273 INTRODUCTION : L`INITIATIVE PPTE 4.2 Initiatives PPTE : ou

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273 INTRODUCTION : L`INITIATIVE PPTE 4.2 Initiatives PPTE : ou
4.2
Initiatives PPTE : ou en est on ?
Andréas ANTONIOU, Deputy Director, Division des Affaires économiques
(Commonwealth)
INTRODUCTION : L’INITIATIVE PPTE
Alors que les emprunts extérieurs constituent souvent une source «à bon marché » de financements pour des
investissements productifs, et donc contribuent à la croissance économique, l’endettement excessif peut devenir
un obstacle majeur aux perspectives de développement. C’est le cas lorsque la dette devient « non viable », et
qu’un pays n’est pas en mesure d’assurer le service de sa dette extérieure. Dans les cas extrêmes, c’est-à-dire
lorsque la dette s’accumule à un taux plus rapide que la capacité de l’emprunteur à en assurer le service, cette
situation peut conduire à une crise financière majeure dont les conséquences économiques, sociales et politiques
peuvent être considérables.
Delors, la capacité d’un pays à répondre aux exigences immédiates de ses créanciers étrangers, et donc la viabilité (à court terme) de sa dette extérieure, est fonction de trois facteurs macroéconomiques majeurs, à savoir,
• les taux d’intérêts ;
• les taux de change ;
• et, dans une moindre mesure, le taux de croissance du pays.
A leurs tours, ces variables économiques, et plus spécialement la dernière, dépendent d’un certain nombre
d’autres facteurs, tels que :
• L’accès des exportations aux marchés extérieurs, et en particulier, les volumes et prix des exportations ;
• Les flux des capitaux en vers et en provenance de l’étranger, et en particulier, la fuite des capitaux, l’aide
au développement, les flux d’investissements étrangers directs, et le niveau des emprunts auprès des créanciers
multilatéraux et bilatéraux- publiques et privés ;
• La capacité interne du pays á gérer sa dette, aussi bien domestique qu’extérieure ;
• Les taux d’investissement, et de la confiance des créanciers extérieurs á la capacité du gouvernement
á gérer son économie nationale d’une façon efficace, et en particulier de suivre de politiques économiques, dites,
« saines ».
Tous ces facteurs déterminent, ce qu’il est convenu d’appeler, la soutenabilité de la dette à long terme.
En 1996 la communauté financière internationale, et en particulier les membres du « Club de Paris » 87, a enfin
(diront certains), reconnu que la situation d’endettement extérieur d’un grand nombre de pays pauvres, la plupart
87. Qui « est un groupe informel de créanciers publics dont le rôle est de trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de
paiement de nations endettées », voir www.clubdeparis.org.
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situés en Afrique 88, était devenue extrêmement précaire. Cette prise de conscience a été déclanchée en grande
partie par la réalisation soudaine que beaucoup d’entre eux ne seront pas en mesure de servir leurs dettes vers
les institutions multilatérales (à savoir le Fond monétaire international et la Banque mondiale). En effet, il devenait
de plus en plus clair que l’utilisation totale des mécanismes traditionnels de rééchelonnement et d’annulation,
mêmes s’ils étaient accompagnés de l’apport de financement concessionnel et la poursuite de saines politiques
économiques, ne seraient pas suffisants pour atteindre un niveau de dette soutenable, en un délai raisonnable et
sans apport d’une nouvelle assistance.
C’est ainsi qu’en septembre 1996, le FMI et la Banque mondiale ont décidé d’agir d’une manière conjointe et
d’adopter un programme d’aide financière exceptionnelle pour répondre à cette situation, connue comme l’Initiative sur la dette des « Pays pauvres très endettés » (Initiative PPTE). Cette initiative vise « à fournir une assistance exceptionnelle aux pays admissibles mettant en oeuvre des politiques économiques saines pour les aider
à ramener la charge de leur dette extérieure à un niveau soutenable » 89. La soutenabilité est (sensée être) réalisée par le biais d’une réduction de la valeur actualisée nette (VAN) des créances sur le pays endetté à un niveau
considéré « tolérable ». De plus, l’Initiative PPTE requiert la participation de tous les créanciers multilatéraux, audelà des allègements de dette traditionnels octroyés par les créanciers publics bilatéraux et privés.
