AVANT-PROPOS - publications de l`École française de Rome
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AVANT-PROPOS - publications de l`École française de Rome
AVANT-PROPOS par S. GOZLAN Faisant suite au volume I, consacré aux pavements (nos 1 à 56) de la maison de Neptune édifiée à la limite Nord-Ouest de la ville, ce deuxième tome s’intéresse à deux maisons du quartier central ainsi qu’à quelques ensembles isolés, dont la localisation est, pour certains, repérée (mosaïque de la Langouste; mosaïques de la maison dite du Gardien), pour d’autres perdue (édifice des Saisons); un pavement même n’étant plus connu à ce jour que par une photographie (mosaïque aux canthares). Tous ces pavements ont été mis au jour entre 1947 et 1953, sous l’autorité de G.Ch. Picard et grâce à l’activité de chantiers d’assistance dirigés par M. Fendri. Plusieurs de ces mosaïques ont été signalées, commentées, exposées; mais aucune étude exhaustive n’a été faite jusque là de ces ensembles. Des dégagements et des relevés systématiques, entrepris et menés à bien dans les décennies 80 et 90, ont permis cette publication. Deux maisons sont implantées dans ce qui a dû être le cœur de la cité, non loin d’un decumanus, et, pour la maison d’Asinius Rufinus, près des thermes de Trajan et d’une aire dallée qui pourrait être une partie du forum (Pl. I). Il est clair que l’espace dont disposaient ces demeures, décorées à partir du dernier quart du IIe siècle, était limité. Celà est particulièrement visible pour la maison des Colonnes rouges, qui n’a pu bénéficier d’un péristyle central, mais seulement d’une cour à . deux portiques, et a tenté de s’agrandir aux dépens de modestes constructions avoisinantes, se heurtant à des murs préexistants qui l’ont forcée à s’accommoder de pièces dont les angles inégaux et l’obliquité des parois n’ont pas facilité l’installation des tapis. Même la maison d’Asinius Rufinus, avec des dimensions qui sont loin d’égaler celles de la maison de Neptune, a dû, pour répondre à la nouvelle dignité de son propriétaire, édifier un étage et empiéter sur le domaine public en se dotant d’un portique destiné à magnifier l’entrée principale. Le décor pavimental qui nous intéresse ici s’étend sur une certaine durée. Celui de la maison de Neptune se révélait typique de la période antonino-aurélienne. La mosaïque de la Langouste – pavant le triclinium d’une maison non conservée – doit être, si l’on en juge par son style, de la même époque, ou peut-être même antérieure. Un autre pavement, malheureusement isolé (no 112), semble être encore plus ancien, comme le suggère la discrétion de sa polychromie, la simplicité de ses motifs et de son dipositif. Il pourrait être la plus ancienne mosaïque exhumée à ce jour à Acholla. Les mosaïques de la maison d’Asinius Rufinus témoignent du même goût que celles de la maison de Neptune. Mais le programme y est étonnamment bien plus pauvre. Peu de pièces sont mosaïquées (aucune ne l’est sur l’aile Nord du péristyle); celles qui le sont ailleurs ne X AVANT-PROPOS montrent que des décors très simples et d’une grande banalité : trames courantes, bordures insignifiantes. L’exécution même est sans recherche, on l’observe dans le traitement des raccords, par exemple. Seuls, le triclinium, très ostentatoire, et la salle d’entrée (d’audience?) au pavement éclatant et aux murs revêtus de marbre témoignent d’une recherche de «richesse». Il semble que cette maison, dont le sous-sol montre une longue histoire, ait, soit appartenu depuis longtemps à la famille du futur consul, soit été achetée par lui au moment de son accession aux honneurs; mais, obligé d’avoir un établissement dans sa ville natale, Asinius Rufinus n’a pu y résider souvent et peut-être n’y a-t-il même pas habité et n’a-t-elle pas été terminée. La maison des Colonnes rouges montre une évolution nette dans le décor pavimental : richesse des couleurs, couverture insistante des fonds, emprunts à un répertoire qui n’est plus spécifique de la région (nos 85, 90), changements de modules aussi. Comparons, par exemple, le tapis du petit triclinium XXI de la maison de Neptune (no 22) et la mosaïque des Saisons de la maison des Colonnes rouges (no 95) : même guillochis certes, mais la dimension des tesselles du fond a doublé, celle du champ a augmenté d’un tiers avec un motif en moins. La cité a sans doute été atteinte par les évènements qui ont ébranlé la prospérité économique de la Byzacène en 238. Sa superficie a été réduite, on le constate par la destruction de la maison de Neptune à la périphérie et l’installation d’une nécropole à