1 - Equideow
Transcription
1 - Equideow
Prologue 21juillet,-356av.J-C Lejourdelanaissanced’AlexandreleGrandeutlieuunautreévénementàl’incidence profondesurl’humanité.L’unedesSeptmerveillesdumonde,letempled’Artémisà Éphèsedansl’actuelleTurquie,futincendiéetentièrementravagéparundénommé Érostrate.Souslatorture,ilavouaqu’ilcherchaitàtoutprixlagloire,lacélébrité,et n’avaitpasd’autremoyend’yparvenir.Ilfutconduitdevantlajustice,sousleregardplein dehaineetdedégoûtdupeuple. Maissilesjugesetlafouleavaientétémoinsaveuglésparlacolère,ilsauraientremarqué laSybille,éclairéedanslanuitparlesdernièresflammesdesruinesdutemple.Lavieille femmeauxyeuxrévulsés,agitéedeconvulsions,poussaitdescrisdélirantsannonçantune transeprophétique.Unprêtresurvivantdel’incendierecueillitsonoracle,avantqu’ellene tombedansunesorted’anéantissementquidureraitplusieursjours.Ilgravaparlasuite surunetablettedecuivrelesproposdelaSybille.Celle-ciprononçad’unevoixsemblant provenirdel’Olympedesdieux: Grandeestlacolèred’Artémis,filledeZeus.Elleauraitpunielle-mêmelemortel sacrilèged’uneflèched’argentenpleincœur,siunouvragepressantnelaretenaitau loin.Ladéesseveilleencemoment-mêmesurl’accouchementdel’enfantquifera respecterlesdieuxsurtoutl’empireterrestre.Artémis,déessedelachasse,delanature sauvageetdesanimaux,déessedessages-femmesetdéesse-constellationdelaGrande Ourse,décrocheuneétoiledelaconstellationduCentaureetl’offreàl’enfantpour guidersaglorieusedestinée.Ilseraainsisouslaprotectiondel’êtremythique,mihommemi-cheval,liantsadestinéeàChironetauxchevaux. Maiscetaffrontd’Érostratenepeutsereproduire.Plusjamaisleshommesnedevrontse mesurerauxdieux.Lafoliedesgrandeursetlagloiresontdesfaiblesseshumainesqui nepeuventnuireànouveauauroyaumedesdieux,nimêmeauxautreshommes. Artémisajoutealorsunautrepouvoiràl’étoile:siparmalheur,sonporteurdevait succomberàladémenceoulafureur,sisonambitionexcédaitlamesure,alorsl’étoilele mèneraitàsaperte. Tantqu’ilgarderacetteétoile,nulnepourral’abattre.Tantqu’ilresterahumbleet honnêtedanssesactes,tantqu’ilgarderamesureetsagesse,ilserainvincible.Maiss’il faillit,ilseraconsuméparlacolèredeZeus. Aumêmemoment,l’enfantquideviendraitAlexandreleGrand,l’undesplusgrands conquérantsdumonde,poussasonpremiercri. LareineOlympias,prêtressedeZeusetambitieuseépousedePhilippeIIdeMacédoine, entenditautraversdesdouleursdel’accouchementl’oracled’Artémiscommeunprésage. Malgrél’épuisement,unsourirevictorieuxsedessinasurseslèvres:quellemèrenerêve paspoursonenfantd’unedestinéeexceptionnelle?Avecl’aidedesdieux,elleferaittout pouréduquerAlexandreetl’éleveraurangquiluiétaitdévolu,ilaccompliraitsespropres rêvesdepuissanceetdegloirepourl’éternité.Ellenecroyaitpasàlamiseengardedela Sybille.SiAlexandredevaitbénéficierdelaprotectiondesdieux,pourquoidevrait-il montrermesureetréserve?Ilseraitleplusgranddeshommes,meneurd’arméeset vénéréjusqu’àlanuitdestemps. Lorsquelasage-femmeconfialenouveau-néàsamère,Olympiaslepritdanssesbraset