1 Après avoir présenté les avantages des régimes de change fixe
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1 Après avoir présenté les avantages des régimes de change fixe
ECE 2 – 2015/2016 Sujet de Khôlle n°8 A l’aide de vos connaissances personnelles et du dossier documentaire, vous traiterez le sujet suivant : Après avoir présenté les avantages des régimes de change fixe vous en soulignerez les inconvénients Document 1 La politique d’objectif de change présente plusieurs avantages. En premier lieu, elle permet de contrôler l’inflation en liant la hausse des prix des biens échangés internationalement dans l’économie nationale à celle qui est observée dans le pays ancre. Il en est ainsi parce que le prix de ces biens (généralement en dollars) sont fixés sur les marchés mondiaux. Par exemple, jusqu’en 2002, le taux de change du peso argentin était exactement de un pour un avec le dollar américain. Ainsi un quintal de blé échangé sur le marché international au prix de 5 dollars US valait-il exactement 5 pesos sur le marché argentin. Si l’objectif de change est crédible (c’est-à-dire si on s’attend à ce qu’il soit atteint), ce régime permet d’ancrer les anticipations inflationnistes sur celles (peu élevées) du pays ancre. Dans la première moitié des années 1990, de nombreux pays européens ont pu ainsi ralentir leur inflation. En deuxième lieu, l’objectif de change fournit une règle automatique pour la conduite de la politique monétaire permettant d’atténuer, voire de résoudre, le problème de l’incohérence temporelle. En effet, il oblige les autorités à resserrer la politique monétaire quant la monnaie nationale a tendance à se déprécier et à l’assouplir dans le cas contraire. Par conséquent, ce régime évite à la banque centrale de tomber dans le piège de l’incohérence temporelle consistant à rechercher une expansion de la production et de l’emploi à court terme en menant une politique monétaire trop expansionniste. En troisième lieu, ce régime a l’avantage d’être transparent et compréhensible par tous. Il est facile de rallier l’opinion publique à l’objectif d’une « monnaie saine ». Etant donné ces avantages, l’utilisation du ciblage du taux de change pour contrôler l’inflation dans certains pays industrialisés n’a rien d’étonnant. Cette stratégie a aussi été parfois un moyen efficace de ralentir rapidement l’inflation dans les économies émergentes. Par exemple, avant sa dévaluation en 1994, l’amarrage du peso mexicain sur le dollar us a permis de ramener le rythme annuel d’inflation de plus de 100% en 1988 à moins de 10% en 1994. Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 8ième édition, 2007, p.660-674 Document 2 La fixation du taux de change nominal contraint un pays ayant un taux d’inflation élevé à prendre les mesures pour le faire baisser. S’il ne le fait pas, ses exportations deviendront de plus en plus chères, dans la mesure où son niveau de prix augmentera plus vite que celui des autres pays (il devra faire face à une appréciation réelle). Ses exportations nettes baisseront et cela fera aussi baisser la demande pour sa monnaie, pour un taux de change fixe. Afin de maintenir le taux de change au niveau fixé, la Banque centrale devra alors augmenter les taux d’intérêt. Cela réduira les dépenses globales, diminuera le produit et fera baisser au bout du compte l’inflation. Pour des pays comme l’Italie, un des intérêts du SME de taux de change fixes était d’établir un lien entre leur politique monétaire et celle de l’Allemagne, pays à inflation faible. (…) Le maintien d’un taux de change nominal fixe avec l’Allemagne a forcé l’Italie à réduire son inflation en diminuant ses exportations nettes, et donc ses dépenses globales, son produit et finalement son taux d’inflation. Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », De Boeck, 2008, p.720 Document 3 La politique du franc fort illustre le principal avantage d’une politique d’objectif de change : elle a fortement contribué à la désinflation française de la fin des années 1980 au début des années 1990. Dans le cadre du mécanisme de change du Système monétaire européen (SME), la France s’est employée à importer la stabilité monétaire allemande en amarrant sa monnaie à la devise la plus stable du système, le Deutsche Mark. L’objectif de change est resté peu contraignant jusqu’en 1987. Entre 1979 et cette date, le Franc français se déprécie fortement par rapport au DM à la suite de nombreux ajustements de parités : le taux de change entre les deux monnaies passe de 2,32FF pour 1DM à 3,34 FF pour 1 DM. En effet, durant cette période, le taux d’inflation est beaucoup plus élevé en France qu’en Allemagne. A partir de 1987, les choses changent radicalement et le FF est véritablement amarré sur le DM : le taux de change entre les deux 1 monnaies ne varie pratiquement plus (sa valeur au moment de l’entrée dans l’Union monétaire européenne est quasi inchangé à 3,35 FF pour 1 DM). En 1987, l’inflation française reste supérieure de deux points de pourcentage à celle qui est enregistrée au même moment en Allemagne. En 1992, elle est tombée à 2% un niveau correspondant à la définition habituelle de la stabilité des prix, et elle est même inférieure à l’inflation allemande. En 1996, la convergence des taux d’inflation français et allemand est assurée à un niveau légèrement inférieur à 2%. Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 8ième édition, 2007, p.660-674 Document 4 Un argument important en faveur des taux de changes fixes est que ce système réduit les risques de volatilité du taux de change. Quelles que soient les causes des anticipations et leur nature, de fortes fluctuations dans les taux de change augmentent le risque commercial sur le marché mondial. Elles dissuadent donc les agents économiques d’intervenir sur ce marché, et, par suite, ne permettent pas aux entreprises et aux pays d’exploiter pleinement leurs avantages comparatifs. Si le taux de change s’apprécie fortement, les exportateurs auront subitement le sentiment que le marché pour leurs biens se rétrécit, sauf s’ils consentent à de fortes baisses de leurs prix. Même les entreprises américaines qui ne produisent que pour le marché américain sont exposées à de grands risques quand les taux de change fluctuent. Les fabricants de chaussures peuvent trouver que le marché américain est envahi de chaussures brésiliennes à bas prix lorsque le dollar s’apprécie par rapport au réal brésilien. A nouveau, soit ils perdent des ventes, soit ils doivent diminuer leur prix (…) La fixation du taux de change permet de réduire les risques de ce type. Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », De Boeck, 2008, p.724 Document 5 C’est en Italie que l’on a observé le soutien le plus fort de l’opinion à une participation à l’union monétaire européenne au moment de sa création. Les résultats de la politique monétaire italienne étaient mauvais. Aux yeux des Italiens, les avantages d’une politique monétaire contrôlée par des personnalités extérieures responsables l’emportaient nettement sur les coûts liées à la perte d’autonomie de la politique monétaire. Il y a une seconde raison pour laquelle des pays industrialisés peuvent souhaiter adopter un ciblage du taux de change : il facilite l’intégration de leur économie avec celles de leurs voisins. A l’évidence, c’est ce qui a conduit des pays comme l’Autriche ou les Pays-bas à amarrer leur monnaie au Deutsch mark. Plus généralement, cela a motivé les politiques d’ancrage qui ont précédé l’entrée dans l’Union monétaire européenne. Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 8ième édition, 2007, p.660-674 Document 6 Dans les pays où les institutions monétaires et politiques sont particulièrement fragiles et où, de fait, on observe régulièrement des épisodes d’hyperinflation, ce qui est malheureusement le cas fréquemment dans des économies émergentes (…), une politique d’objectif de change peut permettre de casser la psychologie inflationniste et de stabiliser l’économie. Dans cette situation, le ciblage du taux de change peut constituer un dernier recours. Cependant, si son fonctionnement n’est pas transparent, il est probable que le taux de change s’effondrera, ce qui risque alors de provoquer une crise financière dont les effets seront désastreux. L’expérience des pays africains de la zone franc illustre les avantages et les inconvénients d’une stratégie d’ancrage monétaire fondée sur un objectif de change pour des PVD. (…) Existe-t-il pour des économies émergentes des politiques de change assurant une meilleure solidité du régime de change ? Deux