Tintin cor
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Tintin cor
HERGE et TINTIN... On prête ce mot au général De Gaulle (qui ne faisait pas dans la fausse modestie) : Au fond je n’ai qu’un seul rival international, c’est Tintin... Bel hommage pour son créateur, George Rémi qui se cache sous ses initiales HER(r)GE(g). D’abord illustrateur d’une revue scoute (scout lui-même), il débute en 1929 au “Petit Vingtième”, un supplément pour la jeunesse dirigé par le dynamique abbé Wallez (proche de l’extrême-droite catholique belge d’avant-guerre, les Rexistes de Léon Degrelle). Les aventures de Tintin, (reporter dans cette période pour le “Petit Vingtième”), avec d’abord avec “Tintin au pays des Soviets” (très anti-soviétique), vont vite devenir le fer de lance du journal et puis sort, déjà avec succès, “Tintin au Congo”, sans vrai scénario et avec les préjugés coloniaux de son temps. Mais en 1934 il rencontre un Chinois, Tchang, qui le convaincra de se documenter, enfin sérieusement, pour le “Lotus bleu”, un vrai tournant de son oeuvre, où il prend ouvertement cause pour la Chine déjà envahie par le Japon impérialiste. Complexe, cet Hergé: Il travaillera pendant la guerre pour “Le Soir”, un journal bruxellois “collabo” à la solde des Allemands, où il ne fera rien d’autre que publier ses planches, mais avec l’une ou l’autre allusion raciste ou anti-américaine malvenue (notamment dans “l’Etoile mystérieuse”, qu’il corrigera dans les éditions ultérieures). Ce qui ternira un temps sa réputation et qu’il vivra toujours avec amertume. C’est portant Raymond Leblanc, un résistant, qui le remet rapidement en selle en créant le “Journal de Tintin”. Avec la mise en couleur généralisée et le succès international aidant, il aura avec les “Studios Hergé une solide équipe qui l’épaulera, dont Bob De Moor et Edgar P. Jacob (futur auteur de “Blake et Mortimer”). 1 Le monde de Tintin... Un casting bien “déjanté”!.. mais indispensable aux gags car il faut un contrepoint à Tintin, un héros si parfait, toujours prêt à lutter pour le bien. Il y a le fidèle fox-terrier (détail touchant, Milou était en fait le surnom d’une fiancée, mais Hergé sera éconduit par les parents)... ...et un marin alcoolique (et colérique, aux célèbres jurons exotiques...) mais au grand coeur. Plus un savant sourd et limite autiste mais génial et polyvalent (inspiré par Auguste Piccard -cf photo- un physicien suisse original célèbre pour ses expériences en ballon), et deux policiers jumeaux aussi clownesques qu’incapables ! Et bien d’autres..., mais peu de femmes, évidemment, (si ce n’est l’opulente et égocentrique Bianca Castafiore, une Diva amie) car elles ne pouvaient que “troubler” l’aventure (et l’esprit des chères têtes blondes...). D’ailleurs la censure des publications destinés à la jeunesse veillait lourdement à cette époque !.. Et les méchants sont de vrais méchants, d’ailleurs ce sont presque tous des étrangers ! : Rastapopoulos, Müller, Allan Thompson, Le colonel Sponsz, Dawson...etc Un mot pour le dessin... C’est la fameuse “ligne claire” qui fera école : un cerne noir égal, des couleurs en aplat, pas ou peu d’ombres pour ne pas embrouiller le dessin. La page est une entité construite pour le feuilleton de journal, avec une chute à la dernière image de page qui crée un appel pour la suite dans le prochain numéro. Hergé et son oeuvre... Citations et Documentation Pour ceux qui en douteraient, la BD est un travail long et plus sérieux qu’il n’en a l’air. Hergé, très pointilleux, se documentait ou s’inspirait de l’existant. Ainsi le château de Moulinsart (inversion de Sarmoulin, village des environs de Bruxelles), est en fait le château de Cheverny amputé de ses deux ailes !.. De même pour la statue originale de l’”Oreille cassée” (Palais des Beaux-arts de Bruxelles) ou la fusée lunaire, où il a consulté des spécialistes (jusqu’à faire construire par son équipe une maquette détaillée de tous les étages !...) et ne fait pas l’erreur, par exemple, d’accompagner le décollage de la fusée sur la lune par l’habituel vacarme “Braoumm” (Eh oui, pas d’air donc pas de son !). Certains albums, surtout les derniers, sont le reflet de cet homme alors tourmenté, voire parfois dépressif. Ainsi “Tintin au Tibet” correspond à un besoin mystique de pureté, de blanc (lié à sa crise de couple qui ira jusqu’au divorce), le seul but étant de retrouver Tchang vivant (...un hommage à son ami chinois dans la vraie vie). Et pas d’ennemis, même le Yeti est bon et secourable. Dans “les Bijoux de la Castafiore” , il se met au défi de raconter une histoire... où il ne se passe absolument rien ! (si ce n’est que ce cher Tryphon en “pince” pour le Rossignol milanais !..). Et enfin, lassé de ses personnages, si encombrants dans sa vie, il va ridiculiser les “méchants” (vol 714 pour Sidney)... et donc inévitablement les désactiver. Pour “Tintin chez les Picaros” c’est la mascarade finale, le fil est rompu. Encore passionné par l’art contemporain, il ne pourra plus achever le crayonné préalable de “Tintin et l’Alph art”. Avec une réserve peutêtre pour les débuts, Hergé reste un grand artiste du XX° siècle, avec une oeuvre de premier plan. Je dirais même plus..., et quel succès planétaire, plus de 230 millions d’albums !.. Il existe de nombreux ouvrages savants sur le sujet. Sa seconde épouse Fanny et son mari actuel, veillent jalousement sur son oeuvre et les droits aux images du Maître. Pour les amateurs, si une visite au Musée HERGE semble incontournable, on risque d’être déçu par Cheverny, où rien n’évoque vraiment l’univers de Tintin. Mais le para-normal est également présent dans les albums (notamment Les Cigares du Pharaon, Les 7 Boules de cristal, Le Temple du Soleil, Tintin au Tibet, vol 714 pour Sydney... ) A l’occasion, il s’amuse aussi à figurer, lui ou ses proches, dans les albums (Edgar P. Jacob dans “Les Cigares du Pharaon” ou “Objectif Lune”) 2 J.G. (Jigé) Musée HERGE Louvain-La-Neuve