C — Musset, On ne badine pas avec l`amour, acte I, scène 1, 1834

Transcription

C — Musset, On ne badine pas avec l`amour, acte I, scène 1, 1834
1
Objet d’étude : le théâtre, texte et représentation
Textes
A — Racine, Bérénice, acte I, scènes 1, 2 et 3, 1670.
B —Marivaux, Le jeu de l’amour et du hasard (1730), I,1
C — Musset, On ne badine pas avec l’amour, acte I, scène 1, 1834.
D- Ionesco, Rhinocéros (1959).
Texte A — Racine, Bérénice
Bérénice
Tragédie
Acteurs
TITUS, empereur de Rome
BÉRÉNICE, reine de Palestine
ANTIOCHUS, roi de Comagène
PAULIN, confident de Titus
ARSACE, confident d’Antiochus
PHÉNICE, confidente de Bérénice
RUTILE, Romain
SUITE DE TITUS
La scène est à Rome, dans un cabinet qui est entre
l’appartement de Titus et celui de Bérénice
ACTE I , SCENE PREMIERE .
ANTIOCHUS.
Arrêtons un moment. La pompe 1 de ces lieux,
Je le vois bien, Arsace, est nouvelle à tes yeux.
Souvent ce cabinet superbe et solitaire
Des secrets de Titus est le dépositaire.
C'est ici quelquefois qu'il se cache à sa cour,
Lorsqu'il vient à la reine expliquer son amour.
De son appartement cette porte est prochaine,
Et cette autre conduit dans celui de la reine.
Va chez elle : dis-lui qu'importun à regret
J'ose lui demander un entretien secret.
ARSACE.
Vous, seigneur, importun ? Vous, cet ami fidèle
Qu'un soin si généreux intéresse pour elle ?
Vous, cet Antiochus son amant 2 autrefois ?
Vous, que l'Orient compte entre ses plus grands rois ?
Quoi ? Déjà de Titus épouse en espérance,
Ce rang entre elle et vous met-il tant de distance ?
ANTIOCHUS.
Va, dis-je ; et sans vouloir te charger d'autres soins,
Vois si je puis bientôt lui parler sans témoins.
ACTE I , SCENE II .
ANTIOCHUS, seul.
Hé bien ! Antiochus, es-tu toujours le même ?
Pourrai-je, sans trembler, lui dire : " je vous aime ? "
Mais quoi ? Déjà je tremble, et mon coeur agité
Craint autant ce moment que je l'ai souhaité.
Bérénice autrefois m'ôta toute espérance ;
Elle m'imposa même un éternel silence.
Je me suis tu cinq ans, et jusques à ce jour
D'un voile d'amitié j'ai couvert mon amour.
Dois-je croire qu'au rang où Titus la destine
Elle m'écoute mieux que dans la Palestine ?
1
2
la pompe = le luxe
celui qui l’a aimée (sans que cela soit réciproque)
Il l'épouse. Ai-je donc attendu ce moment
Pour me venir encor déclarer son amant ?
Quel fruit me reviendra d'un aveu téméraire ?
Ah ! Puisqu'il faut partir, partons sans lui déplaire.
Retirons-nous, sortons ; et sans nous découvrir,
Allons loin de ses yeux l'oublier, ou mourir.
Hé quoi ? Souffrir toujours un tourment qu'elle ignore ?
Toujours verser des pleurs qu'il faut que je dévore ?
Quoi ? Même en la perdant redouter son courroux 3 ?
Belle reine, et pourquoi vous offenseriez-vous ?
Viens-je vous demander que vous quittiez l'empire ?
Que vous m'aimiez ? Hélas ! Je ne viens que vous dire
Qu'après m'être longtemps flatté que mon rival
Trouveroit à ses voeux quelque obstacle fatal4,
Aujourd'hui qu'il peut tout, que votre hymen s'avance,
Exemple infortuné d'une longue constance,
Après cinq ans d'amour et d'espoir superflus,
Je pars, fidèle encor quand je n'espère plus.
Au lieu de s'offenser, elle pourra me plaindre.
Quoi qu'il en soit, parlons : c'est assez nous contraindre.
