Représentation et ressenti de l`examen gynécologique et du frottis
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Représentation et ressenti de l`examen gynécologique et du frottis
UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL **************** ANNEE 2014 N° THESE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale ----------Présentée et soutenue publiquement le : A : CRETEIL (PARIS EST CRETEIL) ---------Par Julie ROCHER épouse JOUENNE Née le 12 septembre 1982 à Paris 14e ----------- TITRE : REPRESENTATION ET RESSENTI DE L’EXAMEN GYNECOLOGIQUE ET DU FROTTIS CERVICO-UTERIN PAR LES FEMMES NON PARTICIPANTES AU DEPISTAGE DU CANCER DU COL UTERIN. DIRECTEUR DE THESE : Dr Laurence COMPAGNON LE CONSERVATEUR DE BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE Signature du directeur de thèse Cachet de la bibliothèque universitaire 2 REMERCIEMENTS Merci Laurence d’avoir dirigé ma thèse, aussi longue fut-elle à terminer, de m’avoir guidée et orientée dans la réalisation de ce projet. Merci Sandrine pour ton tutorat rigoureux, mais très enrichissant. Merci à toutes les femmes qui ont participé à cette étude, en acceptant de répondre à mes questions, ou en essayant de recruter à leur tour d’autres femmes pour mes entretiens. Merci à Zina du centre social Balzac à Vitry S/ Seine ; à Mme Caro du centre social Gaston Catonné à Boissy St Léger ; à Mme Everaere de l’office des migrants de Champigny Sur Marne, de m’avoir aidé dans le recrutement de femmes pour mes entretiens. Merci aux Dr Nguyen et Thepot de m’avoir permis de recruter des femmes dans leur cabinet ; merci au Dr Chavannes d’avoir recruté des patientes dans ce même cabinet médical. Merci à toute l’équipe d’addictologie de l’hôpital E. Roux à Limeil-Brévannes, en particulier au Dr L. Michel et au Dr R. Gomet pour leur investissement dans le recrutement. Merci au Dr I. Buresi du Conseil Général, et à l’équipe de l’ADOC94 et en particulier à Charlotte Roudier pour leur aide dans l’avancement de mes travaux. Merci à Mme Pedil du centre social la Lutèce à Valenton ; au Dr Moutereau et à Mme Busson de la PMI de Villeneuve St Georges d’avoir essayé de m’aider à recruter sur ces sites. Merci Tata pour ton aide précieuse, sans compter tes heures à retranscrire mes entretiens. Merci à mes parents, Marie-Hélène et Joël, de m’avoir parachuté là où je suis, de m’avoir transmis la passion de tout ce que vous faites et l’envie d’aller au bout des choses. Merci Romain pour ton amour et ton soutien ; merci pour nos deux beaux trésors qui, quoique très bruyants, embellissent notre vie jour après jour et donnent un sens à ma vie. Merci Harizona pour ta présence rassurante à mes pieds et tes bisous baveux. Merci Philou, mon petit frère, et merci Prescillia de m’épauler et me motiver à écrire à chaque fois que l’on se voit. Merci Colette et Erick pour votre gentillesse et votre soutien. Merci à Thierry et Philippe de m’avoir accueilli dans votre cabinet et de m’avoir fait découvrir le monde fascinant de la médecine générale. Merci à Claude, Gérard, Bibo et Fabrice d’avoir fait de mon SASPAS six mois riches en apprentissages. Merci à tous mes collègues de travail, avec qui j’ai pu travailler, échanger, partager, dès mes débuts en tant que bébé docteur. 3 TABLE DES MATIERES GLOSSAIRE .............................................................................................................................. 4 INTRODUCTION ...................................................................................................................... 5 MATERIEL ET METHODE ..................................................................................................... 7 1. Population étudiée ........................................................................................................... 7 2. Recueil des données ........................................................................................................ 7 3. Analyse des données ....................................................................................................... 8 RESULTATS ............................................................................................................................. 9 1. Les interviews ................................................................................................................. 9 2. Les femmes interviewées ................................................................................................ 9 3. Les résultats ................................................................................................................... 11 3.1. Les représentations sur le cancer ........................................................................... 11 3.2. Les représentations sur le cancer du col de l’utérus............................................... 14 3.3. Les représentations sur l’examen gynécologique .................................................. 19 3.4. Le ressenti sur le frottis cervico-utérin .................................................................. 26 DISCUSSION .......................................................................................................................... 38 3.1. Le thème du cancer ................................................................................................ 40 3.2. Le thème du cancer du col de l’utérus ................................................................... 41 3.3. Le thème de l’examen gynécologique ................................................................... 42 3.4. Le thème du frottis cervico-utérin .......................................................................... 44 CONCLUSION ........................................................................................................................ 53 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 54 ANNEXES ............................................................................................................................... 59 Annexe 1a : carte de couverture du FCU en fonction des régions de résidence .................. 59 Annexe 1b : tableau de couverture du FCU en France en fonction des tranches d’âge ....... 59 Annexe 2 : courrier d’invitation à réaliser le frottis de l’ADOC 94 ..................................... 60 Annexe 3 : Grille d’entretien ................................................................................................ 62 Annexe 4 : résultats des entretiens concernant la santé et la maladie, la féminité : ............. 65 4 GLOSSAIRE ADOC 94: Association de dépistage organisé des cancers dans le Val de Marne CMU: Couverture médicale universelle DI: Dépistage individuel DO: Dépistage organisé FCU: Frottis cervico-utérin HAS: Haute Autorité de Santé HPV: Human Papillomavirus INCa: Institut National du Cancer IST: Infection sexuellement transmissible PMI: Protection maternelle et infantile RDV : rendez-vous 5 INTRODUCTION Le cancer du col de l’utérus est le 10e cancer féminin en France avec 3000 nouveaux cas par an [16, 20]. Il touche les femmes d’âge moyen, avec un pic d’incidence à l’âge de 40 ans [3], et un âge médian au diagnostic de 51 ans. La mortalité est faible avant 70 ans et augmente ensuite jusqu’à 90 ans ; dans les Départements d’Outre-Mer les décès sont plus nombreux et plus précoces [23, 42]. Cette pathologie est, depuis la mise au point en 1928 du frottis cervico-utérin (FCU) par le Dr Papanicolaou (1883-1962), accessible au dépistage à un stade précoce par cet examen simple et peu invasif [39]. La connaissance bien établie du développement de la maladie, combinée à la réalisation développée et répétée de FCU depuis les années 1960 a permis en France, entre 1980 et 2005, de diviser l’incidence du cancer du col de l’utérus par deux, et de diminuer la mortalité de ce cancer de 4% par an [6]. On note toutefois une tendance à l’inflexion de ces bons résultats après 2000. Le vaccin contre certaines souches de Human Papilloma Virus (HPV) oncogènes chez les adolescentes est venu récemment renforcer les moyens de prévention du cancer du col utérin avec un effet attendu sur l’incidence de la pathologie dans les années futures [15]. La Haute Autorité de Santé (HAS) recommandait en 2010 le dépistage du cancer du col utérin par FCU tous les 3 ans, chez les femmes âgées de 25 à 65 ans, après 2 frottis normaux à un an d’intervalle [26]. Malgré ces recommandations, on estime que seulement 10% des femmes concernées bénéficient du dépistage du cancer du col utérin dans l’intervalle recommandé, avec 40% de femmes sur-dépistées, et 50% peu ou pas dépistées [18]. La région de résidence et l’âge influent sur le taux de couverture par le FCU (Annexe 1a et 1b). Ainsi les âges extrêmes (avant 25 ans et après 55 ans) sont moins bien couverts [25]. Le taux de couverture du FCU est fortement associé à la précarité et à l’offre de soins ; les départements qui enregistrent les plus faibles taux de couverture conjuguent une démographie médicale défavorable et une surreprésentation des personnes bénéficiant de la CMU complémentaire. Il y a des variations au sein d’un même département en fonction des villes et des quartiers de résidence, les populations les moins couvertes étant les plus précaires. En dépit des recommandations de la conférence de consensus de Lille de 1990, il n’existe pas de programme national de dépistage organisé (DO) du cancer du col utérin par FCU en France [43, 23]. Cela pourrait pourtant en améliorer l’efficacité [8]. Le dépistage se fait principalement sur un mode individuel (DI). A l’échelon local, 5 départements français ont 6 mis en place des programmes expérimentaux de DO au début des années 1990 : le DO par FCU toucherait 5% de la population française [24]. La mise en place de ces programmes de DO, plus ou moins combinée à une démographie médicale favorable et un faible taux de précarité ont permis à ces départements, malgré une faible participation, d’enregistrer des taux de couverture du FCU supérieurs à la moyenne nationale, notamment dans les tranches d’âge supérieures à 50 ans [17]. Plus récemment, 6 départements ou régions dont le Val de Marne, ont mis en place un programme de DO du cancer du col de l’utérus. Dans le Val de Marne, le taux de couverture du FCU est de 56,2% pour la période 2006-2008 [45], ce qui est comparable à la moyenne nationale de 56.6% [25]. Ces taux restent insuffisants pour atteindre l’objectif de baisse d’incidence du cancer du col de 2,5% par an, qui nécessiterait un ambitieux taux de 80% de couverture [33]. Le programme de DO du cancer du col de l’utérus débuté en 2010, géré par l’ADOC94, donne l’espoir d’augmenter le taux de couverture du FCU dans le département. Il cible les femmes entre 25 et 65 ans qui n’ont pas bénéficié de remboursement de FCU sur les 3 dernières années. Les femmes concernées sont invitées par courrier, à réaliser cet examen (Annexe 2) [3]. Le DI continue parallèlement à ces courriers. Il reste que l’augmentation de la participation au dépistage passe probablement par une meilleure connaissance des freins à sa réalisation ; pour cela il est indispensable de savoir comment sont perçus l’examen gynécologique et le FCU par les femmes en âge d’être dépistées. Le but de cette thèse est de mettre en évidence les représentations et les freins à la réalisation de l’examen gynécologique et du FCU chez des femmes non à jour de ce dépistage, afin de mieux appréhender leurs réticences à faire cet examen, et de pouvoir envisager des pistes pour améliorer l’acceptation du FCU chez ces femmes. 7 MATERIEL ET METHODE Il s’agit d’une étude qualitative par entretiens semi-directifs. 1. Population étudiée Les femmes étaient inclues selon les critères suivants : - Femme ayant entre 25 et 65 ans - Eligibilité au FCU par l’existence d’une vie sexuelle active ou ayant été active - Absence de FCU depuis plus de 3 ans - Résidence dans le Val de Marne - Pratique suffisante du français, permettant l’entretien sans tiers traducteur 2. Recueil des données Le recueil a été réalisé grâce à des entretiens semi-directifs, en suivant un guide d’entretien qui définissait les thèmes à aborder ainsi que les différentes questions à poser et les éventuelles relances (Annexe 3). Pour concevoir le guide d’entretien, nous nous sommes appuyées sur deux sources : la grille d’entretien des focus groups d’un travail de thèse réalisé en 2010 à Créteil portant sur la participation au DI du cancer du sein [22], et des thèmes abordés par les femmes lors d’une action de prévention sur le dépistage des cancers gynécologique, à laquelle j’ai assisté et qui était organisée par l’ADOC94 au centre social Balzac de Vitry sur Seine en juin 2011. Les thèmes abordés dans le guide d’entretien étaient les suivants : la santé, la maladie, le cancer, le cancer du col de l’utérus en particulier, l’examen gynécologique, le frottis cervicovaginal, et la féminité. Le guide d’entretien a été testé sur deux personnes volontaires de mon entourage afin de me familiariser avec le guide, de me mettre à l’aise avec le caractère intime du sujet, de vérifier la pertinence des questions. Ces deux entretiens n’ont été ni retranscrits, ni analysés et n’entrent pas en ligne de compte dans mon étude. Au cours de l’étude, la grille d’entretien a été légèrement remaniée au fur et à mesure des entretiens, notamment l’ordre des thèmes afin d’apporter plus de fluidité à la conversation. Les entretiens étaient menés par la thésarde, avec des femmes volontaires, non rémunérées. 8 Le recrutement des femmes s’est fait sur une période allant du 15 novembre 2011 au 7 mars 2013, sur plusieurs sites géographiques afin de diversifier les catégories de femmes rencontrées : cabinet de médecine générale, service hospitalier d’addictologie, centres sociaux. Toutes les femmes éligibles à l’entretien et acceptant d’y participer ont été inclues au fur et à mesure de leur rencontre. Le lieu et la date de l’entretien étaient fixés d’un commun accord avec les femmes interviewées ; la durée de l’entretien n’était pas limitée. Les entretiens avaient lieu « en tête à tête » à l’écart de toute oreille indiscrète. Après accord oral, ils étaient enregistrés sur dictaphone pour pouvoir retranscrits ultérieurement. L’entretien débutait par une présentation de l’étude, des modalités de l’interview, notamment l’anonymat des femmes et la possibilité de ne pas répondre aux questions jugées difficiles ou intimes. Un consentement oral à la participation de l’étude et à l’exploitation des données qu’elles me fourniraient était recueilli avant de commencer l’entretien. A la fin de l’entretien, un temps était ménagé pour répondre aux différentes questions que les femmes pouvaient se poser, et recueillir leur avis sur l’entretien. 3. Analyse des données L’analyse des données a été réalisée selon la méthode décrite dans la littérature d’analyse de contenu thématique [9, 30]. Les entretiens ont été enregistrés sur dictaphone, puis intégralement retranscrits. L’analyse thématique a été réalisée par la thésarde avec découpage des verbatim en unités de signification et codage manuel. Le recueil a été arrêté 2 entretiens après avoir atteint la saturation des données. 9 RESULTATS 1. Les entretiens 18 femmes ont été interrogées. Les entretiens ont duré entre 25 et 120 minutes en fonction des femmes et de la quantité d’informations qu’elles voulaient bien me transmettre. Au total, 18 entretiens ont été nécessaires à l’enquête afin d’atteindre la saturation des données. Les données ont été considérées comme saturées lorsque chaque nouvel entretien n’apportait aucun élément nouveau dans les différents champs du questionnaire. La saturation s’est faite différemment selon les thèmes abordés. Ceux de la santé, la maladie et le cancer ont été saturés après 6 à 8 entretiens, la féminité l’a été après 12 entretiens, et l’examen gynécologique, et le frottis après 16 entretiens. Les investigations ont été arrêtées lorsque deux entretiens d’affilée n’ont apporté aucune donnée nouvelle dans ces deux derniers thèmes. 2. Les femmes interviewées Les femmes interviewées étaient âgées de 26 à 64 ans, et venaient de tous horizons culturels, de tous niveaux socio-économiques, sans être représentatives de la population du Val de Marne en terme statistique. Le tableau 1 ci-dessous regroupe les caractéristiques des femmes interrogées. 10 situation Catégorie sociovis-à-vis professionnelle du FCV type de origine prise en géographique charge sécu + mutuelle sécu + mutuelle Lieu de domicile Age Situation maritale Nombre d'enfants Etudes P1 63 ans mariée 2 license retraitée >10 ans P2 48 ans concubinage 2 CAP employée 4-5 ans P3 26 ans en couple non license sans emploi jamais fait CMUc P4 54 ans mariée 3 employée 10 ans sécu + mutuelle Italie Limeil P5 35 ans mariée 3 sans emploi 3 ans 1/2 (jamais?) CMUc Algérie Vitry S/ Seine jamais fait sécu + mutuelle P6 28 ans en couple non P7 30 ans mariée 2 P8 38 ans mariée 3e collège 2nde lycée Cadre et professions doctorat intellectuelles supérieures bac +5 sans emploi 5 ans 4 employée 5 ans Cadre et professions intellectuelles supérieures 5 ans sécurité sociale sécu + mutuelle St Maur Limeil Limeil St Maur Egypte Vitry S/ Seine Chennevières S/ Marne sécu + mutuelle P9 57 ans mariée 3 P10 42 ans pacsée non Bac +5 employée 4 ans P11 42 ans célibataire 1 Bac employée 4 ans P12 28 ans mariée non bac + 3 professeur des collèges 6 ans P13 64 ans mariée 2 CM1 employée 4 ou 5 ans sécu + compléme ntaire sécu + mutuelle sécu + mutuelle sécu + mutuelle P14 47 ans veuve - en couple 1 CAP-BEP ouvrière 8 ans CMUc Sucy en Brie 3 ou 4 ans sécu + mutuelle Le Perreux S/Marne P15 30 ans célibataire non bac+9 Cadre et professions intellectuelles supérieures P16 29 ans mariée non bac +4 sans emploi jamais P17 39 ans mariée 3 bac +3 sans emploi 4 ans P18 44 ans concubinage 1 Bac +2 employée 6 ans Tableau 1 – caractéristiques des femmes interrogées sans couverture sociale sécu + mutuelle sécu + mutuelle Limeil Créteil Boissy St Leger Limeil Portugal Limeil Cambodge Champigny Sri Lanka Champigny Thiais 11 3. Les résultats Les résultats concernant les thèmes de la santé, de la maladie, et de la féminité ont été mis en annexe (annexe 4), afin de privilégier et de mieux développer les thèmes principaux de l’étude qui sont le cancer et notamment du col de l’utérus, l’examen gynécologique et le frottis. 