Le p`titi zinzin qui passe par ici, c`est bientôt fini ! Enfin ! L`an passé

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Le p`titi zinzin qui passe par ici, c`est bientôt fini ! Enfin ! L`an passé
Le p’titi zinzin qui passe par ici, c’est bientôt fini ! Enfin !
L’an passé, je m’étais positionné en faveur du diagnostic préimplantatoire (DPI).
J’estimais qu’il était juste que des couples porteurs de maladies graves puissent recourir
à ces techniques de sélection d’embryons, sans devoir faire du tourisme médical dans les
pays voisins à la législation plus libérale.
Le 5 juin prochain, je déposerai toutefois un NON dans les urnes. Entre le projet initial
très cadré du Conseil Fédéral et le projet de loi d’application adopté par les chambres
fédérales, un glissement important a eu lieu et légitime le référendum. Initialement, le
projet de l’exécutif était de limiter l’accès au DPI aux seuls couples susceptibles de
transmettre des maladies graves à leur descendant. Or le législateur a étendu cette
technique à tous les couples qui ont recours à la procréation médicalement assistée
(PMA), soit actuellement plus de 6'000 couples selon les statistiques de la
Confédération. Désormais tous les couples ayant recours à la PMA pourront avoir accès
à une détection à très large spectre des anomalies chromosomiques, dont le syndrome
de Down (trisomie21).
Un des effets pervers de cette extension du DPI, sera à mon sens d’introduire une
discrimination entre les méthodes de procréation. À l’avenir, l’enfant qui naîtra avec un
handicap, comme celui de la trisomie 21, sera identifié comme le fruit des amours
naturelles d’un couple. Or, comme l’un des désirs légitimes de tout couple est non
seulement d’avoir des enfants, mais également qu’ils naissent en bonne santé, pas
besoin d’être Jérémie pour deviner que « faire l’amour », sera rapidement considéré par
les couples comme une méthode procréative dépassée, parce que discriminante
(pourquoi n’aurai-je pas droit moi aussi au DPI pour avoir des enfants en bonne santé ?)
et exagérément imprudente. Quelle couple va encore oser courir le risque de faire
l’amour pour fonder une famille ?
Je souhaite évidemment que mon raisonnement apparaisse longtemps absurde, et que
faire des enfants naturellement restera un plaisir, mais je n’en suis pas sûr. Les
avantages en terme de santé, de sécurité seront tels que la PMA deviendra standard.
Déjà, Facebook et Google encouragent financièrement leurs employées à congeler leurs
ovules pour planifier leur maternité en recourant à la PMA. Nous avons mis le doigt dans
un engrenage. Pour nous rassurer, Alain Berset a cru bon de préciser : « la sélection
d’un embryon selon la couleur de ses yeux restera interdite 1 ». Le Conseil Fédéral admet
que cette perspective n’est donc pas pure fantaisie, mais jusqu’à quand ?
Sans compter que dans certains pays d’Asie (en Chine notamment) les recherches sont
bien plus libéralisées qu’en occident et portent déjà sur la modification du génome
humain. Arrivera un moment où les avantages concurrentiels de ces laboratoires en
termes économiques seront tels qu’on sera contraint de les généraliser et de rentabiliser
les sommes colossales investies en passant à leur application. Je crois (naïvement ?) que
le rôle de la politique est de discerner où et quand fixer des limites en envisageant les
conséquences d’une décision à long terme. Pour moi, elles sont atteintes.
Jean-François Ramelet, pasteur, responsable de « l’esprit-sainf - une oasis dans la ville »
à Lausanne
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Le Temps, 12 avril 2016