BROOKLYN VILLAGE de Ira Sachs

Transcription

BROOKLYN VILLAGE de Ira Sachs
BROOKLYN VILLAGE de Ira Sachs
La cohabitation idyllique entre les héritiers d’un appartement et la locataire du dessous vire à la cruauté.
Un regard Tchékhovien, tout en suggestion.
Il est triste, bien sûr, mais ne le montre pas. C'est en descendant les
scène chuchotée, mais implacable, Leonor fait mesurer à Brian la distance qui
poubelles, lorsqu'on ne Ie voit pas, que Brian (Greg Kinnear) pleure. Son
toujours séparé de son père... Ira Sachs est un cinéaste ambitieux, indépendant, d
père, il l'aimait, mais de loin, et sa mort l'arrange, en fait. Comme acteur, il
les drames passionnels (Keep the lights on) et les comédies douces-amères (Love
gagne à peine sa vie. C'est sa femme, Cathy (Jennifer Ehle), psy, qui assure le train de
strange) peignent des êtres dénués de méchanceté, que le quotidien rend cruels, à le
vie de la famille. Cet appartement de Brooklyn dont il hérite est une bénédiction ... Tout
corps défendant. Ses mises en scène reposent sur des détails: silences ébauchés
irait pour le mieux si le vieil homme n'avait loué, à un prix dérisoire, l'espace au-dessous
regards défaits. On sent chez lui un goût, touchant dans sa désuétude, pour un mon
de son appartement à une amie mexicaine, Leonor (Pauline Garcia), que celle-ci a
où l'autre compterait autant que soi. Où le souhait tacite d'un vieil homme serait au
transformé en modeste boutique. La cohabitation est d'abord idyllique. D'autant plus
sacré qu'un contrat signé. Mais aujourd'hui, les perdants disparaissent comme s
que Tony, le gamin extraverti de Leonor, et Jake, le fils solitaire de Brian et Cathy,
n'avaient jamais existé. Et les vainqueurs, pas vraiment fiers, survivent tant bien q
éprouvent l'un pour l'autre une de ces amitiés soudaines, incompréhensibles,
mal. Et tant pis si, dans cette lutte feutrée, les vrais perdants sont les ados du ti
qu'épanouit l'adolescence. L'un songe à devenir comédien. L'autre dessine et peint, sur
original – Little Men - qu'on savait proches, complices à jamais. Ils sont séparés
son cahier, d'étranges ciels verts et dorés. Lui aussi se rêve artiste... Presque rien n'est
alors? Il n'y a pas mort d'homme. Pourquoi pleurer pour si peu ?
dit. La suggestion règne. On dirait une de ces nouvelles sensibles et féroces qu'écrivait
Pierre Murât
Tchékhov : ce n'est évidemment pas un hasard si, sur une petite scène off Broadway,
Brian joue La Mouette. Comme chez le médecin psychologue russe, une situation très
simple – une intruse à éloigner - évolue, se tend, se raidit jusqu'à se rompre : lors d'une