Format PDF - Cahiers des Amériques latines
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Cahiers des Amériques latines 70 | 2012 Varia Christian Gros et David Dumoulin Kervran (dir.), Le multiculturalisme « au concret ». Un modèle latinoaméricain ? Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2011 Christophe Brochier Éditeur Institut des hautes études de l'Amérique latine Édition électronique URL : http://cal.revues.org/2420 ISSN : 2268-4247 Édition imprimée Date de publication : 31 juillet 2012 Pagination : 165-168 ISSN : 1141-7161 Référence électronique Christophe Brochier, « Christian Gros et David Dumoulin Kervran (dir.), Le multiculturalisme « au concret ». Un modèle latino-américain ? », Cahiers des Amériques latines [En ligne], 70 | 2012, mis en ligne le 01 juin 2013, consulté le 14 décembre 2016. URL : http://cal.revues.org/2420 Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. Les Cahiers des Amériques latines sont mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Pas de modification 4.0 International. INFORMATION SCIENTIFIQUE constituaient, pour Abimael Guzmán, son apport essentiel. Cette enquête, très personnelle, a donc les qualités et les défauts d’un reportage. La lecture en est aisée, le récit bien mené, les portraits et les atmosphères bien rendus, mais l’auteur se garde bien de livrer le moindre jugement et même de proposer des explications. Par ailleurs, beaucoup d’informations factuelles sur la période de violence figurent dans le rapport de la commission Vérité et Réconciliation. L’apport principal du livre tient donc plutôt dans les éléments recueillis sur les années de formation du « président Gonzalo » et les entretiens avec certains protagonistes. Il sera certainement une base utile pour des recherches plus approfondies sur le Sentier lumineux. Sébastien Velut (Université Paris 3 - IHEAL / CREDA - UMR 7227) Christian Gros et David Dumoulin Kervran (dir.), Le multiculturalisme « au concret ». Un modèle latino-américain ? Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2011, 462 p. Cet imposant ouvrage rassemble 28 textes regroupés sous cinq chapitres et précédés d’une longue introduction présentant le sujet de façon complète. Il s’agit pour les auteurs de proposer un état des lieux sur le multiculturalisme en Amérique latine en cherchant, en particulier, à mettre en évidence les différentes facettes de ce qui pourrait constituer un modèle régional de ce phénomène aux ramifications internationales. Le multiculturalisme est défini comme « l’action publique qui vise à transformer l’imbrication entre justice sociale et disqualification culturelle au sein d’une société » (p. 14). Il est ici étudié de préférence « au concret », c’est-à-dire en examinant les mises en formes sur le terrain au niveau national ou comme au niveau du village. L’entreprise se justifie en particulier par le fait que le multiculturalisme en Amérique latine ne vise pas les mêmes populations que celui existant en Amérique du Nord ou en Europe, qui concerne plutôt les populations récemment immigrées, puisqu’il s’adresse prioritairement aux populations indiennes. Ce mouvement intellectuel et politique a répondu aux mobilisations indigènes apparues dans les années 1970, apparemment comme conséquence de l’approfondissement d’un mouvement de modernisation des sociétés du continent. Les grandes lignes du modèle, d’après Christian Gros et David Dumoulin, seraient à chercher en tenant compte des nombreux débats suscités par ce concept depuis les années 1990. Ainsi le cas latino-américain tiendrait-il plus du schéma de la politique de la reconnaissance – vis-à-vis de populations méprisées depuis longtemps – que du schéma théoriquement opposé, celui de la politique redistributive. On assiste également à une redéfinition de l’identité nationale en s’appuyant sur un pluralisme politique et de nouveaux 165 droits collectifs. Par ailleurs, ce multiculturalisme ne naît pas dans le vide et fait suite à des politiques indigénistes assimilationnistes intégrées à des projets nationalistes et populistes depuis le début du xxe siècle. Depuis les années 1990, le multiculturalisme représente toutefois une combinaison nouvelle d’actions étatiques et de revendications ethniques souvent