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4-6 LA SEMAINE DU DROIT CIVIL ET PROCÉDURE CIVILE ➜ Actualités 4-12 ➜ Notes 13-14 Actualités AIDE JURIDIQUE 4 Suppression de la contribution pour l’aide juridique et nouvelles dispositions D. n° 2013-1280, 29 déc. 2013 : JO 30 déc. 2013, p. 22242 L’ article 128 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 abroge au 1er janvier 2014 la contribution pour l’aide juridique (CGI, art. 1635 bis Q). Le décret n° 2013-1280 précise les modalités de mise en œuvre de cette suppression et abroge au 1er janvier 2014 les dispositions relatives à cette contribution. Néanmoins, pour les instances introduites avant cette date, le dispositif réglementaire reste applicable. Le texte conserve les dispositions applicables au droit affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoués près les cours d’appel (V. CPC, art. 963 à 964-1, mod.). Le décret n° 2013-1280 procède également à diverses mesures de coordination en matière d’aide juridictionnelle et aux modifications textuelles nécessaires à la reconcentration de la gestion des dotations budgétaires. L’article 700 du Code de procédure civile est modifié. La partie tenue aux dépens ou qui perd son procès pourra être condamnée à payer à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Le texte proroge d’une année la durée de l’expérimentation en matière de médiation familiale (V. D. 2010-1395, 12 nov. 2010, art. 2). Le texte est entré en vigueur le 1er janvier 2014. CARTE JUDICIAIRE 5 Création de TGI et de chambres détachées D. n° 2013-1258, 27 déc. 2013 : JO 29 déc. 2013, p. 21737 Min. justice, communiqué, 30 déc. 2013 L e décret n° 2013-1258 modifiant l’organisation judiciaire prévoit la réimplan- Page 12 tation des tribunaux de grande instance de Saint-Gaudens, Saumur et Tulle et crée les chambres détachées du tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier à Dole, du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc à Guingamp, du tribunal de grande instance d’Agen à Marmande. Il fixe leur siège et leur ressort. Il modifie, corrélativement à ces créations, les tableaux fixant les sièges et ressorts des tribunaux pour enfants (V. D. n° 2013-1258, art. 4) et des tribunaux de commerce (V. D. n° 2013-1258, art. 5, modifiant tableau de l’annexe 7-1 au Code de commerce). La suppression des tribunaux de grande instance situés dans ces villes avait été décidée lors de la réforme de la carte judiciaire conduite en 2008. La garde des Sceaux a fait procéder à une réévaluation de certaines situations par la mission présidée par Serge Daël, conseiller d’État honoraire, dont le rapport a été remis en février 2013 (V. JCP G 2013, act. 256, Aperçu rapide L. Raschel). La création d’une chambre détachée du TGI de Rodez à Millau, dont la situation a également été examinée par la mission, est à l’étude à la Chancellerie. Entrée en vigueur : le décret n° 2013-1258 entrera en vigueur le 1er septembre 2014. Conformément à l’article R. 211-2 du Code de l’organisation judiciaire, les TGI primitivement saisis demeurent compétents pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date de création des tribunaux ou de modification du ressort. AVOCATS 6 « Situation dommageable » et certitude du préjudice Hadi Slim, professeur à l’université de Tours Cass. 1re civ., 19 déc. 2013, n° 13-11.807, F P+B+I : JurisData n° 2013-029990 L orsqu’un professionnel du droit est poursuivi en responsabilité par son client mais que ce dernier dispose d’un débiteur auquel il peut réclamer le paiement de la somme qu’il prétend avoir perdu par la faute dudit professionnel, la question se pose de savoir si le préjudice invoqué par le client constitue un préjudice certain. La jurisprudence relative à cette question n’est pas facile à cerner. En matière de responsabilité notariale, la Cour de cassation considère que la créance de restitution à laquelle un vendeur peut être condamné à la suite de l’annulation d’une vente, ne constitue pas pour l’acquéreur un préjudice indemnisable pouvant être mis à la charge du notaire fautif, sauf si cette restitution s’avère impossible. Outre le cas de la restitution, certains arrêts admettent également, sous couvert de l’incertitude du dommage, une certaine subsidiarité de la responsabilité des professionnels du droit (Cass. 3e civ., 10 oct. 2012, n° 11-17.627, inédit). Cependant, d’autres arrêts émanant de la première chambre civile, opèrent une distinction entre l’hypothèse dans laquelle la voie de droit dont dispose le client est la conséquence de la « situation dommageable » résultant de la faute du professionnel et celle dans laquelle la voie de droit existerait dès l’origine. Le dommage serait certain dans la première hypothèse (Cass. 1re civ., 7 mai 2002, n° 99-14.675 : JurisData n° 2002-014162. - Cass. 1re civ., 2 oct. 2002, n° 99-14.656 : JurisData n° 2002-015654) et ne le serait pas dans la seconde (Cass. 1re civ., 27 févr. 2013, n° 12-16.891 : JurisData n° 2013-003159). L’arrêt du 19 décembre 2013 s’insère dans ce courant jurisprudentiel. Pour débouter le client d’un avocat de ses demandes tendant à l’indemniser de la perte de chance de recouvrer sa créance consacrée par un jugement réputé contradictoire obtenu à l’encontre d’un débiteur, en raison notamment du défaut de notification de ce jugement, une cour d’appel avait retenu que le client disposait d’une action non prescrite à l’encontre de son débiteur, dont il n’établissait pas l’insolvabilité. En d’autres termes, selon la cour d’appel, le préjudice invoqué par le client n’était pas certain en raison de l’existence d’un débiteur, autre que l’avocat, susceptible d’être poursuivi. Cette argumentation est censurée par la Cour de cassation. Pour cette dernière, le dommage subi par une personne par l’effet de la faute d’un professionnel du droit est certain, quand bien même la victime disposerait, contre un tiers, d’une action consécutive à la « situation dommageable » née de la faute de ce professionnel et propre à assurer la réparation du préjudice. Comme le préjudice invoqué en l’espèce était une perte de chance, la Cour de cassation a pris soin d’ajouter que l’action que le client était susceptible d’exercer contre son débiteur pour être rétabli dans son droit « n’était pas de nature à priver la perte de chance invoquée de son caractère actuel et certain ». La première chambre de la Cour de cas- LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 1-2 - 13 JANVIER 2014 LA SEMAINE DU DROIT CIVIL ET PROCÉDURE CIVILE sation confirme donc dans cet arrêt son attachement au critère de la « situation dommageable » créée par la faute du professionnel du droit. Elle affirme, de surcroit, que le caractère certain d’une perte de chance invoquée à l’occasion de la mise en cause de la responsabilité d’un professionnel de droit n’est pas affecté par l’existence d’une action susceptible d’être dirigée contre un autre débiteur. VIE PRIVÉE 7 Suppression en référé des passages d’un livre Emmanuel Derieux, professeur à l’université Panthéon-Assas (Paris 2) CA Paris, pôle 1, ch. 2, 19 déc. 2013, n° 13/23969 : JurisData n° 2013-030340 L a cour d’appel de Paris a confirmé, pour l’essentiel, l’ordonnance de référé (TGI Paris, ord. réf., 12 déc. 2013, n°13/59428 : JurisData n° 2013-030341) ayant, à la demande de deux individus, subordonné la publication d’un livre à la suppression de passages, relatifs à leur homosexualité, considérés comme constitutifs d’atteinte à l’intimité de leur vie privée, sans que l’éditeur puisse se prévaloir d’une justification liée aux responsabilités politiques de l’un d’entre eux. Est ainsi illustrée la délicate question de la détermination de l’étendue de la vie privée de personnes jouissant d’une certaine notoriété et de la conciliation de son respect avec la liberté d’expression dès lors que leur mode de vie pourrait entrer en résonance avec les positions du parti politique dont elles sont membres. La sensibilité du débat se trouve accrue du fait qu’il s’agit d’une procédure de référé pouvant aboutir à l’interdiction d’une publication ou, à tout le moins, à soumettre celle-ci à la condition de la suppression de certains éléments du contenu d’un livre. L’appréciation des juges nationaux doit être faite en tenant compte des exigences de la Convention EDH et de la Cour EDH en la matière. L’éditeur prétendait justifier les précisions relatives à cette relation homosexuelle par le fait qu’elle expliquerait la retenue du Front national lors du débat sur le « mariage pour tous ». Pareille suggestion avait été formulée par différents médias, mais sans nommer les individus concernés. La mesure ordonnée par le premier juge lui paraît « disproportionnée et contraire à l’article 10 » de la Convention EDH. Constatant que les intéressés « n’ont jamais communiqué sur leur vie privée », le juge des référés a retenu que « l’objectif allégué d’analyser l’évolution des positions » du FN sur la question ne rendait pas ces révélations légitimes. Considérant que l’ouvrage « porte gravement atteinte à des aspects les plus intimes » de la vie privée des deux