Entretien avec Jacques Ferrier et Pauline Marchetti,

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Entretien avec Jacques Ferrier et Pauline Marchetti,
Entretien avec Jacques Ferrier et Pauline Marchetti,
Jacques Ferrier Architectures
Propos recueillis par Khanshana Agodage, David Bouillon et Gilles Roger
à l’agence Jacques Ferrier Architectures, le 29 septembre 2015.
Labo 2025
— Vous avez construit le pavillon français à l’Exposition universelle de Shanghaï de 2010. Comment ce projet a-t-il démarré ? était-ce une commande ? une initiative personnelle ?
Jacques Ferrier
— L’histoire commence par un concours. Concours public, puisque la France comme d’autres
pays ne contribue que pour un pavillon. C’était la Chine qui proposait le thème général qui
était Better City. Better Life. Ce qui moi m’a beaucoup intéressé parce que les Expositions
universelles ont toujours été dans la célébration du progrès mécanique, scientifique, etc. et
finalement la Chine a ouvert sur un thème plus général qui était l’idée de la ville. Et de la ville
comme le cadre de nos vies, et notamment en Chine, avec la problématique que pose le fait
qu’il y a de plus en plus de gens sur la planète. Donc c’est un changement, même si la forme
de l’expo de Chine est classique par rapport au projet Expo2025. Le thème était lui assez intelligent puisqu’il ouvrait, ce que continue Milan d’ailleurs [ExpoMilano2015 qui se déroule
actuellement et jusqu’au 31 octobre 2015, NDLR], sur des problématiques humanistes.
Donc c’est un concours. Il y avait quatre ou cinq équipes d’architectes invitées et, deuxième
chose que l’on peut dire, c’est qu’en découvrant le règlement du concours, on se dit « tiens
chouette on est invité pour un concours d’architecture », mais en lisant les lignes on s’aperçoit
que l’on a aussi le contenu et la scénographie ! Ce à quoi on ne s’attendait pas. Donc on appelle
les copains qui sont invités au concours « – est-ce que tu le lis comme moi ? – Oui. » En fait
c’est l’architecture et aussi le contenu et donc là, puisque c’est Pauline qui a travaillé avec moi
sur le sujet on s’est demandé « comment on prend la chose ? »
Pauline Marchetti
— On l’a prise de la manière suivante : au lieu de répondre comme un architecte l’aurait fait
–c’était un concours aménagé en deux phases– c’est-à-dire je réponds d’abord par l’architecture et ensuite par le contenu, on a fait le choix, stratégique, de répondre d’abord par le contenu et ensuite de répondre par l’architecture. Pour le premier oral que l’on a passé on a montré
deux croquis sur le principe du pavillon : premier croquis qui expliquait le principe de la rampe
qui est resté jusqu’à la fin en disant que l’on allait faire visiter le pavillon
d’une manière continue, avec un flux continu, flux tendu, et conscients qu’à
on a fait le choix, stratégique,
Shanghaï ce ne serait pas les mêmes taux de fréquentation que les autres exde répondre d’abord par
pos. Et la deuxième chose, on l’a présentée comme un pavillon qui réunirait
le contenu et ensuite
des composantes essentielles de la vie en ville, c’est-à-dire la technologie et
de répondre par l’architecture
la nature. C’est pour cela que l’eau et la nature étaient déjà très présentes
dans les croquis de manière assez abstraite, mais bien présente. Dans un
deuxième temps, après la présentation et quand on a vu que cette présentation plaisait on a
dessiné l’architecture.
Pour revenir juste sur le thème, il était demandé dans le brief de parler de la France, et de
dire comment la France avait légitimement des éléments à proposer et à montrer lors d’une
Exposition universelle et on a voulu sortir un peu du sujet disons bateau, de green city, green
architecture, développement durable etc. on s’est dit finalement l’architecture étant un besoin
primaire, chacun a besoin de se protéger des éléments, d’avoir un endroit pour vivre… on le voit
particulièrement en ce moment, il faut pouvoir proposer un thème qui réponde à cette idée de
besoin primaire. On en est arrivé à la ville sensuelle en disant qu’une architecture qui se sent,
une architecture dans laquelle on peut exprimer ses différents sens, répond à la commande :
s’abriter des éléments, se loger, travailler… C’est comme cela que l’on a répondu au thème.
