Vers une définition de l`Utopie Texte 1 : Hésiode Les Travaux et les

Transcription

Vers une définition de l`Utopie Texte 1 : Hésiode Les Travaux et les
Vers une définition de l'Utopie
Texte 1 : Hésiode Les Travaux et les Jours, VIIIe s. av. J.-C.
D’or fut la première race d’hommes périssables que créèrent les
Immortels, habitants de l’Olympe. C’était aux temps de Cronos, quand il
régnait encore au ciel. Ils vivaient comme des dieux, le cœur libre de soucis, à
l’écart et à l’abri des peines et des misères : la vieillesse misérable sur eux ne
pesait pas ; mais, bras et jarrets toujours jeunes, ils s’égayaient dans les
festins, loin de tous les maux. Ils mouraient comme en s’abandonnant au
sommeil. Tous les biens étaient à eux : le sol fécond produisait de lui-même
une abondante et généreuse récolte, et eux, dans la joie et la paix, vivaient de
leurs champs, au milieu de biens sans nombre. Depuis que le sol a recouvert
ceux de cette race, ils sont, par le vouloir de Zeus tout-puissant, les bons
génies de la terre, gardiens des mortels, dispensateurs de la richesse.
Texte 2 : La Bible, extrait de La Genèse (II, 8-10)
Yahvé Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et il y mit l’homme qu’il
avait modelé. Yahvé Dieu fit pousser du sol toute espèce d’arbres séduisants à
voir et bons à manger, et l’arbre de Vie au milieu du jardin, et l’arbre de la
connaissance du Bien et du Mal. Un fleuve sortait d’Éden pour arroser le jardin
et de là il se divisait pour former quatre bras.
Texte 3 : Extrait de Thomas More, Utopie, 1516, Livre second
L’île d’Utopie, en sa partie moyenne, et c’est là qu’elle est la plus large,
s’étend sur deux cents milles, puis se rétrécit progressivement et
symétriquement pour finir en pointe aux deux bouts. Ceux-ci, qui ont l’air
tracés au compas sur une longueur de cinq cents milles, donnent à toute l’île
l’aspect d’un croissant de lune. Un bras de mer d’onze milles environ sépare les
deux cornes. Bien qu’il communique avec le large, comme deux promontoires
le protègent des vents, le golfe ressemble plutôt à un grand lac aux eaux
calmes qu’à une mer agitée. Il constitue un bassin où, pour le plus grand
avantage des habitants, les navires peuvent largement circuler. Mais l’entrée
du port est périlleuse, à cause des bancs de sable d’un côté et des écueils de
l’autre. À mi-distance environ, se dresse un rocher, trop visible pour être
dangereux, sur lequel on a élevé une tour de garde. D’autres se cachent
insidieusement sous l’eau. Les gens du pays sont seuls à connaître les passes,
si bien qu’un étranger pourrait difficilement pénétrer dans le port à moins
qu’un homme du pays ne lui serve de pilote. Eux-mêmes ne s’y risquent guère,
sinon à l'aide de signaux qui, de la côte, leur indiquent le bon chemin. Il
suffirait de brouiller ces signaux pour conduire à sa perdition une flotte
ennemie, si importante fût-elle. Sur le rivage opposé, se trouvent des criques
assez fréquentées. Mais partout un débarquement a été rendu si difficile, soit
par la nature, soit par l’art, qu’une poignée de défenseurs suffirait à tenir en
respect des envahisseurs très nombreux.[...]
L'île a cinquante-quatre villes grandes et belles, identiques par la
langue, les mœurs, les institutions et les lois. Elles sont toutes bâties sur le
même plan et ont le même aspect, dans la mesure où le site le permet. La
distance de l'une à l'autre est au minimum de vingt-quatre milles; elle n'est
jamais si grande qu'elle ne puisse être franchie en une journée de marche.
Chaque ville envoie chaque année en Amaurote trois vieillards ayant
l'expérience des affaires, afin de mettre les intérêts de l'île en délibération.
Située comme à l'ombilic de l'île, d'un accès facile pour tous les délégués, cette
ville est considérée comme une capitale.
Les champs sont si bien répartis entre les cités que chacune a au moins
douze milles de terrain à cultiver tout autour d'elle et parfois davantage, si la
distance est plus grande entre elle et la voisine. Aucune ne cherche à étendre
son territoire, car les habitants s'en considèrent comme les fermiers plutôt que
comme les propriétaires.
Ils ont à la campagne, au milieu des champs, des demeures bien
situées en des lieux choisis, équipées de tous les instruments aratoires. Les
citadins y viennent habiter à tour de rôle. Un ménage agricole se compose d'au
moins quarante personnes, hommes et femmes, sans compter deux serfs
attachés à la glèbe. Un homme et une femme, gens sérieux et expérimentés,
servent de père ou de mère à tout ce monde. Trente ménages élisent un
phylarque. Dans chaque ménage, vingt personnes chaque année retournent en
ville après avoir passé deux ans à la campagne. Elles sont remplacées par
autant de citadins. Ceux-ci sont instruits par les colons installés depuis un an
et déjà au courant des choses de la terre. Ils serviront à leur tour
d'instructeurs l'année suivante, car le ravitaillement ne doit pas souffrir de
l'inexpérience des nouveaux venus. Ce roulement a été érigé en règle pour
n'obliger personne à mener trop longtemps, contre son gré, une existence trop
dure. Beaucoup cependant demandent à rester davantage parce qu'ils aiment
la vie des champs.

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