3 S.M. Mohammed V en visite à Casablanca

Transcription

3 S.M. Mohammed V en visite à Casablanca
Maroc’56
MarocSoir
17•02•2006
17
S.M. Mohammed V
en visite à Casablanca
3
COMMENTAIRE
JEAN-LUC PIERRE
Un État de droit.
epuis son retour, le sultan
Mohammed V a multiplié les
rencontres avec ses sujets. Des
délégations de femmes, de
syndicalistes, de résistants, de
Français du Maroc se sont succédé au palais de
Rabat. Dans cette tâche qui consiste à connaître
les doléances de chacun, le souverain est assisté
par le Prince Moulay Hassan. Ensemble, avant
leur départ pour les négociations avec Paris, ils
entreprennent une visite officielle dans la
capitale économique du pays. Le point nodal de
cette rencontre avec les Casablancais de toutes
origines a lieu dans la nouvelle médina, non loin
du palais royal, sur la place de la Mahkama, dans
le quartier superbe des Habous. C’est là que le
discours est prononcé le 9 février 1956. Le
lendemain, l’arrêt du cortège et les quelques
mots prononcés aux Carrières Centrales sont
tout autant chargés de sens et d’émotion. Les
manifestations de décembre 1952 qui s’étaient
déroulées dans cet énorme bidonville, ont été
une étape essentielle de la lutte pour
l’indépendance. Mais gouverner c’est prévoir. Il
faut savoir tirer les leçons de l’histoire pour faire
le deuil des heures douloureuses. Ainsi, après
avoir reconnu le rôle majeur joué par la ville de
Casablanca dans la résistance du roi et du
peuple, le souverain se lance dans un vibrant
appel à l’ordre, à la concorde. En soulignant le
rôle joué par des Français qui ont soutenu la
cause nationale marocaine, le souverain entend
rappeler que la vengeance, ou les règlements de
compte sordides, doivent cesser. L’inauguration
du Boulevard Mohammed V au cœur de la ville
où réside une majorité d’étrangers est certes
symbolique, mais cet hommage ne peut heurter
quiconque car son ancien nom de Boulevard de
la Gare n’avait qu’un sens topographique. Si le
protectorat meurt, il faut néanmoins que l’Etat
marocain fonctionne. S’il était légitime de ne pas
s’acquitter de l’impôt pour un système
condamné et condamnable, il est en revanche
illégitime que les citoyens d’un Etat libre et
souverain ne participent pas aux contributions
publiques. Le souverain demande par ailleurs au
patronat, français pour l’essentiel, de contribuer
à l’élévation du pouvoir d’achat et des
qualifications des travailleurs. Enfin, l’ouverture
à l’expression de langue arabe du théâtre
municipal de la place administrative de
Casablanca marque symboliquement une entrée
des Marocains dans le cœur de l’espace culturel
qu’est toute ville.
D
h
ARCHIVES MAROC SOIR
La première visite
officielle du
Souverain dans
la capitale
économique.
La «Vigie Marocaine»
Documents
Le 09 février. «A quinze heures
l’après midi, S.M. le sultan Mohamed V prononce un important discours sur la vaste esplanade de la nouvelle médina qui
porte son nom, derrière la Mahkama.
«Peuple fidèle, habitants de Casablanca. Depuis que le Seigneur - glorifiée soit sa puissance - nous a placé à la tête de
Le palais du
sultan à
Casablanca.
cette nation, Nous Nous
sommes promis de toujours
Nous adresser à elle, chaque fois
que la nécessité s’en fait sentir
ou que le commande la gravité
du moment. C’est à dessein que
Nous avons choisi Notre capitale économique pour faire entendre Notre voix et que Nous
lui avons réservé la première visite officielle. Ils sont nombreux
parmi ses habitants, ceux qui
ont payé de leur vie et de leurs
biens leur dévouement à la cause sacrée de la Patrie et leur attachement à un chef dont ils ont
été brusquement frustrés.
Par la même occasion, Nous
manifestons l’intérêt que Nous
portons à la ville qui a vu naître
