Parcours

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Parcours
Sommaire
Éditorial
Rencontre avec…
Janne Teller et Florence Barrau
page 2
page 4
Le dossier
Les tendances de l’édition
pour adolescents et jeunes adultes page 7
Parcours de lecture
Livres accroche Et après Lecteurs confirmés Ouvrages de référence page 41
page 50
page 59
page 70
Formations
page 72
Index
page 75
22
Édito de lecture
Parcours
Livres accroche
Sonia de Leusse - Le Guillou Littératures
1 6 janvier 2012, site du Nouvel Observateur.
Voir : http://leplus.nouvelobs.com/
contribution/228795-harry-potter-et-twilight-ontils-redonne-aux-jeunes-le-gout-de-lire.html
2 Voir l’entretien avec Carine Tardieu
et Raphaële Moussafir, p. 17
3 Même si quelques tentatives d’ebooks
proposent de nouvelles modalités de lecture,
comme le projet hiboo, soutenu par Lecture
Jeunesse en 2011, qui vise à enrichir des titres
de littérature classique passés dans le domaine
public. On notera qu’il s’agit d’une initiative
d’étudiants concepteurs réalisateurs multimédia
des Gobelins, l’école de l’image.
Voir www.hiboo-project.com/fr/
4 Isabelle Jan (propos recueillis par
D. Demers), « Faut-il censurer les contes
de fée ? », Châtelaine, août 1990, p. 92-93,
cité par Sylvie Servoise, « Littérature, arts
et culture. La littérature pour la jeunesse :
une école de vie ? », in Raison publique, 13,
PUPS, octobre 2010, p. 285.
5 Lire est le propre de l’homme. De l’enfant
« Aujourd’hui, dit Matthieu Letourneux, la peur panique du déclin de
la lecture conduit le public à s’enthousiasmer » pour des ouvrages « qui
auraient été regardé[]s autrefois avec suspicion1 ». Désormais, une partie
de la littérature pour les adolescents et jeunes adultes, décomplexée,
relèverait de la littérature populaire. Nul ne s’étonnera qu’on retrouve,
dans les tendances fortes de ces dernières années, des frontières perméables
entre les différents médias plébiscités par les jeunes : leur culture
transmédiatique les fait jongler d’un support à l’autre, du récit au teen
movie, par exemple, films spécialement conçus pour les adolescents.
Les productions – mais certains éditeurs aussi – l’ont compris, qui modèlent
parfois un héros avant de décliner ses aventures sous différentes formes.
Cette porosité souvent dépréciée ne doit pas occulter des propositions
artistiques qui émergent parmi ces adaptations, comme en témoigne
le film inspiré du roman Du Vent dans mes mollets2. Au-delà de cette
contamination des supports, caractéristique de la littérature grand public,
les expérimentations numériques des livres pour adolescents restent
frileuses3. Le marché est encore balbutiant et les positionnements des
éditeurs divergents. On aurait pu attendre une explosion de la bande dessinée
sur Internet. Mais ni les comics qui réapparaissent en force au format
papier, ni les albums n’en tirent vraiment parti ; là encore, le numérique
ne paraît pas bouleverser les modes de lecture. La révolution semble moins
concerner le support que le contenu : un vent de révolte souffle sur une partie
des publications. Pourtant, cette vague des titres indignés n’est pas
un phénomène nouveau. S’ils sont contestataires, les parcours présentés
ont valeur d’exemple, de modèle à suivre. Se posent une fois encore les
questions du statut de l’engagement et du militantisme dans la production
jeunesse, qui peinerait à ne pas flirter avec la morale. « Avant, il ne fallait
pas dire zut à sa grand-mère, se mouiller les cheveux ou être coquette ;
maintenant il faut appartenir à une organisation humanitaire : c’est pareil !
La cause est peut-être plus intéressante, mais la littérature est tout aussi
ennuyeuse4 », disait Isabelle Jan. Alors assommante, l’offre pour adolescents
et jeunes adultes en 2012 ? Non, pléthorique, reproche Anne Clerc mais
humoristique ! Si rire est le propre de l’homme, L’Ecole des loisirs nous
rappelle que lire l’est aussi5.
Alors lire en riant…
lecteur au libre électeur, L’Ecole des loisirs,
2011. Voir www.lirelire.org/
Lecture Jeune - juin 2012
Rencontre avec…
Janne Teller
et Florence Barrau
par Anne Clerc
page 4 à 6
4
Rencontre
littéraires
Le dossier avec…
au Cinéma
Taiunique/Gaïa
Jean-baptiste
Coursaud
Janne Teller
et Florence
Barrau Entretien
Propos recueillis
par Anne Clerc
Les romans de Janne Teller, entre questionnement philosophique et regard sur l’actualité, se démarquent dans la
production pour la jeunesse. Danoise d’origine austro-allemande, l’auteur met à profit sa propre expérience de l’immigration dans son dernier livre, Guerre. Et si ça nous arrivait ?1.
À l’occasion de la sortie de cet ouvrage aussi court que saisissant, Lecture Jeune l’a rencontrée.
Anne Clerc : Qu’est-ce qui vous a menée vers l’écriture ?
Janne Teller
Après un premier texte publié
à l’âge de 14 ans dans un journal
danois, Janne Teller abandonne
momentanément ses ambitions
littéraires. Ayant étudié l’économie à
l’université, elle voyage en Afrique et
dans le monde entier pour la section
humanitaire de l’Organisation
des Nations Unies. En 1995, elle
se consacre à l’écriture et fait ainsi
paraître son premier roman :
L’île d’Odin8. Elle se lance par la
suite dans la littérature pour jeunes
avec Rien9 puis Guerre10 et reçoit
de nombreux prix littéraires.
Son œuvre est traduite en
une vingtaine de langues.
1 Chroniqué dans le parcours de lecture
du n° 141 de Lecture Jeune.
2 Cette phrase constitue le prologue de Rien.
3 Dansklærerforeningens Forlag
(www.dansklf.dk)
Janne Teller : Avant de me lancer dans l’écriture, je travaillais pour
l’ONU. Vers l’âge de 30 ans, j’ai quitté mon emploi pour me consacrer
à mon premier roman, L’Île d’Odin. Mais je racontais des histoires avant
même de pouvoir les écrire : j’ai créé mon propre monde dans lequel
la pensée de l’immigration est très présente car mes deux parents sont
d’origine étrangère. Ma mère, née en Autriche, est arrivée au Danemark
en 1945 et mon grand-père était soldat allemand pendant la première
guerre mondiale ; après le conflit, il a rejeté son pays natal pour prendre
la nationalité danoise. Ce multiculturalisme fait partie de ma personnalité
et la question de l’exil est étroitement liée à mon imaginaire littéraire.
AC : Qu’est-ce qui vous a conduite vers la littérature
jeunesse ?
JT : Ma maison d’édition m’a commandé un livre pour jeunes adultes.
J’y étais réticente au début puis j’ai trouvé le thème de Rien. J’entendais
dans mon esprit la voix de ce garçon qui clamait « Rien n’a de sens, je
le sais depuis longtemps2 » et j’ai imaginé les réactions de ses amis. En
quelques semaines, j’avais rédigé les grandes lignes du récit. Guerre est
paru environ un an après.
AC : Comment vous est venue l’idée de Guerre ?
JT : Lors des élections législatives danoises de 2001, on m’a demandé
d’écrire un texte alors que le débat sur l’immigration s’enlisait dans la
haine et la violence. J’étais enthousiaste à cette idée mais j’avais le
sentiment qu’une énième histoire sur les réfugiés irakiens n’aurait aucun
effet. J’ai donc voulu innover en inversant les situations, à travers un
« essai fictionnel » dans lequel une famille danoise s’exile en Égypte pour
fuir la guerre qui fait rage dans les pays nordiques. Le récit est d’abord
paru dans un magazine. En 2004, il a été publié sous la forme d’un
passeport par la maison d’édition danoise de Rien3 qui a proposé des
illustrations pour l’accompagner.
AC : Pourquoi avoir adapté le texte à la France ?
JT : J’ai harmonisé le texte pour qu’il garde sa pertinence dans tous
les pays où il était traduit. Chaque lecteur devait pouvoir s’y identifier.
Pour plus de réalisme, la famille danoise possède par exemple une
maison alors que les Français logent dans un appartement. En dehors
de ces modifications « sociologiques », il fallait également réaliser des
transpositions politiques : j’ai fait varier les pays impliqués dans le
Lecture Jeune - juin 2012
55
conflit. Je craignais que le scénario soit trop proche d’une réalité passée.
Ainsi, je ne pouvais pas parler de l’Allemagne ou de tout autre pays qui
partage une histoire commune avec la France. C’est pourquoi j’ai choisi
les Scandinaves dont je connais bien la culture et qui paraissent plus
improbables comme belligérants.
AC : Pourquoi avez-vous décidé de partir d’un constat si
invraisemblable ?
JT : J’ai fait ce choix car mon roman s’adresse à tous les gens qui ne sont
pas immigrés et ne peuvent pas facilement comprendre la situation des
réfugiés : il fallait donc les mettre dans les circonstances appropriées
même si elles paraissent irréalistes. Le titre au conditionnel rappelle qu’il
s’agit de fiction : « Et si ça nous arrivait ? ». Ceci dit, actuellement, la
réalité semble rattraper la fiction que j’ai écrite il y a dix ans : depuis
les événements du Printemps arabe, il paraît moins incroyable que
l’Égypte devienne une démocratie ; à l’inverse, la crise grecque pourrait
rapprocher la menace mise en avant dans le scénario allemand de
Guerre où l’Allemagne se retire de l’Union Européenne et entre en
guerre contre la Grèce.
Florence Barrau : Guerre est une fiction mais pas un roman. Il ne s’agit
pas d’un tableau politique mais d’une description du mécanisme
qui induit la montée de la haine raciale et il perdrait en force avec
davantage de détails.
AC : Effectivement, le scénario fait fortement écho à l’actualité. Pourquoi avoir choisi l’Égypte comme pays de repli ?
JT : Je voulais dès le départ que le pays de refuge soit musulman car
je souhaitais notamment aborder la thématique de la différence de
traitement entre hommes et femmes. D’autre part, j’ai voyagé dans les
pays arabes et je connaissais leur culture. La situation et les peuples
choisis n’ont pas vraiment d’importance. Il me fallait un pays « atypique »
pour évoquer la perte d’identité, qui est l’aspect le plus terrible du statut
d’immigré : lorsqu’on fuit sans cesse sans pouvoir revenir en arrière, on
perd le contrôle de sa vie et c’est l’identité qui s’en trouve dévalorisée.
Florence Barrau
Responsable éditoriale des romans
pour adolescents au sein
des éditions Les Grandes Personnes,
c’est elle qui a remarqué le potentiel
littéraire des écrits de Janne Teller
à la Foire du livre de jeunesse de
Bologne. Conquise par la justesse
du portrait de l’adolescence
dépeint par l’auteur, Florence Barrau
acquiert les droits de ses ouvrages
pour la France.
AC : Est-ce que Guerre est lu par les personnalités politiques en Allemagne ou au Danemark ?
JT : Mon livre est paru au Danemark dans un contexte très sensible :
montée des nationalismes, rejet de l’immigration. Il a fait couler
beaucoup d’encre à sa sortie. Le ministère de l’Intégration s’est même
senti provoqué par ce roman ! En Allemagne, ce sont la presse écrite et
la télévision qui se sont emparées de la controverse autour de Guerre et
j’ai été souvent sollicitée pour intervenir dans des débats politiques.
FB : En France, nous avons construit l’argumentaire de commercialisation autour de cette problématique : Guerre est certes un outil
intéressant pour amorcer le débat sur l’immigration mais c’est surtout le
questionnement identitaire qui est au cœur de ce livre.
AC : Vous parvenez à décrire avec beaucoup de justesse la
perte de repères du narrateur, son impression d’être étranger
et inadapté à son pays d’accueil. Par petites touches4,
le lecteur arrive à se mettre réellement dans la peau d’un
immigré confronté au rejet et à l’incompréhension.
JT : Lors des lectures dans les écoles, les jeunes d’origine étrangère
étaient parfois déçus de me voir arriver car ils me supposaient immigrée
Lecture Jeune - juin 2012
4 Par exemple, dans l’illustration
de la page 33, l’insulte lancée en langue
arabe n’est pas traduite.
6
Rencontre avec Janne Teller et Florence Barrau
5 Postface p. 57 : « De plus en plus (…),
j’entends certains accuser ce texte d’être
“politique”. Tout d’abord, je n’ai jamais
compris ce qu’il pouvait y avoir de mal à être
“politique” dans un monde politique. »
6 Matin Brun, Frank Pavloff,
éditions Cheyne, 1998.
7 Indignez-vous !, Stéphane Hessel,
éditions Indigène, 2010.
8 L’Île d’Odin, Actes Sud, 2003.
9 Rien, Panama, 2007.
10 Guerre, Les Grandes Personnes, 2012.
Bibliographie
de Janne Teller (romans traduits en français)
• L’Île d’Odin, Actes Sud, 2003.
• Rien, Panama, 2007.
• Guerre. Et si ça nous arrivait,
illustré par Jean-François Martin,
Les Grandes Personnes, 2012.
Sur Internet
• www.janneteller.dk
comme eux et non danoise ! Cependant, le fait que ma famille soit issue
de l’immigration a changé mon rapport à ce livre : j’aurais pu l’écrire
même en étant danoise « de souche » mais je ne l’aurais pas pensé de
la même manière. J’ai été poussée à publier Guerre lorsqu’autour de
moi des individus normalement tolérants, intelligents et bien éduqués
ont commencé à voir les réfugiés comme une race différente qui ne
mériterait pas le respect dû aux êtres humains. Ce roman est conçu pour
être une passerelle vers un questionnement identitaire, le scénario du
conflit n’est finalement que secondaire.
AC : Pourquoi avoir choisi le tutoiement comme mode de
discours ? Au début, il semble s’agir d’une interpellation
généraliste mais on comprend rapidement que le narrateur
s’adresse à un individu déterminé.
JT : Quand j’ai commencé à rédiger Guerre, je n’ai même pas réfléchi
au ton à employer. Ce n’était pas un choix délibéré. J’ai suivi une
voix intérieure qui me dictait le texte. Pour moi, convaincre l’autre
passe par l’empathie du tutoiement. Le « tu » crée une intimité et facilite
l’identification à l’autre. Il a également une autre fonction : j’ai choisi
ce mode de discours pour m’adresser aux plus jeunes car il relève
davantage de l’oralité ; on arrive mieux à s’imaginer interpellé par
le tutoiement que par le vouvoiement. Il permet d’emmener très vite le
lecteur dans un autre monde.
FB : Le texte de Guerre est très sobre et il contient une certaine froideur.
Le tutoiement permet d’entrer davantage dans cette fable distanciée,
d’être dans l’histoire plutôt que de l’observer de loin comme un simple
spectateur.
AC : La littérature jeunesse est souvent très morale et commémorative, Guerre est-il un texte politique5 ?
JT : Au début, ce texte n’avait pas de signification politique ; mon but
n’était pas de dire que la rencontre des cultures ne pose aucun problème,
mais simplement de poser la question de l’immigration dans les
préoccupations des jeunes. Les adolescents doivent être confrontés à la
problématique de la diversité culturelle mais on doit éviter la politisation
de ce débat. C’est pourquoi je pense que les romans constituent un bon
vecteur pour véhiculer les discussions autour du multiculturalisme.
FB : Malgré sa brièveté, Guerre n’est pas une lecture « plaisir » : le texte
peut déranger autour de lui. Il ne fait qu’ouvrir le débat sans proposer
de morale. Certains lecteurs et prescripteurs sont déconcertés car ce livre
n’offre pas de réponses aux questions qu’il soulève.
AC : Le thème de Guerre, sa postface et son format pourraient toucher un plus large public que les seuls adolescents. Quels types de lecteurs avez-vous rencontrés ?
JT : En Allemagne, de même que pour Rien, le public de Guerre – qui
s’est vendu à près de 160 000 exemplaires – est composé à parts égales
d’adultes et d’adolescents. Ce sont notamment les jeunes immigrés qui
ont apprécié le roman car il devenait un outil pour parler de leur situation
et de leur vie.
FB : Ce livre parvient davantage à sortir de la sphère adolescente car il a
une présentation plus originale ; il est plus facile de le mettre en avant au
niveau du marketing. Guerre participe du même phénomène éditorial
que Matin Brun6 ou Indignez-vous7. Tout comme ces deux manifestes, il a
réussi à séduire un public adulte.
Lecture Jeune - juin 2012
L
Le dossier
Les tendances de l’édition
pour adolescents
et jeunes adultes
Panorama de l’édition pour adolescents
par Anne Clerc
De la fiction au cinéma
par Adrienne Boutang page 12 à 16
Du Vent dans mes mollets. Du livre au film
Entretien avec Carine Tardieu et Raphaële Moussafir
par Sonia de Leusse-Le Guillou
La littérature jeunesse « s’indigne » !
par Eléonore Hamaïde-Jager
Les politiques du livre numérique
dans l’édition jeunesse
page 17 à 20
page 21 à 25
par Patricia Gendrey page 26 à 30
Les adolescents et la bande dessinée
par Benoît Bertou page 31 à 34
Les comics, symboles de leur temps
par Xavier Fournier @
page 8 à 11
Retrouvez notre e-dossier complémentaire sur le blog de Lecture Jeunesse
http://bloglecturejeune.blogspot.com
Lecture Jeune - juin 2011
page 35 à 38
8
Panorama de l’édition
Le dossier pour adolescents
Anne Clerc Panorama
1 www.dgmic.culture.gouv.fr/IMG/pdf/
Chiffres-cles_2010-2011.pdf
2 Pour le SNE (Syndicat National de l’Edition), « cette stabilité globale est en réalité
le résultat d’une évolution très contrastée
entre les deux principaux segments à part
comparable : l’éveil petite enfance et albums
à colorier est en forte croissance (+13,4 %)
tandis que la fiction jeunesse est en net recul
(-9,2 %) », www.sne.fr/dossiers-et-enjeux/
economie.html
3 Matthieu Letourneux souligne un autre paradoxe dans son article du 6 janvier 2012 sur le
site du Nouvel Observateur : « Ce qui apparaît
comme nouveau selon moi, c’est l’assomption
d’une littérature populaire pour la jeunesse.
Celle - ci a existé autrefois. Mais quand on était
enfant dans l’entre - deux-guerres, il n’était pas
recommandable de lire des romans d’aventures
de Tallandier ou de Ferenczi, tout comme, dans
les années 1950-1960, les bonnes familles
n’aimaient pas voir leurs enfants lire Bob
Morane. Aujourd’hui, la peur panique
du déclin de la lecture conduit le public à
s’enthousiasmer pour ce qu’on appelle le retour
de la lecture chez les jeunes, mais à travers des
lectures qui auraient été regardées autrefois
avec suspicion. » http://leplus.nouvelobs.com/
contribution/228795-harry-potter-et-twilight-ontils-redonne-aux-jeunes-le-gout-de-lire.html
4 On ne peut que référencer le label « R »
aux éditions Robert Laffont lancé en février
2012, et une reconfiguration des romans pour
adolescents aux éditions de l’Archipel, dans la
collection « Galapagos », fin 2011.
5 « La Martinière J Fiction », « Darkiss » aux
éditions Harlequin, « Castelmore » aux éditions
Bragelonne, « Territoires » au Fleuve Noir,
« Blast » aux éditions Nathan.
En mars 2012, le Service du Livre et de la lecture publie
les chiffres clefs du secteur du livre pour 2010-20111. Si
la jeunesse – qui représentait 14 % du chiffre d’affaires
tous secteurs confondus contre 15 % en 2010 – stagne, la
littérature générale domine le marché avec 24 % en 2011
(23 % en 2010)2. L’offre littéraire pour adolescents et jeunes
adultes paraît « homogène » : les grands formats, les séries
et les romans fantastiques aux codes graphiques similaires
abondent et se distinguent difficilement en rayons. La
dimension transmédiatique de cette littérature n’est pas
un phénomène transitoire à l’heure où les séries à succès
se poursuivent sur les écrans (films, séries TV, jeux vidéo,
etc.) et sont des sujets d’échanges sur les réseaux sociaux. La
littérature qui devrait être « pour adolescents » tend à avoir
toutes les caractéristiques d’une littérature populaire3 qui
ne s’adresse plus à une génération précise mais à une classe
de lecteurs que l’on voudrait « young adults » et adeptes des
paralittératures. Est-ce la fin d’une littérature adressée aux
seuls jeunes ?
Une littérature jeunesse « pour tous »
Le secteur jeunesse semble être entré dans une « zone de confort »
avec peu de nouvelles collections depuis le début de l’année 20124 ;
celles lancées entre 2010 et 20115 sont résolument tournées vers les
« young adults » et s’inscrivent dans des politiques éditoriales voisines
les unes des autres. Chick-lit, bit-lit, fantasy et récits paranormaux
se mêlent d’un catalogue à l’autre et les argumentaires de vente se
ressemblent. Ainsi, « Territoires », chez Fleuve Noir, propose « une
littérature d’évasion, divertissante et captivante, qui passionnera le
plus grand nombre » tandis que la collection « Blast » (Nathan) offre
des textes aux « héros charismatiques. Un choc visuel et littéraire.
Une écriture cinématographique ». En investissant massivement les
paralittératures, les éditeurs jeunesse ne ciblent plus une génération
mais une catégorie de lecteurs. Les titres de bit-lit ou de dystopie
chassent les précédents tandis que les prescripteurs guettent les cycles
incontournables. Les codes graphiques des séries renforcent cette
impression d’interchangeabilité entre des ouvrages6 partageant des
formats et des couvertures analogues. Enfin, ces romans ressemblent
à ceux publiés en littérature générale et populaire quand ils ne
bénéficient pas d’une double édition7.
Dans Le Roman pour adolescents aujourd’hui : écriture, thématiques
et réception8, Daniel Delbrassine témoignait de cette « production de
Lecture Jeune - juin 2012
9
masse » et du « suivisme » des éditeurs après le succès de Harry Potter
à la fin des années 90. Dix ans plus tard, ces stratégies commerciales
sont optimales. Pour légitimer ces récentes orientations, les maisons
misent sur la nouvelle cible que sont les « young adults ». Les éditeurs
sont toujours plus nombreux à s’interroger sur ce public mais avant
d’être une réalité sociologique, ne découle-t-il pas des politiques
éditoriales menées ces vingt dernières années ? Le « glissement » du
lectorat (ou de la production) est un fait notable qui nous conduit à
revoir nos définitions de la littérature jeunesse, la rendant poreuse et
moins identifiable9.
Le retour de l’humour ?
Une tendance se dessine dans les publications jeunesse : les « romans
d’humour »10. La violence dans la littérature jeunesse a suscité quelques
débats, notamment lors du Salon du livre de Montreuil en 2007.
Les éditeurs ont depuis introduit des récits plus « légers » dans leurs
catalogues. Ainsi, Chloé Moncomble présente Bliss. Métamorphose
d’une jeune fille ordinaire 11 comme le roman qui a marqué un
tournant dans la collection « Macadam » des éditions Milan Jeunesse,
estampillée jusqu’alors comme un catalogue de « textes durs »12. Avec
Comment (bien) rater ses vacances et sa suite, Comment (bien) gérer
sa love-story13, Anne Percin a su toucher les jeunes lecteurs grâce à un
bouche - à - oreille efficace et des libraires enthousiastes. Le Journal d’un
dégonflé14 (Seuil Jeunesse) a sans nul doute amorcé cette tendance dès
200915. Le personnage de Greg Heffley, anti-héros par excellence,
est d’abord apparu sur Internet16, où il continue son récit quotidien
agrémenté de dessins. Sous la forme d’un journal illustré, cette série
s’est installée parmi les meilleures ventes jeunesse. On notera aussi,
aux éditions Sarbacane, le texte d’Axl Cendres, Échecs et buts17, où le
monde du football côtoie celui des échecs. Enfin, La Fourmilière18 de
Jenny Valentine voit se croiser à Londres deux adolescents marginaux
qui vont s’entraider pour faire face aux épreuves. Avant d’être un
roman social, le récit offre une galerie de personnages secondaires
truculents et l’humour l’emporte.
Ces titres, s’inscrivant dans une veine intimiste ou psychologique,
traitent les aléas de l’adolescence avec légèreté sans occulter les
problèmes auxquels sont confrontés ces jeunes narrateurs ; l’amour,
l’amitié ou encore le deuil peuvent y être abordés. Se voulant au plus
près des lecteurs, ces récits empruntent de nombreuses références à
leur univers (Internet, langage texto, références musicales…) et le style
est plus familier afin de mimer la parole adolescente19. S’adressant aux
lecteurs dès 11 ans, ils séduisent plus sûrement les collégiens. Du côté
du fantastique, les parodies sont également plus nombreuses, cette
littérature codifiée s’y prêtant parfaitement. Ainsi, Moi Jennifer Strange,
tueuse de Dragons20 met en scène des magiciens contraints à la retraite
dans une société où la technologie a supplanté l’art de la sorcellerie. Le
recueil Zombies contre Licornes21 mêle horreur et humour en décrivant
des morts -vivants vulnérables et attachants. Enfin, les best -sellers sont
eux aussi détournés : Hamburger Games22, par exemple, parodie le
Lecture Jeune - juin 2012
6 Si l’on regarde plus attentivement les
rééditions du Livre de Poche Jeunesse sous
le label « Jeunes adultes », on pourra
retrouver des grands formats de la collection
« Wiz », « Blackmoon » et des textes abrégés
de la littérature classiques (Les Misérables,
Madame Bovary ou encore Germinal).
Cette uniformisation des codes graphiques
assimile des titres qui n’ont rien d’autre
en commun qu’une part de leur lectorat
(les jeunes femmes lectrices).
7 Ainsi, Marina de Carlos Ruiz Zafon publié
simultanément aux éditions Robert Laffont
et Pocket Jeunesse en 2011. Le roman
d’Annabel Pitcher, Ma sœur vit sur la
cheminée (2012), est disponible aux éditions
Plon et dans leur catalogue jeunesse.
8 Daniel Delbrassine, Scèren/CRDP de
Creteil/La Joie par les Livres, 2004, p. 40.
9 Sur ce sujet nous vous invitons à consulter
les actes du colloque de Cerisy-La-Salle :
Littérature de jeunesse. Incertaines frontières,
Gallimard, 2005.
10 Voir LJ n° 130 (2009), L’humour. Qu’estce qui fait rire les adolescents ?
11 Shauna Cross, « Macadam », Milan
Jeunesse, 2011. Bliss mène une vie terne
dans le Texas, enchaînant les concours de
beauté pour le plus grand plaisir de sa mère
jusqu’au jour où elle découvre le rollerderby, la musique et l’amour.
12 Chloé Moncomble revient sur l’évolution
de « Macadam » sur le blog dédiée à la collection : http://editionsmilan-macadam.com/blog
13 Le Rouergue Jeunesse, « DoAdo », 2011
et 2012.
14 Le Journal d’un dégonflé, Jeff Kingley,
Seuil Jeunesse (5 tomes parus entre 2009
et 2012).
15 À ce jour, plus de 200 000 exemplaires
vendus pour l’ensemble de la série.
10
Panorama de l’édition pour adolescents
16 www.funbrain.com/journal/Journal.html,
en anglais.
17 Axl Cendres, Sarbacane, « Exprim’ »,
2011.
titre de Suzanne Collins en caricaturant les stéréotypes inhérents à la
série et les enjeux dramatiques des « Jeux de la faim ».
Le réalisme est-il toujours en vogue ?
(Imitation, Castelmore, 2010).
La « vague fantastique » et les récits d’humour ne doivent pas faire
oublier les romans dits « réalistes », toujours présents dans la production
jeunesse. Ces publications semblent désormais plus confidentielles,
clivant la littérature pour adolescents entre les univers imaginaires
anglo-saxons et les récits intimistes d’auteurs francophones. L’École des
Loisirs a joué un rôle déterminant dans les années 80 en traduisant
les « problem novel » américains dans sa collection « Médium »23,
mais aujourd’hui les auteurs français sont les plus nombreux dans
le catalogue24. L’École des Loisirs (Médium), Gallimard Jeunesse
(Scripto), Thierry Magnier (Romans), Flammarion Jeunesse (Tribal) ou
Actes Sud Junior (Romans ados) restent les représentants de ces textes
dits « miroirs », comme Le Monde dans la main25 de Mikaël Ollivier, qui
met en scène un père et son fils meurtris par le départ de la mère. Si le
sujet n’a rien d’original, le récit séduit par sa construction qui plonge
immédiatement le lecteur dans l’intimité de cette famille. Florence
Hinckel, elle, aborde le thème de l’adoption dans L’Été où je suis
né26, longue lettre que le narrateur adresse à une mère « inconnue ».
Ces récits, associés à des collections qui ont longtemps affiché leurs
prétentions littéraires, sont en perte de vitesse, bénéficiant d’une
visibilité moindre face aux best-sellers car ils se démarquent en ne
s’adressant qu’aux seuls adolescents.
23 Judy Blume et Robert Cormier, notamment.
Passerelles entre littérature générale et littérature jeunesse
24 Valérie Dayre, Sophie Vermot,
Les éditions du Rouergue, Actes Sud Junior, Sarbacane ou Les Grandes
Personnes continuent de révéler des styles ou des univers singuliers,
n’hésitant pas à solliciter des auteurs publiant « pour les adultes ».