Et que peut craindre, hélas ! Un amant sans espoir
Qui peut bien se résoudre à ne la jamais voir ?
ACTE I , SCENE III .
ANTIOCHUS.
Arsace, entrerons-nous ?
ARSACE.
Seigneur, j'ai vu la reine ;
Mais pour me faire voir, je n'ai percé qu'à peine
Les flots toujours nouveaux d'un peuple adorateur
Qu'attire sur ses pas sa prochaine grandeur.
Titus, après huit jours d'une retraite austère,
Cesse enfin de pleurer Vespasien son père.
Cet amant se redonne aux soins de son amour ;
Et si j'en crois, seigneur, l'entretien de la cour,
Peut-être avant la nuit l'heureuse Bérénice
Change le nom de reine au nom d' impératrice.
ANTIOCHUS.
Hélas !
ARSACE.
Quoi ? Ce discours pourroit-il vous troubler ?
ANTIOCHUS.
Ainsi donc sans témoins je ne lui puis parler ?
ARSACE.
Vous la verrez, seigneur : Bérénice est instruite
Que vous voulez ici la voir seule et sans suite. […].
3
= sa colère
trouverait quelque obstacle qui serait fatal à son souhait d’être
aimé de Bérénice (vœux désigne au pluriel le souhait d’être aimé
de quelqu’un)
4
2
Texte B : Marivaux, Le jeu de l’amour et du hasard (1730)
Le jeu de l’amour et du hasard
Comédie
PERSONNAGES
Monsieur Orgon.
Mario.
Silvia.
Dorante.
Lisette, femme de chambre de Silvia.
Arlequin, valet de Dorante.
Un laquais.
La scène est à Paris.
SILVIA : Mais encore une fois, de quoi vous mêlez-vous, pourquoi répondre de mes sentiments ?
LISETTE : C'est que j'ai cru que dans cette occasion-ci, vos sentiments ressembleraient à ceux de tout le monde ; Monsieur
votre père me demande si vous êtes bien aise qu'il vous marie, si vous en avez quelque joie ; moi je lui réponds qu'oui ; cela
va tout de suite ; et il n'y a peut-être que vous de fille au monde, pour qui ce oui-là ne soit pas vrai, le non n'est pas naturel.
SILVIA : Le non n'est pas naturel ; quelle sotte naïveté ! Le mariage aurait donc de grands charmes pour vous ?
LISETTE : Eh bien, c'est encore oui, par exemple.
SILVIA : Taisez-vous, allez répondre vos impertinences ailleurs, et sachez que ce n'est pas à vous à juger de mon coeur par
le vôtre.
LISETTE : Mon coeur est fait comme celui de tout le monde ; de quoi le vôtre s'avise-t-il de n'être fait comme celui de
personne ?
SILVIA : Je vous dis que si elle osait, elle m'appellerait une originale.
LISETTE : Si j'étais votre égale, nous verrions.
SILVIA : Vous travaillez à me fâcher, Lisette.
LISETTE : Ce n'est pas mon dessein ; mais dans le fond voyons, quel mal ai-je fait de dire à Monsieur Orgon, que vous étiez
bien aise d'être mariée ?
SILVIA : Premièrement, c'est que tu n'as pas dit vrai, je ne m'ennuie pas d'être fille.
LISETTE : Cela est encore tout neuf.
SILVIA : C'est qu'il n'est pas nécessaire que mon père croie me faire tant de plaisir en me mariant, parce que cela le fait agir
avec une confiance qui ne servira peut-être de rien.
LISETTE : Quoi, vous n'épouserez pas celui qu'il vous destine ?
SILVIA : Que sais-je ? Peut-être ne me conviendra-t-il point, et cela m'inquiète.
LISETTE : On dit que votre futur est un des plus honnêtes du monde, qu'il est bien fait, aimable, de bonne mine, qu'on ne
peut pas avoir plus d'esprit, qu'on ne saurait être d'un meilleur caractère ; que voulez-vous de plus ? Peut-on se figurer de
mariage plus doux ? D'union plus délicieuse ?
SILVIA : Délicieuse ! Que tu es folle avec tes expressions !