les idées de liberté et les sentiments généreux issus de
consciences libres de Français
qui ont soutenu Notre cause,
œuvré pour le rapprochement
de nos conceptions et milité en
faveur de l’amitié entre nos
deux pays. Nous leur exprimons
ici en Notre nom et au nom de
Notre peuple Notre estime et
Notre admiration.
L’indépendance ne signifie nullement le règne de la licence
et de l’anarchie, ni la prépondérance des intérêts particuliers ;
elle ne signifie pas non plus l’insubordination et le refus de
payer les impôts qui conditionnent la vie même de l’Etat. Gardez-vous d’actes de vengeance
et de représailles, car le salut du
pays est fondé sur la garantie
des droits et la sécurité des personnes.
Les habitants de cette capitale
économique savent qu’elle est
devenue un point de mire à cause de sa prospérité sans cesse
croissante, de sa vie intense, de
son commerce et de l’afflux des
étrangers. C’est sur Nous que
rejaillit en définitive le moindre
incident de nature à paralyser
l’activité, à inquiéter le touriste
et à nuire à l’intérêt général.
Grâce aux luttes des ouvriers et
des artisans qui ont toujours bénéficié de Notre soutien, une
partie d’entre eux a obtenu le
droit syndical que nous espérons voir s’étendre à toute la
classe laborieuse. Nous souhaitons qu’un code du travail et une
législation sociale viennent garantir les droits des travailleurs.
Votre attachement à votre roi
est indéfectible et grande votre
confiance en Lui ; il vous faut Le
soutenir dans sa tâche au moment où il s’apprête à regagner
la France pour inaugurer les négociations.»
gouverneur dévoile la plaque
vert et rouge portant l’inscription
en arabe et en français : «Boulevard Mohammed-V». Une immense ovation salue le geste
symbolique puis le souverain
coupe le ruban avec une paire
de ciseaux d’or que tend S.A. le
prince héritier Moulay Hassan.»
Carrières Centrales. «Le 10 février, S.M. le sultan visite les Carrières Centrales. Le cortège parvient à l’entrée de l’avenue C des
Carrières Centrales. Tout ce qui
est imaginable est alors dépassé.
Jamais une telle foule n’a été rassemblée à Casablanca. A perte
de vue, des djellabas, des mains
levées, des grappes humaines juchées sur tout ce qui est suréle-
vé. L’immense foule acclame
longuement l’allocution du
Souverain et applaudit à tout
rompre S.A. le prince héritier
Moulay Hassan qui adresse
quelques paroles à la population
des Carrières Centrales.»
Théâtre arabe. «Ce soir, le 28
février, la jeune troupe Noujoum
al Atlas donnera pour la première fois devant le public casablancais au théâtre municipal la
pièce «Intiqam et Iqab».
Nul doute que les amateurs
de théâtre viendront en grand
nombre applaudir les comédiens. Cette représentation est
donnée sous la présidence
d’honneur de S.A. le prince héritier Moulay Hassan.»
histoire plus
Des lieux
de la ville à
l’honneur
«Casablanca s’est éveillée ce matin 08
février avec un air de fête, ses
boulevards, ses places, et ses rues
abondamment pavoisées en
l’honneur du souverain dont on
attendait l’arrivée. Sur le boulevard qui officiellement demain,
portera le nom de Mohammed V,
on remarque des drapeaux chérifiens et français de grande dimension et des banderoles
rouges et vertes portant l’inscrip-
I N A U G U R AT I O N .
tion en arabe : «La population de la capitale
économique est heureuse de la visite de S.M. le
roi Mohammed V» «Les
commerçants istiqlaliens souhaitent la bienvenue au roi» «Vive le
Maroc libre et indépendant.» L’inauguration
du boulevard Mohammed-V. «Après avoir
entendu les hymnes nationaux, SM le roi Mohammed V et le résident général, sur
l’invitation de S.E. Si
Ahmed Bargach, s’avancent vers
le début du boulevard, la principale artère de Casablanca. Le
Place des Habous dans les années 50.

Documents pareils