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Le recours à la photogrammétrie et à la programmation 3D à des fins de valorisation du patrimoine architectural : le cas des ouvertures dans les bâtiments résidentiels montréalais Nathalie Charbonneau UMR MAP 694, Equipe PAGE, INSA de Strasbourg [email protected] Pierre Grussenmeyer UMR MAP 694, Equipe PAGE, INSA de Strasbourg [email protected] Curriculum Vitae : Suite à une formation en architecture et en urbanisme, Nathalie Charbonneau a entrepris des études de deuxième et de troisième cycles en conception assistée par ordinateur. Elle a développé une expertise en programmation 3D appliquée au domaine de la diffusion du patrimoine architectural. Elle fait maintenant partie du groupe MapPage de l’Institut National des Sciences Appliquées de Strasbourg à titre de postdoctorante. Résumé : Cet article expose les objectifs et retrace les étapes d’un projet de recherche actuellement en cours de développement. Il s’agit d’une étude portant sur l'évolution des ouvertures (portes, fenêtres, oriels, lucarnes, etc.) dans les bâtiments résidentiels montréalais, et sur les moyens informatiques à mettre en œuvre pour documenter et valoriser ce patrimoine. Dans le cadre de ce projet, nous proposons d'une part le recours à des techniques de photogrammétrie pour l’acquisition de données 3D servant à l’élaboration de maquettes numériques. Celles-ci seront par la suite organisées sous forme de typologie et diffusées afin de favoriser une meilleure prise de conscience de la variété et de la richesse du vocabulaire architectural montréalais. D'autre part, nous proposons le recours à la programmation 3D pour décrire la logique de composition des différentes familles d’artéfacts. Il s’agit en quelque sorte de déconstruire la forme et d’en identifier les paramètres afin de systématiser les relations existant entre ceux-ci (présence ou absence de différentes composantes de l’artéfact, configuration, proportions, etc.). Le but de cette démarche est de permettre l’introduction de variantes dans ces principes de composition, de façon à générer des ensembles de configurations inédites. La valorisation du patrimoine passe ici par l’établissement d’un pont entre passé et présent puisqu’il y aura génération d’entités virtuelles dérivées des artéfacts existants. Mots-clés : patrimoine bâti, ouvertures, typologies architecturales, photogrammétrie, programmation 3D. 1. Le contexte de l’étude Ce projet de recherche porte sur le patrimoine architectural de la ville de Montréal (Canada). Dans le cadre du développement de cette agglomération urbaine, qui s’est déroulé sur quatre siècles d’histoire, de multiples influences architecturales (française, anglaise, nord-américaine, etc.) se sont amalgamées. La conjoncture propre au milieu à l’étude en a fait un terrain propice à l’élaboration d’un langage architectural riche, d’où la transmission d’un héritage remarquablement diversifié, notamment au niveau des types d’habitat. Dans le cadre de notre étude, le terme ‘patrimoine’ englobe l’ensemble du legs architectural qui a été transmis par les générations antérieures et ne renvoie pas exclusivement aux monuments historiques. Vus sous cette optique, développée par Poulot (1998), les bâtiments et artéfacts qui nous sont parvenus constituent tous, à divers degrés, des repères dans l’histoire du développement d’un cadre urbain. Ainsi, nous nous intéressons d’une part aux éléments d’une architecture domestique dite ‘vernaculaire’, qui ne sont pas nécessairement prestigieux et que nous pourrions à la limite qualifier de prosaïques. D’autre part, nous prenons en considération les demeures bourgeoises qui bénéficient de la reconnaissance publique et sont classées bâtiments patrimoniaux. Il s’agit pour nous de documenter et de mettre en valeur une facette spécifique du patrimoine domestique montréalais. Notre intérêt porte sur une famille d’éléments architecturaux, soit les artéfacts définissant la configuration des ouvertures dans le bâtiment résidentiel (portes, fenêtres, oriels, lucarnes, etc.). Les ouvertures constituent des composantes importantes du bâtiment; outre leurs fonctions utilitaires (éclairage, ventilation, etc.), elles contribuent fortement à l’identité visuelle de l’habitat local. Nous nous intéressons à l’évolution des configurations de ces divers artéfacts et, par extension, à la diversité et à la richesse du vocabulaire architectural des concepteurs ayant contribué, au cours des siècles, au développement du cadre bâti montréalais. Figure 1. Exemples