Entretien avec Jacques Ferrier et Pauline Marchetti,
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Entretien avec Jacques Ferrier et Pauline Marchetti,
Entretien avec Jacques Ferrier et Pauline Marchetti, Jacques Ferrier Architectures Propos recueillis par Khanshana Agodage, David Bouillon et Gilles Roger à l’agence Jacques Ferrier Architectures, le 29 septembre 2015. Labo 2025 — Vous avez construit le pavillon français à l’Exposition universelle de Shanghaï de 2010. Comment ce projet a-t-il démarré ? était-ce une commande ? une initiative personnelle ? Jacques Ferrier — L’histoire commence par un concours. Concours public, puisque la France comme d’autres pays ne contribue que pour un pavillon. C’était la Chine qui proposait le thème général qui était Better City. Better Life. Ce qui moi m’a beaucoup intéressé parce que les Expositions universelles ont toujours été dans la célébration du progrès mécanique, scientifique, etc. et finalement la Chine a ouvert sur un thème plus général qui était l’idée de la ville. Et de la ville comme le cadre de nos vies, et notamment en Chine, avec la problématique que pose le fait qu’il y a de plus en plus de gens sur la planète. Donc c’est un changement, même si la forme de l’expo de Chine est classique par rapport au projet Expo2025. Le thème était lui assez intelligent puisqu’il ouvrait, ce que continue Milan d’ailleurs [ExpoMilano2015 qui se déroule actuellement et jusqu’au 31 octobre 2015, NDLR], sur des problématiques humanistes. Donc c’est un concours. Il y avait quatre ou cinq équipes d’architectes invitées et, deuxième chose que l’on peut dire, c’est qu’en découvrant le règlement du concours, on se dit « tiens chouette on est invité pour un concours d’architecture », mais en lisant les lignes on s’aperçoit que l’on a aussi le contenu et la scénographie ! Ce à quoi on ne s’attendait pas. Donc on appelle les copains qui sont invités au concours « – est-ce que tu le lis comme moi ? – Oui. » En fait c’est l’architecture et aussi le contenu et donc là, puisque c’est Pauline qui a travaillé avec moi sur le sujet on s’est demandé « comment on prend la chose ? » Pauline Marchetti — On l’a prise de la manière suivante : au lieu de répondre comme un architecte l’aurait fait –c’était un concours aménagé en deux phases– c’est-à-dire je réponds d’abord par l’architecture et ensuite par le contenu, on a fait le choix, stratégique, de répondre d’abord par le contenu et ensuite de répondre par l’architecture. Pour le premier oral que l’on a passé on a montré deux croquis sur le principe du pavillon : premier croquis qui expliquait le principe de la rampe qui est resté jusqu’à la fin en disant que l’on allait faire visiter le pavillon d’une manière continue, avec un flux continu, flux tendu, et conscients qu’à on a fait le choix, stratégique, Shanghaï ce ne serait pas les mêmes taux de fréquentation que les autres exde répondre d’abord par pos. Et la deuxième chose, on l’a présentée comme un pavillon qui réunirait le contenu et ensuite des composantes essentielles de la vie en ville, c’est-à-dire la technologie et de répondre par l’architecture la nature. C’est pour cela que l’eau et la nature étaient déjà très présentes dans les croquis de manière assez abstraite, mais bien présente. Dans un deuxième temps, après la présentation et quand on a vu que cette présentation plaisait on a dessiné l’architecture. Pour revenir juste sur le thème, il était demandé dans le brief de parler de la France, et de dire comment la France avait légitimement des éléments à proposer et à montrer lors d’une Exposition universelle et on a voulu sortir un peu du sujet disons bateau, de green city, green architecture, développement durable etc. on s’est dit finalement l’architecture étant un besoin primaire, chacun a besoin de se protéger des éléments, d’avoir un endroit pour vivre… on le voit particulièrement en ce moment, il faut pouvoir proposer un thème qui réponde à cette idée de besoin primaire. On en est arrivé à la ville sensuelle en disant qu’une architecture qui se sent, une architecture dans laquelle on peut exprimer ses différents sens, répond à la commande : s’abriter des éléments, se