son emplacement. Mais elle a continué à vivre. L’ensemble de la décoration de la maison des Colonnes rouges, certainement pas antérieure à la fin de l’époque sévérienne, pourrait sans invraisemblance être repoussée dans le troisième quart du IIIe siècle. D’autres pavements sur le site montrent la persistance d’une activité édilitaire tardive : mosaïque aux pannetons de clés (no 100), imitation de brèche (no 109), sans oublier les restaurations effectuées dans la maison d’Asinius Rufinus et par ailleurs la reprise des salles chaudes des thermes de Trajan au IVe siècle. La ville d’Acholla n’est guère connue que par ses mosaïques, qui sont en effet d’une . grande qualité. Une salle entière du Musée du Bardo leur a été consacrée. L’activité de ses ateliers ne peut être séparée de la production d’El Jem. On le sait depuis longtemps mais une preuve récente vient d’en être fournie. Le décor de la maison d’Africa, nouvellement dégagée à Thysdrus, et celui de la maison de Neptune à Acholla présentent des ressemblances frappantes : même répertoire (carrés et fuseaux, losanges en arc-en-ciel, trames végétalisées); même habitudes de savoir-faire : traitement des raccords avec abattement en files parallèles devant les ouvertures, ou, par exemple, même rendu d’une bordure de «perles et pirouettes». Non seulement ces deux maisons apparaissent contemporaines, mais on sent bien que les ateliers de l’une et de l’autre devaient être en étroite relation. Néanmoins, une ville aussi importante qu’Acholla a dû avoir ses propres ateliers, sans que ceux-ci soient isolés de ceux de la métropole régionale. Ville ancienne, qui fut l’une des ciuitates liberae tolérées par Rome après la défaite de Carthage, active et intervenante lors de la guerre d’Afrique, elle a conservé des traces archéologiques de son passé. On a retrouvé, dans les sondages effectués sous les mosaïques de la maison d’Asinius Rufinus, les traces d’une vie continue depuis le IVe siècle avant notre ère, des objets puniques, beaucoup de mobilier céramique datable du 1er siècle, ainsi qu’un four domestique écrété par la pose du pavement. Bien plus tard, Acholla abrite au VIe siècle une communauté chrétienne, puisque deux baptistères y ont été exhumés, qu’a étudiés N. Duval. Les églises sont encore enfouies. Quand on visite le site, on peut apercevoir la crête de l’amphithéâtre et le profil du théâtre encore enterré plus au N-W. Les autres bâtiments publics ne sont pas connus. Bien des dégagements sont encore à mener pour rendre à cette cité qui dut être active et brillante le lustre qu’elle a perdu au cours de longs siècles d’enfouissement, pendant lesquels la mémoire de son emplacement a même été oubliée, lustre que seules jusqu’ici les mosaïques lui ont permis de retrouver. * * * Entre la parution du premier tome et la publication du second, nous avons eu à déplorer XI AVANT-PROPOS la perte de notre maître, le Professeur Gilbert Picard, qui est à l’origine de ces travaux et qui nous a constamment encouragés à les mener à bien. La préface de ce volume, qui a été l’un de ses derniers écrits, nous fait penser à la joie qui aurait été la sienne de voir cette œuvre achevée. Qu’un hommage ému lui soit rendu ici. Nous avons à cœur de remercier tous ceux qui nous ont aidés à conduire cet ouvrage à son terme. Dans la décennie 1970-1980, le regretté Richard Prudhomme avait procédé aux premiers relevés, aidé de Saloua Dargouth et de Aziza El Fourgi. Les membres fidèles de la partie française ont collaboré plus tard à toutes les recherches. Véronique Blanc-Bijon s’est intéressée très tôt à l’architecture de la maison d’Asinius Rufinus à laquelle elle a consacré en 1983 un mémoire de maîtrise. Participant à toutes les campagnes, elle s’est en outre attachée à l’étude des peintures, encore inédites. Nous lui adressons un dernier merci pour sa relecture attentive et perspicace des épreuves. François Jannin, architecte, à la suite de R. Prudhomme, a repris et parachevé les plans des maisons. Ariane Bourgeois a participé aux sondages et en a étudié la céramique. Enfin, Marie-Pat Raynaud, lors de la publication, nous a fait bénéficier de son talent et de ses compétences de dessinatrice, enrichissant le texte de nombreux dessins et composant le catalogue des trames et motifs. Nous avons apprécié la collaboration des autorités tunisiennes qui ne nous a jamais manqué. En premier lieu, l’INP, dont les directeurs successifs ont appuyé notre recherche, et H. Slim, directeur du Centre d’Études de la Civilisation classique, en particulier, qui n’a cessé de s’y intéresser. Nos remerciements