d’ouvertures. On peut considérer que, jusqu’au XIXème siècle, l’art de bâtir est fondé sur la tradition. L’évolution des formes d’ouvertures se fait graduellement; les nouvelles configurations sont basées sur les précédentes et modifiées dans le but de les adapter à divers contextes. Ce type d’évolution constitue ce que Caniggia et Maffei (2000) appellent un processus typologique; les modifications progressives des formes de l’architecture vernaculaire entrainent l’émergence de nouvelles configurations, constituant divers filons, pouvant être organisés sous forme d’une structure arborescente. À partir du XIXème siècle, les ramifications de cette structure arborescente se développent dans des directions inédites, notamment dans le cas des ouvertures des maisons bourgeoises du Mile Carré Doré. Les sources d’inspiration sont alors étrangères au contexte et appartiennent à un passé lointain (période gothique, Renaissance, classicisme, etc.). Bien que cet éclectisme architectural ne fasse pas l’unanimité, force est d’admettre que cette augmentation de la diversité des filons typologiques fait maintenant partie intégrante du paysage urbain montréalais, contribuant ainsi à la qualité du cadre bâti. À partir du milieu du XXème siècle, il y a rupture du processus typologique qui caractérisait, depuis toujours, la production du bâti, notamment en raison de l’industrialisation croissante de la fabrication des composantes du bâtiment. Dans le domaine de l’habitation, le modernisme entraine alors une standardisation des configurations des portes et fenêtres qui tend à gommer le caractère particulier de l’architecture vernaculaire. De cette rupture découle un appauvrissement notable du vocabulaire architectural relatif aux ouvertures. 2. L’objectif du projet Il nous apparaît qu’il est essentiel non seulement de conserver une trace physique des éléments qui ont jalonné le processus d’évolution des formes, mais également de tirer profit de la richesse qui transparaît au sein de cette diversité. Il semblerait souhaitable d’une part de rendre compte du processus évolutif dont il a été question ci-dessus afin de mieux connaître et diffuser ce patrimoine. D’autre part, il s’agit de démontrer que, bien que le processus typologique ait été interrompu, les filons typologiques développés au cours des siècles ne sont pas nécessairement taris. Pour peu que l’on entreprenne d’explorer l’espace de solutions défini par ce vocabulaire architectural, des configurations entièrement nouvelles peuvent émerger, nous semble-t-il, à partir de ces collections de formes appartenant au passé. Ce projet de recherche, en cours de développement, s’inscrit dans une perspective de renouvellement du type de mise à contribution des technologies numériques à des fins de valorisation du patrimoine architectural. Alors que le recours à l’informatique pour documenter les biens patrimoniaux est chose courante depuis déjà plusieurs années (images de synthèse, promenades virtuelles, panographies, etc.), nous proposons le recours à des technologies numériques non seulement dans l’optique de consigner et diffuser l’information, mais également afin d’en permettre l’exploitation. Ainsi, notre objectif est-il double. Il s’agit d’une part de mettre en valeur le caractère particulier du cadre bâti existant, d’une façon qui amène l’individu à établir des connexions signifiantes entre les biens patrimoniaux à l’étude. Choay (1992) déplore les effets pervers d’un phénomène qu’elle appelle ‘l’industrialisation du patrimoine’. En effet, des efforts sont parfois consentis dans le but de conserver des bâtiments et artéfacts sans qu’on se soucie, semble-t-il, du fait que l’observateur n’ait pas nécessairement accès aux valeurs intellectuelles véhiculées par ce patrimoine. Pour que l’individu arrive à interpréter le patrimoine, il est essentiel que les éléments préservés soient replacés dans leur contexte historique et présentés en tant que jalons d’un processus évolutif de la forme architecturale. Il s’agira donc pour nous d’élaborer un environnement numérique dans lequel les différents types d’artéfacts à l’étude seront organisés et présentés sous forme d’une structure arborescente qui s’est progressivement ramifiée au fil des époques. Dépendamment du rôle que l’observateur joue au sein de la société à laquelle il appartient, l’accès aux valeurs intellectuelles portées par le patrimoine peut avoir une incidence directe sur le développement d’habiletés cognitives devant être mobilisées dans le cadre de l’exercice de sa profession. Par