loger, travailler… C’est comme cela que l’on a répondu au thème. » 1 » Une exposition universelle c’est assez hétéroclite Labo2025 — Cela a peut-être surpris au début ce type de réponse : de parler tout de suite du contenu et de ne pas imaginer la « boîte » ? PM — Je pense que ça a plu. Cela a sûrement surpris mais ça leur a plu. C’était en fait « pourquoi un architecte a légitimement, à un moment donné, le pouvoir de répondre à un thème d’expo ? Pourquoi ce pourrait être un commissaire, au même titre qu’un philosophe, un ethnologue, un sociologue ? » Un architecte a toutes ces compétences pour répondre. Donc la France avait fait le choix, intelligent, de demander à une équipe pluridisciplinaire menée par un architecte, de répondre. Et cela nous paraissait être très intéressant dans la commande. Labo2025 — Sachant que le concours était défini… PM — Non pas du tout. JF — Le thème général l’était. Il y a un commissariat qui fixe le thème général (Better City. Better Life). Mais ensuite les pavillons, les pays, l’interprètent. Ce qui a plu c’était le mot « sensuel ». On l’a pesé, en regardant dans les dictionnaires : sensoriel, sensible, etc… Le mot « sensuel » finalement aurait pu ne pas passer parce qu’il était effectivement surprenant, mais je pense qu’il prenait justement le risque d’intriguer et de susciter le désir du public. Il se traduisait bien en chinois : il faut savoir que 95% des visiteurs de l’Exposition universelle de Shanghaï étaient chinois, de la même façon qu’à Milan ce seront certainement 95% d’européens. Les sens que nous connaissons existent aussi en Chine : je dis cela parce qu’en Chine c’est un système de pensée tellement différent. Il y a des choses qui sont très déroutantes ; des choses qui nous paraissent une évidence et qui en Chine ne le sont pas. Mais les sens existent et il y a même une sorte de sixième sens, celui de l’équilibre, de la balance physique. Donc il y a toute une série de faits qui ont convaincu le maître d’ouvrage de faire le pari d’aller sur ce thème, qui comme l’a dit Pauline a le mérite de poser la question : « A quoi sert le développement durable ? » On veut faire des villes durables. C’est effectivement de dire que toutes les villes vont prétendre à être durables, mais pour quoi faire ? Ce qui était intéressant était ce questionnement. Pour finir sur Shanghaï : dans une Exposition universelle, il y a un côté « foire », dans les deux sens du terme : au niveau festif, ce qui est plutôt sympathique. Des gens qui sont heureux d’être ensembles, qui sont des milliers à faire la queue, etc. Mais il y a un côté « foire » au niveau commercial. On nous avait prévenu : « Attention, il faudra forcément faire de la place aux sponsors, parce qu’ils amènent des sommes d’argent qui sont nécessaires à la construction du pavillon » … mais pas tant la construction d’ailleurs parce que ce qui coûte cher ce sont le fonctionnement, les événements, les salariés… Et heureusement que l’on avait un fil rouge assez fort, un fil conducteur dans la ville sensuelle et que l’on a traduit par des films que nous avons réalisés, parce qu’après, Peugeot, Michelin, Sanofi, Louis Vuitton et d’autres que j’oublie qui à un moment donné arrivent… En échange de l’argent, il y avait l’idée de ‘stands’. Dans le pavillon français à Milan c’est plus discret, parce que les sponsors n’ont pas de stand, ils en ont un à la fin, il y a un roulement. Alors après il y a des pavillons où il n’y a que des stands, 2 c’est une tradition aussi. Le pavillon américain à Shanghaï, ce n’était que des stands, il n’y avait même pas de fil rouge. C’est General Electrics, etc… C’est toute sorte de choses une Expo universelle ; c’est quand même un joyeux mélange, y compris pour les bâtiments. Il y en a qui sont des sculptures, d’autres qui sont vraiment des stands d’expo. Et il y en a, comme celui que l’on a voulu faire, qui sont plutôt des bâtiments prototypes en disant « il faut que le bâtiment lui-même ait quelque chose à dire » et serve d’exemple, qui ne soit pas juste une tente colorée avec écrit France bleu-blanc-rouge, ou qui soit un gag. Une Expo universelle c’est assez hétéroclite. Un peu comme une foire : il y a