La Fayette, héros des deux mondes

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La Fayette, héros des deux mondes
15 octobre 2011
Institut Coppet
Damien Theillier
La Fayette, héros des deux mondes
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Par
Damien
Theillier
Il est capitaine à seulement 19 ans, lorsque treize
colonies britanniques en Amérique du Nord proclament leur indépendance. Après sa rencontre
Publié
origiavec Benjamin Franklin à Versailles, comprenant
nellement sur
le péril auquel les Américains étaient confrontés, il
24hGold le 12
décide de rejoindre l’armée américaine. Louis XVI
septembre 2011 lui interdit de quitter la France pour l’Amérique
et ordonne son arrestation. La Fayette s’évade en
se déguisant et achète une frégate dans laquelle il
On se plaint
s’embarque avec onze compagnons. Il offre alors au
Congrès d’entrer dans l’armée comme officier sans
parfois du fait
que la France
se faire payer, sacrifiant une partie de sa fortune.
manque
de
Le Congrès acquiesce, attendant l’approbation de
George Washington. Après la démonstration de son
grands
symboles
histocourage exceptionnel et de son professionnalisme
au combat, il obtient le rang de général-major dans
riques ou de
figures emblél’armée américaine.
matiques capables d’unir les Français par delà leurs
divisions. Pourtant dans l’histoire moderne, il y a
En 1779, George Washington l’envoie en France
un homme qui transcende les partis et les querelles
pour demander de l’aide financière et surtout loidéologiques et cet homme, c’est le marquis de La
gistique de la part de Louis XVI. Ce dernier hésite
Fayette.
mais La Fayette le persuade d’engager la France
militairement. De retour en 1780, il est nommé par
Le marquis de La Fayette fut la clé de voûte de deux
Washington commandant des troupes de Virginie. Il
événements immenses à la fin du XVIIIe siècle :
gagne la bataille de Yorktown et regagne la France en
l’indépendance des États-Unis et la Révolution fran1782 ou il est accueilli avec enthousiasme à la Cour.
çaise. Voltaire l’appelle « Le défenseur de la cause
2° La première Révolution française
grande et juste de la liberté des peuples ». Madame
de Staël lui écrit un jour de Rome : « J’espèrerai toujours de la race humaine, tant que vous existerez ! »
Ensuite, il a été l’acteur décisif de la libéralisation de
la monarchie, première phase de la Révolution fran1° La Révolution américaine
çaise, avant la Terreur. Car il y a deux Révolutions
bien distinctes et même contradictoires, puisque
Sans La Fayette, la révolution américaine aurait
La Fayette fut pour l’une et contre l’autre : la révoéchoué. « A dix-neuf ans, je me suis consacré à la
lution libérale de La Fayette (1789) et la révolution
liberté des hommes et à la destruction du despotisme
jacobine de Robespierre (1793), qui conduisit à la
(…). Je suis parti pour le Nouveau Monde, contrarié
formation de l’État totalitaire.
par tous et aidé par aucun ».
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En 1787, La Fayette prend un siège à l’Assemblée
française des Notables et demande que le roi
convoque les États-Généraux, devenant ainsi l’un
des chefs de file de la Révolution française. Élu aux
États-Généraux, il devient vice-président de l’Assemblée nationale, le 11 Juillet 1789 et présente à
l’Assemblée un projet de Déclaration des Droits de
l’Homme, inspiré de la Déclaration d’indépendance
de 1776. Six jours plus tard, La Fayette est fait général
en chef de la Garde nationale de Paris.
la cour. On voyait à l’autre extrémité un autel
préparé pour la messe que M. de Talleyrand
alors évêque d’Autun, célébra dans cette grand
circonstance. M. de La Fayette s’approcha de
ce même autel pour y jurer fidélité à la Nation,
à la Loi et au Roi ; et le serment et l’homme
qui le prononçait firent naître un grand sentiment de confiance. Les spectateurs étaient dans
l’ivresse ; le Roi et la liberté leur paraissaient
alors complètement réunis. »
Il formule deux grands principes de gouvernement,
inspirés de son ami Washington : « le pouvoir militaire doit être soumis au pouvoir civil » et « on doit
séparer l’Eglise et le gouvernement ».