»
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Une exposition universelle c’est assez hétéroclite
Labo2025
— Cela a peut-être surpris au début ce type de réponse : de parler tout de suite du contenu et
de ne pas imaginer la « boîte » ?
PM
— Je pense que ça a plu. Cela a sûrement surpris mais ça leur a plu. C’était en fait « pourquoi
un architecte a légitimement, à un moment donné, le pouvoir de répondre à un thème d’expo ?
Pourquoi ce pourrait être un commissaire, au même titre qu’un philosophe, un ethnologue, un
sociologue ? » Un architecte a toutes ces compétences pour répondre. Donc la France avait fait
le choix, intelligent, de demander à une équipe pluridisciplinaire menée par un architecte, de
répondre. Et cela nous paraissait être très intéressant dans la commande.
Labo2025
— Sachant que le concours était défini…
PM
— Non pas du tout.
JF
— Le thème général l’était. Il y a un commissariat qui fixe le thème général (Better City. Better
Life). Mais ensuite les pavillons, les pays, l’interprètent. Ce qui a plu c’était le mot « sensuel ».
On l’a pesé, en regardant dans les dictionnaires : sensoriel, sensible, etc… Le mot « sensuel »
finalement aurait pu ne pas passer parce qu’il était effectivement surprenant, mais je pense
qu’il prenait justement le risque d’intriguer et de susciter le désir du public. Il se traduisait bien
en chinois : il faut savoir que 95% des visiteurs de l’Exposition universelle de Shanghaï étaient
chinois, de la même façon qu’à Milan ce seront certainement 95% d’européens. Les sens que
nous connaissons existent aussi en Chine : je dis cela parce qu’en Chine c’est un système de
pensée tellement différent. Il y a des choses qui sont très déroutantes ; des choses qui nous
paraissent une évidence et qui en Chine ne le sont pas. Mais les sens existent et il y a même une
sorte de sixième sens, celui de l’équilibre, de la balance physique. Donc il y a toute une série
de faits qui ont convaincu le maître d’ouvrage de faire le pari d’aller sur ce thème, qui comme
l’a dit Pauline a le mérite de poser la question : « A quoi sert le développement durable ? » On
veut faire des villes durables. C’est effectivement de dire que toutes les villes vont prétendre à
être durables, mais pour quoi faire ? Ce qui était intéressant était ce questionnement.
Pour finir sur Shanghaï : dans une Exposition universelle, il y a un côté « foire », dans les deux
sens du terme : au niveau festif, ce qui est plutôt sympathique. Des gens qui sont heureux
d’être ensembles, qui sont des milliers à faire la queue, etc. Mais il y a un côté « foire » au niveau commercial. On nous avait prévenu : « Attention, il faudra forcément faire de la place aux
sponsors, parce qu’ils amènent des sommes d’argent qui sont nécessaires à la construction
du pavillon » … mais pas tant la construction d’ailleurs parce que ce qui coûte cher ce sont le
fonctionnement, les événements, les salariés… Et heureusement que l’on avait un fil rouge
assez fort, un fil conducteur dans la ville sensuelle et que l’on a traduit par des films que nous
avons réalisés, parce qu’après, Peugeot, Michelin, Sanofi, Louis Vuitton et d’autres que j’oublie
qui à un moment donné arrivent… En échange de l’argent, il y avait l’idée de ‘stands’. Dans le
pavillon français à Milan c’est plus discret, parce que les sponsors n’ont pas de stand, ils en
ont un à la fin, il y a un roulement. Alors après il y a des pavillons où il n’y a que des stands,
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c’est une tradition aussi. Le pavillon américain à Shanghaï, ce n’était que des stands, il n’y avait
même pas de fil rouge. C’est General Electrics, etc… C’est toute sorte de choses une Expo
universelle ; c’est quand même un joyeux mélange, y compris pour les bâtiments. Il y en a qui
sont des sculptures, d’autres qui sont vraiment des stands d’expo. Et il y en a, comme celui que
l’on a voulu faire, qui sont plutôt des bâtiments prototypes en disant « il faut que le bâtiment
lui-même ait quelque chose à dire » et serve d’exemple, qui ne soit pas juste une tente colorée
avec écrit France bleu-blanc-rouge, ou qui soit un gag.