l’enlaçatendrement.Ellesentitalorsunpicaucreuxdesoncou.Prenantdurecul,elle aperçutuneétoilemordoréedanslepoingserrédesonenfant.Ellepritalorsconscience dupouvoirdecetobjet,quidevaitnereveniràpersonned’autrequ’Alexandre.Pensant quel’oracleluiétaituniquementdestiné,ellecrûtquepersonned’autreneconnaissait l’existencedel’étoile.Sasage-femmecependant,avaitvul’étoiled’Artémis;ellene pouvaitprendrelerisquequecesecretsoitdivulgué.L’imprudenteaccoucheuse succombademanièrefulguranteàsarencontreaveclesserpentsd’Olympias,avec lesquelscelle-ciavaitcoutumededormir.L’étoiled’Artémis,filleetmessagèredeZeus, seraitlamarquesecrètedel’offrandedesdieuxpourrendreAlexandreinvincibleet immortel… Unsecondtempled’ArtémisfutbâtiaumilieuduIVesiècleav.J.-C.surlemêmeplan.Le templeserapilléparlesOstrogothsen263,puisbrûléparleschrétiensen 401.L’empereurJustinienachèveradeledémantelerenprélevantunepartiedeses colonnespourlepalaisimpérialdeConstantinople.Justinienchercheralongtempsà comprendrelesensdesproposgravéssurlatablettedecuivrescelléesurl’unedespierres decolonne,commetantd’hommesaprèslui.Quin’auraitrêvédeposséderpourlui l’étoiledesdieuxtout-puissants?Ilgarderal’oraclegravédanssonpalais,enroulédans unimmensetapisbyzantin,cachédanssagrandebibliothèqueavectoussesautres trésors. Lehasard,ouledestin,fitqu’AlexandrepassaparÉphèsel’annéedeses23ans,et proposamêmed’aideràreconstruireletempleendonnantdel’orauxGrecs.Maisla populationapeuréerefusasonoffre,etilcontinuasaroute,n’ayantjamaispuposerles yeuxsurlaplaquedecuivrescelléesurl’unedescolonnesduNaos,lecœursacrédu temple. -1LeRéseau -«FuirBabylonedanslessables,suivrelasource,leslarmesdivinesd’orblanc,lesang surletempledepierredeZeus»…ProfesseurTemudjin,silederniercavalierdel’armée d’AlexandreleGrandaconfiélefragmentdel’étoileàdesprêtresd’untempledeZeus, celanepeutpascorrespondreautracétopographiquedesesdéplacementstelquenous l’avonsreconstitué.En-326etjusqu’aupartagedel’empireentresesgénéraux,dansles annéesquiontsuivilamortd’Alexandreen-323àBabylone,nousneretrouvonsaucune tracehistoriquenigéographiquedetemplesdédiésàZeusdanslazonedélimitée.Ou alorsilfaudraitdesannéespourdécouvrirsouslessablesdesdésertsdesvestigestelsque ceuxdeJérashenJordanie! -John,letempledeZeusàJérashestromain,pasgrec,commetantderuines postérieuresàAlexandreditesgréco-romaines,répondpatiemmentleprofesseur. -Jesaisbien,professeur,maisjecommenceàdésespérer.Hannibalpossèdequatredes cinqfragmentsdusceaud’AlexandreleGrand,etjecroisqu’onnetrouverapasledernier fragmentavantlui… LesmembresduRéseau,épuisésparleursrecherchesintenses,semblentcomplètement accablésparlesconclusionsdeJohn.C’estalorsqu’unevoixfémininebriselelourd silence: -Professeur? -OuiLeyla? -Reprenonsdepuisledébut.Noussommescertainsquelecavalier,encoremunidu fragment,atraverséledésertsyrienverslesud-ouestàpartirdeBabylone,sansatteindre nilamerMéditerranéenilaMerrouge.Lazonederecherchesselimitedoncaux territoirescomprisentrelesuddelaSyrie,lenord-ouestdel’ArabieSaouditeetla