MEP Polyph 3.indd - Editions des Béatitudes
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ERMES RONCHI L A POLYPHONIE DES CŒURS ÷ ÷ Éditions des Béatitudes Préface « L’amitié est une source de vie. » Simone Weil C es pages sont nées d’une émotion. Celle des amis et des amies qui ont fleuri dans ma vie : fleurs sauvages au long des routes, miel sauvage des forêts et des déserts. Mais aussi l’émotion suscitée en moi à la lecture d’une expression de Dietrich Bonhoeffer 1 – « Ne pas perdre la polyphonie de l’existence » – qui s’est fixée il y a quelques années à un rocher de mon océan intérieur et ne m’a plus jamais lâché. 1. Théologien allemand ; né le 4 février à Breslau (Pologne) ; mort le 9 avril 1945 au camp de concentration de Flossenburg. –7– En outre, ce petit livre est né de la fréquentation amoureuse, datant d’une trentaine d’années, des moines et des troubadours. Ce livre n’est pas un écrit de plus sur l’amour courtois et la littérature des troubadours, mais sur l’amitié amoureuse. Mon but est de « lire » d’une autre manière les femmes et les hommes et leur rencontre, dans laquelle le corps aussi peut trouver son accomplissement, sans être réduit à un instrument du plaisir des sens ou, à l’opposé, totalement renié. Mais qu’aurait à dire un moine de l’an 1100 sur l’amour d’amitié et sur une vie à vivre en plénitude ? Ne devrait-il pas plutôt avoir une attitude détachée face aux joies de ce monde pour se consacrer tout entier à la recherche de Dieu ? Et d’une moniale cloîtrée, n’attendons-nous pas une sagesse mystique plutôt qu’une connaissance dans l’art d’aimer ? CELUI QUI TE TOUCHE Simon le pharisien fut prophète malgré lui lorsque, au cours d’une soirée, quand une femme vint à la maison avec un vase de parfum et le versa sur les pieds de Jésus, il dit : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse. » (Lc 7, 39) Le fait d’être touché est l’un des événements les plus émouvants et importants de la vie : celui qui t’a touché au plus intime de toi-même, ne serait-ce qu’une fois, restera pour toi comme un prophète. –8– Celui qui t’a touché est comme entré en toi ; désormais, tu l’accueilles chez toi, il trace des sillons, il travaille ton terrain, il extirpe les racines, il sème les graines, il sollicite et réveille les sources de la vie en toi. Seuls ceux qui te touchent pourront changer ta vie. L’ami est ami parce qu’il te touche, désarmé et désarmant. Là où tu peux te laisser toucher par l’autre et le toucher, là tu peux dire que tu es toi-même, car tu as laissé tomber tous tes masques. C’est le miracle à toujours demander : quelqu’un qui sache toucher le cœur. Voilà le rêve de Dieu : que nul ne soit seul dans la vie et que toute maison vive la fête du cœur. Que nul ne soit sans « attachement », ce besoin propre de l’homme de partager sa vie émotionnelle avec d’autres personnes, au travers de relations intimes et stables, en étant disponible et bon. Dans toutes ces relations, Dieu t’effleure, te touche. Il le fait le jour où, tellement ivre de joie et d’amour, tu dis aux êtres que tu aimes des paroles fortes, absolues et qui se veulent éternelles ; ou bien un jour de larmes, au travers de l’étreinte de l’ami ; ou encore, dans le désert quotidien des jours toujours semblables, tu es surpris devant la nouveauté, l’inattendu. Ces pages s’adressent aux hommes et aux femmes qui cherchent à intégrer humain et spirituel, foi et affectivité, à trouver l’harmonie difficile et pourtant possible du masculin et du féminin. –9– Elles s’adressent à celui qui cherche dans l’histoire de l’esprit d’autres sentiers, peut-être restés cachés jusque-là sous des traces, des courants profonds et peu visibles dans l’histoire de l’Église ; à celui qui ne se contente pas de lectures conventionnelles ; à celui qui aime la poésie et la liberté du cœur. Et qui n’a pas peur de la passion. – 10 –