Une Expo universelle c’est assez hétéroclite. Un peu comme une foire : il y a la grande roue,
les auto-tamponneuses, le stand de tir, Mme Irma qui prédit l’avenir. Toute
Un peu comme une foire : il y a
sorte d’attractions ; l’Expo universelle c’est aussi une série et une succesla grande roue, les auto-tamsion d’attractions. Mais ce côté festif est important parce que, Pauline et moi
ponneuses, le stand de tir,
avons été agréablement surpris, même si ce n’est pas l’échelle chinoise, de
Mme Irma qui prédit l’avenir.
retrouver les foules à une époque où on nous dit qu’entre les smartphones,
Toute sorte d’attractions ;
internet, les écrans, etc. il y a quand même beaucoup de gens qui se disent
l’Expo universelle c’est aussi
–surtout dans ce pays ici en France, qui est un pays de sceptiques, de râleurs
une série et une succession
et de gens qui ne sont pas très enthousiastes– « mais à quoi sert de nos jours
d’attractions. Mais ce côté
une Expo universelle ? » Même à Milan, je dis même à Milan parce que ce
festif est important
n’est pas la Chine, on voit que cela sert à mettre des gens ensemble, dans un
même lieu plein de saucisses de frites de trucs à boire etc. et que les gens
sont contents. Et là j’ai trouvé que c’était une bonne expérience.
»
Labo2025
— A propos du thème « Nourrir la planète », est-ce que vous le trouvez bien représenté à
Milan ?
PM
— Il y a une critique qui peut être faite, à mon avis à juste titre et qui a déjà été faite à Shanghaï,
c’est-à-dire que quand vous demandez à des entreprises et que vous les laissez sans filet sur
un sujet, tout le monde a des choses à dire mais ça devient du marketing. Ça c’est le côté négatif. Le côté positif c’est qu’il y a des choses qui sont montrées, des choses qui sont dites sur le
sujet de toute façon –alors est-ce que cela mérite autant je n’en sais rien– mais c’est un sujet
qui méritait d’être posé. Et il a réuni beaucoup de gens. Alors il y a beaucoup de gens qui ont
été déçus ; j’ai participé à un échange dans le cadre de l’Expo2025 où il y avait des visiteurs qui
ont été extrêmement déçus, disant que c’était nul, qu’il n’y avait rien à voir, que ce n’était que
des stands… mais je trouve que c’est un peu dur parce que c’est un sujet qui doit réunir tout
le monde et c’est vrai qu’il y avait beaucoup de monde, beaucoup de choses. Alors il y avait « à
boire et à manger », mais je suis assez agréablement surprise.
JF
— Le thème est hyper intéressant. En tant que grand public j’ai découvert les enjeux agroalimentaires, c’est un chouette thème
PM
— Ça réveille un peu les consciences.
JF
— Mais par rapport à Expo2025, on s’est fait la réflexion et le projet prend apparemment cette
hypothèse : c’est essentiel d’avoir à un moment donné un lieu où les gens au moins une fois se
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»
rassemblent. Mais c’est très intéressant aussi, parce qu’après on s’est promené dans Milan,
et s’il y avait eu d’autres lieux qui avaient été repris par le thème, je crois que l’on aurait été
assez réceptif. Quand vous entrez il y a la foule et ce plaisir de la foule, mais en même temps
cet encombrement, la queue, c’est comme dans un salon expo, à la fin de la journée
PM
— Vous en avez plein les pattes
JF
— Vous êtes un peu embrouillé. Et si on suit le projet d’Expo2025 –le lendemain où l’on s’est
promené à Milan pour aller voir divers musées, fondations– on se dit au pied de la tour Velasca, s’il y avait eu une installation qui reprenait le thème de l’agroalimentaire, je pense que l’on
aurait été plus ouvert, parce que l’on sortait d’une promenade dans les rues, que c’est un lieu
unique. Donc je trouve que l’idée d’Expo2025 est bonne : doubler un lieu où il y a ce côté foire,
festif, avec des lieux qui mobilisent l’ensemble de l’aire métropolitaine.
L’espace physique est quelque chose de sensuel
Labo2025
— Pour rebondir sur ce que vous disiez juste avant, que pensez-vous du projet qui est en cours
pour 2025, notamment l’idée du multisite qui n’est pas seulement liée à la région parisienne
mais à tout le territoire français. Et par rapport à cette histoire de sens qui pour nous est assez
intéressante dans les travaux que l’on a faits et que l’on a abordé sous l’aspect de l’immersivité
[contributions étudiantes réalisées entre septembre 2013 et février 2015, NDLR]. Comment
être innovant dans ces notions ?
