Paroles de cerveau

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Paroles de cerveau
AVANT-PROPOS
Dire que le cerveau de l’homme est équipé pour pouvoir, en
théorie, accueillir toutes les langues du monde, c’est une affirmation quelque peu provocante pour tous ceux dont les souvenirs
scolaires sont parfois douloureux et qui voient leurs enfants
souffrir les mêmes affres. Le fossé est immense, en effet, entre les
théories sur les capacités linguistiques de l’homme et les pratiques
d’apprentissage.
Pourtant l’homme est un « être parlant », équipé pour la parole,
équipé pour les paroles, et il est étrange que l’accès aux autres
langues (non-maternelles) soit considéré, au XXIe siècle, comme
une tâche quasi insurmontable. Cela ne peut être que parce que
l’homme ne sait pas utiliser les ressources universelles de son
cerveau unique.
Le Professeur Jean Cambier, membre de l’Académie nationale
de Médecine – auquel il sera souvent fait référence – condense en
quelques mots, de façon lumineuse, les capacités complémentaires
des hémisphères cérébraux humains :
« L’hémisphère gauche des sujets droitiers a la charge de gérer le
langage articulé. Privé d’accès à la parole, le droit ne s’exprime
qu’à travers l’autre hémisphère. De ce fait, il est libre de
privilégier la pensée non verbale, mettant à profit son mode de
fonctionnement connotatif et ses capacités d’imagerie visuospatiale, ce qui ne l’empêche pas de participer indirectement à la
matérialisation de la pensée et à la communication : comprenant
les mots, sinon les phrases, il est le témoin de ce qu’énonce l’autre
hémisphère dont il ne manque pas de tempérer les propos par des
pauses, des interjections, des adverbes modulateurs, voire par un
geste ou une expression mimique ; à la logique dénotative du
dictionnaire et de la grammaire propre à l’hémisphère gauche, il
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Parole(s) de cerveau
juxtapose une acception élargie et une classification analogique
du vocabulaire qui font le lit des métaphores et ouvrent la voie au
langage des poètes mais aussi aux innovations créatives ; il gère
enfin la dimension affective du message, qu’il s’agisse d’expression ou
de compréhension. »
Ce livre a pour but principal de rappeler aux hommes de toutes
langues, de toutes nationalités, qu’ils sont dépositaires de ressources inexploitées (ou pour le moins sous-exploitées) de leurs
cerveaux. Il propose, après un retour nécessaire sur des connaissances de base, de s’extraire des approches purement « corporelles » (organiques) de la perception-production pour aborder la
dimension cérébrale de la parole.
Cette approche, qui est celle d’un linguiste, n’a été possible que
grâce aux observations minutieuses des pathologies cérébrales
décrites par les neuropraticiens. Le collationnement de milliers
d’informations sur le comportement des lésés cérébraux de toutes
natures devrait permettre d’élaborer une théorie cérébrale du
langage et des langues qui débouche sur une meilleure connaissance du cerveau parlant et donne naissance à des stratégies
d’apprentissage efficaces.
Dans les pages qui suivent, nous proposons quelques résultats de
ce regard nouveau sur les paroles, des suggestions pour mieux
utiliser les compétences innées de chacun, et une technique de
réhabilitation des surdités aux langues non-maternelles.
Que tous les chercheurs linguistes, neurologues, praticiens de
l’Éducation nationale soient remerciés, tant pour les apports de
leurs recherches que pour leurs pratiques de terrain. Les
linguistes Petar Guberina, Paul Rivenc, Raymond Renard, Isabelle
Hesling, les neurologues Jean Cambier et Roger Gil, par leurs
enseignements directs ou indirects, ont été les inspirateurs principaux de Paroles de Cerveau.
JACQUES ALLIAUME
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