LISETTE : Ma foi, Madame, c'est qu'il est heureux qu'un amant de cette espèce-là, veuille se marier dans les formes ; il n'y a
presque point de fille, s'il lui faisait la cour, qui ne fût en danger de l'épouser sans cérémonie ; aimable, bien fait, voilà de
quoi vivre pour l'amour, sociable et spirituel, voilà pour l'entretien de la société : pardi, tout en sera bon dans cet homme-là,
l'utile et l'agréable, tout s'y trouve.
SILVIA : Oui dans le portrait que tu en fais, et on dit qu'il y ressemble, mais c'est un, on dit, et je pourrais bien n'être pas de
ce sentiment-là, moi ; il est bel homme, dit-on, et c'est presque tant pis.
LISETTE : Tant pis, tant pis, mais voilà une pensée bien hétéroclite !
SILVIA : C'est une pensée de très bon sens ; volontiers un bel homme est fat, je l'ai remarqué.
LISETTE : Oh, il a tort d'être fat ; mais il a raison d'être beau.
SILVIA : On ajoute qu'il est bien fait ; passe.
LISETTE : Oui-da, cela est pardonnable.
SILVIA : De beauté, et de bonne mine je l'en dispense, ce sont là des agréments superflus.
LISETTE : Vertuchoux ! si je me marie jamais, ce superflu-là sera mon nécessaire.
SILVIA : Tu ne sais ce que tu dis ; dans le mariage, on a plus souvent affaire à l'homme raisonnable, qu'à l'aimable homme :
en un mot, je ne lui demande qu'un bon caractère, et cela est plus difficile à trouver qu'on ne pense ; on loue beaucoup le
sien, mais qui est-ce qui a vécu avec lui ? Les hommes ne se contrefont-ils pas, surtout quand ils ont de l'esprit ?
3
Texte C — Musset, On ne badine pas avec l’amour
On ne badine pas avec l’amour
Proverbe 1
Personnages
LE BARON
PERDICAN, son fils
MAÎTRE BLAZIUS, gouverneur de Perdican
MAÎTRE BRIDAINE, curé
CAMILLE, nièce du baron
DAME PLUCHE, sa gouvernante
ROSETTE, sœur de lait2 de Camille
LE CHŒUR, villageois
UN PAYSAN
UN VALET
ACTE PREMIER
SCENE PREMIERE. Une place devant le château.
LE CHŒUR. Doucement bercé sur sa mule fringante, maître Blazius s'avance dans les bluets3 fleuris, vêtu de neuf, l'écritoire 4
au côté. Comme un poupon sur l'oreiller, il se ballotte sur son ventre rebondi, et les yeux à demi fermés, il marmotte un
Pater noster dans son triple menton. Salut, maître Blazius ; vous arrivez au temps de la vendange, pareil à une amphore
antique.
MAITRE BLAZIUS. Que ceux qui veulent apprendre une nouvelle d'importance m'apportent ici premièrement un verre de vin
frais.
LE CHŒUR. Voilà notre plus grande écuelle; buvez, maître Blazius; le vin est bon ; vous parlerez après.
MAITRE BLAZIUS. Vous saurez, mes enfants, que le jeune Perdican, fils de notre seigneur, vient d'atteindre à sa majorité, et
qu'il est reçu docteur5 à Paris. Il revient aujourd'hui même au château, la bouche toute pleine de façons de parler si belles et
si fleuries, qu'on ne sait que lui répondre les trois quarts du temps. Toute sa gracieuse personne est un livre d'or 6 ; il ne voit
pas un brin d'herbe à terre, qu'il ne vous dise comment cela s'appelle en latin; et quand il fait du vent ou qu'il pleut, il vous
dit tout clairement pourquoi. Vous ouvririez des yeux grands comme la porte que voilà, de le voir dérouler un des parchemins
qu'il a coloriés d'encres de toutes couleurs, de ses propres mains et sans rien en dire à personne. Enfin c'est un diamant fin
des pieds à la tête, et voilà ce que je viens annoncer à M. le baron. Vous sentez que cela me fait quelque honneur, à moi, qui
suis son gouverneur depuis l'âge de quatre ans ; ainsi donc, mes bons amis, apportez une chaise, que je descende un peu de
cette mule-ci sans me casser le cou ; la bête est tant soit peu rétive, et je ne serais pas fâché de boire encore une gorgée
avant d'entrer.
