Produire en Chine, mode d`emploi
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Produire en Chine, mode d`emploi
Enjeux Scop Produire en Chine, mode d’emploi Lors d’une rencontre organisée par la CG Scop, AEML et Acome ont raconté leur expérience sur le marché chinois. Un pays que les Scop ne peuvent plus ignorer. AEML. Jusqu’en 1994, AEML assure l’essentiel de son activité et de sa marge bénéficiaire grâce aux fixations. A partir de 1994, le chiffre d’affaires de ce marché commence à décliner. En réaction, l’entreprise décroche un contrat de sous-traitance avec les ascenseurs Otis, qui représente aujourd’hui 40 % de son chiffre d’affaires. Fortement marquée par une culture syndicale, la coopérative est confrontée dans les années 90 à de nombreuses grèves et, selon son PDG, Gérard Cassisi : « La Scop n’a pas vu le monde qui bougeait. » Jusqu’au jour où l’un des concurrents décide de faire fabriquer ses colliers en Chine pour réduire ses prix de vente de 40 %. Dans les sept années qui suivent, cinq fabricants français déposent le bilan. AEML réussit pour sa part à anticiper la baisse du marché. La société transfère les postes de travail vers d’autres activités. Elle organise plusieurs départs, dont seulement deux licenciements secs. Et comme son concurrent, elle comprend qu’elle n’a d’autre choix que de se tourner vers la Chine. Acome. Acome produit des fils, des tubes et des système de chauffage et de rafraîchissement pour les télécoms, le bâtiment, et l’équipement électrique (essentiellement automobile). La coopérative crée Iracome, sa première filiale industrielle, en 1998 au Brésil pour suivre Renault dans l’implantation d’une usine destinée à la production des Mégane. En 1999, Acome crée une filiale commerciale en Allemagne afin d’élargir sa présence européenne. L’entreprise dispose d’ailleurs de bureaux commerciaux dans le monde entier. En 2000, nouvelle implantation d’usine : la première en Chine, à Xintaï, dans la province du Shandong. 20 • mai / juin 2006 Participer 617 DR Pourquoi produire en Chine ? Shanghai. Les loyers y sont presque aussi élevés qu’à Londres et, contrairement aux idées reçues, un salarié qualifié y coûte cher. Comment s’y prend-on ? AEML. « Les premiers contacts en Chine datent de 1994, quand le chiffre d’affaires des fixations a commencé à flancher, raconte Gérard Cassisi. Au départ, on était les seuls dans les salons professionnels à Shanghai. » Après quelques contacts avec la chambre de commerce de Shanghai, AEML a amorcé une soustraitance de sa production en Chine, lui permettant de fournir de plus gros volumes à moindre prix. C’est seulement en 2001 qu’AEML monte sa première joint-venture, c’est-à-dire une société créée avec un partenaire chinois. Bien qu’AEML fût majoritaire, l’expérience tourne court, le partenaire local se révélant peu fiable. Pendant les premières années, AEML a fait les frais du peu de scrupules des sociétés de négoce chinoises et des fournisseurs qu’elles lui présentaient. L’entreprise relance le processus à partir de 2002, lui permettant de créer en 2004 une autre joint-venture, dont elle est propriétaire majoritaire via sa filiale de commercialisation. Acome. Pour son unité de câbles destinés à la téléphonie mobile, Acome choisit de créer une joint-venture – exonérée d’impôts sur les bénéfices pendant plusieurs années – avec un partenaire chinois qui fabriquait déjà du câble. La Scop détient les deux tiers des parts. Trois ans plus tard, en 2003, la deuxième filiale chinoise est créée à Wuhan, pour le marché asiatique du fil automobile. Comme au Brésil, l’objectif est de s’adapter aux implantations des constructeurs, en l’occurrence PSA. Comme à Xintaï, Acome détient deux tiers du capital et son partenaire, également propriétaire du bâtiment, l’autre tiers. Travailler avec la Chine nécessite « jusqu’à dix-huit mois pour percer, car il y a beaucoup d’interlocuteurs et de barrières à franchir après avoir conclu le partenariat. Tous les projets passent nécessairement par les représentants Enjeux Scop des villes et du Parti communiste local », relate Jean-Marc Busnel, directeur opérationnel des filiales françaises et internationales de la Scop. En outre, les entreprises chinoises ont des délais de paiement très longs : « Alors qu’Acome paie comptant sa principale matière première, le cuivre, nos clients chinois paient quelquefois avec un décalage de six