note « à chaud

Transcription

note « à chaud
Prise de note « à chaud » suite à
l'entretien avec André Barret
Cette prise de note se fait en sortant de l'interview, sans ré-écoute, « à
chaud ». Elle n'est donc pas fidèle aux paroles, aux mots utilisés mais
laisse des pistes des sujets abordés. Cela peut, par exemple, servir de
pense-bête, ou de trame de questions à poser à d'autres interlocuteurs de
façon à garder un fil rouge entre divers entretiens. Les mots entre
guillemets traduisent les mots exacts de l'interlocuteur.
Contexte :
André Barret me reçoit chez lui. Ambiance chaleureuse. La caméra rend
l'échange plus tendu et A. Barret se détend seulement une fois la caméra
arrêtée. Il semble avoir envie de s'exprimer sur un sujet qui lui tient à cœur
car est touché au cœur de son métier qui représente sa vie.
Notes :
André Barret est agriculteur et maire d'une commune sur le Causse Méjean.
Il est maire par envie de rendre service, passion des gens, par goût pour
porter des projets, impacter un territoire. C'est son premier mandat de
maire mais il est au conseil municipal depuis 1995. Il est également élu de
la communauté de communes.
Il a 5 enfants et a 300 brebis viande. C'est un petit troupeau, donc il a
besoin d'une activité complémentaire. Il a repris l'exploitation de ses
parents. Il ne peut pas avoir plus de brebis car il n'a pas assez de surface
pour ça. C'est un élevage extensif. Il y a assez peu de changements par
rapport à l'époque de ses parents à part l'engrais qu'il met pour rendre la
terre un peu plus performante.
Il observe la faune et la flore et notamment les vautours puisqu'il est sur
une colline. C'est un « spectacle fascinant ». Il peut voir jusqu'à plus de 100
vautours. Il connaît les 4 espèces de vautours présentes.
L'opération de réintroduction marche « trop bien », il faut de la « gestion »
et du « dialogue ». Il remarque une prise de conscience de la part des
environnementalistes comme quoi il y a des problèmes : il faut alors voir ce
qu'on peut faire ensemble.
Le comportement des vautours est plus agressif. Il n'a pas le temps de
prendre une brebis morte dans la nature pour l'amener à l'équarrissage. Il
ne reste rien en 10 mn. Le travail de charognard est riche pour l'agriculteur
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mais cela pose question à d'autres acteurs à cause de contraintes réglementaires. Il
devient difficile de rester en équilibre avec toutes ces contraintes et tous ces
acteurs.
Il récapitule le projet : vers 1970, acclimatation en volières puis premiers lâchers
dans les années 80. C'est une parfaite réussite. Action menée par la LPO, le PnC, la
commune de Saint Pierre et la communauté de communes. Il y a eu une évolution
dans le nourrissage : au début nourris par le PnC et la LPO puis, sur des placettes
sur les exploitations agricoles. Aujourd'hui, la question se pose de savoir si on
-« nous les agriculteurs »- ne les nourrit pas trop. Pour les agriculteurs -« pour
nous »- il y a trop de vautours car il y a eu des attaques sur des animaux vivants,
certes sur des conditions particulières. Mais il ne faut pas le nier pour pouvoir
influer sur leur quantité. Il ne faut pas laisser les choses empirer. Il faut influer sur
l'ensemble de la pyramide des âges.
Quelles préconisations de gestion a-t-il ? Discipliner l'agriculteur, mettre moins de
nourriture pour limiter le taux de réussite des couvées. Partenariats possibles.
Demande à être entendu, à être partenaire depuis le début « en amont ». Il
demande plus d'informations, car par exemple, il ne sait pas si les vautours
peuvent venir d'Espagne ou pas. Il demande plus d'informations comme pour le
gypaète. Il répète plusieurs fois qu'il demande un dialogue. Capacité sur le Causse
de discuter et se regrouper. On demande à avoir des interlocuteurs en face de nous
pour conduire ensemble des actions. Il ne veut pas être une terre
d'expérimentation car on peut se demander quelle place est laissée à l'homme.
Pourtant toutes les espèces réintroduites « bèquettent chez le paysan ». Or le site
UNESCO montre qu'on a besoin des hommes.