À ce moment-là, La Fayette considère que la révolution est terminée.
À 30 ans, le 14 juillet 1790, La Fayette est à son apogée. Il a obtenu la ratification de la Constitution
par Louis XVI et il invite tous les Français à se rassembler au Champ-de-Mars pour une grande fête
nationale appelée Fête de la Fédération. On ne le
sait souvent pas mais la fête nationale française
commémore le 14 juillet 1790. La Fayette, voulait
que cette commémoration du 14 juillet soit une fête
de l’unité de tous les Français. Une proposition acceptée par l’Assemblée. Ainsi, le 14 juillet n’est pas
d’abord la date de la prise de la Bastille mais celle
de la Fête de la Fédération et donc de la monarchie
constitutionnelle.
En tête du défilé des délégations se trouve Thomas
Paine, l’ami de La Fayette et l’auteur du livre qui a
déclenché la révolution des colonies américaines :
Le Sens Commun.
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Madame de Staël écrit en juillet 1790 :
« Des femmes de premier rang se joignirent à
la multitude des travailleurs volontaires qui
venaient concourir aux préparatifs de cette
fête. En face de la Seine qui borde le Champ-deMars, on avait placé des jardins avec une tente
pour servir d’abri au roi, à la reine et à toute
Mais le 20 avril 1792, l’Assemblée législative déclare la guerre à l’Autriche. La Fayette est appelé
au commandement de l’armée française. Pendant ce
temps, les sans-culottes prennent le pouvoir à Paris.
Danton et Robespierre l’attaquent avec violence et
réclament sa tête. Le 19 août, il est convoqué devant
le tribunal révolutionnaire. Le 20 août, il prend le
chemin de l’exil et se réfugie en Belgique. Quelque
temps plus tard, il est arrêté par les Autrichiens,
jugé comme un chef militaire ennemi et jeté dans
un cachot à Olmütz, malgré les protestations du
général Washington et les tentatives de Madame de
Staël pour le libérer. Il n’en sortira qu’au bout de
cinq ans, grâce à la paix de Campo Formio, délivré
par les victoires de Bonaparte.
3° La Fayette et Bonaparte
Les deux hommes ne s’aiment pas particulièrement.
En 1799, La Fayette est interdit de séjour à Paris
par Napoléon Bonaparte qui redoute sa popularité.
La Fayette se retire dans sa maison de campagne,
un château nommé La Grange, en Seine et Marne.
Il y reste quinze ans, s’enfermant dans un silence
hostile, dans une opposition muette, comme « la
conscience de la France » selon ses propres dires.
Il enseigne l’anglais à ses enfants et La Grange devient le lieu de rendez-vous de tous les Américains
en France.
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Dans le choix de cette retraite agricole, il y a le
constant souci du marquis d’imiter Washington
dans sa retraite de Mount-Vernon. Son fils s’appelle
George Washington de La Fayette, sa fille Virginie,
en souvenir du général. Il entretient une correspondance suivie avec Jefferson, alors président des ÉtatsUnis avant de se retirer à Monticello. Ils dissertent
de politique, d’amitié et de jardinage.
Pendant se temps, Bonaparte décime la France avec
ses conquêtes pour asservir l’Europe, avant de tomber à Waterloo. Aux yeux de La Fayette, Bonaparte
était le champion de la seconde révolution. Il a commencé sa carrière en s’opposant à ceux qui voulaient
reprendre la grande tradition de 1789 et fonder
en France un État représentatif. Il a supprimé tout
droit d’opposition et détruit les libertés politiques
qui en sont la condition essentielle.
