Le couple se tourne le dos

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Le couple se tourne le dos
ECONOMIE
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Q JEUDI20NOVEMBRE2014
ATTRACTIVITÉ ÉCONOMIQUE Comparaisons franco-allemandes par Ernst & Young
Le couple se tourne le dos
Les deux partenaires du couple franco-allemand ne jouent
plus dans la même équipe en termes d’attractivité, si l’on en
croit une étude européenne du cabinet EY.
«L
e couple franco-allemand apparaît de
plus en plus désuni
si on regarde du
point de vue de l’attractivité à
l’égard des pays émergents… », affirme Fabrice Reynaud, directeur
exécutif chez EY Conseil (Ernst &
Young).
Le cabinet international d’audit et
de conseil juridique présentait
hier matin à Strasbourg une partie
des résultats de son étude internationale sur l’image des pays européens et leur attractivité relative
auprès des investisseurs internationaux. Une enquête lourde
auprès de plus de 800 décideurs
dans 43 pays européens, dont 400
en France et en Allemagne.
La loupe a été portée hier naturellement sur le couple franco-allemand dans le cadre de la Semaine
de l’entrepreneur européen à laquelle Ernst & Young participe activement depuis de nombreuses
années.
Dans son enquête, EY analyse le
sort de près de 4 000 investissements internationaux directs en
Europe en 2013, une année record
avec une progression de 4 % des
projets. Ces derniers sont supposés créer quelque 166000 emplois, chiffre accusant en revanche un repli de 2 %. Leur
observation sur une période de
2009 à 2013 permet de repérer
quelques variations intéressantes.
Il apparaît ainsi que l’Allemagne a
dépassé en 2013, de manière assez
surprenante, le Royaume-Uni
pour le nombre de projets portés
par le groupe des pays « BRIC »,
autrement dit le Brésil, la Russie,
l’Inde et la Chine.
« L’Allemagne joue
dans une ligue
mondiale. La France
se limite à la ligue
européenne… »
La République fédérale a ainsi reçu l’an dernier 107 projets émanant de l’un de ces pays BRIC,
contre 87 pour la Grande-Bretagne, qui était traditionnellement
plutôt en tête, et 19 seulement
pour la France. L’Hexagone apparaît ainsi toujours à la traîne vis-àvis de ces nouveaux acteurs. De
2009 à 2013, l’Allemagne a accueilli 353 investissements, la
Grande-Bretagne 354 et la France
105… On pourrait mieux faire !
« La France continue de se faire
distancer par les leaders Royaume-Uni et Allemagne », insiste M.
Reynaud. Et il va même plus loin
dans son analyse : « L’Allemagne
joue aujourd’hui dans une ligue
mondiale. La France se limite à la
ligue européenne. » L’image est
peut-être un peu excessive mais
elle s’appuie sur les déclarations
des dirigeants. En Allemagne, ces
derniers jugent que leurs principaux concurrents sont les États-
Unis et la Chine, la France venant
loin derrière. En France, c’est l’Allemagne qui est massivement perçue comme le premier pays concurrent pour les implantations
internationales, loin devant la
Grande-Bretagne ou la Chine.
Autrement dit, les dirigeants français font preuve d’une certaine…
lucidité, au moins pour la période
présente. Écart encore dans l’image lorsque l’on s’aperçoit que la
France reçoit plus de projets industriels que l’Allemagne, cette
dernière surclassant la France
dans les services : « Le match s’est
gagné en Allemagne dans les services, ce qui contredit une nouvelle fois les idées reçues », souligne
Fabrice Reynaud.
Si la France se défend relativement bien en termes d’emplois
créés sur cinq ans (plus de
66000), elle est talonnée par l’Allemagne (plus de 57000). Mais
les deux ensemble font moins
bien que le Royaume-Uni qui a
accueilli près de 130000 emplois
de 2009 à 2013 du fait des investissements directs internationaux !
Le cabinet EY souligne une subtilité, l’écart entre attractivité réelle
et qualité de l’image que se forment les dirigeants interrogés.
