Centre de Ressources des Arts Actuels de Madagascar

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Centre de Ressources des Arts Actuels de Madagascar
Centre de Ressources
des Arts Actuels de Madagascar
Interview Bodo
Il y a des femmes, il y a la musique mais il y a aussi des femmes de musique !
Bodo est une chanteuse de référence à Madagascar et dans son style, on la
surnomme la Diva ! En 20 ans de scène, elle ne peut plus pas passer
inaperçue.
obika : Bonjour Bodo. C'était en quelle année exactement que vous avez
commencé votre carrière ?
Bodo : Bonjour à tous les lecteurs de Sobika.com. C'était en septembre 1989. C'était mon
premier concert où j'ai interprété quelques chansons entre deux artistes de référence.
J'étais très anxieuse à l'idée d'affronter la scène et le fait de penser d'affronter le public en
direct était difficile. Dans le temps, j'étais spasmophile – mais ce métier m'a beaucoup
aidée – quelques jours avant le spectacle, j'étais tombée malade comme à la veille du Top
16 d'ailleurs. Avant le Top 16 ( concours radiophonique dans les années 80 ) , j'avais 40
degrés de température. Le médecin avait pensé qu'il s'agissait d'un palu, mais à chaque
piqûre je perdais connaissance. Mais en pensant au fait que j'étais l'unique fille arrivée en
finale je me suis battue pour y aller. Même si la famille m'avait dit m'en remettre à
l'année prochaine, pour moi ce n'était pas concevable. Je suis sortie du lit et le jour du
spectacle, je suis allée emprunter mon costume de scène chez une cousine car la famille
ne voulait plus entendre parler de la finale. Au final j'ai décroché le trophée. En 1989,
avant ce premier spectacle, je me suis retrouvée avec une crampe à l'estomac deux jours
durant. Le jour du spectacle, je me suis ressaisie pour affronter mon public. . A cette
époque, je n'avais pas décidé de faire carrière dans le showbiz mais c'est mon frêre qui y
croyait et il m'a aidé.
Sobika : Et pour la suite, comment cela s'est il passé ?
Bodo : Le deuxième concert était le tremplin dans le sens où j'allais affronter toute seule
mon public et pas celui d'un concours .Après une première année de spectacle, j'étais plus
rassurée. J'avais à l'époque commencé par le Roxy comme salle de spectacle et j'ai
appelé Njakatiana comme guest. Tous les billets étaient vendus à deux jours du spectacle
. Arrivée sur les lieux pour faire la balance, en voyant les gens faire la queue alors qu'il
n'était que 15 heures, j'étais très encouragée. D'ailleurs, ce premier pas était une grande
épreuve : ou bien ça passe ou bien ça casse donc j'étais obligée d'être à la hauteur
malgré que j'avais eu la voix cassée. Inexpérimentée, je ne savais pas comment chauffer
sa voix,… (rire).
Sobika : Après cinq ans de scène, Bodo faisait déjà montre d' une certaine
maîtrise de la scène. Comment avez vous acquis cette maîtrise ?
Bodo : Après ce spectacle, je me suis dit, je devais revenir sur terre. J'étais consciente que
je ne devais pas être seule. Et donc, j'ai approché Henri Randrianierenana, qui m'a
beaucoup aidée pour m'approprier la scène. Il m'a initiée au théâtre : comment respirer,
comment capter l'audience et la gérer : à proximité ou de loin... Ces petits trucs m'ont
permis de maîtriser la scène, d'être comprise et tout cela grâce à la musique. C'est le
pouvoir de la musique, de la joie… C'est mon métier. Ce n'est pas mon pouvoir à moi car
une fois que le rideau tombe et que je suis démaquillée, je redeviens la simple personne
que je suis dans le quotidien et je dois le rester d'ailleurs. Des fois, il m'arrive d'entrer
chez l'épicier sans qu'il se rende compte qu'il s'agit de moi sauf s'il lève les yeux, c'est là
qu'il crie : ah, bonjour Bodo. Mais en cinq ans de scène effectivement, j'ai beaucoup
changé.