pragmatiques dans le cadre d’une économie mondialisée et néolibérale. Il en résulte différentes formes de revendications identitaires et juridiques face à des États soucieux de décentraliser pour favoriser la « bonne gouvernance ». De cette manière, d’après les auteurs, les frontières ethniques paraissent se renforcer alors qu’en fait elles se dissolvent en partie par des demandes d’intégration à la modernité, une déterritorialisation des identités ethniques et l’accentuation des différences de classe au sein des populations. La première partie de l’ouvrage revient sur une partie de ces thèmes en examinant quelques débats et idées au sujet du multiculturalisme en Amérique latine : le multiculturalisme comme demande d’égalité à partir de l’exemple canadien (Danielle Juteau), les critiques adressées au multiculturalisme latino-américain dans ses formes récentes sous influence néolibérale (Guillaume Boccara), les mutations historiques des politiques prenant en compte l’ethnicité depuis un siècle (Guillermo de la Peña), l’application concrète dans le cas du village mexicain (Danièle Dehouve) ou encore l’adaptation des missionnaires catholiques 166 aux positions identitaires mouvantes des Indiens ( Jean-Philippe Belleau). La deuxième partie concerne les différentes formes que prend la citoyenneté ethnicisée. Le processus le plus radical a eu lieu en Bolivie qui se définit désormais comme état plurinational en accordant de vastes espaces d’autonomie aux groupes indiens et en transformant donc la notion de citoyenneté (Laurent Lacroix). Sur le terrain, les choses peuvent cependant être plus complexes. Au Chili, les Mapuches montrent des identités et des citoyennetés « flexibles » oscillant entre la citoyenneté nationale, la citoyenneté ethnique et la double citoyenneté ( José Bengoa). En Colombie, la constitution de 1991 instaure une égalité dans la différence et institutionnalise en partie le mouvement indien par la décentralisation et le transfert de ressources. Cette liberté contrôlée n’est cependant acceptée que sous condition par des groupes indigènes qui continuent à manifester et à agir (Virginie Laurent). Au Chiapas, l’émergence politique des groupes indiens ne s’est pas traduite par une action politique univoque : le vote indien aussi est partagé et l’on constate sur le terrain différentes façons d’exercer le pouvoir avec des débats importants autour de ce que peuvent être les « us et coutumes » (Willibald Sonnleitner). On voit également que les formes de la citoyenneté qui se décident par un dialogue parfois houleux mais toujours pragmatique avec l’État dépendent grandement des réformes que celui-ci a accepté de s’imposer. Au Mexique, INFORMATION SCIENTIFIQUE pas de nouvelle constitution, mais un pluralisme politique enfin appliqué. La question de l’ethnicité est en partie reléguée aux états régionaux qui mettent en place s’ils le veulent des législations ethniques ( Julie Devineau). La troisième partie examine quelques cas de transformation des systèmes juridiques par la prise en compte du droit autochtone et met notamment en lumière les difficultés qu’entraînent ces modifications. En Colombie, la Cour constitutionnelle a opéré un gros travail de résolution des cas problématiques, mais dans le cadre d’une logique territoriale, ce qui pose le problème de l’Indien en ville (Roberto Camacho). Dans la Sierra Nevada de Santa Marta, une organisation autochtone, le Tribunal permanent des peuples, se saisit des principes internationaux juridiques pour juger les atteintes aux droits des Indiens notamment contre les grandes multinationales (Angela Santamaria). En Bolivie, la Constitution a permis l’installation d’une justice locale indigène qui engendre des problèmes de compatibilité avec les normes et les principes nationaux – comme le montre bien le cas des lynchages, jugés légitimes par les populations dans les localités confrontées au vide de l’action policière ou judiciaire étatique (Valérie Azevedo). Dans le Guerrero au Mexique, une police locale a donné satisfaction en occupant la place laissée vide par les autorités et en combinant tradition et normes officielles (Maria Teresa Sierra). Ces institutions entretiennent des rapports complexes avec l’État, critiquant ses faiblesses