3.1. Les représentations sur le cancer • La définition du cancer Le cancer est pour les femmes une maladie grave, qui fait peur. C’est une maladie chronique, dont l’affrontement relève d’un combat difficile. Elle est injuste et frappe à l’aveugle : « Moi ça m’évoque vraiment pour le coup, vraiment LA MALADIE, quoi ! », « Il peut frapper n’importe où, n’importe quand ». Les symptômes du cancer sont souvent absents, tardifs et de mauvais pronostic. Les symptômes les plus cités sont la douleur, la fatigue : « Le cancer est tellement insidieux, il se cache tellement bien », « Quand ça fait mal c’est trop tard ». La maladie a des répercussions sur la vie sociale. Elle interfère avec le travail, la vie de famille, impose des hospitalisations, et laisse des séquelles, un handicap : « On peut rien faire, on est vraiment malade ». L’origine du cancer est multifactorielle. Il s’agit pour les femmes d’une maladie non contagieuse, mais qui se transmet d’une génération à l’autre par l’hérédité. Le destin et la fatalité sont deux autres facteurs intrinsèques. Des facteurs exogènes sont mis en cause, comme l’alcool, le tabac, ou des facteurs environnementaux comme le Bisphénol A. Pour certaines femmes, l’origine du cancer est inconnue : « Non c’est pas attrapé ! », « Je pense c’est génétique », « Est-ce que c’est parce que le corps il est fait comme ça et que ? Les ganglions, bah le jour où ils se réveillent, ils se réveillent là où ils ont envie de se réveiller », « Je n’en sais rien en fait ». L’issue de la maladie est perçue avec pessimisme. La mort est systématique pour certaines femmes ; la guérison est rarement évoquée, elle survient au prix de lourdes souffrances. Même guéri, le cancer reste une menace : « Et puis, c’est inéluctablement, bah ! Une issue fatale », « Moi j’ai rarement entendu guérison, j’ai toujours entendu parler de rémission ». 12 • Les préoccupations sur le cancer Le cancer est une maladie qui inquiète… ou pas. Certaines femmes se disent préoccupées par cette maladie, parce qu’elles ont vu un proche en souffrir, ou suite à la déclaration récente de la maladie chez un proche. L’angoisse est que cela arrive à un proche, à son enfant : « Là ça touche, parce qu’étant maman, je me dis ça peut tomber sur mon fils. C’est un peu la loterie ». Pourtant, plus d’une femme sur deux ne s’en préoccupe pas, malgré la présence inconstante de cas dans l’entourage. Ceci est renforcé par le vécu de cancers à dénouement heureux chez les proches. Le sentiment de bien-être qu’elles éprouvent, ou l’absence de facteur prédisposant familial les rassure. Certaines refusent simplement de s’en préoccuper : « Ça me fait peur, et en même temps, c’est fou, c’est bête, c’est paradoxal, je me sens pas concernée », « Ça me trotte absolument pas dans la tête, et pourtant je fume. Dans ma famille, de près ou de loin, on n’a jamais été touché par ça. Donc est-ce que je me sens protégée ? J’en sais rien. Peut-être », « J’ai pas envie d’y penser, en fait ». Certains facteurs peuvent occasionnellement inquiéter ces femmes insouciantes. Parmi les facteurs de stress, on retrouve la pratique d’examens de dépistage, la sensibilisation par les médias, par un médecin, la maladie d’un proche : « Enfin quand je vais faire ma mammographie, je suis comme toutes les femmes, je me dis, j’espère que tout se passera bien », « Si j’avais quelqu’un dans ma famille qui était malade, je verrais ça d’une autre manière, c’est certain. Je me sentirais plus concernée ». • La prévention du cancer Deux femmes ne connaissent aucun moyen de prévenir le cancer :« Je connais rien du tout ». Les autres donnent comme moyen de prévention un mode de vie sain, sans alcool ni tabac, le suivi médical dont l’ (auto) palpation des seins, ou encore les examens de dépistage du cancer : « Bonne hygiène de vie », « ne pas fumer, ne pas boire », « Je me palpe souvent ». Les dépistages ont une place importante dans la prévention des cancers. Ils ciblent de nombreux organes, comme le sein, le col de l’utérus, le colon, la peau : « Il y a celui du cancer du sein, quand on est plus âgé. Il y a le dépistage du cancer du col de l’utérus... Une fois par an il y a une journée où on peut faire surveiller ses grains de beauté », « Pour le cancer du côlon on peut toujours faire l’hémoccult ». 13 Plusieurs raisons peuvent inciter à faire les dépistages, comme le conseil du médecin, ou une intervention des médias. Les femmes décrivent des obstacles à la participation au dépistage. Il ne permettrait pas de prévenir, mais plutôt de diagnostiquer le cancer. De plus, l’attente des résultats est perçue comme pénible : « Les dépistages de certains d’entre eux, mais ça serait pas vraiment pour les prévenir, ça serait pour pouvoir éventuellement avoir une chance de les guérir » « C’est vrai que le résultat on est quand même un petit peu… Y a un point d’interrogation, c’est dur ». Le ressenti parfois douloureux des examens (notamment la mammographie), ou encore les problèmes de temps sont autant des freins à leur réalisation : «Il faut que je trouve le temps de le faire». Ces freins ne sont cependant pas insurmontables : « Bon c’est pas agréable, mais c’est pas dramatique non plus ». Pour certaines, le cancer ne peut pas être évité, car lié à des facteurs non modifiables comme l’hérédité et le destin, ou difficilement maitrisables comme l’environnement et le stress : « Malheureusement on n’y peut pas grand-chose. Je pense pas qu’on puisse tellement se prémunir contre le cancer », « Vous pouvez avoir une vie comme vous voulez, si vous êtes destiné à l’avoir, vous l’aurez ». Il est donc inutile d’essayer de le prévenir : « Je fais rien de particulier, j’essaie de vivre normalement ». Les mesures de prévention, qu’il s’agisse de l’hygiène de vie ou des dépistages, sont parfois critiquées. Leur efficacité est mise en doute, par scepticisme, ou par crainte qu’il ne soit déjà trop tard. Les difficultés d’observance sont évoquées avec objectivité : « C’est ce qu’on entend à la télé, est-ce que c’est du bobard, est-ce que c’est du marketing, j’en sais rien. Franchement j’y crois pas », « On dit souvent que toute la vie on fume des cigarettes, et au moment où on doit arrêter, bah c’est là que la maladie survient ! C’est trop tard », « Bon là je vois des personnes qui ont un poumon en moins et qui continuent de fumer comme des pompiers. Je leur dit : non, mais ça va pas la tête ? Mais maintenant, est-ce que je ferais pas la même chose ? J’ai un emphysème, et je fume ! ». 14 • Le traitement du cancer Le cancer impose des traitements invasifs, lourds, parfois hasardeux, avec des effets secondaires néfastes : « On subit des interventions qui sont lourdes », « C’est quelque chose qu’on combat assez mal », « Elle a perdu tous ses cheveux ». Les femmes citent la chirurgie, la chimiothérapie, ou encore la radiothérapie comme moyens de traitement du cancer. Quelle que soit la méthode, le traitement est un combat quotidien. Son seul objectif est la guérison. Le soutien moral et l’optimisme sont primordiaux pour vaincre la maladie : « Il faut se battre, et il faut être optimiste. Il faut se dire qu’on pourra, parce que sinon, on laisse tomber, c’est tout ». Le traitement du cancer a un prix. C’est une épreuve physique et morale, qui inflige beaucoup de douleurs, et contre lesquelles la médecine est impuissante : « Les traitements que j’ai vus sont hard. Très durs, que ce soit en chimio ou en radiothérapie, avec des effets secondaires qui sont vraiment… C’est des douleurs, moi je peux pas les décrire, parce que, évidemment je ne les ai pas ressenties », « Et des douleurs terribles et pas forcément les soins, enfin les… pas forcément des médicaments pour l’aider à pallier à la douleur ». Le coût des traitements est parfois si imposant qu’il peut remettre en question ses bénéfices : « J’ai des souvenirs de ma belle-mère, parce qu’elle était trop malade après son traitement et on arrivait à se demander, elle, pas moi, si le traitement valait le coup par rapport à la maladie. Parce qu’elle était tellement mal ». 3.2. Les représentations sur le cancer du col de l’utérus • Le col de l’utérus Le col de l’utérus est un organe mal connu des femmes : « C’est lui qui reste le plus mystérieux, je dirais ». Nombreuses sont les femmes qui ne savent pas situer le col de l’utérus. C’est un organe interne, profond, invisible aux yeux des femmes elles-mêmes. Elles émettent quand même des hypothèses quant à sa localisation, ses rapports avec les organes sexuels : « En bas du ventre », « Par rapport à l’utérus, ben normalement le col, il est à l’entrée, donc il doit être assez bas. Par rapport au vagin, il doit être assez haut quand même ». Les connaissances sur cet organe proviennent de l’expérience personnelle et des souvenirs des cours de biologie du lycée: « Après ma grossesse, je savais où… quoi était où ». 15 Pour ce qui est de la fonction biologique du col de l’utérus, les femmes sont partagées. Certaines ne savent pas à quoi il sert, ou émettent des doutes sur son utilité. D’autres ont des connaissances erronées sur le sujet, ou le confondent avec l’utérus lui-même: « Ah la colle ! Non, non, non, c’est une bonne question. A quoi il sert ? J’en sais fichtrement rien », « Je me suis jamais posé la question », « Je suis pas sûre qu’il serve à grand-chose, le gars », « C’est par là qu’arrive l’ovule, donc c’est là le lieu de rencontre entre le spermatozoïde et l’ovule », « C’est là que va se nicher l’œuf fécondé et se développer pendant 9 mois pour devenir un joli bébé ». Pour d’autres, il joue un rôle dans la protection contre les IST, ou dans la sexualité en apportant du plaisir. Il sert dans la procréation ; il joue un rôle dans le cycle menstruel en laissant évacuer le sang des règles ; il est une zone de passage entre le vagin et l’utérus qui permet aux spermatozoïdes de remonter la filière génitale, ou au contraire à les retenir : « J’allais dire de tunnel pour le sperme, oui, pour les spermatozoïdes », « Il sert à quoi le col ? Il sert à faire une barrière entre le vagin et l’utérus, tout simplement ». Lors de la grossesse, il sert à fermer l’utérus et à maintenir le bébé en place, puis prend son importance lors de l’accouchement : « C’est comme un bouchon, pour pas qu’il puisse s’échapper l’enfant », « C’est par là que sort le bébé ». C’est un organe facultatif dont l’utilité est éphémère. Certaines femmes pensent (et déplorent) que cet organe ne serve que pendant la grossesse : « Il sert, mais il est pas vital. On peut faire sans aussi », « Pour moi c’est mécanique. C’est là pour faire un enfant. Ça marche plus ? Bah ça marche plus ! Si ma Senséo elle est en panne, je la jette, y a pas de soucis, quoi », « Mais il peut pas servir qu’à ça quand même. Ça fait quand même léger quoi ! Donc on nous a mis un machin comme ça pour la grossesse, c’est tout ! ». L’intérêt des femmes pour cet organe est globalement très médiocre, à l’exception de deux d’entre-elles : « J’y pense jamais », « Mon col de l’utérus, franchement j’en ai rien à faire ! », « Il y a pas longtemps, je suis allée- j’ai fait même plusieurs bouquins, pour arriver à voir comment c’était fichu en fait. Et au final, c’est très peu expliqué en fait. J’ai pas trouvé grand-chose ». • Le cancer du col de l’utérus 16 Le cancer du col de l’utérus est une maladie méconnue des femmes, comme en témoigne le nombre de « Je ne sais pas » que mes questions ont pu provoquer sur ce sujet. Cette méconnaissance vient d’un manque d’information de la part de leur médecin, ou par absence de cette maladie dans l’entourage : « Aucun gynéco m’en a parlé en fait ». Comme pour le cancer, ses symptômes sont retardés. Au début il n’y en a pas, ce qui engendre un diagnostic tardif et un pronostic péjoratif. Il s’agit de douleurs abdominales, de métrorragies, d’un inconfort : « Souvent on s’en rend compte quand il est trop tard. Si on l’avait senti avant, on aurait fait, on se serait soigné plus tôt ! », « C’est pas encourageant », « Un truc qui vous grappille le bas du ventre », « Ça doit être très désagréable de sentir cette infection ». Il survient à tout âge, et en particulier chez la femme jeune : « Ah, je pense qu’on n’est pas à l’abri d’un cancer, quel que soit l’âge », « D’après ce qu’on en dit, ça a l’air d’être un cancer qu’on peut attraper lorsqu’on est plutôt jeune ». Comme pour le cancer en général, les causes de ce cancer sont parfois méconnues, ou imputées à certains facteurs comme l’hérédité, la fatalité et le destin, une mauvaise hygiène de vie : « Je sais pas exactement le cancer du col de l’utérus, comment on l’attrape. En fait je me rends compte que je sais pas grand-chose au final ! ». Les facteurs causals exogènes qui ressortent pour le cancer du col de l’utérus en particulier sont la prise de médicaments comme la pilule contraceptive, l’activité sexuelle et plus particulièrement une IST contre laquelle la prévention est impuissante : « Utiliser les contraceptifs beaucoup, le pilule. Ça s’infecte l’utérus », « A cause des relations sexuelles ; et c’est tout ce que j’en sais », « Quand on enlève le préservatif, on fait pas de prise de sang pour dépister le papillomavirus ? Donc tout le monde peut être exposé ». Quelques femmes émettent des réserves sur l’origine sexuelle supposée de ce cancer : « Je pense pas. Ça c’est une moralisation des choses ». Quelques femmes pensent que l’on peut prévenir le cancer du col de l’utérus, quand d’autres pensent qu’il n’y a rien à faire: « C’est l’un des rares cancers qu’on peut éviter bien avant qu’il arrive », « Je pense qu’il n’y a pas de bonne hygiène de vie, y a pas… Non, ouais, je pense qu’on peut rien prévenir en fait ». 17 Les moyens de se prémunir de ce cancer découlent des facteurs favorisants. Il faut se prémunir des IST en utilisant le préservatif, bien que cela puisse ne pas être suffisant, et se faire vacciner contre le virus responsable (ce dernier point sera développé plus loin). Il y a le dépistage par FCU, qui permet non pas de prévenir, mais de guérir au plus vite : « Pour éviter au moins, peut-être pas que ça le provoque mais au moins le traiter au plus vite », « C’est pas suffisant, mais ça apporte un bénéfice quand même ». L’implication personnelle des femmes dans la prévention du cancer du col utérin est médiocre : « Faire ce que je ne fais pas, se sentir plus concernée », « J’ai en bonne santé, c’est pas la peine de faire cet examen ». Le vaccin contre le Human Papillomavirus (HPV) n’est pas connu de toutes les femmes. Celles qui le connaissent en ont entendu parler dans les médias. Il ciblerait les femmes jeunes, au début de leur vie sexuelle, ou en cas d’antécédent familial : « Maintenant je sais qu’il existe des vaccins pour les jeunes filles pour l’éviter », « Jeune adolescente, avant les rapports ou un an après », « Je pense qu’en priorité il s’adressait aux jeunes femmes dont la mère avait… Où il y avait déjà des risques dans la famille ». Le bénéfice attendu de la vaccination est l’absence de cancer du col utérin ultérieur : « Attendez, un vaccin qui peut nous sauvegarder des cancers, franchement ! ». Aucune des femmes interviewée n’a bénéficié de cette vaccination, certaines le déplorent ou envisagent de le faire à leur fille : « Je l’aurais fait », « Pour mes filles, je pense faire ça ». Néanmoins les critiques sur la vaccination sont vives. Le vaccin a mauvaise réputation auprès des mères et des médecins. Il causerait des effets secondaires bruyants. De plus, le manque de recul face à cette nouvelle thérapeutique contrasterait avec une efficacité douteuse : « J’en ai parlé un peu avec les mamans que je connais, qui m’ont dit ah ! C’est pas bien », « Je sais qu’il est décrié par certains médecins », « J’en ai entendu parler, j’ai surtout entendu parler des scléroses en plaques qui découlaient un petit peu de ça chez certaines personnes », « On sait pas quels effets secondaires ça peut avoir autres. On en connait, je suppose quelques-uns. Mais même 15 ans après on découvre, ou 30 ans après on découvre les effets secondaires de ce médicament », « J’ai entendu dire qu’il était pas fiable ». La vaccination contre le papillomavirus pourrait avoir des effets pervers en donnant aux jeunes filles un faux sentiment de sécurité vis-à-vis des autres MST ou du cancer : « Parce 18 qu’effectivement il y a d’autres façons de prévenir. Le vaccin, c’est se dire : bon, bah allez ! Youp là boum, c’est fini, j’y pense plus ». Le début de la vie sexuelle des adolescentes ne serait pas un moment opportun pour pratiquer la vaccination. De plus, imposée par les parents à leur jeune fille à l’occasion de leur vie sexuelle, la vaccination est une violation de leur vie privée: « On n’est pas dans une société si ouverte que ça au niveau sexuel, et parler de la sexualité avec son enfant, c’est très difficile. A un moment donné il faut faire un acte médical avant la sexualité, c’est encore plus difficile ; la pression elle est énorme », « Les jeunes filles qui viennent à 14 ans, 13 ans, 12 ans, qui sont avec leur maman, même leur maman elles sont loin de s’imaginer la vie sexuelle de leur fille, donc parler de ça, c’est compliqué », « D’abord, c’est la décision des parents, et je trouve ça très invasif parce que ça touche à sa vie de femme. Et que si elles ne sont pas d’accord pour l’avoir, qu’elles soient pas forcées de le faire ». De ce fait, nombreuses sont les femmes réfractaires à cette vaccination : « J’y ai pensé, mais j’ai pas osé », « Donc j’ai fait le choix de pas faire vacciner ma fille. Je prends pas le risque de lui bousiller la santé. Elle verra un gynéco, elle fera les frottis ». Quant au suivi gynécologique après vaccination, les femmes sont mitigées à ce propos. Quelques femmes pensent qu’il n’est pas nécessaire, mais la majorité pense qu’il est important de continuer à faire les frottis : « Si on est vaccinée, je vois pas trop l’intérêt », « D’après ce que j’ai lu, ça n’empêche pas une surveillance gynécologique ». En parlant du cancer du col utérin, les femmes ressentent la peur du cancer, mais ne se sentent pas concernées. L’impression de bon pronostic de ce cancer majore cette indifférence : « Dès que j’entends le mot cancer, c’est grave », « C’est ridicule, je préfère pas y penser. Faire l’autruche, c’est vraiment le truc », « L’avoir vécu avec des collègues et puis bah elles sont guéries et tout va bien ». La gravité de l’affection proviendrait de son impact sur la maternité. Ainsi l’inquiétude face à cette pathologie varie en fonction de la période de sa vie : « Ça touche la femme au plus profond d’elle. Et là je pense qu’on touche le cœur vraiment profond de la femme… Je sais pas comment on peut gérer ça en fait. Ça doit être très dur, quand on s’entend dire là où on donne la vie, en fait arrive la mort. C’est paradoxal et on doit avoir énormément de mal à l’accepter », « Pour moi le cancer de l’utérus, bon, quand on a des enfants hein, je m’entends, peut-être que plus jeune je le dirais autrement, mais… Si ça doit m’arriver, parce 19 qu’on est à l’abri de rien, ça m’ennuierait pas qu’on m’enlève tout et basta. J’ai des gosses, donc… ». 