LE CHŒUR. Buvez, maître Blazius, et reprenez vos esprits. Nous avons vu naître le petit Perdican, et il n'était pas besoin, du
moment qu'il arrive, de nous en dire si long. Puissions-nous retrouver l'enfant dans le cœur de l'homme
MAITRE BLAZIUS. Ma foi, l'écuelle est vide ; je ne croyais pas avoir tout bu. Adieu ; j'ai préparé, en trottant sur la route,
deux ou trois phrases sans prétention qui plairont à monseigneur ; je vais tirer la cloche. (Il sort.)
LE CHŒUR. Durement cahotée sur son âne essoufflé, dame Pluche gravit la colline ; son écuyer transi gourdine7 à tour de
bras le pauvre animal, qui hoche la tête, un chardon entre les dents. Ses longues jambes maigres trépignent de colère, tandis
que, de ses mains osseuses, elle égratigne son chapelet. Bonjour donc, dame Pluche, vous arrivez comme la fièvre, avec le
vent qui fait jaunir les bois.
DAME PLUCHE. Un verre d'eau, canaille que vous êtes ! un verre d'eau et un peu de vinaigre !
LE CHŒUR. D'où venez-vous, Pluche, ma mie ? vos faux cheveux sont couverts de poussière; voilà un toupet 8 de gâté, et
votre chaste robe est retroussée jusqu'à vos vénérables jarretières.
DAME PLUCHE. Sachez, manants, que la belle Camille, la nièce de votre maître, arrive aujourd'hui au château. Elle a quitté le
couvent sur l'ordre exprès de monseigneur, pour venir en son temps et lieu recueillir, comme faire se doit, le bon bien qu'elle
a de sa mère. Son éducation, Dieu merci, est terminée ; et ceux qui la verront auront la joie de respirer une glorieuse fleur
de sagesse et de dévotion. Jamais il n'y a rien eu de si pur, de si ange, de si agneau et de si colombe que cette chère
nonnain 9 , que le Seigneur Dieu du ciel la conduise ! Ainsi soit-il. Rangez-vous, canaille ; il me semble que j'ai les jambes
enflées.
LE CHŒUR. Défripez-vous, honnête Pluche, et quand vous prierez Dieu, demandez de la pluie ; nos blés sont secs comme vos
tibias.
DAME PLUCHE. Vous m'avez apporté de l'eau dans une écuelle qui sent la cuisine ; donnez-moi la main pour descendre ;
vous êtes des butors et des malappris. (Elle sort).
LE CHŒUR. Mettons nos habits du dimanche, et attendons que le baron nous fasse appeler. Ou je me trompe fort, ou quelque
joyeuse bombance est dans l'air d'aujourd'hui. (Ils sortent).
1
petite comédie facile et amusante qui se propose d’illustrer une vérité morale passé en proverbe et qui en est le titre.
Fille de la nourrice qui a aussi élevé Camille
3
autre orthographe de « bluets »
4
sacoche contenant le nécessaire pour écrire
5
= il vient juste de soutenir sa thèse de Doctorat
6
à l’origine, désigne le registre vénitien sur lequel étaient consignés en lettres d’or, les noms des familles nobles de la cité. Par extension,
livre rare et précieux par son contenu.
7
Frappe à coups de gourdin (néologisme créé par Musset)
8
petite perruque de cheveux artificiels destinée à augmenter le volume de la coiffure naturelle.
9
Terme plaisant pour désigne une religieuse plutôt jeune.
2
4
Texte D —Ionesco, Rhinocéros
Pièce en trois actes et quatre tableaux
Acte Premier
Décor
Une place dans une petite ville de province. Au fond, une
maison composée d’un rez-de-chaussée et d’un étage. Au
rez-de-chaussée, la devanture d’une épicerie. On y entre par
une porte vitrée qui surmonte deux ou trois marches. Audessus de la devanture est écrit en caractères très visibles le
mot : « EPICERIE ». au premier étage, deux fenêtres qui
doivent être celles du logement des épiciers. L’épicerie se
trouve donc dans le fond du plateau, mais assez sur la
gauche, pas loin des coulisses. On aperçoit, au-dessus de la
maison de l’épicerie, le clocher d’une église, dans le lointain.
