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N° 3476 jeudi 7 au mercredi 13 juillet 2016 Pages 46-48 1377 mots ENQUÊTES ÉOLIEN GE fait tourner l’offshore français À Montoir-de-Bretagne, l’usine d’assemblage de l’Haliade de l’ex-Alstom termine la fabrication d’éoliennes marines à destination des États-Unis. Un rodage avant la production en série. L Hormis l’Haliade envoyée au printemps sur le site de test danois d’Osterild pour le compte d’EDF Énergies Nouvelles, les machines de Block Island sont les premières unités produites par ce site flambant neuf. Installée sur 14 hectares, avec 16 400 mètres carrés d’ateliers et 2 500 de bureaux, l’usine a été ↑ construite dans la foulée du succès d’Alstom et d’EDF au premier appel d’offres tricolore dans l’offshore, en 2012. Avec 238 éoliennes à fournir à EDF pour les champs de Saint-Nazaire, de Courseulles (Calvados) et de Fécamp (Seine-Maritime), Alstom peut enfin se lancer dans ce secteur dominé par les pionniers Siemens et Vestas. Pour la France, c’est l’occasion de se doter d’un turbinier devant tirer une nouvelle filière industrielle. Un process inspiré de celui d’Airbus Quatre ans plus tard, la signalétique reste la même dans les couloirs, mais c’est bien sous la houlette de General Electric (GE) que tourne Montoir. Pas de quoi émouvoir Jean-Baptiste Vilcoq, le responsable de la production. « Les alternateurs sont, comme c’était prévu à l’origine, construits par GE Power Conversion dans un bâtiment attenant. Maintenant, c’est plus simple, c’est au sein du même groupe », résume-t-il devant le banc de test. Fondues en Chine et en Europe de l’Est et usinées en Espagne, les structures des rotors et des stators, de 8 mètres de diamètre, arrivent du port sur des « multiwhee- lers », des remorques automotrices qui sillonnent la plate-forme nazairienne. Elles sont ensuite transférées par des colonnes élévatrices jaune vif sur de bleues embases de transport se déplaçant sur coussin d’air. « Nous pouvons nous passer de grues et de portiques pour avoir un process plus sûr et plus facile à automatiser, explique Jean-Baptiste Vilcoq, alors que des tronçons d’A 380, le superjumbo d’Airbus, défilent sous les fenêtres de l’usine. La combinaison multiwheeler-coussin d’air n’est pas courante. Airbus et MAN, notamment, l’utilisent. Nous avons d’ailleurs consulté Airbus sur les questions de guidage et de qualité du sol. » Le partage d’expérience est de rigueur dans l’écosystème nazairien. Dans l’atelier, après avoir été garni de 250 aimants en terres rares, le rotor de l’Haliade est coiffé du stator paré de bobines de cuivre. L’alternateur assemblé est testé, puis transféré dans le bâtiment principal. Là, des colonnes élévatrices le basculent en position verticale. C’est le début de la ligne principale d’assemblage. Ville de Saint-Nazaire - Archives municipales/Ressources documentaires - Reproduction interdite e monstre blanc et rond se repose, ses 140 tonnes perchées à 7 mètres de hauteur. Encore accroché à l’arbre qui l’a fait tourner sans répit, il récupère de trois jours d’essais intensifs qui se sont terminés la veille. L’alternateur de l’éolienne offshore Haliade de l’exAlstom a été poussé jusqu’à sa pleine puissance sur le banc de test à 6 mégawatts (MW). C’est le dernier des alternateurs que l’usine de Montoirde-Bretagne, située à quelques encablures de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), a assemblés pour équiper cinq Haliade. Elles sont destinées au premier projet éolien offshore des États-Unis, au large de Block Island. L’objectif ? Fournir environ 90 % de la demande d’électricité des 17 000 foyers de cette île du Rhode Island, sur la côte Est, en réduisant leur facture de quelque 30 % par rapport aux générateurs diesel actuels. Le bâti central, qui porte le système d’orientation de la nacelle (le « yaw »), l’helipad et le système de 5 Optimiser la production avant la montée en charge Deux autres nacelles sont un peu plus loin sur la ligne, tandis que le cinquième et dernier bâti de Block Island attend son alternateur. Ces mastodontes