Le Figaro -‐ L`Héol, la Muse, l`Eusko...les monnaies locales

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Le Figaro -‐ L`Héol, la Muse, l`Eusko...les monnaies locales
 Le Figaro -­‐ L'Héol, la Muse, l'Eusko...les monnaies locales fleurissent Article en ligne ici INFOGRAPHIE.- Les projets de monnaies locales complémentaires se multiplient
en France. Où circulent-elles ? Combien de Français les utilisent ? Quelles sont
leurs perspectives de développement ?
Le coup d'envoi a été donné à Villeneuve sur Lot en janvier 2010, où l'association «Agir
pour le Vivant» a proposé à ses habitants de convertir leurs euros enAbeilles. Depuis, une
dizaine de monnaies locales complémentaires circulent dans plusieurs régions de
l'Hexagone. La ville de Roman sur Isère (26) a développé La Mesure, La Muse circule à
Angers (49), le Sol-Violette à Toulouse (31) et plus récemment, l'Héol a pris son envol
dans le Finistère (29), autour de Brest en Bretagne. Elles sont souvent à l'initiative de
citoyens désireux de proposer une alternative à l'Euro.
D'un bout à l'autre de la France, tous les instigateurs de ces projets sont unanimes: ces
monnaies complémentaires permettent de «relocaliser l'économie», de «sortir la monnaie
du champ spéculatif» et représentent une «excellente réponse à l'instabilité des marchés»,
indique Pierre-Yves Lebecque, chargé de mission à l'Adess Pays de Brest, qui milite pour
une monnaie «éthique». Ainsi, les prestataires sont souvent des producteurs locaux, des
artisans-commerçants bio ou encore des structures associatives.
Peu d'utilisateurs…
Ces projets ont toutefois une portée relative. A Roman-sur-Isère, environ 10.000 Mesures
circulent entre 70 prestataires et 250 foyers sur un bassin de vie comptant près de 50.000
habitants. Même chose à Villeneuve-sur-Lot, où 14.000 Abeilles sont utilisées par une
centaine d'entreprises locales et une centaine de familles sur un territoire de 35.000
habitants environ. «C'est une goutte d'eau dans la mer, reconnaît Françoise Lenoble,
coprésidente de l'association Agir pour le Vivant. Mais cela prend nécessairement du temps
pour que les gens s'y mettent».
Sur les marchés, lors de manifestations culturelles, les responsables de ces projets tentent
de convaincre les habitants de leurs communes, parfois, sans succès. «La plupart des gens
ont l'impression que ce sont des billets de Monopoly, concède Michel Lepesant,
cofondateur de la Mesure. Certains pensent aussi que c'est un truc de baba cool»,
poursuit-il. Au Pays de Brest, Pierre-Yves Lebecque reconnaît que les 200 utilisateurs de
l'Héol sont majoritairement «sensibilisés à l'économie sociale et solidaire».
Regroupés en réseau national via le site «Monnaies locales complémentaires», tous
les responsables de ces projets se réunissent deux fois par an pour partager leurs
expériences respectives, se conseiller et faire découvrir leurs initiatives dans d'autres
régions. Michel Lepesant coordonne ces rencontres: «Nous en avons fait une à Villeneuvesur-Lot, puis une autre à Angers, explique-t-il. Depuis, plusieurs projets se sont mis en
place autour de ces deux villes».
…mais les projets se multiplient
En effet, 8000 Héols circulent depuis janvier 2012 dans le pays de Brest. La Muse autour
d'Angers a été lancée en avril et 12.000 euros ont déjà été échangés. À Nantes, deux
projets sont en cours de disscussion tandis que la ville de Concarneau prévoit de mettre en
place la Sardine courant décembre. Au Pays Basque, l'Eusko devrait être mis en circulation
en janvier 2013. «Et ce sont seulement les projets que nous avons référencés, prévient
Michel Lepesant. D'autres sont peut-être en train de naître sans que nous le sachions».
Pour l'heure, Michel Lepesant en a dénombré une petite vingtaine. C'est le cas de la
commune de Montreuil, en Île de France, qui prévoit de lancer la Pêche à l'été 2013. «En
situation de crise, ce genre de monnaie est un très bon moyen de redémarrer une
économie locale», justifie Bastien Yverneau, l'un des porteurs du projet. En somme, «c'est
une façon de se réapproprier l'économie, ajoute-t-il. Par exemple, quand vous payez un
produit 10 euros dans un Franprix, vous ne savez pas où va votre argent, probablement
dans une banque, puis sur le marché financier. En payant avec des Pêches, le citoyen sait
que sa monnaie va passer dans plusieurs mains pendant que les euros convertis seront en
sécurité dans une société coopérative de finances solidaires, appelée la Nef». À terme, ces
fonds peuvent servir à financer des projets locaux.
À Nantes, le projet d'une monnaie locale lancé par Jean-Marc Ayrault, à l'époque maire de
la ville, est également sur les rails depuis un an et devrait voir le jour en juin 2013.
Contrairement aux autres projets, les premiers échanges de cette monnaie dématérialisée
se feraient d'abord entre entreprises, par le biais de virements, avant de gagner
progressivement leurs salariés. Ceux-ci pourraient alors régler leurs achats dans des
commerces partenaires, grâce à une carte magnétique ou leur téléphone portable.
Parallèlement, les membres du réseau devraient payer une cotisation périodique, qui
alimenterait un fonds de garantie libellé en euros pour racheter les dettes d'une entreprise
en faillite.
«Ces monnaies ne vont pas nous sauver de la crise»
Environ 80 créateurs de projets devraient se retrouver à Montreuil fin novembre afin de
mettre en place une charte commune aux monnaies locales complémentaires. Pour
Bernard Lietaer, économiste et auteur de l'ouvrage «Au cœur de la monnaie» (Yves Michel,
2011), «ces monnaies restent anecdotiques et marginales en France et ne vont
certainement pas nous sauver de la crise, commente-t-il. En Allemagne, ils ont 60
monnaies régionales dont 40 fonctionnent très bien par exemple». En plus des monnaies
locales, il préconise une monnaie inter-entreprise, à l'image de celle émise par la banque
suisse Wir, reconnue pour contribuer de manière significative à la stabilité de l'économie
Suisse.