Outre Jean-Philippe Blondel27, Élise Fontenaille – éditée entre autres
par Grasset et Calmann-Lévy – a reçu un accueil positif pour la
publication du Garçon qui volait des avions28. La collection « D’une
seule voix »29 se renouvelle également avec des auteurs issus du théâtre
comme Catherine Zambon30 ou de la littérature générale comme
Patrick Goujon31 ou Frédérique Deghelt 32. De plus, les éditeurs révèlent
de jeunes plumes et accompagnent des premiers romans. Ainsi, Axl
Cendres jongle entre humour et tristesse et offre une œuvre moderne,
et poétique, aux personnages saugrenus et touchants. Claire-Lise
Marguier a publié Le Faire ou mourir33 aux éditions du Rouergue,
premier roman dans lequel elle évoque sans détour les scarifications
répétées du narrateur adolescent confronté à un mal- être grandissant.
Depuis fin 2009, Les Grandes Personnes mènent une politique
éditoriale exigeante, à rebours des tendances, mettant en avant des
auteurs français et étrangers peu connus du public. Florence Barrau
a par exemple traduit et publié les romans de l’australienne Sonya
Hartnett 34 ou de la danoise Janne Teller 35. Sa dernière publication,
Guerre. Et si ça nous arrivait, est un texte court dont le format est celui
d’un passeport : le narrateur y invite le jeune lecteur à s’interroger
18 Jenny Valentine, L’École des Loisirs,
« Médium », 2011.
19 L’étude L’Enfance des Loisirs (Sylvie
Octobre, Christine Détrez, Pierre Mercklé et
Nathalie Berthomier, DEPS, 2010) souligne
que l’humour et la peur sont particulièrement
recherchés par les 11-13 ans. Ces mêmes
adolescents, en grandissant, se tournent vers
les séries, les romans d’aventures et d’action.
20 Jasper Fforde, « Territoires », Fleuve Noir,
2011.
21 « Territoires », Fleuve Noir, 2011.
22 The Harvard Lampoon, Castelmore, 2012
(http://harvardlampoon.com/). Ce collectif
a précédemment parodié la saga Twilight
Mikaël Olliver, etc.
25 Thierry Magnier, « Romans », 2011.
26 Gallimard Jeunesse, « Scripto », 2011.
27 L’auteur a publié Brise-Glace dans la
collection « Romans Ado » d’Actes Sud Junior
(2011) et traite du deuil sur fond de slam. Et
rester vivant paru aux éditions Buchet-Chastel
(2011) a été salué par la critique. L’auteur
revient sur ses années étudiantes marquées
par un drame personnel.
28 Le Rouergue Jeunesse, « DoAdo », 2011.
29 La collection « D’une seule voix » chez
Actes Sud Junior est dirigée par Claire David
et Jeanne Benameur (www.actes-sud-junior.fr/
collections/duneseulevoix/).
Lecture Jeune - juin 2012
11
sur la question de l’émigration en Europe. Face à l’uniformisation
de l’édition jeunesse, quelques éditeurs font preuve de créativité et
prennent des risques en diversifiant l’offre littéraire.
30 La Chienne de l’ourse, 2012 ;
Kaïna-Marseille, 2007.
31 Sous silence, 2011.
Disparitions
Certaines collections disparaissent, ne rencontrant pas leur public.
Ainsi, « Bliss », aux éditions Albin Michel Jeunesse, consacrée à la
« chick lit » ne semble pas avoir résisté aux caprices des lectrices qui
préfèrent se tourner vers des titres plus « généralistes »36. Intervista,
pourtant pionnière dans la publication de textes « young adults » avec
sa collection « 15 -25 ans » semble elle aussi à l’abandon37. Comment
ne pas regretter « Les Mues », chez le même éditeur, qui publiait
l’œuvre de Raphaële Moussafir ? La collection « Autres Mondes »
(Rageot) s’est arrêtée en 2010, tout comme « Uchronie » (Flammarion
Jeunesse) en 2011. Tournées vers les littératures de l’imaginaire, elles
n’ont pas réussi à s’imposer face aux succès commerciaux. Disposant
d’une moindre visibilité, ces ouvrages ont besoin d’être soutenus par
les prescripteurs ; les éditeurs peinent à maintenir des collections dont
les chiffres de vente restent faibles. Ces « disparitions » témoignent
des compromis nécessaires entre revendications littéraires et réalités
économiques.
Le roman pour adolescents se métamorphose 38 pour s’adresser
finalement à une catégorie de lecteurs plus qu’à une génération.
Ce marché s’internationalise et la littérature anglo -saxonne y est
largement représentée, flirtant avec le cinéma. D’ores et déjà, le
numérique amène les acteurs de la chaîne du livre à s’interroger
sur de nouveaux modes de lecture des jeunes, alors que les éditeurs
ont envahi les réseaux sociaux pour être au plus près de ce public
volatile. L’adolescent de demain suivra-t-il les éditeurs présents sur
ces nouveaux supports ? Le roman réaliste sera-t-il réinventé dans des
applications complexes, mêlant les états d’âme d’un jeune narrateur à
des compléments audiovisuels ?
32 Ma nuit d’amour, 2011.
33 Claire-Lise Marguier, Le Rouergue Jeunesse,
« DoAdo », 2011.
34 L’Enfant du fantôme (2010) et L’Enfant du
Jeudi (2011), Les Grandes Personnes.
35 Rien (Panama, 2007, Les Grandes
Personnes, 2012) et Guerre. Et si ça nous
arrivait, Les Grandes Personnes.
Lire l’entretien avec Janne Teller page 4.
36 Par exemple, la série des Gossip Girls
(Cecily Von Ziegesar) ou Le Diable s’habille en
Prada (Lauren Weisberger).
37 Le site Internet est toujours en ligne
mais n’a pas été actualisé depuis 2008
(www.editionsintervista.com).
38 Les premières collections pour adolescents
ont émergé en France dans les années 70.
Lecture Jeune - juin 2012
12
Le dossier De la fiction au cinéma
Adrienne Boutang Analyse
Harry Potter, Twilight, Hunger Games, etc. Difficile d’ignorer
ces blockbusters qui envahissent nos écrans. Inspirés de
romans pour adolescents. Adrienne Boutang analyse ces
adaptations cinématographiques et distingue les films
familiaux des teen movies. Enfin, elle souligne que derrière
leur apparente légèreté, ces œuvres témoignent des subtilités de l’adolescence.
Films familiaux versus teen movies
Adrienne Boutang
est ancienne élève de l’École
Normale Supérieure
(Ulm, promotion 2003) et agrégée
de lettres modernes (2006).
Elle a enseigné le français et
la littérature française à l’Université
de Berkeley en Californie en 20062007. Elle est actuellement en thèse
de cinéma à l’Université de Paris 3
Sorbonne Nouvelle, et enseigne le
cinéma à l’université Charles de
Gaulle-Lille 3. Sa thèse porte sur
« la transgression dans le cinéma
américain, nouveaux tabous et
seuils de tolérance : circulations d’images entre le cinéma indépendant et
le mainstream hollywoodien,
1995-2005 ».
1 Aux Etats-Unis, la segmentation en
groupes, répartis par catégories d’âges et de
sexes, est une habitude commerciale intégrée
depuis longtemps.
2 Réalisé par Gary Ross.
3 On peut penser au fameux Outsiders
adapté par Francis F. Coppola du roman de
Susan Hinton.
4 2008, adaptation par Andrew Adamson
d’après la série écrite par C. S. Lewis.
C’est une évidence pour les sociétés de production, en particulier
outre-Atlantique : porter sur grand écran des romans pour adolescents
peut être rentable… mais aussi périlleux, car ces adaptations sont
soumises à une double exigence, parfois contradictoire, de fidélité à
l’œuvre source et d’indispensable élargissement du public d’origine.
C’est aux États-Unis1 que cet engouement pour les films adaptés de la
littérature pour adolescents a surgi. Hunger Games, le film événement
de l’année2, est l’adaptation de la trilogie à succès de Suzanne
Collins, comme l’avait été avant lui la série Twilight tirée de la saga
de Stephenie Meyers. Si le phénomène n’a rien d’inédit3, la volonté
de convertir des best-sellers pour adolescents en blockbusters destinés
aussi à des adultes, sans perdre le public de départ, l’est davantage.
Adapter un ouvrage jeunesse au cinéma, c’est se livrer à un double
travail de transposition : d’un médium à un autre, mais aussi d’un
public jeune à un public élargi. A priori, les adaptations d’ouvrages
pour adolescents comme Le Monde de Narnia 4, Hugo Cabret 5,
Cheval de Guerre6, Twilight et Hunger Games, sembleraient devoir
se fondre harmonieusement dans un genre cinématographique tout
trouvé : le teen movie, genre hybride, essentiellement nord-américain,
ayant pour seule unité générique de cibler un public adolescent, en
rejetant à la fois les codes du film « à voir en famille » encore trop
proches de l’enfance, et ceux du film pour adultes. Cependant,
entre les livres pour adolescents et les teen movies, rien ne garantit
que le passage se fasse de manière fluide. Les teen movies ciblent
prioritairement les adolescents et décrivent cet entre-deux émotionnel
complexe qu’est leur âge, excluant à la fois l’univers enfantin et les
responsabilités adultes. Inversement, les films familiaux ont pour
objectif de réunir la famille entière autour d’une intrigue fédératrice :
les univers y sont plus lisses, la recherche des origines et la nécessaire
reconstitution d’une famille, plus présentes.
Films familiaux
Narnia, Hugo Cabret, Percy Jackson7, sont conçus pour unir parents et
enfants autour d’un retour dans le monde enchanté de l’enfance. Si ces
Lecture Jeune - juin 2012
13
films mettent leurs jeunes héros face à des responsabilités au-dessus de
leur âge, ils constituent des échappées vers des univers merveilleux,
où les soucis du quotidien (conflits avec les parents, regards des pairs,
interrogations sur l’apparence et l’identité) s’effacent provisoirement,
éclipsés par des problèmes plus urgents... On est davantage
dans la tradition des contes à la Dickens, structurés par une quête
initiatique, avec des orphelins cherchant à retrouver leurs parents. Les
personnages s’y répartissent de manière manichéenne entre « bons »
et « méchants » et si les héros « se trouvent », c’est à force de fuir
dans des aventures épiques ou fantastiques qui font le sel des récits.
Passant brutalement du statut de jeunes gens impuissants et soumis
à une autorité adulte excessive ou abusive à celui de héros tous
puissants plongés sans transition dans des univers d’adultes (Cheval
de guerre) les personnages parviennent souvent à acquérir la maturité
et la confiance qui leur manquaient mais en faisant précisément
l’économie des déchirements psychologiques de la puberté8. Si les
enjeux propres à l’adolescence s’immiscent peu à peu dans les récits
(nécessité, parfois, autant que choix, à mesure que les jeunes acteurs
grandissent, en même temps que le public) lorsque des romances
s’ébauchent entre les personnages, c’est par surplus ; l’accent reste
mis sur les aventures, et, de manière implicite, sur la (re)constitution
d’une famille (Hugo Cabret, Percy Jackson) ou du moins d’une fratrie
(Narnia)9. Il est significatif qu’à la fin du premier volume de Narnia
les personnages devenus des jeunes gens d’une vingtaine d’années,
aient littéralement esquivé la phase problématique de l’adolescence.
Si élargissement de public il y a, c’est de la catégorie du livre pour
enfant à celle du film familial, s’adressant aux adultes soucieux
de revenir en enfance, dans un univers qui peut être dur, « grand
spectacle » oblige, mais reste quand même bien moins sombre que
celui qu’on trouvera, par exemple, dans Hunger Games. L’échec de
l’adaptation cinématographique de Percy Jackson peut s’expliquer
par un défaut de ciblage du public. De nombreux fans ont protesté
contre l’abandon de l’intrigue liée à Cronos10 : le comportement d’un
des personnages, explicable dans le livre par des jeux d’alliance
complexes, était ravalé au statut de « banale » rébellion adolescente
contre son père. Or ce sont précisément ces thèmes banals – conflits
avec les parents, amours naissantes, construction de soi…– qui sont
au centre des teen movies.
Teen movies : resserrement psychologique
Là où l’univers de Narnia est fondé sur l’évasion et le merveilleux,
celui des teen movies peut être caractérisé par le resserrement
psychologique sur l’intériorité de personnages, en pleins tourments
identitaires. Les teen movies, films à la fois sur et pour des adolescents,
ont en commun d’être – comme leurs héros et leur public- cible –,
nombrilistes, focalisés sur les déchirements intérieurs, dans un monde
qui suspend les valeurs adultes, non pas pour les retrouver à la fin
mais pour ériger les angoisses existentielles et affectives propres
à l’adolescence à leur place. Si les figures adultes y sont souvent
absentes, ce n’est pas dans l’attente d’une émouvante recomposition
Lecture Jeune - juin 2012
5 2011, adaptation par M. Scorsese
du roman de Brian Selznick.
6 2011, adaptation par S. Spielberg
du roman de Michaël Morpurgo.
7 Le film Percy Jackson a été adapté en
2010 des œuvres de Rick Riordan.
8 Le jeune Robert, dans Cheval de Guerre,
est brutalement confronté à la réalité de la
guerre – une ellipse dans le récit va le faire
passer de 14 à 18 ans, âge « légal » pour
s’engager dans l’armée. Dans Le Monde de
Narnia, quatre frères et sœurs, envoyés à la
campagne loin de leur mère dans un manoir
sinistre pendant la guerre, vont basculer dans
un royaume enchanté où ils sont accueillis
comme des sauveurs. On les retrouvera,
toujours à la faveur d’une ellipse, devenus
de jeunes adultes à la fin.
9 Le héros de Hugo Cabret, orphelin de
mère au début de l’histoire, va perdre
son père, puis son oncle, mais c’est pour
trouver à la fin une nouvelle famille chez
un certain « papa Georges », qui n’est autre
que Georges Méliès ; Percy rencontre son
père, Poséidon, à la fin du film ; la fratrie
de Narnia, initialement divisée, se réunit,
sous le regard bienveillant du lion, évident
substitut paternel.
10 Le film a presque supprimé le pacte
secret passé entre Cronos et Luke, fils d’Hermès et ennemi de Percy. Aussi les actions de
Luke initialement motivées par une volonté
de renverser les dieux de l’Olympe, ne sont
plus explicables que par la rancœur qu’il
éprouve envers Hermès.
14
De la fiction au cinéma
11 Toujours dans cette logique de segmentation des publics très nord-américaine, on
appelle chick flicks les films destinés essentiellement à un public de femmes.
Ils partagent avec la chick lit (leur équivalent
en littérature) une réputation de mièvrerie
et de superficialité.
12 Roger Kumble, 1999.
13 Amy Heckerling, 1998.
14 Gill Junger, 1999.
familiale mais pour laisser les adolescents aux prises avec leurs
propres démons. Là où les enfants de Narnia cherchent des parents
de substitution, ceux des teen movies les fuient plutôt : pas de place
pour la figure paternelle de Georges dans Hugo Cabret.
On peut discuter de l’appartenance générique de Twilight et Hunger
Games, le premier flirtant avec le film de vampire, le second, avec la
science-fiction. Les deux films offrent leur lot de péripéties, d’épisodes
à suspense et une grande richesse dans l’élaboration de mondes
fictionnels, ingrédients qui les rendent aisément adaptables au
cinéma – sans oublier l’attrait de la sérialité, permettant d’emblée de
capitaliser sur les sequels après un premier succès. Néanmoins, à
la différence par exemple de Narnia, l’élément générique premier
reste celui de la littérature « pour jeunes filles » – ces œuvres souvent
écrites par des femmes, centrées sur un personnage d’adolescente et
donnant une place essentielle à son « éducation sentimentale ». On
y retrouve donc deux motifs propres à séduire les jeunes filles : le
triangle amoureux (autour de Bella dans Twilight, de Katniss dans
Hunger Games), dilemme sentimental forçant les héroïnes à choisir
entre des passions contraires, et la question de la constitution d’une
identité féminine (Hunger Games comporte une scène de relooking,
motif incontournable de tout teen movie au féminin). Le coup de
maître de Hunger Games a bien sûr été de fusionner ces éléments
de l’œuvre avec les codes du film d’aventures – épisodes haletants,
rebondissements parfois sanglants – lui permettant de séduire un
public plus large. Néanmoins, ces films restent fortement ancrés dans
une catégorie spécifique : la chick lit, ciblant, comme son équivalent
cinématographique, le chick flick 11, un public féminin mêlant
adolescentes et femmes sensibles aux émois des jeunes héroïnes. Et
autant que les aventures fantastiques et les retournements vertigineux,
c’est l’attention accordée au cheminement affectif et psychologique de
leur héroïne qui fait leur identité commune.
Adaptations de classiques
La littérature pour jeunes filles a mauvaise presse, cependant la
subtilité de ses investigations psychologiques lui assure la fidélité
de jeunes lectrices, mais aussi, dans le cas de leurs adaptations
cinématographiques, de spectatrices plus âgées. Ainsi s’explique
le choix d’adapter en teen movies pour filles des œuvres littéraires
célèbres, notamment celles qui mettent au premier plan la question des
faux-semblants et de l’identité. Sexe Intentions12 adapte très librement
les stratagèmes tortueux des Liaisons dangereuses de Choderlos de
Laclos. Dans Clueless13, adapté d’Emma de Jane Austen, la jeune fille
malicieuse de l’œuvre source se métamorphose avec une évidence
stupéfiante en enfant gâtée de Beverly Hills dont l’idiome singulier
inventé ad hoc, salmigondis d’expressions improbables, est une
tentative intéressante de transcription de la langue délicate de l’œuvre
originale. Dix bonnes raisons de te larguer 14 détourne la trame de La
Mégère apprivoisée de Shakespeare, utilisant les deux personnages
féminins pour réactiver la répartition stéréotypée des personnages
Lecture Jeune - juin 2012
15
féminins de teen movie entre Kat, « garçon manqué », rebelle et
intellectuelle, et Bianca, fille douce et féminine. Les œuvres de départ
sont ainsi altérées pour mettre en avant la construction d’une identité
féminine, filtre à travers lequel le monde est délicatement réorganisé.
15 Réalisé par Gary Marshall,
d’après le roman de Meg Abbott.
Du « je » au « jeu »
Faut-il voir un hasard dans le fait que nombre des œuvres sources
ayant donné lieu à des adaptations soient composées d’histoires
racontées à la première personne, filtrant la réalité à travers la
conscience aiguisée d’une adolescente, souvent précoce, promenant
son regard, à la fois sensible et ironique, sur le monde qui l’entoure ?
Avant Hunger Games et Twilight, de nombreux films ont ainsi adapté
de manière plus ou moins efficace des romans pour jeunes filles, pour
en faire des comédies romantiques. On peut citer Princesse malgré
elle15, récit enlevé d’une adolescente rechignant à abandonner sa vie
banale pour une existence de princesse, Quatre filles et un jean16 ou
encore L’Ecole de la vie17. Outre les problèmes spécifiques posés par
la transposition au cinéma de ces récits à la première personne, la
difficulté majeure consiste à donner au film, avec ou sans voix off, une
tonalité qui séduise tout le public des comédies romantiques.
Paradoxalement, ce sont deux œuvres ayant partiellement supprimé
la voix off, Twilight et Hunger Games, qui ont le mieux réussi à
exprimer les nuances psychologiques de l’œuvre source sans les faire
disparaître derrière les rebondissements des récits. Dans l’ouverture
de Twilight, par exemple, quelques paragraphes suffisent à introduire,
par la voix de l’héroïne, son ironie par rapport à ce qui l’entoure,
son sentiment diffus de différence et le décalage entre ses paroles
et ses sentiments, notamment lors des échanges avec sa mère. Bella
est jeune, mais elle pense et agit au- dessus de son âge, ce qui ne
peut apparaître qu’à travers le jeu de l’actrice. Il est par exemple
explicite dans le livre que Bella ment à sa mère lorsqu’elle affirme
vouloir partir habiter chez son père : « I want to go – I lied ». Ce
que Bella présente comme un caprice d’adolescente est en réalité
motivé par un réseau de raisons complexes. Dans le scénario, cette
absence de sincérité devient : « Bella forces a smile », ce que les poses
boudeuses de l’actrice Kirsten Stewart traduiront. De même, la jeune
comédienne de Hunger Games aurait-elle été choisie à cause de la
manière dont elle avait prononcé une réplique essentielle : le « Ne
pleure pas », murmuré à l’oreille de sa mère avant de partir dans
l’arène – qui, dans la bouche de la comédienne, « sonnait comme un
défi » exprimant toute la complexité du personnage – là où, écrit à
la première personne, le roman s’attardait plus explicitement sur les
rapports complexes de Katniss et sa mère.
Et il suffit de parcourir les forums de fans 18 pour voir que c’est
la capacité des œuvres sources à aborder frontalement des
interrogations des adolescentes et à ne jamais subordonner cette
fonction d’éducation sentimentale aux figures obligées des films
d’action, qui a su leur assurer un public fidèle. Et s’ils en passent par
Lecture Jeune - juin 2012
16 Réalisé par Ken Kwapis en 2005 d’après
le best-seller d’Ann Brashares.
17 Réalisé par Clare Kilner en 2003,
transposition de deux romans pour
adolescentes de Sarah Dessen, That Summer
et Someone Like You.
18 Voir par exemple, ce commentaire, publié
dans un forum intitulé « pourquoi nous aimons
Twilight » : « Au moins nous voulons nous dire
que nous pourrons être aimées par quelqu’un
qui n’aura pas la force de s’éloigner de
nous, même si nous sommes maladroites,
pas « classiquement » belles, et venons d’une
famille chaotique » (traduction de l’auteur).
Sur l’attrait de la saga auprès de femmes plus
âgées, nous renvoyons à « Twilight Movies :
Top 10 Reasons Grown Women Love It » de
Rachel Weight (Huff. Post, 17/11/2011)
16
De la fiction au cinéma
Publications
d’Adrienne Boutang
• Les Teen movies (avec Célia
Sauvage), « Cinéma et Philosophie »,
Vrin, 2011.
• « Stratégies de démarcation
dans le secteur indépendant
du cinéma américain contemporain »,
Cahiers de l’Affecav, 2012.
• « Todd Solondz et le problème du
voyeurisme : Montrez ces corps
que je ne saurais voir »,
Corps et sciences sociales, n° 9,
CNRS éditions, mars 2011.
• « Man on the moon, de Milos
Forman, portrait du stand up
comedian en martyr », Humoresques,
Éditions de la Maison des Sciences
de l’Homme, janvier 2011.
les détours du fantastique et de la science-fiction, les films fonctionnent
non pas sur le principe d’évasion dans des univers mièvres mais
comme des manuels de survie dans ce milieu hostile qu’est l’univers
adolescent.
Lecture Jeune - juin 2012
L
Du Vent
dans mes mollets.
Le dossier Du livre au film
17
Sonia de Leusse-Le Guillou Entretien
Raphaële Moussafir, auteur et comédienne, évoque avec
sensibilité le monde de l’enfance, ses mystères et ses déconvenues dans son roman Du Vent dans mes mollets1, d’abord
joué au théâtre2 puis décliné en bande dessinée3. L’œuvre
connaît maintenant une nouvelle carrière au cinéma grâce à
la réalisatrice Carine Tardieu dont les précédentes productions montrent également une forte affinité avec l’univers de
l’adolescence4. À l’occasion de la sortie du film prévue en
août 2012, Lecture Jeune a organisé un entretien croisé avec
l’auteure et la réalisatrice.
Sonia de Leusse-Le Guillou : Comment vous êtes-vous
rencontrées et pourquoi avez-vous décidé de collaborer pour
adapter Du Vent dans mes mollets ?
Carine Tardieu : La rencontre a eu lieu lors d’un salon du livre jeunesse
à Saint-Paul-Trois-Châteaux auquel nous assistions car nous écrivions
toutes les deux des livres pour enfants.
Raphaële Moussafir : À l’origine, Fabrice Goldstein5 m’avait proposé
d’adapter mon roman au cinéma ; j’y étais réticente car après une
pièce de théâtre, un livre et une bande dessinée, je pensais qu’il fallait
arrêter d’exploiter le concept ! En outre, il me paraissait difficile de
réussir à transposer l’intériorité de ce texte au cinéma. Cependant le
producteur a insisté en évoquant le nom de Carine Tardieu pour la
réalisation. L’idée était restée en suspens jusqu’à cette fameuse fête du
livre de jeunesse...
CT : Lors de notre rencontre fortuite à ce festival, j’avais lu son roman
– que j’avais beaucoup aimé – mais elle n’avait pas vu mon film. Nous
avons beaucoup discuté pendant les deux jours de cette manifestation.
C’était étonnant de constater à quel point nous partagions un univers
commun. Travailler ensemble m’est apparu comme une évidence.
Je crois que l’on peut dire que nous nous sommes reconnues
mutuellement ! Je plaisante en disant que ce film m’a « sauvé la vie »
mais il était fondamental pour moi de démarrer un nouveau projet.
J’étais vraiment heureuse de constater que nous avions fait une « vraie
rencontre ».
SLG : Que s’est-il passé par la suite ? Vous avez laissé ce projet
en maturation ?
CT : À mon retour de la Drôme, j’ai écrit en quinze jours une note
d’intention pour l’adaptation. Je l’ai soumise à Raphaële et nous
l’avons retravaillée ensemble pour que Fabrice Goldstein et Antoine
Rein, les producteurs, acceptent notre collaboration ; ce qu’ils ont fait
très rapidement !
SLG : Raphaële, avez-vous été convaincue d’emblée à la lecture
de la note d’intention ?
Lecture Jeune - juin 2012
Raphaële Moussafir
comédienne de formation, Raphaële
Moussafir interprète tout d’abord le
texte de Du Vent dans mes mollets
sur les scènes parisiennes en 2005,
avant d’être révélée par le psychologue et romancier Howard Buten,
qui la convainc d’adapter sa pièce
sous une forme littéraire. Le livre est
alors publié aux éditions Intervista
dans la collection « Les Mues », qui
se donne pour ambition de faire
cohabiter des auteurs et des artistes
« un peu à la marge ». Raphaële
Moussafir prolonge ensuite son
exploration du monde de l’enfance
dans un second roman qui reprend
le personnage de Rachel, Et pendant
ce temps-là, les araignées tricotent
des pulls autour de nos bilboquets.
1 Intervista, 2006.
2 Création en 2003. La pièce de théâtre
a notamment été jouée à L’Européen et
au Ciné 13 à Paris en 2005.
3 Raphaële Moussafir et Mam’zelle Rouge,
Intervista, 2009.
4 En témoignent ses deux précédents
courts-métrages, Les Baisers des Autres
(2002) et L’Aîné de mes soucis (2004)
adaptés en romans parus
chez Actes Sud Junior.
18
Du Vent dans mes mollets. Du livre au film
Carine Tardieu
réalisatrice et scénariste, Carine
Tardieu se plaît à invoquer l’univers
de la jeunesse dans ses œuvres, du
court-métrage remarqué Les Baisers
des autres, qui brosse le portrait
d’une jeune fille en crise, à sa participation au scénario du feuilleton
Âge Sensible salué par la critique
pour la justesse du regard porté sur
l’adolescence. Une seconde production, L’Aîné de mes soucis, traite
du thème du cancer à travers le
regard d’un garçon d’une dizaine
d’années sur sa mère malade. En
2007, La Tête de Maman, premier
long-métrage de la réalisatrice et
inspiré de sa propre histoire, approfondira ce motif en évoquant les difficultés relationnelles entre une mère
dépressive et sa fille rebelle. Cinq
ans plus tard, Carine Tardieu signe
la réalisation de l’adaptation
de Du Vent dans mes mollets.
5 Karé productions.
6 Le script-doctor désigne un professionnel
à qui l’on fait appel pour intervenir sur un
scénario afin de l’améliorer et le rendre
exploitable. Le terme équivalent français
pourrait être celui de « consultant scénario ».
7 Il s’agit de Françoise dans le livre.
RM : Je n’ai pas été conquise tout de suite par les suggestions de
Carine parce que j’étais moi-même perdue par rapport à ce projet.
Jusque-là, j’étais réservée à l’idée d’une adaptation car je ne voulais
pas une énième redite du roman sous un format différent ; c’est pour
cette raison que j’ai trouvé formidable que Carine ose avancer des
propositions aussi étonnantes. J’ai été aussi particulière touchée
de voir qu’elle avait une si grande envie de s’approprier le projet.
Elle a réussi à donner un aspect très personnel au document qu’elle
a présenté : elle a pris beaucoup de libertés par rapport au texte
original tout en respectant une poésie et un onirisme qui me plaisent.
À mes yeux, cette première version était une vraie proposition
d’auteur et pas seulement l’exécution d’un scénario calqué sur le
roman. Je voulais absolument que nous mêlions nos univers respectifs
pour écrire ce film ensemble.
CT : Finalement, notre travail s’est révélé complémentaire : il fallait
que je m’approprie le livre et son monde tandis que Raphaële devait
se détacher de son œuvre. J’ai d’ailleurs été très impressionnée par sa
capacité à se dissocier de son roman.
SLG : Combien de temps a duré votre collaboration ?
CT : Nous avons travaillé durant près de huit mois à l’élaboration
du scénario. Un script-doctor 6 est intervenu vers la fin du processus
d’écriture, ce qui a été très bénéfique. Les producteurs nous donnaient
régulièrement leurs impressions sur les derniers développements.