PM
— En ce qui concerne le travail que l’on mène en tant qu’architectes et au sein du studio de
recherche [Sensual City Studio. Agence d’architecture Laboratoire d’idées, de création et de
prospective urbaine] qui travaille aujourd’hui avec EXPOFRANCE 2025, il nous parait essentiel,
en tant qu’architecte de surcroit, d’être extrêmement attentif à l’espace physique qui va être
créé à cette occasion. L’immersivité technologique : puisque de toute façon on n’a aucune idée
de ce qui sera possible ou non à l’horizon 2025, les experts savent à peu près à quel niveau ils
seront d’avancement, mais on ne sait pas encore concrètement ce que cela donnera et surtout
on a du mal à se le représenter. Mais il y a une chose qui est sûre, c’est que l’espace physique
est quelque chose de sensuel comme on le disait tout à l’heure et que c’est une chose qu’il ne
faudra surtout pas laisser tomber. Et il faudra, de manière encore plus importante que précédemment le mettre au premier plan. C’est un sujet sur lequel on discute avec EXPOFRANCE
2025 pour que cela reste bien une donnée principale. Parce que l’on voit à Milan de manière
assez criante, les espaces où l’on doit pouvoir se retrouver, où l’on doit pouvoir circuler… la
qualité de ces espaces fait que vous appréciez ou non votre visite, ce que vous faites, et donc
si vous êtes réceptif ou non au message. Si l’on part du principe qu’une Exposition universelle
doit faire passer un message et réveiller les consciences –ce qui a été, ce qui voulait être le cas
à Milan– il faut absolument privilégier cela. C’est notre travail à nous en tant qu’architecte de
mettre les gens en condition à être réceptif, et pour passer un moment qui soit de l’ordre de
l’apprentissage, de l’ouverture vers l’extérieur. C’est une première chose.
Une deuxième, sur le multi-site. Il est évident que ce qui a eu lieu à Shanghaï en 2010 était
possible quand on connait la ville chinoise, la densité de ce pays, la population et les besoins
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qu’ils ont aujourd’hui en terme d’infrastructure urbaine. On n’est pas du tout dans les mêmes
données en Europe. Et je pense que Milan montre aussi les limites de l’unité de lieu quand on
réfléchit à ce que sera la ville de demain, la ville urbaine de demain et la vie en général pour les
habitants de la planète. Donc cela me paraît être le bon moment de le questionner. La réponse
du multi-site est à mon avis une bonne réponse. Si l’organisme qui gère les
expositions ne le comprend pas c’est qu’ils ne se sont pas posé les bonnes
les espaces où l’on doit pouquestions. Objectivement c’est terminé : on ne peut plus envahir comme ça
voir se retrouver, où l’on doit
un site de manière aussi brutale aujourd’hui au 21e siècle, en 2025. C’est
pouvoir circuler… la qualité
aberrant.
»
de ces espaces fait que vous
appréciez ou non votre visite,
ce que vous faites, et donc si
vous êtes réceptif ou non au
message.
»
Labo2025
— Après Shanghaï 2010 et Milan 2015, on peut parler de Dubaï 2020, qui
à première vue serait très numérique, et donc la place du physique serait
moins présente. Ce n’est pas du tout le même concept…
JF
— Il reste quand même la manière dont on met les choses en scène. Si l’on prend l’écran, et
l’envahissement, pour des tas de raisons, de l’écran, il y a des pavillons qui le mettent en scène
de façon banale. Et finalement on se dit « pourquoi je suis dans ce pavillon, autant regarder la
télé chez moi. » Il y a des pavillons qui mettent l’écran en scène de manière tellement surchargée et envahissante ; là vous vous dites « ok il y a beaucoup plus d’écrans que chez moi » mais
vous ne voyez rien non plus. Et puis il y a des pavillons où, et c’est là où le métier de designer,
architecte, scénographe, tous les gens qui manipulent l’espace concret dans un lieu d’Exposition universelle, ce métier se justifie : avec le même support, l’écran –c’est un peu une tarte à
la crème cette histoire d’écran– on le présente de telle façon, on l’accompagne de telle façon
qu’il redevient une expérience nouvelle, où l’on a envie de s’arrêter, de regarder. Si vous prenez
un livre, il sort des dizaines de livres d’images tous les jours, et il y a des livres d’images –il y en
a peu– où vous êtes captés par le livre, la légende, vous avez envie d’aller plus loin. Et il y a des
tas de livres d’images qui sont à peine achetés à peine à la poubelle. C’est de l’accumulation.