la grande roue, les auto-tamponneuses, le stand de tir, Mme Irma qui prédit l’avenir. Toute Un peu comme une foire : il y a sorte d’attractions ; l’Expo universelle c’est aussi une série et une succesla grande roue, les auto-tamsion d’attractions. Mais ce côté festif est important parce que, Pauline et moi ponneuses, le stand de tir, avons été agréablement surpris, même si ce n’est pas l’échelle chinoise, de Mme Irma qui prédit l’avenir. retrouver les foules à une époque où on nous dit qu’entre les smartphones, Toute sorte d’attractions ; internet, les écrans, etc. il y a quand même beaucoup de gens qui se disent l’Expo universelle c’est aussi –surtout dans ce pays ici en France, qui est un pays de sceptiques, de râleurs une série et une succession et de gens qui ne sont pas très enthousiastes– « mais à quoi sert de nos jours d’attractions. Mais ce côté une Expo universelle ? » Même à Milan, je dis même à Milan parce que ce festif est important n’est pas la Chine, on voit que cela sert à mettre des gens ensemble, dans un même lieu plein de saucisses de frites de trucs à boire etc. et que les gens sont contents. Et là j’ai trouvé que c’était une bonne expérience. » Labo2025 — A propos du thème « Nourrir la planète », est-ce que vous le trouvez bien représenté à Milan ? PM — Il y a une critique qui peut être faite, à mon avis à juste titre et qui a déjà été faite à Shanghaï, c’est-à-dire que quand vous demandez à des entreprises et que vous les laissez sans filet sur un sujet, tout le monde a des choses à dire mais ça devient du marketing. Ça c’est le côté négatif. Le côté positif c’est qu’il y a des choses qui sont montrées, des choses qui sont dites sur le sujet de toute façon –alors est-ce que cela mérite autant je n’en sais rien– mais c’est un sujet qui méritait d’être posé. Et il a réuni beaucoup de gens. Alors il y a beaucoup de gens qui ont été déçus ; j’ai participé à un échange dans le cadre de l’Expo2025 où il y avait des visiteurs qui ont été extrêmement déçus, disant que c’était nul, qu’il n’y avait rien à voir, que ce n’était que des stands… mais je trouve que c’est un peu dur parce que c’est un sujet qui doit réunir tout le monde et c’est vrai qu’il y avait beaucoup de monde, beaucoup de choses. Alors il y avait « à boire et à manger », mais je suis assez agréablement surprise. JF — Le thème est hyper intéressant. En tant que grand public j’ai découvert les enjeux agroalimentaires, c’est un chouette thème PM — Ça réveille un peu les consciences. JF — Mais par rapport à Expo2025, on s’est fait la réflexion et le projet prend apparemment cette hypothèse : c’est essentiel d’avoir à un moment donné un lieu où les gens au moins une fois se 3 » rassemblent. Mais c’est très intéressant aussi, parce qu’après on s’est promené dans Milan, et s’il y avait eu d’autres lieux qui avaient été repris par le thème, je crois que l’on aurait été assez réceptif. Quand vous entrez il y a la foule et ce plaisir de la foule, mais en même temps cet encombrement, la queue, c’est comme dans un salon expo, à la fin de la journée PM — Vous en avez plein les pattes JF — Vous êtes un peu embrouillé. Et si on suit le projet d’Expo2025 –le lendemain où l’on s’est promené à Milan pour aller voir divers musées, fondations– on se dit au pied de la tour Velasca, s’il y avait eu une installation qui reprenait le thème de l’agroalimentaire, je pense que l’on aurait été plus ouvert, parce que l’on sortait d’une promenade dans les rues, que c’est un lieu unique. Donc je trouve que l’idée d’Expo2025 est bonne : doubler un lieu où il y a ce côté foire, festif, avec des lieux qui mobilisent l’ensemble de l’aire métropolitaine. L’espace physique est quelque chose de sensuel Labo2025 — Pour rebondir sur ce que vous disiez juste avant, que pensez-vous du projet qui est en cours pour 2025, notamment l’idée du multisite qui n’est pas seulement liée à la région parisienne mais à tout le territoire français. Et par rapport à cette histoire de sens qui pour nous est assez intéressante dans les travaux que l’on a faits et que l’on a abordé sous l’aspect de l’immersivité [contributions étudiantes réalisées entre septembre 2013 et février 