3.3. Les représentations sur l’examen gynécologique • La personne qui pratique l’examen Le médecin tout naturellement désigné pour pratiquer l’examen gynécologique est le gynécologue, qui pour certaines femmes serait le seul à pouvoir le faire. Il est apprécié pour sa spécialisation, sa compétence. Les femmes aiment avoir un spécialiste rien que pour elles. Son point faible est son manque d’intérêt pour les femmes en dehors de la grossesse : « Je dirais que chacun sa spécialité quand même ! C’est pas que je serais plus à l’aise, c’est que pour moi le gyné, c’est le gyné », « Le gynécologue, c’est quelque chose qui m’est réservé. Chacun son espace privé. Là, c’est mon truc et si j’ai envie de dire des choses en plus, j’ai pas forcément envie que tu [le mari] entendes », « C’est peut-être un peu méchant ce que je vais dire, qui semble uniquement préoccupé par les femmes enceintes. Et puis on y va normalement, on a l’impression de les embêter ». Quelques femmes ont déjà consulté un médecin généraliste pour un motif gynécologique, quand la majorité d’entre elles ont découvert à l’occasion de l’entretien qu’un tel suivi était possible. L’inconvénient est le rapport trop intime, trop familier qu’elles entretiennent avec leur médecin traitant, mais cette relation privilégiée et de longue date peut aussi être un avantage, car il les connait mieux, dans leur globalité, et elles se sentent à l’aise avec lui. Il est disponible et est vu régulièrement, ce qui facilite l’abord des problèmes gynécologiques : « Je viens d’apprendre que les médecins traitants pouvaient le faire », « Mon médecin généraliste, non. Parce que je le connais depuis que j’ai 14 ans. Donc je serais très gênée d’avoir à faire ça devant lui. La relation, quand on a un médecin traitant qu’on garde aussi longtemps, la relation n’est plus que… Ne reste pas simplement sur le patient/médecin. Puis bon ! Il examine mon mari, il examine mon fils. Le médecin de famille, c’est pas Mon médecin », « Peut-être que s’il y avait un médecin généraliste que je connais depuis longtemps, avec qui je suis très en confiance, ça me dérangerait pas », « C’est une bonne chose finalement, parce que le médecin généraliste on le voit un peu plus souvent, ça peut se faire dans le cadre d’une visite de routine. Ca remet un pense bête ». 20 L’examen gynécologique peut également être réalisé ailleurs, notamment au laboratoire d’analyse médicale, ou par les sages-femmes, surtout pendant la grossesse : « J’ai fait du labo », « Je pense pas qu’elles [les sages-femmes] fassent des bilans en dehors de la grossesse ». Le sexe du médecin examinateur rentre en ligne de compte, notamment lorsque c’est un homme. Il y a les femmes qui n’y prêtent pas attention. Il y a celles qui préfèrent un médecin femme avec qui elles se sentent à l’aise, et à qui elles peuvent se confier, surtout les jeunes femmes pour qui l’examen physique peut revêtir un caractère sexuel. Il y a celles qui au contraire préfèrent un médecin homme, qu’elles trouvent plus doux, ou avec qui elles se sentent à l’aise : « J’ai eu des hommes, j’ai eu des femmes. Ça, c’est indifférent », « Après l’accouchement, ça m’est égal. Je suis habituée ! », « Pour moi c’est une femme, mais après c’est un choix personnel », « Parce que pour parler des problèmes féminins, c’est quand même plus facile », « Enfin moi, je suis plus à l’aise avec un homme qu’une femme, va savoir pourquoi ». La préférence vis-à-vis du sexe de l’examinateur ne conditionne pas toujours le choix de celui-ci : « Je préfère la femme, mais mon gynéco c’est un messieur ». Quel que soit l’examinateur, les femmes recherchent chez lui de la gentillesse, d’être à l’aise avec cette personne, ainsi que la proximité géographique : « Mêmes que les médecins ils sont sympas », « Avec elle j’étais vraiment à l’aise », « toujours avec le médecin le plus proche ». • Les femmes concernées par l’examen gynécologique Toutes les femmes sont concernées par cet examen : « Toutes les femmes ». Il n’y a pas de consensus sur l’âge auquel débuter le suivi gynécologique, ni sur les stades de la vie. Une femme donne un âge de 15 ans, quand une autre donne l’âge plus tardif de 45 ans. L’adolescence ou l’arrivée des règles est le bon moment pour marquer le début du suivi, tout comme le début de l’activité sexuelle, lorsqu’il y a besoin de contraception, ou pour les femmes traditionnalistes, le mariage : « Les jeunes filles, en toute logique, normalement lorsqu’elles ont leurs premières règles, on devrait les emmener chez le gynéco », « A partir du moment où elles ont une activité sexuelle », « Oui, après le mariage, elle va aller je pense », « Déjà tout simplement pour mettre en place une contraception ». Selon les femmes, le suivi peut s’arrêter à 60 ans comme à pas d’âge, ou lorsque l’on n’en a plus besoin, à la ménopause : « Jusqu’à la fin de sa vie », « En fonction du moyen de 21 contraception. Jusqu’à la ménopause. Parce qu’après tu revois pas forcément ton gynéco régulièrement ». Les femmes s’interrogent sur le suivi gynécologique de la femme vieillissante. Il serait inutile, quand pour d’autres il reste nécessaire : « Peut-être jusqu’à la ménopause. Est-ce qu’on y va encore après, je sais pas du tout ? Il me semble pas que ma grand-mère aille encore chez le gynécologue. Il se passe tellement plus rien que… », « Je pense jusqu’à ce que la ménopause soit passée, peut-être même après. Peut-être au moment de la ménopause être un peu plus sérieuse que je ne le suis, parce que bon, c’est un passage quand même assez important, et puis après, parce que bon, en vieillissant, l’attraction terrestre elle fait ce qu’elle fait et parfois ça peut avoir des conséquences ». Les examens doivent être faits à une certaine fréquence. L’intervalle va de 1 à 3 ans selon les femmes interrogées. Certaines d’entre-elles s’interrogent sur la nécessité de consulter à intervalles réguliers : « Dans l’idéal, il faudrait y aller tous les deux ou trois ans. C’est ce qu’on nous dit toujours », « Mais est-ce qu’il y a une fréquence où on doit y aller ? ». Un problème gynécologique peut être l’occasion de consulter : « Si on a des petits soucis, si on se sent pas bien, on doit y aller », « Des fois il y a des jeunes filles qui ont de règles très douloureuses et puis elles font bien d’aller voir le gynéco ». • Le déroulement de l’examen La première étape est la prise du rendez-vous (RDV) : « C’est ça, de prendre RDV ». La consultation commence par un entretien avec le médecin qui peut se prolonger lors de l’examen physique : « Il y a un petit questionnement », « Ces questions-là, il les pose souvent pendant qu’il est en train de vous examiner, et je pense, c’est pour qu’on oublie un peu, bah, qu’il est en dessous… Et qu’on se concentre sur autre chose ». L’examen physique à proprement parler comporte une partie générale, externe avec palpation abdominale et examen seinologique, puis un examen génital plus intrusif avec pose de spéculum et toucher vaginal : « Prise de tension, prise de poids », « Tu peux effectivement avoir un palpé du sein, plus efficace que le tien quand tu fais une autopalpation », « Examen génital externe, examen à vue », « On nous enfonce quelque chose dans l’utérus et on observe 22 ce qui se passe à l’intérieur. Dans le vagin pardon, et on observe ce qui se passe dans l’utérus », « Il y a une palpation aussi, enfin il y a une vérification de l’élasticité du col ». Le frottis fait partie intégrante de l’examen gynécologique. Pour certaines femmes, c’est le point capital, voire le seul intérêt de l’examen : « Puis après il arrive avec son machin avec son frottis », « Pour moi personnellement, quand je le fais (rires), c’est pour le frottis, c’est pas pour autre chose ». L’examen oblige à un certain degré de nudité et nécessite une position allongée particulière : « Donc on se déshabille entièrement », « Je me suis jamais mis nue, à part la culotte, normal », « On passe sur la table et là donc on a droit à un super examen, pas super confortable », « Ensuite on passe aux choses sérieuses, c’est-à-dire qu’on a les pieds dans les étriers ». L’examen physique à lui tout seul prend entre 5 et 15 minutes, ce qui n’est pas perçu comme excessivement long : « S’il remarque rien de particulier, un examen, un frottis, c’est rapide quoi, 5-10 minutes », « Ça prend pas trois heures non plus ». • L’intérêt de la consultation gynécologique C’est l’occasion de rencontrer un médecin à qui parler de soucis gynécologiques, de son intimité, de trouver réponse à ses questions : « C’est un moment privilégié avec un médecin spécialiste, pour parler un peu de la sexualité, des problèmes qu’on peut avoir au niveau des organes, voilà », « D’autant plus avec un gynéco, c’est important de pouvoir parler de choses intimes qui sont pas forcément faciles à verbaliser en fait », « Quand on en éprouve le besoin. Parce qu’on a des questions ou ce genre de choses ». La consultation gynécologique permet d’accéder à la contraception : « C’est le moment de discuter de choses et d’autres, de discuter des moyens de contraception, s’ils sont toujours nécessaires ou pas, voilà ». L’examen physique permet de détecter des pathologies infectieuses ou tumorales, des pathologies des organes internes, et comme dit plus haut, il permet de réaliser le frottis : « On cherche une infection quelconque, des champignons, des choses comme ça », « Ça permet de voir aussi je suppose s’il y a pas des nodules », « Voir si tout va bien. On peut quand même y détecter des anomalies. Parce que bon ! On voit pas ce qui se passe à l’intérieur, nous ». 23 • Le ressenti de l’examen gynécologique Le ressenti de l’examen gynécologique est souvent négatif : « C’est quelque chose que j’aime pas faire, parce que c’est embêtant. Je sais pas pourquoi d’ailleurs mais c‘est vrai que c’est… Je sais pas comment l’expliquer, c’est comme ça, j’aime pas ça ». Cela commence avec les difficultés de prise de RDV agacent et découragent les patientes : « Ce qui est énervant aussi, c’est qu’en fait, le délai pour avoir un rdv, c’est chiant. Il y a des fois, on a besoin, bah c’est pas dans deux mois, enfin… Ou même des fois quand on prend les rdv, moi je sais pas, j’ai des règles, des fois c’est pas 28j, c’est 30, bon voilà ; donc si on prend et qu’on l’a loupé parce qu’il y a les règles et que ça reporte à nouveau. Non, c’est injouable quoi ! ». Le tout premier examen gynécologique est source de peur : « Au début, comme je n’en avais jamais fait, ça m’a fait un peu peur. [j’étais] stressée au début ». L’examen physique est source de gêne pour de nombreuses raisons. Il y a la pudeur liée à la nudité qu’implique l’examen gynécologique, surtout pour les plus jeunes ; il y a la gêne liée au caractère intrusif de l’examen, ou encore au caractère sexuel des organes examinés. Il y a aussi l’inconfort que suscite la position d’examen, peu naturelle et qui n’incite pas à la décontraction. Cette position est jugée avilissante pour la femme : « Déjà se mettre à moitié à poil devant le médecin, bon, même si c’est un médecin, bon voilà ! », « Quand on est jeune fille, on est un peu intimidée, pour aller chez le gynécologue », « Quand le gyné vous palpe, c’est toujours assez… Il rentre quand même dans notre corps, notre intimité », « Je sais pas comment dire. C’est quelque chose qui est associé aux relations sexuelles, qui est associé au plaisir, qui est associé aux naissances… C’est confus quoi, l’image qu’on a de cette partie-là du corps, et moi ça me met mal à l’aise à chaque fois que je fais un examen gynécologique », « Relaxez-vous, relaxez-vous ! La position est pas idéale pour se relaxer ! », « Bah je trouve que la position gynécologique est pas… Voilà, c’est pas hyper, hyper à l’aise, avec le médecin qui a sa figure entre les deux jambes, c’est pas terrible. On n’a pas le choix, il y a pas d’autre solution de toute façon pour se faire examiner, que cette solution-là. Mais c’est pas le moment le plus plaisant de la consultation », « Ce que je trouve LE plus désagréable… C’est le positionnement rebutant, dégradant ». La douleur est un terme récurrent, surtout lorsque l’on parle de l’examen au spéculum, et est responsable de souvenirs traumatiques. Cette douleur n’est pas toujours reconnue par le 24 médecin-examinateur : « C’est pas agréable ! (rires) C’est surtout ça, et puis bon ça fait mal parfois. Des fois on est un petit peu sec, donc c’est pas… », « C’est pas une douleur insurmontable, mais c’est quand même pas anodin, quoi ! », « Ça a été très traumatisant… Etant vierge, l’examen au spéculum était assez douloureux », « A chaque fois il râle un peu, il me dit ‘enfin, ça fait pas si mal que ça’. Et je me suis mise en colère la dernière fois, j’ai un petit peu râlé, j’ai dit ‘bah écoutez, vous en avez jamais eu d’examen gynéco, parce que bon, sincèrement c’est pas agréable ». Le ressenti douloureux est beaucoup influencé par le médecin qui pratique l’examen. Des facteurs aggravants sont évoqués, comme l’examen expéditif du médecin pressé, le travail à la chaîne : « Par contre je fais la distinction, il y en a qui sont doux pour faire les examens. Il y en a qui sont de vraies brutes, c’est pas lié au sexe hein ! », « Ça fait mal, surtout qu’il faut aller vite, donc on n’est pas… Enfin je vais pas dire qu’il faut faire du chiffre, c’est très malpoli de dire ça, mais c’est un peu ça quoi. Il y a besoin de faire de plus en plus de clients », « Dans le quart d’heure, fallait être entré, sorti, puis y avait plein de retard en fait, en plus c’est une gynéco qui est en hôpital, donc souvent, hop ! Fallait qu’elle case un accouchement, etc. » Cela peut aller jusqu’au sentiment de maltraitance, lorsque la patiente est brutalisée ou que le corps médical banalise ses actes : « [à propos de la mammographie] Ça fait très mal, ah oui c’est horrible. J’ai eu l’impression d’être une vache avec des mamelles, qui rentrait à l’abattoir. Et puis on vous prend le machin, on vous écrase la poitrine avec une douceur de boucher. La radiologiste, mais vraiment pas délicate, parce que… Je sais bien qu’ils en font des centaines par jour, mais pour autant on n’est pas des morceaux de viande. Ça m’a choqué, cette manière de faire », « C’est tellement banalisé, que… Cette manière de dépersonnaliser le patient quand il entre, c’est désagréable ; ‘ vous vous mettez en slip, vous vous mettez là, vous faites…’ J’ai vécu d’autres examens, une coloscopie entre autre. C’était beaucoup plus désagréable, mais où j’ai été beaucoup mieux traitée, quoi ! Ou une patiente à qui on écrase la poitrine, ou… Je pense, c’est peut-être aussi pour eux une manière de se protéger. Mais, quand on est dans la douleur ou quand on est dans l’examen, etc… c’est pas facile à vivre et puis, quand on a un examen gynécologique et que le médecin parle pas forcément, vous explique pas ce qu’il va vous faire et puis, bon !». Enfin, le médecin occupe une position dominante sur le corps de la femme, dont il peut abuser : « J’ai eu une mauvaise expérience, j’étais jeune. En tout cas je suis tombée sur un 25 gyné qui m’a palpée et repalpée et mes tétons, et ça a duré je sais pas combien de temps. J’ai rien osé dire, mais plus jamais j’y suis retournée, quoi ! C’est-à-dire qu’il a un peu profité de… ». Les rapports conflictuels avec le médecin interfèrent avec le suivi gynécologique : « J’ai eu un gynéco qui était très en colère contre moi. Je venais pas assez souvent. Je me débrouillais toujours pour avoir mes pilules, en pleurant chez le pharmacien, ou en soutirant une ordonnance à mon frère. Tous les moyens étaient bons », « Ça dépend du gynéco je pense. Ca dépend du contact qu’on a avec le mec ou la meuf. Moi, j’ai eu des examens gynéco qui se sont très très mal passés, parce que je suis tombée sur des bonnes femmes qui avaient peutêtre mal dormi, trop dormi ou pas assez dormi, ou pas bien déjeuné, ou j’en sais rien, mais qui y sont allées direct. Et d’autres où ça s’est passé plus facilement ». Les sentiments positifs vis-à-vis de l’examen gynécologique sont son utilité. Il est d’autant mieux accepté que la patiente nécessite des soins : « Je trouve ça très bien de le faire, très utile », « En fait comme je savais aussi que j’y allais pour un avortement, j’étais vraiment soulagée d’y aller pour ça. J’étais plutôt contente en fait. Et puis ça s’est bien passé. Non, j’ai vécu ça comme un examen médical normal », « Pendant ma grossesse, c’était un peu obligé. Quand j’étais enceinte, c’était ‘allez-y, faites ce que vous avez à faire’. Alors est-ce que ça change, le fait d’être enceinte, psychologiquement, de dire ‘ bon, de toute façon je ne m’appartiens plus à ce niveau-là pendant neuf mois’ ? Je ne sais pas, mais c’était vécu différemment avant et pendant ». Les autres sentiments positifs vis-à-vis de l’examen gynécologique concernent la consultation qui l’entoure. La relation nouée avec le médecin-examinateur est appréciée, et est d’autant plus forte que le médecin comprend et accepte les réticences de ses patientes à se faire examiner, prend son temps et est doux : « Si, il y a un gyné que j’aime bien. C’est celui qui m’a accouchée d’ailleurs. Je suis tombée sur lui par hasard et euh… d’ailleurs il se rappelle de moi, de mon nom… Parce que le jour où il m’a accouchée, il avait de jolies chaussures toutes neuves, et pis bah au moment de pousser, j’ai fait pipi ! », « Moi je suis tombée sur un gynécologue qui a été très douce, donc la première fois que je l’ai vue je voulais pas, donc il y a pas de problème, et non, ça c’est bien passé ». Les points positifs arrivent parfois à contrebalancer les points négatifs : « J’en ai pas gardé en dehors de cette-positionnement, de souvenir désagréable ». 