Entre l’épicerie et le côté droit, la perspective d’une petite
rue. Sur la droite, légèrement en biais, la devanture d’un
café. Au-dessus du café, un étage avec une fenêtre. Devant
la terrasse de ce café : plusieurs tables et chaises s’avancent
jusque près du milieu du plateau. Un arbre poussiéreux près
des chaises de la terrasse. Ciel bleu, pas loin de midi, en été.
Jean et Béranger iront s’asseoir à une table de la terrasse.
Avant le lever du rideau, on entend carillonner. Le carillon
cessera quelques secondes après le lever du rideau. Lorsque
le rideau se lève, une femme, portant sous un bras un panier
à provisions vide, et sous l’autre un chat, traverse en silence
la scène, de droite à gauche. A son passage, l’Epicière ouvre
la porte de la boutique et la regarde passer.
L’ÉPICIÈRE : Ah ! celle-là ! (A son mari qui est dans la
boutique.) Ah ! celle-là, elle est fière. Elle ne veut plus
acheter chez nous.
L’épicière disparaît, plateau vide quelques secondes. Par la
droite, apparaît Jean ; en même temps, par la gauche,
apparaît Bérenger. Jean est très soigneusement vêtu :
costume marron, cravate rouge, faux col amidonné, chapeau
marron. Il est un peu rougeaud de figure. Il a des souliers
jaunes, bien cirés ; Bérenger n’est pas rasé, il est tête nue,
les cheveux mal peignés , les vêtements chiffonnés ; tout
exprime chez lui la négligence, il a l’air fatigué, somnolent ;
de temps à autre, il bâille.
JEAN, venant de la droite : Vous voilà tout de même,
Bérenger.
BÉRENGER, venant de la gauche : Bonjour, Jean.
JEAN : Toujours en retard, évidemment ! (Il regarde sa
montre-bracelet) Nous avions rendez-vous à onze heures
trente. Il est bientôt midi.
BÉRENGER :
Excusez-moi.
Vous
m’attendez
depuis
longtemps ?
JEAN : Non. J’arrive, vous voyez bien.
Ils vont s’asseoir à une des tables de la terrasse du café.
BÉRENGER : Alors, je me sens moins coupable, puisque…
vous-même…
JEAN : Moi, c’est pas pareil, je n’aime pas attendre, je n’ai
pas de temps à perdre. Comme vous ne venez jamais à
l’heure, je viens exprès en retard, au moment où je suppose
avoir la chance de vous trouver.
BÉRENGER : C’est juste… c’est juste, pourtant…
JEAN : Vous ne pouvez affirmer que vous venez à l’heure
convenue !
BÉRENGER : Evidemment…je ne pourrais l’affirmer.
Jean et Bérenger se sont assis.
JEAN : Vous voyez bien.
BÉRENGER : Qu’est-ce que vous buvez ?
JEAN : Vous avez soif, vous, dès le matin ?
BÉRENGER : Il fait tellement chaud, tellement sec.
JEAN : Plus on boit, plus on a soif, dit la science populaire…
BÉRENGER : Il ferait moins sec, on aurait moins soif si on
pouvait faire venir dans notre ciel des nuages scientifiques.
JEAN, examinant Bérenger : Ca ne ferait pas votre affaire. Ce
n’est pas d’eau que vous avez soif, mon cher Bérenger…
BÉRENGER : Que voulez-vous dire par là, mon cher Jean ?
JEAN : Vous me comprenez très bien. Je parle de l’avidité de
votre gosier. C’est une terre insatiable.
BÉRENGER : Votre comparaison, il me semble…
JEAN, l’interrompant : Vous êtes dans un triste état mon ami.
BÉRENGER : Dans un triste état, vous trouvez ?