2015, NDLR]. Comment être innovant dans ces notions ? PM — En ce qui concerne le travail que l’on mène en tant qu’architectes et au sein du studio de recherche [Sensual City Studio. Agence d’architecture Laboratoire d’idées, de création et de prospective urbaine] qui travaille aujourd’hui avec EXPOFRANCE 2025, il nous parait essentiel, en tant qu’architecte de surcroit, d’être extrêmement attentif à l’espace physique qui va être créé à cette occasion. L’immersivité technologique : puisque de toute façon on n’a aucune idée de ce qui sera possible ou non à l’horizon 2025, les experts savent à peu près à quel niveau ils seront d’avancement, mais on ne sait pas encore concrètement ce que cela donnera et surtout on a du mal à se le représenter. Mais il y a une chose qui est sûre, c’est que l’espace physique est quelque chose de sensuel comme on le disait tout à l’heure et que c’est une chose qu’il ne faudra surtout pas laisser tomber. Et il faudra, de manière encore plus importante que précédemment le mettre au premier plan. C’est un sujet sur lequel on discute avec EXPOFRANCE 2025 pour que cela reste bien une donnée principale. Parce que l’on voit à Milan de manière assez criante, les espaces où l’on doit pouvoir se retrouver, où l’on doit pouvoir circuler… la qualité de ces espaces fait que vous appréciez ou non votre visite, ce que vous faites, et donc si vous êtes réceptif ou non au message. Si l’on part du principe qu’une Exposition universelle doit faire passer un message et réveiller les consciences –ce qui a été, ce qui voulait être le cas à Milan– il faut absolument privilégier cela. C’est notre travail à nous en tant qu’architecte de mettre les gens en condition à être réceptif, et pour passer un moment qui soit de l’ordre de l’apprentissage, de l’ouverture vers l’extérieur. C’est une première chose. Une deuxième, sur le multi-site. Il est évident que ce qui a eu lieu à Shanghaï en 2010 était possible quand on connait la ville chinoise, la densité de ce pays, la population et les besoins 4 qu’ils ont aujourd’hui en terme d’infrastructure urbaine. On n’est pas du tout dans les mêmes données en Europe. Et je pense que Milan montre aussi les limites de l’unité de lieu quand on réfléchit à ce que sera la ville de demain, la ville urbaine de demain et la vie en général pour les habitants de la planète. Donc cela me paraît être le bon moment de le questionner. La réponse du multi-site est à mon avis une bonne réponse. Si l’organisme qui gère les expositions ne le comprend pas c’est qu’ils ne se sont pas posé les bonnes les espaces où l’on doit pouquestions. Objectivement c’est terminé : on ne peut plus envahir comme ça voir se retrouver, où l’on doit un site de manière aussi brutale aujourd’hui au 21e siècle, en 2025. C’est pouvoir circuler… la qualité aberrant. » de ces espaces fait que vous appréciez ou non votre visite, ce que vous faites, et donc si vous êtes réceptif ou non au message. » Labo2025 — Après Shanghaï 2010 et Milan 2015, on peut parler de Dubaï 2020, qui à première vue serait très numérique, et donc la place du physique serait moins présente. Ce n’est pas du tout le même concept… JF — Il reste quand même la manière dont on met les choses en scène. Si l’on prend l’écran, et l’envahissement, pour des tas de raisons, de l’écran, il y a des pavillons qui le mettent en scène de façon banale. Et finalement on se dit « pourquoi je suis dans ce pavillon, autant regarder la télé chez moi. » Il y a des pavillons qui mettent l’écran en scène de manière tellement surchargée et envahissante ; là vous vous dites « ok il y a beaucoup plus d’écrans que chez moi » mais vous ne voyez rien non plus. Et puis il y a des pavillons où, et c’est là où le métier de designer, architecte, scénographe, tous les gens qui manipulent l’espace concret dans un lieu d’Exposition universelle, ce métier se justifie : avec le même support, l’écran –c’est un peu une tarte à la crème cette histoire d’écran– on le présente de telle façon, on l’accompagne de telle façon qu’il redevient une expérience nouvelle, où l’on a envie de s’arrêter, de regarder. Si vous prenez un livre, il sort des dizaines de livres d’images tous les jours, et il