Jordanie.Poursurvivredanscescontréesdésertiques,ilanécessairementdûsuivrela pistedel’eau,recherchantlesrarespuitsetoasissouventséparésdeplusieursjoursde marche.Ilyasûrementrencontrédestribusnomades,transportantleurspropres croyancesenmêmetempsqueleurscaravanes,d’unecitélointaineàl’autre.Serait-il envisageablequelecavalier,égaréenterresinconnues,aitpurencontrerles représentantsd’uneautredivinitéqu’ilauraitassimiléeàZeus? -Leylatuesgéniale!s’écrieSalonqa.Lescaravanestransportaientàcetteépoque«les larmesdivinesd’orblanc»,l’encensprécieuxvenudel’actuelsultanatd’Omanà destinationdel’ÉgypteetdelaMésopotamie.Lesrichesnabatéensavaientlemonopole delaroutedel’encens,cepeuplenomadedontlenomvientde«nabat»quisignifie «source».Ilsexcellaientdanslestechniquesquipermettentdetrouver,stockeretcacher l’eaudansledésert. -Queldieuvénéraient-ils?intervientPablo.Est-cequ’ilyauntempleouunestatuepar là-basd’unZeuslocal? -LedieusuprêmeétaitDhû-Shara,ledieudelamontagne,répondJohn.Lesnabatéens n’avaientpasdereprésentationhumaniséedeleursdieux,maissurleslieuxconsidérés commesacrés,ilsdressaientdespierresrectangulaireslevéesappelées«bétyles», littéralement«demeuresdivines».Dansleurscérémonies,lestreizeprêtresaspergeaient lebétyleaveclesangdel’animalsacrifié.Cequiexpliquerait«lesangsurletemplede pierredeZeus». -EtleprincipallieudecultesesituaitàPétra,enJordanie,complèteLeylaenfrémissant d’excitation.Pétra,siteclasséaupatrimoinemondialdel’UNESCO,la«roche»degrès doréetvermeiloùlesnabatéensstockaientleursrichesses.Unecitécachéedansun dédaledefaillesgranitiques,inaccessible,horsdesvoiesnaturellesdepassage,entourée debuttes-refugesauxparoisvertigineusesetdevalléesetdéfilésétroitsquilarendaient imprenable… -JevousenvoielesplansdePétra,faitJohn.SilacérémonieducultedeDhû-Sharase situaitausommetdelamontagne,laprocessiondesprêtresetfidèlesrapportaitlebétyle etlesinnombrablesoffrandesautemplesituédanslavillebasse,làoùj’aiinscritune flèche.Sinosdéductionssontcorrectes,ilyadeforteschancesquelefragmentdusceau soitencorelà.ProfesseurTemudjin,prévenezvitelesmembresdel’UNESCOdeprotéger l’accèsautemple! Àcemoment,levisageduprofesseurTemudjin,unhommepourtantsidifficileà ébranler,montredessignesdedésarroi.Illèveunemainpourfairesigneauxmembresdu Réseaudefairesilence,tandisquesesyeuxsedirigentailleurs.Auboutd’untempsqui leursembleinterminable,ilannonce: -Onvientdemesignalerunflashd’informationterrible.Uneséried’explosionsd’origine inconnuevientderavagerunegrandepartiedesruinesdePétra.Jesuisdésolé… Aumêmemoment,uneconversationalieudanslescieux: -Bontravail.Lasommeconvenuevientd’êtreviréesurlecompteindiqué. Lesyeuxbleusdel’hommeseplissentdesatisfactiontandisqu’ilraccrocheavecson interlocuteursursontéléphonesatellite.Unsourirediaboliquesedessinesurleslèvresde JohnFitzgeraldHannibal,tandisquesonjetprivésurvolelaJordanie.Ilcaressedubout del’indexunmorceaudemétalmordorétriangulaire,uniquecontenud’unemallette