vont aussi aux directeurs du Musée du Bardo, A. Ben Abed Ben Khader et H. Ben Younès, qui nous ont chaleureusement accueillis dans leurs murs, et, pour ce dernier, nous a largement ouvert ses réserves et fait bénéficier de la . compétence des photographes du Musée. Merci enfin à N. Jeddi, conservatrice du site d’Acholla, co-directrice de la mission, co-auteur de cet ouvrage, compagne assidue et attentive de nos travaux, avec qui notre collaboration fut plus qu’amicale, qui a toujours été présente avec nous sur le terrain et nous a, autant qu’elle a pu, favorisé l’accès aux documents. Notre reconnaissance s’adresse également à la Direction Générale des Relations culturelles du Ministère des Affaires Étrangères et aux responsables culturels de l’Ambassade de France à Tunis, qui ont fourni l’aide indispensable au bon déroulement des travaux et à l’École française de Rome qui en a assuré l’édition. Nous n’aurons garde d’oublier les autorités locales, soit françaises, soit tunisiennes. Monsieur Ph. Timon, directeur de l’antenne culturelle de Sfax à qui nous avons eu à faire entre 1990 et 1996 et Monsieur A. Zouari, inspecteur général du patrimoine, ont spontanément contribué à résoudre avec nous, et souvent dans l’urgence, les problèmes pratiques qui n’ont pas manqué de se poser. Il nous paraît indispensable aussi de souligner que cette publication est une œuvre collective à laquelle a participé toute une équipe dont le dévouement et le dynamisme, dans des circonstances parfois difficiles, n’ont jamais faibli. Nous y associerons les habitants de Botria qui ont accepté de participer à nos travaux avec courage, humour et amitié. Comme il est parfois nécessaire, pour achever une publication, de faire appel au mécènat, notre gratitude va à la Société Avenance, qui a bien voulu nous parrainer. Sur un plan plus personnel, un grand merci à ma famille, qui a dû s’accommoder de mon attachement aux mosaïques d’Acholla et plus particulièrement à mon mari, qui a fait faire un pas décisif à l’achèvement de l’ouvrage. Paris, Mars 1999 Suzanne GOZLAN ABRÉVIATIONS BIBLIOGRAPHIQUES Cette liste comporte les abréviations utilisées pour les références les plus fréquentes. Celles qui font l’objet d’une seule citation sont mentionnées in extenso dans le texte. Les abréviations retenues sont celles du Bulletin de l’AIEMA. A – REVUES AE : Année épigraphique, Paris AEst : Annales de l’Est. Faculté des Lettres de l’Université de Nancy. Fédération historique de Lorraine, Paris-Nancy. Africa : Africa. 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Les fouilles que j’avais dirigées de 1947 à 1955 ont été reprises en 1979 par une mission franco-tunisienne conduite par S. Gozlan. Leur intérêt principal est d’avoir rendu un ensemble d’édifices pavés de mosaïques qui peuvent être datées du IIe siècle de notre ère. Une maison aux sols somptueux appartint à Asinius Rufinus, originaire d’Acholla, qui fut c o n s u l s u f f e c t d e R o m e e n 18 4 , s o u s Commode. La date est donc assurée; mais j’avais été trop aventureux en faisant remonter jusqu’à l’époque de Trajan les grands thermes situés au centre du site, sur le côté est d’une place qui pourrait être le forum. S. Gozlan m’a convaincu, par une comparaison précise avec les thermes d’Hadrien à Tibur, qu’ils ne sauraient être antérieurs au règne de cet empereur. C’est donc dans la seconde moitié du IIe siècle seulement que se situe le grand épanouissement artistique de ce port de Byzacène, évidemment permis par une prospérité économique exceptionnelle. Il est tout à fait remarquable que les riches marchands qui . créaient cette fortune et en bénéficiaient aient été aussi des hommes cultivés et des amateurs d’art. L’école qu’ils ont fait vivre est toute romaine d’inspiration, mais affirme son originalité aussi bien vis à vis de l’Italie que de l’Orient par le sentiment de la vie, par le sens de la couleur : les motifs noirs sur blanc d’Italie sont repris en pierre rouge, en calcaire vert et surtout en calcaire jaune imitant l’or. Dans les Grands Thermes, la composition est inspirée par le souci de faire du sol un reflet des voûtes qui recouvraient les salles. Les frises des bordures et les bandes diagonales qui reflètent ainsi les voûtes sont chargées de putti, grotesques dorés au torse humain mais aux jambes remplacées par des rinceaux. C’est l’importance de cet élément fantastique, repris avec maintes variations dans toutes les parties de la composition inspirées de l’architecture qui confère à l’ensemble un caractère qu’on peut sans hésiter qualifier de baroque. Cette aristocratie