26 Les femmes mettent en place des stratégies pour gérer le stress que leur évoque une consultation gynécologique. Certaines n’y sont tout simplement jamais allées, quand d’autres remettent à plus tard leur visite chez le médecin. D’autres subissent l’examen en refoulant leurs émotions : « Je n’y suis jamais allée, parce que j’en ai jamais ressenti le besoin », « J’y suis jamais retournée », « On y va à reculons, on y va puis on serre les dents, puis de toute façon il faut le faire, donc on le fait ! ». Une seule femme ne rapporte aucun sentiment négatif vis-à-vis de l’examen gynécologique : « L’examen, ça me dérange pas ». 3.4. Le ressenti sur le frottis cervico-utérin • La définition du FCU Peu de femmes font la distinction entre examen gynécologique et frottis. Une femme pense qu’il est intégré dans l’examen clinique, mais bien distinct de celui-ci : « Le frottis, c’est le frottis. L’examen gynéco, c’est l’examen gynéco. Le frottis, c’est quelque chose de bien précis, bien pointu lors de l’examen ou après… Enfin, qui découle de l’examen. L’examen c’est plus général ». Certaines femmes ne connaissent pas cet examen : « Et le frottis par contre je ne sais pas du tout ce que c’est ». Plus qu’une définition, le frottis se définit par son intérêt. C’est un examen microscopique, qui sert à voir ce que l’examen clinique ne détecte pas. Il sert à prévenir le cancer, sans distinction d’organe mais aussi à le diagnostiquer et à le traiter au plus tôt. Deux femmes nomment directement le cancer du col de l’utérus comme organe cible : « C’est se sauvegarder d’un cancer tout simplement. C’est tuer le cancer avant qu’il arrive. Avec pas grand-chose comme moyen, on grille le cancer », « Dépister un cancer éventuel, voir où ce qu’il en est au niveau de son évolution, le traiter au plus vite », « Le dépistage, ça t’évite pas de l’avoir, mais au moins quand tu l’as, tu sais que tu l’as ». Il servirait à dépister les infections bactériennes ou virales, par amalgame avec le prélèvement vaginal bactériologique. Une femme fait le lien entre le dépistage du cancer et l’infection par l’HPV : « Moi ça m’a aidé à dépister des problèmes de champignons. Une fois j’ai eu une infection, c’était des histoires de piscine, de Tampax », « A déterminer s’il y a justement la… C’est une bactérie ? Le virus qui est responsable du cancer. Voir s’il est présent ou pas ». 27 Il permettrait de tout voir, de tout rechercher, de se rassurer sur son état de santé : « C’est la voie obligée pour être dépistée de toute maladie », « Pour voir s’il n’y a pas d’autres maladies en rapport avec le vagin », « Si tout est ok, on est tranquille jusqu’à la prochaine fois. Efficacité et fiabilité sont deux qualités espérées par les femmes, augmentées par la répétition du test : « Je suppose que c’est fiable », « Ah bah j’espère, oui ! », « Je pense que le fait, le premier frottis, on en refait un, un an après, donc ça sert quand même à être plus sensible et à en dépister d’autres, et le fait de renouveler aussi je pense que ça doit faire. En fait je pense que c’est le schéma plus que l’acte ». En cas de positivité, le frottis entraîne d’autres examens, d’autres consultations : « Si le médecin il dit positif, il faut qu’on fasse, comment dire ? Il faut qu’on fasse l’examen et tout pour voir est-ce que c’est vraiment un cancer, ou quelque chose d’autre », « J’irai la gynécologiste pour traitement ». • Les femmes concernées par le FCU Tout comme le frottis est confondu avec l’examen gynécologique, beaucoup de femmes donnent les mêmes indications aux deux examens. Le FCU concerne donc toutes les femmes. Aucune des femmes interrogées ne donnera le créneau d’âge recommandé par l’HAS, à savoir 25-65 ans chez les femmes ayant déjà eu des rapports sexuels. Plusieurs femmes notent qu’il n’y a pas d’âge pour faire un cancer, et ne donnent donc pas d’intervalle d’âge. Celles qui en donnent un donnent comme intervalle de départ entre 15 et 40 ans, et comme intervalle de fin entre 50 et 70 ans : « Le cancer peut arriver à n’importe quel âge », « Oui je dirais jusqu’à 50 ans, sachant qu’après, bah la muqueuse doit s’assécher, je sais pas, puisqu’il y a un déficit hormonal », « Même à 65 ans on a un utérus. Mais c’est vrai que je pense que les femmes, à partir d’un certain âge, les femmes oublient. Ca les intéresse plus ». Comme pour l’examen gynécologique, les limites à la pratique du FCU serait fonction du stade de la vie : les règles, les premiers rapports sexuels, ou le mariage, la ménopause. Les éléments nouveaux qui apparaissent sont l’arrivée des enfants pour débuter les FCU, et la pratique du frottis chez les jeunes femmes vierges ; l’arrêt du frottis lorsque l’on n’a plus (ou peu) de rapports sexuels : « Moi je considèrerais que oui, même si elles ont pas eu de 28 rapports », « Depuis que j’ai eu mes enfants, après plus tard j’ai commencé à faire le frottis », « Mais je pense qu’après y a un moment où les femmes ont plus du tout… N’y vont plus d’elles-mêmes. Elles laissent tomber le gynéco. Parce que bah ! Elles sont moins actives sexuellement et la gynécologie, enfin dans notre tête hein, est liée à l’activité sexuelle. Ça, je suis la première à le reconnaitre, c’est pas vrai, mais ça reste dans nos têtes ». Comme pour l’examen gynécologique, la pratique du FCU après la ménopause divise les femmes et suscite chez elles des interrogations : « Est-ce qu’ils prescrivent encore après la ménopause des frottis, je sais pas ? », « Pour moi jusqu’à la ménopause ça devrait être un suivi obligatoire, et après c’est plus la peine », « Au-delà de la ménopause, hein. Parce que cela n’a pas à voir avec les règles, ça. C’est le long de la vie en fait. Ça n’a pas de relation avec la fréquence ou la présence ou non présence de rapports, s’il [le cancer] est dormant ». • La fréquence idéale du FCU La fréquence idéale du FCV varie, selon les femmes, de quelques mois à deux-trois ans. Cet intervalle est connu grâce aux médias, et aux médecins : « Aucune idée, mais on va dire tous les ans ? Tous les ans, personne ne le ferait, donc peut-être tous les 2 ou 3 ans », « Comme j’ai entendu à la télé, et le médecin qui me disait de faire une fois par trois ans ». Il peut être modulé en fonction de la situation personnelle de la patiente, comme par exemple lors des premiers frottis chez les jeunes femmes, ou encore en l’absence d’activité sexuelle : « Je pense que le premier, tu le fais assez rapidement, et qu’après je sais pas, faut le faire tous les deux ans si le premier était normal », « Eventuellement tous les cinq ans si t’as pas d’activité sexuelle particulière ». La combinaison du frottis avec d’autres soins conditionne sa fréquence : l’examen gynécologique dont il est indissociable, le mode de contraception, la mammographie chez la femme mûre : « Ça va ensemble, quand on fait le frottis, on fait l’examen gynécologique en même temps », « En général je le revois tous les cinq ans pour changer mon stérilet, donc on en profite à ce moment-là pour faire le frottis », « Je pense tous les deux-trois ans ? Un peu comme la mammographie ; ça devrait aller ensemble ». • Le déroulement de l’examen Tout débute par une prise de RDV, avec un médecin, qu’il soit gynécologue, généraliste, ou autre, en ville ou à l’hôpital, ou encore en centre de Protection Maternelle et Infantile (PMI) : 29 « Fait par un gynécologue, ou un médecin généraliste… Enfin chaque médecin je pense. S’il a envie, s’il a le matériel ». On peut aussi le faire au laboratoire, avec l’ordonnance d’un médecin. L’inconvénient du frottis en laboratoire est justement la nécessité d’ordonnance et donc de consultation préalable : « Il m’envoyait au laboratoire. J’allais faire mon frottis, et puis voilà c’était réglé », « Obligatoirement il faut l’ordonnance. C’est un peu dommage parce que c’est vrai que des fois on n’a pas le temps d’aller ». Comme pour l’examen gynécologique, plusieurs femmes ont appris à l’occasion du recrutement pour ce travail que le médecin traitant était habilité à pratiquer le frottis. Certaines y sont réticentes, d’autres l’accueillent avec optimisme : « Jusqu’à présent pour moi il y avait que les gynécologues qui faisaient ça, et c’est la première fois que j’apprends que les médecins généralistes peuvent le faire », « Je ne le ferais pas moi, avec un médecin généraliste », « chez le médecin traitant, on pourrait peut-être plus avoir de- enfin voilà, que ça s’inscrive plus dans l’acte routinier que dans le spécialiste. Non, parce que je pense que s’il n’y a pas de problème, je pense que le médecin traitant doit pouvoir le faire correctement ». Pour ce qui est de la PMI, une femme émet des réserves : « Au centre de dépistage familial… Mais honnêtement j’oserais pas y aller. C’est peut-être du snobisme ». Les femmes elles-mêmes sont majoritairement à l’initiative de l’examen ; parfois c’est le professionnel de santé qui le demande : « Je dis ‘je viens pour le frottis’, donc voilà, on ne m’a jamais refusé, faut dire j’y vais pas souvent ! », « Le gynécologue prescrit », « C’est pas moi qui l’a demandé, c’est la sage-femme ». Certaines consultations ne seraient dédiées qu’à cela, tout comme le frottis peut être systématique lors de chaque consultation gynécologique : « On va voir le gynéco pour ça, je dirais exprès, plus pour ça », « Comme moi j’y allais pas très souvent, c’est sûr qu’à chaque fois on me le faisait ». Le prélèvement du frottis est bien connu des femmes l’ayant déjà subi, bien qu’elles ne puissent pas le voir directement : « On va sur la table, on met- j’appelle ça le revolver, mais c’est un spéculum, voilà, on prélève avec un- pas un coton tige, m’enfin un bâtonnet, on met au centre d’une lamelle de verre », « Elle a prélevé quelque chose je pense, à l’intérieur », « J’ai rien vu », « J’ai quasiment rien senti ». 30 Le frottis leur est parfois remis pour qu’elles l’envoient au laboratoire d’analyse, parfois le médecin s’en charge lui-même: « Après on nous le donne, et on l’envoie par la poste ». Vient ensuite le paiement et la réception des résultats : « Il dit ‘vous le prenez, vous l’envoyez par la poste, vous recevrez la facture, et je recevrai les résultats’ ». • Le cout de l’examen Selon les femmes, le prix du frottis cervico-vaginal va de 25€ à 200€. Pour bien des femmes, le prix du frottis en anatomopathologie et le prix de la consultation chez le médecin qui le prélève ne fait qu’un ; très peu font la distinction entre le prix du prélèvement et le prix de l’analyse : « Ça doit être compris dans la consultation », « Je crois que le frottis est pris en charge dans la consultation du gynéco, et après c’est l’analyse qui est payante par le laboratoire d’anapath ». Certaines femmes ne savent pas le prix que cela coûte, ou ne s’en rappellent plus : « Aucune idée », « Bah alors là je sais plus combien ça coutait à l’époque ». La prise en charge des frais médicaux par la sécurité sociale et la mutuelle ont un impact considérable sur le ressenti du coût de l’examen. Nombreuses femmes n’y prêtent ainsi pas attention ou trouvent le prix abordable : « C’est une question de sécurité sociale. Après le remboursement, c’est autre chose », « Je ne me rends pas compte en fait avec la mutuelle », « Ça m’avait pas paru excessif en fait ». Pour d’autres, la facture est trop élevée malgré ces prises en charge, surtout pour les femmes n’ayant pas de mutuelle : « Ouais, ça coute cher ! C’est vrai que c’était pas beaucoup, mais en plus j’étais au chômage, donc j’avais trouvé ça un peu… », « Entre la consultation plus le frottis, ça fait 90€. Et 90€, par les temps qui courent, ben c’est quatre jours de nourriture. Et puis on est comme tout le monde. On n’a pas des salaires mirobolants, et c’est vrai qu’il y a des choses sur lesquelles on coupe. Le gynéco, le dentiste. J’ai une mutuelle obligatoire. Ils remboursent bien, c’est pas le problème, mais c’est le fait de devoir avancer. Bah on a tout simplement pas l’argent sur le compte, c’est tout », « Quand je vois les prix, je dis ‘c’est hallucinant’ », « Il y a un dépassement d’honoraires, mais je pense que ceux qui ont pas de mutuelle qui prend en charge les honoraires, ça doit être un frein à se faire examiner ». Quelques femmes déclarent ne pas se soucier du prix que coûte un frottis, grâce à des revenus suffisants ou par l’importance que revêt la santé : « Même si je l’ai à ma charge, j’ai 31 l’avantage d’avoir les moyens, donc ça m’est égal », « C’est pas une question de prix », « Surtout pour la santé, c’est le plus important, c’est la santé ; non pour ça je regarde pas ». • Le ressenti qu’ont les femmes de l’examen Les sentiments négatifs vis-à-vis du frottis sont nombreux, et responsables d’un sentiment de rejet. On retrouve certaines critiques faites à l’examen gynécologique comme la gêne liée à la nudité et la douleur. Cette dernière peut se prolonger après l’examen : « Cet examen j’aime pas », « J’ai eu le frottis, là j’ai dégusté, j’ai eu mal et je pense que je ne sais pas si c’est tous les frottis comme ça, mais j’ai eu super mal », « Il m’est arrivé- j’ai plus jamais recommencéaprès qu’il m’ait fait un frottis, d’avoir un rapport sexuel avec mon mari et ça m’a brulé. Alors je sais pas où il a été faire son frottis, j’ai pas été regarder, ça c’est le cas de le dire. Alors est-ce que c’était le spéculum qui m’avait irritée, j’en sais rien ». C’est un examen désagréable, inhabituel et surprenant : « Le frottis c’est pas agréable du tout. C’est très désagréable… Bah vous connaissez ! On a l’impression d’avoir des contractions, enfin je sais pas, c’est… », « J’ai trouvé ça bizarre avec le coton tige », « C’était pas insurmontable, mais c’est surprenant en fait ». C’est un examen dont on est pressé qu’il se termine : « On a qu’une hâte, c’est qu’il ait fini son tournicotis ! ». Le frottis n’est pas un examen extrêmement urgent, ce qui le rend inintéressant : « Je me suis dit ah oui, mais ça n’a pas l’air extrêmement urgent, donc voilà ». Les sentiments négatifs s’étendent aux résultats. Leur attente est source d’inquiétude, qui n’est pas apaisée par leur lecture car ils sont incompréhensibles même lorsqu’ils sont normaux. Lorsqu’ils sont anormaux, ils ne sont pas plus clairs : « J’ai rien compris aux résultats ! », « Ça restait nébuleux ; je savais qu’il y avait peut-être des cellules précancéreuses, et qu’il fallait absolument les enlever, mais la gravité, comment je les avais attrapées, tout ça, j’en sais rien », Des résultats anormaux peuvent engendrer un sentiment de honte : « J’avais plus honte en fait, parce que c’est au début ou j’ai connu mon ami, et bon il faut dire qu’il était pas spécialement au courant des problèmes de filles, et j’ai eu justement peur qu’il le considère comme une MST ou comme… Ça m’a vraiment gênée vis-à-vis de lui ». 32 Il existe tout de même des sentiments positifs vis-à-vis du frottis. C’est un examen utile, nécessaire, et comme pour l’examen gynécologique la consultation qui l’entoure est l’occasion de rencontrer le médecin, avec qui l’on entretient une relation spéciale : « C’est parce que c’est important, surtout pour nous, pour notre santé, hein ! On sait pas ce qui peut arriver, hein, il faut se protéger… Prévenir avant », « je sais qu’il est indispensable », « C’est important pour moi, parce que j’aime bien avoir un contact, pouvoir tout dire à mon docteur ». Pour certaines femmes, la réalisation du frottis n’est pas forcément douloureux et les sentiments négatifs peuvent être relativisés: « Ça a toujours été fait avec douceur, ça c’est toujours bien passé », « C’est vrai que c’est pas compliqué comme examen », « Alors qu’en fait ça doit pas être bien méchant ». Comme pour l’examen gynécologique, le ressenti de l’examen n’est pas le même à chaque fois, et est influencé par le médecin qui le pratique : « Il y a des médecins un peu plus doux que d’autres. Il y en a qui picotent un peu, et d’autres qui picotent pas ». • La situation personnelle des femmes vis-à-vis de l’examen Sur les 18 femmes interrogées, dix ont fait leur dernier frottis entre 3 et 5 ans auparavant, deux entre 6 et 10 ans, et deux autres il y a plus de 10 ans. Trois n’en ont jamais eu, et une n’est pas sure d’en avoir jamais eu un, car c’était peut-être un prélèvement vaginal à visée bactériologique. En effet, les deux examens sont très facilement confondus, en particulier lors de la grossesse où cet examen est réalisé à la recherche de streptocoque B : « Je sais pas, je crois, peut-être juste avant l’accouchement de ma fille, le dernier rdv avec la sage-femme ; elle m’a demandé à ce que j’ai fait l’examen de cet- examen. J’ai dit non, après elle m’a dit d’aller au laboratoire ». Les résultats de ces frottis étaient suspects pour trois femmes, et normaux pour les onze autres femmes : « J’avais des cellules suspectes. J’ai eu un traitement, enfin comment on dit, une biopsie, puis une recherche, et puis après ma gynécologue elle m’a soignée. Elle m’a cautérisé les cellules un peu suspectes. Après j’ai refait des contrôles, et après tout était OK », « Jusqu’à maintenant mes frottis ils ont jamais rien donné ». 