renforcéecapablederésisteràl’impactd’unmissiledernièregénération.Qu’importela valeurd’unsitehistoriqueclasséàl’UNESCOpuisquesadestructionapermisaux archéologuescorrompusdesaFondation«HannibalHumanHistory»derécupérerle dernierfragmentdel’étoiled’AlexandreleGrand.Plusriennipersonnenel’empêchera désormaisderéalisersonprojet… -2Bavière,Allemagne Alorsquesonjetamorceenfinsadescente,Hannibalguetteparlafenêtrelestoursdeson château,Schattental,«levaldel’ombre»,bâtissechargéed’histoirequiappartenait précédemmentàundescendantdelafamilledeLouisIIdeBavière,rachetéeune coquettesommeparlaHannibalCorp.pourlatransformerenlaboratoire.Enfin,lejet s’engagedanslavalléeencaisséeentredeuxmontagnes,endirectiond’unchâteaude l’époqueromantique,àl’architectureéclectique:destyleroman,maisagrémenté d’élémentsnéo-gothiquesetbyzantins.Lechâteauestnichéaucœurd’uneforêtde grandspinsnoirs,entouréd’unimmensejardinenescalierauxmultiplesfontaines.Surle flancdroitdel’immensechâteausesitueuneconstructionenboisetenpierre,qui s’apparenteàunevastegrange,maisdontleplafondestbienplushautquecellesqu’on peuttrouverenmontagne.Autourdecetteconstruction,l’herbeverdoyanten’estpas coupée,maiselleestirrégulièreetprésentedeszonesdetrous,indiquantprobablementla présenced’animaux,confirméeparlaprésencedeclôturesélectriques.Bienqu’exempte detoutevieàcemoment-là,cettezoneavisiblementconnudestravauxpouraccueillir desanimaux.Audosduchâteau,setrouveunsombrebâtimentenpierre,fermé,qui ressembleàlagrangemaisquisembletoutaussivide. Ensurplombduchâteau,unepisted’atterrissagejureaveclepaysage,construitepour supporterlesallers-retoursdesemployésdelaHannibalCorp.etdeHanniballui-même. Tandisquesessbiresaccourentpourl’accueillir,Hannibalpatientetranquillementau sommetdel’escalierdujet,profitantdel’airhumideetpur,etdel’odeurmélangéede sève,demousseetd’herbesicaractéristiquedelaBavière.Ilrevientcependantviteàla réalitélorsqu’unevibrationàsonpoignetl’avertitdel’arrivéed’unmessage.Ilconsulte l’écrandesamontreconnectée,surlequelapparaîtunephotodeNadjaavecsononcleet satantedevantl’aéroportdeVladivostokenRussie. «Bontravail,Filipe.»répond-il. Hannibalsedirigealorsversl’entréeduchâteau,uneespècedepont-levisautomatiséqui donneaccèsàunimmensehallàl’architecturegothique.Desgargouillesmenaçantes surveillentl’entréedesvisiteurs,tandisqueleurspasrésonnentsouslehautplafond.Ses piedspleinsdeterresalissentuntapisbyzantinquirecouvreentièrementlesol,récupéré lorsd’unedesesexpéditionsàl’ancienneConstantinoplesurlestracesd’Alexandre.Des chaisesvideslelongdesmursattendentdesinvitésinexistants,deslustresdecristal pendentlelongducheminquedessinentlespiliersenarcdecercle,pouréclairerune piècequinebénéficieplusdelalumièrenaturelledesanciensvitraux,remplacéspardes vitresopaquesblindées. Hannibalempruntealorsunescalierquidescendencolimaçonsousleniveaudusol, faiblementéclairépardesampoulesencastréesdanslemur,etpénètrealorsdansunsas desécuritéquipossèdeunetripleprotection.D’abord,Hannibalimprimel’empreintede