RM : Nous avons mené avec Fabrice Goldstein et Antoine Rein un
travail très agréable et constructif, jamais dans la concession mais
plutôt dans le compromis car nous étions, producteurs comme
scénaristes, très attachés à ce film ; il s’agissait d’une confrontation
d’idées mises au service du projet pour qu’il soit le plus abouti possible.
SLG : Le casting s’est-il déroulé facilement ?
CT : Raphaële et moi n’avions pas toujours les mêmes acteurs en tête !
Par exemple, je voulais Denis Podalydès alors qu’elle n’avait pas
pensé à lui. De même, pour le personnage de la mère, Colette7, nous
avions évoqué plusieurs possibilités mais en réalité le choix des acteurs
ne s’effectue qu’une fois le scénario construit et solide. Agnès Jaoui
a tellement apprécié le script qu’elle a accepté très rapidement de
participer au film. Ce couple mis en forme, nous avons eu plus de mal
à trouver qui pouvait incarner Catherine, peu présente dans le roman.
Lorsque nous avons voulu renforcer son rôle, nous sentions qu’il fallait
une actrice extrêmement différente du personnage de Colette. C’est
alors que nous avons pensé à Isabelle Carré ; et de fait, il est difficile
de proposer deux personnalités plus dissemblables que ces deux
comédiennes ! Je savais que le nerf de ce film serait constitué par les
petites filles ; il fallait donc que je puisse me reposer sur des comédiens
confirmés et confiants pour pouvoir me consacrer aux jeunes actrices.
SLG : Comment s’est passé le processus de montage ?
CT : Nous avons connu un tournage idyllique ; il régnait une ambiance
extraordinaire mais la phase de montage s’est révélée beaucoup plus
compliquée. J’ai vite réalisé qu’il y avait un problème de structure dû
en partie à des difficultés de communication avec la monteuse, qui a
été remplacée. Cependant, il y avait aussi un obstacle plus profond
qui n’était pas apparent dans le scénario : nous avions gardé trop
Lecture Jeune - juin 2012
19
d’éléments du roman dans l’adaptation. Il a donc fallu retirer de
nombreuses scènes à contre-cœur. Finalement, les deux nouvelles
monteuses se sont montrées complémentaires : la première n’a pas
eu peur de tailler dans le vif en proposant des coupes radicales et la
seconde a su affiner et sculpter ce qui restait. Cependant, ce processus
a pris beaucoup de temps ; c’était un grand moment de frayeur pour
tout le monde : nous pensions que nous n’allions pas réussir à sortir
ce film. Le deuil de ces scènes coupées – dont certaines étaient très
réussies ! – était plus facile à faire pour moi que pour Raphaële, car elle
n’est pas habituée à ce genre de travail. Pour ma part, je comprenais
qu’il fallait enlever certaines séquences car je savais qu’elles nuisaient
au rendu général du film.
RM : Au visionnage de la deuxième version, j’en ai perdu la voix !
C’était un contrecoup violent d’assister à l’échec de cet essai alors
que je croyais le projet possible et viable. Je me sentais vraiment
impuissante, bouleversée.
CT : Le plus terrible, c’était de percevoir qu’il y avait matière à réaliser
un bon film mais que ça ne « prenait » pas. C’est l’unique moment où
Raphaële a voulu se montrer interventionniste ; j’ai dû lui demander de
me laisser faire ce travail seule et cette période a été vraiment difficile
à vivre. Jusque-là, je pensais à tort que le tournage allait être l’épreuve
la plus ardue mais j’ai éprouvé un véritable choc pendant le montage.
SLG : Le film distribue les rôles avec liberté ; le spectateur
découvre de nouveaux rapports entre les protagonistes :
le couple des parents prend une importance capitale, les
relations entre la mère de Valérie8 et le père de Rachel sont
dépeintes tout en finesse et le personnage de Colette, la mère,
est beaucoup plus présent...
C’est un cheminement qui s’est fait naturellement. Nous découvrions
l’histoire au fur et à mesure que nous la racontions et nous avions
envie de donner davantage d’importance aux protagonistes que nous
développions. Nous voulions nous détacher de la personnalité de
Rachel, pouvoir créer des scènes sans elle. Finalement, l’émancipation
de cette petite fille à travers la rencontre avec son amie donne une
impulsion aux autres personnages : en même temps qu’elle s’affranchit
de ses parents, elle les libère des névroses dans lesquelles ils sont figés
depuis des années. Tous les protagonistes paraissent tellement puérils
au début du film ; par exemple, ils sont tous obnubilés par la mort,
ils ont des angoisses très enfantines. Ce ne sont pas uniquement des
« adultes » ou des « enfants » : il s’agit d’individus qui ont un cap à
passer. En fin de compte, les parents grandissent en même temps que
les deux filles.
SLG : Dans le roman, tout est perçu du point de vue de Rachel,
la petite fille, lors de ses séances chez la psychologue alors que
dans le film, la focalisation change...
CT : Oui, au début, nous avions l’idée de proposer une voix off pour
incarner les pensées de Rachel mais ce genre de procédé est risqué
lorsqu’il concerne les enfants ; cette voix intérieure peut devenir naïve
et mièvre ou bien trop intelligente, ce qui est encore pire. Nous ne
voulions pas faire de Rachel une enfant surdouée car ce genre de
personnage clairvoyant est très agaçant !
Lecture Jeune - juin 2012
8 Le personnage de Valérie est nommé
Hortense dans le roman.
Publications
de Raphaële Moussafir
• Du Vent dans mes mollets,
Intervista, 2006.
• Et pendant ce temps-là, les
araignées tricotent des pulls autour
de nos bilboquets, Intervista, 2007.
• Pour en finir joliment
avec l’enfance, Intervista, 2007
(coffret réunissant les deux volumes
précédents).
• Du Vent dans mes mollets,
Intervista, 2009 (bande dessinée
réalisée avec Mam’zelle Rouge).
20
Du Vent dans mes mollets. Du livre au film
9 Voir p. 84-85.
SLG : Vous utilisez un langage beaucoup plus cru dans
l’adaptation cinématographique. Par exemple, dans le roman,
les Barbies se « violent» et se « frottent9 » alors que Valérie et
Rachel répètent que Madame Danielle « suce des bites » sur
un ton jubilatoire à l’écran. On a parfois l’impression que les
parents sont beaucoup plus inhibés que les petites filles par
rapport au sexe.
RM : Le couple de Michel et Colette n’est pas mis en avant dans le
roman : ces deux protagonistes y sont représentés uniquement
sous le rôle de parents. À l’écran, nous avons souhaité exposer la
vie routinière de ce ménage face à l’énergie des petites filles. Le
personnage de Valérie (Hortense) parvient à insuffler cette irrévérence
de l’enfance, qui est davantage incarnée par Rachel dans le livre.
SLG : Le contexte social présenté dans le film diffère également
de celui du roman. Comment ce changement de cadre s’est-il
imposé ?
RM : C’est Carine qui a eu l’excellente idée de briser le contexte social
pour l’ancrer dans un environnement moins bourgeois.
CT : Je me suis beaucoup inspirée de mon propre vécu : le couple
parental est issu des souvenirs que j’ai de ma propre famille et de
ceux de Raphaële. Spontanément, j’ai tendance à reproduire dans
les costumes et les décors ce qui m’a influencée durant ma propre
enfance.
SLG : Vous disséminez dans plusieurs scènes des références
implicites et explicites à La Boum. Est-ce votre enfance
respective qui s’exprime ?
10 Réalisateur de La Boum, sorti en 1980.
Filmographie
de Carine Tardieu
Cinéma (scénario et réalisation)
• Les Baisers des autres, avec
Noémie Develay-Ressiguier, 2002
(court-métrage).
• L’Aîné de mes soucis, 2004
(court-métrage).
• La Tête de maman, 2007.
Télévision (scénario)
• Famille d’accueil, saison 4, épisode 3 ’’La grande fille’’,
Alain Wermus, 2004.
• Famille d’accueil, saison 5,
épisode 2 ’’Un long silence’’,
Daniel Janneau, 2005.
• Âge sensible, Gilles Bannier,
Fabrice Gobert, Gabriel Boyer,
2002.
CT : Il s’agit effectivement de notre adolescence et plus particulièrement
de celle de Raphaële. En revoyant La Boum près de quinze ans plus
tard avec le recul de l’âge adulte, j’ai été réellement étonnée par le
nombre de similitudes et de thèmes communs avec mon propre film.
Ces proximités sont surtout le résultat d’un hommage inconscient, à
mon sens.
RM : La dédicace a été complète lorsque Claude Pinoteau10 a assisté à
la première de Du vent dans mes mollets ! Son film fait partie intégrante
de mon enfance car j’étais à l’époque – et encore aujourd’hui – très
proche de Karine Pinoteau, sa fille, et régulièrement chez eux à
l’époque du tournage. Je me souviens encore de l’effervescence autour
de ce projet, d’où les clins d’œil à La Boum, restée dans la mémoire
collective.
SLG : Vous venez d’achever Du vent dans mes mollets qui sort
en salle au mois d’août mais peut-être réfléchissez-vous déjà à
de nouveaux projets ?
CT : Il faut s’occuper de la promotion du film mais aussi rebondir très
rapidement : nous allons écrire un autre scénario ensemble et on nous
a commandé une comédie musicale (en tant qu’auteur et non comme
réalisatrice). Nous devons aussi songer à travailler séparément. Même
si nous apprécions beaucoup collaborer, nous devrons ensuite arrêter
temporairement pour éviter la sclérose de l’habitude, quitte à nous
retrouver plus tard pour une nouvelle œuvre !
Lecture Jeune - juin 2012
L
21
La littérature
Le dossier jeunesse « s’indigne » !
Eléonore Hamaïde-Jager Etude
Fictions, documentaires et essais se sont emparés du thème
de la « désobéissance civile » dans la lignée de l’ouvrage de
Stéphane Hessel, Indignez-vous ! La jeunesse révolutionnaire
parcourt l’actualité, des printemps arabes aux indignés
espagnols, mais qu’en est-il dans les ouvrages destinés aux
adolescents ? Eleonore Hamaïde-Jager a analysé cette tendance dans un corpus proposé par la rédaction de Lecture
Jeune :
Documentaires
• Obéir ? Se révolter ?, Valérie Gérard et Clément Paurd,
Paris, Gallimard Jeunesse/Giboulées, coll. « Chouette penser ! »,
2012.
• Cinq discours pour désobéir, Philippe Godard, Paris,
Syros, 2012.
• Janusz Korczak : « Non au mépris de l’enfance », Isabelle
Collombat, coll. « Ceux qui ont dit non », Arles, Actes Sud junior,
2012.
Fictions
• Désobéis, Christophe Léon, Paris, Éditions Thierry Magnier,
2011.
• Non à l’individualisme, Gérard Dhôtel, Bruno Doucey, Nimrod,
Maria Poblete, Elsa Solal, Muriel Szac, Arles, Actes Sud junior,
2011.
• Libres !, Collectif, Montrouge, Bayard Éditions,
coll. « Millézime », 2012.
Identification et « identisation » des jeunes par le langage
Fin 2010, la petite maison d’édition Indigène crée l’événement en
publiant un court texte de Stéphane Hessel, Indignez-vous, dont les
médias et les lecteurs s’emparent. Fidèle à son discours prononcé
sur le plateau des Glières, à l’origine de l’ouvrage, l’ancien résistant
invite à la vigilance citoyenne à l’heure où il voit se démanteler un
système social qu’il a contribué à mettre en place. Son livre s’adresse
résolument aux plus jeunes, les incitant à s’engager et à s’indigner
contre des travers inacceptables que chacun définira en fonction de
ses convictions. Il indique néanmoins ses propres motifs d’indignation,
notamment le sort de la Palestine mais aussi la fracture sociale et les
manquements aux droits de l’homme. L’indignation lui apparaît
comme un indispensable de la condition humaine : « Je vous souhaite
à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation. C’est
précieux. Quand quelque chose vous indigne comme j’ai été indigné
par le nazisme, alors on devient militant, fort et engagé1. ». Si certains
Lecture Jeune - juin 2012
Éléonore Hamaïde-Jager
est maître de conférences à l’université d’Artois. Elle a consacré sa
thèse à l’influence de Georges Perec
sur la littérature de jeunesse
contemporaine. Auteur d’une
vingtaine d’articles en particulier
sur l’intertextualité dans l’album
mais aussi sur l’écriture de la Shoah
à destination des enfants et
des adultes ou l’écriture transmédiatique, elle a dirigé
dernièrement le numéro des Cahiers
Robinson sur la collection « Page
Blanche » et rédigé plusieurs notices
pour le Dictionnaire du livre
et de la littérature de jeunesse en
France, dirigé par Isabelle NièresChevrel et Jean Perrot (à paraître
aux éditions du Cercle
de la Librairie).
1 Stéphane Hessel, Indignez-vous !,
Montpellier, Indigène éditions, coll. « Ceux
qui marchent contre le vent », 2010, p. 12.
22
La littérature jeunesse « s’indigne » !
2 Pierre Assouline écrit dans son billet du
4 janvier 2011 : « A-t-on le droit de ne pas
s’indigner avec Stéphane Hessel ? ».
Il trouve étrange, à l’instar de Boris Cyrulnik,
« de pousser ses contemporains à s’engager
sous l’emprise de l’émotion et non sous celui
de la réflexion ».
3 Britta Benert, Philippe Clermont, Contre
l’innocence. Esthétique de l’engagement en
littérature de jeunesse, Frankfurt am Main,
Peter Lang, 2011, p. 11. Au-delà de la
présentation de simples modèles vertueux ou
de la volonté de transmettre des savoirs,
certains auteurs et illustrateurs s’emparent de
genres littéraires comme le théâtre, la dystopie
ou le roman noir pour donner une portée
sociale et politique à leur écrit et prouvent,
selon les contributeurs, que réflexions
esthétique et politique peuvent s’articuler sans
tomber dans le propos militant.
4 Valérie Gérard, Clément Paurd, Obéir ?
Se révolter ?, Paris, Gallimard jeunesse/
Giboulées, coll. « Chouette penser ! », 2012,
p. 33.
5 Philippe Godard, Cinq discours pour
désobéir, Paris, Syros, 2012, p. 6.
de ses propos lui ont valu des réactions négatives2, l’édition pour la
jeunesse semble avoir suivi l’engouement du public en proposant, sous
des formes documentaires ou fictionnelles, des livres dans la mouvance
de l’essai de Stéphane Hessel. En effet, comme ont su le montrer Britta
Benert et Philippe Clermont, « il y a un lien intrinsèque entre littérature de
jeunesse et engagement3. »
Le propos n’est pas ici de considérer l’exhaustivité des publications qui
pourraient s’inscrire plus ou moins nettement dans le sillage du livre
d’Hessel mais d’observer certaines orientations éditoriales. Le choix
du genre du texte influe-t-il sur la portée de l’engagement revendiqué ?
Quels aspects de l’essai sont conservés, développés ou omis ?
Le documentaire comme temps de la réflexion
En raisonnant à hauteur d’enfant, la collection « Chouette penser ! »
consacre un titre à un sujet voisin de l’essai d’Hessel. Dans Obéir ? Se
révolter ? 4, les premiers questionnements portent sur la relation entre
parents et enfant et justifient le bien-fondé de l’obéissance au nom de la
spécificité de l’enfant, ni animal qu’on dresse, ni adulte. Les concepts de
jugement, d’éducation, d’apprentissage, d’expérience sont convoqués
sans omettre l’aspect pénible que peut recouvrir l’obéissance tout en
justifiant sa nécessité. La réflexion philosophique de ce texte ne peut
que faire écho aux situations actuelles des pays arabes quand il est
fait mention de la révolte d’un peuple face à un pouvoir tyrannique qui
ne cherche plus le bien commun. Pourtant le discours est distancié, cite
de nombreux extraits de textes philosophiques et laisse au lecteur la
liberté de les mettre en regard de l’actualité. L’illustration de Clément
Paurd, très stylisée, sous forme d’ombres chinoises, participe de la mise
à distance. Ses forces armées ressemblent aux hussards napoléoniens
et les révoltés au peuple des barricades durant l’insurrection de 1832.
Un titre qui colle à l’actualité sans finalement l’évoquer !
Assurément, Cinq discours pour désobéir est davantage dans la
lignée de Hessel, par sa forme même. De tradition humaniste et
philosophique, le discours prend une forme très écrite et argumentée,
même s’il est prononcé lors d’une allocution. Il tend à convaincre
l’auditoire, en s’appuyant ici sur l’expérience de résistance, personnelle
mais généralisable, de l’orateur. N’est-il pas bien loin des formes
d’expression privilégiées par la jeunesse ? La courte introduction
de Philippe Godard, déjà auteur pour Syros jeunesse de deux
documentaires épinglant et discutant des expressions utilisées par
Nicolas Sarkozy telles que « valeur travail » ou « identité nationale »,
revendique la désobéissance au nom d’un « ordre intime, moral,
éthique que nous jugeons plus essentiel 5 » que la loi. Il resitue et
commente brièvement les discours de Chef Joseph, De Gaulle, Gandhi,
Thoreau et La Boétie. Dans des contextes et à des époques différents,
ces hommes ont fait le choix de la désobéissance contre la résignation.
Dans sa conclusion, Philippe Godard rappelle la difficulté de la révolte,
même au nom de la justice qu’il qualifie d’« invariant politique ». Selon
lui, la désobéissance, synonyme dans ce cas de sagesse, intervient en
réponse à l’injustice. Les lecteurs adolescents sont invités à réfléchir à
Lecture Jeune - juin 2012
23
cette question de la désobéissance, afin de pouvoir ensuite s’engager,
ici et maintenant, sans que puisse être dressé l’argument de la décision
sous le coup de l’émotion, qui a pu être reproché à Hessel.
On observe une circulation des personnalités mises à l’honneur dans les
ouvrages : les cinq discours sont dédiés à Léonard Peltier6, qui fait l’objet
d’un des titres de la collection « Ceux qui ont dit non ». La collection
d’Actes Sud junior dirigée par Muriel Szac est née en 2008, avant le
printemps arabe, avant l’ouvrage de Hessel, mais après certaines actions
d’éclat d’altermondialistes. Chacun des titres de la collection met en
lumière le parcours d’un individu, insistant sur ses doutes, sans chercher
à en faire un héros, mais un homme « comme vous et moi, qui [a] fait
le choix de l’engagement, quels qu’en soient les risques. Debout contre
la barbarie7. » Les volumes de la collection « Ceux qui ont dit non » sont
consacrés à des figures reconnues de la contestation comme Mandela,
Abd el-Kader, Harvey Milk mais aussi à des personnages moins
connus du grand public comme Anna Goldman, militante féministe,
engagée dans l’éducation des enfants ou Mordechaï Anielewicz,
qui a organisé le soulèvement du ghetto de Varsovie en 1943.
À travers Janusz Korczak : « Non au mépris de l’enfance », une
biographie romancée qui croise les époques, Isabelle Collombat
retrace quelques épisodes de la vie de ce médecin polonais qui a
créé au début du siècle un orphelinat où les enfants étaient élevés
avec respect et participaient aux tâches quotidiennes autant qu’aux
prises de décisions importantes. La collection8 donne à réfléchir, par
le biais du docu-fiction : alternent un récit à la troisième personne
assez classique et des passages en focalisation interne qui rendent
le personnage très proche du lecteur, grâce à ses remarques sur sa
famille ou ses prises de positions décisives voire vitales.
La section « Eux aussi ils ont dit non », extrêmement engagée, replace,
dans l’actualité française et mondiale, la nécessité du questionnement
romancé dans l’ouvrage. La conclusion dénonce à l’aide de chiffres
habilement amenés les violences faites aux enfants et invite le lectorat
à s’engager contre les décisions du gouvernement de Nicolas Sarkozy
en matière de justice et d’immigration. Elle appelle à reconnaître
d’autres valeurs telles que la tolérance et l’ouverture d’esprit.
Est-il pour autant possible d’échapper au didactisme qui a longtemps
été l’apanage des livres à destination des enfants ? Certes l’intention
n’est plus d’éduquer les enfants afin qu’ils appartiennent, pour faire
vite, à une élite conservatrice, mais au contraire de les initier à la
distance critique face aux instances dirigeantes. Telle est la nouveauté.
Si l’orientation citoyenne est louable, les procédés n’ont pourtant rien
à envier aux écrits plus anciens : le recours aux rebondissements, à
l’émotion dans la partie fictionnelle, – ici la découverte de la judéité
de la grand-mère par sa petite-fille –, autorise l’identification du lecteur
mais instaure de nouveaux épisodes stéréotypiques en littérature.
Des fictions engagées ?
L’ouvrage de fiction Non à l’individualisme écrit par un collectif
de six auteurs en résidence d’écriture convainc moins que les titres
Lecture Jeune - juin 2012
6 Cet Amérindien a été condamné à
la prison à perpétuité en 1977 pour avoir
assassiné deux policiers du FBI dans une
réserve indienne alors que de nombreuses
preuves établissent son innocence. Il est le
plus vieux prisonnier politique au monde.
7 Muriel Szac, « À propos de la collection
"Ceux qui ont dit non" » in Gérard Dhôtel,
Bruno Doucey, Nimrod, Maria Poblete, Elsa
Solal, Mureille Szac, Non à l’individualisme,
Arles, Actes Sud junior, 2011, p. 99.
8 Elle se prolonge par un blog « et vous,
à quoi dites-vous non ? » où les internautes
sont invités à inscrire leur refus, http://www.
ceuxquiontditnon.fr/et-vous-a-quoi-dites-vousnon.html.
24
La littérature jeunesse « s’indigne » !
9 Collectif, Libres !, Montrouge, Bayard
Éditions, coll. « Millézime », 2012.
documentaires. Certains personnages, comme celui de la caissière de
Murielle Szac prennent corps, d’autres laissent le lecteur à distance
tant leur caractérisation relève du stéréotype, de l’adolescente jalouse
de sa sœur handicapée au journaliste aigri et indifférent qui se
transforme en humanitaire concerné ; le bouleversement profond de
certaines personnalités, du mépris à la commisération, s’accommode
mal du format restreint de la nouvelle. Quand le documentaire touchait
par les destinées de personnes bien réelles, les happy end des textes
de fiction manquent parfois de réalisme et de profondeur.
On peut faire ce même reproche à la nouvelle de Patricia McCormick
qui évoque le Zimbabwe avec une fin euphorique alors que la note qui
suit le récit rappelle le sort tragique de la plupart des candidats à l’asile
en Afrique du Sud. Elle est publiée dans Libres !9, un recueil d’une
douzaine de textes d’auteurs anglophones compilés par Amnesty
international où chaque nouvelle illustre un article de la Déclaration
universelle des droits de l’homme, rappelé en clôture du texte. Les
contributions de Michael Morpurgo sur la Palestine, de Jamila Gavin
sur la condition féminine en Inde, touchent par l’absence d’angélisme
dont ils font preuve, tout en laissant poindre l’espoir. La portée
humoristique de la nouvelle de Sarah Mussi, sur l’égalité devant la loi,
dénote face à une production engagée souvent grave. Finalement, les
pages de Margaret Mahy « Libérer les mots » sont emblématiques du
positionnement de ces textes : l’engagement ici est d’abord et avant
tout littéraire, plus que politique. Même si elles sont parfois ancrées
dans des contextes géopolitiques difficiles bien réels, les nouvelles sont
des exercices de style à partir d’un article de la Déclaration. Emmenés
dans un ailleurs temporel et géographique les lecteurs vont-ils pour
autant se rebeller dans leur quotidien ? Rien n’est moins sûr.
L’écriture contre l’éthique ?
Le recueil le plus convaincant demeure celui de Christophe Léon qui
reprend la même injonction par son impératif Désobéis ! Passant du
vouvoiement de Hessel qui invitait à la révolte collective au tutoiement,
ces nouvelles ne se veulent pas un mode d’emploi de l’insoumission. Si
toutes mettent au centre des personnages d’adolescents, elles placent
le lecteur face à une situation paradoxale. Alors que la désobéissance
adolescente prend majoritairement pour cible les parents, ces récits
font apparaître des jeunes sous l’emprise d’adultes qui leur imposent,
avec plus ou moins d’autorité, leurs révoltes. Les résistants se trouvent
d’abord dans leur entourage familial, le père dans « Ernesto », l’oncle
dans « Pourquoi regardez-vous cette affiche ? », la mère dans « Plus
ou moins ». Dans ces textes, ce sont les adultes les instigateurs de
la remise en cause du fonctionnement de la société, entre volonté
de décroissance ou hébergement de sans-papier, rarement les
adolescents plutôt frileux voire totalement réfractaires. Quelques
figures de jeunes gens se démarquent néanmoins et s’inscrivent en
porte-à-faux face à leur famille. C’est particulièrement vrai dans « Le
refus » ou « Guérilla ». Dans cette dernière nouvelle, deux adolescents
commettent un attentat très pacifiste en s’introduisant dans la zone
Lecture Jeune - juin 2012
25
de construction du mur entre la Palestine et Israël et en y lançant des
graines de fleurs et de légumes. Cette nouvelle est sans doute l’unique
cas où les adolescents se mettent véritablement en danger mais la
mise en scène n’a évidemment pas d’autre effet que de provoquer la
surprise de quelques militaires.
Les actions paraissent souvent plus proches de la blague de potaches
– déguisement très voyant pour des campagnes anti-publicité, lumières
des vitrines éteintes pour une opération anti-pollution, ambiance festive
contre le prix des loyers – que de l’engagement politique. Plutôt que
des délits avérés, les actions s’apparentent à des happenings dignes
d’artistes contemporains durant lesquels les adolescents ne sont jamais
inquiétés. Leur désobéissance fait sourire quand elle pourrait susciter
admiration, empathie ou engagement. L’intérêt tient à l’efficacité de
l’écriture de Christophe Léon : les chutes, tour à tour émouvantes ou
humoristiques, très travaillées, surprennent souvent le lecteur. Mais
leur « effet » sur celui-ci en terme d’engagement citoyen, politique ou
social paraît très limité. Les narrations ne mettent-elles pas l’accent sur
la démarche au détriment du résultat obtenu ?
Les droits de l’homme bafoués, le mépris des faibles, le conflit israélopalestinien sont autant de thèmes que l’édition jeunesse reprend
à l’indignation de Hessel. Mais la culture, sa nécessité et sa place,
ne sont pas abordées dans les différents titres du corpus alors que
Stéphane Hessel la considère comme essentielle à la vie de chacun et
comme un biais par lequel interroger notre société.
En fournissant des modèles moraux et des exemples, quelques
documentaires visent à la mise en perspective historique et actuelle
de l’engagement tandis que les auteurs des textes de fiction travaillent
plutôt à l’originalité de l’écriture autour de certaines valeurs (liberté,
fraternité), en variant les sphères géopolitiques, avec une préférence
pour l’Afrique et pour le XXe siècle, en jouant sur les genres littéraires,
du poème au procès-verbal en passant par la métaphore animalière.
Le jeune lecteur est encouragé par ces voix fortes à trouver son propre
chemin d’indignation contre les injustices... dans sa vie d’adulte. Le
moment de l’action ne semble pas encore venu, reste le temps de la
lecture et du mûrissement.
Lecture Jeune - juin 2012
Les politiques
26
du livre numérique
Le dossier dans l’édition jeunesse
Patricia Gendrey Panorama
Acclamé comme une formidable opportunité de renouvellement ou décrié comme un signe annonciateur de la mort
du livre, le bouleversement culturel créé le par numérique
soulève aujourd’hui une remise en question des politiques
éditoriales. Patricia Gendrey a interrogé les éditeurs jeunesse sur leur offre en ligne et les innovations à venir.
Patricia Gendrey
titulaire d’un MBA en marketing et
commerce électronique,
est l’auteur d’une étude intitulée :
Quelle stratégie numérique
pour les éditeurs de livres ?,
publiée en 2011. Après avoir été
responsable éditoriale au sein
de grandes maisons d’édition,
elle est aujourd’hui consultante. Elle
conseille les éditeurs dans
la création de produits numériques
et la promotion de leurs contenus
éditoriaux sur Internet.
1 Gfk est un institut d’études qui publie
chaque trimestre le baromètre REC
(Référence e-content). Cette étude décrypte
et analyse les comportements des internautes
français âgés de 15 à 65 ans en matière
de consommation de contenus numériques.
Les chiffres mentionnés ont été présentés
par cet institut lors du salon
du livre de mars 2012.
Voir en lien le communiqué de presse :
www.gfkrt.com/imperia/md/content/
rt-france/cp_gfk_salon_du_livre_2012.pdf
« 18 % des Français déclarent avoir
téléchargé au moins un livre en 2011 contre
13 % en 2010. Le téléchargement légal
est largement majoritaire, qu’il soit payant
ou gratuit » analyse Sébastien Rouault,
Chef de Groupe Livre chez GfK.
Alors que la vente d’ebooks représente 20 % du marché aux EtatsUnis et 8 % en Angleterre, ce chiffre ne s’élève qu’à 0,3 % en France
en 2011 (Source GfK 1). Bien que les catalogues s’étoffent, ce
support est faiblement développé. Les adolescents correspondent à
un lectorat peu équipé en tablettes et liseuses : les prix trop élevés,
l’autonomie financière limitée des jeunes et des étudiants et enfin, la
faible progression de l’offre de livres enrichis2 contribuent à rendre
le livre numérique peu attractif pour ce public. Les jeunes de 10 à
24 ans, selon la même étude GfK, achètent principalement des
fichiers dématérialisés audio ou vidéo 3, le livre n’arrivant qu’en
dernière position. Ce comportement explique sans doute la prudence
des éditeurs dans le développement de produits ambitieux pour ces
lecteurs.