de près de 400 tonnes occupent déjà bien l’espace. Mais ce n’est qu’un avant-goût. Quand l’usine fabriquera à la chaîne les ↑ 100 turbines par an qu’elle vise, avec 300 salariés travaillant en deux équipes, ce bâtiment de 195 mètres sur 70 sera bien encombré. « La ligne de fabrication principale compte dix stations pour un takt time [le temps passé sur un poste, ndlr] de 2,5 jours. En ajoutant la dizaine de stations des lignes secondaires et sans compter les tampons, une nacelle mettra une cinquantaine de jours à être assemblée », détaille Jean-Baptiste Vilcoq, qui a mis en œuvre les principes du lean manufacturing pour ces géantes des mers. Une optimisation indispensable : la baisse des coûts s’impose dans l’éolien offshore et les rivaux Siemens, Vestas-MHI, Senvion et Adwen ont installé en 2015 des turbines par dizaines, sinon par centaines [lire l’encadré ci-contre]. L’usine est encore loin d’atteindre ce rythme. L’assemblage de la première nacelle terminée, qui attend dehors, bien emballée, a pris six mois. Selon Jean-Baptiste Vilcoq, jusqu’à 30 per- sonnes par mois ont été recrutées fin 2015 et début 2016. Cent salariés travaillent désormais en production, logistique et qualité, plus une quarantaine dans les bureaux. Block Island a permis de roder Montoir. « Ce projet a permis de confirmer le process, les outillages, tout en procédant à quelques réajustements », se félicite le responsable de la production. Les cinq nacelles devraient embarquer pour les États-Unis le 14 juillet. Dès septembre, Montoir devrait se lancer dans la fabrication des 66 turbines destinées au projet allemand Merkur. Une belle montée en charge avant de s’attaquer, fin 2017 ou début 2018, aux turbines… pour la France. ?? ■ Ville de Saint-Nazaire - Archives municipales/Ressources documentaires - Reproduction interdite refroidissement de la génératrice, est fixé à l’alternateur sur la station suivante. Le nez de l’éolienne, la partie sur laquelle seront greffées les pales, est le troisième bloc de la nacelle. Principalement constitué du moyeu portant le système d’orientation des pales (le « pitch ») et de l’arbre autour duquel l’ensemble moyeu-rotor tournera, le nez, assemblé sur une ligne parallèle, vient ensuite se coupler à l’ensemble bâti-alternateur. Une opération délicate, la rotation de l’énorme moyeu impliquant une concentricité au dixième de millimètre, vérifiée au laser. par Manuel Moragues 6 ENCADRÉS DE L'ARTICLE Un marché ultra-concentré Siemens est le grand leader de l’éolien offshore, avec plus de 2 000 turbines en fonctionnement, représentant près des deux tiers des 11 000 MW installés à la fin 2015. La surpuissante Vestas-MHI Puissance / Rotor 8 MW / 164 mètres Ville de Saint-Nazaire - Archives municipales/Ressources documentaires - Reproduction interdite Avancement Commercialisée, premières ventes réalisées La V164-8.0 MW porte les ambitions de Vestas dans l’offshore via sa coentreprise avec le japonais MHI. Et fait un bond en puissance par rapport à l’autre éolienne de Vestas-MHI, de 3,3 MW. Trois prototypes tournent déjà et Vestas a réussi, grâce à ce modèle, à convaincre Dong Energy pour le projet de Burbo Bank et ses 40 turbines. L’inconnue Adwen Puissance / Rotor 8 MW / 180 mètres Avancement Commercialisée, en développement L’AD 8-180 d’Adwen, coentreprise entre Areva et Gamesa, doit équiper les champs de Saint-Brieuc, du Tréport et de Noirmoutier. Adwen prévoit d’installer un prototype à la fin 2016. Mais l’avenir de cette turbine est incertain. Suite au rapprochement entre Gamesa et Siemens, Areva devrait vendre Adwen d’ici à fin septembre. La nouvelle Senvion Puissance / Rotor 6,2 MW / 152 mètres Avancement Commercialisée, prototype en test Revendu par l’indien Suzlon à la société de private equity Centerbridge en avril 2015, Senvion (ex-Repower) a développé la 6.2M152, une version de la 6.2M126 avec un plus grand rotor, dont quelques dizaines d’exemplaires ont été vendus. De quoi espérer, avec son nouvel actionnaire, se faire une place plus importante à côté de Siemens et de Vestas. Les quatre