Il y a « seulement » des témoignages visuels des attaques. Les
environnementalistes n'admettent pas que le vautour ne soit pas seulement un
charognard. « Nos anciens » l'avaient éradiqué parce qu'ils souillaient l'eau des
lavognes. Aujourd'hui, les lavognes remises en état par la directive oiseaux sont
souillées par les vautours. Cela va poser des problèmes pour la faune. Déjà sa
grand mère disait que des vautours avaient attaqué une bête vivante. Elle parlait
de dizaines de vautours. Il ne faut pas arriver à nouveau à ce constat, car sinon ce
sera un échec et une confrontation. Les agriculteurs risquent de se radicaliser. « Le
dialogue est nécessaire et indispensable ». Les non-agriculteurs déclarent
l'acceptation sociale, y compris pour le loup, mais ce n'est pas le cas.
L'association « le méjean » est né d'un besoin de se réunir quand la population
était à peine au-dessus de 1 habitant au km2. A été la cause de la renaissance du
causse. « Une poignée d'hommes et de femmes ont pris en main la destinée de ce
plateau » pour faire venir l'eau, le téléphone. Modernisation des exploitations,
travail en commun, fédérateur socialement … Aujourd'hui encore on perçoit les
fruits de cette mutualisation des forces : dès qu'il y a un problème, on se réunit, on
analyse les données qu'on a récupérées ou qu'on nous a données et on décide de
ce qui nous paraîtrait bon de faire.
Comment se passe le dialogue avec les résidents secondaires ? Il y a des dialogues,
parfois des non dialogues. Parfois de l'ultra-protectionnisme de l'environnement.
Bien qu'on ait pratiqué plus de 40 ans d'agriculture plus intensive si on peut dire,
dans le dialogue on explique ce qu'il se passe et les territoires restent préservés
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mais vivants. Il garde son équilibre. Il manque la compréhension de la perception
qu'on a au quotidien, c'est-à-dire l'impact de la faune sauvage sur nos outils de
travail. On a des entreprises et il faut dire que ça commence à peser. Que ce soit
face au vautour comme face au loup. Nous on tire des sonnettes d'alarme. On veut
que la société s'interroge : est-ce qu'on peut laisser aller ? Non ça ne marche pas
comme ça. L'homme reste un prédateur et l'homme doit agir sur cette faune pour
pas qu'elle se développe de façon anarchique, débridée. Certains organisent des
visites de fermes car c'est un moyen d'échange riche. Voir un agneau naître et le
voir prédaté, on est en prise directe avec la réalité. La faune tue et pas que pour se
nourrir. C'est de la destruction. L'éleveur voit partir quelque chose, comme une
sélection année après année. La pire des choses serait que les éleveurs baissent les
bras. Avec le loup, ça commence à faire beaucoup. « Ça devient une lutte inégale »
car l'éleveur ne peut pas travailler 24/24. Faire prendre conscience à la société qu'il
y a des territoires fragiles.
En ce qui concerne les primes, à titre personnel aimerait vivre sans. Mais la réalité
est tout autre. Elles compensent la difficulté qu'on a à produire et à fournir des
produits moins chers. Il n'y a pas d'indemnisation pour les attaques de vautours car
ce n'est pas reconnu. Mais donner un fort montant n'est pas le problème. C'est la
perte d'années de sélection. Il faut faire attention à ne pas vider les territoires. Il
faut protéger cette vie. Le tourisme a besoin de voir tout cela.
Si ces enfants souhaitaient s'installer, il trouve que c'est un métier très complet,
complexe, riche, varié, qui offre plein de possibilités. Développe toutes les fibres
qui existent chez l'homme. Ne sait pas si un de ses enfants souhaitera rester. Il faut
varier ses activités.
Sur le stress des animaux, ce n'est pas reconnu. Quand les bêtes font la sieste, on
voit des vautours se poser à côté des bêtes et il y a des morts par peur panique. Il
peut y avoir des avortements. Il faut prendre conscience qu'il y a des dégâts
annexes. Il faut qu'il y ait des analyses de ça, des constats de visu. Aujourd'hui,
quand on voit un vautour planer on sort en courant car on se dit « les vautours
attaquent ». Le problème c'est le loup, car il faut un constat pour établir si c'est un
loup ou un chien qui a attaqué. Donc on se précipite pour couvrir la bête pour que
les vautours ne la mangent pas. Et on sait plus si ce sont les vautours qui attaquent
ou s'ils font leur travail de charognard. On est sur le qui-vive tout le temps. C'est
usant. Pour certains proches de la retraite, ils ont moins d'entrain qu'avant, ce sont
des douleurs solitaires.
Les échanges avec les services de l'état sont nécessaires. Il faut écouter les gens
du territoire, ne pas les mettre sous cloche.
On constate que ce genre de notes ne suit pas les règles de la retranscription qui,
elle, doit être faite mot à mot. Ici, il s'agit plus de laisser parler sa mémoire, ses
impressions. Cela est complémentaire à la retranscription.
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