Le mariage, un secteur en or?
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Le mariage, un secteur en or?
BIZZAFFAIRES PG PG PG LE BUSINESS DU MARIAGE Le mariage, un secteur en or? gueuse à succès, Madame C. «Je consacre six à huit heures par jour à mon blog. Il me rapporte l’équivalent d’un salaire minimum, un peu plus 1.000 euros par mois, uniquement grâce aux encarts publicitaires», explique Nessa Bionomo. Comme certaines de ses consœurs françaises, elle rencontre un succès impressionnant: son blog attire 78.000 visiteurs uniques par mois.Et, en l’absence de blog de référence pour la Belgique, de nombreuses lectrices belges. Si une partie du secteur événementiel subit la crise, la fête de mariage est à la mode. Les blogs spécialisés se multiplient et certains ont une vraie influence. De nouveaux types de salons du mariage font leur apparition. Et on ne compte plus les nouveaux «wedding planners». Tendances d’un secteur de l’émotion. PG LARA VAN DIEVOET N 74 24 OCTOBRE 2013 | WWW.TRENDS.BE essa Bionomo a créé le blog La mariée aux pieds nus en 2009. Après avoir organisé son propre mariage grâce aux blogs américains, elle a voulu combler le manque de blogs de mariages en France. Aujourd’hui, elle en a fait son métier, tout en développant en parallèle une activité de wedding planner avec une autre blo- Public très ciblé Les blogs français les plus connus, dont Un beau jour, Le blog de Madame C. , ou Des idées pour un joli mariage, présentent des univers semblables. La tendance est au mariage chic mais bohème, romantique et rock’n’roll, en décalage par rapport aux mariages classiques. Et surtout, ultra-personnalisé. Ces blogs mélangent bonnes adresses, idées de décoration et do it yourself. Mais ce qui attire le plus les lectrices, selon une enquête réalisée par Nessa Bionomo, ce sont les photos de «vrais mariages». Dans la lignée des photos très stylisées que l’on partage sur le réseau social Pinterest, l’autre outil vedette des préparations de mariage et véritable amplificateur de tendances. Les futures mariées qui se reconnaissent dans l’univers d’un blog le lisent pour trouver des idées correspondant à cet univers. Il s’agit d’un lectorat particulier, puisqu’il se renouvelle sans cesse au gré des fiançailles et est souvent ultra-passionné par le sujet «mariage» durant cette période. L’intérêt d’être cité sur un de ces blogs est donc important pour les fournisseurs de service, dans un secteur où les clients ne sont pas récurrents et toujours à acquérir. Et il est à son comble quand on est créateur de robes de mariée, un des sujets de prédilection des blogueuses. «La mariée qui lit un blog mariage sur lequel nous apparaissons et se retrouve dans l’univers présenté est vraiment une cliente potentielle.C’est de la communication très ciblée», estime Marine de Waziers, cofondatrice de la marque de robes Sœurs Waziers. Blogs d’influence Les posts des blogueuses ont un effet souvent immédiat sur les créateurs et les marques citées. «Un jour, mon téléphone n’a pas arrêté de sonner. J’ai ensuite découvert que La mariée aux pieds nus avait parlé de mes robes», se souvient la styliste Stéphanie le Grelle, qui crée des robes de mariée uniques et sur mesure. Une influence que constate également Marine de Waziers : «85% de notre clientèle est acquise grâce à Internet, via Facebook, les blogs ou notre site. En règle général, notre site compte 120 à 150 visites par jour, en semaine. Un post sur un blog connu augmente le nombre de visites de 300% le jour-même. Or, aujourd’hui, dès que nous postons de nouvelles photos de nos modèles, elles sont reprises sur des blogs. Si nous continuons à faire de la publicité dans certains magazines belges, c’est en soutien. Cela rassure les mamans», explique en souriant Marine de Waziers. Mais toutes les boutiques de robes de mariée ne constatent pas une influence aussi claire des blogs. Ouvert il y a un an à Bruxelles, Love, sweet, etc... propose des robes de plusieurs créatrices qui n’étaient pas encore distribuées en Belgique. Une boutique pile dans la tendance bohèmechic et vintage. «Je ne sais pas si les blogs qui parlent de nous ont une influence directe sur le processus d’achat, c’est difficile à déterminer. Le fait d’être référencées comme point de vente sur le site de créatrices comme Delphine Manivet ou Rime Arodaky