33 Quelques femmes se sont senties obligées de faire leur frottis, par obligation morale ou contextuelle, imposée par le médecin lors d’une grossesse ou autre : « J’aime bien faire les examens correctement », « C’était obligatoire pour l’avortement », « Alors moi j’ai accepté le frottis, parce que c’était obligatoire sur la fin de grossesse, parce que c’était encore et toujours pour protéger l’enfant ». Cette obligation morale de se faire dépister, de se soigner correctement est transmise de mère en fille même lorsque la mère elle-même ne l’observe pas : « Le coup du frottis en retard, ma mère elle le sait pas par exemple, sinon elle m’aurait engueulée [40 ans]», « J’harcèle plus mes filles par rapport à ça, j’exige qu’elles se fassent plus suivre, que je ne me fais suivre moi. Je lui ai dit ‘ça tu devrais pas attendre’, voilà. Donc je lui dis à elle, mais je le dis pas à moi ». Certaines femmes ont été depuis incitées par leur médecin à faire l’examen, sans pour autant y avoir donné suite : « Enfin il y a un an. Enfin c’est vrai qu’il m’a dit comme ça, cash dans l’entretien, ‘il faudrait aller faire un frottis parce que ça fait un petit peu longtemps, etc.’. Je lui ai dit ‘ah oui ‘, mais je n’y avais plus du tout repensé après. Et donc c’est peut-être pour ça, ça venait comme un cheveu sur la soupe », « C’est le médecin qui remet souvent ça sur le tapis ; oui régulièrement, oui. Il se fait envoyer bouler, bon ! C’est pas grave », « Plusieurs fois mon médecin généraliste… Chaque fois j’ai eu que je lui ai demandé pour la pilule. Ça fait deux fois il me propose de faire le- comment dire, c’est un frottis c’est ça ? Mais à chaque fois je dis peut-être la prochaine fois ». • Les raisons invoquées pour expliquer le retard au dépistage Certaines femmes s’interrogent : « Comment ça se fait, c’est vrai, pourquoi je l’ai pas fait ? ». Il y a les problèmes liés au préleveur, lorsque les femmes n’ont pas trouvé la personne adéquate pour prélever le frottis en qui elles auraient confiance, ou quand le médecin habituel ne convient pas pour le suivi gynécologique : « Je pourrais aller au laboratoire le faire, mais bon c’est un peu délicat », « J’avais pas de gynécologue, j’avais déménagé. Pis du jour au lendemain plus rien, j’avais comme une cassure. Je pouvais plus me confier. C’était super dur pour moi de trouver un autre médecin », « Je sais pas où aller voir, qui voir, qui consulter. Je veux pas tomber sur un charlatan », « Je pense pas le faire [chez mon médecin traitant] parce que c’est un monsieur, ça me dérange beaucoup ! ». 34 Comme pour l’examen gynécologique, les délais de RDV trop longs démotivent les femmes dont la décision de faire le frottis est impulsive : « J’avais pris RDV, très longtemps à l’avance, puis j’ai annulé ; elle voulait me redonner un autre rdv trois mois après, j’ai fait ‘non laisse tomber, c’est pas grave’. Voilà. On est déjà pas très motivé à faire ce genre de geste, si en plus les petits trucs comme ça, enfin… J’ai laissé tomber. Le délai est long, c’est pas un geste facile, et quand on fait la démarche une fois, et qu’après les choses de la vie font que prendre un rendez-vous trois mois à l’avance, bah c’est pas toujours facile ». Plusieurs reproches sont faits aux médecins qui influent sur la participation au dépistage. Ils n’insistent parfois pas assez à proposer le frottis, ne délivrent pas d’informations claires et compréhensibles sur l’examen ni sur ses résultats. Quand les femmes prennent RDV pour faire l’examen, il y a chez eux trop de retard en salle d’attente, et leurs examens sont rapides et expéditifs : « C’est signe qu’il n’y avait pas d’injonction du médecin. Mon médecin m’a pas dit ‘il faut absolument le faire’ », « Il y a d’autres trucs qui m’avaient pas tellement plu chez les gynécos que j’avais vus. J’ai jamais vraiment eu d’explications ; elle m’a dit ‘on a fait une analyse, voilà c’est bon’, et puis basta, je suis repartie chez moi. Enfin voilà, ça m’a passablement énervée, c’est curieux j’aime comprendre, même si c’est des mots médicaux, des termes auxquels j’ai pas accès, euh j’aime qu’on m’explique en fait, c’est surtout ça qui m’a énervée en fait », « Donc j’attends des heures pas possibles, enfin ça m’énerve un peu, c’est vrai », « C’est expédié ». Quelques femmes ont expliqué éviter sciemment les médecins par ras-le-bol des examens médicaux après une période de suivi intense : « Quand on a eu une grossesse hyper suivie, hyper médicalisée comme la mienne, où j’avais quand même un toucher vaginal toutes les deux semaines, quand on sort de là et qu’on fait le compte du nombre de semaines… Plus tout l’hôpital qui était au courant de mes fesses, de ma foune… Je ne voulais plus qu’on me touche. C’était foutez moi la paix », « Ça fait partie du côté ‘j’en ai marre, et j’arrête de le faire’, lassitude, enfin bon… Donc je suis en rébellion ! J’y vais plus (rires). Je me dis ‘voilà j’en ai marre’, c’est pas parce que je vais y aller tous les ans que ça va changer quelque chose en fait ». Certaines femmes ne trouvent pas le temps pour réaliser le frottis, car leur vie personnelle ou professionnelle est chargée, ou parce qu’elles ont autre chose à faire de plus important, de 35 prioritaire. A cela s’ajoute l’oubli, la remise à plus tard : « La multitude des examens, ça devient un peu fastidieux, et pénible quoi. C’est gérer en permanence des RDV, caler ça avec ses RDV professionnels. Quand je dois prendre RDV, c’est en fin de journée, c’est en général le moment de la journée le plus chargé », « J’ai toujours mieux à faire », « Parce que j’ai jamais le temps de m’occuper de moi. Ça passe après les enfants », « J’étais prise un peu dans autre chose. C’est pas que j’y ai pas pensé, tu trouves pas le temps, alors que tu es une des premières à savoir qu’il faut le faire », « Je pense, après j’oublie », « On renvoie tout le temps, on se dit tiens, je prends rendez-vous la semaine prochaine et puis après la semaine devient un mois, et puis le mois ça devient deux mois et puis un an, et puis zut j’ai toujours pas pris rendez-vous ». Les freins inhérents au caractère douloureux de la réalisation du frottis sont sensiblement les mêmes que pour l’examen gynécologique et en font une épreuve à surmonter. Il y a ensuite une appréhension à attendre les résultats : « C’est une question de trouver le courage d’y aller. Parce que c’est un examen embêtant qu’on n’a pas envie de faire. Il faut vraiment prendre la décision, quoi », « Toujours j’ai dit, au cas où j’ai cette maladie, comment je vais réagirer ? J’ai peur pour le- [résultat] ». Certains freins sont inhérents aux femmes elles-mêmes. La pratique du français pour les femmes d’origine étrangère pose problème, ou encore les problèmes financiers quelle que soit la couverture sociale. Chez certaine femmes, c’est l’éducation religieuse qui associe gynécologie et tabou : « La langue française, c’est difficile, c’est pour ça, moi… Non en fait, mon mari il a pas le temps aussi, il travaille tous les jours. Après moi aussi ne parle pas bien français, moi connais rien personne. C’est pour ça, moi j’ai pas osé. C’est un peu compliqué, parce que les mots, quelque chose, je comprends pas », « Bah oui, économiquement on peut plus se le permettre. C’est une dépense excessive, c’est… Je dis pas que le tarif de leur consultation est excessive, mais par rapport à ce que nous on gagne, c’est excessif », « Mais je pense attendre un petit peu, parce que pas avoir de Carte Vitale… Oui, je suis contente quand j’ai la Carte Vitale. Vite fait aller vous voir », « Je dirais plus que c’est par rapport à mon éducation, comme je suis issue d’une famille musulmane, et que c’est un petit peu tabou. Dans ma famille en fait, ma mère elle nous a jamais parlé de ça, ni des règles, ni de quoi que ce soit. C’est venu comme ça quoi ». 36 On retrouve dans les propos de certaines femmes une tendance à la paresse, à l’incurie, un manque de préoccupation par rapport aux soins pour soi-même qui peut succéder à une période de suivi normal : « J’avais pas envie, quoi », « J’ai eu la flemme et je l’ai pas fait », « J’aime pas trop aller chez le médecin. C’est plutôt ma façon de vivre aussi », « A partir du moment où j’ai plus eu ni moyen de contraception, ni ce traitement, bah comme je cours pas après ce genre d’examens, j’ai fait… J’ai fait celle qui veut pas voir ». Cela va de pair avec un grand manque de motivation à réaliser le frottis, que les femmes reconnaissent l’utilité de l’examen ou non: « Moi mon problème c’est la motivation, parce que je sais qu’il faut le faire, c’est hyper important, je sais, mais après pff, faut y aller, quoi », « Pour moi c’est pas un examen essentiel. C’est probablement un tort, hein ! Il faut prioriser dans la vie, et là on est bien obligé de le faire. Et là on rentre bah, quasiment dans le superflu ou dans le luxe. Donc là j’ai plus le luxe de faire faire mon frottis », « Je n’ai vraiment pas l’impression que c’est quelque chose de super, super important ». Comme pour les autres dépistages, les femmes ne ressentent pas le besoin de réaliser cet examen, parce qu’elles ne se sentent pas concernées par le cancer, ou encore parce qu’elles sont ménopausées ou sexuellement inactives. L’impression de bonne santé vient consolider ce manque de motivation, tout comme l’absence de cas dans l’entourage : « C’est que je sens pas le besoin d’en refaire un », « J’ai une conception de l’appareil reproductif ; c’est une machine qui fonctionne pendant un temps T, et après elle fonctionne plus, et on s’en préoccupe plus. Je suis plus embêtée avec les règles, je suis plus- c’est très confortable, et du coup je m’en préoccupe plus », « Je me dis peut-être parce que j’ai en bonne santé, j’attrape pas cette maladie, c’est pas la peine de faire cet examen », « Parce que j’ai pas dans ma proche, ma proche famille ou mes amis quelqu’un qui a un problème de col de l’utérus, donc ça m’incite pas à y aller ». C’est un examen qui n’est pas impératif et qui peut donc être remis à plus tard sans risque : « Et donc comme ça avait pas l’air hyper urgent, que personne n’avait l’air hyper inquiet, je me suis dit ‘bon bah voilà, ça peut attendre’. Ça n’a pas l’air extrêmement urgent ». De faux prétextes sont trouvés par les femmes pour palier à ce manque de motivation : « Oui, c’est une excuse encore une fois… non mais là je vais appeler, c’est sûr ! Bon évidemment il neige. Ca va encore me ralentir un petit peu, je vais appeler une fois qu’il y aura plus de neige », « En fait si, à un moment j’ai vraiment pensé y aller. Et puis ce qui m’a freiné, c’est que je n’étais pas épilée (rires). Et puis finalement après je n’y ai plus pensé et, euh après j’ai oublié et après voilà ». 37 Enfin, certaines femmes d’origine étrangère disent ne pas pratiquer le frottis car elles ne connaissent pas l’existence de l’examen : « Je ne sais pas à quoi ça sert, je sais pas. Mais maintenant je sais, à la prochain rdv, je vais le dire » • Le DO du cancer du col de l’utérus dans le Val de Marne Le programme de DO est mal connu des femmes, et méconnu d’une large majorité de femmes, contrairement au DO du cancer du sein. Il est accueilli favorablement : « J’en ai entendu vaguement parler il y a pas longtemps », « Je trouve ça vachement bien si ça existe vraiment ». Cependant des critiques sont émises sur le coût du DO, sur le temps que cela prend de participer à toutes les campagnes de DO. Les femmes font preuve d’une certaine méfiance vis-à-vis des programmes de soins organisés : « Ils sont gentils de nous inciter à faire les choses, mais qu’est-ce qu’ils font pour nous inciter, quand on peut pas les payer ? », « Moi je pense qu’on devrait faire à partir d’un certain âge, carrément des check-ups, parce que par contre, pour le coup, la multitude des examens, ça devient un peu fastidieux et pénible quoiJe pense que ça aussi, ça serait plus efficace », « Je voyais ça un peu comme le vaccin de la grippe A, où tout le monde était traité à la chaîne. Non, j’ai pas réagi négativement, mais ça m’a pas intéressée plus que ça ». Le courrier d’invitation à réaliser le frottis n’a pas fait d’émules. Cinq femmes au total se rappellent l’avoir reçu ; les autres ne se rappellent pas l’avoir reçu. Il a permis à une femme de se renseigner sur l’examen : « Non… par la poste ? Pour le frottis, j’ai rien reçu », « J’ai lu, j’ai appris qu’on pouvait le faire chez le médecin de famille, ce que je savais pas du tout ». Les réactions à la réception du courrier ont été selon les femmes, l’envie de faire l’examen, la culpabilité, le mépris : « Je fais tout de suite. Après, j’ai oublié », « J’ai reçu un rappel de la sécu comme quoi j’étais une très mauvaise femme, je n’avais pas été… », « Oui, je l’ai reçu et je crois qu’il a fait ouverture-poubelle, classement vertical ! Je me souviens avoir lu le machin… J’avais pas envie quoi », « il y avait une espèce de dépliant, je ne sais pas quoi dedans. Je l’ai rangé, mais ça fait un bout de temps déjà... Puis la pile, je l’ai enlevée du buffet ». 38 DISCUSSION 1. Principaux résultats et implications majeures Ce travail a permis d’explorer les représentations à propos de l’examen gynécologique et du FCU de femmes ciblées par le dépistage du cancer du col mais ne l’ayant pas réalisé depuis plus de 3 ans. L’analyse des verbatim a permis de faire émerger de nombreux freins à la réalisation de cet examen. Les premiers freins sont liés à la perception du cancer, aux attitudes fatalistes face à cette maladie, et au scepticisme qui entoure les moyens de prévention. D’autres freins sont inhérents au frottis et à l’examen gynécologique qu’il peut nécessiter, comme le ressenti douloureux de ce prélèvement invasif, l’embarras lié aux conditions d’examen. Une partie de ces freins est examinateur-dépendant. Certains freins sont liés aux femmes elles-mêmes, comme le manque de moyens financiers, le manque de temps et la procrastination, le manque de motivation à s’occuper de leur col utérin, la barrière linguistique des patientes d’origine étrangère. Le principal frein retrouvé à la pratique du FCU est une méconnaissance globale, à la fois du col de l’utérus, de ses pathologies, de son cancer, des indications de l’examen qui permet de le prévenir et des différentes modalités de réalisation. 2. Forces et limites du travail 2.1. Forces du travail Les représentations qu’ont les femmes de l’examen gynécologique et du FCU est un thème peu abordé jusqu’à présent dans la littérature française, et les différents travaux qui ont été réalisés portaient sur les femmes à jour de l’examen [7, 24], ou chez les femmes en situation précaire, quel que soit leur statut vis-à-vis du frottis [50]. Ce travail est innovant car il a été réalisé auprès des femmes, toutes non à jour de l’examen, quelle que soit leur classe sociale, leur niveau d'éducation, leur origine ethnique. L’entretien semi-directif est une méthode d’investigation qui permet de recueillir des informations qualitatives [9, 20] ; cette technique était donc particulièrement adaptée au recueil des données comme le ressenti de l’examen gynécologique et du frottis. Ce type d’entretien se fait généralement sur de petits échantillons de personnes, ce qui a été le cas ici, en recherchant la saturation des données, qui a bien été obtenue dans cette étude, après 39 16 entretiens, les deux derniers entretiens ayant été réalisés comme marge de sécurité pour s’assurer de cette saturation [30, 9, 20]. La démarche qualitative des entretiens semi-directifs n’impose pas que l’échantillon de personnes soit représentatif de la population concernée ; les femmes ont tout de même été recrutées sur des sites aussi divers que possible afin d’obtenir un échantillon le plus diversifié possible en cherchant à obtenir des données très variées [30]. 2.2. Limites du travail Le principal frein à la réalisation des entretiens a été la difficulté de recruter les femmes concernées, surtout celles n’ayant aucun suivi médical. En recrutement direct, je me suis aperçue que de nombreuses femmes pensaient que le délai entre deux frottis est de 1 an et se disaient donc en retard dans la réalisation de leur examen, alors que la grande majorité d’entre elles étaient à jour. Très peu de femmes que j’ai pu rencontrer étaient réellement en retard. Afin de rencontrer des femmes n’ayant pas ou peu de suivi médical, je me suis tournée vers le recrutement indirect. J’ai alors fais face à d’autres problématiques qui ont freiné l’avancement des travaux. La première difficulté a été de trouver des informateurs-relais volontaires qui aient la possibilité de m’aider à recruter des femmes. J’ai contacté de nombreux centres sociaux, PMI, Espaces Départementaux des Solidarités, mais me suis souvent heurtée à des refus, motivés par le caractère intime du sujet, trop difficile à aborder avec les femmes se rendant dans ces établissements, ainsi que l’absence de caractère « officiel » de mon enquête. Enfin, le dernier frein à la réalisation des entretiens a été le refus des femmes de me rencontrer. Trois femmes ont décliné ma proposition d’entretien en recrutement direct. En recrutement indirect, le taux de refus était beaucoup plus important : sur les huit entretiens initialement prévus au centre social Balzac, seulement deux ont effectivement eu lieu, les six autres femmes ne venant pas au RDV ou alors refusant de me rencontrer une fois en face de moi. J’ai imputé ces difficultés au fait que ma thèse porte sur un sujet très intime que l’on peut avoir du mal à dévoiler, encore plus face à une étrangère (pour les femmes que je ne connaissais pas). J’ai eu l’occasion de remarquer, lors de mes différents déplacements au centre social Balzac, l’influence du regard des autres femmes sur celles que je devais rencontrer, et qui a possiblement poussé certaines d’entre-elles à refuser de me voir par peur de commérage et du jugement de leurs camarades. 