sonindexdroit,puistapeuncodesuruneinterfacedigitale,etenfinclamed’unevoix distincte: «JohnFitzgeraldHannibal» Laportesedéverrouillelentementetlaisseplaceàuncouloircirculairequifaitletourde l’escaliercentral.Hannibalmarcheàtoutehâtelelongducouloir,suivideprèsparunde sesgorillesencostumenoir,dépasseunepremièrepièceimmenserecouverted’écrans, danslaquelletroisemployéssurveillentattentivementlesfaitsetgestesdechaque personnevivantdanslechâteau,ainsiquechaquepièceetlesalentoursduchâteaugrâce auxdizainesdecamérasinstalléespartout.Legroupecontinuelelongducouloir circulaire,etarriveauniveaud’unedeuxièmesalleentièrementvitréequiressembleàun laboratoire.Partout,destablesetdumatérielchirurgicalentailleXXL,desgensenblouse blancheetmasqueschirurgicauxquis’affairent,deséprouvettes,desmicroscopes,des ordinateurs,despanneauxavecdesschémasdegénomesetdesflèchesquirelientdes équations.Sansmêmeunregardpourcetteactivitélaborantine,Hannibalarrivantau boutducouloir,seretourneetlegardes’arrêteetsepositionnedosàlui,pourluilaisser sonintimité. Àsagauche,l’escaliers’enfonceversundeuxièmeniveaudesous-sol,etenfacedelui, uneportesemblableàcelled’uncoffre-fort,auxmultiplespistonsetverrouillages mécaniques,etmunied’unepoignéeenformedegouvernail.Hannibals’approchealors, évitantsoigneusementundespavésdusolaucentredupassage.Ilsortlacléenformede croixà18pointsdesoussachemise,attachéeàunechaînedeplatine,etl’insèredansla serrureaucentredelapoignée.Puisilsaisitlarouedecombinaisonducoffre-fort,et tandisquesongardeattendpatiemment,Hannibaleffectuelecoded’ouvertureen tournantlegouvernaildegaucheetdedroite.Lescliquetisretentissentdéjàdansle couloir,laissantlahâted’Hannibaltransparaître. Lentementetavecunchuintementsourd,laportecèdeetcoulisse,ouvrantlepassagesur unepetitesallecirculaireauxreliefsmétalliques.Aucentre,unemachinecylindriqueavec ausommetunplateauenpierrevolcaniquenoiredontlescontourssontéclairésparune doucelumièredoréeetquipossèdeensoncentreunmotifcreuxenformed’étoileàcinq branches.Toutautourdelamachinesesituentdespromontoiresélectroniques surmontéspardesclochesenverrequiabritentdesprésentoirspasplusgrosqu’une main. Hannibalcontournealorslamachinecentralepourserapprocherdupromontoireaufond delapièce,etfaitcoulisserunpetitleviersurlecôtédel’objet,quidécouvrealorsunpavé numérique. Sesdoigtstapentàtoutevitesseuncodequipermetenfinderévélerl’intérieurdela cloche:unpetittroutriangulaire,danslequelilintroduitlecinquièmeetdernier fragmentdel’étoilequ’ilvientd’extrairedelamallette.Ils’adressealorsaugarde,lavoix tremblanted’excitation: -Christian,duchampagne. Tandisqu’ilreculeetquesamainseserresurlapoignéedelamallettevide,laclochese refermelentement.Enentendantlecliquetisdeverrouillage,ilpoussealorsunsoupirde satisfaction: -Toutestenfinprêt. -3Quelqu’untoqueàlaportedubureauoùHannibalrelitencoreunefoislatablettede cuivredérobéeautrésordel’empereurJustinien.Doit-ilsefierauxdivagationsd’une