me semble avoir plus d’influence, par exemple.Leur notoriété joue en notre faveur», avance Malicia Goldflam, cofondatrice de la boutique. Une place à prendre en Belgique? Certains prestataires regrettent l’absence de blogs «mariage» de qualité et reconnus en Belgique. Un besoin que quelques Belges ont identifié et tentent de combler. C’est le cas d’Elodie Wilmès. Cette conseillère en création d’entreprise a décidé de lancer son blog, Love & Tralala, en ligne depuis le 15 octobre. Elle prévoit de suivre la lignée des blogs français les plus connus, notamment en mettant en ligne des shootings d’inspiration. «Il s’agit de regrouper lors d’une séance photo différents prestataires: un créateur de robes, un maquilleur, un coiffeur, un traiteur, un graphiste et un photographe, par exemple. L’idée est de créer une mise en scène et un joli reportage présentant le savoir-faire de chacun, que je publierai sur mon blog. Une opération winwin», estime-t-elle. Des salons intimistes Le succès de ces blogs et de leurs univers a poussé plusieurs blogueuses françaises à lancer à Paris des salons du mariage d’un nouveau genre. Andy dis-moi oui! et Love, etc proposent, le temps d’une journée, de rencontrer des prestataires correspondant aux styles ≤ PG BIZZAFFAIRES ISABELLE GHOSEZ, ORGANISATRICE DE MARIAGES (BE YOUR GUEST) «Le montant que je facture est rarement en dessous de 800 euros hors TVA. Et mes plus grosses factures s’élevent à 3.000 euros environ.» décalés des blogueuses qui les organisent. Un style qui a particulièrement plu aux deux sœurs Waziers: «Nos robes sont présentées dans un environnement qui leur correspond, ce qui n’est pas le cas des salons plus business, où nous ne rencontrons pas forcément notre public.Le salon Andy de février 2013 nous a permis de remplir une partie de notre carnet de rendez-vous pour 2013 et 2014.» A tel point qu’elles ont suggéré à Géraldine Nerincx et Valentine Dormal, qui organisent depuis six ans l’exposition Labelle, de lancer un nouveau type de salon consacré au mariage, à Bruxelles. week-ends de l’année, comprenant quatre journées et deux nocturnes. Eric d’Humilly, qui en a repris l’organisation cette année, travaille dans le monde de l’événement depuis ses 18 ans. Il est le propriétaire de l’Abbaye de Nizelles, un lieu de réception prisé pour l’organisation de mariages. Il mise sur sa connaissance des acteurs du secteur et une base de données reprenant les coordonnées des très nombreux futurs mariés venus visiter son Abbaye, parfois un an et demi à l’avance. «Le salon atteint l’équilibre, mais ne permet pas encore de dégager des bénéfices. Ce n’est pas son objectif premier. Ce que nous voulons, c’est mettre les futurs mariés en contact avec des prestataires professionnels dans un environnement chaleureux, pour leur permettre d’organiser un mariage qui sorte de l’ordinaire. Et créer une famille de professionnels du mariage et de l’événement», explique l’organisateur. Défi accepté, puisqu’une première édition du salon Marry Me ouvrira ses portes au public le samedi 16 novembre. «Il nous semblait qu’il y avait un créneau à prendre, dans un style chic mais décalé, à la fois romantique, rock’n’roll, tendance et bon enfant, note Géraldine Nerincx. Des ateliers créatifs seront organisés et l’endroit sera décoré de meubles et canapés vintages. Pas de stands sous forme de boxes, comme dans les grands salons. La quarantaine de prestataires que nous avons sélectionnés se mêleront dans ce décor.» Les recettes: le prix des entrées, vendues à 10 euros, et celui des stands, qui varie entre 300 et 500 euros. Les salons du mariage ne sont pas un phénomène récent et les salons locaux sont nombreux en Belgique. Mais une nouvelle vague de salons sélectionne avec soin les prestataires rassemblés et tentent de créer une ambiance feutrée. C’est le cas de The Event Residence, dont la prochaine édition se tiendra au Cercle de Lorraine les 18 et 19 janvier 2014. Un salon qui se définit comme prestigieux et raffiné, et mise sur la sélection de ses 45 exposants. Les organisateurs espèrent y voir 500 visiteurs par jour. Le prix d’entrée est de 15 euros. Quant au prix de la participation en tant qu’exposant, il est de 1.600 euros pour les deux SET UP STÉPHANIE BRUYNS, ORGANISATRICE DE MARIAGES (SET UP). «En 2005, quand j’ai commencé à travailler dans le domaine du mariage, les gens faisaient moins attention. Aujourd’hui, on regarde chaque détail, on compare, on demande davantage d’offres.» 