40 Bien qu’une étude qualitative ne nécessite pas que l’échantillon de personnes soit représentatif d’une population donnée, j’ai essayé de recruter des femmes venant d’horizons, de classes socio-économiques et d’origine ethnique diverses, en multipliant les modes et les lieux de recrutement. Malgré cela, certaines catégories de femmes sont mal représentées dans l’échantillon, comme les femmes en situation précaire, justement moins bien couvertes par le FCU, ou encore les femmes originaires d’Afrique noire. Comme expliqué plus haut, cela vient de la grande difficulté que j’ai eue à rentrer en contact avec cette catégorie de femmes. Une analyse croisée permet de présenter les arguments principaux du chercheur pour les discuter et les confronter à ceux d’un autre chercheur. Il n’y a pas eu de lecture croisée de ma grille d’analyse. Celle-ci aurait pu permettre d’affiner l’analyse thématique. 3. Comparaison des résultats avec les données de la littérature 3.1. Le thème du cancer L’étude Britannique de Abdullahi A. et al [1] relate l’attitude fataliste vis-à-vis du cancer des femmes Somaliennes. L’étude Américaine de Behbakht K. et al [5] retrouve des représentations similaires chez les femmes n’ayant jamais pratiqué de frottis, avec la croyance que le cancer est un manque de chance et qu’on n’y peut rien. Dans l’étude Escoyez B. et al [19], le cancer est perçu comme une entité incurable, contre lequel on peut difficilement lutter. Les femmes que j’ai interviewées évoquent le cancer avec ce même fatalisme. Bien que des facteurs favorisants de cancer soient identifiés, le cancer se déclare avec injustice s’il le veut, quand il veut, chez qui il veut, et la mort en est l’aboutissement fréquent. Ce fatalisme est possiblement pour elles une manière de se dédouaner des pratiques préventives et de se dégager de leur responsabilité à avoir un comportement de prévention, car il est inutile d’essayer de combattre ce qui ne peut pas l’être. L’enquête barométrique de l’Institut National du Cancer (INCa) sur les Français face au dépistage [28] fait ressortir plusieurs freins au dépistage. Il y a, entre autres, le ressenti désagréable et douloureux des examens, et l’angoisse générée par la pratique des différents examens de dépistage, freins qui sont aussi retrouvés dans notre travail. 41 L’enquête de l’INCa [28] fait part de la confusion qui est souvent faite entre diagnostic et dépistage, et qui est corrélé à nos résultats. Ainsi nombreuses sont les femmes qui pensent que le dépistage est inutile en l’absence de symptômes, ou que faire le dépistage équivaut à avoir des chances d’avoir le cancer. La posture proactive du médecin généraliste est souligné par l’article Belge de Escoyez B et al [19] comme incitant le plus fort à réaliser le frottis. L’étude Américaine de Mock J. et al [35] retrouve que c’est l’intervention combinée des médias et des professionnels de santé qui a la plus forte influence sur la réalisation du frottis comparé aux médias seuls. L’enquête de l’InCa sur les français face au dépistage [28] note que 80% des femmes qui ont fait un frottis l’ont fait sur l’incitation de leur médecin (toutes spécialités confondues). Ces deux leviers sont retrouvés dans les entretiens de notre enquête. 3.2. Le thème du cancer du col de l’utérus Le col de l’utérus est pour les femmes interviewées un organe mystérieux, méconnu, à l’emplacement flou, aux fonctions obscures, dont l’utilité n’est pas formellement reconnue. L’attitude générale des femmes est un désintérêt global pour l’organe et ses pathologies, d’autant plus marqué que les femmes n’ont plus de désir de grossesse future. Certaines femmes d’origine étrangère rapportent ne connaitre ni l’organe, ni le cancer, ni de moyen de prévention, mais se montrent intéressée d’en savoir plus. Je n’ai pas trouvé d’article de la littérature pour corroborer ou infirmer ces résultats. Pour ce qui est du cancer du col de l’utérus, l’étude de Chande H.M. et al [12] met en évidence une bonne connaissance de l’existence du cancer du col de l’utérus des femmes Tanzaniennes, mais des connaissances approfondies pauvres en ce qui concerne les facteurs de risque et les symptômes. L’étude de Cooper C.P. et al [14] aux Etats-Unis rapporte un manque de connaissances des femmes sur les cancers gynécologiques. Nos résultats corroborent ces données, car si le cancer du col de l’utérus est une maladie dont l’existence est connue, les connaissances approfondies des femmes interrogées sur cette pathologie sont pauvres, que ce soit les facteurs de risque, l’évolution, la prévention, l’association de la maladie à une IST. Il en résulte un manque d’intérêt flagrant pour cette maladie. Le frottis est nommé comme méthode de dépistage et de diagnostic de cancer du col utérin plus que de prévention ; le vaccin n’est pas cité spontanément, et les connaissances des 42 femmes, qui ne sont pas concernées par cette vaccination, sont médiocres. Le travail de thèse du Docteur Mandin [34] sur la perception de la vaccination contre l’HPV chez les adolescentes en classe de 3e retrouvait une bonne connaissance des jeunes filles concernées par cette vaccination. Cela laisse à penser qu’à l’avenir, les femmes concernées par le FCU auront plus de connaissances sur la vaccination contre les HPV. Le manque global de connaissances entourant le col de l’utérus et ses pathologies, les idées fausses sur le sujet peuvent être un frein aux comportements de prévention et à la réalisation du FCU, en induisant chez les femmes un faux sentiment de sécurité vis-à-vis de cette pathologie, et une négligence de cette part de leur intimité. Une piste de levier serait donc d’améliorer le niveau de connaissance des femmes en recherchant les représentations qu’elles ont de leurs organes sexuels et en apportant des corrections si besoin, dans le but d’augmenter leur intérêt pour la prévention. 3.3. Le thème de l’examen gynécologique L’étude de Yanikkerem E. et al [52] sur les attentes des femmes Turques de l’examen gynécologique fait ressortir un ressenti négatif de cet examen : il suscite de l’anxiété du fait de la douleur et de l’anticipation de celle-ci, de l’embarras lié à la nudité, ou encore de la peur de découvrir une maladie. L’étude de Ouj U et al [38] sur le ressenti de l’examen gynécologique des femmes Nigériennes retrouve un embarras lié à l’examen vaginal qui est perçu comme douloureux ou inconfortable. L’étude Larsen et al [31] sur l’expérience des femmes Norvégiennes de l’examen gynécologique relate le côté désagréable de la position gynécologique, qui associé à la nudité et à la connotation sexuelle de l’examen, fait que les femmes se sentent vulnérables. Le ressenti négatif de l’examen gynécologique concernant la douleur, l’inconfort, le caractère gênant et intrusif de l’examen et l’aspect dégradant de la position gynécologique sont très largement repris par les femmes interviewées dans notre étude. L’étude Française de Gambiez-Journard [24] sur l’approche de la vision des femmes sur le suivi gynécologique et les difficultés éprouvées pour le FCU rapporte des facteurs aggravants qui peuvent nuire au ressenti de l’examen : le manque d’empathie du médecin, un examen brutal ou fait avec empressement, termes qui sont également repris par les femmes de notre étude. 43 Deux articles de la littérature divergent en relatant une attitude positive des femmes à l’égard de l’examen gynécologique, que je n’ai personnellement retrouvé que chez une seule patiente : l’étude de Wijma B. et al [51] en Suède, et l’étude de Fiddes P. et al [23] aux EtatsUnis. Ces deux études ciblent toutes les femmes en âge de procréer sans distinction de leur suivi gynécologique, ce qui peut être à l’origine des résultats divergents, les femmes enthousiastes à propos de l’examen étant plus à même d’être à jour dans leur suivi et donc non incluables dans mon étude. L’étude de Cook C. et al [13] en Nouvelle-Zélande retrouve que la compliance des femmes à se plier à l’examen gynécologique est lié à la qualité de l’examinateur. Le genre de l’examinateur, ainsi que ses compétences, influent sur la réalisation de l’examen gynécologique. L’étude de Yanikkerem E. et al [52] stipule également que le genre de l’examinateur influe sur le ressenti de l’examen gynécologique ; la préférence (ou non) du genre en faveur des femmes ou des hommes varie d’une femme à l’autre. Notre travail est venu corroborer ces faits, en faisant ressortir l’influence des facteurs examinateurs-dépendants sur la réalisation de l’examen gynécologique ; non pas en terme de leviers, mais à type de freins, lorsque le genre de l’examinateur ne convient pas, ou par l’absence de compétence en gynécologie (ou l’absence de notion que le médecin généraliste a cette compétence). Les longs délais de RDV chez les gynécologues évoquées par les femmes de ce travail comme frein à l’examen gynécologique sont retrouvés dans la littérature, mais comme frein à la réalisation du frottis seulement, dans l’étude de Gambiez-Journard A. et al [24] en France, ou encore dans l’étude de Sabates R. et al [46] en Grande Bretagne. Trois études relatent les éléments appréciés par les femmes lors de l’examen gynécologique, qui peuvent en faciliter l’acceptation. Ils découlent naturellement des aspects négatifs de l’examen. Outre les facteurs liés au genre et à la compétence du médecin déjà abordés plus haut, l’étude de Cook C. et al [13] rapporte que l’attention que peut porter le médecin au confort (ou à l’inconfort) de sa patiente lors de l’examen, et aux rapports de force qu’engendre l’examen et sa position si particulière est un élément facilitateur pour la pratique de l’examen. L’étude de Larsen M. et al [31] relate que la confiance entre le médecin et sa patiente est un élément important, comme l’absence de prise de contrôle du médecin sur le corps de la femme, ou la communication orale entre les deux protagonistes pendant l’examen. L’étude de Yanikkeren M. et al [52] donne des résultats avoisinants. Dans cette étude, les 44 points négatifs de l’examen cités plus haut sont d’autant mieux supportés que les patientes se sentent écoutées, traitées avec respect et délicatesse, que le médecin les informe de l’examen et de ce qu’il a pu révéler. Les femmes que j’ai interviewées ont fait part de facteurs qu’elles recherchent lors d’un examen gynécologique, qui reprennent les points cités dans ces trois études, et qui vont de pair avec les points négatifs cités plus haut : un médecin à l’écoute, qui prend son temps et qui fait participer la femme à son propre examen en lui parlant et en lui expliquant ce qu’il fait au fur et à mesure de l’examen. Enfin, le ressenti d’une nécessité biologique à subir l’examen gynécologique est un facteur déterminant de son acceptabilité, comme le précisent l’étude de Larsen M. et al [31] et l’étude de Ouj U. et al [38]. Mon étude fait ressortir des résultats similaires ; les femmes rapportant que l’examen gynécologique est d’autant mieux toléré qu’elles ressentent la nécessité d’être examinée, lors de symptômes par exemple. Tous les freins à la réalisation de l’examen gynécologique en soi peuvent être un frein à la réalisation du FCU qui passe nécessairement par cette étape. En plus des compétences techniques, des efforts devraient être faits par les médecins (généralistes entre autres) pour développer des compétences relationnelles et humaines nécessaires à une meilleure tolérance de l’examen gynécologique. Une information plus large devrait être faite pour informer les femmes de sa possible réalisation par le généraliste qui offre des délais de consultation moins longs que ses collègues spécialistes. 3.4. Le thème du FCU L’enquête barométrique de l’INCa en 2009 [28] relate que 65% des femmes connaissent le FCU comme modalité de dépistage du cancer du col utérin, ce qui laisse penser que 35% des femmes de le connaissent pas. En effet, quelques femmes de l’échantillon de notre enquête ne connaissent pas du tout cet examen, toutes sauf une étant d’origine étrangère. On peut penser qu’elles ne le connaissent pas du tout par manque ou absence de moyens de prévention dans leur pays d’origine, ou par méconnaissance du mot français « frottis », les femmes connaissant peut-être son équivalent dans leur langue maternelle. Pour les nombreuses femmes qui connaissent effectivement l’existence de cet examen, leurs connaissances à son sujet sont approximatives, comme en témoignent les nombreux « je sais pas » réunis par mes questions. 45 L’enquête de l’INCa [28] retrouve des connaissances insuffisantes des femmes sur le frottis. L’examen est méconnu, tant sur les femmes concernées que sur la fréquence auquel il doit être réalisé. L’examen est jugé nécessaire en cas de symptômes, témoin d’une confusion diagnostique-dépistage. Dans l’article de Gambiez-Journard et al [24], les connaissances des femmes sur le rôle et les enjeux de l’examen sont floues, la période et le rythme recommandés sont mal connus, la fin de la vie sexuelle ou la ménopause marquant la fin du suivi gynécologique. La confusion entre diagnostique et dépistage est là-aussi retrouvée, car l’examen est jugé nécessaire en cas de symptômes. Pour l’étude de Bernard E. et al [7], les modalités de dépistage sont globalement méconnues. Nos résultats viennent renforcer ces données, car pour les femmes interviewées le FCU est tout aussi mal connu que le col de l’utérus et son cancer. Les lacunes concernent les indications de l’examen, les femmes concernées par celui-ci, son utilité (rechercher des cancers, une infection, une IST ? et de quel organe ?). L’examen est souvent jugé nécessaire s’il y a déjà des symptômes, témoin d’une possible incompréhension du concept même de dépistage. Tout cela peut expliquer que le frottis soit régulièrement confondu avec le prélèvement vaginal ou amalgamé avec l’examen gynécologique dont il peut faire partie. Les femmes connaissent mal les alternatives au gynécologue pour prélever le frottis, et notamment la compétence du médecin généraliste dans ce domaine, ce que retrouve parallèlement le travail de thèse du Dr X. Turlin [50]. L’intervalle entre deux examens, lui, est mieux connu avec une tendance au sur dépistage, ce qui explique que de nombreuses femmes soient sur dépistées (ou aient déclaré ne pas être à jour lors du recrutement alors qu’elles l’étaient en fait), mais qui n’explique pas le sous-dépistage des femmes. A noter que ce résultat est discordant avec l’étude barométrique de l’INPES de 2005 [29] ou 80% des femmes se déclaraient à jour de leur FCU. Ceci peut être expliqué par des réponses « mensongères » à la question « êtes-vous à jour de votre frottis ? » ou « avez-vous pratiqué un frottis dans les trois dernières années ? », en fonction de la personne qui pose la question (enquêteur ou médecin) et de l’image de soi que l’on veut lui donner. Il ressort donc de mon étude que les femmes manquent de connaissances approfondies sur le cancer du col de l’utérus et sa prévention. La délivrance d’une information claire sur le sujet, par les médecins généralistes pourrait les aider à comprendre les raisons qui font qu’on leur propose l’examen, et à prendre la décision de le faire. 