vieillefolledel’Antiquité,etprendresesmisesengardeausérieux?Non,sûrementpas, sedit-illorsquelesbruitsàlaportes’amplifientavecinsistance.Hannibalsedécideà répondreetreposeaveccolèrelatablettesurl’amasdeschémasetdeplansquirecouvrent sonbureau. -Quoi?!Qu’ya-t-ilencore?? -Monsieur,ilest19h. Hannibalavaitfaillioublierl’heure.S’extirpantdesonfauteuilencuirbrun,ilrange rapidementlamassedepapierssurlebureauovaleenchênemassifquitrôneaumilieude lapièce,éteintlapetitelampeàpiedàl’angledesdeuxmursd’étagèresrempliesdelivres etsuitsoninterlocuteurenrefermantsoigneusementlagrandeporteauxarmatures métalliques.Dévalantlesescaliersdelatourderrièresonsbire,ilnefaitmêmeplus attentionauxmeurtrières,auxpierresirrégulièresquicomposentlesmursdecettetour, auxmarquesdutempssurlesmarchesdontlesbordssontlissesàforcedepassages.Ilne pensequ’àunechose,l’accomplissementdetoutescesannéesdetravail,derecherche,de combat,deviolence. Cependant,Hannibals’efforcedefairelevidedanssatête,carilsaitquequandtropde penséesaccaparentsonesprit,quandilestsoucieuxouanxieux,l’animalleressent immédiatementetneselaissepasapprocher.Lafindel’escaliers’ouvresurunegrande sallederéceptionornéed’unefresquedeplafondinspiréedelachapelleSixtine,quise prolongesurlesmurs,lelongdesarcadesjusqu’ausoldemarbreblanc.Lescommodes, tablesetchaisesd’uneautreépoquetrônentfièrement,inutilisésdepuisplusieursannées. LespasdeHannibalrésonnentsurlemarbretandisqu’ilsedirigeversl’escaliercentral. -Christian,vavérifierquetoutestprêtdehors. Àl’écoutedecetordre,leconcernéseprécipiteparlaportedufond,protégéecomme touteslesautresparuncode.Christianpénètrealorsdanslebâtimentàl’arrièreabritant ungrandmanègeenbois,remplidesableocre,reliéàuncouloirquimèneàunestalle, surl’autreflancduchâteau,celuidedroite.Toutestenordre,rienn’aétédérangé, Christiannedétectenullemenace,niintérieureniextérieure. Arrivéaudeuxièmesous-sol,Hannibalouvreuneénièmeportequidonnesurune immensesalledelasurfaceduchâteau,ausolterreuxgarnid’herbe.Surlesmurssont projetésdesdécorsdenatureetdeforêtmontagneuse,etlongdeceux-cicourentdesfils électriquesmagnétisésparlesbonssoinsdesestechniciens.Sil’ons’enapproche,ils repoussentautomatiquementtouteformeouobjetensensinverse.Unhumainse sentiraitforcémentprisonnierd’untelsubterfuge,malgrélaprésenced’arbustesetde fleursplantéspar-cipar-làdansl’immensepièce.Lalumièrequiyrègnesemblenaturelle maisunpeublafarde,celled’unjourgrisetnuageux. Hannibalrécupèreunlicolaccrochéàuncrochetplantéaudosdel’escalieretsiffle, espérantainsiattirerl’attentiondesacible.Àcetinstant,unbruitdesabotsretentitsous leplafonddepierre,etHannibaldistinguepeuàpeulasilhouetted’unchevalparmiles arbres.Surgitalorsunétalonpresqueadulte,entièrementnoiravecunetâcheblanchesur lefront.Unspécimenàlaforceetl’élégancefascinantes.Sescrinsnoirsquis’agitentau rythmedesongaloptombentparfaitement,sesmusclesroulentsousunpelageluisant sansirrégularités,etsesyeuxbrillantsfixentl’arrivantavecunedéterminationsans