Fred Forest

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Fred Forest
3
Spécial
Fred Forest
NET ART
Fred Forest Hors de portée
Toile pour tous, @rt pour qui?
Conférence-débat jeudi 27/03 à 12h
Université Paris 1 Panthéon - Sorbonne //////////// Centre Saint Charles //////
UFR 04 arts plastiques ////////////////////// 47 - 53, rue des bergers, 75015 Paris
Intrinsèquement lié au Web, le Net Art, dont les enjeux relationnels
et collaboratifs renouvellent les rapports entre art, technique et société, est
souvent considéré comme « immatériel ».
Ne constitue-t-il pas au contraire une occasion nouvelle et démultipliée de création artistique, articulée à des modalités réévaluées de production, de diffusion et de réception ? Quand l’activité créatrice est morcelée et
les logiques d’actions opposées, à qui attribuer la paternité de l’oeuvre ? S’il
est difficile d’identifier et de localiser une œuvre de Net Art et son créateur,
alors comment l’exposer et appréhender ses publics ?
Interviendront dans ce débat ouvert à tous Fred Forest (que le carré
vous présente dans ce 3ème numéro !), Anne Laforêt , auteure du rapport Net
art et institutions artistiques et muséales et Anne-Marie Morice, directrice de
Synesthésie.
Conférence-débat organisée par Alice Leborgne, Claire Migraine,
Agnès Noël et Juliette Six, étudiantes au sein du Master 1 « Métiers des Arts et
de la Culture », dans le cadre du cycle « Les Jeudis de la Sorbonne 2008 ». 
Par Yann Toma
Qu’est-ce qui peut différencier aujourd’hui le cadre dans lequel Fred
Forest évolue de celui qui semble valider tout artiste présent sur le marché
commercial ? On pourrait répondre en évoquant une certaine différence
d’ambition et un autre rapport à la temporalité. Alors que les médias ne rendent compte des œuvres/produits que de façon fragmentaire et caricaturale,
Forest lui agit en tant que son propre média et puise son inspiration dans
l’environnement de la communication et des flux informationnels. Situé
au-dessus de la mêlée, l’artiste traverse les continents, puise dans le moindre
symptôme de notre époque pour donner vie à des figures inattendues qui
nous interpellent, toujours différentes. Si Marshall McLuhan, en évoquant
la communication, parlait dans les années 80 de prothèses qui prolongeaient
notre corps, « d’actions à distance, de présence à distance, de simultanéité,
d’ubiquité », Forest instrumentalise la communication et la taille à sa mesure.
Il use de toute son habileté pour sans cesse introduire dans le système mondial
de petits grains de poussière susceptibles de faire sens et de rendre opératoire
la critique artiste. Avec Forest le monde peut changer. Il interpelle ses contemporains, use de tous les porte-voix qui lui tombent dans les mains, met en
demeure son prochain de réagir. « Artistes désormais ne vous laissez plus faire.
Il faut choisir entre le rôle de bouffon ou de boutiquier qu’on veut vous faire
jouer, en échange de quelques menues monnaies, ou celui d’artiste responsable, voir de dissident, porteur de valeurs symboliques, dans une société à la
recherche désespérée de sens. Vous avez tous les pouvoirs aujourd’hui, car
vous avez celui de l’imagination. » Forest émet toujours plus loin et toujours
plus fort, sans faiblir, ce qui est la qualité indispensable d’un art majeur. 
á l’occasion de la conférence sur
le net art Toile pour tous, @rt pour
qui ? , le carré consacre son troisième
numéro à un artiste atypique, Fred
Forest. Il nous propose ici une intervention artistique inédite résidant en
une série de question disséminée dans
votre journal. Volontairement politique, volontairement dérangeant et
critique, Fred Forest est un artiste
volontaire à l’efficacité déconcer-
Pourquoi un art
critique ?
tante. Il a ce charme des artistes
conceptuels dont on se demande
toujours si ce sont des génies ou des
escrocs. Quand on voit la façon dont
il traite les problèmes de société et de
l’art, le choix est vite fait. Fred Forest
est un artiste indispensable, nous lui
rendons ici hommage. 