Notons à ce sujet que, en ce qui concerne la Banque mondiale et le FMI, la réduction de la dette n’est pas, en soi,
l’objective principale de l’Initiative. C’est seulement dans la mesure où les pays bénéficières prennent l’engagement formel et font la preuve d’être capable d’utiliser les ressources financières ainsi libérées pour améliorer le
sort des pauvres, notamment dans le cadre d’un programme de reforme économique et sociale mis en place
avec l’appui de ces deus organisations (connu comme Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté –
DSRP), qu’ils bénéficient de cette réduction.
Enfin, l’Initiative PPTE a été « améliorée » en septembre 1999, dans le but de permettre à un plus grand nombre
de pays très endettés de bénéficier, plus rapidement, d’un allégement plus important et d’une portée plus large,
tout en renforçant les liens étroits entre l’allégement de la dette d’une part, et la réduction de la pauvreté de l’autre.
L’Initiative PPTE : une mise à jour
À l’heure actuelle, 38 pays en développement sont classés comme pays pauvres très endettés 90. Parmi ceux-ci,
il y a seulement 27 qui participent, et donc bénéficient, d’une manière ou d’une autre de l’Initiative PPTE 91. En
particulier, le Tableau 1 montre que l’allégement du service de la dette octroyé dans le cadre de cette initiative
est de environ 41 milliards de dollars EU, en valeur nominale, soit l’équivalent à 25 milliards de dollars EU en VAN.
Malgré les avantages considérables de cette Initiative pour les pays bénéficiaires, un nombre de commentateurs
continuent à soulever des questions concernant la capacité de cette Initiative à répondre aux besoins de ces
pays.
88. A savoir, Angola, Bénin, Bolivie,Burkina Faso,Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo, Congo République démocratique, Côte
d’Ivoire, Ethiopie, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Guyana, Honduras, Kenya, Laos,Liberia, Madagascar, Malawi, Mali,
Mauritanie, Mozambique, Myanmar, Nicaragua, Niger, Ouganda, Rwanda, Sierra Leone, Sao Tomé et Principe, Sénégal, Somalie,
Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Vietnam, Yémen, Zambie.
89. Voir, www. imf.org.
90. Bénin, Bolivie, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau,
Guyana, Honduras, Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Myanmar, Nicaragua, Niger, Ouganda, République
Centrafricaine, République démocratique du Congo, RDP lao, Rwanda, São Tomé et Principe, Sénégal, Sierra Leone, Somalie,
Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, et Zambie. Quatre pays, à savoir Angola, Kenya, Vietnam et Yémen, quoi que PPTE ne sont pas
éligibles car leurs dettes sont considérés potentiellement soutenables.
91. A savoir, Bénin, Bolivie,Burkina Faso, Cameroun, République démocratique du Congo Ethiopie, Gambie, Ghana, Guinée, GuinéeBissau, Guyana, Honduras, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Nicaragua, Niger, Ouganda, Rwanda, Sierra Leone,
Sao Tomé et Principe, Sénégal, Tanzanie, Tchad, Zambie
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En effet, nonobstant les efforts considérables entrepris par la communauté financière internationale dans ce sens
durant les dernières années, l’objectif immédiat, à savoir l’allégement de la dette extérieur des PPTE à des nivaux
soutenable, ainsi que l’objectif à long terme, c’est-à-dire la lutte contre la pauvreté, demeurent inaccessibles
pour la majorité des PPTE.