pareille. -Bucéphale,viensàmoi,appelleHannibaldansunmurmure. Tandisquel’animals’approchedoucement,Hannibaltendlesdeuxbrasenavantet présentelelicolaucheval,commesignedepaixetdebienveillance.Bucéphales’arrête alors,méfiant,détectantlespenséesquifusentdanslatêtedeHannibaletsanervosité sous-jacente,percevantlapressionetlahâtedel’hommeenfacedelui.Hannibal s’approchepasàpas,maisàchaquefoisqu’ilavancelechevalrecule,semettantàpiaffer. Hannibalessaied’évitertoutmouvementbrusqueetdeseconcentrerpouravoirl’airle pluscalmeetleplusavenantpossible,maissanssuccès.Bucéphalecontinueàreculer,fait despetitscerclessurlui-même,ettamponnelesolàrépétitionavecsessabots.Les oreillesplaquéesenarrière,laqueuefouettantl’air,ilcèdeàl’inquiétudeaufuretà mesurequelapatienced’Hannibals’estompe.Cemauditétalonsembleimpossibleà dominer,maisHannibaltenteunedernièreapproche.Ilfaitvolteface,faitsemblantde s’éloigner,cequisemblerassurerBucéphale.L’hommefaitdeuxpasendirectionde l’escalier,glisselelicollelongdesonbrasentenantfermementlalonge,puisseretourne brusquementpoursauterets’accrocheràl’encolureducheval. HannibaltentealorsdeglisserlemuseaudeBucéphaledanslamuseroledulicol,mais l’étalonfurieuxsecabre,jetantainsiHannibalausol.Ilpartensuiteaugalopseréfugier parmilesarbres,loindel’hommeauxmanœuvresfourbes. Hannibal,frustréetencolèrecommerarement,jettederagelelicolparterre,faitdemitouretpartchercherlaseulepersonnecapabledemaîtriserl’animal,SergueïTkachev, celuiquiluiavaitenseignél’équitationlorsqu’ilétaitenfant,ilyasilongtemps… -4Sergueï,interrompupendantsalecturedanssachambreenhautd’unedestoursdu château,obéitinstantanémentàl’injonctiondeHannibal.Ilsaitqu’iln’apaslechoix,que plusviteilauraaccomplisamissionauprèsde«l’héritier»,plusviteilpourrarentrer chezluietretrouversafilleetlessiens.Ilserrelesdentsenrepensantausermentqu’il avaitprêtéaupèredeHannibalavantsamort,ilrevoitcejouràMoscouoùl’héritierétait venuluifairel’annoncedeladisparitiondesonpère,etenfincecoupdefil,laconiqueet impérieux,quileconviaitàretournerauPaysbasque,ceterriblelieudel’accident… Sergueïavaittoujoursétéunhommedesilenceetd’honneur.Pourtantlesermentqu’il avaitprêtéàHannibalpère,detoujoursprotégeretservirsonfils,luicoûtelourdement.Il seconsoleenpensantqu’aumoins,safilleNadjaestdésormaisensécuritéauprèsdeson oncleetsatante. SergueïseretrouveainsiencompagniedeHannibal,aumêmeendroitoùcelui-ciessuyait uncuisantéchecquelquesminutesplustôt.Sansmontreraucunsignedesurprise, Sergueïobservelonguementlejardinartificiel,avantderepérerlasilhouetted’unétalon noir,terrédansunbosquet.SergueïdemandealorsàHannibaldereculerjusqu’àse retrouverdosaumurdel’escalier.Ilprendlelicoletsedirigeverslesbruitsde halètementsinquietsderrièrelaprotectionillusoiredesarbres.Ilmarchedoucement, prendsontemps,inspireetexpireprofondémentpourrégularisersarespiration. Ilaperçoitl’étalonnoir,campésursesquatrejambesentredeuxhêtres,alerteetméfiant. C’estlapremièrefoisqueHanniball’autoriseàvoirl’animal,carjusqu’àmaintenant,il