JEAN : Je ne suis pas aveugle. Vous tombez de fatigue, vous
avez encore perdu la nuit, vous bâillez, vous êtes mort de
sommeil…
BÉRENGER : J’ai un peu mal aux cheveux…
JEAN : Vous puez l’alcool !
BÉRENGER : J’ai un petit peu la gueule de bois, c’est vrai !
JEAN : Tous les dimanches matin, c’est pareil, sans compter
les jours de la semaine.
BÉRENGER : Ah ! non, en semaine, c’est moins fréquent, à
cause du bureau…
JEAN : Et votre cravate, où est-elle ? Vous l’avez perdue dans
vos ébats !
BÉRENGER , mettant la main à son cou : Tiens, c’est vrai,
c’est drôle, qu’est-ce que j’ai pu en faire ?
JEAN, sortant une cravate de la poche de son veston : Tenez,
mettez celle-ci.
BÉRENGER : Oh, merci, vous êtes bien obligeant.
Il noue la cravate à son cou.
JEAN, pendant que Bérenger nous sa cravate au petit
bonheur : Vous êtes tout décoiffé ! (Bérenger passe les doigts
dans ses cheveux) Tenez,voici un peigne !
Il sort un peigne de l’autre poche de son
veston.
BÉRENGER, prenant le peigne : Merci.
Il se peigne vaguement.
JEAN : Vous ne vous êtes pas rasé ! Regardez la tête que
vous avez.
Il sort une petite glace de la poche
intérieure de son veston, la tend à Bérenger
qui s’y examine ; en se regardant dans la
glace, il tire la langue.
BÉRENGER : J’ai la langue bien chargée.
JEAN, reprenant la glace et la remettant dans sa poche : Ce
n’est pas étonnant ! … (Il reprend aussi le peigne que lui tend
Bérenger et le remet dans sa poche) La cirrhose vous
menace, mon ami.
BÉRENGER, inquiet : Vous croyez ?...
JEAN, à Bérenger qui veut lui rendre la cravate : Gardez la
cravate, j’en ai en réserve.
BÉRENGER, admiratif : Vous êtes soigneux, vous.
JEAN, continuant d’inspecter Bérenger : Vos vêtements sont
tout chiffonnés, c’est lamentable, votre chemise est d’une
saleté repoussante, vos souliers… (Bérenger essaye de cacher
ses pieds sous la table) Vos souliers ne sont pas cirés… Quel
désordre ! … Vos épaules…
BÉRENGER : Qu’est-ce qu’elles ont mes épaules ? …
JEAN : Tournez-vous. Allez, tournez-vous. Vous vous êtes
appuyé contre un mur…(Bérenger étend mollement sa main
vers Jean) Non, je n’ai pas de brosse sur moi. Cela gonflerait
mes poches (Toujours mollement, Bérenger donne des tapes
sur ses épaules pour en faire sortir la poussière blanche ;
Jean écarte la tête) Oh ! là, là … Ou donc avez vous pris
cela ?
BÉRENGER : Je ne m’en souviens pas.
JEAN : C’est lamentable, lamentable ! j’ai honte d’être votre
ami.
BÉRENGER : Vous êtes bien sévère…
5
Questions préparatoires
1. Pourquoi a-t-on selon vous regroupé ces quatre scènes ? À partir de vos connaissances antérieures, rappelez les enjeux de ce
moment au théâtre.
2. Analysez précisément pour chaque texte la situation d’énonciation en tenant compte de la spécificité de l’énonciation théâtrale.
3. Relevez toutes les informations sur les personnages, le lieu, le temps et l’intrigue fournies au spectateur lors de la
représentation de la pièce. Comparez.
4. Comment sont apportées ces informations dans le discours des personnages ? La façon dont les personnages énoncent les
informations vous semble-t-elle vraisemblable ? Comparez entre les quatre textes.
5. Ces scènes vous semblent-elles chercher à captiver le spectateur ? Comment ?
6. Comparez l’usage des didascalies et commentez-les : que traduisent-elles sur la conception qu’ont leurs auteurs du théâtre ?
7. Qualifiez les registres de chacune de ces scènes. Quelles attentes a alors le spectateur sur le genre de la pièce qu’il va voir ?