Tableau 1. Service de la dette et dépenses sociales pour 26 PPTE ayant atteint leur point de décision
(Millions de dollars EU, sauf indication contraire)
Service de la dette réglé 1
1999
2000
2001
2002pre
3.118
3.009
2.225
2.251
Service de la dette exigible après allégement PPTE
2003pro
2.297
Dépenses sociales
5.825
5.777
6.970
8.437
9.317
Ratio service de la dette/exportations (%)
15
14
10
10
9
Ratio service de la dette/recettes publiques (%)
21
21
15
15
13
Ratio dépenses sociales/service de la dette (%)
187
192
313
374
406
Source: «Heavily Indebted Poor Countries (HIPC) Initiative-Status of Implementation», mars 2003, et «Heavily Indebted Poor
Countries (HIPC) Initiative-Statistical Update».
1
Pour 2000, les chiffres retracent essentiellement le service de la dette des pays qui n’avaient pas atteint leur point de
décision à la fin de 2000 ou après. L’impact de l’allégement ne se fait donc pleinement sentir qu’à partir de 2001 et par la
suite.
Plus particulièrement, parmi les 27 de ces pays qui sont parvenus à franchir la première étape du processus de
participation, connu comme « point de décision »92, il y a seulement huit 93 qui on pu atteindre l’étape décisive, à
savoir « le point d’achèvement » et donc de bénéficier d’une réduction significative de sa dette. A noter que l’aide
fournie à ce stade peut prendre différentes formes, y compris, la réduction de la dette vers les créanciers multilatéraux, bilatéraux et bancaires.
Le petit nombre de pays qui, à présent, bénéficient pleinement de l’Initiative PPTE, témoigne des difficultés que
ces derniers éprouvent dans le cadre de ce processus. En particulier, beaucoup d’entre eux ont d’énormes
problèmes à parvenir à un consensus national sur le DSPR qui soit acceptable aux deux institutions financières
internationales et aux bailleurs de fonds bilatéraux. En effet, le DSPR doit être le résultat d’un processus de
consultation dans lequel sont impliqués à la fois toutes les parties prenantes au niveau national (y compris les
organismes non gouvernementaux), ainsi que les partenaires extérieurs du développement, y compris la Banque
mondiale et le Fonds monétaire international.
De surcroît, certain d’entre eux sont ravagés par la guerre où viennent à peine de sortir d’une situation de conflit,
et ont donc des besoins pressants de reconstruction et de réhabilitation qui non seulement alourdissent le poids,
déjà excessif, de leurs dette mais les empêchent à participer à cette Initiative, puisque ils sont pas en mesure
d’entamer le processus.
Un autre aspect de l’Initiative, telle qu’elle est présentement appliquée, a trait au processus de qualification. En
fait, beaucoup de pays et commentateurs trouvent que celui-ci est très long, copieux, qui engendre des impondérables que sont souvent en dehors du contrôle des pays, et qui, en tout cas, est basé sur des hypothèses qui,
souvent, surestiment la capacité de ces pays à répondre à leurs échéances immédiates.
92. Un pays est jugé avoir atteint ce point lorsque, après avoir préparé un DSRP (en étroite collaboration avec la Banque mondiale et le
FMI), et, suite à une analyse de la viabilité de sa dette en tenant compte de mécanismes classiques d’allégement de la dette, celle-ci
est jugée non soutenable selon une formule basée sur le ratio VAN/exportation.
93. A savoir, Bénin, Bolivie, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Mozambique, Ouganda, et Tanzanie.
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Le défi de la soutenabilité de la dette
Outre les difficultés signalées ci-dessus concernant l’application de l’Initiative PPTE, il devient maintenant de
plus en plus évident que même les pays qui ont déjà atteint, tant bien que mal, « le point achèvement », et donc
bénéficient pleinement de l’allégement de dette, éprouvent des difficultés énormes à ramener leurs dettes à des
niveaux soutenables. Ceci est le résultat cumulé de plusieurs facteurs qui viennent miner les efforts énormes des
PPTE qui, souvent suite à des sacrifices considérables, n’arrivent pas à sortir du cercle vicieux de la pauvreté et
de l’endettement.