Une offre qui s’étoffe
Actuellement, Bragelonne, Hachette, Bayard, Gallimard et les éditions
Harlequin publient systématiquement leurs nouveautés en version
papier et numérique4. En revanche, la numérisation des ouvrages
du fonds s’avère être un chantier important dont la réalisation est
étalée dans le temps. Néanmoins, les catalogues s’étoffent peu à
peu. Chez Hachette Jeunesse, il comprend aujourd’hui 600 titres et
proposera 800 ouvrages fin 2012. Une hausse du chiffre d’affaires
devrait accompagner cette progression : Cécile Terouanne, directrice
d’Hachette Jeunesse, déclare qu’il devrait être « significatif » pour la
fin de l’année 2012. Alexandre Levasseur, responsable du numérique
pour Bragelonne, se félicite quant à lui des 100 000 ventes d’ebooks
depuis la mise sur le marché des versions numériques. À l’inverse,
en dépit du succès de la collection « Darkiss », Antoine Duquesne,
directeur marketing des éditions Harlequin, constate que les ventes de
livres numériques sur cette cible sont faibles, comparées au reste du
catalogue.
Si les éditeurs représentant une part de marché considérable ont bien
compris que la diversification des canaux de distribution concourt à
augmenter le chiffre d’affaires de leur activité, on peut s’étonner que
nombre de sociétés d’éditions de taille plus modeste ne semblent pas
avoir saisi l’urgence de se positionner sur ce segment. La maison
d’édition Rue du Monde, par exemple, n’offre même pas un site
Internet pour promouvoir son offre alors qu’elle dispose d’un catalogue
Lecture Jeune - juin 2012
e
27
remarquable. Les professionnels sont-ils seulement conscients que le
livre numérique permet de donner une seconde vie aux ouvrages du
fonds, comme le souligne si justement Alexandre Levasseur ? Cet effet
« longue traîne5 » permet en effet, grâce au cumul des ventes en petites
quantités sur des titres anciens, d’obtenir au final, un chiffre d’affaires
conséquent.
Le coût des livres numériques
En ce qui concerne les prix, on note des divergences notables et une
politique fort différente en fonction des maisons d’édition. Les plus
anciennes – Hachette, Gallimard et Harlequin – s’accordent sur une
réduction du prix allant de 30 à 40 % de moins que la première édition
papier6. Pour les ouvrages du fonds, la tendance serait d’aligner le
prix de la version numérique à celui du livre en format poche. Seule
Bragelonne adopte une politique plus offensive : selon Alexandre
Levasseur, il est nécessaire de penser une offre de prix cohérente et
juste. Ainsi, le tarif du livre numérique est fixé en prenant pour étalon le
coût moyen d’un divertissement numérique en France, qui varie entre
0,99 € et 5 €. Cette question est un vrai point de divergence entre
éditeurs : en effet, les maisons d’édition traditionnelles estiment que les
remises importantes consenties par certains ne sont pas raisonnables.
Pour Cécile Terouanne comme pour de nombreux confrères, vendre
un livre à 0,99 € reviendrait à brader son contenu. Damien Giard,
directeur du numérique pour les marques Milan et Bayard, estime
que la période où l’on imaginait une possible gratuité de l’offre
numérique est définitivement révolue : « Il faut du travail pour réaliser
un livre numérique et la production du contenu a un coût qu’il convient
d’amortir ».
Le baromètre sur les usages du livre numérique7 montre que le prix
est le premier critère qui motive l’achat d’un ouvrage sous ce format.
Il n’est pas certain qu’une réduction de 30 à 40 % du tarif initial soit
suffisante ; ce qui est important, c’est le prix ressenti. Or, pour une
fourchette de 15 à 20 € pour un livre dématérialisé ne semble pas
être une somme raisonnable aux yeux des consommateurs. Dans les
prochaines années, les prix seront sans doute revus à la baisse sous
la pression de jeunes maisons d’édition plus téméraires, à l’instar de
Bragelonne. D’autre part, l’acheteur est-il réellement propriétaire de
son fichier ? Rien n’est moins sûr ! En effet, le droit de disposer d’un
bien, nommé abusus par les juristes, est l’un des attributs du droit de
propriété. Or, le lecteur ne peut bien souvent ni copier, ni imprimer
et encore moins utiliser le fichier numérique sur un autre support. On
parle alors de « droit d’utilisation8 » plus que de « droit de propriété »,
ce qui justifierait de réduire considérablement le prix des ebooks.
2 Il faut distinguer en effet les livres
homothétiques, c’est-à-dire qui sont l’image
du livre imprimé adapté à différents supports
de lecture, des livres enrichis. Pour les livres
enrichis, il peut se limiter au livre lui-même
(apport vidéo ou audio), ou externe
(liens vers Internet).
3 Vidéo à la demande, musique
en streaming ou albums en téléchargement.
4 Si l’on regarde du côté des éditeurs de
moindre envergure en jeunesse : les éditions
Thierry Magnier proposent des versions
numériques des nouveautés. On ne trouve
en revanche ni le fonds ni les dernières nouveautés de L’Ecole des Loisirs, Le Rouergue,
Sarbacane ou Syros dans ce format.
5 « La longue traîne », Chris Anderson,
Editions Pearson, avril 2009.
6 Ainsi, sur le site Amazon.fr, Vango de
Thimothée de Fombelle coûte 16,39 €
(version papier) et pour le Kindle, 11,99 €.
7 Baromètre SOFIA/SNE/SGDL sur les
usages du livre numérique, mars 2012 :
www.la-sofia.org/sofia/webdav/site/
Sofia/shared/home/agenda%20home/
Barometre_SofiaSneSgdl_Les%20usagesdulivrenumerique_mars2012.pdf
8 Dans son ouvrage, Les Livres dans
l’univers numérique (La Documentation
Française, 2011), Christian Robin explique
que les consommateurs culturels actuels
délaisseraient « la propriété des objets
pour l’accès aux services rendus par ceuxci. Cette approche sous-tend nombre de
réflexions autour de l’information numérisée :
Les DRM9
La présence ou non de DRM, ce verrou technique qui permet de
contrôler l’utilisation de l’œuvre numérique, est également sujet de
discorde. Pour Hachette et Harlequin comme pour Gallimard, les
DRM restent la règle pour « protéger les auteurs ». Hedwige Pasquier,
responsable de la filiale jeunesse de la maison, réaffirme l’importance
d’intégrer des DRM dans les fichiers, tandis que Bayard, Walrus et
Lecture Jeune - juin 2012
posséder un disque est moins important
qu’écouter de la musique dont il est
le support. (…) Ainsi, les acteurs de la filière
des livres ne devraient-ils pas raisonner
systématiquement en ces termes : quel est
le service rendu et non quel objet va être
mis à disposition des personnes ? » p. 94.
28
Les politiques du livre numérique
dans l’édition jeunesse
9 DRM : Digital Rights Management, sigle
anglais désignant la Gestion des Droits
Numériques, c’est-à-dire la technologie
sécurisée qui permet de protéger les droits
d’auteur dans le domaine numérique. Cette
protection technique spécifie sur un support
numérique ce qu’un utilisateur est en droit
d’en faire. Ce support peut être physique
(CD, DVD…) ou de transmission (fichier
audio, vidéo, texte). Le DRM permet notamment de restreindre ou réglementer la circulation d’un fichier numérique sur le web.
10 Technique de marquage qui consiste à
insérer une signature invisible et permanente
à l’intérieur des images numériques transitant par les réseaux, tel Internet, afin de lutter
contre la fraude et le piratage et d’assurer la
protection des droits de
propriété intellectuelle. Dans chaque image
est inséré un code d’identification imperceptible et indétectable par tout système ignorant
son mode d’insertion. Il permet notamment
de garantir la preuve de paternité d’une
œuvre numérique. Il dissuade le pirate dans
la mesure où cette « signature » peut être
retrouvée dans chaque copie de l’image
originellement marquée.
Cette signature doit pouvoir résister
aux différentes techniques de traitement
de l’image (compression, lissage,
rotation, etc.).
11 http://audeladecettelimite.blogspot.
fr/2010/11/faut-pas-prendre-les-enfants-dubon.html.
12 « Bilan économique 2011 », Syndicat
national de l’édition phonographique :
http://proxy.siteo.com.s3.amazonaws.com/
disqueenfrance.siteo.com/file/dossierdepressesnep-midem2012.pdf
13 Livre homothétique : il s’agit de la version sur un écran de l’œuvre imprimée, à
l’exception des éléments accessoires propres
à l’édition numérique.
Bragelonne ont au contraire pour politique de ne pas en apposer.
Alexandre Levasseur va plus loin : « Le piratage ne nous fait pas peur,
c’est une manière d’être visible ! Quand le premier livre de la société
d’édition a été publié le 1er octobre 2000, il a été piraté un mois plus
tard et déposé sur un site communautaire. Loin d’être une menace, ce
fut au contraire une opportunité en créant un véritable engouement
au sein d’une communauté qui a ainsi pu découvrir le texte, et pour
certains... l’acheter ». Cependant, l’absence de DRM ne signifie
pas pour autant le manque de protection du fichier : Bragelonne a
choisi d’adopter le watermarking10, un procédé de marquage à
l’effet essentiellement dissuasif qui n’empêche ni la lecture, ni le prêt,
semblant ainsi être un bon compromis entre la nécessité de protéger les
auteurs et l’accessibilité des fichiers.
La controverse sur les DRM n’est pas anodine. Nombre de libraires
en ligne s’opposent à cette technique car les consommateurs se
plaignent de ne pas pouvoir transférer un livre d’un support à un autre
(de sa tablette à son ordinateur, par exemple). En outre, la méthode
de verrouillage est parfois si efficace que l’acheteur ne parvient tout
simplement pas à ouvrir le fichier. C’est ainsi que Charles Kermarec,
directeur de la librairie Dialogue, a fait part de façon virulente d’une
franche hostilité en interpelant les éditeurs : « à quoi, à qui ça sert
les DRM si ça emmerde les honnêtes gens et que ça ne gêne pas les
voleurs11 ? ».
S’abriter derrière la protection des auteurs ne semble plus être un
argument acceptable pour justifier l’adoption de DRM, du moins
dans l’industrie de la musique : après avoir utilisé ce procédé, les
producteurs l’ont abandonné massivement sous la pression d’Apple.
Alors que le piratage de la musique était encore pointé du doigt il
y a quelques mois par les majors du disque, un rapport établi par le
syndicat national de l’édition phonographique12 montre que les ventes
numériques progressent de 25,7 % en 2011. Le livre serait-il sur ce
point un produit culturel si différent des autres ?
Du livre homothétique à « l’hyperlivre »
Tandis que la production de livres enrichis se développe pour
le segment des jeunes enfants, on observe peu d’innovations à
l’attention des adolescents et des jeunes adultes. Les éditeurs –
Hachette, Gallimard et Bragelonne – craignent que l’introduction de
médias ne brise la magie du texte et estiment que ces nouveautés
multimédiatiques seraient plus adaptées aux ouvrages illustrés ou
professionnels. Cependant, ne faut-il pas inventer ce que sera l’ebook
du futur et concevoir des contenus pleinement harmonisés pour ces
nouveaux supports ? Hachette Jeunesse propose deux versions pour la
collection du « Livre de Poche Jeunesse » : la première homothétique13,
la seconde comprend à la fois l’ouvrage et un dossier pédagogique.
Damien Girard évoque quant à lui le développement d’un atlas en
collaboration avec les éditions Volumiques. L’application iPhone est
créée comme un complément au livre papier qui se transforme en
un plateau de jeu. En posant l’appareil sur une page, le lecteur peut
ainsi découvrir un enrichissement (séquences audiovisuelles, dossiers
complémentaires sur Internet, etc.).
Lecture Jeune - juin 2012
29
Les « pure players 14 », tout au contraire, se montrent téméraires.
Ainsi, Walrus a développé en partenariat avec les éditions Mnémos
une version enrichie de Kadath15 qui offre une nouvelle expérience
de lecture. Ce texte n’a pas été choisi au hasard car cet ouvrage
non linéaire permet au lecteur d’adopter une lecture transversale et
fragmentaire, et de composer ainsi son propre univers. La navigation
réticulaire16 permet à l’utilisateur de choisir parmi quatre narrateurs,
modifier le parcours narratif du personnage et lire les parties dans
l’ordre qu’il souhaite, proposant ainsi une véritable immersion dans
l’univers de Lovecraft. Walrus a aussi redonné vie aux « Livres dont
vous êtes le héros17 », phénomène éditorial des années 80, avec une
nouvelle collection baptisée « Rendez-vous au 14 » qui signe le grand
retour des livres-jeux. Le récit interactif donne au lecteur l’opportunité
d’incarner le personnage principal et de choisir la direction à prendre.
Les liens hypertexte le conduisent à naviguer de chapitre en chapitre
pour faire progresser l’histoire. Julien Simon, gérant et directeur de
Walrus, espère que ces publications amèneront de nouveaux publics
vers la lecture.
Une offre encore limitée
Les structures d’envergure assurent une veille permanente et active
en observant ce qui est réalisé par les éditeurs plus petits et plus
ambitieux qui fonctionnent comme des cellules de recherche et de
développement. L’offre restreinte d’ouvrages enrichis sur le marché
est sans doute due à deux facteurs. Tout d’abord, le manque de
proposition de contenus : actuellement, beaucoup de maisons
d’édition sont dans l’attente d’œuvres enrichies proposées par les
auteurs. Consciente du problème, le groupe Bayard a mis en œuvre un
plan de formation afin d’aider les éditeurs à élargir leurs compétences,
avec notamment une formation aux jeux vidéo qui devrait les aider à
ouvrir leur champ de réflexion sur l’enrichissement des livres.
D’autre part, la valeur ajoutée ne semble pas toujours évidente, eu
égard aux coûts. Tous évoquent l’ampleur du budget nécessaire
pour développer ce type de produits. Aussi, les maisons d’édition
déploient une offre double – numérique et papier – des ouvrages
de leurs catalogues et concentrent leurs efforts sur l’iBookstore18. En
effet, alors que le développement d’applications sur l’Appstore19
occasionne des frais importants, le prix traditionnellement fixé est très
faible, engendrant ainsi un véritable risque financier pour l’éditeur.
À l’inverse, Hedwige Pasquier rappelle que les tarifs proposés sur
l’iBookstore sont plus élevés pour un coût de développement moindre.
En outre, la mauvaise visibilité des applications dans les boutiques
virtuelles et l’absence de compatibilité multiplateforme concourent à
accroître l’attentisme des éditeurs.
Il y a donc très peu d’initiatives de livres enrichis dans le marché destiné
aux adolescents et jeunes adultes. Les éditeurs qui évoquent le faible
équipement de cette tranche d’âge semblent oublier le potentiel d’un
autre support, moins médiatisé, le téléphone mobile : en effet, 95 %20
des jeunes de moins de 15 ans en possèdent un. Les adolescents ont
une relation addictive à leur téléphone mobile ; il y a donc là pour les
éditeurs un potentiel de développement considérable, d’autant plus
Lecture Jeune - juin 2012
14 Un éditeur pure player publie des livres
exclusivement dans des formats numériques
instaurant de nouveaux dispositifs de lecture.
15 Kadath. Le Guide numérique
de la Cité Inconnue, d’après le roman
de Howard P. Lovecraft, Walrus/Mnémos,
2012. Présentation de l’ouvrage sur le site
des éditions Walrus. www.walrus-books.
com/2012/06/kadath/
16 Mode de navigation qui évoque
le réseau et le maillage de l’information.
Des liens sont tissés avec l’environnement
du texte : intertextualité, incrustation de contenus multimédia, partage de commentaires.
17 Il est à noter qu’en juin 2012, Gallimard
réédite le premier volume des Livres dont
vous êtes le héros dans une maquette
rénovée… mais toujours en version papier.
18 L’Ibookstore est la plateforme
de téléchargement de livres numériques
d’Apple.
19 L’Appstore est la plateforme
de téléchargement des applications sur
les appareils mobiles d’Apple (iPod, iPhone
et iPad). Ces applications intègrent
un fort degré d’interactivité et nécessitent
par conséquent des développements
informatiques coûteux.
20 Etude youth Kit : www.kantarmedia-tgifr.com/news/199/
La-t%C3%A9l%C3%A9phonie-mobile-chezles-11-24.php
30
Les politiques du livre numérique
dans l’édition jeunesse
21 www.publie.net/
22 www.emoticourt.fr/
23 Voir Télérama n° 3256,
dossier p. 24-30 : « La littérature
est-elle menacée par le numérique ? ».
24 L’Etrange secret de Finley Jayne,
Kady Cross, « Darkiss », Harlequin, 2012.
25 http://livreetlecture.wordpress.
com/2012/03/27/mettre-des-livres-numeriques-a-disposition-dans-les-bibliothequespubliques/
26 http://bibliotheque.marne-chantereine.
fr/opacwebaloes/index.aspx?IdPage=379
que la « mode » de la littérature numérique est en ce moment aux textes
courts. En effet, le créneau des œuvres brèves semble pouvoir attirer un
nouveau lectorat. C’est le pari qu’a fait François Bon avec ses éditions
publie.net21 qui proposent sous format numérique des nouvelles et
des poèmes inédits ou déjà édités mais indisponibles. De même, la
maison d’édition numérique Emoticourt22, fondée par Nadine Bayle
et Félicie Dubois, cherche à créer une communauté d’auteurs autour
des formes textuelles brèves qui ne trouveraient pas de public dans le
circuit « classique » de l’édition papier23.
Les nouveaux modes de promotion :
webmarketing et médiateurs
La visibilité des livres numériques est primordiale pour la maison
d’édition. De façon générale, si les éditeurs publient peu de livres
enrichis, ils sont très actifs dans la promotion des ouvrages sur Internet.
Tous soulignent l’importance des réseaux sociaux, Facebook étant
plébiscité par l’ensemble des structures d’éditions comme une manière
remarquable d’échanger avec les lecteurs. Terence Mosca, responsable
numérique de Gallimard, y constate une vraie mobilisation, les lecteurs
pouvant suivre l’actualité du secteur qui les intéresse. Pour un pure player
comme Walrus, les réseaux sociaux sont vitaux pour rendre visible
leur production, notamment lorsque la presse écrite semble « oublier »
les ouvrages des jeunes éditeurs numériques, comme le déplore
Julien Simon. Chez Bragelonne, tous les outils du webmarketing sont
savamment déployés. En plus de la page Facebook, l’éditeur est présent
sur Twitter, à travers une page officielle et une page personnelle ; il
anime un blog et dispose d’une chaîne YouTube sur laquelle il dépose
chaque semaine la bande annonce de 4 à 6 titres, redonnant ainsi
une chance à ces ouvrages. Autre initiative intéressante, l’utilisation de
l’ebook comme outil de promotion pour le papier. C’est ainsi que les
éditions Harlequin publient une e-nouvelle gratuite intitulée L’Étrange
secret de Finley Jayne24 qui sert de support de promotion à un ouvrage
dont la sortie est prévue pour la fin de l’année.
Les éditeurs pensent que le libraire a plus que jamais sa place sur ce
marché. La surproduction éditoriale, qu’elle soit imprimée ou numérique,
rend indispensable la présence d’un médiateur permettant la rencontre
du livre avec son public. Librairies et bibliothèques sont donc les mieux
placées pour jouer ce rôle de médiation. Les libraires, encore réticents
à se lancer sur le marché du livre numérique, pourraient jouer un rôle
en proposant des ebooks en magasin ou le chargement des titres sur le
support de lecture du client. Certaines bibliothèques proposent l’accès à
un catalogue numérique25 pour leurs abonnés, comme la médiathèque
de l’agglomération de Marne et Chantereine26, par exemple.
Bien que les ventes de livres numériques soient réalisées aujourd’hui
principalement sur les best sellers papiers, les éditeurs interrogés pensent
néanmoins que les ventes d’ebooks atteindront 20 % du marché dans
cinq ans. Qu’en sera-t-il pour le marché des adolescents et des jeunes
adultes ? Espérons que les maisons d’édition innoveront en proposant
des formes littéraires inédites pour ces nouveaux supports.
Lecture Jeune - juin 2012
Les adolescents
Parcours et la bande dessinée
31
Benoît Berthou Panorama
On ne saurait dresser un panorama complet des tendances de l’édition pour adolescents, sans évoquer la
bande dessinée et les séries qu’ils plébiscitent. Entre le
roman graphique, le manga et les incursions du côté du
numérique, Benoît Berthou souligne que les succès de librairies restent éminemment classiques et au format papier !
Une récente étude sur le lectorat de bandes dessinées insiste sur le « lien
privilégié qu’elle continue à entretenir avec l’adolescence »1 et laisse
presque penser que le neuvième art participerait d’un itinéraire culturel
menant vers l’âge adulte et serait ensuite progressivement délaissé.
Face à la désaffection des lecteurs âgés de 18 à 24 ans2, les auteurs
de cette étude notent que « l’entrée dans l’âge adulte s’accompagne
en effet le plus souvent de changements (accès aux études supérieures,
décohabitation du domicile parental, etc.), qui peuvent influer
négativement3 » sur cette pratique de lecture. Aussi réductrice et
simpliste soit-elle, il semble donc qu’une question se pose : la bande
dessinée ne constitue-t-elle pas une littérature pour adolescents et jeunes
adultes ?
L’adolescence : une « super-jeunesse » ?
Des lecteurs de 7 à 77 ans
Cette interrogation a toute sa raison d’être car adolescents et jeunes
adultes semblent effectivement constituer le public « naturel » de
la bande dessinée européenne. Force est de constater que nous ne
sommes pas face à un phénomène récent ou simplement actuel,
mais presque historique, que résume parfaitement le célèbre slogan
de l’hebdomadaire Tintin : « Le journal des jeunes de 7 à 77 ans ».
Apparue le 6 octobre 1955 (n° 363) au frontispice de l’édition
française, et évoluant au début des années 70 pour faire mention des
« super-jeunes ».
Cible naturelle de la bande dessinée franco-belge, cette « superjeunesse » semble toutefois encore aujourd’hui tenir le haut du pavé
commercialement parlant et une large partie de l’actuelle production de
bande dessinées s’inscrit ainsi dans la droite lignée des hebdomadaires
de l’âge classique construit selon ce que Greg (rédacteur en chef de
Tintin de 1965 à 1974) nommait un « panaché » : « Dans ces fascicules,
le sommaire était très simple : il y avait un cow-boy, un explorateur, un
détective…4 ». En attestent les meilleures ventes de l’année écoulée :
selon Gilles Ratier, auteur du bilan annuel de l’Association des critiques
de bande dessinée5, elles font la part belle à un espion amnésique
(XIII 6, 500 000 exemplaires), à des séries d’humour (Kid Paddle7 de
Midam pointant à 360 000 exemplaires et Boule et Bill 8 à 253 000) ou
d’heroic fantasy (avec Les Légendaires 9 et leurs 170 000 exemplaires
de vente).
Lecture Jeune - juin 2012
Benoît Berthou
est maître de conférences en
Sciences de l’Information et
de la communication à l’université
Paris 13 où il est responsable
du master « Culture, média ».
Au sein du LABoratoire des
Sciences de l’Information et de la
Communication (LABSIC), il mène
des recherches sur l’influence
des technologies numériques au
sein de la chaîne du livre et
sur la bande dessinée. Il est
rédacteur en chef des Carnets de la
bande dessinée (http://carnetsbd.
hypotheses.org/).
1 Christophe Evans et Françoise Gaudet,
La lecture de bandes dessinées, Département
des études, de la prospective et des statistiques, collection « Culture Études », 2012-2,
p. 2. Téléchargeable sur le site du DEPS.
2 90 % des 11-14 ans ont lu une bande dessinée au cours des 12 derniers mois
contre 35 % des 18-24 ans.
3 Ibid., p. 7.
4 Greg, entretien avec Hugues Dayez,
dans Le Duel Tintin-Spirou, Éditions Luc Pire,
1997, p. 47.
32
Les adolescents et la bande dessinée
5 Voir http://www.acbd.fr/
6 XIII, T. 20, Yves Sente et Iouri Jigounov,
Dargaud, 2011.
7 Kid Paddle, T. 12, Midam,
Albert René, 2011.
8 Boule et Bill, T. 33, Laurent Verron,
Dargaud, 2011.
9 Les Légendaires. L’héritage du mal, T.14,
Patrick Sobral, Delcourt, 2011.
10 Thorgal. Le Bateau-sabre, T.33, Rosinski
et Sente, Le Lombard, 2011.
11 Merlin est une série de bande dessinée
publiée aux éditions Soleil depuis 2000. Elle
compte 9 volumes à ce jour.
12 Servitude est une série de bande dessinée
de type fantastique, écrite par Fabrice David,
dessinée et mise en couleur par Éric Bourgier.
Publiée aux éditions Soleil depuis 2006, elle
compte 3 volumes à ce jour.
13 Sophie Demonceaux, « BD du réel et
adolecteurs. Le traitement des sujets « difficiles »
en bande dessinée et réception du lectorat
adolescent ». Mémoire de Master 1 dirigé par
Sylvie Servoise, université du Maine, 2010,
p. 90. Disponible en téléchargement à http://
master3.hautetfort.com/
14 Pourquoi j’ai tué Pierre, Olivier Ka
et Alfred, Delcourt, 2006.
15 Inès, Loïc Dauvillier et Jérôme D’Aviau,
Drugstore, 2009.
16 (A)Mère, Raphaël Terrier,
La Boîte à bulles, 2004.
17 Parus en 1982 dans le journal Okapi, les
premiers épisodes de la série Tendre Banlieue
de Tito ont été depuis suivis par 17 albums
aux éditions Casterman. Tito y dépeint les
différents aspects de la vie de banlieue, ses
cités, ses quartiers et ses clans. En 2004,
plusieurs albums de la série ont été novellisés.
Feuilleton et personnages phares
Ces succès doivent sans doute beaucoup à leur conception, sous forme
de feuilleton : la 33e apparition de Thorgal, personnage né en 1977,
s’est ainsi soldée l’année dernière par d’excellents chiffres puisque Le
Bateau-sabre10 s’est écoulé à plus de 220 000 exemplaires. On ne
saurait dès lors négliger l’importance de personnages qui participent
de la construction d’une véritable identité de la bande dessinée.
Adolescence et bande dessinée « du réel »
De la fantasy…
Cette « jeunesse » ou adolescence « historique » semble ainsi s’inscrire
dans un certain mode de publication : l’album, c’est-à-dire un livre de
grand format au prix relativement élevé (10 € pour un tome de Kid
Paddle) et imprimé en couleur. Elle se fait également le chantre d’une
esthétique que semble par exemple mettre résolument à l’honneur un
genre comme la fantasy : le grand succès d’une série comme Merlin11
s’explique sans doute aussi bien par le travail de scénariste de JeanLuc Istin (abordant frontalement les traditions religieuses chrétiennes
et celtes) que par celui de dessinateur et de coloriste d’Éric Lambert et
de Stambecco. Le public adolescent semble ainsi pouvoir être conquis
par une certaine virtuosité et une série comme Servitude12 adopte des
solutions graphiques on ne peut plus élégantes (proches de la technique
du lavis n’utilisant qu’une seule couleur qui est diluée pour prendre de
multiples teintes).
…aux « problem BD »
Mais force est de constater que cette « super-jeunesse » n’est plus
comme par le passé en position hégémonique et que cet héroïsme
parfois outrancier atteint effectivement ses limites. Se font jour d’autres
propositions éditoriales qui pourraient intéresser adolescents et jeunes
adultes : telle est du moins la thèse que défend Sophie Demonceaux
dans son mémoire de Master intitulé « BD du réel et adolecteurs » en
traitant d’œuvres selon elle susceptibles de combler le « goût prononcé
[des adolescents] pour ce type de récits qui traitent de sujets difficiles, qui
placent les personnages dans des situations inconfortables, face à des
obstacles, des hésitations, des choix compliqués »13. Il est ici question
d’une bande dessinée s’inscrivant dans la lignée de fictions empreintes
de « réalisme » telles que celles publiées dans les collections « Scripto » de
Gallimard Jeunesse, « eXprim’ » de Sarbacane ou « Métis » de Rageot.
S’appuyant sur Pourquoi j’ai tué Pierre14, Inès15 ou encore (A)Mère16,
Sophie Demonceaux montre implicitement que nous ne sommes pas
face à un champ éditorial structuré. En revanche, bibliothécaires ou
libraires sont effectivement à même de développer une offre ou un
fonds sortant des sentiers battus ; il est loin le temps où les albums de
Tito (Tendre banlieue17) faisaient office de seule alternative dessinée
aux « fictions du réel ».