Aujourd’hui c’est pareil : quel que soit le thème –à Dubaï si ça marche, s’il y a
vraiment des pays présents– il va y avoir des scénographes, des architectes,
Quelle est la façon la plus
qui vont avec plus ou moins de bonheur se confronter à cela. C’est la question
pertinente, la plus mémorable
que l’on se pose avec le studio quand on fait des scénographies, parce qu’au
de montrer un contenu sur un
final on finit par jouer avec des écrans, quel que soit le contenu. Après, la
écran ?
question qui se pose aujourd’hui : Quelle est la façon la plus pertinente, la
plus mémorable de montrer un contenu sur un écran ?
»
PM
— Si le contenu c’est l’écran, alors la mise en abîme est compliquée…
JF
— Dubaï pose cette question que ce n’est pas une ville. Et d’autres questions plus générales.
Dubaï est une Exposition universelle qui se tient dans un lieu très étrange sur la planète. Dubaï
et Abu Dhabi sont des univers artificiels qui ne sont pas vraiment des villes, on ne sait pas trop
ce que c’est. Ça a un peu le goût de la ville, ça a des populations, mais il n’y a pas de population autochtone. Les gens qui travaillent viennent d’ailleurs. Les gens qui séjournent viennent
d’ailleurs. Enfin c’est très curieux. Donc une Exposition universelle dans une ville qui n’a pas
de stabilité je trouve cela assez bizarre.
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»
PM
— C’est peut-être l’avenir ?
JF
— Visiblement c’est comme la Coupe du Monde de foot : il y a des gens qui ont trouvé utile de
l’organiser à Dubaï.
PM
— Cela se justifie plus selon moi pour une Exposition universelle que pour une Coupe du
Monde de foot. Autant ils vont avoir chaud, mais au moins ils ne vont pas courir !
Mais c’est intéressant d’avoir une expo dans ce type de ville artificielle, qui sont comme des
paradis artificiels mais qui existent et qui plaisent. Et donc pourquoi ne pas aller se poser des
questions là-bas ? Après il est vrai que la ville plus le thème … j’attends de voir. Ça va être
intéressant. C’est un vrai enjeu.
Découvrir différemment la métropole parisienne
JF
— Il est vrai que si l’on reprend l’hypothèse, hors Dubaï, mais des autres grandes villes, quand
vous êtes dans une grande métropole, avoir des prétextes festifs –je pense à Arles, les Rencontres de la Photo investissent 20 ou 25 lieux dans la ville-, ici une chapelle où vous n’iriez pas
par ailleurs, là-bas des anciens ateliers SNCF où vous n’auriez aucune chance d’aller parce
qu’en plus ils sont fermés dans l’année, ailleurs le musée du pain où vous
pouvez aller mais qui là est dédié à la photo, ailleurs la cathédrale… Mais
c’est intéressant d’avoir une
ce que j’ai apprécié à Arles toutes les fois où j’y suis allé, c’est cette addition
expo dans ce type de ville arautour d’un fil conducteur : dans chaque lieu on voit des photos ; ça vous
tificielle, qui sont comme des
donne un prétexte sinon vous n’iriez pas acheter un billet de train, et passer
paradis artificiels mais qui
une journée ou deux jours à Arles. Mais en même temps, de vous transporter,
existent et qui plaisent.
–c’est assez paresseux– vous avez votre petit guide et vous vous dites « ah
mais il y a untel qui est exposé là-bas ça a l’air bien » ; hop vous traversez la ville et vous entrez
dans la petite chapelle ». Et je pense que l’idée qu’ont eu les organisateurs de l’Exposition universelle de 2025 est très actuelle et très forte pour cela. C’est-à-dire que ça vous oblige à aller
dans des lieux et à parcourir le territoire métropolitain. A la visite de l’exposition à Beaubourg
du Prix Marcel Duchamp, Marcel Prévieux dit que quand vous habitez dans une grande ville,
les études montrent que vous en fréquentez une infime partie. Dans une grande ville comme
Paris, on fait toujours les mêmes points et on s’enferme dans ce schéma. Mais si on transpose
cela à notre quotidien, à moins que vous ne soyez très curieux, ce sont très peu de lieux. Et si
vous êtes touriste, c’est pareil : vous arrivez avec votre guide –et encore cela veut dire que vous
êtes autonome sinon les gens arrivent en bus– et vous voyez les grands monuments. Donc
que l’Exposition universelle de 2025 soit une opportunité de parcourir tout le territoire urbain,
et c’est ce que nous avons imaginé comme porteur dans l’histoire du Grand Paris, du métro,
Grand Paris Express … c’est à la fois une chance pour les gens de découvrir différemment la
métropole parisienne, et pour les gens qui habitent Paris et la métropole, de se créer un univers mental et symbolique qui agrandit leur perception.