protagonistes, l’arrêt estime cependant que « le droit au respect de l’intimité de la vie privée peut se heurter aux droits d’information du public » et qu’il « revient au juge de dégager un équilibre entre ces droits antagonistes ». La cour considère que « le droit du public à être informé de l’homosexualité » de l’un des deux membres du couple prime, en raison de ses responsabilités politiques, sur le « respect de ce pan de sa vie privée ». Elle pose, par contre, pour l’autre des partenaires, qu’il ne ressort pas que « la révélation de son orientation sexuelle serait tellement utile au débat », de sorte que son intérêt personnel « doive s’effacer derrière l’intérêt des lecteurs ». Déterminant quelque peu différemment les passages qui devraient être supprimés, l’arrêt « confirme les autres dispositions de l’ordonnance de référé », notamment l’astreinte de 10 000 euros par exemplaire qui serait publié sans les suppressions exigées. Illustrant la difficile conciliation entre le respect de la vie privée et le droit à l’information, cette affaire conduit à prendre conscience du fait qu’une telle action en référé contribue surtout à la publicité de ce que les intéressés voudraient précisément garder secret. APPEL 8 Conclusions en appel : la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif Gaëlle Deharo, professeur en droit privé à l’ESCE International Business School Cass. 2e civ., 5 déc. 2013, n°12-23.611, F P+B : JurisData n° 2013-027938 S elon la Cour EDH, les parties doivent coopérer à la bonne marche du procès en exposant, dans la mesure du possible, leurs prétentions de manière claire, non ambiguë et raisonnablement structurée (CEDH, 29 août 2000, n° 40490/98 ; CEDH, 1er déc. 2005, n° 61093/00 ; CEDH, 13 déc. 2005, n° 57306/00 ; CEDH, 2 déc. 2008, n° 19895/02). En droit interne, l’article 954 du Code de procédure civile consacré aux conclusions en appel dispose que les parties doivent formuler expressément leurs prétentions et les moyens de fait et LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 1-2 - 13 JANVIER 2014 de droit sur lesquels chacune d’elles est fondée. Plus spécialement, l’alinéa 2 impose de récapituler les prétentions sous forme de dispositif et « mentionne expressément » (Cass. 2e civ., 26 sept. 2013, n° 1222.837 : JurisData n° 2013-020810) que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. C’est à cette obligation qu’était consacrée la question soumise à la Cour de cassation dans l’arrêt rapporté. Le dispositif des conclusions de l’appelant se bornait à conclure à l’infirmation du jugement prononcé par le juge de l’exécution quant à la liquidation des astreintes. La cour d’appel en déduisait que cette prétention était donc limitée aux seules demandes chiffrées et concernant les dommages et intérêts. La question de la liquidation des astreintes n’étant pas reprise par l’appelant dans le dispositif des conclusions, elle ne statua pas sur ce point. Cette décision fut critiquée par le demandeur à la cassation qui estimait qu’en demandant dans le dispositif de ses conclusions l’infirmation du jugement l’ayant notamment condamné à payer une astreinte, il avait mis en cause, devant la juridiction d’appel, l’astreinte ainsi prononcée à son encontre. Le pourvoi relevait encore que le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction. Aussi, en soulevant d’office le moyen selon lequel elle ne pourrait statuer sur la demande de l’appelant relative à la liquidation de l’astreinte, faute pour celle-ci d’avoir été exposée dans le dispositif des conclusions d’appel, sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d’appel aurait violé les articles 16 du Code de procédure civile, et 6, § 1, de la Convention EDH. Formulée sous forme impérative, la règle de l’alinéa 2 de l’article 954 laisse pourtant peu de place à la nuance : la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Aussi la cour n’a pas à soumettre à la contradiction la réduction de l’objet du litige aux seules prétentions reprises dans le dispositif des conclusions. C’est en ce sens que statue la Cour de cassation dans l’arrêt rapporté. Rappelant la règle posée par l’article 954, alinéas 1 et 2, la Cour de cassation admet que la cour d’appel dispose d’un pouvoir d’appréciation des prétentions contenues dans le dispositif des conclusions, mais exerce un contrôle sur celui-ci. Ainsi, constatant que les juges du fond ont relevé que l’appelant se bornait, dans le dispositif de ses conclusions, à conclure à l’infirmation du jugement et à solliciter la condamnaPage 13 6-8