76 24 OCTOBRE 2013 | WWW.TRENDS.BE Stéphanie Bruyns, organisatrice d’événements spécialisée dans les mariages et fondatrice de Set Up. «En 2005, quand j’ai commencé à travailler dans le domaine du mariage, les gens faisaient moins attention. Aujourd’hui, on regarde chaque détail, on compare, on demande davantage d’offres.» Une tendance dans laquelle, selon elle, les wedding planners trouvent leur place : «Quand j’accompagne des clients, ils savent exactement vers où on va, je leur remets un tableau estimatif dès le début. Je les aide également à comparer les offres des différents prestataires, en tenant compte des détails et des frais cachés». Multiplication de «wedding planners» Importé des Etats-Unis quelques années avant les blogs et Pinterest, les wedding planners sont de plus en plus nombreux en Belgique. Les formules proposées sont souvent à la carte, allant de quelques heures de conseil à l’organisation de l’entièreté du mariage. Mais elles peuvent également se limiter dans certains cas à la coordination de la journée ou à la recherche d’un traiteur, par exemple. Le calcul des honoraires varie: commission sur la totalité du budget du mariage, prestations facturées à un tarif horaire ou forfait pour la prise en charge du jour J. Mais peut-on en vivre? Quand c’est le cas, l’organisation d’autres événements, privés et professionnels, vient souvent combler les périodes plus creuses. Mais les parcours sont variés. Stéphanie Bruyns a fait de l’organisation d’événements son activité principale depuis trois ans. Avec un chiffre d’affaires annuel moyen se situant entre 150.000 et 250.000 euros. Isabelle Ghosez, ingénieur civil de formation, a fondé Be Your Guest après une carrière de 20 ans dans deux grandes sociétés informatiques américaines. Elle est organisatrice de mariage et d’événements depuis six ans. Comme Stéphanie Bruyns, elle coordonne entre 15 et 20 mariages par an. «Le montant que je facture est rarement en dessous de 800 euros hors TVA, sauf heures de conseil ponc- tuelles, précise-t-elle. Et mes plus grosses factures s’élevent à 3.000 euros environ.» D’autres, comme Vinciane Moies et Céline Lahy, ont décidé de commencer en tant qu’indépendantes complémentaires, pour limiter les risques. Elles ont créé une sprl, ImagineWe, en marge de leurs emplois dans les assurances et le recrutement. Et ont participé, à des degrés divers, à l’organisation de 25 mariages en deux ans. Quant à Brigitte De Milde et sa sœur Catherine, elles ont lancé Party So Chic il y a un an et ont organisé sept mariages. Elles proposent plusieurs formules, de la séance de coaching de 2h30 à 90 euros, à l’option all in, à partir de 1.800 euros. Les horaires fatigants des week-ends de mariage, le stress des familles et les aléas de la gestion d’entreprise semblent compensés par le bonheur d’accompagner les futurs mariés et les contacts privilégiés qu’elles entretiennent avec ceux-ci durant de nombreux mois. Toutes sont formelles, il s’agit d’un métier de passion. z Un secteur en or? Selon Eric d’Humilly, «les salons sont indispensables, car ils permettent une rencontre humaine, une discussion». Car le business attire un nombre croissant de prestataires, plus ou moins sérieux. «Le mariage devient une opportunité dans un secteur de l’événement en crise. Les entreprises n’organisent plus leur communication de la même manière: la réussite doit rester sobre. Le mariage offre d’autres opportunités, cela reste une fête importante», constate-t-il. «C’est une fête à la mode, insiste, enthousiaste, l’organisatrice de mariages Brigitte De Milde. Aujourd’hui, si on se marie, on veut que ce soit bien, mais aussi différent et hyper personnalisé. On recherche l’effet ‘waw’!» «Bien sûr, les gens font plus attention à leurs dépenses, ils comparent, ajoute Eric d’Humilly. Mais on louera tout de même un endroit et on engagera un traiteur. Et cela reste, dans une famille, une des plus grosses dépenses que l’on ne fera jamais. Les gens ne vont pas au moins cher, il est important que leur mariage soit très réussi. Ne survivront donc que ceux qui proposent un très bon service à un prix juste.» C’est également ce que constate WWW.TRENDS.BE | 24 OCTOBRE 2013 77