Le roman graphique
Nous entrons ici dans le domaine du « roman graphique », pour
reprendre l’expression consacrée, c’est-à-dire de productions s’inscrivant
clairement dans un registre littéraire et développant des thèmes
susceptibles d’intéresser les plus âgés des adolescents. Tel est notamment
le cas de la découverte de la sexualité, évoquée par Debbie Dreschler
Lecture Jeune - juin 2012
33
dans The summer of love18 qui campe de façon particulièrement juste le
désarroi de deux sœurs découvrant un nouvel environnement et faisant
face aux exigences de leurs corps. Un sujet comme la nécessaire prise
de distance avec ses ascendants n’est pas en reste, avec par exemple
l’admirable Fun home19 d’Alison Bechdel relatant le parcours sentimental
d’une jeune femme vers un père trop vite disparu et donc à jamais
énigmatique. Il n’est qu’à ajouter à cette liste des titres plus connus
comme Ghost world 20 de Daniel Clowes, Blonde platine21 d’Adrian
Tomine ou bien sur les Poulets aux prunes22 et Persepolis23 de Marjane
Satrapi pour se persuader que la bande dessinée peut s’adresser à
toutes les catégories d’âge et éveiller toutes les sensibilités.
18 The summer of love, Debbie Dreschler,
L’adolescence : un territoire ?
22 Poulet aux prunes, Marjane Satrapi,
Album BD
Les diverses références que nous présentons appartiennent à une bande
dessinée susceptible de présenter un intérêt pour des « adolecteurs » et
jeunes adultes tout en s’adressant également à un lectorat plus large.
En témoigne le fait que l’album de bande dessinée constitue clairement
un livre « transgénérationnel » : à en croire l’enquête sur les pratiques
culturelles des Français menée par le ministère de la Culture 24, sa
lecture décroît sensiblement avec l’âge (passant de 47 % pour les
« 15-19 ans » à 30 % chez les « 35-44 ans ») mais reste présente tout
au long de la vie (jusqu’à représenter 7 % des lectures des « 65 ans et
plus »). Nous sommes ainsi face à une bande dessinée fédératrice, qui
peut potentiellement circuler au sein de la famille et s’échanger entre
des individus d’âges très différents.
Manga
Tel n’est absolument pas le cas du manga qui esquisse une tout autre
conception de l’adolescence : celle-ci doit être pensée sur le mode
du territoire, car nous sommes face à un ensemble de pratiques
culturelles propres à un groupe social spécifique ainsi qu’en attestent
ces mêmes données. Le lectorat décroît en effet brutalement au fur et à
mesure de l’avancée en âge (passant de 30 % chez les « 15-19 ans »
à seulement 5 % chez les « 35-44 ans ») jusqu’à devenir négligeable
par la suite. La bande dessinée est ici synonyme de rupture. « Shojo »
et « Shonen » s’adressent ainsi à un public adolescent respectivement
féminin et masculin, et tous deux doivent être distingués du « Seinen »
qui vise de « jeunes adultes ». L’adolescence devient ici une période
éminemment complexe. Christine Détrez présente, dans une riche
conférence disponible en libre accès dans la bibliothèque numérique
de l’ENSSIB25, l’importance de ces catégories de bande dessinée
japonaise dans la construction de l’identité sexuelle.
Intégration dans la culture numérique
Le manga semble également constituer le vecteur d’une sorte
d’initiation culturelle et médiatique. Cette même conférence aborde en
effet ces « sous-genres » comme un véritable environnement à l’intérieur
duquel se mêlent des pratiques fort diverses (lire, regarder, écouter, se
déguiser…), des supports médiatiques (livre, DVD, Internet, jouets et
vêtements) et des entreprises de sociabilités (de mises en relation ou,
à l’inverse, de différenciations sexuelles et sociales). Est ici esquissée
une « intégration dans la culture numérique », pour reprendre les mots
Lecture Jeune - juin 2012
L’Association, 2004.
19 Fun Home, Alison Bechdel, Lili Sztajn
et Corinne Julve, Denoël Graphic, 2006.
20 Ghost World, Daniel Clowes,
Vertige Graphic, 1999.
21 Blonde Platine, Adrian Tomine,
Seuil, 2003.
L’Association, 2004.
23 Persepolis, Marjane Satrapi,
L’Association, 2007
24 Disponible en ligne à l’adresse suivante :
www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/
25 Les Mangados : lire des mangas
à l’adolescence, Christine Détrez et
Olivier Vanhée, éditions de la BPI, 2011.
www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/
document-56857
34
Les adolescents et la bande dessinée
26 http://troisvoeuxdetrop.webcomics.fr
27 http://grandpapier.org/
28 www.vincentcaut.com/
et http://bastienvives.blogspot.it/
29 Voir sur www.fanfictions.fr les nouvelles
de Jainas (Despair : Terre brûlée)
et de Lebibou (Calvin sans Hobbes,
25 ans plus tard).
30 http://naruto.wikia.com/wiki/
Narutopedia
31 www.volonte-d.com/
de Christine Détrez, qui nous invite à prendre clairement nos distances
avec un grand nombre d’idées reçues et à ne pas se cantonner
à l’étroit périmètre du « livre numérique ». Si l’achat de fichiers
informatiques a tendance à s’installer dans les pratiques culturelles (du
moins dans le cas de la bande dessinée et selon l’enquête que nous
citons en introduction), ils restent largement minoritaires, voire moins
révolutionnaires que d’autres modalités de lecture. À côté des albums,
manga et comics traditionnels qu’il est possible de consulter en ligne
à l’aide de distributeurs numériques comme Iznéo ou Numilog, on
trouve en effet des travaux d’auteurs publiant leurs œuvres selon une
périodicité et des modalités très différentes.
Actuellement, un Internaute peut retrouver le plaisir de découvrir des
histoires de toutes sortes, publiées épisode après épisode, dans des
formats quelque peu tombés en désuétude (comme le strip ou la demiplanche). Des services d’hébergement en ligne comme Webcomics.
fr ou grandpapier.org proposent ainsi des travaux singuliers : il est
possible de lire gratuitement les Trois vœux de trop26 de Guillaum (qui
est organisé par périodes balisées selon différentes couleurs) ou encore
l’émouvante Évolution parallèle27, d’Olive Booger et Agathe T., qui met
en scène l’éducation stricte dispensée dans une école religieuse.
Numérique et participatif
Mais si l’environnement numérique offre aux adolescents de nouvelles
propositions de lecture, il leur permet surtout de redéfinir les rapports
qu’ils sont susceptibles d’entretenir avec la création de bandes
dessinées. À même de suivre les multiples aspects du travail de leurs
auteurs favoris sur des blogs (comme dans le cas du blog de Vincent
Caut ou de Bastien Vivès où sont publiés illustrations et toutes sortes
d’essais graphiques28), les lecteurs peuvent également s’exprimer ;
la bande dessinée devient l’occasion de multiples activités. Il est par
exemple possible de prêter d’inédites aventures à ses personnages
favoris en inventant des histoires puis en les publiant sur fanctions.fr : le
Sandman de Neil Gaiman rencontre ainsi Harry Potter alors que Calvin
et Hobbes se séparent après une longue cohabitation29.
Les jeunes peuvent encore s’improviser documentaliste ou archiviste
en intervenant dans le cadre d’un wiki : résumant un ouvrage ou
rédigeant une notice consacrée à un personnage, l’internaute viendra
ainsi enrichir la Narutopedia30 ou l’encyclopédie de La Volonté du D
consacrée à la série One Piece31.
L’ensemble de ces exemples démontre si besoin est qu’adolescence et
bande dessinée constituent un terrain des plus fructueux qu’éditeurs,
bibliothécaires ou libraires ont tout intérêt à explorer plus avant,
et ce d’autant plus que les adolescents sont des usagers assidus : à
en croire l’étude déjà citée, 62 % des lecteurs de bandes dessinées
âgés de 11 à 14 ans déclarent avoir fréquenté ou fréquenter au moins
un établissement. Bibliothèques et bibliothécaires pourraient ainsi
s’inspirer de l’action de la bibliothèque de la Cité internationale de la
bande dessinée et de l’image et de sa directrice, Catherine Feyrrerolle :
offrir en prêt une collection diversifiée, qualité tout en proposant
une sélection de travaux publiés sur des blogs et en étendant les
missions de prescription et de médiation à des ressources numériques
correspondant pleinement aux attentes du lectorat adolescent.
Lecture Jeune - juin 2012
35
Les comics,
Parcours symboles de leur temps
Xavier Fournier Panorama
Les comics semblent être à la mode dans les rayons des
librairies. Si elle n’atteint pas les mêmes chiffres de vente
que les mangas, la bande dessinée américaine a le vent en
poupe : longtemps perçus comme une sous-culture, les
comics sont désormais intégrés aux catalogues des éditeurs
et aux rayons des librairies. Xavier Fournier revient sur
l’histoire du genre et présente les séries incontournables.
Outre les nouveautés, les éditeurs ont tout un patrimoine à exploiter alors
que les super-héros se déclinent sur de nouveaux supports : films, jeux
vidéo, produits dérivés, etc. Si la mode des personnages aux pouvoirs
extraordinaires a été lancée au cinéma dans les années 801 avec
Batman, réalisé par Tim Burton, les années 2000 ont vu de nombreux
succès comme X-Men de Bryan Singer ou encore Spider-Man de Sam
Raimi. Bénéficiant désormais des moyens techniques numériques pour
restituer les aspects spectaculaires des comics, les films se succèdent à
l’écran, tout comme les parodies du genre. Ainsi, Les Indestructibles2
présente des surhommes contraints à la retraite, menant une existence
d’Américains moyens avant de reprendre du service. Les figures de
super-héros sont transposées sur de multiples supports et connaissent
de nombreuses variations, associant les comics à un genre populaire et
à une industrie culturelle où les logiques marketing dominent. Nombre
de lecteurs méconnaissent cette production. D’autres, potentiellement
intéressés, peuvent être effrayés par l’ampleur des séries qui, dans
certains cas, comptent des centaines d’épisodes. Les comics, en France,
seraient-ils l’apanage de lecteurs passionnés par les combats sans fin
de leurs surhommes préférés ?
Aux origines des comics
Le terme « comics » fait référence aux origines de la bande dessinée,
initialement publiée dans les journaux quotidiens à la fin du XIXe
siècle. Ces comic strips3 s’adressaient à toute la famille. Citons ainsi le
Yellow Kid (1895) de Richard F. Outcault qui a la particularité d’être
à l’image du public visé : un enfant en bas âge. De la même manière
qu’on trouvait des recettes de cuisine ou des conseils sur la mode,
les éditeurs s’assurèrent de proposer un contenu pour les plus jeunes.
D’où l’apparition de pages illustrées généralement humoristiques,
donc « comiques ». Mais très vite les genres qui étaient représentés
se diversifièrent, donnant naissance à des enquêtes policières (Dick
Tracy4), des histoires d’espionnage (Agent secret X9 5), des récits de
cape et d’épée (Prince Valiant 6) ou encore des héros de science-fiction
(Buck Rogers, Flash Gordon7...), des magiciens (Mandrake8) ou même
l’ancêtre des super-héros, Le Fantôme9 (être masqué faisant régner la
justice dans la jungle du Bengale). Il faut d’emblée souligner la nature
intermédiale de certains de ces personnages : c’est le cas de L’Agent
Lecture Jeune - juin 2012
Xavier Fournier
est journaliste et collectionneur
forcené de comic books.
Après des débuts dans la revue
USA Magazine en 1993 puis un
passage par la presse quotidienne
régionale, il débute en 1998 une
collaboration avec le magazine
bimestriel Comic Box (entièrement
consacré à l’étude de la bande
dessinée américaine comme le titre
l’indique) dont il est aujourd’hui le
rédacteur en chef. Il anime également le site comicbox.com (avec
de nombreux articles exclusifs)
et donne régulièrement des conférences sur les comics et des
thématiques périphériques.
www.comicbox.com
1 Superman, apparu en juin 1938
dans le n°1 d’Action comics – édité par
DC Comics – est considéré comme
le premier super-héros au sens moderne
du terme. Superman fut traduit en France
dès 1939 dans la revue Aventures
sous le nom assez curieux de Yordi.
Voir à ce propos, De Superman au
Surhomme, Umberto Eco, Grasset, 1993.
2 Les Indestructibles est un film d’animation
réalisé par les studios Pixar en 2004.
36
Les comics, symboles de leur temps
3 Comic strip : aux États-Unis, bandes
dessinées paraissant dans la presse quotidienne. En semaine, elles se composent d’une
seule bande en noir et blanc (daily strip),
tandis qu’elles bénéficient le dimanche d’un
espace plus important, en couleurs (sunday
page). On distingue en outre les strips
racontant des histoires à suivre (continuity
strip) et ceux proposant chaque jour un
gag indépendant (stop comic ou gag-aday strip). Voir, à ce sujet, le site de la
Cité Internationale de la BD et de l’Image
(http://www.citebd.org).
4 Dick Tracy, de Chester Gould,
lancé en 1931 aux États-Unis, traduit en
France dès 1938 dans le Journal de Toto,
réimprimé depuis sous forme de recueils
chez Futuropolis.
5 Agent secret X9, Dashiel Hammett
et Alex Raymond, 1934, disponible en
France chez Denoël Graphic.
6 Prince Valiant, Hal Foster, 1937,
paru en recueil chez Zenda
et à paraître chez Soleil.
7 Flash Gordon, Alex Raymond, 1934,
a d’abord été traduit en France – à partir de
1936 dans le journal Robinson –
sous le nom de Guy l’Éclair, et récemment
réimprimé en recueil aux éditions Soleil.
8 Mandrake, Lee Falk, 1934,
actuellement réédité chez Clair de Lune.
9 The Phantom, Lee Falk, 1936, réimprimé
en recueils par Futuropolis.
10 Buck Rogers au vingt-cinquième siècle,
de Philip Nowlan et Dick Calkins,
publié à l’origine en 1929 dans la presse
américaine, édité en France par Horay,
en 1992.
Secret X9 dont le scénariste originel était Dashiell Hammett, auteur du
roman policier Le Faucon Maltais ; le futuriste Buck Rogers10 vient lui
aussi de l’univers du roman puisqu’il s’agit d’une adaptation d’une
nouvelle de science-fiction (Armageddon 2419 A.D, de Philip Francis
Nowlan). Enfin Prince Valiant, créé par Hal Foster, évoque l’époque
de la Table Ronde. L’éventail d’histoires et d’ambiances fut donc
d’emblée très large et donna le ton des comics qui surent croiser les
genres et s’inspirer de différentes sources littéraires.
Les comics, miroir de la société
Si les comics évoluèrent pour devenir des fascicules à part entière11, ils
ont conservé une nature poreuse, une faculté à absorber l’actualité et la
transposer dans les planches. Cet aspect existe dans la bande dessinée
européenne mais la réactivité des comics est bien plus avancée. Ainsi,
le Prince Valiant, bien que vivant au temps du Roi Arthur, affronta les
Huns en 1939 dans des épisodes qui faisaient écho à la progression
des nazis en Europe. Les comics devinrent de véritables paraboles
et c’est dans ce contexte qu’il faut considérer l’apparition en masse
des super-héros dans le sillage de Superman (lancé en 1938),
comme des symboles des aspirations de l’époque. Par conséquent,
les histoires s’adressaient à un public en âge de saisir les références
et les transpositions. Quand le monde entre en guerre ou quand une
crise économique survient, les comics l’évoquent. Quelques semaines à
peine après les attentats du 11 septembre 2001, un épisode de SpiderMan12 relatait déjà les événements. Aujourd’hui il existe clairement un
clivage entre deux populations de lecteurs. La plus large est constituée
de trentenaires, voire quadragénaires, qui continuent de suivre des
héros découverts dans leur enfance. Mais avec la vague de films
consacrés à des super-héros durant cette dernière décennie, les jeunes
adultes (15-25 ans) s’emparent à leur tour des comics. Sans doute n’estce pas totalement un hasard si, dans le même temps, les éditeurs ont
souhaité rajeunir leurs héros et les rendre plus identifiables pour un
nouveau lectorat.
Quand les super-héros s’emparent du cinéma
Par où commencer pour s’initier aux comics ? Ce ne sont pas les portes
d’entrées qui manquent. La plupart des lecteurs ont « pris le train en
marche » (c’est-à-dire en tombant au hasard sur un épisode), ce qui est
moins difficile qu’on ne pourrait le croire. Les aventures de Batman,
comme d’autres, sont assez simples à intégrer car les bases du mythe
ont été rendues populaires par les nombreuses adaptations sur grand
écran et en dessins animés. Cependant, les succès cinématographiques
ne garantissent pas celui des comics. Des films comme Men in Black ou
Blade n’ont pas généré de ventes importantes des bandes dessinées
dont ils sont inspirés. Là encore, ce sont les attributs des personnages
qui sont exploités et qui sont consacrés par le cinéma. Figures
archétypales ou stéréotypées (nature surhumaine, double identité, port
d’un costume distinctif), ces individus possèdent des caractéristiques
qui semblent les rendre intemporels et indémodables. Peut-être cet écart
peut-il s’expliquer notamment par la profusion de strips qui font la joie
de l’initié mais perdent le novice ? En effet l’abondance de numéros (la
Lecture Jeune - juin 2012
37
série Amazing Spider-Man, qui n’est qu’un des multiples titres où évolue
l’homme-araignée, arrivera à son 700e épisode en fin d’année !) peut
être intimidante pour le profane. Aussi peut-il être utile de rappeler qu’il
n’est pas nécessaire de connaître la bibliographie d’un héros si on
s’oriente vers des séries très typées. Ainsi le scénariste Ed Brubaker,
très influencé par les romans (et les films) noirs donne une ambiance
cohérente à la plupart de ses projets : Criminal13 par exemple ou sa
reprise de Captain America14, dont il scénarise les aventures depuis
plusieurs années n’impose pas d’avoir lu au préalable les 300 épisodes
de la série, la tonalité l’emportant sur le reste.
Diffusion et distribution
En France, le marché est réparti entre les kiosques et les librairies.
L’éditeur Panini Comics détient la licence des super-héros Marvel
(Spider-Man, les X-Men...) tandis que ceux de DC (Batman, Superman)
sont traduits par un nouvel acteur du marché, Urban Comics. Delcourt
publie avec un succès retentissant la série Walking Dead15 mais aussi
beaucoup d’autres titres comme les aventures du démoniaque Hellboy16,
mêlant horreur et humour. D’autres éditeurs encore sont présents
sur ce marché. On peut citer de manière non exhaustive Ankama,
Atlantic Bd, Délirium, French Eyes, Glénat Comics, venus rejoindre les
éditions Akileos, Canto, Emmanuel Proust, Kymera, Rackham, Soleil
ou Vertige Graphic. Pour qui voudrait se replonger dans les sagas
initiales, les éditeurs ne manquent pas de proposer des réimpressions
chronologiques. Panini a ainsi tout un programme d’intégrales classées
par année17. Delcourt propose sous un format du même genre toutes
les aventures du très faustien Spawn18 tandis que l’éditeur Urban
Comics publie un épais album, DC Anthologie (2012), qui revisite
de nombreux épisodes classiques. Sans doute ces rétrospectives
répondent-elles aux besoins d’un lecteur déjà sensibilisé. Pour autant,
les différents éditeurs prennent soin de remettre périodiquement
à jour les origines de leurs principaux héros, qui forment autant de
points d’entrée pour les néophytes. Partant du principe que rien ne
se démode plus vite que la jeunesse, Marvel a également considéré
en 2000 qu’il fallait « moderniser » les aventures de Spider-Man pour
convaincre de nouveaux lecteurs. Tout en continuant la publication des
aventures de l’homme-araignée, l’éditeur a alors lancé la série Ultimate
Spider-Man19, une réinvention contemporaine, une sorte d’univers
parallèle dans lequel Peter Parker (alter-ego du super-héros) est bien
un adolescent du XXIe siècle. Le succès de Spider-Man ne repose pas
uniquement sur les super- pouvoirs du jeune homme. Peter Parker
possède les caractéristiques du « héros imparfait » auquel les jeunes
adolescents peuvent s’identifier et qu’il convient de remettre à jour
régulièrement afin qu’il reste en phase avec la jeunesse.
Les enjeux du numérique
Les comics disposent d’une chaîne de diffusion et de distribution
relativement différente de la bande dessinée franco-belge. Aux Etats-Unis,
ils ont longtemps été vendus en kiosques mais depuis les années 80,
des boutiques spécialisées (les comic shops) vendent l’essentiel de la
production. Par définition, ces enseignes s’adressent à un public de
Lecture Jeune - juin 2012
11 comic book : aux États-Unis, le comic
book est un fascicule de format 17x 26 cm,
comprenant en principe 32 pages.
De périodicité régulière, il propose
des histoires complètes ou à suivre,
et se spécialise souvent dans un genre
(science-fiction, super-héros, aventure,
humour…).
12 Amazing Spider-Man vol. 2 n° 36,
J. Michael Straczynski et John Romita Jr.,
2001, traduit en France dans Spider-Man
n° 31, Panini Comics (août 2002).
13 Criminal, Ed Brubaker et Sean Phillips,
2006, Delcourt.
14 Captain America est un personnage
apparu en 1941. La série est relancée en
2005 par Ed Brubaker, Michael Lark et
Steve Epting, elle est éditée par
Panini Comics sous le titre Captain
America, la Légende Vivante.
15 Walking Dead, Robert Kirkman, Tony
Moore et Charlie Adlard, 2003, Delcourt.
16 Hellboy, Mike Mignola,
depuis 1993, Delcourt.
17 Par exemple les dizaines de tomes de
Spider-Man : L’intégrale permettent de
retrouver toute la carrière du super-héros de
1962 aux années 80 sans interruption.
18 Spawn, Todd Mc Farlane, 1992.
19 Ultimate Spider-Man, Brian Michael
Bendis et Mark Bagley,
depuis 2000, Panini.
38
Les comics, symboles de leur temps
connaisseurs qui lit et collectionne les comics. Ce réseau ne favorise pas
l’élargissement du lectorat. En France, les périodiques proposant des
comics sont disponibles dans le réseau de la presse (kiosques) et sont
vendus dans des librairies généralistes, où l’on peut encore fortuitement
découvrir ces albums. Aussi, l’émergence du genre en version
numérique est-elle un enjeu plus stratégique aux États-Unis où il s’agit de
rétablir le contact avec le grand public (bien que pour l’heure, d’après
les responsables de Marvel et DC, les ventes numériques plafonneraient
à 10 %, et ce, pour les titres les plus porteurs). En France, l’impact du
numérique est moindre. Le public, collectionneur, est attaché au format
papier et aux séries qui composent sa bibliothèque.
Les tendances du comics
20 Marvel Zombies, Robert Kirkman
et Sean Phillips, 2006, Panini.
21 Uncanny X-Men Annual n°6,
1982, récemment réimprimé en France dans
Les X-Men : L’Intégrale n°12, chez Panini.
22 Turf 2011, Éditions Emmanuel Proust.
23 Watchmen, Alan Moore
et Dave Gibbons, 1986, Urban Comics.
24 Civil War, Mark Millar
et Steve McNiven, 2006, Panini Comics.
Outre les allusions aux romans d’espionnage ou aux policiers, le mortvivant est un thème très représenté ces dernières années, surtout depuis
que le scénariste Robert Kirkman l’a relancé en produisant Marvel
Zombies20 et surtout Walking Dead, un véritable phénomène éditorial :
plus de 200 000 exemplaires du seul premier tome se sont écoulés aux
États-Unis, dans un marché de la bande dessinée pourtant chancelant !
Tout en reprenant les poncifs du genre, Kirkman se concentre sur la
crise existentielle des personnages ordinaires – une poignée d’êtres
humains en sursis – essayant de survivre jour après jour. La Fantasy
est également très bien représentée dans les comics, avec des figures
littéraires comme Conan le Barbare, dont les aventures sont une source
d’adaptation depuis des décennies. Pour les amateurs de Space Opera,
il existe de nombreuses variations de Star Wars, qui élargissent l’univers
de la Guerre des étoiles. S’ajoutent à cette diversité de genres, des
combinaisons possibles : les X-Men peuvent ainsi affronter Dracula21.
L’improbable mais excellent Turf 22 de Jonathan Ross et Tommy Lee
Edwards propose une uchronie qui se déroule durant les années folles
pour opposer des gangs de vampires et d’extra-terrestres. Enfin, la
porosité se retrouve dans de grandes fresques « super-héroïques » qui,
à travers les symboles, portent un certain regard sur le monde. C’est le
cas du fameux Watchmen23 (récit dans lequel des êtres personnifiant la
logique ou la passion s’opposent sur la façon de sauver le monde) ou
encore de Civil War 24 (de prime abord une guerre entre super-héros
mais aussi un débat sur les libertés individuelles dans l’Occident post
11 septembre).
Les comics sont des sources inépuisables de variations et de
combinaisons entre les figures classiques des super-héros et de
nouveaux scénarios qui témoignent de l’évolution de nos sociétés.
On peut, à l’évidence, les conjuguer à la sauce parodique, policière
ou fantastique. La diversité des thématiques abordées peut constituer
un large choix pour un public adolescent et jeune adulte adepte
de séries et d’univers transmédiatiques. En outre, à l’image de la
fantasy, la dimension initiatique est présente dans les comics avec
des personnages qui découvrent leurs pouvoirs, suivent une phase de
formation, sont amenés à se surpasser, à choisir entre le Bien et le Mal,
etc. N’est-ce pas un genre qui peut répondre à des questionnements
identitaires propres à l’adolescence ?
Lecture Jeune - juin 2012
39
Parcours de lecture
Livres accroche
Littératures
Bandes dessinées
Documentaires page 41 à 45
page 46 à 47
page 48 à 49
Et après
Littératures
Bandes dessinées
Documentaire page 50 à 55
page 56 à 57
page 58
Lecteurs confirmés
Littératures
Bandes dessinées
Documentaires
Ouvrage de référence Lecture Jeune - juin 2012
page 59 à 62
page 63 à 65
page 66 à 67
page 68 à 70
40
40
Parcours de lecture
Livres accroche
Mode
d’emploi
Littératures
Nos comités de lecture
Chaque mois, nos comités de lecture interprofessionnels se
réunissent. Composés d’une trentaine de médiateurs du livre
(bibliothécaires, enseignants documentalistes, enseignants de lettres,
libraires), de professionnels de l’édition ou travaillant en lien avec des
adolescents et des jeunes adultes, ces bénévoles débattent avec la
rédaction de l’actualité éditoriale.
Les spécificités
Lecture Jeunesse assure une veille sur l’ensemble des parutions destinées
à ces jeunes ou sur les livres de littérature générale susceptibles de
les intéresser.
L’association est favorable à de multiples relectures des titres
présentés au sein des comités. Afin de renforcer le processus de
sélection, les points de vue sont systématiquement confrontés en
cas de doute sur la pertinence d’un choix. Les différents lecteurs
prennent connaissance de la notice rédigée, la valident ou y ajoutent
éventuellement un commentaire. Dans le cas d’avis divergents, un
second argumentaire est proposé.
Les lectures proposées
• Livres accroche : ce sont des textes sans problèmes particuliers de
lecture. Première découverte d’un genre ou d’un thème, pour des
adolescents parfois peu enclins à la lecture.
• Et après : pour des lecteurs qui souhaitent passer une étape de lecture,
sortir de leurs références habituelles.
• Lecteurs confirmés : textes qui demandent des compétences de
lecteurs solides ou qui requièrent par leurs thèmes, une certaine
maturité.
• Ouvrages de références : études qui traitent des pratiques
professionnelles des médiateurs en bibliothèque, de questions relatives
à l’adolescence, à leurs pratiques culturelles.
Que trouve-t-on dans les chroniques ?
• Des mots clés et le genre (si nécessaires).
• Des coups de cœur (proposés par au moins 3 lecteurs des comités).
• Certains ouvrages font l’objet de lectures croisées ou d’un pour/
contre s’ils ont fait débat dans les comités.
• Des informations complémentaires et des mises en réseau afin de faire
le lien avec d’autres titres traitant de thématiques voisines et proposer
des références dans des domaines variés : musique, cinéma, Internet,
etc.
• La présentation de nouvelles collections.
Lecture Jeune - juin 2012
41
Parcours de lecture
Livres accroche Littératures
1I
Starcrossed.
Amours contrariés, T. 1
Sur l’île de Nantucket, Hélène Hamilton mène une vie tranquille et
discrète que l’arrivée de la mystérieuse famille Délos va bouleverser.
La jeune fille est alors saisie de terribles cauchemars et de visions. Elle
comprend bientôt que ses rêves étranges, les mystères qui jalonnent
son existence et le sublime Lucas Délos sont liés. Lucas et Hélène sont
irrésistiblement attirés l’un par l’autre, mais leurs familles sont marquées
par une terrible légende depuis l’Antiquité, quand dieux et héros grecs
s’affrontaient.
Si le roman de Josephine Angelini n’échappe pas aux poncifs de la bitlit – amours contrariés, beauté extraordinaire, force surhumaine… –, il
propose une variation habilement construite inspirée par la mythologie
grecque. On peut reprocher à l’auteur une certaine lourdeur dans
l’exposition des malédictions qui frappent les personnages et quelques
naïvetés dans l’écriture mais les références mythologiques multiplient
les niveaux d’interprétation du roman. L’adaptation assez libre des
grands mythes antiques n’affaiblit pas le plaisir de la lecture et les
rebondissements finaux ponctuent l’intrigue. Ce premier tome d’une
trilogie offre avec Hélène un personnage fort dont on attend qu’il
s’exprime dans toute sa complexité dans les volumes suivants. Le sceau
de la malédiction et le poids du destin auxquels les héros ne semblent
pouvoir échapper font de ce livre une tragédie moderne.
■ Mélanie Archambault
Josephine Angelini
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Marie Leymarie
Pocket Jeunesse, 2012
429 p.