Ainsi l’Allemagne présente une
image hyper-positive, bien supérieure à la réalité du nombre des
projets et des investissements engrangés : « Mais si on se dit que
l’image d’aujourd’hui représente
le futur, ce qui va se passer de-
Nombre de projets d’investissement
entre 2009 et 2013
30
Luxembourg 75
Sarre 33
83
794
128
Bade-Wurtemberg
Lorraine
Alsace
Emplois créés entre 2009 et 2013
Alsace : 2 902 emplois
Bade-Wurtemberg : 7 862 emplois
Source : EY’s European Investment Monitor 2014
main, il y a bien lieu de s’interroger. Le capital de sympathie de
l’Allemagne est effectivement très
grand aujourd’hui. » L’économie
d’outre-Rhin recueille ainsi 40 %
d’appréciations positives comme
pays d’implantation, contre 11 %
pour la France.
Une autre enquête d’EY, avec la
Chambre de commerce franco-allemande, montre que les investisseurs allemands en France, au
premier rang en Alsace, sont criti-
Une convention pour mieux aiguiller
les demandeurs d’emploi
Alemploi et Pôle emploi
Alsace ont signé hier une
convention de partenariat à
l’usine Lalique, à Wingensur-Moder.
« IL Y A 120 000 CHÔMEURS en
« Un moyen efficace
de recruter des profils
adaptés »
« La main-d’œuvre est notre première richesse, mais nous avons
vraiment des difficultés à recruter. Peu de formations existent
dans ce domaine. Nous sommes
ravis d’avoir enfin trouvé avec le
dispositif proposé par Alemploi
et Pôle emploi un moyen efficace
de recruter des profils adaptés »,
se réjouit le directeur Denis ManTTE-RTE 07
Info
ques sur la situation économique
française et n’attendent guère
d’amélioration avant 2017. Mais
ils sont confiants dans leur propre
sort et sont convaincus que leur
maison mère réinvestira. Surprise : les 35 heures ne les dérangent
pas tellement, moins que la complexité du code du travail. Une
nuance d’un côté et un point d’accord de l’autre avec le patronat
français.
Les Français se rassureront en
WINGEN-SUR-MODER Partenariat entre Alemploi et Pôle emploi
Alsace. Nous croyons fermement
à la possibilité d’agir ensemble
contre cette situation », ont expliqué en substance Franck Favre, président d’Alemploi, et Jean
Niel, directeur régional de Pôle
emploi.
Dans les faits, les deux structures complémentaires travaillent
déjà ensemble. Elles sélectionnent des profils de demandeurs
d’emploi en fonction des entreprises et établissent des parcours
de formation et d’intégration sur
mesure.
L’usine Lalique est une des sociétés qui a bénéficié de leur action
commune. Cette cristallerie a des
besoins en main-d’œuvre très
spécifiques, puisque quasiment
toute la production est assurée
en interne, avec des dizaines de
métiers différents.
Rhénanie-Palatinat
S. Reading 20/11/2014
examinant la carte des investissements en Alsace et dans le BadeWurtemberg (voir ci-dessus). Les
deux départements alsaciens tirent leur épingle du jeu, toutes
proportions gardées face au puissant Land voisin. Et les dernières
décisions chez Lilly, SEW Usocome, Punch ou Blue Paper confirment la qualité du « Standort Elsass » et des agences de
développement alsaciennes.
ANTOINE LATHAM
R
EN BREF
INNOVATION
Trois entreprises alsaciennes primées au palmarès
Deloitte In Extenso Technology Fast 50
Le cabinet d’audit et de conseil Deloitte In Extenso a rendu public
mardi soir à Nancy son palmarès Grand Est du Prix Technology Fast 50,
14e édition de cette compétition placée sous le thème général « Powerful Connections ». Sept entreprises ont été récompensées : trois en
Alsace et quatre en Lorraine. Le 1er prix revient à Lorrainénergies (Maxéville), spécialisée dans la collecte des huiles alimentaires usagées, dont
le chiffre d’affaires a connu une croissance de 1 248 % en cinq ans. Le
deuxième prix revient à Plant Advanced Technology (Vandœuvre-lèsNancy), société de biotechnologie végétale. La troisième récompense
échoit à Biosynex (Eckbolsheim), société innovante engagée dans le
diagnostic in vitro.