exemple, dans le cas où l’individu agit à titre de concepteur architectural dans son milieu culturel, il pourra éventuellement tirer un enseignement du cadre bâti produit par les générations antérieures. Dans la mesure où il est apte à saisir les significations du bâti ancien, cette compréhension lui permettra non seulement d’étoffer sa base de connaissances mais éventuellement d’enrichir la production architecturale contemporaine. En effet, comme le constate Mayor (1994), c’est dans la prise en compte de la continuité existant entre le passé et le présent que résident les meilleures chances de façonner l’avenir, la mémoire étant un facteur essentiel de la créativité de l’homme. Ainsi, nous cherchons d’autre part à évaluer dans quelle mesure il serait possible de poursuivre l’exploration des divers filons typologiques existants. Dans cette optique, nous mettrons à contribution des moyens informatiques pour générer des entités inédites qui seront en quelque sorte dérivées des artéfacts existants. Les configurations d’ouvertures sur lesquelles porte notre étude sont ici perçues non pas comme des entités appartenant au passé, et pour ainsi dire figées dans le temps, mais plutôt comme des éléments aptes à constituer des sources d’inspiration pouvant possiblement contribuer à façonner le présent; elles servent de point de départ à un processus créatif. Dans un esprit de continuité du développement de la forme architecturale, il s’agit de favoriser, chez le concepteur architectural, une certaine réappropriation des configurations d’ouvertures existantes. La finalité de ce processus de réappropriation serait d’arriver à transformer les éléments architecturaux en question, à les faire évoluer. Il s’agira par la suite de découvrir si cette démarche peut être de quelque utilité au concepteur architectural; si elle offre une nouvelle avenue permettant d’explorer la multiplicité des façons de résoudre le problème de la baie dans le cadre urbain montréalais. Nous serons amenés à vérifier dans quelle mesure les configurations générées par des moyens informatiques sont susceptibles d’avoir une incidence sur la production architecturale contemporaine, s’il est ultérieurement envisageable pour le concepteur de les réinsérer, sous une forme renouvelée, dans le cadre urbain dont elles sont indissociables. Notre objectif est de faire émerger la diversité pouvant potentiellement résulter de l’approfondissement de divers filons typologiques. Ainsi, ce projet visant à l’exploration d’un vocabulaire architectural par des moyens informatiques s’inscrit dans une optique de diversification; il se situe à contre-courant du processus d’appauvrissement du vocabulaire architectural dont il était précédemment question. Nous chercherons à vérifier si des sources d’inspiration, glanées au sein du patrimoine local, peuvent constituer les catalyseurs d’une production authentique. En ce sens, nous souhaitons contribuer à alimenter le débat, à savoir si l’insertion de nouveaux éléments dans un cadre bâti existant devrait être faite sous le signe de la continuité ou de la rupture. Est-il souhaitable, ou répréhensible, qu’apparaissent en filigrane dans l’œuvre du concepteur contemporain l’influence du passé et l’appartenance à un contexte historique? 3. L’approche proposée La démarche que nous avons entreprise est scindée en trois phases. Nous en sommes présentement à l’étape de consignation de l’information. Cette première phase consiste à répertorier un échantillonnage d’ouvertures et à procéder à l’acquisition des données spatiales. Nous travaillons à délimiter le corpus d’artéfacts qui sera ultérieurement pris en considération. Bien évidemment, il ne saurait ici être question de prétendre à l’exhaustivité; il s’agit plutôt de constituer une collection d’ouvertures représentative de la diversité des filons typologiques. Nous avons entrepris d’une part une recherche documentaire. Dans le cas des demeures bourgeoises qui sont considérées comme bâtiments patrimoniaux, il s’agit de consulter les ouvrages et documents disponibles (dessins et photographies d’époque) archivés dans la Collection d’Architecture Canadienne de l’Université McGill et au Centre Canadien d’Architecture. Il est à noter que l’accès aux archives nous permet également d’englober, dans le corpus des éléments pris en considération, les ouvertures de bâtiments qui ne nous sont pas parvenus. Figure 2 : Fenêtres représentées en élévation. Maison Mérédith. Nous procédons d’autre part à des relevés photographiques sur le terrain, notamment pour les cas