principaux concurrents L’héritière Siemens Puissance / Rotor 7 MW / 154 mètres Avancement Commercialisée, premières ventes réalisées Le nouvel étendard de la gamme Siemens dans l’offshore est une version améliorée de son éolienne de 6 MW vendue à des centaines d’exemplaires depuis 2011. Censée produire 10 % d’électricité en plus, la SWT-7.0-154 a déjà été commandée par Dong Energy et ScottishPower Renewables à 150 unités. ↑ Parution : Hebdomadaire Tous droits réservés L'Usine Nouvelle 2016 Diffusion : 25 860 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2014/ 2015 9041D4EE7E109805208D1A71A50B11DA5E53AD0520249E390DC376D 7 N° 3476 jeudi 7 au mercredi 13 juillet 2016 Pages 50-51 1182 mots ENQUÊTES Suite au rachat de la branche énergie d’Alstom, GE a créé une activité Renouvelables, que vous dirigez. Pourquoi ? Jérôme Pécresse, le PDG de la nouvelle entité GE Renewable Energy, veut surfer sur la croissance des énergies renouvelables. Et s’imposer, grâce au rachat d’Alstom, comme le premier industriel du secteur à l’heure de la globalisation de l’éolien. uite au rachat de la branche énergie d’Alstom, GE a créé une activité Renouvelables, que vous dirigez. Pourquoi ? Les énergies renouvelables, ce n’est plus, comme certains pouvaient le penser il y a cinq ans, une lubie de quelques développeurs qui allait retomber comme un soufflé. C’est une vraie réalité de marché et une croissance qui ne va pas s’arrêter. Bientôt, la capacité éolienne sera supérieure à la base nucléaire installée dans le monde ! Il y a là un vrai vecteur de croissance pour GE car les renouvelables deviennent de vrais métiers d’industriels. Nous produisons des milliers de turbines chaque année, c’est de l’assemblage, du sourcing… C’est cela, avec l’apport d’Alstom, qui a fait que Jeff Immelt [le PDG de GE, ndlr] a créé une activité renouvelable de rang 1 qui lui rapporte directement, avec des ambitions de croissance importantes. Quels sont vos objectifs ? Nous sommes en train de les définir précisément sur le moyen terme, mais le mot d’ordre de Jeff Immelt est clair : « Développer ! » GE veut être le leader global des renouvelables couvrant le plus de domaines possibles où l’on peut créer de la valeur. Nous sommes déjà l’un des plus grands, sinon le plus grand industriel des renouvelables et le seul à être à la fois dans l’éolien et l’hydro. L’idée, c’est de continuer, de construire un ↑ business qui soit à la fois diversifié, mais aussi global car la croissance de nos marchés est d’abord en Chine, en Inde, demain en Afrique… Nous voulons maintenir une croissance des commandes à deux chiffres et nous rapprocher à terme de marges à deux chiffres également, contre environ 6 % aujourd’hui. En quoi Alstom a-t-il renforcé le pôle Renouvelables de GE ? L’acquisition d’Alstom a transformé l’activité dans les renouvelables de GE. D’abord en taille : elle est passée de 6,5 à 9 milliards de dollars de chiffre d’affaires, dont 7 dans l’éolien. Elle s’est aussi diversifiée. Avant, il s’agissait essentiellement d’éolien terrestre. Aujourd’hui, GE produit aussi de l’éolien offshore, de l’hydroélectricité et un peu de solaire. En outre, l’activité est devenue plus globale grâce à l’apport de la branche Hydro, avec laquelle Alstom joue le rôle d’éclaireur de GE dans de nombreux pays, comme au Laos, en Éthiopie, bientôt au Népal… Quand ils veulent développer leur production d’électricité, les pays en développement commencent souvent par une centrale hydroélectrique, pas par quelques éoliennes. Trois champs français d’éolien offshore étaient dans la corbeille… Où en êtes-vous ? Ville de Saint-Nazaire - Archives municipales/Ressources documentaires - Reproduction interdite S Nous nous attendons à ce que les permis soient délivrés très prochainement. S’il n’y a pas de recours, il faudra une petite année pour que le financement soit bouclé et que nous ayons le « notice to proceed », au deuxième trimestre 2017. C’est long quand même ! C’est l’un des premiers sujets que j’ai traités en arrivant chez Alstom, en répondant à l’appel d’offres en décembre 2011. Au