46 L’étude d’Escoyez B. et al [19] fait ressortir une certaine incrédulité face aux moyens de prévention et aux examens de dépistage, à laquelle s’ajoute une attitude fataliste vis-à-vis du cancer qui a déjà été évoquée plus haut. Les femmes se demandent si le frottis est suffisant pour prévenir le cancer, s’il sert réellement à quelque chose. Nos résultats corroborent ce point. On peut penser que la méfiance vis-à-vis de la médecine préventive, les doutes sur son efficacité, conjuguées au sentiment que le cancer ne peut être ni prévenu, ni vaincu donne un cocktail synergique à la non-réalisation du frottis. Ce type de comportement associant opinion négative sur la mammographie et doutes sur son utilité, chez des femmes ayant par ailleurs connaissance des modalités du dépistage, a d’ailleurs été retrouvé chez les femmes ne participant au dépistage du cancer du sein dans l’article de Ferrat E. [21], ce qui laisse penser que le dépistage du cancer du col de l’utérus n’est pas le seul à souffrir de ce type de freins. Encore une fois, c’est la délivrance d’une information approfondie sur les causes du cancer cervical, la possibilité de dépistage et de traitement des états précancéreux par le frottis qui pourrait motiver les femmes à pratiquer leur frottis. La pénibilité de l’examen, son caractère douloureux, désagréable et la gêne liée au caractère intime et invasif de la procédure est évoquée de manière récurrente dans la littérature, en France, dans l’étude de Gambiez-Journard A. et al [24] comme à l’étranger, dans les études Américaines de Hoyo C. et al [27], de Radecki Breitkopf C. [41], Britannique de Armstrong N. et al [4], ou encore Coréenne de Park S. et al [40]. Les critiques portent sur la pudeur voire la honte liée à la nudité et au vieillissement du corps, à la position d’examen, la douleur ou la gêne lors de l’examen, l’idée d’intrusion de l’intimité, la connotation sexuelle de l’examen de la sphère intime, la perte de contrôle de la femme sur son corps… Nos résultats viennent enrichir ce panel de critiques faites au frottis. La pudeur et la douleur semblent être des freins universels à la pratique du frottis. Cela est corrélé avec les freins liés à l’examen gynécologique évoqués plus haut et nous pousse à insister sur l’importance du développement de qualités communicationnelles et relationnelles chez les médecins qui réalisent cet examen. Cette compétence doit être travaillée dès la formation initiale et l’évaluation de la performance du geste technique devrait aussi comporter une évaluation sur la qualité de la communication avant, pendant et après le geste. L’étude de Gambiez-Journard A. et al [24] fait ressortir chez certaines femmes une certaine négligence, un laxisme vis-à-vis du frottis ; cet examen est évoqué comme quelque chose qui 47 passe après tout le reste. L’enquête barométrique de l’InCa [28] fait part d’une insouciance chez les femmes qui les freine à réaliser leur frottis. Ces résultats sont retrouvés dans les entretiens de notre enquête de manière récurrente. Pour la majorité des femmes interrogées, le retard à la réalisation du frottis ne provient pas d’une ignorance de l’existence de l’examen ; celui-ci est sciemment ignoré et/ou reporté. Si l’intérêt de la mammographie est reconnu, le frottis, lui, est perçu comme superflu, non indispensable. C’est un examen qui peut aisément être remis à plus tard, et reporté indéfiniment jusqu’à complètement oublier de le faire. Il passe après tout le reste. Beaucoup de femmes interviewées ne se sentent pas du tout concernées, ni par la pathologie en question, ni par l’examen de dépistage. Cela provient parfois de croyances erronées sur le sujet, du ressenti de faux facteurs protecteurs. Les femmes se sentent en bonne santé, et ne reçoivent pas de signal d’alerte de leur corps les motivant à se préoccuper de leur santé. Elles ne ressentent pas le besoin de pratiquer l’examen. On peut aussi expliquer cela par l’incidence du cancer du col utérin, qui contrairement au cancer du sein, est très rare (environ 3000 cas pour le col utérin contre presque 50,000 cas de cancer du sein par an [6]). On ne peut ainsi pas compter sur la présence de cas dans l’entourage pour déclencher un réflexe de prévention. La prédisposition familiale est citée dans une l’étude Américaine d’Ackerson K. et al [2] comme levier à la réalisation du FCU. Dans notre étude, l’absence de prédisposition familiale ou de motivation par la présence d’un cas dans l’entourage constitue non pas un frein, mais une absence de levier qui motiverait les femmes à se faire dépister. Cette absence de levier est difficilement solvable, car suite aux mesures de prévention le cancer du col de l’utérus est encore moins prévalent en France. On peut avancer l’hypothèse qu’une meilleure information des femmes sur le cancer du col utérin et le frottis les mettrait face à la réalité, c’est à dire que malgré les facteurs de risques connus (IST, immunodépression, tabac, prédisposition héréditaire, infection persistante à HPV…[25]), toutes les femmes sont concernées par cette pathologie et que le frottis est un examen intéressant et nécessaire chez chacune d’entre-elles, pour faire perdurer le cercle vertueux et justement les protéger de cette maladie qu’elles ne connaissent pas grâce aux effets bénéfiques de l’examen. Un fait relatif à mon enquête vient corroborer cette piste, puisque suite à nos entretiens et les informations que les femmes interrogées ont pu recueillir, toutes les femmes recrutées en cabinet de médecine générale à l’exception d’une seule, ont réalisé leur frottis, auprès d’un médecin généraliste ou d’un autre professionnel. 48 L’étude Française de Challier B. et al [11] retrouve une moindre couverture par le FCU des femmes en situation de pauvreté. Le prix de l’examen et de la consultation qui l’entoure est un frein retrouvé de manière cohérente dans plusieurs études, l’une française de Rigal L. et al [44], l’autre Américaine de Hoyo C. et al [27], ce que confirment nos résultats. La perception de difficultés financières peut freiner la réalisation du FCU. Les femmes critiquent d’autant plus de payer pour l’examen qu’elles ont reçu une invitation à le réaliser dans le cadre de DO. Les femmes ignorent trop que cet examen est réalisé sans avance de frais dans les centres de PMI. On peut supposer qu’en cas de DO, le taux de réponse serait supérieur en cas d’exonération du ticket modérateur, et dispense d’avance des frais, comme pour la mammographie, ou s’il était spécifiquement notifié dans quels établissements le réaliser sans avance de frais. Un frein commun à notre étude et celle de Gambiez-Journard A. et al [24] est les longs délais de RDV auprès des gynécologues, combiné au manque de temps. Ce frein est également retrouvé dans les études internationales, comme celle de Sabates R. et al [46] en Angleterre. Beaucoup de femmes le déplorent, expliquant que la décision de réaliser le frottis est presque impulsive, quand elles trouvent le temps, et que ces longs délais sont décourageants et propices aux RDV manqués. La vie de la femme moderne ne semble pas permettre de se projeter 2 mois en avant. Une hypothèse possible est que nous vivons dans une société de consommation, ou tout le monde a tout, tout de suite. La santé est aussi appréhendée de cette manière, et les patients sont régulièrement demandeurs de soins immédiats même en l’absence d’urgence. Lorsque la décision de faire le frottis, examen perçu comme désagréable et superflu est prise, les longs délais de RDV sont autant de temps ou la femme va pouvoir réfléchir, changer d’avis, se rétracter ou se concentrer sur autre chose et oublier. Si le frottis était réellement un examen important, ne serait-il pas réalisé plus rapidement ? La proximité et la disponibilité du médecin généraliste pourrait être un levier à développer auprès des femmes qui ont cette tendance à se décider au dernier moment. Il suffirait que leur médecin traitant les informe que dès qu’elles sont prêtes elles peuvent prendre RDV avec eux, ce qui peut se faire en général dans les jours suivants leur décision. Le frein linguistique a été abordé comme frein d’ordre pratique à la réalisation du FCU dans l’étude Anglaise de Abdullahi A. et al [1], auprès de femmes d’origine Somalienne. Nous avons également retrouvé ce type de frein chez certaines patientes d’origine étrangère ; Les 49 femmes concernées disaient se douter qu’il fallait aller chez le gynécologue de temps en temps, sans forcément savoir pour quel examen précisément. Elles n’osaient pas toujours y aller, par peur des difficultés à communiquer avec le médecin dans une langue qu’elles maitrisent mal. L’aspect relationnel de la consultation gynécologique qui entoure le frottis est souvent mis en avant par les femmes (francophones) comme point positif de l’examen ; les femmes étrangères, qui parlent mal le français, sont privées de cet aspect bénéfique ; ne restent que les points négatifs : l’inconfort, la douleur... La nécessité d’avoir un tiers lors de la consultation est à la fois un frein si ce dernier n’est pas disponible (car la consultation ne peut pas avoir lieu), et s’il est présent (car un sujet intime doit être dévoilé devant le tiers). J’assimile donc ce frein à une certaine pudeur. Cela touche particulièrement la prévention, car il est d’autant plus difficile de se heurter à des difficultés comme la barrière linguistique qu’on n’en ressent pas de besoin de consulter. En cas de problème de santé sérieux, les femmes étrangères savent avoir recours à un médecin. Le travail de thèse du Dr Turlin [50] sur les attitudes et représentations des femmes en situation de précarité concernant le dépistage du cancer du col utérin en Gironde n’a pas mis en évidence de frein religieux à pratiquer le frottis. A l’inverse, la présente étude a retrouvé ce type de frein pour une patiente chez qui le vécu tabou et honteux de la sphère intime dans sa religion (et son éducation) l’inhibait pour aller chez le gynécologue. Recrutée directement au cabinet médical ou je remplace, c’est d’ailleurs la seule sur les 8 femmes recrutée là-bas qui ne soit pas revenue par la suite pour réaliser (ou se faire prescrire) son frottis, et qui n’ait pas manifesté de volonté de pratiquer l’examen suite à notre entretien. Peut-être a – t – elle été voir un gynécologue ? L’étude Coréenne de Park S. et al [40] relate une forte influence de l’image tabou du sexe sur la non consultation des gynécologues, ce qui recroise les propos de la femme de notre étude. D’ailleurs, nombreuses femmes avaient évoqué l’influence de l’éducation qu’elles avaient reçue de leurs parents ou de la société sur leur propre comportement. La femme qui a invoqué des raisons religieuses pour n’avoir jamais fait de frottis expliquait aussi que l’impression de tabou véhiculé par sa religion avait également été entretenue par sa mère. Mon hypothèse est que parmi tous les freins, le tabou culturel ou religieux qui entoure la sexualité et l’intimité est probablement le plus difficile à dépasser, car profondément ancré dans l’esprit par l’éducation que la femme a reçu. 50 L’angoisse générée par l’examen et plus particulièrement l’inquiétude dans l’attente des résultats est un point souvent mis en avant par les femmes interviewées. Ce point est également largement repris dans la littérature française, que ce soit auprès des femmes qui font le dépistage comme celles qui n’y participent pas, comme dans le travail de thèse du Dr X. Turlin [50], l’enquête barométrique de l’InCa [28] et l’étude de Gambiez-Journard A. et al [24]. A l’international, une étude Américaine sur le poids du cancer cervical sur la qualité de vie [32] rapporte que la simple annonce d’un frottis anormal suffit à inquiéter et à dégrader la qualité de vie des femmes. C’est ce que redoutent les femmes interrogées dans mon étude. Leur ressenti est paradoxal, car d’un côté l’attente des résultats les angoisse, et de l’autre côté elles disent ne pas se sentir concernées par le cancer du col de l’utérus, et se pensent à l’abri de cette maladie grâce à d’hypothétiques facteurs protecteurs. La peur d’une maladie aussi grave que le cancer persiste chez ces femmes par ailleurs insouciantes, car le cancer est perçu comme une entité qui frappe arbitrairement, en dépit de facteur prédisposant ou protecteur. L’attente d’un résultat d’examen de dépistage et l’hypothèse qu’il soit suspect brise leur tranquillité d’esprit et les met face à leur angoisse d’être un jour touchées par la maladie, cette même angoisse qu’elles refusent justement d’affronter en ne se préoccupant pas de leur santé. Il a souvent été retrouvé dans la littérature que le DO des cancers augmente les taux de couverture des différents examens de dépistage, comme le retrouve l’étude de GambiezJournard et al [24], et l’HAS en 2010 [26]. Parmi les femmes que j’ai interrogées, aucune n’a réalisé son frottis après avoir reçu le courrier d’invitation, pour celles qui toutefois se rappelaient l’avoir reçu. Une seulement s’est dite intéressée par l’examen à la suite de la lecture du courrier, mais n’a pas donné suite car elle a oublié ; le reste des femmes s’est montré insensible à l’invitation. Il y a un biais qui peut expliquer qu’aucune des femmes que j’ai rencontrées n’ai fait son frottis suite à l’invitation de l’ADOC94. En effet, la campagne de DO dans le Val de Marne a commencé en 2010, et les entretiens ont eu lieu entre novembre 2011 et mars 2013, soit 1 à 3 ans après que les premiers courriers de l’ADOC94 aient été envoyés, ce qui ne laissait pas le temps aux femmes ayant fait un premier frottis après avoir reçu ce courrier d’être en retard de leur examen au moment du recrutement. Puisque mon étude ciblait justement les femmes non à jour de leur FCU, les femmes ayant répondu favorablement à l’invitation de l’ADOC94 ne remplissaient pas les critères d’inclusion de mon étude. Quant à l’insensibilité des femmes à la lecture du courrier d’invitation, elle peut s’expliquer par tous les autres freins qui ont été mis en évidence dans ce 51 travail : l’insouciance, la négligence, les contraintes organisationnelles et financières, le manque d’information sur le cancer du col utérin et les moyens de le prévenir, etc. Les femmes interviewées n’ont pas évoqué l’absence de relance postale ; cela pourrait être un autre facteur de non réponse pour les femmes intéressées par l’examen mais qui oublient de le faire. L’amélioration de la participation au DO par envoi de courrier de relance a d’ailleurs été mise en évidence dans une étude Australienne, celle de Mullins R.M. et al [36], pour les femmes dont le retard n’excède pas 5 ans. L’étude dans les années à venir des réactions des femmes après réception du courrier d’invitation de l’ADOC94, et éventuelles relances pourrait nous éclairer sur le comportement des femmes après de tels courriers. L’étude de Skovgaard Larsen L.P. et al [48] sur l’attitude des femmes Danoises à propos du DO du cancer du col utérin n’a pas retrouvé d’opposition « par principe » au DO. Nos résultats diffèrent ; certaines femmes déclarant refuser volontairement de se plier aux exigences de la médecine préventive « par principe ». Elles semblent surtout exprimer un « ras le bol » des examens médicaux, des médecins, des soins après des périodes où la médecine leur a imposé des examens intensifs, des périodes où elles se rappellent n’avoir plus été maîtres de leurs corps et de leurs vies. La non compliance aux examens de dépistage est une manière de se venger de tout ce qu’elles ont pu subir auparavant par obligation de santé, de se rebeller contre l’autorité médicale. Une manière de contourner ce refus (s’il y en a un) serait de redonner aux femmes les clés de leur santé, en ne leur donnant pas l’impression que l’examen est imposé par l’autorité, mais bien par leur propre corps, et qu’il relève de leur responsabilité, de leur décision de s’occuper d’elles-mêmes. Dans l’enquête barométrique de l’INCa [28], les femmes déclarent que c’est principalement le médecin qui propose et qui décide quand faire le frottis. Dans notre étude, les résultats divergent un peu ; les femmes déclarent être à l’initiative de l’examen à parts égales avec le médecin prescripteur/préleveur. On peut penser que ce résultat différent s’explique par un biais, et que certaines des femmes qui ne font pas leur frottis sont livrées à elles-mêmes pour prendre la décision de faire l’examen, quand celles dont leur médecin leur propose régulièrement l’examen finissent par le faire (et n’étaient donc plus incluables dans mon échantillon de femmes). La lecture de la littérature française comme étrangère fait ressortir la forte influence du médecin généraliste sur la pratique du frottis, en incitant régulièrement ses patientes à le faire. 52 Ainsi l’étude Française de Gambiez-Journard A. et al [24] retrouve que les femmes aiment quand leur médecin généraliste leur rappelle de faire leur frottis et que cela les incite à le faire ; le travail de thèse du Dr X. Turlin [50] fait ressortir la proposition du médecin généraliste de réaliser le prochain frottis comme levier à la réalisation de celui-ci en médecine générale. A l’étranger, l’étude de Tacken M. et al [49] aux Pays-Bas retrouve que les femmes apprécient que leur médecin généraliste leur rappelle de faire leur frottis. L’étude Liégeoise d’Escoyez B. et al [19] retrouve que le plus fort levier à la réalisation du FCU est l’incitation du médecin généraliste à le faire. Les femmes que j’ai interrogées lors de mon enquête rapportent des comportements différents. Certaines ne rapportent pas avoir évoqué le sujet avec leur médecin généraliste. Certaines rapportent avoir été incitées par le passé à faire leur frottis et y avoir donné suite, quand plusieurs racontent avoir décliné la proposition du médecin généraliste à faire leur frottis, parfois à plusieurs reprises. Les raisons étaient l’oubli conjugué à l’absence de besoin physiologique ressenti à faire l’examen, le sexe masculin du médecin généraliste, ou encore le refus par simple révolte contre le système de santé. Que faire quand on propose l’examen et que l’on se heurte à un refus ? On peut supposer que pour au moins deux femmes sur trois, ce refus aurait pu être évité, en explorant les réticences de la patiente, puis, selon le cas, en lui délivrant plus d’informations sur le dépistage du cancer du col de l’utérus, en insistant sur le caractère utile (quasi impératif) de l’examen, ou encore en lui donnant le choix entre plusieurs alternatives de prélèvement. Enfin, les perspectives d’avenir sont bonnes pour les femmes récalcitrantes au dépistage du cancer du col utérin par FCU. En effet, une détection de l’HPV dans l’urine est en cours de mise au point à l’étranger, comme en témoigne l’article de Nilyanimit et al en Thaïlande [37]. Bien que moins efficace que le prélèvement cervical pour détecter les infections à HPV, cette méthode, encore à l’étude et en cours de développement, permet une meilleure acceptabilité, car se fait sur un simple échantillon d’urine. L’étude de Broberg et al [10] en Suède parue récemment relate que les femmes en retard de leur frottis depuis longtemps répondent plus favorablement à la proposition de faire le test urinaire auto-administré que le FCU classique. 