et réorganisant la vie sociale par le bas mais sans toutefois rompre complètement avec les autorités. Les divers cas étudiés montrent les problèmes théoriques et pratiques qui se posent au moment de concilier droit ethnique et national dans un contexte de grande diversité des discours, des pratiques et des enjeux – culturels, environnementaux, policiers, etc. – en Amérique latine (Geoffroy Filoche). La quatrième partie explore la question des politiques publiques multiculturalistes. En Colombie, les entités promotrices de santé (EPS : sortes d’agences de santé entre l’État et les particuliers) se sont ramifiées en EPS indigènes qui demandent plus de droits, mais acceptent une logique managériale et monoculturelle (Nadège Mazars). Dans ce pays, des politiques ont également été mises en place afin de protéger les langues autochtones en partenariat avec les autorités ethniques ( Jon Landaburu). Au Paraguay, le guarani est depuis la nouvelle constitution considéré comme « langue maternelle officielle », ce qui soulève la question de la biculturalité dans un pays où le bilinguisme a longtemps été favorisé (Capucine Boidin). Au Chiapas, les zapatistes organisent un système d’éducation local s’opposant en partie au système national (Bruno Baronnet). En comparaison, les politiques visant à la défense des Afrodescendants sur le continent sont plus timides et laissent encore beaucoup de demandes sans réponse (Carlos Agudelo). 167 Enfin, la dernière partie fournit des éléments d’analyse des processus de territorialisation. De nombreux cas montrent en effet que le multiculturalisme s’étend à des populations hors de leur territoire communautaire d’origine. Aux États-Unis, les migrants indiens du Mexique peuvent bénéficier de programmes sociaux en tant que Mexicains, Indiens ou migrants (Françoise Lestage). En Colombie, les Indiens installés en ville partagent des situations d’exclusion et organisent leur reconnaissance à partir d’éléments culturels mobilisés dans des espaces particuliers (Luisa Sanchez). À l’inverse, dans la Sierra Nevada de Santa Maria, l’État s’efforce de fixer des groupes indigènes à la fois pour les protéger mais également pour permettre un développement capitaliste et le tourisme (Margarita Serje). Dans cette région, la territorialisation se fait notamment en fonction des programmes transnationaux liés au changement climatique. La territorialisation se double donc d’une déterritorialisation par un ancrage aux normes et perspectives internationales (Astrid Ulloa). Par ailleurs, dans les régions amazoniennes, les populations ont su appuyer leurs revendications sur des exigences environnementales conduisant à des tentatives d’appropriation des ressources ( Jean Foyer). Mais avec l’augmentation des prix des matières premières, ces avancées se heurtent à l’extension des fronts miniers qui grignotent de plus en plus les terres protégées confrontant le multiculturalisme aux priorités économiques nationales ( Juan Luis Sariego). 168 Ce livre présente donc un panorama très complet de la question à partir de cas concrets. Faisant suite aux travaux reconnus de Christian Gros – comme l’explique Yvon Le Bot en conclusion – et complété par une bibliographie fournie, il s’impose comme un texte très utile pour le public intéressé par l’Amérique latine et de premier ordre pour les spécialistes, même non américanistes, du multiculturalisme. Christophe Brochier (Paris 8/GETI – EA 3056) Jean-Marc Fournier, L’autre Venezuela de Hugo Chávez, Boom pétrolier et révolution bolivarienne à Maracaibo, Paris, Karthala, 2010, 289 p. Jean-Marc Fournier, professeur de géographie à l’université de Caen, a choisi une approche résolument pluridisciplinaire pour son livre. Cet ouvrage, qui représente l’aboutissement d’un projet ECOS-Nord de coopération scientifique entre la France et des pays septentrionaux de l’Amérique hispanophone, est organisé en trois parties. La première consiste en un cadrage général sur le Venezuela et insiste sur les spécificités d’un pays rentier depuis près d’un siècle. L’auteur choisit ensuite de concentrer son attention sur les villes. Après un chapitre sur la capitale, Caracas, la deuxième partie est consacrée à l’analyse de Maracaibo, deuxième ville nationale avec près de