18,90 €
978-2-26-621126-0
Genre
Roman fantastique
Mots clés
Amour
Destin
Mythologie
2 I Jolène
Jolène, c’est le prénom de celle qui va réussir à capturer le cœur
d’Aurélien, héros et narrateur de ce roman. Aurélien est un jeune
étudiant complexé et décalé, qui préfère le jazz et le blues aux
musiques à la mode ; séducteur, même s’il trouve les filles trop
« formatées », il ne veut pas entendre parler d’amour. Mais Jolène,
rencontrée lors d’un concert, balaie toutes ses certitudes. Cette jeune
fille à la personnalité marginale partage les mêmes goûts musicaux et
cache comme lui une grande fragilité. Les deux adolescents tombent
amoureux et vivent une relation tumultueuse et passionnée.
Aucune mièvrerie dans cette histoire aux personnages ambivalents,
tout en nuances, échappant ainsi aux éventuelles lourdeurs du roman
sentimental. Des clins d’œil à Aurélien d’Aragon, à Huckleberry
Finn et de nombreuses références musicales nord-américaines
Lecture Jeune - juin 2012
Shaïne Cassim
L’École des loisirs, 2012 (Médium)
177 p.
10,20 €
978-2-211-20873-4
Genre
Roman d’amour
Mots clés
Amour
Musique
Deuil
42
Livres accroche
(le prénom de Jolène vient d’un titre de Ray la Montagne) enrichissent
la narration. Cette histoire pleine d’émotions explore avec sensibilité
la gamme des sentiments amoureux sans masquer ce qu’ils ont
parfois d’infiniment triste et violent.
■ Marie-Françoise Brihaye
3 I June.
Le Souffle, T. 1
Manon Fargetton
Mango, 2012
(Mondes Imaginaires)
336 p.
13,70 €
978-2-74-042886-3
Genre
Fantasy
Mots clés
Magie
Aventure
Destin
Dans un monde où règne le chaos, June vit dans une cité nommée « la
Ville ». La jeune fille et son frère Locki logent chez leur tante qui tient un
bordel. A 15 ans, l’adolescente attire les convoitises. Lorsqu’un client
puissant tente de l’abuser, June doit fuir et se retrouve sur la route avec
Locki. Ses pas la conduisent dans un monde parallèle, Le Port de la
Lune. Là-bas, elle apprend qu’elle détient depuis dix ans le Souffle,
une magie ancienne et puissante, héritée de la dernière Sylphe. Pour
rétablir la paix dans le monde, June et son frère partent à la recherche
des trois Sources car elles seules peuvent ramener l’harmonie sur
terre...
Le style de Manon Fargetton, juste et fluide, permet au lecteur
de passer du roman réaliste à la fantasy sans difficulté. On peut
cependant regretter quelques accrocs dans le rythme de la narration ;
la montée en puissance de l’intrigue amoureuse aurait gagné à être
plus progressive. Mais l’intérêt du roman réside moins dans le canevas
sentimental que le parcours initiatique de l’héroïne et sa quête pour
pacifier le monde.
■ Laurence Guillaume et Mélanie Archambault
4 I Luxomania : confidences d’une
vendeuse dans l’univers secret du luxe
Edwige Martin
Plon, 2012
197 p.
16,90 €
978-2-259-21590-9
Genre
Témoignage
Mots clés
Luxe
Mode
Monde du travail
Après deux ans de chômage, Charlotte, publicitaire, se résout à
pousser les portes d’une agence d’intérim pour retrouver du travail :
on lui propose une place de vendeuse dans une boutique de luxe du
Faubourg Saint-Honoré. La jeune femme découvre alors la comédie
humaine qui se joue derrière le faste et l’élégance. Le temps d’une
année, avec ses moments forts comme les soldes ou la période de
Noël, la narratrice décrypte les codes de cet univers de la haute
couture, de stars et de milliardaires. Elle dresse aussi le portrait de
celles et ceux qui, comme elle, ont été formés selon les préceptes du
« good seller guide » (le guide du bon vendeur). Le ton du récit, de plus
en plus désabusé et sarcastique, suit l’érosion de la motivation de la
jeune vendeuse.
Par son propos, ce livre n’est pas sans rappeler les Tribulations d’une
caissière (Anna Sam, Stock, 2008). Edwige Martin – qui a ellemême travaillé dans une grande enseigne de luxe – donne à voir un
microcosme obéissant à des règles et des rites spécifiques, avec ses
caractères sociologiques mais aussi ses dérives économiques, loin des
fantasmes qu’il suscite habituellement.
■ Colette Alves
Lecture Jeune - juin 2012
Littératures
43
Réseau de lecture : Dans un tout autre genre, mais toujours sur le thème
du travail, nous vous conseillons la lecture de l’ouvrage de Florence
Aubenas, Le Quai de Ouistreham (Seuil, 2010). Comment vit-on en
France, aujourd’hui, quand on a un revenu inférieur au Smic - voire
aucune rentrée d’argent ? Pour le savoir, l’auteur quitte pendant 6
mois sa famille, ses amis et son emploi de grand reporter au Nouvel
Observateur pour vivre dans la « France d’en bas ». Embauchée
d’abord comme femme de ménage, cumulant les contrats précaires,
elle plonge dans un autre monde. Un monde où le travail est rare et les
nuits brèves, l’exploitation maximale et la solidarité active.
5 I Le Premier défi de Mathieu Hidalf, T.1
Mathieu Hidalf et la foudre fantôme, T.2
Mathieu Hidalf est une légende : il possède un talent incroyable
pour les bêtises. Il faut dire qu’il a eu le malheur de naître le jour de
l’anniversaire du roi. Il a donc décidé de gâcher les célébrations
organisées chaque année par le souverain, non seulement pour
rappeler à tous son propre anniversaire mais aussi pour rendre son
père absolument fou.
Christophe Mauri donne vie à un trublion de premier plan, sur un
ton ironique et mordant. Avec humour, il offre des histoires farfelues
et rocambolesques, peuplées de personnages surprenants. Ainsi le
deuxième tome de cette série montre le jeune Hidalf bien décidé à
intégrer l’école de ses rêves non pas en travaillant mais en trichant…
Le jeune auteur, marqué par Harry Potter, écrit pour la jeunesse de
manière décomplexée et s’adresse aux adolescents comme à leurs
aînés. Dans le second volume, le personnage gagne en maturité tandis
que Christophe Mauri surprend toujours par ses inventions et ses
références aux contes avec des nymphettes éclairant les multiples salles
du palais, un chien à 4 têtes d’une douceur improbable ou des lits
dotés de pouvoir magique. Cette série a toute les qualités des romans
cross-over et séduira les lecteurs de 7 à 77 ans. ■ Nicolas Beaujouan
Réseau de lecture : Pour les jeunes amateurs d’humour et d’univers
fantastique, Les Sorcières de Skellefestestad de Jean-François Chabas
(2 tomes à L’Ecole des Loisirs, « Médium », 2011) constitue un dyptique
où l’auteur détourne les codes de la sorcellerie.
Christophe Mauri
Gallimard Jeunesse, 2011 et 2012
256 p. et 320 p.
13 €
14,50 €
978-2-07-069688-8
978-2-07-064364-6
Genre
Fantasy
Mots clés
Humour
Magie
Aventure
6 I Ma sœur vit sur la cheminée
Jamie, le narrateur, a 10 ans. Sa famille a été brisée cinq ans auparavant
par la mort de Rose, tuée dans un attentat. Depuis, Jasmine, jumelle de
Rose, ne sait si elle doit grandir ou, au contraire, ne pas changer pour
continuer à ressembler à l’absente. Jamie est censé pleurer une sœur
dont il se souvient à peine mais dont leur père à la dérive révère les
cendres, déposées dans une urne sur la cheminée.
Par petites touches, avec finesse et sans pathos, l’auteur décrit une
tragédie familiale, du deuil à sa possible résilience. Ce roman aborde
Lecture Jeune - juin 2012
Annabel Pitcher
Trad. de l’anglais
par Amélie de Maupeou
Plon jeunesse, 2011
235 p.
17,30 €
978-2-259-21268-7
44
Livres accroche
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Deuil
Famille
les thèmes de la mort et de la perte d’une façon sensible et juste.
Bénéficiant d’une double édition en littérature générale et en jeunesse,
ce texte touchera les plus jeunes lecteurs par sa vitalité et sa sensibilité.
■ Caroline Rouxel
Réseau de lecture : Sur le thème du deuil, nous vous conseillons le
roman de Mathias Malzieu, Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur
moi (Flammarion, « J’ai Lu », 2006), dont l’atmosphère évoque les films
de Tim Burton.
7 I Time Riders
Alex Scarrow
Trad. de l’anglais
par Aude Lemoine
Nathan, 2011
445 p.
15,50 €
978-2-09-253686-5
Genre
Uchronie
Mots clés
Voyage dans le temps
Aventure
Un homme mystérieux sauve Liam O’Connor du naufrage du Titanic
en 1911, Maddy Carter d’un accident d’avion en 2010 et Sal Vikram
d’un incendie en 2026. En échange de leur survie, il leur propose
une « existence invisible ». Tous trois n’appartiendront plus vraiment au
monde et seront chargés d’une mission : empêcher que l’Histoire ne
soit modifiée par les voyages temporels rendus possibles dans un futur
proche. Ils seront basés dans un repli du temps, à New York, les 10 et
11 septembre 2001. Lorsqu’un militaire fait de Hitler le vainqueur de
la Seconde Guerre mondiale pour sauver son propre monde en 2066,
le trio doit absolument rectifier cette anomalie temporelle sous peine de
voir le monde actuel basculer irréversiblement.
Cette première uchronie annonce une longue série (trois autres volumes
sont déjà publiés en anglais).Times Riders peut familiariser des lecteurs
non initiés au genre du voyage dans le temps ; il n’est pas prétexte à
une leçon d’Histoire mais fonctionne davantage comme un jeu vidéo,
mêlant action, créatures effrayantes, scènes de grande violence et
situations de suspense extrême. L’ensemble séduira sans aucun doute
les jeunes lecteurs dès 13 ans, mais les fanatiques du genre seront peutêtre déçus par la légèreté de la réflexion sur les paradoxes temporels.
■ Caroline Rouxel
Réseau de lecture : Ce roman peut être proposé comme une introduction
à d’autres titres, destinés aux adultes. Ainsi, le cycle de nouvelles
de La Patrouille du temps de Poul Anderson, met en scène des héros
chargés d’empêcher les modifications de l’Histoire par des voyageurs
temporels ; on pense aussi au Maître du Haut Château de Philip K. Dick,
un classique de l’uchronie fondé sur la victoire allemande en 1945.
Les éditions Nathan proposent un blog pour suivre l’actualité de leurs
romans pour adolescents : http://lire-en-live.skyrock.com/, ainsi qu’une
page Facebook : www.facebook.com/LireEnLive
8 I Récit intégral (ou presque)
d’une coupe de cheveux ratée
Jo Witek
Trad. de l’anglais (USA)
par Michelle Charrier
Dans Récit intégral (ou presque) de mon premier baiser, Xavier,
collégien, découvrait l’amour avec Mina. Dans ce deuxième opus, il
fréquente le lycée et subit de nombreux aléas. Son meilleur ami intègre
Lecture Jeune - juin 2012
Littératures
une filière professionnelle dans la restauration. Xavier ne connaît
personne dans sa classe et surtout, il a eu la mauvaise idée d’aller chez
le coiffeur la veille de la rentrée.
Les deux volumes de la série peuvent se lire indépendamment. Cet
épisode habilement rythmé retranscrit avec justesse les affres de
l’adolescence. Cette chronique se démarque par son humour et par son
narrateur, masculin, se livrant dans un journal intime. ■ Aurélie Forget
Autre avis : Xavier est un personnage entier qui décrit avec fougue
et passion ses sentiments. Ses craintes et ses doutes sont universels.
Aussi, le lecteur pourra-t-il s’identifier à ce récit réaliste. Ce livre est à
conseiller à tous, en particulier aux adolescents, dont les confidences
masculines se font plus rares. ■ Colette Alves
Réseau de lecture : Dans la veine des récits intimistes (et toujours du
côté des jeunes hommes !) on pourra lire Journal d’un garçon de Colas
Gutman (L’Ecole des Loisirs, 2008) et plus récemment Comment (bien)
rater ses vacances d’Anne Percin (Rouergue, « DoAdo », 2011).
Lecture Jeune - juin 2012
Seuil Jeunesse, 2012
184 p.
9,50 €
978-2-02-106516-9
Genre
Journal intime
Mots clés
Humour
Lycée
45
46
Parcours de lecture
Livres accroche
BD
9 I Les Faux-visages : une vie
imaginaire du Gang des Postiches
David B.
Ill. de Tanquerelle
Futuropolis, 2012
182 p.
21 €
978-2-7548-0129-4
Mots clés
Polar
Malfrat
Abusivement traités de « Robin des Bois » modernes, les membres du
Gang des Postiches ont défrayé la chronique dans les années 80,
en réalisant de nombreux casses déguisés avec perruques, fausses
moustaches ou barbes.
Le scénario de David B. retrace avec brio les braquages de ces malfrats
de Belleville. Le récit très structuré suit la chronologie des événements
en multipliant les dialogues savoureux et les ambiances entre policier
et comédie dramatique. La bande dessinée se situe clairement du côté
de la fiction même si elle rappelle la guerre des polices, les « ripoux »
liés au Gang et qu’elle n’occulte pas la violence des faits. On s’attache
aux personnages bien campés, presque pittoresques. Le dessin à la
ligne claire de Tanquerelle s’adapte parfaitement au genre du polar,
entre réalisme et caricature, et les illustrations en deux teintes (bleu et
gris au lieu d’un noir et blanc attendu) confèrent à l’album un charme
nostalgique. Cette bande dessinée se lit avec autant de plaisir que
de facilité ; elle séduira un large public, des amateurs de thriller aux
jeunes adultes faibles lecteurs. ■ Cécile Robin-Lapeyre
Réseau de lecture : Le Gang des Postiches a inspiré Ariel Zeitoun qui a
réalisé en 2007 le film Le Dernier Gang.
10 I La Mémoire de l’eau, T. 1 et T. 2
Mathieu Reynès
Ill. de Valérie Vernay
Dupuis, 2012
48 p.
12 €
978-2-8001-5406-0
978-2-8001-5422-0
Mots clés
Aventure
Fantastique
Une nouvelle vie commence pour Marion quand elle s’installe avec
sa mère dans leur maison en bord de mer. Ses parents viennent de
divorcer et cette villa perchée sur la falaise est un refuge merveilleux.
Mais cette demeure compte de nombreux mystères : la disparition en
mer de son grand-père, plus de trente ans auparavant, la découverte
de rochers sculptés le long de la côte, et enfin, la présence d’un vieux
gardien de phare – énigme à lui tout seul. La jeune fille, curieuse,
explore son nouvel environnement et tente de percer les secrets de
l’histoire familiale.
Ce récit en deux tomes se construit dans un premier temps autour
de l’adolescente et de sa mère, rendant compte avec réalisme de
leurs rapports. Marion est un personnage attachant. Elle tente de
découvrir les origines d’un drame qui hante inconsciemment sa
famille. Des éléments fantastiques se mêlent peu à peu à l’intrigue et
entretiennent le suspens. La mer est personnifiée, devenant un être
envoûtant et dangereux, un élément qui détiendrait la clé de tous les
Lecture Jeune - juin 2012
Littératures
mystères. Mathieu Reynès parvient à mettre à la portée des plus jeunes
une œuvre sur l’absence et le manque sans sombrer dans un récit
larmoyant. Le dessin de Valérie Vernay, rond et épuré, apporte une
dimension enfantine au récit tandis que sa palette chromatique s’ajuste
à la côte bretonne et à l’atmosphère onirique de l’histoire. C’est une
vraie réussite. ■ Nicolas Beaujouan
11 I L’Ours-lune. Fort Sutter, T. 1
Durant l’hiver 1869, une poignée de soldats stationnés au Fort Sutter
coule des jours monotones, de beuveries en parties de poker, quand
ils recueillent le capitaine Joshua Flint, seul rescapé d’une mission
de reconnaissance sur les terres indiennes de Cave Rock. Peu après,
le fort est attaqué par les Indiens pourtant réputés pacifiques. Au
combat, Flint, comme transfiguré, devient sanguinaire. A l’issue de la
bataille, les soldats découvrent un étrange tatouage sur le corps d’un
des assaillants. C’est celui de l’ours-lune, un chamane à la puissance
légendaire, capable de manipuler les esprits, comme l’explique
Chochno, l’intendant indien du fort. Or ce même tatouage orne la
poitrine du capitaine Flint…
Le scénario bien rythmé conjugue mystère et fantastique pour faire
monter peu à peu la tension dramatique. Le dessin comme les
couleurs restituent parfaitement les atmosphères glacées de la Sierra
Nevada et les lumières tamisées du feu qui couve à l’intérieur du fort.
Ce récit captivant se déclinera en deux tomes.
■ Juliette Buzelin
Réseau de lecture : Vous pouvez suivre le travail de Sébastien Viozat
sur son site www.el.dudo.fr
Lecture Jeune - juin 2012
Sébastien Viozat
Ill. de Florent Bossard
Soleil, 2012 (1800)
13,95 €
978-230-2-01991-1
Mots clés
États-Unis
Mystère
Légende
47
48
Parcours de lecture
Livres accroche
Documentaires
12 I Oh ! Les sciences. Des milliers
d’informations étonnantes sur les sciences
Oh ! L’antiquité. Des milliers d’informations
étonnantes sur l’Antiquité
Joe Fullman
Trad. de l’anglais
par Bruno Porlier
Gallimard jeunesse, 2012
(Les Yeux de la Découverte)
128 p.
16,90 €
978-2-07-064258-8
Mots clés
Science
Antiquité
Ces deux ouvrages ont été conçus pour renouveler le genre
documentaire – implicitement conçu comme ennuyeux – en privilégiant
« l’étonnant, l’excitant et le dynamique ». Cet objectif louable semble
atteint au premier abord : photos spectaculaires en couleurs, textes
courts et apparemment pertinents, complétés par un index, un glossaire
et un sommaire. Mais on est finalement troublé par une mise en page
sensationnaliste qui offre, sans différenciation ni références, des photos
en relation avec le thème et des supports dont le choix laisse perplexe,
créant la confusion voire des représentations erronées du sujet traité.
Entre autres exemples, on s’étonne de l’absence systématique d’échelle
et on s’interroge sur l’intérêt de faire figurer une tasse à café, un vieux
téléphone et une antique machine à écrire sur la double page dédiée
aux premières civilisations indiennes. Le volume consacré aux sciences
est en outre particulièrement lacunaire dans les contenus de base, le
glossaire se révèle incomplet et l’index peu utilisable.
Ces documentaires négligent donc délibérément l’exactitude et la
pertinence des informations au profit d’une « mise en scène » qui
n’éclaire pas le lecteur mais contribue bien au contraire à la confusion
des connaissances.
■ Colette Broutin
13 I Prises de vue,
décrypter la photo d’actu
David Groison et
Pierangélique Schouler
Actes Sud Junior, 2012
96 p.
16,30 €
978-2-330-00517-7
Mots clés
Lecture d’image
Actualité
Photographie
Format carré, couverture séduisante, belle qualité des reproductions,
ce documentaire est d’abord un beau livre. David Groison, rédacteur
en chef de Phosphore, et Pierangélique Schouler, iconographe de
presse, analysent et décryptent quarante-quatre photographies, dont
certaines sont célèbres, choisies dans l’actualité internationale récente
(tsunami au Japon, révolutions arabes, guerre en Afghanistan…). Les
auteurs, sans être didactiques ou trop techniques, expliquent comment
lire une image. L’analyse de chaque cliché met en évidence les choix
opérés par le photographe (angle, cadre, échelle, lignes de force…) et
la façon dont l’image a été reçue par le public. Le lecteur se familiarise
ainsi avec une grammaire de l’image, préalable indispensable à
toute interprétation. Des entretiens menés avec les auteurs de certains
Lecture Jeune - juin 2012
es
49
clichés expliquent les conditions des prises de vue et le rapport du
photographe à son sujet. La complémentarité entre image et texte
permet au lecteur de donner du sens aux images et de comprendre
l’effet qu’elles produisent, avec des critères et un vocabulaire précis.
Les adolescents – dès 12 ans selon l’éditeur – pourront ainsi acquérir
des bases solides qu’ils transposeront de la photographie d’actualité à
toutes les formes d’images photographiques.
■ Marie-Françoise Brihaye
Réseau de lecture : Nous vous invitons à consulter le webzine Hype
dont l’objectif est de faire découvrir de jeunes artistes amateurs,
photographes compris. Lancé en octobre 2011 par un groupe
d’adolescents, Hype se consulte à l’adresse suivante : www.wix.com/
webzinehype/hype.
Lecture Jeune - juin 2012
50
Parcours de lecture
Et après
Littératures
14 I La Peau des rêves. Nuit tatouée, T. 1
La Peau des rêves. Nuit brûlée, T. 2
Prix Imaginales
des Collégiens en 2012 (T. 1)
Charlotte Bousquet
Éditions de l’Archipel, 2011
et 2012 (Galapagos)
240 p.
14,50 €
14,95 €
978-2-8098-0562-8
978-2-8098-0635-9
Genre
Roman post-apocalyptique
Mots clés
Quête d’identité
Exclusion
Mystère
Lorsque des enfants touchent ses tatouages, la gitane Najma raconte
une histoire ; dans ces deux premiers volumes du cycle de La Peau
des rêves, c’est au personnage de Cléo qu’elle donne vie. Sur fond
d’univers post-apocalyptique, Paris n’est plus qu’un champ de ruines,
dans lequel Mens – des survivants humains – Dégénérés, Chimères
et Mutants se livrent une guerre sans merci pour survivre. Combattant
un jour une chimère, Cléo s’aperçoit que la créature porte le même
mystérieux tatouage qu’elle et l’épargne, persuadée qu’elle détient les
clés de son histoire. L’adolescente se met alors en quête de ses origines
et cherche à découvrir la vérité sur ses parents et sur les circonstances
de leur mort, quel que soit le prix à payer.
Le thème du secret de famille est ici renouvelé par une narration à la
croisée des genres, entre imaginaire, science-fiction et fantasy. Le récit
est rythmé mais sans précipitation : mensonges, combats, trahisons
et errances scandent le déroulement de l’intrigue. Le personnage de
Cléo, aussi mal à l’aise chez les Mens qui l’ont adoptée que chez les
Chimères qui la recueillent, frappe par son authenticité et sa ténacité
sous son apparente faiblesse. La jeune fille se réfugie dans la lecture
du théâtre pour mettre des mots sur son mal-être. Si l’on peut trouver
le recours fréquent aux citations un peu systématique, cela n’altère
en rien l’originalité du roman. Cet univers sombre, ces êtres en
mutation nourrissent une réflexion sur la gémellité et le respect de la
différence, portée par une écriture aux multiples références littéraires
et mythologiques. Telle Shéhérazade, Najma aura d’autres histoires à
raconter… ■ Marie-Françoise Brihaye
15 I L’Héritage des Darcer. Allégeance, T. 2
Marie Caillet
Michel Lafon, 2011
375 p.
15,20 €
978-2-7499-1529-6
Genre
Fantasy
Mydria, unique héritière de la dynastie Darcer, a été investie d’une
mission : renverser la dictature de la Déléane sur Edrilion et chasser
l’usurpateur du trône royal qui lui revient. Mydria ne peut compter que
sur son « don d’aile » – un pouvoir lui permettant de se métamorphoser
à volonté – et sur la bande de malfrats qui l’accompagne depuis le
premier volume. La jeune héritière s’appuie en particulier sur Orest,
même s’il est membre de la guilde des assassins. À la mort mystérieuse
du roi, elle cherche à fédérer autour d’elle les nobles de la cour et la
société d’Edrilion. Mais comment la jeune fille va-t-elle jouer un rôle
politique auquel elle n’est pas préparée ?
Lecture Jeune - juin 2012
51
Dans le deuxième volume de sa trilogie, Marie Caillet conjugue avec
bonheur romance et fantasy. Son écriture riche et fluide constitue l’un
des atouts majeurs de cette série. L’auteur construit un univers dense
dans lequel évolue une héroïne complexe et d’une grande vitalité, loin
des stéréotypes. Les rebondissements et les aventures rocambolesques
ou terrifiantes séduiront un large public. ■ Caroline Rouxel
Mots clés
Magie
Aventure
Intrigue de cour
16 I Little Brother
Alors qu’il est en train de participer à un jeu de rôle grandeur nature,
Marcus Yallow assiste à un attentat auquel les autorités le soupçonnent
d’être impliqué. Pris dans les filets de la police anti-terroriste, le jeune
homme est séquestré et torturé. Lorsqu’il est finalement relâché,
le Département de Haute Sécurité règne sur la ville et surveille en
permanence les citoyens, analysant tous leurs faits et gestes sous
prétexte d’assurer leur sûreté. Marcus refuse de se laisser voler sa
liberté : il monte un réseau Internet parallèle, devient « M1k3y » et
prend la tête de l’insurrection.
Ce roman renouvelle le thème de 1984 en l’adaptant aux nouvelles
technologies ; l’auteur en décode le fonctionnement pour le lecteur,
parfois de façon pointue. Le ton général est clairement militant : la
voix de Marcus traduit l’absolue nécessité de défendre les libertés
individuelles, exigence réactivée par les questions de contrôle et de
neutralité que soulève aujourd’hui Internet. La force de cette fiction
tient aussi au rôle joué par les adolescents qui sont le moteur de la
contestation et la force vive de la rébellion. ■ Colette Alves
Autre avis : Little Brother est un « roman à thèse » et l’auteur ne nuance
pas son propos. Les personnages peuvent sembler stéréotypés et le
jeune héros fait preuve d’une maturité exemplaire pour ses 17 ans.
En outre, les explications techniques ne sont pas toujours claires et
auraient pu être mises en annexe. Malgré ces faiblesses, le lecteur est
tenu en haleine car le sujet est passionnant et peu traité en littérature
jeunesse. Le livre a les qualités de ses défauts : les descriptions très
réalistes et détaillés convainquent – et ou ennuient – le lecteur.
■ Soizic Jouin
Réseau de lecture : Little Brother est un hommage explicite au « Big
Brother » de 1984 de George Orwell. Sur ce thème de la résistance
aux institutions portant atteinte aux libertés fondamentales et à la vie
privée, on peut citer Fahrenheit 451 de Ray Bradbury (Gallimard,
Folio SF) et La Brigade de l’œil de Guillaume Guéraud (Rouergue
Jeunesse, « DoAdo »).
Cory Doctorow
Trad.de l’anglais (Canada)
par Guillaume Fournier
Pocket jeunesse, 2012
442 p.
18,80 €
978-2-266-18729-9
Genre
Science-fiction
Mots clés
Révolte
Régime autoritaire
Terrorisme
17 I Vango. Un prince sans royaume, T.2
Dans le premier volume, Vango s’enfuyait alors qu’il devait être
ordonné prêtre. L’action se situait alors sur le parvis de Notre-Dame
en 1934. Le second tome s’ouvre en 1937 où le jeune homme est
toujours sur les routes. Ceux qui veulent le tuer suivent sa trace et
enquêtent de New York à l’Ecosse en passant par le Caucase, les îles
Lecture Jeune - juin 2012
Timothée de Fombelle
Gallimard Jeunesse, 2011
393 p.
17,25 €
978-2-07-063891-8
52
Et après
Genre
Roman d’aventure
Mots clés
Paris
Enquête
Voyage initiatique
grecques et Paris, alors sous la botte allemande. Sur la couverture,
Vango apparaît au sommet d’un gratte-ciel, figure héroïque et
aérienne. Il poursuit lui aussi l’homme qui a causé son malheur et
détient le secret de sa naissance. La course de Vango ne connaît
pas de trêve. Qui est le chasseur et qui est la proie ? L’amour d’Ethel
survivra-t-il à tant de tempêtes ?
Petit à petit, les pièces du puzzle s’assemblent sous les yeux du
lecteur et dessinent une grande fresque aux nombreux personnages
secondaires, personnalités marquantes et attachantes. La construction
du récit est savamment orchestrée par Timothée de Fombelle. Ellipses,
flash-backs et intrigues parallèles s’imbriquent pour maintenir le
suspense. Vango est une saga incontournable pour les adolescents
forts lecteurs qui voudraient s’initier au roman d’aventures.
■ Caroline Rouxel
18 I Paris inch’Allah !
Kamel Hajaji
Sarbacane, 2012 (Exprim’)
243 p.
15,50 €
978-2-84865-513-0
Genre
Roman
Mots clés
Tunisie
Misère
Quête d’identité
Mohamed revient sur ce qu’a été sa vie, de son enfance misérable
à Tunis jusqu’à sa réussite sociale comme majordome d’une riche
famille à Paris. Mais son histoire n’a rien d’un conte de fées. Malaimé, battu puis chassé par une mère qui voulait refaire sa vie,
Mohamed a toujours été mû par le désir de prouver à cette femme
qu’il pouvait s’en sortir et mériter enfin son amour.