53 CONCLUSION Ce travail a permis de mettre en évidence les freins à la réalisation du FCU chez des femmes éligibles à l’examen et résidant dans le Val de Marne, mais non à jour de l’examen. Ces freins sont étroitement corrélés à la réalisation de l’examen gynécologique avec lequel le FCU peut être confondu. La plupart des freins annoncés par les femmes ne sont pas insurmontables. Quelques femmes n’avaient pas connaissance de l’existence de l’examen avant d’être recrutées pour ce travail. Aucune des femmes interrogées n’a déploré un manque d’accès complet aux soins. Le manque d’intérêt flagrant pour le col de l’utérus et ses pathologies doit être pris en compte et l’information et l’éducation des femmes renforcée. De même, il faut qu’elles puissent être informées de la compétence de leur généraliste à le prélever, ou à le prescrire pour un prélèvement au laboratoire. Plusieurs pistes permettraient de lever les freins à la réalisation du frottis. La première serait de développer les compétences communicationnelles des professionnels de santé lors de la pratique de l’examen gynécologique et du frottis, afin que ce dernier soit mieux accepté. La seconde serait de diffuser une meilleure information sur le frottis à destination des femmes et des jeunes filles, sur le développement de la maladie, les femmes concernées par le FCU, le rythme de l’examen, et les différentes modalités possibles pour le prélèvement. Il serait intéressant de poursuivre la réflexion engagée dans ce travail en étudiant les modalités d’information efficace des femmes concernant leur appareil génital et le frottis. On pourrait aussi se pencher sur ce qui est fait en formation initiale des médecins généraliste dans les différents départements de médecine générale français en ce qui concerne les capacités relationnelles et communicationnelles autour de l’examen gynécologique, pour aller au-delà de l’apprentissage du geste technique. La pratique de test de détection urinaire d’HPV en France dans les années à venir permettra de détecter les infections latentes à HPV chez les femmes réfractaires au dépistage conventionnel et motivera peut-être celles dont le test est positif à faire pratiquer leur frottis. Cela pourra encore améliorer la prise en charge du cancer du col de l’utérus à un stade précoce et faire baisser les courbes d’incidence et de mortalité. 54 BIBLIOGRAPHIE 1. ABDULLAHI A, COPPING J, KESSEL A, LUCK M, BONELL C. Cervical screening: perceptions and barriers to uptake among Somali Women in Camden. Public Health. 2009 Oct:123(10):680-5 2. ACKERSON K, POHL J, KANE LOW L, Personal influencing factors associated with pap smear testing and cervical cancer. Policy Polit Nurs Pract. 2008 Feb;9(1):50-60 3. ADOC 94, lettre d’information aux professionnels de santé, News K N°5, juin 2010 4. 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Quel est votre plus haut diplôme ? (aucun, brevet des collèges, BEP/CAP, bac, bac+2, 2tudes supérieures de 2e ou 3e cycle) Travaillez-vous actuellement ? (retraite, recherche d’emploi, femme au foyer ?) Dans quelle catégorie socio-professionnelle êtes-vous ? (artisans/commerçants, employés/ouvriers, cadres et professions libérales, professions intermédiaires, autre) II Exploration des croyances sur la santé C’est quoi pour vous être en bonne santé ? Comment se sent-on quand on est en bonne santé ? Est-ce qu’on a besoin de s’occuper de sa santé/ d’aller voir un docteur quand on est en bonne santé ? Quelle place occupe votre santé dans votre vie ? Vous en occupez-vous dans votre vie quotidienne ? Comment faites-vous en pratique dans votre vie de tous les jours ? Y pensez-vous souvent ? Qu’est-ce que cela entraine en pratique dans l’organisation de votre vie ? III Exploration des croyances sur la féminité Qu’est-ce pour vous que la féminité ? Une femme peut-elle ne pas être féminine ? Quelle place occupe le corps dans la féminité ? Et le sexe/vagin/ les organes sexuels ? Et le col de l’utérus ? Ou se situe-t-il ? A quoi sert-il ? Personnellement, est-ce que vous vous sentez féminine ? IV Explorations des croyances sur l’examen gynécologique Qu’est-ce pour vous que l’examen gynécologique ? Comment se déroule-t-il ? Que fait-on ? Le frottis ? Que cherche-t-on ? Est-ce risqué ? 63 Combien de temps dure-t-il ? Qui le pratique ? Les hommes, les femmes ? Faut-il aller voir un gynécologue ? Un médecin généraliste, une sage-femme ? Quelles femmes devraient en avoir un ? A quelles périodes de leur vie, à quelle fréquence ? Et vous personnellement, quelle est votre vécu de cet examen ? IV Exploration des croyances sur la maladie Qu’est-ce pour vous que la maladie ? Comment est-ce qu’on devient malade ? Nait-on malade ? Ou le devient-on ? Connaissez-vous des maladies contagieuses ? Et des maladies qui ne le sont pas ? Que peut-on faire pour ne pas tomber malade ? Au quotidien ? Ponctuellement ? Qu’est-ce pour vous qu’une MST ? Sont-elles contagieuses ? Que peut-on faire pour s’en prémunir ? Et vous personnellement ? V Exploration des croyances sur le cancer Si je vous dis « cancer », qu’est-ce que cela vous évoque ? Est-ce que ce sujet vous préoccupe dans la vie de tous les jours ? De quelle manière êtes-vous préoccupée et que faites-vous en pratique en fonction de cela ? Que peut-on faire pour guérir du cancer ? Et pour le prévenir ? Et le cancer du col de l’utérus ? Qu’est-ce qu’il vous évoque ? A quoi est-il du ? Est-ce qu’on peut avoir un cancer du col de l’utérus et se sentir en bonne santé ? Que peut-on faire pour l’éviter ou le minimiser ? Savez-vous qu’il existe un vaccin contre le virus à l’origine des cancers du col de l’utérus ? A-t-on besoin de faire les frottis après s’être fait vacciner ? VII Exploration des croyances sur le dépistage du cancer du col de l’utérus Qu’est-ce que ça veut dire « dépister le cancer du col de l’utérus » ? Qui est concerné ? Comment ça se passe ? Est-ce qu’il faut une ordonnance ? 64 A quelle occasion peut-on faire le frottis ? A quelle fréquence faudrait-il le faire ? A partir de quand/ quel âge ? Et jusqu’à quand/ quel âge ? Est-ce qu’on doit faire un frottis quand on n’a jamais eu de rapports sexuels ? Et quand on n’en a plus ? Pourquoi le fait-on ? Est-ce efficace ? Est-ce cher ? Et vous personnellement ? Savez-vous qu’il existe un DO du cancer du col de l’utérus dans le Val de Marne ? 65 Annexe 4 : résultats des entretiens concernant la santé et la maladie, la féminité : • Les représentations sur la santé et la maladie • La santé, la maladie La santé est définie comme un bien être moral et physique qui permet d’assumer son quotidien et de suivre ses envies. Elle est essentielle à la vie ; c’est une chance, éphémère, dont on ne se rend compte que quand elle est perdue : « si quelqu’un il n’a pas bonne santé, ça veut dire il n’a rien », « Quand on est en bonne santé, on le sent pas. C’est comme quand on est heureux ; on est heureux mais on le sait pas ; c’est quand on est triste qu’on s’en rend compte ! ». Toutes les femmes interviewées disent se sentir en bonne santé, y compris celles suivies pour des maladies chroniques. La maladie, à l’inverse, c’est se sentir mal dans son corps, dans sa peau, dans sa tête. Elle engendre une perte des performances, qui contraste avec l’état antérieur de bonne santé. La maladie entraîne une perte d’autonomie et plonge le malade dans un état de dépendance vis-àvis des proches. Elle empêche le patient de vivre sa vie normale, et prend le dessus sur la vie : « c’est n’avoir aucune énergie. C’est même plus avoir aucun projet, aucun espoir », « psychologiquement c’est angoissant d’être malade ». La mort en est l’aboutissement : « Le seul mot qui me vient à la tête, c’est la mort ». Il y a différents degrés de gravité dans la maladie ; il y a des problèmes aigus et d’autres chroniques ; il y a des maladies graves et d’autres bénignes. La Vraie Maladie est chronique, le cancer en est le leader : « Il y a maladie et Maladie quoi ; il y a les petites maladies, les petits bobos, et les trucs plus importants ». Les traitements de la maladie sont perçus comme contrainte, parfois bénéfique, et parfois délétère : « je suis un petit peu l’asthme. Je prends le médicament, ça va mieux », « j’ai arrêté mon traitement depuis 6 mois parce que je n’ai pas arrêté de prendre du poids et ça commence à bien me faire suer » Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine d’une maladie : une panne mécanique, une faiblesse psychique. des facteurs exogènes comme les microbes, ou endogènes. Ils sont évoqués avec fatalisme. Pour certaines femmes les causes sont inconnues : « ça doit être le corps qui se détraque », « c’est des maladies qu’on a en soi, et qui se déclarent à un moment donné », « c’est pile ou face, on a de la chance ou on n’en a pas », « il y a beaucoup de maladies qui vient comme ça ». 66 • Les infections sexuellement transmissibles (IST) Les IST occupent une place à part. La première à être évoquée est le VIH, qui est une maladie grave, redoutée, dont on meurt jeune : « la plus grave, c’est le SIDA, parce que c’est quelque chose qu’on a à vie ». Aucune femme ne mentionne l’HPV en parlant des MST. Les facteurs identifiés de transmission des MST sont multiples, elles se transmettent par voie sexuelle, sanguine, par l’usage de drogues. La voie sexuelle est prépondérante, et est favorisée par les rapports adultères. Ne pas se protéger relève de la bêtise et d’un manque de soins envers soi-même. Les MST sont alors une punition de la vie: « C’est contagieux », « quand on est volage, je pense qu’on paye ». Des mesures concrètes permettent de se protéger des MST : le préservatif, unanimement reconnu, les dépistages sanguins, la fidélité en couple, qui est un facteur protecteur fort, la confiance en son partenaire. Il y a aussi l’éducation sexuelle mais le sujet est tabou pour certaines femmes. Ces mesures ont leurs limites : « pour les mariés qui sont fidèles, ils peuvent pas tomber de cette maladie », « le préservatif il peut se déchirer… Il peut laisser passer certaines maladies qu’il ne bloque pas ». Les femmes interrogées ont une ressenti négatif des MST. Ces maladies font peur ; malgré cela les femmes ne se sentent pas concernées par les MST, à juste titre ou non : « je trouvais ça même effrayant », « le SIDA on en parle beaucoup. Mais bon, on n’y pense pas pour soi». • La prévention de la maladie Pour ne pas tomber malade, les femmes disent qu’il faut prendre soin de son corps et de son esprit grâce à une bonne hygiène de vie, avoir un moral d’acier. Il faut accéder à la médecine préventive : les vaccins, les consultations de routine, les dépistages, et ce d’autant plus qu’on vieillit : « Un bon moral, c’est très important. J’dis pas que c’est suffisant, mais je pense que l’esprit procède beaucoup aux maladies », « faire des examens de temps en temps ». De la théorie à la pratique, il y a un certain fossé, et les femmes ne suivent pas toutes ces bonnes recommandations : « Je sais ce qu’il faudrait que je fasse pour éviter certaines choses, et pis je les fais pas ». Préserver sa santé est vécu comme une contrainte, car il est difficile d’avoir une hygiène de vie irréprochable ; par réticence à consulter les médecins quand on se sent bien, parce que le remède peut sembler pire que le mal, parce que les femmes ont des doutes sur l’efficacité des mesures : « si je me sens en bonne santé, je vois pas l’intérêt d’aller voir un médecin », « j’ai 67 arrêté de fumer un mois et ma tension est montée entre 16 et 17. Le médecin m’a dit : tu sors, tu vas cloper s’il te plait ! », « est-ce que ça suffit ? ». • L’(absence de) préoccupation sur le sujet De manière quasi-unanime, les femmes déclarent se préoccuper peu de leur santé. La maladie, elle, peut parfois les tracasser : « j’y pense pas », « c’est vrai que ça me travaille ». Quelques facteurs motivent les femmes à penser à leur santé. Cela peut être la santé des proches, ou l’envie d’être présent auprès d’eux, la vieillesse, la peur de maladies lourdes ou chroniques, ce que l’on voit dans les médias. Cela peut aussi être un souci occasionnel de santé ; une fois le souci résolu, l’insouciance revient : « on s’inquiète toujours pour les autres et beaucoup moins pour soi », « je dois voir mes enfants grandir », « la santé, ça commence à devenir important. J’arrive à un âge où les soucis commencent », « Quand on voit des émissions à la télévision, on y pense forcément », « tu t’en préoccupes pas tant que tu es en bonne santé, et quand tu es malade, tu t’en préoccupes » « là oui, je me suis inquiétée, mais après une fois que j’allais bien, j’ai complètement zappé ». Ces inquiétudes n’ont pas une place importante dans la vie des femmes. Le bénéfice de s’inquiéter est de pouvoir s’alarmer et se traiter rapidement en cas de maladie, l’inconvénient est l’angoisse que cela génère : « j’y pense un petit peu. On peut être hypochondriaque, mais sans vraiment agir », « c’est angoissant aussi de rechercher les maladies, de faire des examens pour rechercher quelque chose ». Les femmes ne se préoccupent pas de leur santé par manque d’intérêt pour le sujet, renforcé par le sentiment de bonne santé qu’elles peuvent éprouver, par l’absence de maladie dans l’entourage, par négligence quand elles ont des soucis plus graves. Même malades, elles négligent leur santé : « Je me sens pas concernée », « je suis pas axée sur la maladie », « ma vie a été assez chaotique. L’alcool m’a coupée du monde. Du coup, c’est vrai que j’ai pas pris soin de moi au niveau médical » « j’ai du cholestérol, mais on vit très bien avec. C’est pas ça la mauvaise santé », « j’ai mal à l’estomac mais c’est pas pour ça que j’ai un cancer ». Pour éviter d’y penser, les femmes évitent les médecins, les médicaments, les dépistages, et ont recours à l’automédication: « j’aime pas trop perso aller chez le médecin en fait ». Malgré tout, ce comportement les culpabilise : « je suis une très mauvaise patiente, parce que je prends mal mes traitements, et je fais pas les bilans quand on me les demande ». 2. Les représentations sur la féminité et son rapport au corps 68 La féminité est un état d’esprit, une harmonie entre le corps, la beauté extérieure, et l’esprit, la beauté intérieure ; la première occupant la place principale. La place de la sexualité est floue ; pour certaines elle est importante, pour d’autres non. La féminité, ce sont aussi des contraintes : notamment les règles. C’est une vulnérabilité : « la libido des garçons, que j’ai trouvé très invasive ». Les femmes interviewées se sentent inconstamment féminines : « Je suis contente d’être une femme », « c’est pas quelque chose quand même de très naturel chez moi ». Le corps tient une place prépondérante dans la féminité, en intervenant dans l’apparence. Les attributs qui comptent sont ceux qui se voient : « la poitrine, le visage. Ce qui est apparent ». Ses changements au fil de la vie modifient le sentiment de féminité, par exemple à l’adolescence, lorsqu’il vieillit, pendant la grossesse, ou quand la maladie altère l’apparence : « j’ai toujours imaginé que les femmes qui avaient un cancer et dont les cheveux disparaissaient, ça doit être très difficile de supporter ce genre de chose ; ça peut être pareil pour de la poitrine. Parce que ça atteint au plus profond de la féminité » Les organes génitaux externes occupent une place à part dans la féminité, car ils définissent la femme par nature, permettent la sexualité comme la maternité. Ils sont secondaires, car cachés aux yeux des autres, ils n’affectent pas l’apparence. Pour certaines, ils sont même laids et source d’inconfort : « le sexe pour moi il importe peu. C’est pas le centre de ma féminité », « Personne ne voit votre vagin, quand vous vous baladez dans la rue, donc pour moi ça a pas une place importante », « Mais je trouve pas ça spécifiquement beau. C’est peut-être pour ça qu’il est caché d’ailleurs, qu’on le met à l’intérieur », « Les règles, c’est vraiment galère, bah c’est pas agréable, ça sent pas bon ». Le col de l’utérus n’intervient pas dans le sentiment de féminité, parce qu’il est invisible, ou après que la période de fécondité soit passée. On n’en prend conscience qu’en évoquant sa maladie, son absence : « Mon col de l’utérus, franchement j’en ai rien à faire ! », « mais par contre, si on me l’enlevait, je ne me sentirais plus femme ». Il est important, pour le statut de femme : « Ça fait partie de l’être de la femme. C’est quelque chose de ressenti à l’intérieur dans le sentiment profond de ce qu’on est ». Il n’intervient dans la féminité que par le biais de la sexualité, et de la maternité : « Quand on tombe enceinte, tout de suite, le col de l’utérus, on fait attention à tout ça ». Année : 2014 Nom et prénom de l’auteur : Rocher Julie, Denise, Marie Directeur de thèse : Dr Laurence Compagnon TITRE DE LA THESE : Représentations et ressenti de l’examen gynécologique et du frottis cervico-utérin par les femmes non participantes au dépistage du cancer du col utérin Le dépistage du cancer du col utérin par frottis cervico-utérin (FCU) est recommandé chez les femmes entre 25 et 65 ans, tous les 3 ans après deux frottis annuels normaux. Dans le Val de Marne, 44% des femmes sont sous-dépistées. L’exploration du ressenti et des représentations qu’ont les femmes du frottis, et par extension de l’examen gynécologique, permettrait de mieux connaitre les freins à la réalisation de cet examen. Une enquête qualitative par entretiens individuels semi-directifs a été menée auprès de dixhuit femmes habitant le Val de Marne, éligibles au frottis mais non à jour de l’examen. Résultats : Les femmes éprouvent un désintérêt pour leur col de l’utérus, résultant d’une profonde méconnaissance de l’organe et de ses pathologies. Le frottis est perçu comme douloureux, gênant, d’autant plus que le médecin est pressé; ses enjeux sont obscurs. Il n’est ni impératif, ni urgent, pour certaines il est trop cher. La capacité du médecin généraliste à pratiquer l’examen gynécologique et le frottis est largement ignorée. Peu de femmes interrogées n’ont aucune connaissance de l’existence du frottis. Plusieurs pistes permettraient de lever les freins à la réalisation du frottis. La première serait de développer les compétences communicationnelles des professionnels de santé lors de la pratique du frottis, afin que ce dernier soit mieux accepté. La seconde serait de diffuser une meilleure information sur le cancer du col de l’utérus et le frottis à destination des femmes, afin de développer leurs connaissances sur la maladie, le frottis, le rythme de l’examen, et les différentes alternatives de prélèvement. Mots-clés : - frottis vaginal - col de l’utérus – anatomie et histologie - tumeur du col de l’utérus - examen gynécologique - recherche qualitative Adresse de l’UFR : 8 rue du Général Sarrail 94010 Créteil cedex