de figure appartenant au patrimoine vernaculaire. Afin d’être en mesure d’étudier les ouvertures en tant qu’assemblages de volumes, l’acquisition des données spatiales se fait par le recours à la photogrammétrie. Comme nous le savons, il s’agit là d’une technique par laquelle les coordonnées en trois dimensions des points définissant la géométrie d’un objet sont déterminées par des mesures faites sur plusieurs images photographiques prises à partir de points de vue différents et convergeant vers l’objet (Grussenmeyer, 2003). Des calculs sont effectués par un logiciel (ici, Photomodeler) pour déterminer la position des différents points qui serviront de repères dans un espace tridimensionnel. Dans le cadre du présent projet de recherche, nous travaillons sur des nuages de points relativement peu denses. Il en est ainsi puisque, contrairement aux méthodes impliquant la numérisation 3D, chaque point doit nécessairement avoir un sens précis pour l’opérateur. L’aspect sémantique est de toute première importance puisqu’il s’agit ensuite de reconstituer l’entité de façon manuelle, à partir des distances mesurées entre les points. Figure 3. Nuage de points définissant la géométrie d’un oriel. La fenêtre, constituant un percement dans le mur, peut parfois être considérée en tant qu’élément en deux dimensions et demie. Pour reconstituer la géométrie de ces artéfacts, le recours au dessin en élévation ou à l’orthophotographie (c’est-à-dire à la photographie redressée) peut s’avérer suffisant. Cependant, lorsqu’il s’agit d’éléments dans lesquels la troisième dimension ne relève pas exclusivement de l’extrusion (oriel, lucarne, tourelle, etc.), on doit nécessairement recourir à la photogrammétrie pour extraire les données pertinentes. La modélisation des éléments architecturaux qui ne nous sont pas parvenus ne permettant pas d’impliquer des techniques de photogrammétrie, nous devons parfois travailler à partir de données lacunaires; dans ces cas, il s’agira essentiellement d’hypothèses de restitution (surtout en ce qui a trait à la modénature). L’étape d’acquisition des données implique un travail de longue haleine puisque c’est dans la multiplicité des cas de figure répertoriés que réside l’intérêt du projet. Cette phase nous permettra, en bout de ligne, de procéder à la restitution tridimensionnelle de chacun des artéfacts à l’étude, sous forme de maquette virtuelle. La plus-value apportée par la maquette numérique, par rapport à la photographie, réside dans le fait qu’elle permet l’accès à la géométrie de l’entité et contient des données tridimensionnelles que nous pourrons ultérieurement exploiter. La deuxième phase de la démarche en sera une de classification de l’information. Face à une collection d’artéfacts appartenant à une même famille, l’élaboration d’une typologie est la stratégie que nous adopterons pour tenter de faire émerger un sens à partir d’une réalité complexe. À cette étape, nous serons amenés à consulter des historiens de l’architecture qui nous aideront à mettre en lumière les influences ayant façonné les éléments sélectionnés et, éventuellement, à enrichir ce corpus par l’ajout de spécimens ayant des corrélations avec les éléments en question. La démarche typologique consiste d’abord à effectuer un classement sommaire en fonction d’attributs intrinsèques (les caractéristiques formelles) et d’attributs extrinsèques (la période de construction et le secteur). Il s’agit ensuite d’affiner la composition du corpus par l’ajout ou le retrait d’éléments en fonction de leur niveau de typicité. Par le biais d’un travail itératif, il y a alors remaniement des regroupements et résolution des cas atypiques, le but de cette démarche étant de proposer une lecture intelligible du corpus à l’étude. L’intelligibilité de cette organisation est de toute première importance. Il s’agit en effet de permettre à un éventuel interlocuteur d’appréhender la multiplicité des filons typologique afin d’être en mesure de retracer le processus évolutif et de comprendre comment les différents aspects et composantes se sont transformés au fil des époques. Dans cette optique, nous élaborerons un environnement numérique permettant l’accès à l’ensemble des maquettes numériques organisées sous forme de typologie, environnement qui constituera un outil apte à rendre compte de la complexité du patrimoine à l’étude, et ce, tant au niveau morphologique qu’historique. Nous procèderons ultérieurement à l’évaluation de la pertinence d’un tel environnement par le biais d’un processus consultatif impliquant