stratégies ont fait l’objet d’un intérêt croissant au cours des années récentes : les caisses d’émission (currency board) et la dollarisation (ou l’euroisation). L’adoption d’un régime de caisse d’émission est une solution au problème posé par le manque de transparence et de crédibilité d’un ciblage du taux de change. La monnaie nationale y est entièrement gagée sur une monétaire étrangère. Dans un régime de caisse d’émission, l’institut d’émission fixe un taux de change entre la monnaie nationale et la monnaie étrangère et s’engage à faire l’échange d’unités monétaires à ce taux à la demande du public. Une caisse d’émission est une variante d’un régime de taux à change fixe, parce que la politique monétaire est mise sur pilotage automatique et échappe à tout contrôle de l’institut d’émission et des pouvoirs publics. (…) La création de monnaie est possible uniquement dans le cadre d’opérations d’échange de monnaie étrangère contre de la monnaie nationale auprès de l’institut d’émission. L’institut d’émission n’a plus la possibilité d’émettre librement de la monnaie et de provoquer ainsi de l’inflation. (…) Le régime de caisse d’émission souffre de nombreux inconvénients : perte totale d’autonomie monétaire, exposition accrue aux chocs frappant lepays ancre et impossibilité pour l’institut 2 d’émission de créer de la monnaie et de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort. (…) En outre, en cas d’attaque spéculative contre la caisse d’émission, les demandes de conversion de monnaie nationale en monnaie étrangère se multiplient et provoquent une contraction de l’offre de monnaie, ce qui peut être préjudiciable pour l’économie nationale. Pour résoudre ses problèmes monétaires, une économie émergente peut aussi choisir la dollarisation en adoptant une monnaie forte, la devise américaine par exemple, comme monnaie nationale ; c’est ce que l’Equateur a fait (2000). Ce n’est ni plus ni moins qu’une autre version du ciblage du taux de change, avec un engagement encore plus fort que celui qui est pris dans un régime de caisse d’émission. En effet, il est toujours possible de mettre fin à ce dernier en modifiant la parité. En revanche, cela n’est pas possible avec la dollarisation : un dollar américain s’échange toujours contre un dollar américain. (…) son principal avantage est d’éliminer tout risque d’attaque spéculative contre la monnaie nationale. (…) La dollarisation a tous les inconvénients d’un ciblage du taux de change, mais elle a un inconvénient supplémentaire. Un pays qui abandonne sa monnaie nationale perd le revenu tiré par l’Etat de l’émission de monnaie : le seigneuriage. Celui-ci a pour effet que les pouvoirs publics ou la banque centrale n’ont pas a rémunérer la monnaie centrale. or, ils tirent un revenu de son utilisation pour acheter des actifs rémunérateurs, par exemple des obligations. Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 8ième édition, 2007, p.660-674 Document 7 Avec l’adoption d’une caisse d’émission, le taux de change est fixe, la monnaie nationale continue à circuler mais l’émission de monnaie par la banque centrale est entièrement (ou presque entièrement) adossée à des réserves en devises. La banque centrale ne peut donc émettre de la monnaie nationale qu’en contrepartie de ses avoirs en devises étrangères. Elle s’est lié les mains, ce qui renforce la crédibilité de sa politique monétaire, au moins tant que la pérennité du régime n’est pas remise en cause. (…) L’éclatement du currency board argentin en janvier 2002 montre cependant qu’en matière de fixité du taux de change, ce régime n’offre pas les mêmes garanties qu’une dollarisation. Source : Bénassy-Quéré, Coeuré, Jacquet et Pisany-Ferry « Politiques économiques », De Boeck, 2009, p.348 Document 8 La théorie des zones monétaires optimales introduite en 1961 par l’économiste canadien Robert Mundell (Prix Nobel en 1999) et développée ensuite par Ronald McKinnon (1963) et Peter Kenen (1969), explicite les circonstances dans lesquelles un groupe de pays à intérêt à former une union monétaire. Cette théorie s’applique aussi bien aux régions qu’aux pays, les frontières monétaires ne coincidant pas nécessairement avec les frontières politiques. Ainsi Mundell suggère-t-il, dans le cas Etats-Unis / Canada, qu’un partage monétaire