En 1812, Napoléon disait de La Fayette :
« Tout le monde en France est corrigé ; un
seul ne l’est pas, c’est La Fayette. Il n’a jamais
reculé d’une ligne. Vous le voyez tranquille ;
eh bien, je vous dis, moi, qu’il est tout prêt à
recommencer. »
Pour mieux le museler, Napoléon lui offre d’être
ambassadeur de France aux États-Unis. La Fayette
refuse, il est déjà citoyen américain, il ne veut pas
être diplomate auprès des autorités de son propre
pays. Il répond « le silence de ma retraite est le maximum de ma déférence ». Lors du référendum sur
l’institution du consulat à vie, La Fayette vote « non
», avec une infime minorité de Français (9000 sur
plus de 3,5 millions de « oui »)
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4° Retour en Amérique
En 1818, à 61 ans, La Fayette recommence. Il est
élu député de la Sarthe, siégeant dans l’opposition
libérale avec son ami Benjamin Constant. En 1824,
il n’est pas réélu. Il décide alors de tout lâcher et
s’embarque pour l’Amérique. Il y est invité par le
président James Monroe. Il est reçu comme un chef
d’État. Mieux, comme le héros de l’Amérique. C’est
l’apothéose. Toute l’Amérique se lève pour lui faire
accueil. Il va y rester presque deux ans, parcourant
24 États, revisitant tous les lieux de sa jeunesse dans
une tournée triomphale. Un corps d’armée spécial,
les « Gardes La Fayette » est créé pour l’accompagner. Le Congrès lui vote une dotation de 200 000
dollars ainsi qu’un lopin de terre.
Lors de la révolution de 1830, il se rallie à la maison d’Orléans en soutenant Louis-Philippe. C’est lui
qui le décore de la cocarde tricolore et lui remet
le drapeau bleu-blanc-rouge. Mais il est vite déçu
par le personnage. Pendant les dernières années
de sa longue vie, il se bat pour l’indépendance de
la Pologne, de la Belgique et de l’Irlande.
La Fayette s’est toujours décrit lui-même comme
un « disciple de l’école américaine ». Toute sa vie,
il s’est fortement impliqué dans le combat pour la
liberté : la tolérance religieuse, l’émancipation des
esclaves, la liberté de la presse, l’abolition des titres
de noblesse, et la suppression des ordres.
Comme tous les libéraux de l’époque, il a du se
battre sur deux fronts à la fois : celui de la gauche
progressiste et révolutionnaire d’une part et celui
de la droite réactionnaire et contre-révolutionnaire
d’autre part. Soutenant l’idée d’une monarchie
constitutionnelle, il était détesté tant des partisans
d’une république que des tenants de l’absolutisme.
Par suite, son opposition au régime personnel de
Napoléon lui attira les foudres des bonapartistes.
Enfin, les républicains modérés de la IIIe République
n’avaient que du mépris vis-à-vis d’un homme qui
ne souhaitait pas la disparition de la monarchie.
Pour Clemenceau par exemple, la République était
un bloc. Pour La Fayette, il fallait sauver la révolution des Droits de l’homme et oublier la révolution
jacobine de 1793.
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Dans une lettre à Lettre à M. D’Hennings, il écrit :
« La doctrine que je professe a été définie en
peu de mots dans mes discours et mes écrits,
confirmée dans tous les temps par ma conduite,
et suffisamment distinguée par la haine et les
excès révolutionnaires et contre-révolutionnaires de tous les oppresseurs du genre humain »
Le marquis meurt à Paris en 1834, il est enterré au
cimetière de Picpus. Le général Pershing, commandant des troupes américaines, participera d’ailleurs
le 4 juillet 1917 à une cérémonie sur sa tombe. Plusieurs discours furent prononcés sur la tombe de
La Fayette, dont celui du colonel Charles Stanton
qui lança la phrase historique : « La Fayette, we
are here ».
Articles complémentaires :
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1.La Fayette, inlassable champion de la liberté
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