des utilisateurs potentiels. La troisième phase de la démarche en sera une d’exploitation des données colligées. Nous analyserons la morphologie de chacun des cas de figure appartenant aux types identifiés, dans le but de formaliser la façon dont les volumes sont constitués et organisés. La caractérisation des artéfacts nous amènera à identifier les paramètres (par exemple dans le cas de la fenêtre : morphologie du châssis et du linteau, nombre et configuration des vantaux, présence de montants, meneaux, imposte, etc.) et à analyser les relations entre ceux-ci. Nous procéderons au repérage de ce qui est constant et de ce qui varie au sein des différents regroupements afin d’en décrire la nature et les interconnexions. Il s’agira pour nous d’effectuer la synthèse de la logique de composition de tous les cas de figure appartenant à chacun des types identifiés et de la traduire sous forme d'algorithmes. Pour ce faire, nous procéderons à des expérimentations avec le langage de programmation Python. Là où les techniques de photogrammétrie nous avaient permis de reconstruire la forme, le recours à la programmation 3D nous permettra de la déconstruire. L’objectif de cette phase est d’arriver à développer des objets paramétriques qui seront aptes à favoriser une meilleure connaissance des artéfacts à l’étude. En effet, l’objet paramétrique permet à l’individu qui n’est pas initié aux langages de programmation d’interagir avec la forme architecturale pour procéder à l’exploration d’un espace de solutions. L’utilisateur est ainsi en mesure de modifier ou de combiner, de diverses façons, les caractéristiques formelles de multiples cas de figure; il lui est loisible d’introduire des variantes (proportions, mode de subdivisions d’un plan, positions relatives des composantes, etc.). Ce processus créatif l’amènera à générer des configurations inédites qui, toutes, seront rattachées d’une façon ou d’une autre à la structure arborescente du système typologique. Dans le cadre de ce processus exploratoire, les configurations existantes pourront être transformées de façon incrémentale, donnant ainsi naissance à toute une gamme de variations sur un même thème. Il existe également la possibilité de poursuivre le processus typologique en faisant intervenir le hasard. Dans ce cas, l’utilisateur a recours à la méthode heuristique pour élaborer des configurations nouvelles; il pourra choisir et modifier les sous-ensembles de paramètres dont les valeurs seront attribuées par le biais des procédures de sélection aléatoires. Ce type d’approche pourra s’avérer particulièrement fructueux, la fenêtre étant, comme le dit si justement l’auteur ClaudeHenri Rocquet, à la fois ornement, géométrie et hasard. Ici l’apport de l’objet paramétrique se situerait potentiellement au niveau de l’enrichissement du processus d’idéation, par la succession rapide d’alternatives diverses générées par des moyens informatiques et venant étoffer le répertoire d'images du concepteur, ce que le philosophe Pierre Lévy (1990) appelle « l’imagination assistée par ordinateur ». Les objets paramétriques élaborés dans le cadre de cette phase de la recherche seront intégrés à l’environnement numérique présentant la structure arborescente du processus typologique. Ainsi, l’utilisateur, lorsqu’il aura développé une certaine connaissance des différents types d’ouvertures, pourra accéder à des outils lui permettant d’entreprendre un processus créatif en poursuivant l’exploration de divers filons typologiques. L’affichage des volumes générés dans le cadre de ce processus exploratoire se fera par le biais du logiciel Blender. Nous préconisons le recours à un gratuiciel dans une optique de libre accès, étant donné qu’il est de toute première importance que l’individu qui explore l’environnement numérique soit en mesure de télécharger sans frais l’application lui permettant de manipuler l’objet paramétrique. Par ailleurs, les chercheurs désirant avoir accès au code de programmation auront éventuellement la possibilité de poursuivre le travail par l’introduction de variantes dans les principes de composition (relations entre les paramètres, fourchettes de valeurs acceptables, etc.) de façon à générer de nouveaux filons typologiques. Au terme de cette étape, la résultante des expérimentations menées par les utilisateurs (concepteurs et chercheurs) sera intégrée à l’environnement numérique de façon à illustrer la multiplicité des configurations pouvant être dérivées des artéfacts existants. Conclusion Dans le cadre de ce projet, nous cherchons à