Est/Ouest pourrait être plus adapté que le partage Nord/Sud en vigueur avec le dollar des EtatsUnis et celui du Canada. La théorie de Mundell a également fourni le cadre intellectuel à la mise en place en Europe de l’union économique et monétaire, laquelle a été définie comme objectif politique au sommet de La Haye par les chefs d’Etats européens en décembre 1969, puis mise en œuvre 30 années plus tard. Selon Mundell, la fixité des taux de change apporte des gains microéconomiques car elle réduit l’incertitude à laquelle les agents sont confrontés ; l’union monétaire économise en outre les coûts de transaction de change. Ces gains croissent avec l’intégration entre le pays considéré et le pays avec lequel il envisage de fixer son taux de change ou de créer une union monétaire. Le coût de l’union monétaire résulte quant à lui de la perte d’un instrument de stabilisation de la conjoncture. Ce coût est une fonction croissante du degré d’asymétrie des chocs entre les pays concernés. Un choc symétrique (un ralentissement de l’économie mondiale par exemple) affecte de la même façon deux économies ; un choc asymétrique (une crise politique ou sociale propre à l’un des pays) les touche de manière différente. La distinction est importante dans toutes les discussions sur le rôle du taux de change. En effet, une modification du taux de change affecte immédiatement l’ensemble des prix et coûts d’un pays par rapport à ceux de ses partenaires : cela n’est justifié qu’en cas de choc asymétrique. Un pays en union monétaire ne peut plus modifier son taux de change nominal par rapport à ses partenaires et le coût macroéconomique qui en résulte dépend du degré d’asymétrie des chocs qu’il subit. La décision de former une union monétaire doit alors s’appuyer sur un arbitrage entre les gains microéconomiques et les coûts macroéconomiques. Les coûts macroéconomiques liés à la perte du taux de change comme instrument d’ajustement face à des chocs asymétriques peuvent néanmoins être atténués si les prix et les salaires sont suffisamment flexibles, c’est-à-dire s’ils réagissent rapidement à des déséquilibres sur le marché des biens et services et sur le marché du travail. L’Irlande, pendant la crise de 2009, a réussi à abaisser très rapidement ses coûts salariaux unitaires (coûts par unité produite) contrairement 3 à d’autres pays touchés par la crise, qui ont mis plus de temps à s’ajuster. On parle alors de dévaluation interne, par opposition à la dévaluation externe qui est une baisse du taux de change nominal de la monnaie. Lorsque les prix et les salaires sont relativement rigides, l’ajustement doit se faire par les quantités, en particulier par la mobilité du travail d’une région à l’autre, comme c’est le cas généralement aux Etats-Unis où les chocs asymétriques se traduisent assez peu par un ajustement des prix et des salaires, mais très rapidement par un déplacement de la population active (Blanchard et Katz, 1992). En zone euro, lors de la crise de 2009, l’Irlande qui s’était muée dans les années 1990 en pays d’immigration, est redevenue brutalement pays d’émigration, ce qui a contribué à l’ajustement. Enfin, un choc asymétrique peut être amorti par l’existence d’un budget fédéral : les impôts augmentent dans la région prospère pour financer des transferts dans la région touchée par un choc négatif. Ce mécanisme est inexistant dans la zone euro où le budget, à peine supérieure à 1% du Pib, est dévolu à des dépenses agricoles et structurelles, non à la réaction aux évolutions cycliques. Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p.190 Document 9 Les Etats-Unis qui avaient imposé des changes fixes à Bretton Woods voulaient légaliser les changes flottants (…) compatibles avec leur inquiétude devant la compétitivité des économies européennes et japonaise. La France tenait au contraire à ce que les monnaies restent stables. (…) La réunion de Rambouillet en novembre 1975 fut le point culminant de négociations laborieuses. (…) A la signature des accords de la Jamaïque (1976), l’article 4 du FMI commence par rappeler que l’objectif essentiel du système monétaire international est de faciliter les échanges de biens, de services et de capitaux, de favoriser une croissance économique saine, et d’assurer les conditions de base nécessaire à la