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Labo2025
— Il y a une critique qui a été faîte à l’occasion des ateliers de rentrée d’EXPOFRANCE 2025
[Sorbonne, 8 septembre 2015, NDLR], qui est que le thème principal si c’en est un, est un peu
flou mais surtout qu’il y avait beaucoup de pôles et de thématiques différentes et que l’on
pouvait s’y perdre. Faut-il un fil directeur ou peut-on multiplier les thèmes dans autant de
pôles, autant de territoires ?
que l’exposition universelle
de 2025 soit une opportunité
de parcourir tout le territoire
urbain, [...] c’est une chance
PM
— En ce qui concerne le titre –je n’arrive même pas à le redire– déjà il y a
le problème de l’homme et de la femme mais cela a déjà été dit, et oui il est
un petit peu flou. Ensuite, en ce qui concerne les thèmes, à partir du moment où vous partez du principe que vous faites une Exposition universelle,
vous mettez en avant d’une manière ou d’une autre les technologies, les industries et les savoir-faire des pays. Si vous décidez, comme EXPOFRANCE 2025, de ne pas proposez cela par
pays, mais par thème, vous brouillez au départ le discours. Ce n’est plus chaque pays qui va
pouvoir montrer son savoir-faire, mais c’est le savoir-faire qui va être mis en avant et chaque
pays va pouvoir y participer. Cela semble flou parce que par rapport à l’histoire des expos
il y a beaucoup de choses qui sont remises en question. Je pense qu’EXPOFRANCE 2025 a
conscience de toutes ces remises en question et est en train de les analyser, de les étudier et
va encore les retravailler.
Mais ce que je trouve intéressant c’est aussi que pour une fois on ne va pas
avoir par exemple un laboratoire pharmaceutique français, suisse, allemand,
dans exposition universelle
anglais, … qui vont montrer chacun leur compétence sans regarder ce que
se pose la question de l’unifait l’autre, et cette espèce de surenchère à l’aveugle, et qui n’est finalement
versalité des connaissances,
pas dans l’intérêt du visiteur et qui n’est pas dans l’intérêt universel mais
des technologies, des producdu fabricant seul. Là, le fait d’être dans un même thème et dans un même
tions ; c’est important aussi
espace va les obliger à se poser des questions que peut-être ils ne se poseparce que c’est ce qui régit
raient pas autrement. Donc dans Exposition universelle se pose la question
notre monde.
de l’universalité des connaissances, des technologies, des productions ; c’est
important aussi parce que c’est ce qui régit notre monde. Mais à mon avis la
critique est juste et il faudra encore préciser ce caractère universel.
»
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Labo2025
— Une autre problématique soulevée était celle d’une égale représentativité des pays, des
participants. Peut-être ne pas répondre à tout, mais que chacun soit visible.
PM
— Au cours d’un atelier en est ressorti ce que l’on connait très bien dans le monde de l’architecture, puisqu’il s’agit de faire un cahier des charges assez précis qui limite de manière
assez simple les velléités des très riches, et qui donne les moyens aux plus pauvres de pouvoir
s’exprimer. Cela peut se faire de manière très intelligente si c’est pris en compte en amont. Et
en plus cela pourrait peut-être permettre de donner des outils qui seraient les mêmes pour
tous et de voir comment les uns et les autres réagissent en fonction de ces outils. Le village
global est dans cette idée : le globe qui serait le lieu des rencontres tous pays confondus et
tous territoires confondus –et c’est lié au numérique parce que s’il y a bien une chose que le
numérique permet c’est d’être tous connectés. Et ensuite les mini-lieux qui seraient dévolus à
chaque pays seraient très contrôlés. C’est en tout cas en cours de prise en compte.
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