Questions préparatoires
1. Pourquoi a-t-on selon vous regroupé ces quatre scènes ? À partir de vos connaissances antérieures, rappelez les enjeux de ce
moment au théâtre.
2 . Analysez précisément pour chaque texte la situation d’énonciation en tenant compte de la spécificité de l’énonciation théâtrale.
3. Relevez toutes les informations sur les personnages, le lieu, le temps et l’intrigue fournies au spectateur lors de la représentation
de la pièce. Comparez.
4. Comment sont apportées ces informations dans le discours des personnages ? La façon dont les personnages énoncent les
informations vous semble-t-elle vraisemblable ? Comparez entre les quatre textes.
5. Ces scènes vous semblent-elles chercher à captiver le spectateur ? Comment ?
6. Comparez l’usage des didascalies et commentez-les : que traduisent-elles sur la conception qu’ont leurs auteurs du théâtre ?
7. Qualifiez les registres de chacune de ces scènes. Quelles attentes a alors le spectateur sur le genre de la pièce qu’il va voir ?
Questions préparatoires
1. Pourquoi a-t-on selon vous regroupé ces quatre scènes ? À partir de vos connaissances antérieures, rappelez les enjeux de ce
moment au théâtre.
2 . Analysez précisément pour chaque texte la situation d’énonciation en tenant compte de la spécificité de l’énonciation théâtrale.
3. Relevez toutes les informations sur les personnages, le lieu, le temps et l’intrigue fournies au spectateur lors de la représentation
de la pièce. Comparez.
4. Comment sont apportées ces informations dans le discours des personnages ? La façon dont les personnages énoncent les
informations vous semble-t-elle vraisemblable ? Comparez entre les quatre textes.
5. Ces scènes vous semblent-elles chercher à captiver le spectateur ? Comment ?
6. Comparez l’usage des didascalies et commentez-les : que traduisent-elles sur la conception qu’ont leurs auteurs du théâtre ?
7. Qualifiez les registres de chacune de ces scènes. Quelles attentes a alors le spectateur sur le genre de la pièce qu’il va voir ?
Questions préparatoires
1. Pourquoi a-t-on selon vous regroupé ces quatre scènes ? À partir de vos connaissances antérieures, rappelez les enjeux de ce
moment au théâtre.
2 . Analysez précisément pour chaque texte la situation d’énonciation en tenant compte de la spécificité de l’énonciation théâtrale.
3. Relevez toutes les informations sur les personnages, le lieu, le temps et l’intrigue fournies au spectateur lors de la représentation
de la pièce. Comparez.
4. Comment sont apportées ces informations dans le discours des personnages ? La façon dont les personnages énoncent les
informations vous semble-t-elle vraisemblable ? Comparez entre les quatre textes.
5. Ces scènes vous semblent-elles chercher à captiver le spectateur ? Comment ?
6. Comparez l’usage des didascalies et commentez-les : que traduisent-elles sur la conception qu’ont leurs auteurs du théâtre ?
7. Qualifiez les registres de chacune de ces scènes. Quelles attentes a alors le spectateur sur le genre de la pièce qu’il va voir ?
Questions préparatoires
1. Pourquoi a-t-on selon vous regroupé ces quatre scènes ? À partir de vos connaissances antérieures, rappelez les enjeux de ce
moment au théâtre.
2 . Analysez précisément pour chaque texte la situation d’énonciation en tenant compte de la spécificité de l’énonciation théâtrale.
3. Relevez toutes les informations sur les personnages, le lieu, le temps et l’intrigue fournies au spectateur lors de la représentation
de la pièce. Comparez.
4. Comment sont apportées ces informations dans le discours des personnages ? La façon dont les personnages énoncent les
informations vous semble-t-elle vraisemblable ? Comparez entre les quatre textes.
5. Ces scènes vous semblent-elles chercher à captiver le spectateur ? Comment ?
6. Comparez l’usage des didascalies et commentez-les : que traduisent-elles sur la conception qu’ont leurs auteurs du théâtre ?
7. Qualifiez les registres de chacune de ces scènes. Quelles attentes a alors le spectateur sur le genre de la pièce qu’il va voir ?

Documents pareils