stabilité économique et financière. (…) Tous les pays membres ont alors l’obligation de collaborer avec le Fonds et entre eux pour « promouvoir un système stable de taux de change ». Cette stabilité – qui n’est pas celle des taux euxmêmes, mais seulement du système, la nuance est de taille – peut être obtenue par la politique monétaire et financière. (…) Les taux de change ne sont plus une donnée qui s’impose à chaque pays, mais un but vers lequel il doit tendre. (…) Cette obligation est une obligation de moyens pas de résultats. Elle laisse aux pays une très grande latitude sur le respect de leurs engagements. (…) Les pays membres du FMI jouissent ainsi d’une grande liberté. (…) Un pays peut ainsi choisir de définir et de stabiliser sa monnaie par rapport au DTS, à une autre monnaie, à plusieurs monnaies … ou de la laisser flotter plus ou moins librement. (…) La seule limitation est l’interdiction formelle de toute référence à l’or. Une fois son choix effectué, le pays doit s’y tenir et appliquer le système choisi. (…) Les choix effectués par chacun des pays membres du Fonds sont d’une extrême diversité. Source : Michel Lelart « Le système monétaire international », La découverte, 2007, p.75 Document 10 L’un des coûts du système des taux de change fixes est la perte d’un outil clé de la politique macroéconomique, la politique monétaire. Pour comprendre ce point, il faut commencer par se rappeler que la politique monétaire agit sur les taux d’intérêt et les conditions du crédit et, partant, influence les dépenses globales et le produit et l’inflation. Cela dit, supposons maintenant que le Canada décide de fixer le taux de change entre le dollar canadien et le dollar américain. Sachant que la mobilité des capitaux entre le Canada et les Etats-Unis est élevée, examinons ce qui arriverait si les taux d’intérêt au Canada étaient supérieurs aux taux d’intérêt aux Etats-Unis. Les investisseurs déplaceraient leurs fonds des Etats-Unis vers le Canada afin de profiter des rendements canadiens plus élevés. Cette demande accrue pour le dollar canadien provoquerait son appréciation. Si les taux d’intérêt canadiens étaient inférieurs aux taux américains, on observerait l’inverse, et donc une dépréciation du dollar canadien. Le taux de change entre le dollar canadien et le dollar américain ne peut rester constant que si les taux d’intérêt canadiens sont égaux aux taux d’intérêt américains. Par conséquent, pour maintenir un taux de change fixe, la banque du Canada doit faire en sorte que le taux d’intérêt canadien reste au même niveau que le taux d’intérêt américain. (…) Dans une petite économie ouverte avec un système de taux de change fixes et une mobilité parfaite du capital, la Banque centrale doit maintenir un taux d’intérêt égal au taux d’intérêt à l’étranger. Le pays ne peut pratiquer une politique monétaire indépendante. Ce résultat permet de comprendre trois points fondamentaux. Premièrement, il explique en partie pourquoi les pays européens ont décidé d’adopter une monnaie commune à partir du moment où ils avaient intégré leurs économies et fixé leurs taux de change. Dans une Union monétaire, aucun pays ne peut pratiquer une politique monétaire indépendante. Les membres de l’Union monétaire européenne ont donc décidé d’abandonner leurs monnaies nationales respectives et de déléguer la politique monétaire de l’ensemble à la 4 BCE. Deuxièmement, ce résultat explique pourquoi, en 1992, le Royaume-Uni a quitté le Système monétaire européen, c’est-à-dire le système de fixation des taux de change qui a précédé l’Union monétaire européenne. Le Royaume-Uni était en récession et de nombreux économistes réclamaient des baisses de taux d’intérêt afin de favoriser une expansion des dépenses globales : tant que le Royaume-Uni souhaitait maintenir un taux de change fixe, il ne pouvait pas baisser les taux d’intérêt. Cette anticipation a été à l’origine d’un déplacement de la courbe de demande vers la gauche. Pour contrebalancer les pressions à la baisse sur le taux de change de la livre, la Banque d’Angleterre devait donc maintenir des taux d’intérêt plus élevés que ceux pratiqués en Allemagne, au moment même où la situation économique intérieure réclamée une baisse de taux d’intérêt. En fin de compte, le système a explosé. Le Royaume-Uni a quitté le SME, abaissé ses taux d’intérêt et laissé la livre se déprécier vis-à-vis des autres monnaies européennes. Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », De Boeck, 2008, p.719 Document 11 Si la politique du franc fort illustre bien les avantages d’une politique d’objectif de change, elle en montre aussi les deux principaux inconvénients : la politique des taux d’intérêt ne peut pas être utilisée pour répondre aux problèmes économiques nationaux ; l’économie subit les chocs qui frappent le pays ancre. A partir de 1987 et jusqu’en 1992, la Banque de France doit calquer sa politique de taux d’intérêt sur celle de la Bundesbank pour maintenir le taux de change entre deux monnaies aux alentours de 3,34 FF le DM. Jusqu’en 1989, la hausse des prix étant plus forte en France qu’en Allemagne, les taux directeurs français sont nettement supérieurs (de 3 à 4 points) aux taux allemands, qui restent à peu près stables. En 1990 survint le choc de la réunification allemande. En réaction aux pressions inflationnistes qu’elle crée et à l’augmentation massive des dépenses budgétaires nécessaire pour reconstruire l’Allemagne de l’Est, la Bundesbank augmente les taux directeurs jusqu’au début de l’année 1993 et la Banque de France fait de même. Durant toute cette période, le différentiel de taux d’intérêt entre les deux pays reste supérieur à leur différentiel d’inflation de sorte que les taux d’intérêt réels à court terme et à long terme sont plus élevés en France qu’en Allemagne, ce qui pénalise la croissance française. Une comparaison des taux de croissance en France et au Royaume-Uni immédiatement après la crise de change de septembre 1992 peut donner une indication du coût de ce que peut faire supporter un ciblage du taux de change. Comme on l’a dit, les deux pays répondent à cette crise de manière différente. La France décide de maintenir l’amarrage du franc au DM et ne peut utiliser la politique monétaire pour répondre à la situation de son économie. Le Royaume-uni abandonne le mécanisme de change européen et dispose désormais d’une marge de manœuvre pour ajuster sa politique monétaire à la situation de son économie. cela lui a permis d’enregistrer entre 1993 et 1997 une croissance plus forte. Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 8ième édition, 2007, p.660-674 Document 12 Avec ce régime monétaire, les chocs frappant le pays ancre sont immédiatement transmis au pays qui lui amarre sa monnaie, car les variations de taux d’intérêt dans le premier conduisent à des variations identiques du taux d’intérêt dans le second. Le ciblage du taux de change a un deuxième inconvénient : les pays qui l’adoptent restent sous la menace d’attaques spéculatives sur leurs monnaies. Lors de l’attaque spéculative de septembre 1992, la France ne dévalue pas parce que l’amarrage du franc au DM constitue un engagement suffisamment ferme pour décourager la spéculation. Les gouvernements des autres pays ne veulent pas défendre leur monnaie à tout prix et la laissent se déprécier. Pour des économies émergentes, y compris les pays en transition de l’Europe de l’Est, ou en voie de développement, la perte d’indépendance monétaire découlant d’une politique d’objectif de change est sans doute moins coûteuse. Elle peut même être avantageuse, car ces économies ont souvent tout intérêt à suivre la politique monétaire d’un autre pays. Leurs institutions politiques et monétaires nationales étant moins favorables à la poursuite d’une politique monétaire discrétionnaire, elles ont peu à gagner et beaucoup à perdre en adoptant cette stratégie. Aussi leurs autorités monétaires peuvent-elles avoir intérêt à amarrer leur monnaie sur celle d’un autre pays au lieu de poursuivre une politique monétaire autonome. C’est sans doute la raison pour laquelle de nombreux pays émergents adoptent un ciblage de taux de change. Mais l’adoption de cette stratégie soulève une difficulté sérieuse. Les attaques spéculatives ont des conséquences beaucoup plus graves pour ces économies que pour celles de pays industrialisés : elles y sont fréquemment suivies de crises financières. L’adoption d’une parité fixe peut les rendre plus vulnérables aux crises en encourageant les investisseurs se à spéculer sans risque contre leurs monnaies, ce qui se révèle payant