y a des livres d’images –il y en a peu– où vous êtes captés par le livre, la légende, vous avez envie d’aller plus loin. Et il y a des tas de livres d’images qui sont à peine achetés à peine à la poubelle. C’est de l’accumulation. Aujourd’hui c’est pareil : quel que soit le thème –à Dubaï si ça marche, s’il y a vraiment des pays présents– il va y avoir des scénographes, des architectes, Quelle est la façon la plus qui vont avec plus ou moins de bonheur se confronter à cela. C’est la question pertinente, la plus mémorable que l’on se pose avec le studio quand on fait des scénographies, parce qu’au de montrer un contenu sur un final on finit par jouer avec des écrans, quel que soit le contenu. Après, la écran ? question qui se pose aujourd’hui : Quelle est la façon la plus pertinente, la plus mémorable de montrer un contenu sur un écran ? » PM — Si le contenu c’est l’écran, alors la mise en abîme est compliquée… JF — Dubaï pose cette question que ce n’est pas une ville. Et d’autres questions plus générales. Dubaï est une Exposition universelle qui se tient dans un lieu très étrange sur la planète. Dubaï et Abu Dhabi sont des univers artificiels qui ne sont pas vraiment des villes, on ne sait pas trop ce que c’est. Ça a un peu le goût de la ville, ça a des populations, mais il n’y a pas de population autochtone. Les gens qui travaillent viennent d’ailleurs. Les gens qui séjournent viennent d’ailleurs. Enfin c’est très curieux. Donc une Exposition universelle dans une ville qui n’a pas de stabilité je trouve cela assez bizarre. 5 » PM — C’est peut-être l’avenir ? JF — Visiblement c’est comme la Coupe du Monde de foot : il y a des gens qui ont trouvé utile de l’organiser à Dubaï. PM — Cela se justifie plus selon moi pour une Exposition universelle que pour une Coupe du Monde de foot. Autant ils vont avoir chaud, mais au moins ils ne vont pas courir ! Mais c’est intéressant d’avoir une expo dans ce type de ville artificielle, qui sont comme des paradis artificiels mais qui existent et qui plaisent. Et donc pourquoi ne pas aller se poser des questions là-bas ? Après il est vrai que la ville plus le thème … j’attends de voir. Ça va être intéressant. C’est un vrai enjeu. Découvrir différemment la métropole parisienne JF — Il est vrai que si l’on reprend l’hypothèse, hors Dubaï, mais des autres grandes villes, quand vous êtes dans une grande métropole, avoir des prétextes festifs –je pense à Arles, les Rencontres de la Photo investissent 20 ou 25 lieux dans la ville-, ici une chapelle où vous n’iriez pas par ailleurs, là-bas des anciens ateliers SNCF où vous n’auriez aucune chance d’aller parce qu’en plus ils sont fermés dans l’année, ailleurs le musée du pain où vous pouvez aller mais qui là est dédié à la photo, ailleurs la cathédrale… Mais c’est intéressant d’avoir une ce que j’ai apprécié à Arles toutes les fois où j’y suis allé, c’est cette addition expo dans ce type de ville arautour d’un fil conducteur : dans chaque lieu on voit des photos ; ça vous tificielle, qui sont comme des donne un prétexte sinon vous n’iriez pas acheter un billet de train, et passer paradis artificiels mais qui une journée ou deux jours à Arles. Mais en même temps, de vous transporter, existent et qui plaisent. –c’est assez paresseux– vous avez votre petit guide et vous vous dites « ah mais il y a untel qui est exposé là-bas ça a l’air bien » ; hop vous traversez la ville et vous entrez dans la petite chapelle ». Et je pense que l’idée qu’ont eu les organisateurs de l’Exposition universelle de 2025 est très actuelle et très forte pour cela. C’est-à-dire que ça vous oblige à aller dans des lieux et à parcourir le territoire métropolitain. A la visite de l’exposition à Beaubourg du Prix Marcel Duchamp, Marcel Prévieux dit que quand vous habitez dans une grande ville, les études montrent que vous en fréquentez une infime partie. Dans une grande ville comme Paris, on fait toujours les mêmes points et on s’enferme dans ce schéma. Mais si on transpose cela à notre quotidien, à moins que vous ne soyez très curieux, ce sont très peu de lieux. Et si vous êtes touriste, c’est pareil : vous arrivez avec votre guide –et encore cela veut dire que