En grandissant, au fil des bonnes et des mauvaises rencontres, il se
forge une morale personnelle. S’il sait ruser et louvoyer, il n’oublie
jamais son but ni le respect qu’il se doit. Son rêve réalisé, Mohamed
revient à Tunis, vers cette mère dont il a toujours voulu croire qu’elle
l’aimait malgré sa violence et sa dureté. Dans cette traversée des basfonds de Tunis et des milieux bourgeois, l’auteur brosse une fresque
réaliste d’une société qui laisse peu d’espoir aux miséreux ; la langue
en est trop maîtrisée pour être celle du jeune narrateur mais révèle un
auteur subtil.
■ Colette Broutin
19 I L’Abeille
Matt Hartley
Trad. de l’anglais
par Séverine Magois
Éditions Théâtrales Jeunesse, 2012
90 p.
8 €
978-2-84260-462-2
Chloé, 15 ans, est une adolescente solitaire. Quand son frère Luke,
à peine plus âgé, meurt dans un accident de voiture, la petite ville
d’Angleterre dans laquelle ils vivent crée une page Facebook en
souvenir du jeune homme. Dès lors, la communauté numérique se
mobilise, s’émeut et s’empare du décès du garçon, reconstruisant son
existence avec plus ou moins de vérité et d’exhibitionnisme. D’abord
réticente, Chloé se laisse entraîner dans l’arène publique et finit par y
trouver un chemin vers sa propre liberté.
Alternant avec fluidité échanges en ligne, « publications » et dialogues
réels, le récit s’interroge sur la façon dont les adolescents s’approprient
les réseaux sociaux, redéfinissant ainsi les notions de relation, de vie
privée, en dehors de tout contrôle social et parental. Dans cet univers
propre à la culture adolescente, le texte de Matt Hartley aborde avec
Lecture Jeune - juin 2012
Littératures
force le thème du deuil et de son rôle dans la construction de soi.
L’auteur ne se fait pas le juge des réseaux sociaux et n’oppose ni les
générations, ni les « vrais » ou « faux » amis, mais il retrace avec sensibilité
le parcours d’une adolescente consciente qu’elle existe, qu’elle soit ou non
populaire dans une monde virtuel.
■ Sophie Lartigue
Réseau de lecture : On pourra voir The Social Network de David
Fincher, adaptation du récit de Ben Mezrich, La Revanche d’un
solitaire (J’ai lu), retraçant l’histoire du fondateur de Facebook et de la
naissance du réseau social.
53
Genre
Théâtre
Mots clés
Espace public
Réseaux sociaux
Deuil
20 I Les Landes d’Âmevignes.
Le Pays des morts, T. 1
Roger, un orphelin de 15 ans, n’est pas un garçon ordinaire : il peut
voyager au pays des morts (les landes d’Âmevignes). Son oncle, qui
l’élève, exploite ce talent consideré comme une malédistion par le
jeune homme lui-même.
Anna Kendall, dont c’est le premier roman, offre un récit initiatique
bien mené et rythmé par de nombreux coups de théâtre, mais elle
parvient surtout à mêler un scénario fantastique et une intrigue
politique assez fine. En effet, Roger se retrouve à la cour du Reinaume,
où son don particulier l’amène à prendre part aux intrigues du palais
et à découvrir, par amour, les secrets de l’au-delà. L’auteur se plaît à
égarer le lecteur dans cet univers sombre, s’interrogeant sur la frontière
ténue entre le Bien et le Mal. Anna Kendall construit un récit complexe
et fascinant dont on espère qu’il continuera à s’étoffer dans les tomes
suivants de la trilogie.
■ Nicolas Beaujouan
Anna Kendall
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Guillaume Le Pennec
Bragelonne, 2012 (Castelmore)
382 p.
15,20 €
978-2-36231-040-9
Genre
Fantasy
Mots clés
Intrigue de Cour
Voyage initiatique
21 I Le Béton qui coule dans nos veines
En 1982, Prince G., graffeur de talent, meurt dans les tunnels du
métro new-yorkais. Si l’enquête de police conclut au suicide, ses amis
(un rappeur, un DJ et la danseuse Queen Divine) ne s’expliquent pas
sa mort. Dix ans après, au moment où il devient père, le rappeur se
remémore les moments passés avec son « posse » et revit toute l’histoire
du hip-hop. Comme dans tous les titres de la collection, fiction et
histoire musicale s’entrecroisent. Les personnages se mêlent aux
artistes réels, comme Tupac.
À l’image du rap, les mots filent et claquent pour donner un véritable
rythme au texte. La narration polyphonique et les différents points de
vue enrichissent l’intrigue. Celle-ci est évidemment au service du sujet
sans être mièvre et attendue. On peut reprocher à ce docu-fiction un
côté artificiel mais les auteurs réussissent à retracer l’histoire du rap en
évitant de limiter ce mouvement musical à sa caricature commerciale.
Les néophytes découvriront les origines du rap, issu de la misère sociale
et de la musique noire tandis que les amateurs du genre apprécieront
l’évocation de la guerre entre « west coast » et « east cost ».
Lecture Jeune - juin 2012
Laurence Schaack
Nathan, 2012 (Backstage)
236 p.
10,50 €
978-2-09-253214-0
Genre
Docu-fiction
Mots clés
Rap
Musique
Histoire
54
Et après
La dernière partie de l’ouvrage, très documentée, donne des pistes pour
se plonger dans cet univers musical : une chronologie, un index, des
personnages réels et une playlist permettent d’approfondir le sujet.
■ Marilyne Duval
Réseau de lecture : On peut lire sur le même thème Hip hop connexion,
de Karim Madani (Sarbacane « Exprim’») et voir, parmi les nombreux
films consacrés au rap, BoyzN the hood de J. Singleton, dont la bande
originale est devenue un classique du rap, Menace II Society de A.
Hughes ou 8 Mile, de C. Hanson qui mêle lui aussi histoire du rap et
fiction.
22 I Reste avec moi
Jessica Warman
Trad. de l’anglais (États-Unis)
par Michelle Charrier
Fleuve Noir, 2012 (Territoires)
476 p.
17,50 €
978-2-265-09302-7
Genre
Thriller
Mots clés
Fantôme
Enquête
La nuit de ses 18 ans, Elizabeth se réveille sur le bateau où a eu
lieu la veille sa fête d’anniversaire. Intriguée par des bruits contre la
coque, elle découvre le cadavre d’une jeune fille : le sien. Elizabeth
comprend avec horreur qu’elle vient de mourir noyée et qu’elle est
devenue son propre fantôme sur terre. Aidée d’Alex, un lycéen mort
un an auparavant, elle va devoir enquêter pour découvrir ce qui s’est
réellement passé ce soir-là.
En plus d’être un fantôme, l’héroïne de Reste avec moi est touchée
par une amnésie partielle : le lecteur reconstitue donc en même temps
que la narratrice le puzzle de sa vie. Les flash-backs et les souvenirs
des deux fantômes rythment la narration avec un suspense bien dosé.
L’intrigue mêle thriller, fantastique et enquête policière. Un titre à
conseiller aux jeunes adultes à qui cette nouvelle collection des éditions
Fleuve Noir est destinée.
■ Aurélie Forget
Réseau de lecture : On retrouve « d’autres narratrices fantômes » dans
Souvenez-vous de moi, de Christopher Pike (Pocket, 1998) ou, plus
récemment, dans Tu es moi de Sarah Shepard (2012) également dans
la collection « Territoires ».
23 I La Chienne de l’ourse
Catherine Zambon
Actes Sud Junior, 2012
(D’une seule voix)
57 p.
7,80 €
9-78-2-330-00570-2
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Amour
Homosexualité
Corps
Dans ce récit à la première personne, une jeune fille revient crûment
sur la perte de son enfance, le poids de son « physique d’ourse », le
verrouillage de son monde intérieur et la naissance de son désir pour
son amie Liv. La narratrice évoque un père aimable, un entourage
bienveillant mais elle ne supporte pas cet amour naissant qui la laisse
étrangère à elle-même. Alors, un soir de fête, elle rompt avec son amie
et part rejoindre une vieille femme revêche et sa chienne, Diane. Là, la
narratrice se confiera, formulera son désir pour Liv, mettant un terme à
son monologue et à sa solitude.
Outre la question de l’homosexualité féminine, l’auteur analyse la
construction de la vie affective à l’adolescence. Elle rend compte
des renoncements, des hésitations ou des ambivalences qui peuvent
apparaître face à des désirs émergents. L’écriture directe et rythmée
permet à l’adolescente d’exprimer son mal-être face à son obésité.
Lecture Jeune - juin 2012
Littératures
Catherine Zambon décrit avec justesse les émotions de cette jeune fille
dont l’humeur oscille entre joie et mélancolie.
■ Sophie Lartigue
Réseau de lecture : On pourra mettre ce court roman en parallèle
avec 50 minutes avec toi, de Cathy Itak, paru en 2010 dans la même
collection, même si, dans La Chienne de l’ourse, la difficulté n’est pas
tant d’imposer ses choix sexuels et affectifs que les accepter soi-même.
Lecture Jeune - juin 2012
55
56
Parcours de lecture
Et après
BD
24 I L’Odyssée de Zozimos, T. 2
Christopher Ford
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Sidonie Van den Dries
Ça et là, 2012
236 p.
14 €
978-2-916207-66-7
Mots clés
Mythologie
Humour
Aventure
Réjouis-toi, Ô lecteur impatient, car Zozimos le voyageur au long
cours, poursuit sa trépidante aventure ! Sous les conseils malveillants
de son oncle, Zozimos cherchait à reprendre le trône de Sticatha
après avoir vengé le meurtre de son père. Il ne se doutait pas que cette
entreprise le mènerait de Charybde en Scylla. S’il a déjà triomphé
de rudes épreuves dans le premier volume, il doit encore passer par
bien des tribulations pour pouvoir régner paisiblement sur son île. Ce
deuxième tome le suit d’un bout du monde à l’autre, flanqué de ses
deux acolytes, Atrukos à la tête de grenouille et Praxis le costaud, pour
son ultime quête – trouver la Plume d’Or.
Multipliant les rebondissements désopilants et les blagues de potache,
le volume conclut l’odyssée facétieuse de ce jeune prince couard et
colérique. On y retrouve avec le même plaisir le rythme haletant et
l’humour décomplexé du premier opus remarquablement servis par
des dessins très stylisés : les personnages esquissés d’un simple trait
semblent les petites marionnettes des dieux et du fatum antique.
Comme le précédent album, cette tragédie clownesque se savoure
de 7 à 77 ans. « Par les genoux flasques de Zeus », il semblerait que
ses dernières pages annoncent un troisième tome ! Zozimos l’étourdi
pourrait bien aller y rechercher sa bien-aimée, oubliée au royaume des
morts... ■ Sonia de Leusse-Le Guillou
25 I Ghostopolis
Doug TenNapel
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Philippe Touboul
Milady Graphics, 2012
272 p.
22,90 €
978-2-81120607-9
Mots clés
Maladie
Fantastique
Fantôme
Le jeune Garth est certes atteint d’une maladie incurable mais il est
envoyé avant l’heure vers Ghostpolis, le pays des morts, par Franck
Gallow, un chasseur de fantômes négligent. Pour réparer son erreur,
Gallow est sommé de s’infiltrer à Gosthopolis et de ramener Garth
chez lui. Or le jeune garçon se découvre des pouvoirs magiques dans
ce nouvel univers et de nouveaux ennemis : les hautes autorités du
monde des spectres sont également à sa recherche.
L’américain Doug TenNapel, créateur du délirant jeu vidéo Earthworm
Jim, signe ici un conte d’épouvante – mais nullement morbide –
très réussi, qui rappelle les meilleures productions du studio Amblin
fondé par Spielberg (Les Aventures de Tintin ou Cheval de Guerre).
Le comique naît de dialogues finement ciselés, de personnages
délicieusement caricaturaux et de trouvailles scénaristiques habiles. Le
récit est mené à grand rythme grâce à un découpage des planches
très aéré (on compte rarement plus de 5 cases par page) et le dessin
brut, à la limite du crayonné, traduit avec énergie les situations les
Lecture Jeune - juin 2012
57
plus fantastiques. Ce roman graphique est une excellente introduction
à la bande dessinée pour adolescents, tout en présentant de solides
qualités pour les lecteurs plus chevronnés. ■ Pierre Pulliat
Réseau de lecture : Doug TenNapel est auteur de livres pour enfants,
travaille pour le cinéma et la télévision, etc. Retrouvez-le sur son site :
tennapel.com
Lecture Jeune - juin 2012
58
Parcours de lecture
Et après
Documentaire
26 I T’as la tchatche
Sylvie Baussier
Ill. d’Anne Rouquette
Gulf Stream éditeur, 2012 (Et Toc !)
240 p.
12 €
978-2-35488-151-1
Mots clés
Langage
Linguistique
Mots
En cinquante entrées, ce petit documentaire aborde de multiples
questions relatives au langage et aux langues. Sylvie Baussier expose
aussi bien des concepts savants (théories de Saussure ou de Jakobson,
classement des familles de langues) que des questions culturelles –
expliquant par exemple comment des peuples soumis ont créé des
langues utilitaires –, ou des problèmes linguistiques (questions de
traduction, contamination entre idiomes).
Les questions historiques sur l’origine des langues ou leur disparition
sont traitées, comme les recherches actuelles sur leurs évolutions (une
entrée est consacrée au « globish ») ou le fonctionnement du cerveau.
Le lecteur peut parcourir l’ouvrage à sa guise ou se laisser guider par
les suggestions faites en bas de page ; les explications sont rédigées
dans un style clair et précis qui s’harmonise parfaitement avec les
illustrations d’Anne Rouquette. Cette première approche est complétée
par une courte bibliographie et une sitographie qui permettent
d’approfondir les thèmes abordés. ■ Colette Broutin
Lecture Jeune - juin 2012
59
Parcours de lecture
Lecteurs confirmés Littératures
27 I Le Conteur
Au XVIIIe siècle, la ville de Dehli est envahie par les troupes afghanes,
poussant à la fuite un poète et conteur à qui il ne reste plus que « les
mots et la liberté ». Son errance le conduit pourtant vers une propriété
pachtoune, ennemie, où la Bégum, maîtresse des lieux, lui offre
l’hospitalité en échange d’un conte. Ainsi débute une joute entre
deux personnages que tout oppose mais que la parole rapproche.
Chacun répond en effet au récit de l’autre, tressant une histoire sans
fin, enrichie et renouvelée, dans un duel qui devient amoureux.
Dans ce contexte de guerre, les deux protagonistes font renaître
les thèmes universels de l’amour et de la trahison, du pouvoir et de
l’ambition célébrant l’imagination et la créativité poétique. Ce texte
inspiré de la tradition orientale est en marge de la production éditoriale
actuelle mais il renouvelle le genre du contre et offre plusieurs niveaux
de lecture. Ainsi est-il accessible aux lecteurs adolescents comme aux
jeunes adultes.
■ Marie-Françoise Brihaye
Omair Ahmad
Trad. de l’anglais
par Françoise Nagel
Picquier, 2011 (Inde/Pakistan)
238 p.
13,50 €
978-2-8097-0289-7
Genre
Conte
Mots clés
Création
Amour
Récit enchâssé
28 I Les Guichets du Louvre
16 juillet 1942. Le narrateur, un jeune étudiant, s’apprête à quitter
Paris pour rejoindre ses parents à Bordeaux. Mais, à la demande
d’un camarade, il accepte de retarder son départ pour venir en aide
aux Juifs que la police et la gendarmerie françaises sont sur le point
d’arrêter. Il doit leur proposer de le suivre sur la rive gauche de la
Seine en passant par les guichets du Louvre. L’entreprise est difficile :
il faut non seulement échapper aux forces de l’ordre qui quadrillent
Paris mais aussi vaincre la méfiance de ceux à qui il offre son secours,
comme cette jeune fille à qui il suggère de jouer les amoureux pour
la protéger sans finalement parvenir à la mettre à l’abri. Au long de
cette terrible journée de la rafle du Vel’d’hiv’, le jeune homme assiste,
impuissant, à l’arrestation des Juifs étrangers vivant dans la capitale.
En quelques heures, il est confronté à la violence antisémite, à la
lâcheté et à l’ignominie et poussé à s’interroger sur ses propres valeurs.
Ce témoignage a été rédigé vingt ans après les faits tant il était difficile
à son auteur de recoller « le miroir brisé » de sa mémoire et tant il était
impossible alors de rappeler cet épisode de la collaboration. Après
une première publication dans les années 60, ce récit a fait l’objet
d’une adaptation cinématographique par Michel Mitrani en 1974 et
a été réédité en 1999. Ce texte restitue les émotions, l’incompréhension
et les remords qui dominent alors un jeune homme idéaliste.
■ Colette Broutin
Lecture Jeune - juin 2012
Roger Boussinot
Gaïa, 2012 (Réédition)
160 p.
16 €
978-2-84720-225-0
Genre
Témoignage
Mots clés
Antisémitisme
Shoah
Rafle du Vel d’Hiv
Mémoire
60
Lecteurs confirmés
29 I La Terre de l’impiété
Jean-François Chabas
L’École des loisirs, 2012
(Médium)
2012
165 p.
9,70 €
978-2-211-20813-0
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Guerre d’Algérie
Harkis
Mysticisme
Deux hommes âgés, liés par une amitié indéfectible forgée pendant
la guerre d’Algérie, vivent isolés dans la montagne. Ils ont tous deux
combattu, l’un, Philippe de Sainties, comme officier de l’armée
française, l’autre, Abdelhamid, comme harki. La sale guerre et les
trahisons politiques ont fait d’eux des êtres ayant perdu toute confiance
en l’homme et toute foi. Rachel, elle, marche vers le sommet de la
montagne, guidée par son désir de Dieu : elle se sent appelée par
des visions merveilleuses. Sans savoir pourquoi, Abdelhamid suit à
la jumelle le parcours de cette petite fille lancée dans une ascension
dangereuse.
Ce roman se singularise par la beauté d’un style exigeant qui
charme et invite toujours à la réflexion. Le lecteur donnera sens au
récit en s’interrogeant sur la possibilité d’une rédemption, sur la part
irréductible d’humanité de chaque individu, en interprétant l’isolement
de la petite fille, étrangère à la société matérialiste qui l’entoure ou
en questionnant sa quête de spiritualité et son mysticisme. Ce livre
s’adresse à de bons lecteurs car il suppose une certaine connaissance
de la guerre d’Algérie. ■ Colette Broutin
30 I L’insolente de Kaboul
Chékéka Hachemi
Anne Carrière, 2011
230 p.
18,50 €
978-2-8433-7570-5
Genre
Témoignage
Mots clés
Afghanistan
Droit des femmes
Régime autoritaire
Chékéba Hachemi, 11 ans et 11 frères et sœurs, fuit clandestinement l’occupation soviétique en Afghanistan pour gagner
la France. Cette traversée périlleuse bouleverse la fillette en lui
révélant l’horreur de la guerre. Mais cette épreuve marquante
n’est que la première étape d’un parcours pour le moins atypique.
Chékéba, dont on découvre le quotidien afghan à travers des flashback, vit désormais en France avec sa mère et quelques membres
de sa famille. Reçue au bac en 1992, la brillante élève entre
dans une école de commerce et gagne sa vie grâce à des « petits
boulots », tout en essayant de se plier au mieux aux normes qui
régissent la vie domestique des femmes afghanes – prendre à sa
charge les tâches ménagères et servir les hommes de la maison.
Jonglant entre les exigences presque schizophréniques de la sphère
privée et de sa vie à l’extérieur, la narratrice retrace les étapes
qui la menèrent par sa volonté et sa persévérance, de la création
en 1996 de l’association « Afghanistan libre », à la rencontre du
Commandant Massoud ou à Bruxelles. Chékéba Hachemi y devient
en effet la première diplomate afghane avant d’être nommée
conseillère auprès du vice-président de Kaboul, puis ministreconseiller en France. Fidèle à ses engagements, elle démissionne
en 2009, constatant l’immobilisme de la situation.
Loin du sensationnalisme de certains témoignages, ce livre donne
le point de vue engagé d’une immigrée œuvrant concrètement
pour la reconstruction de son pays natal et la cohésion de la
diaspora afghane. Malgré une naïveté parfois lassante, ce récit
expose avec sincérité une destinée hors du commun amorcée
Lecture Jeune - juin 2012
Littératures
pourtant très modestement. Son contexte historique, politique et les
questionnements de la narratrice dans sa vie de femme le réservent
à des lecteurs mûrs et ayant quelques connaissances des principaux
événements ou personnages marquants de l’histoire afghane, même
si une carte et une chronologie introduisent de façon très pertinente
l’ouvrage. ■ Sonia de Leusse-Le Guillou
Réseau de lecture : Vous pouvez consulter le site de l’association :
www.afghanistan-libre.org/
31 I La Dame en noir
Jeune notaire londonien, Arthur Kipps est envoyé à Crythin Gifford,
dans le nord du pays, pour régler la succession d’une vieille femme.
Alice Drablow laisse derrière elle de nombreux papiers à trier et un
sombre manoir cerné de marais envoûtants supposés hantés. Arthur
lui-même croit apercevoir à plusieurs reprises une étrange dame en
noir au visage émacié. Mais il constate vite que les habitants n’ont
pas l’intention de lui fournir la moindre explication.
Dans la tradition des maîtres du frisson du XIXe siècle, Susan Hill
entraîne le lecteur dans un univers fantomatique, l’intrigue rappelant
les contes fantastiques de Maupassant. La réussite du roman tient
davantage à son atmosphère victorienne qu’à son rythme : les
dialogues sont rares et les descriptions nombreuses. Aussi, séduirat-il davantage les amateurs de romans d’ambiance que les lecteurs
friands de rebondissements et d’hémoglobine. ■ Colette Alves
Réseau de lecture : Ce roman publié pour la première fois en 1983
a été adapté au cinéma en 2011 par James Watkins. Arthur Kipp est
incarné par Daniel Radcliffe, rendu célèbre par son interprétation du
personnage de Harry Potter dans les films éponymes.
Susan Hill
Trad. de l’anglais
par Isabelle Maillet
L’Archipel, 2012
216 p.
18,80 €
978-2-8098-0573-4
Genre
Roman fantastique
Mots clés
Fantôme
Mystère
32 I Vers la mer
À 19 ans, Laure décide de rejoindre Nice pour s’embarquer pour
un long voyage. Catherine, sa mère, qui a entrepris plus jeune la
même aventure, décide de l’accompagner. Le long trajet depuis Paris
est jalonné de haltes qui sont autant d’occasions de rencontres et de
dialogues entre mère et fille. Au fil de la route, par la parole autant
que par les silences, les deux femmes partagent leurs souvenirs, leurs
doutes comme leurs envies et apprennent à se découvrir. Nice sera la
ville de la séparation.
Ce voyage vers la mer (réelle ou psychanalytique) est écrit tout en
nuance, le lecteur étant davantage invité à suivre une quête intérieure
qu’une escapade mouvementée. Ce premier roman intimiste d’AnneSophie Stefanini évoque la relation entre mère et fille avec justesse et
élégance. ■ Marie Françoise Brihaye
Réseau de lecture : Métal Mélodie de Maryvonne Rippert (Milan
Jeunesse, « Macadam ») aborde la question des relations mères-filles
dans un roman qui s’adresse aux jeunes adolescents.
Lecture Jeune - juin 2012
Anne-Sophie Stefanini
J.C. Lattès, 2011
233 p.
17 €
978-2-7096-3554-7
Genre
Roman intimiste
Mots clés
Relation mère/fille
Voyage initiatique
61
62
Lecteurs confirmés
33 I Vie animale
Justin Torres
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Laetitia Devaux
Éditions de l’Olivier, 2012
18 €
141 p.
978-2879298207
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Marginalité
Famille
Écriture
Aux Etats-Unis, une fratrie de trois garçons totalement livrés à euxmêmes survit soudée dans une relation fusionnelle. Leurs parents,
mère blanche et père portoricain, n’étaient que des adolescents à
la naissance de leur premier enfant et sont restés aussi immatures et
imprévisibles qu’alors. Au quotidien, tandis que « Ma » travaille de
nuit, « Pa » tente de trouver du boulot et distribue les coups à sa femme
et à sa progéniture. Les enfants qui ne mangent pas tous les jours,
dorment dans le même lit pour se réchauffer. Le bruit et le désordre
submergent leur existence chaotique.
Les courts chapitres du roman se suivent à un rythme haletant, de
la perte de l’innocence du narrateur à l’âge de 7 ans, jusqu’à « la
rupture » avec ses aînés qui adoptent la violence du père. Le jeune
garçon se réfugie dans les mots et l’écriture. Le récit s’achève dans
une brutalité inouïe. La traduction littérale du titre, Nous, les animaux,
aurait rendu plus évident le ton percutant du roman, écrit dans un
registre familier et narré par le plus jeune des enfants. Ce dernier, dont
on ignore le prénom, livre son récit familial sans misérabilisme et sans
fard. Ce roman magnifique par son écriture et sa sincérité laisse le
lecteur abasourdi. Il est à réserver à des lecteurs avertis.
■ Cécile Robin-Lapeyre
Lecture Jeune - juin 2012
63
Parcours de lecture
Lecteurs confirmés BD
34 I La Chambre de Lautréamont
Le sous-titre accrocheur présente l’ouvrage comme « le premier roman
graphique publié en 1874 enfin dans son édition originale » – ce qui
bouleverserait toute l’histoire de la bande dessinée ! – dont les auteurs
seraient un certain Auguste Bretagne, obscur feuilletoniste, et le peintre
Eugène de T.S. Tous deux fréquentent les milieux artistiques parisiens,
bohêmes et contestataires, dans le Paris d’après la Commune. Le groupe
« zutiste » et ses blagues délirantes ainsi que l’usage du peyotl incitent
Bretagne à croire que l’esprit d’Isidore Ducasse, comte de Lautréamont,
hante toujours la chambre qu’il loue rue du Faubourg Montmartre et
dans laquelle le poète est mort. Dans cette pièce chargée de mystère,
Bretagne va découvrir un septième Chant de Maldoror que Lautréamont
et le jeune Rimbaud auraient écrit au cours d’une nuit hallucinée et un
appareil d’enregistrement, inventé et caché par Charles Cros.
La Chambre de Lautréamont est une mystification habilement construite,
pour lecteurs avertis : il y a un réel plaisir à retrouver des citations des
Chants de Maldoror ou du Bateau ivre, des références à Edgar Allan
Poe ou à Villiers de l’Isle Adam. Le graphisme comme la palette de
couleurs aux tons glauques et passés s’accordent parfaitement à cette
atmosphère hallucinée et mystérieuse. Les textes d’introduction et de
conclusion qui « authentifient » l’œuvre retrouvée ou la critiquent jouent
habilement entre réalité et fiction.
■ Colette Broutin
Corcal
Ill. d’Edith
Futuropolis, 2012
125 p.
20 €
9782754803526
Mots clés
Fantastique
Poésie
35 I Nous n’irons pas voir Auschwitz
Martin et Jérémie Dres se rendent en Pologne en 2010, un an après
la mort de leur grand-mère Terma avec laquelle ils avaient des liens
affectifs très forts. L’auteur veut comprendre ce qui fait l’identité juive
dans la Pologne contemporaine. Il s’agit pour lui de découvrir ce que
fut le pays pour les Juifs avant la Shoah et ce qu’il est depuis. Le titre
du livre, pourrait sembler provocateur mais prend sens car ils « ne vont
pas voir Auschwitz », préférant se tourner vers l’avenir.
Ce roman graphique dessiné d’un trait simple, un peu naïf, s’adresse
à un large public. L’auteur témoigne de son expérience avec distance
et humour. Il honore la mémoire familiale et l’Histoire sans occulter
aucune des tensions qui subsistent entre les Juifs et la Pologne. À
travers une multitude de rencontres avec la jeune génération d’artistes
polonais à Varsovie, un rabbin progressiste américain ou encore
l’historien Jean-Yves Potel – spécialiste de l’Europe Centrale, c’est une
image moderne et contrastée de la nouvelle communauté juive de
Pologne qui émerge de ce récit intimiste.
■ Cécile Robin-Lapeyre
Lecture Jeune - juin 2012
Jérémie Dres
Cambourakis, 2011
208 p.
19,30 €
978-2916589763
Mots clés
Famille
Pologne
Mémoire
Shoah
64
Lecteurs confirmés
36 I A. D.
La Nouvelle-Orléans après le déluge
Josh Neufeld
La Boîte à bulles, 2011
(Contre-cœur)
207 p.
18 €
978-2-84953-130-3
Mots clés
Témoignage
Ouragan
Nouvelle-Orléans
Au mois d’août 2005, l’ouragan Katrina a balayé les Bahamas,
Cuba, une partie du sud-est des États-Unis et en particulier la NouvelleOrléans. Le bilan est très lourd : près de 2 000 victimes, des quartiers
dévastés et une reconstruction extrêmement difficile. A.D. La NouvelleOrléans après le déluge suit l’itinéraire de sept habitants, de milieux
sociaux et culturels différents mais tous liés par un même attachement
à leur ville. Si les uns décident de la quitter, d’autres choisissent de
rester, par bravade ou par nécessité. Angoisse, peur, découragement,
optimisme invétéré : tous vivront, selon leur personnalité et leur propre
perception du phénomène, une épreuve forcément marquante.