lorsque la crise éclate comme au moment de la crise asiatique de 1997. (…) 5 Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 8ième édition, 2007, p.660-674 Document 13 Supposons que le gouvernement mexicain décide de fixer le taux de change contre le dollar et le peso à un niveau de 9 pesos pour un dollar. Si ce taux est nettement supérieur à celui qui découle de l’offre et la demande sur la marché des changes, cela signifie que sans intervention du gouvernement, le peso se dépréciera jusqu’à ce que le taux de change atteigne la valeur souhaitée. (…) Pour éviter que le taux de change baisse, le gouvernement mexicain devra augmenter la demande globale de peso. Il peut effectuer cela en achetant des pesos. Pour cela, il doit vendre soit des dollars, soit d’autres devises, soit de l’or. Par conséquent, pour maintenir le taux de change, le gouvernement doit intervenir sur le marché des changes afin de compenser les changements qui se produisent dans la demande ou dans l’offre de monnaie. (…) Des problèmes peuvent survenir quand les investisseurs estiment que le taux de change d’équilibre est très différent du taux de change fixé. (…) Si l’Etat n’a pas suffisamment de ressources et si les investisseurs estiment qu’il n’a pas les moyens de s’en procurer pour soutenir le taux de change au niveau fixé ou qu’il ne souhaite pas le faire, le résultat peut être désastreux. A partir du moment où les investisseurs anticipent que la valeur fixée sera abandonnée et que le taux de change va baisser, ils s’attendent à subir des pertes en capital sur leurs actifs en pesos. La meilleure chose qu’ils aient à faire est alors d’essayer de se débarrasser de leurs pesos avant que le taux de change fixé ne soit abandonné. L’écart entre l’offre et la demande pour le taux de change initialement fixé devient énorme. Finalement, le gouvernement peut être contraint d’abandonner le taux fixé, de laisser le taux de change baisser, et de donner raison aux spéculateurs qui se sont débarrassés auparavant de leurs pesos. Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », De Boeck, 2008, p.719 Document 14 Quand la liberté des mouvements de capitaux était limitée, il suffisait que les autorités monétaires annoncent une nouvelle parité et les agents privés n’avaient d’autre choix que de l’accepter. Depuis le début des années 1990, les opérateurs du marché des changes qui anticipent une dévaluation peuvent jouer contre la monnaie concernée en l’empruntant sur le marché monétaire pour la vendre sur le marché des changes, ce qui précipite le réalignement : on parle d’attaque spéculative. Une fois que la monnaie a été dévaluée, les marchés n’ont aucune raison de croire le gouvernement qui leur promet de nouveau une parité fixe. Ainsi, les réalignements se passent souvent très mal et la variation du taux de change est bien souvent supérieure au souhait initial des autorités. Des crises de ce type se sont multipliées au cours des années 1990 : attaques contre les monnaies européennes en septembre 1992 (qui ont conduit la livre sterling et la lire italienne à sortir du mécanisme de change), attaque contre le France en 1993 (qui a conduit à un élargissement des marges de fluctuations au sein du SME à +/- 15%), attaque contre le peso mexicain en décembre 1994 (conduisant à l’abandon de la parité fixe avec le dollar us), puis contre le batht thailandais et par contagion contre la plupart des monnaies asiatiques en 1997. Entre 1998 et 2002, des crises ont ainsi touché le Brésil, la Russie, la Turquie et l’Argentine. Le risque de crise de change doit être compensé par les avantages d’un régime de change fixe en matière d’inflation. La disparition de l’inflation au niveau mondial dans les années 1990 a logiquement réduit l’attrait des régimes de change fixes. Source : Bénassy-Quéré, Coeuré, Jacquet et Pisany-Ferry « Politiques économiques », De Boeck, 2009, p.353 Document 15 Le choix d’un régime de change dépend d’un ensemble de critères qu’il faut pondérer de manière différente selon les périodes et les régions du monde. Comme l’indique clairement le titre d’un article de l’économiste Jeffrey Frankel en 1999, « aucun régime de change ne convient à tous les pays et en toutes circonstances ». Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014 ************** 6