vous êtes autonome sinon les gens arrivent en bus– et vous voyez les grands monuments. Donc que l’Exposition universelle de 2025 soit une opportunité de parcourir tout le territoire urbain, et c’est ce que nous avons imaginé comme porteur dans l’histoire du Grand Paris, du métro, Grand Paris Express … c’est à la fois une chance pour les gens de découvrir différemment la métropole parisienne, et pour les gens qui habitent Paris et la métropole, de se créer un univers mental et symbolique qui agrandit leur perception. » 6 » Labo2025 — Il y a une critique qui a été faîte à l’occasion des ateliers de rentrée d’EXPOFRANCE 2025 [Sorbonne, 8 septembre 2015, NDLR], qui est que le thème principal si c’en est un, est un peu flou mais surtout qu’il y avait beaucoup de pôles et de thématiques différentes et que l’on pouvait s’y perdre. Faut-il un fil directeur ou peut-on multiplier les thèmes dans autant de pôles, autant de territoires ? que l’exposition universelle de 2025 soit une opportunité de parcourir tout le territoire urbain, [...] c’est une chance PM — En ce qui concerne le titre –je n’arrive même pas à le redire– déjà il y a le problème de l’homme et de la femme mais cela a déjà été dit, et oui il est un petit peu flou. Ensuite, en ce qui concerne les thèmes, à partir du moment où vous partez du principe que vous faites une Exposition universelle, vous mettez en avant d’une manière ou d’une autre les technologies, les industries et les savoir-faire des pays. Si vous décidez, comme EXPOFRANCE 2025, de ne pas proposez cela par pays, mais par thème, vous brouillez au départ le discours. Ce n’est plus chaque pays qui va pouvoir montrer son savoir-faire, mais c’est le savoir-faire qui va être mis en avant et chaque pays va pouvoir y participer. Cela semble flou parce que par rapport à l’histoire des expos il y a beaucoup de choses qui sont remises en question. Je pense qu’EXPOFRANCE 2025 a conscience de toutes ces remises en question et est en train de les analyser, de les étudier et va encore les retravailler. Mais ce que je trouve intéressant c’est aussi que pour une fois on ne va pas avoir par exemple un laboratoire pharmaceutique français, suisse, allemand, dans exposition universelle anglais, … qui vont montrer chacun leur compétence sans regarder ce que se pose la question de l’unifait l’autre, et cette espèce de surenchère à l’aveugle, et qui n’est finalement versalité des connaissances, pas dans l’intérêt du visiteur et qui n’est pas dans l’intérêt universel mais des technologies, des producdu fabricant seul. Là, le fait d’être dans un même thème et dans un même tions ; c’est important aussi espace va les obliger à se poser des questions que peut-être ils ne se poseparce que c’est ce qui régit raient pas autrement. Donc dans Exposition universelle se pose la question notre monde. de l’universalité des connaissances, des technologies, des productions ; c’est important aussi parce que c’est ce qui régit notre monde. Mais à mon avis la critique est juste et il faudra encore préciser ce caractère universel. » » Labo2025 — Une autre problématique soulevée était celle d’une égale représentativité des pays, des participants. Peut-être ne pas répondre à tout, mais que chacun soit visible. PM — Au cours d’un atelier en est ressorti ce que l’on connait très bien dans le monde de l’architecture, puisqu’il s’agit de faire un cahier des charges assez précis qui limite de manière assez simple les velléités des très riches, et qui donne les moyens aux plus pauvres de pouvoir s’exprimer. Cela peut se faire de manière très intelligente si c’est pris en compte en amont. Et en plus cela pourrait peut-être permettre de donner des outils qui seraient les mêmes pour tous et de voir comment les uns et les autres réagissent en fonction de ces outils. Le village global est dans cette idée : le globe qui serait le lieu des rencontres tous pays confondus et tous territoires confondus –et c’est lié au numérique parce que s’il y a bien une chose que le numérique permet c’est d’être tous connectés. Et ensuite les mini-lieux qui seraient dévolus à chaque pays seraient très contrôlés. C’est en tout cas en cours de prise en compte. 7 » »