mettre en valeur une parcelle de l’infinie richesse qui témoigne de la créativité des architectes et artisans ayant œuvré dans un contexte historique, géographique et culturel donné, en l’occurrence celui de Montréal au cours de son évolution. Or il est important d’insister sur le fait qu’ici la rétrospection va de pair avec la prospection; par le biais de l’exploration des filons typologiques, il serait possible de retracer les jalons d’une évolution; par le biais de l’exploitation des filons typologiques, il est envisageable d'explorer ce qui pourrait être dérivé de l'existant, en somme ce qui pourrait advenir des formes architecturales à l’étude. Ce projet de recherche soulève plusieurs questions relatives à la cognition. D’abord dans le domaine de la compréhension : la fréquentation d’un environnement numérique présentant un processus typologique sous forme d’une structure arborescente permetelle à l’utilisateur d’élaborer une image mentale de l’évolution d’une famille d’artéfacts? Ensuite dans le domaine de la créativité : la richesse géométrique des types identifiés, jumelée à la variété des valeurs pouvant être affectées aux divers paramètres, rend-elle possible un processus exploratoire à des fins créatives? L’utilisateur, par le recours à l’objet paramétrique arrive-t-il à poursuivre, de façon effective, l’exploration des filons typologiques identifiés? En dernier lieu, ce projet soulève un questionnement quant à la finalité de l’étude des biens patrimoniaux. La formalisation d’une structure typologique, entérinant la poursuite d'un processus typologique, pourrait-elle possiblement favoriser une meilleure intégration, à la pratique architecturale, des connaissances découlant de l’interprétation du patrimoine? Si tel était le cas, cette démarche pourrait potentiellement nous permettre de tracer un chemin d’accès menant de la préservation du patrimoine vers la compréhension des notions qui y sont rattachées, et ensuite vers l’exploitation des données qui peuvent en être extraites. L’établissement d’un pont allant de la connaissance vers l’action nous semble ardemment souhaitable puisque, comme le constate Barelkowsky (2004), l’étude de l’histoire de l’architecture est superfétatoire si elle ne débouche pas sur une application concrète des notions développées. Pour arriver à tracer ce fil conducteur, il nous faudra aller au-delà des pratiques éprouvées. En effet, la notion de patrimoine architectural est souvent traitée en termes de préservation et de diffusion, mais rarement en termes d’exploration active d’un vocabulaire architectural. La fécondité de l’approche proposée pourra découler de l’intégration de connaissances théoriques et pratiques provenant de disciplines diverses, telles que la photogrammétrie, la programmation, l’histoire de l’architecture et la conception architecturale. Il est clair qu’un tel potentiel repose en grande partie sur un décloisonnement des domaines et sur la synergie pouvant exister au sein d’équipes pluridisciplinaires. Ainsi, le développeur informatique a tout intérêt à travailler en étroite collaboration avec l’historien qui, lui seul, peut apporter une certaine rigueur à ce travail, et à travailler en étroite collaboration avec le concepteur architectural qui, lui seul, peut donner une justification à ces expérimentations. Remerciements : Nous remercions le Fonds Québécois de Recherche Société et Culture (FQRSC) qui subventionne ces travaux dans le cadre du programme de bourse de recherche postdoctorale. Bibliographie : Barelkowsky, R. (2004). The Optimization of Assumptions of the Reconstruction of Monumental Objects of Romanesque and Gothic Architecture - Computer Aided Archeological and Architectural Research. Architecture in the Network Society : 22nd eCAADe Conference Proceedings, Copenhague, p. 617-623. Caniggia, G. et Maffei, G. L. (2000). Composition architecturale et typologie du bâti. Versailles, Ville recherche diffusion. Choay, F. (1992). L’allégorie du patrimoine. Paris, Seuil. Grussenmeyer, P. (2003). Photogrammétrie architecturale et modélisation 3D du patrimoine. Revue de l’Association Française de Topographie ISSN 0290-9057, 2e trim. 2003 N°95, p.30-36. Lévy, P. (1990). Les technologies de l’intelligence. Paris, La Découverte. Mayor, F. (1994). La mémoire de l’avenir. Paris, Éditions Unesco. Poulot, D. (1998). Patrimoine et modernité. Paris, Harmattan. Rocquet, C.-H. (2001). Introduction. Fenêtres du monde. Lenclos, D. et Lenclos, J.-P. Paris, Éditions du Moniteur. www.blender.org www.python.org www.photomodeler.com