Antoine Lefebvre
PETITE
ANNONCE:
Cherche petite
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Fred Forest.
http://blogannonce.canalblog.com/
Journal des étudiants de l’UFR04 d’arts plastiques et sciences de l’art, achevé d’imprimer
le 22 mars 2008 en France à 1000 exemplaires.
rédacteur en chef : Antoine Lefebvre.
rédaction: Serge Astréoud, Rose Marie
Barrientos, Emmanuelle Cadet Livia
Dudouit, Aurélie Herbet, Mickael Jouvet,
Stéphane Lecomte, Samuel Maréchal,
César Maretheu, Claire Migraine, Xavier
Orssaud, Marine Pillaudin, Cécile Poirson,
Benjamin Riado. Le carré remercie le service de la vie étudiante et le FSDIE pour leur
soutien, et surtout Jacques et Luc Martin.
lejourna lcarredelufr04@gma il.com
Pourquoi un
art sans valeur
marchande ?
Actualité ?
On peut me voir actuellement à
Nice, où j’ai sévit de longues années
en tant que professeur d’université
au département d’histoire de l’art et
de communication. J’y ai recréé la
promenade des anglais dans le virtuel, j’ai créé un centre expérimental
du territoire et laboratoire social en
3D sur Second Life. C’est un centre
?
Pourquoi un art
numérique ?
qui se visite, et qui a pour but la production d’idée pour le futur grâce
à un système de collaboration, avec
le visiteur lambda, des experts, ou
des personnalités politiques. Le premier thème traité est le développement durable, et j’ai donc invité les
candidats niçois aux municipales à
venir s’y manifester, et il n’y en a pas
un seul qui a accepté. Les renseignements pour vous y rendre sont dans
la question sur le net art. 
Le beau et le vrai.
Comme l’arbre qui tombe dans la forêt, l’art ne s’accomplit comme
événement qu’en présence d’un témoin, le dénommé « spectateur ». Celui-ci
n’est plus simple « regardeur » depuis qu’il est confronté aux œuvres qui
stimulent autant la vue que nos autres capteurs sensoriels. Mais malgré cela,
et certainement pour des raisons économiques, l’art reste redevable à la matière, avec le risque, dans un monde gourmand du « beau », de devenir pure
matière décorative. Une grande partie de l’art contemporain s’ancre encore
dans une esthétique qui émane de l’objet, commercialisable et « accrochable ».
Fred Forest déjoue l’esthétique de l’objet en prenant le tissu social comme support de son œuvre et, en se servant de l’immatériel comme matière première
de son travail, il nous invite à dépasser les conventions de la perception dans
l’expérience de l’art. L’œuvre-système invisible mobilise en effet des mécanismes bien plus subtiles que ceux concentrés dans l’objet. Dans ce dispositif,
c’est le contexte de l’individu qui fonctionne comme support et c’est l’individu
qui, en recevant et en interprétant les informations émises par l’artiste, fait et
complète l’œuvre. Révéler des incertitudes et dévoiler l’invisible, telles sont les
responsabilités de l’artiste, assumées volontiers par Fred Forest. Son champ
de travail se situe au cœur même du système informationnel qui gouverne la
société contemporaine, vaste terrain où il sonde, capte et génère les signaux
qui caractérisent notre temps. Sans forme, sans contour, mais véhiculant du
sens ; sans rapport au « beau » mais bien plus proche du « vrai ». 
Rose Marie Barrientos
Pourquoi un art
social ?
Pourquoi avez vous
intenté un procès au
centre Pompidou ?
1+1=3
C’est un véritable western mental et intellectuel qui se joue autour de
mon opposition au fonctionnement des institutions françaises que j’attaque
notamment sur leur opacité et leur manque de transparence.