Sobika : Certains connaisseurs disent que Bodo dispose d'un certain pouvoir sur
scène. Qu'en dites-vous ?
Bodo : Je ne considère pas que ce soit mon pouvoir mais je suis fascinée par ce pouvoir
car dès la première note, le public entonne avec moi les chansons. C'est la magie de la
scène, c'est une symbiose entre le public et moi, et en chantant et pendant tout le
spectacle, je me dis toujours qu'ils vont me manquer. Et c'est pourquoi peut être que je ne
suis plus tombée malade car je pense qu'ils vont revenir et que dès la première note ils
vont reprendre avec moi ces morceaux qu'ils aiment tant et d'autres nouveautés encore.
Et ce lien qui nous unit reviendra à chaque fois qu'il y a un spectacle ou un concert.
Durant ces 20 ans, je n'ai jamais pensé que le public m'etait acquis, je l'ai mis au dessus
de moi et ensemble nous avons monté la barre plus haut à chaque fois.
Sobika : Quelle est la différence entre votre public à Madagascar et celui
d'ailleurs ?
Bodo : Le public cible à Madagascar et ailleurs sont différents en matière de performance.
Pour le public à Mada, il est ici, il vit ici et donc il s'exprime ainsi. Il est un peu exigeant
parce qu'à chaque fois, nous les artistes pensons lui donner le meilleur de nous même. Ce
qui explique cette exigence du public à Tana et à Mada. Mais pour un public ailleurs,
comme en France par exemple, le spectacle est souvent dinatoire que l'assistance prend
un peu de temps pour penser à Madagascar, à la famille, aux amis,… et à tous les
souvenirs. Ce sont plutôt des retrouvailles, je les comprends mais par moment je me sens
seule et il m'arrive de demander s'ils m'entendent. Mais malgré cela, ces rencontres
restent des événements trop courts.
Sobika : Comment avez vous songé à gérer votre carrière d'artiste ?
Bodo : Le métier d'art c'est comme l'agriculture. C'est-à-dire suivant la production et la
saison et les paramètres aux alentours. Il y a deux types d'artiste, celui qui s'est penché à
production et a confié la gestion de sa carrière à un impresario ou d'une maison de
production si vous voulez et celui qui s'est chargé personnellement de son plan de
carrière. Pour mon cas par exemple, j'ai Dosol comme maison de production et donc c'est
cette société qui se charge de l'élaboration de mon calendrier de production pendant
toute l'année, de l'édition des albums tout comme les éditions de spectacle, des
approches commerciales, des contrats,… et donc je ne traite que le volet création et
musique. Une réalité qui me laisse plus de temps à ma famille et aux enfants surtout et à
autres choses.
Sobika : Etre artiste, c'est un avantage financièrement ?
Bodo : En matière de résultats, l'année d'un artiste est très aléatoire. Le départ reste la
création et la composition. C'est après la productionseulement que l'on peut se rendre
compte si le produit a été perçu et consommé par le public. Et c'est à partir de ce moment
que commence l'amortissement financier et après les économies si possible. Pour vous
dire que nous, les artistes, ne sommes pas des personnes crédibles auprès des
institutions financières par contre les sociétés qui nous produisent peuvent bénéficier d'un
prêt.
Sobika : Avez vous pensé un jour à prendre votre retraite ?
Bodo : Je ne prendrai jamais la retraite à la créativité. Mais Bodo en tant que personne,
avec l'âge, se chargera d'autres responsabilités ne serait-ce qu'au sein de la famille et
avec les enfants. Et puis l'orientation change aussi tout comme les exigences d'ailleurs.
Les productions peuvent se réduire en matière de fréquence mais peuvent prendre de
l'ampleur en matière d'expression artistique. Je ne manquerais d'embrasser de nouveaux
styles.
Merci Bodo pour ces réponses sincères et bonne continuation !
Recueillis par Prisca R
source : www.craam.mg :

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