Ce roman graphique s’appuie sur l’expérience de l’auteur, volontaire
dans les équipes de secours de la Croix Rouge dans l’état du
Mississippi, également touché par l’ouragan, et sur les témoignages
qu’il a lui-même recueillis. La narration chronologique est rythmée
par l’alternance des différents récits, les planches bicolores donnent
de l’intensité à un dessin précis et expressif. Une longue postface
précise les événements et explique la genèse de l’œuvre. Josh Neufeld
a construit un récit très humain et sensible du drame qu’ont vécu les
habitants de la Nouvelle-Orléans.
■ Benoît Petit
Réseau de lecture : Sur le même sujet, nous conseillons la lecture du
roman de Laurent Gaudé, Ouragan (Actes Sud), dans lequel le lecteur
suit le parcours d’habitants de la Nouvelle-Orléans alors que Katrina
déferle sur ville. A conseiller à des lecteurs avertis.
37 I Une métamorphose iranienne
Mana Neyestani
Trad. de l’anglais
par Fanny Soubiran
Çà et Là, 2012
200 p.
20 €
9-78-2-916-20765-0
Mots clés
Iran
Exil
Régime autoritaire
« Tout a commencé avec un cafard », une illustration de Mana
Neyastani publiée dans un hebdomadaire jeunesse, représentant
un garçon de 10 ans se confrontant à cet insecte qui prononce un
mot azéri. Les azéris – une communauté minoritaire d’origine
turque opprimée par le régime iranien –, voient dans ce dessin une
provocation supplémentaire et se soulèvent. Les manifestations
s’étendent dans ce pays où les droits de l’homme sont bafoués. L’auteur
sera condamné pour troubles à l’ordre public.
Ce cafard est aussi un symbole kafkaïen des complexités de
l’administration iranienne. Comment ne pas finir « broyé » par un
système qui encourage la corruption des fonctionnaires ? Après deux
mois de détention, l’ultime solution de Mana Neyestani sera l’exil
sans retour possible. Ce dernier se livre sans occulter les angoisses
et les attentes interminables, en prison, dans les aéroports, chez lui.
S’il a peu connu de violences physiques, il révèle le harcèlement, la
brutalité du régime iranien. Le dessin en noir et blanc et le ton de
la bande dessinée, évoquent l’illustration de presse satirique. Ce
traitement graphique intensifie un propos sobre et distancié. L’auteur,
en révélant son parcours, s’inscrit dans la veine de la bande dessinée
Lecture Jeune - juin 2012
BD
documentaire touchant un large public sur des faits d’actualité. Si
l’ouvrage ne nécessite pas de connaître les enjeux politiques de l’Iran,
il reste néanmoins adressé à de très bons lecteurs.
■ Anne Clerc
Lecture Jeune - juin 2012
65
66
Parcours de lecture
Lecteurs confirmés
Documentaires
38 I Parlons immigration
en 30 questions
François Héran
La Documentation française, 2012
(Doc en poche, entrez dans l’actu)
97 p.
5,90 €
978-2-11-008788-1
Mots clés
Immigration
Débat de société
Intégration
François Héran, démographe et directeur de recherches à l’INED,
aborde en trente questions le thème de l’immigration en France. Dès
l’introduction, il met en évidence la complexité du sujet en prenant pour
exemple l’accès au marché du travail pour les étudiants étrangers.
Les questions clairement annoncées dans le sommaire permettent
d’aborder tous les aspects du sujet : définitions des notions, statistiques
récentes et commentées sur les flux migratoires, données juridiques
sur le droit d’asile et celui de la nationalité, analyse économique
de l’immigration, choix politiques, situation dans d’autres pays…
Toutes les données sont mises en perspective. Pour comprendre ce
thème, le lecteur peut lire l’ouvrage d’une traite ou sélectionner les
questions selon ses centres d’intérêts. Ce documentaire dense mais
clair est une très utile synthèse. Il permet de fonder une réflexion
citoyenne sur un sujet qui met en jeu la cohésion de la société. Les
questions abordées peuvent toucher un public très large dès le lycée.
■ Marie-Françoise Brihaye
Nouvelle collection : Lancée en février 2012, à la veille des élections
présidentielles, la collection « Doc’en poche/ Entrez dans l’actu » n’a
rien perdu de son actualité. Comme sa présentation l’indique, elle
« s’adresse au plus grand nombre : le grand public à la recherche
d’informations fiables, les néophytes ou non connaisseurs d’un
thème d’actualité traité dans les médias et les gens pressés qui, sans
gaspiller ni temps ni argent, veulent se faire efficacement une idée sur
un sujet. » Les cing premiers titres disponibles concernent le nucléaire,
l’immigration, les impôts et le rôle du Président de la République. La
collection devrait compter une dizaine de titres par an.
39 I France 2012. Les Données
clés du débat présidentiel
Collectif
La documentation française, 2012
(Doc’en poche/Entrez dans l’actu)
139 p.
5,90 €
978-2-11-008784-3
Comment se repérer dans le débat politique et comprendre les enjeux
économiques et sociaux dont s’emparent régulièrement les médias ? À
l’occasion de l’élection présidentielle, l’ouvrage de la Documentation
Française se veut impartial. 24 thèmes sont traités. En économie,
sont évoquées les questions d’emploi, de croissance, de finances
publiques y compris du point de vue de la fiscalité et du commerce.
Sans surprise, les questions sociales abordent la santé, l’enseignement
Lecture Jeune - juin 2012
es
67
et l’environnement. Deux chapitres traitent des institutions et de la
décentralisation. Plus largement, une synthèse est proposée sur
les questions de fond de la société : laïcité, égalité homme-femme,
justice, délinquance, culture, immigration, dépendance, logement.
À l’international, trois chapitres abordent la mondialisation, l’Union
européenne et la présence française dans le monde.
Les grands thèmes sont analysés et déclinés sur une double-page : les
questions et des réponses concises sont confrontées à des données
statistiques permettant des comparaisons avec d’autres états, à des
définitions ou à des rappels des lois récentes et de leurs effets (loi TEPA
ou loi DALO, par exemple). Cet ouvrage donne certes des clés pour
mieux comprendre l’actualité et décrypter les discours des principales
formations politiques mais son intérêt documentaire perdure au-delà
des échéances électorales. ■ Laurence Guillaume et Colette Broutin
Lecture Jeune - juin 2012
Mots clés
Débat de société
Lois
Statistiques
68
Parcours de lecture
Ouvrages de référence
40 I MetaMaus.
Un nouveau regard sur Maus,
un classique des temps modernes
Art Spiegelman
Trad. de l’anglais (États-Unis) par
Nicolas Richard
Flammarion, 2012
300 p. + 1 DVD
30 €
978-2080689672
Genre
Biographie
Mots clés
Témoignage
Roman graphique
Shoah
Paru en 1986 aux États-Unis, Maus : un survivant raconte a valu à
son auteur le prestigieux prix Pulitzer, décerné pour la première fois
à une bande dessinée. Avec Metamaus, Art Spiegelman revient sur
cette œuvre majeure et répond aux questions qu’elle a suscitées :
pourquoi la Shoah, pourquoi les souris, pourquoi la bande dessinée ?
Sous la forme d’un entretien, qui rend le texte très vivant, Spiegelman
raconte la genèse de son œuvre, née de ses longues conversations
avec son père Vladek. L’auteur rappelle l’histoire de sa famille – la
déportation à Auschwitz de ses parents, la mort de leur premier enfant,
le suicide de sa mère, Anja, en 1968 – et il analyse aussi la façon
dont le souvenir de la déportation hante la génération suivante (c’est
d’ailleurs un des grands mérites de Maus de montrer cette transmission
de la douleur) et ses rapports avec la famille qu’il a lui-même fondée.
Spiegelman se penche également sur l’élaboration graphique de son
œuvre, la replaçant dans son parcours d’artiste, de l’underground
américain des années 70 à son travail contemporain.. L’ouvrage est
accompagné d’un DVD qui, outre la version intégrale numérisée de
Maus, offre de nombreux et précieux suppléments : enregistrement des
entretiens avec Vladek, archives familiales, carnets de croquis, sources
documentaires…
Le lecteur adulte trouvera dans ce livre les clés de ce roman graphique
autobiographique qui a donné au genre une forme de légitimité. Il
sera plus facile pour un médiateur, bibliothécaire ou enseignant,
d’expliquer la démarche de Spiegelman aux adolescents et de
présenter son parcours personnel et créatif. Ce making-of éclaire une
œuvre devenue classique tout en dévoilant les arcanes de l’art de la
bande dessinée.
■ Cécile Robin-Lapeyre
Lecture Jeune - juin 2012
69
41 I Je cherche un livre pour un enfant.
Le guide des livres pour les 8/16 ans
Que proposer à un jeune qui commence à lire tout seul ? Que lire en
fantasy après Harry Potter ? Qu’est-ce que la littérature fantastique ?
Autant de questions que se posent les prescripteurs ou les parents qui
souhaitent accompagner les jeunes dans leur parcours de lecture.
Quatre chapitres structurent cet ouvrage et multiplient les pistes
d’entrée pour sélectionner « le » texte le plus approprié aux envies de
l’adolescent. La première partie propose une sélection d’ouvrages en
fonction des compétences de lecture de l’enfant. La deuxième porte
sur les différents genres littéraires et une section importante porte sur
les « littératures de l’imaginaire ». La troisième aborde les thèmes et
les sujets les plus susceptibles de séduire les jeunes gens : les récits de
vie, les relations amoureuses, l’humour, etc. Enfin, la dernière partie
de l’ouvrage propose des index et de nombreuses ressources pour
mieux cerner « l’univers » du roman pour adolescents en présentant
ses principaux éditeurs ou les structures vers lesquelles se tourner. Une
chronologie rappelle entre autres les grandes dates de l’histoire de la
littérature jeunesse, des sites à consulter, des ouvrages de référence.
Ce documentaire fera le bonheur de tous les bibliothécaires ! Outre
des présentations succinctes des titres retenus, des encadrés mettent
en exergue des collections ou interrogent sur la place de la lecture
à une heure où les jeunes sont présents sur les réseaux sociaux. La
structure impeccable du documentaire permet de croiser différents
critères (âge, niveau de lecture, thématiques, genres littéraires, etc.)
pour proposer le titre le plus adapté. Aussi les médiateurs peuvent-ils
prolonger l’exercice en établissant d’autres paramètres pour compléter
ou enrichir ces sélections d’ouvrages. Les titres provenant de collections
pour adolescents sont largement représentés, mais le théâtre, les
documentaires, les albums et les bandes dessinées sont également
conseillés. Les interrogations épineuses sur les « bons » et « mauvais »
livres ou encore sur la lecture des mangas sont soulevées et dressent un
panorama complet des enjeux de la lecture chez les adolescents. Les
ouvrages suggérés, les conseils et les pistes de réflexions sont des outils
précieux pour tous ceux qui veulent susciter le plaisir de la lecture chez
les jeunes.
■ Anne Clerc
Tony Di Mascio
Gallimard Jeunesse/
Editions de Facto
146 p.
19,50 €
9-78-2-070-64350-9
Mots clés
Littérature jeunesse
Sélection
42 I Les Teen Movies
American Pie, Clueless, 30 ans sinon rien, etc. Autant de teen movies
qui laissent le spectateur adulte perplexe. Souvent dénigrés et perçus
comme un segment éminemment marketing, les films pour adolescents
sont l’objet de cet essai qui nous éclaire sur leurs sources et leur
diversité. Entre les franches comédies et les films d’auteur, les teen
movies ont pris leur essor dans les années 80, comme le démontrent
Adrienne Boutang et Célia Sauvage. Depuis, le genre et ses codes
Lecture Jeune - juin 2012
Adrienne Boutang
et Célia Sauvage
Vrin, 2011
135 p.
9,80 €
978-2-7116-2396-9
70
Ouvrages de références
Genre
Essai
Mots clés
Cinéma
Adolescence
n’ont cessé de se renouveler. Si les stéréotypes sont à l’œuvre dans
certaines productions, les auteurs affirment également, arguments
solides à l’appui, que ces films sont plus complexes qu’il n’y paraît :
« tous se font l’écho d’une période complexe, à la fois mauvais moment
à passer et source de plaisir et de jouissance. C’est là tout le paradoxe
de l’adolescence – et du teen movie. »
En 135 pages, le panorama des films de ce genre est complet et les
analyses précises et pertinentes. De nombreux parallèles peuvent
s’opérer avec les teen books dans la construction des intrigues,
l’attribution des rôles, les enjeux liés à la sexualité, etc. Ainsi, cinéma
et littérature se font écho et s’inspirent mutuellement dès lors qu’il est
question d’adolescence. Il en résulte que sous des aspects « grossiers »
et « sexistes », les teen movies sont plus moralisateurs et conservateurs
qu’il n’y paraît et aménagent de nombreux compromis afin d’être
acceptés… par les adultes. ■ Anne Clerc
Lecture Jeune - juin 2012
En savoir plus
Formations Index
page 72
page 74
72
En savoir plus
Formations Lecture Jeunesse Programme
Second semestre 2012
Nos stages et journées d’étude se déroulent à Paris à des dates prédéterminées. Les rencontres
d’auteurs et d’éditeurs sont organisées dans le cadre de nos formations et sont désormais ouvertes
à un large public. Les journées d’étude abordent des problématiques professionnelles et de société,
croisant les regards de spécialistes de la jeunesse et de la lecture, ainsi que les créateurs. Les
programmes détaillés seront annoncés sur notre site Internet www.lecturejeunesse.com, notre blog
http://bloglecturejeune.blogspot.com/ et Facebook.
Journée d’étude
● Accueillir des adolescents
en bibliothèque
Espaces, collections, services,
● Comités de lecture/prix littéraires :
médiations
retour sur des pratiques
de bibliothécaires
Problématique
Problématique
Les prix littéraires pour/par des jeunes se répartissent
sur le territoire tandis que les comités de lecture
d’adolescent(e)s sont toujours à l’honneur dans les
bibliothèques. Quelles pratiques diverses le terme
de « comité de lecture » englobe-t-il ? Quels sont les
objectifs de ces manifestations ? Quelles innovations
peut-on faire émerger ? Quelles évaluations sont-elles
proposées ? Comment les prescripteurs sélectionnent-ils
leurs titres ? A quelles maisons d’édition appartiennent
les primés ? Ces manifestations font-elle lire les ados ?
Quels livres plébiscitent-ils ? C’est à quelques-unes
de ces questions et à bien d’autres que cette journée
d’étude tentera d’apporter des réponses en analysant
comités de lecture et/ou prix littéraires adolescents en
France et/ou à l’étranger.
Dates : 22 novembre 2012
L’adolescence est un moment de passage à prendre
en compte et à accompagner. La fréquentation
des bibliothèques par ce public constitue une
problématique singulière. Comment considérer les
besoins des jeunes pour en améliorer l’accueil et
répondre à leurs attentes ?
Dates : 26-27-28 septembre 2012
Clôture des inscriptions : 12 juillet 2012
● Les adolescents et Internet :
la culture numérique
en bibliothèque
Problématique
Internet a bouleversé notre société et en particulier
notre rapport au savoir et à l’information. Les
adolescents se sont emparés de l’outil pour inventer
pratiques et usages. Comment mieux appréhender
cette « culture numérique », la prendre en compte ou
l’accompagner en médiathèque ?
Dates : 3-4-5 octobre 2012
Clôture des inscriptions : 3 septembre 2012
Stages
● Les romans
Accompagner les parcours
de lecture des jeunes
Problématique
Comment se repérer dans la production d’ouvrages de
fiction pour proposer aux jeunes des livres adaptés à
leurs parcours de lecteurs ?
Dates : 12-13-14 septembre 2012
Clôture des inscriptions :10 juillet 2012
● Les romans pour jeunes adultes/
young adults
Quelles passerelles de la littérature
« pour » adolescents
à la littérature générale ?
Problématique
On assiste depuis quelques années à l’émergence
d’un nouveau « segment de marché » : les young
adults – pour reprendre le terme anglo-saxon –
sont courtisés par les éditeurs. Derrière la stratégie
Lecture Jeune - juin 2012
73
Inscriptions
Catherine Escher
Tél. : 01-44-72-81-50
[email protected]
Tarifs des stages de 3 jours
410 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
305 € TTC (Prise en charge personnelle)
Tarifs des stages de 2 jours
Renseignements pédagogiques
275 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
205 € TTC (Prise en charge personnelle)
Sonia de Leusse-Le Guillou
Tél. : 01-44-72-81-52
Anne Clerc
Tél. : 01-44-72-81-53
65 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
35 € TTC (Prise en charge personnelle)
15 € TTC (étudiants)
Tarifs des journées d’étude
Tarifs des formations sur site
Nos formations peuvent être organisées sur site
(devis à la demande).
commerciale, quelles sont les spécificités de ces titres ?
Quels sont les livres que l’on peut qualifier d’ouvrages
« passerelles » ? Comment susciter les passages d’une
littérature de jeunesse à une littérature adulte ?
● Les documentaires
Quelle place pour les ouvrages
documentaires dans la construction
des savoirs à l’heure d’Internet ?
Dates : 17-18-19 octobre 2012
Clôture des inscriptions : 10 juillet 2012
Problématique
● Les littératures graphiques
Romans graphiques, albums,
bandes dessinées, mangas…
Problématique
Les adolescents d’aujourd’hui ont une culture de l’image
très étendue. Ils sont lecteurs de mangas et de bandes
dessinées. On voit se développer dans le secteur de
l’édition des formes hybrides : romans graphiques,
récits illustrés, albums… Fondées sur la force et la
singularité du rapport entre le texte et l’image, elles
offrent des pistes d’entrée dans la lecture riches et
étonnantes. Comment leur faire découvrir et apprécier
ces nouvelles formes visuelles dans le domaine du livre ?
Quels liens tisser entre ces littératures graphiques ?
Dates : 14-15-16 novembre 2012
Clôture des inscriptions : 17 septembre 2012
Nouveau !
● La fantasy et les littératures
de l’imaginaire
Problématique
Souvent considérée par les adultes comme une
littérature de niche voire une paralittérature, la fantasy
et plus largement les littératures de l’imaginaire
séduisent les jeunes lecteurs. De plus en plus de livres
brouillent les limites entre les genres ou les âges. La
fantasy semble ignorer les frontières entre littérature
jeunesse et générale... Comment se repérer dans cette
production méconnue ?
Pour leurs recherches scolaires, les adolescents utilisent
Internet avant de se tourner vers le livre documentaire,
oubliant qu’il peut constituer une étape du repérage
tout en suscitant le plaisir de la lecture. Comment
prendre en compte la demande de renseignements
scolaires et le besoin de découvertes personnelles
dans la constitution d’un fonds qui soit à la fois
cohérent et repérable ?
Dates : 12-13-14 décembre 2012
Clôture des inscriptions : 12 novembre 2012
● Concevoir et animer un projet
en direction des adolescents
en bibliothèque
Problématique
Les adolescents représentent un public – ou un « non
public » – aux attentes et pratiques parfois déroutantes.
Comment instaurer une relation de confiance avec
les jeunes pour les intéresser aux fonds et actions
proposées par la bibliothèque ? Comment mettre en
œuvre des projets de médiation en direction de ce
public ?
Dates : 20-21 décembre 2012
Clôture des inscriptions : 20 novembre 2012
Dates : 29-30 novembre 2012
Clôture des inscriptions : 29 octobre 2012
Lecture Jeune - juin 2012
74
En savoir plus
Informations
Prix
Lecture Jeunesse
• Le prix Ados Rennes-Ille-et-Vilaine 2012 est attribué
à Oksa Pollock, l’inespérée. La majorité des 2066
jeunes des collèges d’Ille-et-Vilaine a voté pour ce livre
écrit par Anne Plichota et Cendrine Wolf.
Site Internet : www.bibliotheques.rennes.fr/fr/actusbibli/prix-ados-2012.html
Page Facebook : www.facebook.com/prixados
Suivez l’actualité de Lecture Jeunesse sur Internet
et les réseaux sociaux !
• Le prix Imaginales des Collégiens 2012 a été
attribué à Charlotte Bousquet, pour Nuit tatouée. La
Peau des rêves (L’Archipel, 2011), par un « grand
jury » de 35 collégiens représentant plus de 450
collégiens de Lorraine. Jean-Luc Marcastel est arrivé
second, avec Le Dernier hiver (Hachette, 2011).
Notre site Internet : www.lecturejeunesse.com
Notre blog : bloglecturejeune.blogspot.fr/
Notre page Facebook : www.facebook.com/lecture.
jeunesse
Notre compte Twitter : twitter.com/Lecturejeune
Notre revue de presse sur Scoop-it : www.scoop.it/t/
lecture-jeunesse
Nos publications accessibles en ligne sur Issuu
(le catalogue des formations, le catalogue de la revue
Lecture Jeune, nos coups de cœur et nos sélections,
etc.) :
issuu.com/lecturejeunesse
• Le prix Imaginales des Lycéens 2012 a été attribué
à Stéphane Beauverger pour Le Déchronologue
(Folio SF, 2011), par un « grand jury » de 35 lycéens
représentant plus de 400 lycéens de Lorraine. David
S. Khara, avec Le Projet Bleiberg (Editions Critic,
2010) est arrivé en seconde position.
Site Internet : www.imaginales.fr
Page Facebook : www.facebook.com/imaginales
Lecture Jeune - juin 2012
Index
Auteurs page 76
Titres
page 77
Genres et mots clés
page 78
76
Index Auteurs
A
Ahmad, Omair
Angelini, Josephine
B
Baussier, Sylvie
Bossard, Florent
Bousquet, Charlotte
Boussinot, Roger
Boutang, Adrienne
notice
27
1
notice
26
11
14
28
42
C
notice
Caillet, Marie
15
Cassim, Shaïne
2
Chabas, Jean-François
29
Corcal34
D
David B.
Di Mascio, Tony
Doctorow, Cory
Dres, Jérémie
notice
9
41
16
35
E
notice
Edith34
F
Fargetton, Manon
Fombelle (de), Timothée
Ford, Christopher
Fullman, Joe
G
Groison, David
H
Hachemi, Chékéba
Hajaji, Kamel
Hartley, Matt
Héran, François
Hill, Susan
K
Kendall, Anna
M
Martin, Edwige
Mauri, Christophe
N
Neufeld, Josh
Neyestani, Maya
P
Pitcher, Annabel
notice
3
17
24
12
R
Reynès, Mathieu
Rouquette, Anne
S
Sauvage, Célia
Scarrow, Alex
Schaack, Laurence
Schouler, Piérangélique
Spiegelman, Art
Stefanini, Anne-Sophie
notice
10
26
notice
42
7
21
13
40
32
T
notice
Tanquerelle9
TenNapel, Doug
25
Torres, Justin
33
V
Vernay, Valérie
Viozat, Sébastien
W
Warman, Jessica
Witek, Jo
Z
Zambon, Catherine
notice
10
11
notice
22
8
notice
23
notice
13
notice
30
18
19
38
31
notice
20
notice
4
5
notice
36
37
notice
6
Lecture Jeune - juin 2012
77
Index Titres
A
A.D. La Nouvelle-Orléans
après le déluge
Abeille (L’) B
Béton qui coule
dans nos veines (Le) notice
36
19
notice
21
C
notice
Chambre de Lautréamont (La) 34
Chienne de l’ourse (La) 23
Conteur (Le) 27
D
Dame en noir (La) notice
31
F
notice
Faux-visages (Les) :
une vie imaginaire
du Gang des Postiches
9
France 2012.
Les données clés du débat
présidentiel39
N
Nous n’irons pas
voir Auschwitz
O
Odyssée de Zozimos (L’), T. 2
Oh ! L’antiquité
Oh ! Les sciences Ours-Lune (L’). Fort Sutter, T. 1
H
Héritage des Darcer (L’).
Allégeance, T. 2
T
T’as la tchatche
Teen-movies (Les) Terre de l’impiété (La) Time Riders
I
Insolente de Kaboul (L’) notice
30
J
notice
Je cherche un livre pour enfant 41
Jolène2
June. Le Souffle, T. 1
3
notice
24
12
12
11
R
notice
Récit intégral (ou presque)
d’une coupe de cheveux ratée 8
Reste avec moi
22
S
Starcrossed.
Amours contrariés, T. 1
15
35
P
notice
Paris inch’Allah
18
Parlons immigration
en 30 questions
38
Peau des rêves (La). Nuit tatouée,
T. 1 et Nuit brûlée, T. 2
14
Prises de vues.
Décrypter la photo d’actu
13
G
notice
Ghostopolis25
Guichets du Louvre (Les)
28
notice
notice
V
Vango.
Un prince sans royaume
Vers la mer
Vie animale
notice
1
notice
26
42
29
7
notice
17
32
33
L
notice
Landes d’Âmevignes (Les).
Le Pays des morts, T. 1
20
Little Brother
16
Luxomania : confidences
d’une vendeuse dans l’univers
secret du luxe
4
M
notice
Ma sœur vit sur la cheminée
6
Mathieu Hidalf, T. 1 et T. 2
5
Mémoire de l’eau (La),
T. 1 et T. 2
10
MetaMaus. Un nouveau regard
sur Maus, un classique
des temps modernes
40
Métamorphose iranienne (Une) 37
Lecture Jeune - juin 2012
78
Index Genres et mots clés
Genres
B
notice
Biographie40
C
notice
Conte27
notice
D
Docu-fiction21
E
notice
Essai42
F
Fantasy
notice
3, 5, 15, 20
G
notice
Guide41
J
Journal intime
R
Roman
Roman
Roman
Roman
Roman
Roman
Roman
notice
8
notice
d’amour
2
d’aventure
17
fantastique
1, 31
intimiste
32
post-apocalyptique
14
psychologique
6, 23,
29, 33
social
18
S
notice
Science-fiction16
T
notice
Témoignage
4, 28, 30
Théâtre19
Thriller22
U
notice
Uchronie7
Mots clés
A
notice
Actualité13
Adolescence42
Afghanistan30
Amour
1, 2, 27
Antiquité12
Antisémitisme28
Aventure
3, 5, 7, 10, 15, 24
C
notice
Cinéma42
Corps23
Création27
D
Débat de société
Destin
Deuil
Droit des femmes
notice
38, 39
1, 3
2, 6, 19
30
notice
E
Écriture33
Enquête
17, 22
Espace public
19
États-Unis11
Exclusion14
Exil37
F
Famille
Fantastique
Fantôme
notice
6, 33, 35
10, 25, 34
22, 25, 31
G
Guerre d’Algérie
notice
29
H
notice
Harkis29
Histoire21
Homosexualité23
Humour
5, 8, 24
I
notice
Immigration38
Intégration38
Intrigue de Cour
15, 20
Iran37
L
notice
Langage26
Lecture d’image
13
Légende11
Linguistique26
Littérature jeunesse
41
Lois39
Luxe4
Lycée8
M
notice
Magie
3, 5, 15
Maladie25
Malfrat9
Marginalité33
Mémoire
28, 35
Misère18
Mode4
Monde du travail
4
Mots26
Musique
2, 21
Mystère
11, 14, 31
Mysticisme29
Mythologie
1, 24
N
notice
Nouvelle-Orléans36
O
notice
Ouragan36
P
notice
Paris17
Photographie13
Poésie34
Polar9
Pologne35
Lecture Jeune - juin 2012
Q
Quête d’identité
notice
14, 18
R
notice
Rafle du Vel d’Hiv
28
Rap21
Récit enchâssé
27
Régime autoritaire
16, 30, 37
Relation mère/fille
32
Réseaux sociaux
19
Révolte16
Roman graphique
40
S
notice
Science12
Sélection41
Shoah
28, 35, 40
Statistiques39
T
notice
Témoignage
36, 40
Terrorisme16
Tunisie18
V
notice
Vie affective
23
Voyage dans le temps
7
Voyage initiatique
17, 20, 32
79
Ours
Lecture Jeune
190, rue du Faubourg Saint-Denis - 75010 Paris
Tél. : 01 44 72 81 50 - Fax : 01 44 72 05 47
Courriel : [email protected]
Site : www.lecturejeunesse.com
Directrice de la publication
Bernadette Seibel
Directrice de la rédaction
Sonia de Leusse-Le Guillou (81-52)
Rédactrice en chef
Anne Clerc (81-53)
Administration
Catherine Escher (81-50)
Conception
Réalisation
Isabelle Dumontaux
Correction
Caroline Gaume
Illustration de couverture
Flickr/Ownipics/Elliot Lepers/www.viteungraphiste.com
Ont collaboré à ce numéro
Colette Alves, Mélanie Archambault, Thomas Bailly, Nicolas Beaujouan, Cyrielle Bonnot,
Marie-Françoise Brihaye, Colette Broutin, Anne Clerc, Marilyne Duval, Sébastien Féranec,
Aurélie Forget, Guilhem Gautrand, Laurence Guillaume, Marion Jagu, Marianne Joly, Soizik
Jouin, Sophie Lartigue, Léa Lefèvre, Frédéric Leray, Sonia de Leusse-Le Guillou, Amélie
Mondésir, Benoît Petit, Cécile Robin-Lapeyre, Caroline Rouxel.
Impression
L’Artesienne - Dépôt légal : juin 2012
Tél. : 03 21 72 78 90
I.S.S.N. 1163-4987
C.P.P.P. n° 1112G79329
Revue éditée par l’association Lecture Jeunesse
Association de loi 1901 déclarée le 4 janvier 1974
Agréée par le Secrétariat d’Etat Jeunesse et Sports le 27/01/1977 – N° 94.155
Cette revue est publiée avec le concours de la Mairie de Paris
L’Association reçoit le soutien de la Fondation Blancmesnil.
Lecture Jeune - juin 2012
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Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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