A la suite d’une polémique que j’ai eue avec Hans Haacke et Pierre
Bourdieu, j’ai demandé au centre Pompidou de me communiquer le pris de
la dernière pièce de Haacke qu’ils avaient acheté. Pour démystifier l’œuvre, et
montrer que c’est l’économie qui régit la valeur symbolique des œuvres d’art,
et non pas cette phraséologie idéaliste qu’on peut entendre dans les revues
d’art du marché. Donc j’ai demandé le prix, cela m’a été refusé, et après un
long parcours juridique et administratif qui a été jusqu’au conseil d’état,
celui-ci a déclaré que pour protéger le secret des œuvres et la confidentialité
industrielle et commerciale, le centre Pompidou pouvait ne pas me communiquer ce renseignement.
J’ai gagné symboliquement ce procès par la médiatisation dont il a bénéficié, ce qui était essentiel. Gagner ou perdre ce procès n’était pas important,
je ne suis pas procédurier de nature, mais c’était l’occasion de faire passer
mon message. 
Pourquoi
être un artiste
critique?
Je pense que tout art est critique et politique dans un sens large du mot.
Politique, c’est à dire politique au delà des idéologies partisanes qu’elles soient
de droite ou de gauche. Dans la mesure où l’artiste est un poseur de question,
il dérange. Par rapport à toutes nos conventions sociales, à la pensée unique,
l’artiste est là pour nous rappeler de ne pas nous laisser phagocyter par les
idées à la mode, par les idéologies dominantes, il est là pour essayer de trouver
un petit morceaux de vérité. C’est son devoir, c’est sa mission.
Je suis un artiste sociale lorsque je quitte les lieux élitaires de l’art pour aller
dans la rue, ou sur internet, mais il ne faut pas faire l’erreur de parler d’art populaire. Ce serait démagogique, l’art populaire n’existe pas, car nécessairement,
pour pénétrer le monde de l’art, il faut un certain nombre de codes, ce qui
exige que pour accéder à l’art, comme pour accéder aux langues, ou à d’autres
connaissances, il faut commencer par l’apprentissage de ces codes. 
Qu’est-ce que
l’oeuvre système
invisible ?
Par nature je suis curieux, par nature je cours devant, et je ne suis jamais
en adéquation avec mon temps, peut-être parce que j’anticipe trop. Compte
tenu de l’évolution des outils et interfaces qui nous mettent en rapport avec
le monde, on constate aujourd’hui qu’il y a des mondes qui se découvrent par
l’intermédiaire d’un outil (par exemple aujourd’hui, il y a un artiste japonais
qui fait des sculptures avec des nanotechnologies). Cela rejoint une idée philosophique et métaphysique qui rentre dans la pensée moderne, et qui voudrait que
le monde soit une superposition de différentes réalités. L’artiste, en utilisant des
outils qui lui donnent accès à des mondes auxquels ses perceptions ne lui donne
pas accès d’habitude fait découvrir, fait approcher des façons de voir et des
réalités habituellement invisibles. Comme les artistes avec la matière picturale
manipulaient des formes, les artistes de demain manipuleront des fréquences,
comme les ondes radio ou les ondes telluriques. Comme avec les nouvelles
technologies il n’y a plus de lieu donné, on est dans des espaces indéterminés
parcourus de flux et de fluides. Tout est à inventer. 
Bibliographie ?
Art sociologique, Paris, U.G.E, collection 10/18, 1977.
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pour un art actuel : l’art à l’ heure d’Internet, Paris, L’Harmattan, collection Ouverture philosophique, 1999.
------------------------------------------------------------------------------Fonctionnement et dysfonctionnement de l’art contemporain : un procès
pour l’exemple, Paris, L’Harmattan, 2000.
------------------------------------------------------------------------------Repenser l’art et son enseignement : les écoles de vie, Paris, L’Harmattan,
2002.
------------------------------------------------------------------------------DE L’ART VIDEO AU NET ART ART , Paris, L’Harmattan, 2004.
------------------------------------------------------------------------------L’ Oeuvre-Système Invisible, Paris, L’Harmattan, 2006.
------------------------------------------------------------------------------Le Net Art, Paris, Le cercle d’art, avril 2008.