Le prix grandes entreprises revient à RSI Vidéotech (Strasbourg) qui
développe des technologies sans fil à levée de doute pour la sécurité.
Déjà lauréate en 2013, la société est la mieux classée parmi les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 10 millions
d’euros. Dans la catégorie révélation, Deloitte distingue Covivo (Nancy),
qui propose conseils et solutions en mobilité partagée avec une croissance de 747 % sur trois ans. Le prix biotech d’avenir couronne Defymed (Strasbourg), qui met au point et commercialise des dispositifs
médicaux bioartificiels implantables pour des maladies rénales ou
hépatiques. Defymed a réalisé la meilleure levée de fonds en 2013
parmi les sociétés candidates à ce prix hors palmarès. Enfin, le prix
e-commerce est attribué à Petite Frimousse (Chavelot – Vosges), entreprise de vente d’articles de puériculture en ligne.
STRASBOURG
Journées d’étude sur l’intermodalité en Europe
Franck Favre (à gauche) et Jean Niel ont signé un partenariat entre leurs deux structures, jugées
complémentaires. PHOTO DNA – MARIE GERHARDY
dry.
Ainsi, Pôle emploi présélectionne des candidats en testant leurs
talents, à l’aide d’exercices qui
reproduisent par analogie les
postes de travail de Lalique. Ensuite, Alemploi s’occupe de les
remettre à niveau avec la « préparation opérationnelle à l’emploi ». Enfin, les quelques candidats recrutés signent un contrat
de professionnalisation d’un an.
Quatre CDI ont été accordés l’an
dernier grâce à ce dispositif, et
six nouveaux contrats sont en
cours de recrutement. Lalique est
un exemple réussi des fruits que
peuvent porter la collaboration
entre Alemploi et Pôle emploi. La
convention signée hier vise à développer d’autres dispositifs personnalisés sur les secteurs du
bâtiment, des travaux publics, de
l’industrie et du tertiaire.
Les deux parties se sont engagées autour de trois actions.
D’abord, elles vont réaliser un
diagnostic régional partagé des
enjeux, en échangeant leurs données et leurs informations et effectuant des points réguliers sur
la situation de l’emploi sur le
territoire.
Ensuite, elles mettront en place
un système de présélection de
candidats et de promotion de
leurs profils, afin d’aider les entreprises en difficulté de recrutement. Les groupements d’insertion par la qualification sont
dans ce cadre valorisés.
Enfin, les parcours professionnels et les reconversions des demandeurs d’emploi, surtout les
plus fragilisés, seront davantage
sécurisés. Dispositifs, étapes des
parcours, modalités des alternances… les décisions seront prises en commun entre Alemploi et
Pôle emploi.
MARIE GERHARDY
R
Du 19 au 21 novembre, plus d’une centaine de fonctionnaires territoriaux, d’universitaires et d’acteurs des transports publics participent
aux deuxièmes journées de Strasbourg sur la mobilité urbaine en Europe. Organisée par le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et le Centre national de la fonction publique territoriale (Cnfpt), cette édition aborde le
thème de l’intermodalité dans les villes européennes en s’appuyant sur
les réflexions et témoignages d’experts, d’élus et de techniciens.
Parmi les exemples concrets qui seront évoqués à l’École régionale des
avocats du Grand Est figurent notamment Besançon, Fribourg (Suisse),
Schwäbisch Hall, Osnabrück, Madrid, West Midlands (Royaume-Uni),
Vienne, Nantes et Ferrare.
Vendredi, le colloque s’achève par une table ronde à laquelle doivent
prendre part Frédéric Baverez, directeur général France de Kéolis, un
représentant du bureau national de la Fnaut et Roland Ries, maire de
Strasbourg et vice-président du Groupement des autorités responsables
de transport (Gart). Elle sera suivie par une ultime réunion à Kehl où l’on
présentera les solutions d’intermodalité transfrontalières entre la communauté urbaine de Strasbourg et la communauté tarifaire d’Offenbourg.