne sais d’ailleurs pas combien il en avait tiré, mais je sais aussi qu’il est éditeur propriétaire d’un journal. Et a priori, je n’ai pas de raisons de penser que dans mon entourage, des gens puissent faire des choses indélicates. D’une manière générale, je ne peux pas connaître les revenus de chacun, étant donné que cela relève de leur sphère privée. Seul le fisc pourrait renseigner. Cette affaire ne risque-t-elle pas de jeter le discrédit sur l’ensemble de la Municipalité? Oui, c’est certain, il y aura un immense dommage. Car nous ne pourrons pas empêcher les habitants de faire des raccourcis. C’est justement pour ça que nous avons décidé de nous porter partie civile. Pour aller au bout de cette histoire et gratter tout ce qu’il y a à gratter. Mais par ailleurs, ce discrédit peut être aussi jeté sur certains membres de la corporation des architectes et des promoteurs, en particulier sur celui qui est accusé de corruption. Mais il est clair que, de manière plus générale, nous devrons conduire une réflexion sur la méthodologie de gestion des dossiers immobiliers, notamment sur la nature des relations entre édiles et promoteurs. J’espère que par son travail, la Municipalité pourra dissiper les doutes légitimes qu’aujourd’hui la population peut avoir. Elle s’y emploie avec beaucoup d’énergie. Entretien: Serge Noyer