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Fred
Forest
Pourquoi le net art ?
Qu’est-ce que
Qu’est-ce que
l’art sociologique ? l’esthétique de la
communication ?
Pourquoi un art
né à Mouaskar (Algérie), le 6
juillet 1933, est un artiste français.
Il vit et travaille à Paris, ailleurs,
et dans le cyberspace.
Pourquoi un art
non rétinien ?
http://www.fredforest.org
http://www/webnetmuseum.org
L’art ne tombe jamais du ciel, l’art est toujours en rapport avec les connaissances, les techniques, et les idéologies d’un moment de l’histoire. Et
chaque artiste est également déterminé par ces choses là. Un artiste ne peutêtre un artiste sans un regard sur la société qui l’entoure. Cette société évolue
aujourd’hui à une vitesse grand V donc l’artiste se trouve dans la nécessité à
chaque instant, à chaque minute, à chaque seconde, d’ajuster son langage à
son époque. En fonction aussi des évolutions, des mutations de cette société
des technologies.
Quand on est un artiste, pour être perçu, on vous met ou on se met soimême dans des sortes de tiroirs avec des étiquettes. En fait, un artiste ou un
individu est une entité complexe, qui fait parfois cohabiter des contradictions.
C’est un ensemble d’idées et de désirs qui se réunissent pour traduire une
personnalité.
L’idée de l’art sociologique était de mettre en évidence ce que l’art a à voir
avec la société et de le désigner du doigt comme quelque chose d’important.
Mais ceci une fois dit, l’artiste peut aller du collectif vers l’individuel, et ce
sont ces allers-retours qui font finalement l’œuvre d’un artiste. 
Après l’art sociologique, qui voulait questionner et faire prendre conscience de notre environnement social quotidien. L’esthétique de la communication que j’ai théorisée avec Mario Costa, a une ambition beaucoup plus
grande. Le sens ne s’y fait pas uniquement autour du rapport à l’environnement
social, mais dans un rapport plus global, à la fois philosophique, métaphysique, existentiel, mais également sociétal. Les nouvelles technologies sont en
train de changer notre rapport au temps et à l’espace. Et nous pouvons alors
nous demander où se situe notre véritable identité en tant qu’individu sujet
de toutes ces transformations ?
Dans les œuvres du passé, on était dans une esthétique de l’objet, un objet
qui contenait toutes les informations, accompagné d’un sens naissant de ces
informations. Dans l’esthétique de la communication, il y a plusieurs pôles
émetteurs, et finalement l’art est dans l’invisibilité de ce qui se passe entre ces
différents pôles émetteurs et les flux qui les animent. 
J’ai une particularité, c’est que je suis un vieil artiste et un jeune artiste.
Vieil artiste puisque je suis un des pionniers de l’art vidéo, Nam June Paik
a commencé à utiliser le Portapack en 65, et moi en 67. Par la suite, j’ai été
un pionnier des expériences de presse, et aujourd’hui je ne peut pas ne pas
utiliser les outils de mon temps, c’est à dire l’internet qui nécessite que l’on
n’invente de nouvelles formes par rapport à des objectifs qui sont toujours les
même pour l’artiste, c’est à dire donner du plaisir, conscientiser, faire réfléchir
et partager avec les autres. 
“Centre experimental du Territoire er laboratoire social” Projet sous
forme d’un modèle de simulation, faisant appel à l’imagination collective, Fred Forest poursuit son projet antérieur du Territoire du m2 carré
artistique
- implanté à Anserville dans un espace physique (1977)
http://www.fredforest.org/territories/
- converti en Territoire des réseaux sur le Net (Imagina 1996),
http://www.webnetmuseum.org/html/fr/expo-retr-fredforest/
actions/48_fr.htm#text
- déménagé dans l’espace virtuel (Second Life 2008)
http://slurl.com/secondlife/Conway%203/71/40/27
Pour accéder à cette adresse, vous devez déjà être dans Second Life, et
vous être confectionné un avatar. 
dérangeant ?