raffinée voulait que ses maisons fussent aussi somptueuses que les édifices publics. La plus importante historiquement est évidemment, à Acholla, celle d’Asinius Rufinus. Elle forme le lien entre l’architecture publique et l’habitat, puisque la mosaïque de l’oecus, consacrée à Hercule, dont les travaux sont représentés dans les médaillons qui la divisent, est un hommage à Commode, l’Herculus Romanus, qui fit d’Asinius un consul. Dans le même port, S. Gozlan a étudié 4 PRÉFACES la maison de Neptune, dénommée par le triomphe du dieu des mers qui orne l’emblema central de son oecus; elle a pû la dater du règne de Marc Aurèle, et montrer comment, tout en s’inspirant de la mosaïque italienne, elle présente des particularités proprement byzacéniennes. La maison des Colonnes rouges, également étudiée par S. Gozlan et son équipe franco-tunisienne, plus modeste, est aussi plus tardive (fin de l’époque sévérienne). La grande coupure est provoquée par la crise de 238, qui entraîne la dévastation systématique par l’armée des villes et plus spécialement des maisons riches dont les maîtres avaient soutenu les Gordiens contre Maximin. Pour conclure, nous pouvons constater que la chronologie de la mosaïque romaine d’Afrique, totalement incertaine il y a un demisiècle, est aujourd’hui établie avec la plus grande précision, grâce principalement au site . d’Acholla, où, pour la plupart, les édifices pavés de mosaïques qui ont été découverts s’échelonnent du milieu du IIe s. à la crise de 238. Les mosaïques d’Acholla ne sont donc pas seulement un des plus magnifiques ensembles monumentaux de l’Afrique romaine; elles nous apportent des lumières exceptionnelles sur la société de cette partie essentielle de l’Empire, qui s’accordent parfaitement, non seulement avec ce que nous déduisons de l’ensemble de l’archéologie, mais aussi avec le témoignage de l’écrivain talentueux et lucide que fut Apulée. Il y a là un incontestable progrès dans notre connaissance de la civilisation romaine en Afrique, et, étant donnée l’importance de cette région dans l’Empire, dans celle de cette société, qu’on a trop longtemps jugée du seul point de vue politique, limité à la capitale. Versailles 1997 ACHOLLA ET BOTRIA par N. JEDDI Le site archéologique d’Acholla Botria se trouve à environ 45 km au Nord de Sfax, sur la route de Mahdia. C’était dans l’antiquité une ville importante, dont les vestiges s’étendent sur plus de 100 ha. Quelques monuments ont été classés dès la fin du siècle dernier par décret du 22 mars 1899 : l’amphithéâtre, les citernes et le Ksar-es-Sas (Château du môle). Nous espérons voir dans un avenir proche le classement du site dans son ensemble. Les découvertes ont été très sporadiques avant la seconde guerre mondiale; les fouilles ont commencé dès 1947, seront poursuivies jusqu’en 1954, puis ont été reprises de 1979 à 1994. Quelques maisons et deux établissements thermaux ont été dégagés ainsi que deux baptistères (Pl. I). Les habitants du village actuel de Botria ont souvent demandé quelle était l’origine du toponyme Botria (ou Boutria). V. Guérin fut le premier à faire le rapprochement entre le nom de Botria et celui de l’episcopus Botrianensis (V. Guérin, Voyage dans la Régence de Tunis, I, 1862, Paris, p. 163), mentionné dans les Actes de la Conférence de Carthage en 411, sans que l’on puisse localiser cet évêché avec certitude (S. Lances, Actes de la conférence de Carthage en 411, IV, Paris, 1994, p. 1335). . Le toponyme de Botria est attesté dès le Ve s. puisqu’en 411, on parle de l’évêque donatiste Donatus en tant que episcopus Botrianensis. En 484, on trouve le nom d’Acholla, lors du Colloque de Carthage entre catholiques et ariens avec Restitutus, évêque catholique, episcopus Acolitanus. Il en est de même en 546, quand on signale la présence de l’évêque Quintus, episcopus Acolitanus, au Concile de Byzacène. Mais le nom Acholla ne semble pas avoir survécu à la conquête arabe (F. Mahfoudh, Le Sahel antique, dans Ibla, vol. 193, 1998, p. 206), d’où le problème de l’identification du site antique, jusqu’à la découverte de l’inscription mentionnant le populus Achollitanus (supra p. 3). À l’époque arabe, on ne parle plus que de Botria. Ainsi par exemple le géographe El Bakri, au XIe s., évoque le «Mahras Botria», le port de Botria. D’après F. Mahfoudh, les éditeurs ont déformé le nom du lieu en Botwiya (El Bakri, El Massalik wa al Mamalik, Tunis, 1992, II, p. 669; dans la trad. de Scale, Paris, 1965, p. 46 : Mahrés Boutouia. L’intérêt manifesté par les villageois aux restes d’Acholla est très encourageant. Tunis 1999