mieux, l’installation aura lieu en 2020 et la mise en service en 2021. Cela fera dix ans ! C’est moitié moins en Allemagne. Le problème est identique dans l’éolien terrestre, avec des délais de six à sept ans en France avec les recours, contre trois en Allemagne. On en arrive à des situations ubuesques où, lorsqu’un projet est enfin purgé de ses recours, les machines prévues ne sont plus fabriquées… En attendant, c’est l’export qui fait tourner Saint-Nazaire… Nous sommes en train d’exécuter un premier petit – mais important – projet de présérie pour un parc de cinq turbines au large de Block Island, dans l’État de Rhode Island. Ce 8 Dans l’éolien terrestre, que vous inspire la fusion Gamesa-Siemens ? La consolidation du marché de l’éolien est inéluctable. Le monde confortable des tarifs de rachat de l’électricité fixés par l’État est en train de disparaître. La norme devient une mise aux enchères où le tarif résulte d’une compétition entre projets éoliens et tous fiouls confondus. Cela induit une forte pression sur les prix. C’est une bonne nouvelle car baisser les prix des renouvelables est indispensable pour soutenir la croissance des volumes. De notre côté, cette pression sur les prix implique de baisser les coûts chaque année en innovant pour sortir des turbines plus productives et moins chères, en travaillant sur le digital, comme nous le faisons aux ÉtatsUnis pour gagner quelques points de productivité. Cela impose à General Electric de devenir plus global, de faire son métier d’industriel de la façon la plus efficace possible. Je n’ai pas peur de cela. Allez-vous vous porter candidat pour l’acquisition d’Adwen, la coentreprise dans l’éolien offshore d’Areva et Gamesa ? Nous étudions cette possibilité. Nous sommes bien sûr intéressés par la consolidation de l’éolien offshore en France. Personnellement, j’ai répété pendant des années qu’il n’y avait pas de place pour deux grands turbiniers en France. Sans grand succès, mais je ne vais pas changer d’avis maintenant. ?? ■ Ville de Saint-Nazaire - Archives municipales/Ressources documentaires - Reproduction interdite sera le premier parc offshore aux États-Unis. Nous avons également sécurisé le projet Merkur, en Allemagne. La production démarrera à la fin de l’été. EDF et les champs français viendront ensuite. Nous avons maintenant un chemin de montée en puissance commerciale et industrielle en Europe. GE a mis un drapeau sur le marché américain et je pense que celui-ci se développera plus rapidement que ce que l’on croit. Enfin, nous nous intéressons aussi au marché chinois, qui démarre très vite. Le gouvernement a annoncé des objectifs ambitieux et les grands acteurs chinois se sont mis en mouvement. Propos recueillis par Olivier Cognasse et Manuel Moragues ENCADRÉS DE L'ARTICLE La fusion Siemens-Gamesa rebat les cartes La fusion annoncée le 17 juin des activités éoliennes de l’espagnol Gamesa et de Siemens crée un nouveau concurrent et une nouvelle proie pour GE. Le géant – contrôlé à 59 % par Siemens – qui sortira de la fusion devrait s’imposer en numéro un mondial de l’éolien, avec plus de 13 % de parts de marché. Neuf milliards d’euros de ventes, un carnet de commandes de 20 milliards, 69 GW de base installée… Siemens-Gamesa pourra compter sur sa taille pour mener la vie dure à GE et Vestas. L’opération génère aussi une cible potentielle pour GE : Adwen, la coentreprise d’Areva et de Gamesa dans l’éolien offshore, se retrouve à la vente. Areva, qui veut se recentrer sur le nucléaire, a trois mois pour choisir de céder Adwen à Gamesa ou à un tiers. GE est intéressé. Les trois projets français que doit équiper Adwen lui permettraient d’accélérer dans le métier de l’offshore. Reste qu’il lui faudrait composer avec les engagements associés aux projets : une implantation industrielle au Havre et la construction d’une turbine de 8 MW. ❚❚ ↑ Parution : Hebdomadaire Tous droits réservés L'Usine Nouvelle 2016 Diffusion : 25 860 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2014/ 2015 FE4A945C7B60F20570851D31A909917A5C93940F502C98E163C1ADB 9