Plus particulièrement, alors que la soutenabilité (à long terme) de la dette dans le contexte de l’Initiative PPTE,
dépend de plusieurs facteurs, un certain nombre d’entre eux a retenu l’attention des chercheurs :
• Etant donné que l’Initiative PPTE demeure une action essentiellement volontaire de la part seulement
d’un certain nombre de créanciers (à savoir les membres du Club de Paris, les principaux organismes financiers
internationaux, c’est-à-dire la Banque mondiale et le FMI, et des grands bailleurs de fond), un nombre non
négligeable de créanciers refuse d’y souscrire. En effet, il y a présentement, 49 créanciers bilatéraux (qui
n’appartiennent au Club de Paris) qui, pour des raisons variées, ne participent pas pleinement à cette Initiative
(tels que la Chine, Irak, le Taiwan, la RDP Corée, Cuba, Iran, l’Afrique du Sud, l’Inde, le Pakistan) 94. De plus, des
institutions multilatérales régionales, certes petites, appartenants à des pays Africains eux mêmes pauvres,
comme la PTA Bank (l’arme financière du Marché commun de l’Afrique orientale et australe -COMESA) et la East
African Development Bank, ne sont pas en mesure d’être aussi généreuses avec leurs membres débiteurs. En
outre, plusieurs créanciers privés, dit «commerciaux », refusent d’amblée et obstinément d’abandonner leurs
droits au remboursement, selon les termes du contrat initial et entament des procédures légales coûteuses
contre leurs débiteurs délinquants ;
• Plusieurs PPTE, de par la taille et structure de leurs économies, sont à la merci des chocs externes,
causée notamment par la volatilité des prix mondiaux de leurs exportations, qui viennent ainsi perturber les flux
financiers entrants. En l’occurrence, la chute continue (à long terme) bien documenté des prix des produits agricoles constitue, en effet, un des principaux obstacles à la viabilité de la dette extérieure.
• Liée à cette vulnérabilité, est la question de la croissance (à long terme) des exportations des pays PPTE,
elle-même liée à la diversification de leurs économie, aux conditions d’accès aux marchés des pays industrialisés,
aux taux d’investissement privé directs et, à la qualité et niveau de développement de l’infrastructure des
PPTE 95.
• Enfin, malgré les efforts dans ce sens de la part des plusieurs bailleurs de fond et des agences de
coopérations, beaucoup des PPTE éprouvent encore des difficultés énormes à développer la capacité technique
de gérer leurs dettes, aussi bien interne qu’externe, d’une façon efficace et continuent à avoir des besoins très
pressants dans ce domaine.
CONCLUSIONS
L’endettement extérieur est d’une source de financement qui peut avoir des effets très positifs sur la croissance
et le développement d’un pays. Mais, lorsque elle devient insoutenable, le pays cours le danger d’entrer dans un
94. Ceux-ci représentent environ 20% du coût total de l’allégement de la dette des PPTE.
95. Voir nottament une étude récente du Secretariat du Commonwealth, en collaboration avec la CNUCED, par Razzaque M.A. et al.,
intitulée Commodity Prices, Aid and Debt: Implications for LDCs, Small Vulnerables States and HIPCs. London: Commonwealth
Secretariat, 2003, dans laquelle on propose la création d’ un Fond de Diversification financé par l’Aide Publique au Développement
qui compensera les PPTE pour cette baisse et permetra aux PME de ces dérniers à diversifier leurs activités et leurs éxportations.
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cercle vicieux qui veut que l’obligation de servir la dette vient aggraver le sort des pays pauvres et devient un obstacle majeur à la croissance, ainsi faisant la dette encore moins soutenable.
La communauté internationale a reconnu l’étendue et gravité de ce problème et a commencé à l’adresser d’une
manière concertée et systématique par le biais de l’Initiative PPTE. Néanmoins, plusieurs problèmes sérieux
persistent avant que des progrès remarquables dans la gestion de la dette des pays PPTE puisent être apportés.
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