mois ». A la faveur du développement rapide de la Chine, un poste permanent y est devenu très coûteux. « Les loyers à Pékin et Shanghai sont presque aussi élevés qu’à Londres », complète-t-il. Et contrairement aux idées reçues, les salaires y sont élevés pour les postes qualifiés. En outre, il est impératif de ne pas se tromper dans le choix de son site, les changements étant au moins aussi ardus qu’en France. Autre difficulté, la langue et la culture. Pour Jean-Marc Busnel, « les Chinois préfèrent travailler avec les Chinois. Mieux vaut donc un Chinois qui parle français qu’un Français qui parle chinois. Au Brésil, c’est différent. » Quel bilan en tirer ? AEML. Après deux ans d’exercice, la filiale chinoise compte 30 employés, réalise pour 2 millions d’€ de production qui alimente le marché international et a été bénéficiaire dès son premier exercice comptable. « La Chine aujourd’hui augmente notre marge d’exploitation, explique Gérard Cassisi. Les délocalisations ont sauvé notre Scop. Nous n’aurions pas pu lutter. Tous les opérateurs fabriquent maintenant en Chine. » Acome. Aujourd’hui, Acome compte 1 060 salariés en France et 170 dans les filiales. En revanche, la France ne constitue plus que 50 % de son chiffre d’affaires. A Xintaï, l’usine réalise la moitié de ses ventes pour le marché chinois, et l’autre moitié pour le reste de l’Asie et même l’Afrique. Les productions en Chine et au Brésil sont destinées à leurs continents respectifs. Le développement d’Acome à l’étranger ces dernières années correspond donc moins à une délocalisation qu’à une volonté d’investir pour développer de nouveaux marchés à l’étranger, et ainsi pérenniser Les conseils pour réussir en Chine AEML • Savoir si le paiement sera en dollars ou en euros. • S’assurer du risque de variation de coût du transport, payé en dollars. • Savoir si le prix proposé inclut le transport ou non. • Savoir être patient. • Aller souvent en Chine. • Ne pas expliquer la fi nalité du produit au risque d’être inévitablement copié. • Verrouiller sa production stratégique avec des brevets en Chine. • Diversifier ses fournisseurs, mais représenter une part importante de leur activité. les emplois en France en répondant aux attentes de ses clients mondialisés. « La Chine est d’abord une alternative pour faire baisser les prix et faire du volume, mais elle peut aussi permettre de fidéliser un marché », explique Jean-Marc Busnel. Il faut aussi savoir que « les Chinois travaillent sept jours sur sept. Ils s’engagent sur des délais courts qu’ils tiennent. » Qu’en pensent les coopérateurs ? AEML. Au début, les questions sont nombreuses : Pourquoi investir en Chine ? Les investissements ne sont-ils pas hasardeux ? Les emplois en France sont-ils menacés ? Les projets sont présentés Acome • Avoir recours à un fiscaliste international. • Avoir un relais pour la compréhension de la culture et l’interprétation. • Utiliser UBI France (www.ubifrance.fr) pour les études, les conseils économiques, ainsi que les missions économiques locales, les organismes du commerce extérieur, les chambres de commerce. • Avoir bien analysé le choix de son lieu d’implantation. • Penser à utiliser les volontaires internationaux (VIE) fi nancés pendant deux ans par l’Etat. dans les différentes instances pour faire partager le projet : conseil d’administration, assemblée générale, réunions de management. Informés tôt et en amont du projet, coopératrices et coopérateurs souhaitent légitimement comprendre les raisons profondes de la volonté d’implantation en Chine. Ils souhaitent aussi avoir une visibilité sur le potentiel de contribution de la nouvelle filiale aux résultats de l’entreprise. Aujourd’hui, « les coopérateurs, autrefois réticents, sinon hostiles, veulent accélérer le transfert de fabrication vers la Chine, raconte Gérard Cassisi. Ils deviennent parfois plus capitalistes que les Chinois. » PIERRE LIRET Acome et ses filiales AEML et ses filiales 1932 1935 Conception, fabrication, commercialisation de câbles, tubes et composants linéaires passifs Tôlerie industrielle de précision Lieu du siège Mortain (Manche) Meung-sur-Loire (Loiret) Chiffre d’affaires 236 millions d’€, dont 224 produits en France 30 millions d’€, dont 24 sur la France Effectifs totaux 1 240 230 135 30 dans une usine 100 % 80 % Création de la Scop Métier Dont Chine Taux de sociétariat Participer 617 mai / juin 2006 • 21