avaittoujoursréussiàlemaîtriserseul.Ils’étaitefforcédeparticiperaudébourragedu poulain,ilavaitprissoindel’habitueràsaprésence,etlejeuneétalonacceptait désormaisdeselaissermeneraupréouaumanège,detravaillersamusculature maintenuenlonge.Maisaujourd’hui,l’étatd’espritdeHannibalinquiétaittropBucéphale pourquecelui-cilelaisses’approcher. Sergueïdécouvrepeuàpeucettecréaturemagnifique,illuminéeparlalumièrefroidedu sous-sol.C’estleplusbeauchevalqu’ilaitjamaisvu,auxproportionsparfaites,aupoil luisantetauxcrinssoyeux,auregardbrillantd’intelligenceetdedétermination.Une monturepuissante,fière,courageuse,dignedesgrandsroisguerriersdupassé,commeon lesadmiresousformed’antiquesstatues.Symétrique,sansdéfautapparent,presquetrop même,cetétalondégagequelquechosed’étrange,d’irréelpresque.Sergueïsesent envahirparunmalaise,cesentimentdérangeantd’erreur,l’impressionquecechevaln’a rienàfaireici.Ilcontrastetellementavecsonenvironnementqu’ondiraituncalque,un acteursurunfondvert.Maislechuchoteurn’apaslechoixniletempsdes’interroger pluslonguement,samissionétantd’obéiràHannibaletdeluiamenerlecheval. Sergueïcomprendinstinctivementl’enviedefuirdel’étalon,oudecombattresilafuiteest impossible.Ildécidedeluimontrerqu’iln’estpasundangeretqu’ilnelepousserapas danssesretranchements.Sergueïs’avancedoucementpoursignifieràl’étalonsaprésence visuellementsansl’envahir,puiss’arrêteetl’appellepaisiblement.Bucéphale,intrigué,se metalorsàtrottinerenarcdecercle,têtebaissée,toutenrestantàunedistance respectabledeSergueï.Uneoreillepointéeverslechuchoteur,ilmesurealorsledegréde réceptivitédel’homme,quisemetdeprofil,demanièreànepasregarderlechevalmais sanssemettrededos.Ilchuchote,ajustantsonattitudeàsesparoles,desmotsrussesaux sonoritésgraves,rauquesmaissurunetonalitéapaisanteetlechevaldresselesdeux oreilles,attentifàlalitanie: -Bucéphale,jeneteveuxaucunmal.Observe,ressens,jen’envahispastonterritoire,jete respectecommejetedemandedemerespecter,tupeuxveniràmoientouteconfiance. Petitàpetit,ilsentquelechevalsedétend,quesacuriositél’emportesursaméfiance. Bucéphalefaitunpremierpas,puisundeuxième,puisunautreetencoreunautre, jusqu’àrejoindreSergueïquiattendpatiemment.Alorsilsouffledoucementparles naseaux,avantdeposersonchanfreincontrel’épauledeSergueï.Celui-cilecaresse,le remerciepoursaconfiance.Ilprendalorslentementlelicoldansunemainettendl’autre versl’encoluredeBucéphale,pourlerassureretleféliciter,enfilantensuitelelicolautour delatêteducheval. SergueïretourneversHannibal,tenantBucéphaleenlonge,enespérantquecelui-cine fassepasdemalaucheval,carilsaitquelacolèreetlafoliequ’iladéceléeschezcet hommepeuventlemeneràdesombrescomportementsenverslesautres,hommeset chevaux,commeilapulemontrerdanslepassé.Unefoisàsonniveau,Hannibal interpelleSergueï: -Garde-leencoreunpeu,jen’aipasenviequ’ilreparteànouveau,etsuismoi. SergueïacquiesceetmarcheàlasuitedeHannibal,quisediriged’unpasrapide…versle mur!Interloqué,SergueïcontinueàsuivreHannibalsansvraimentcomprendre. Hannibalarrivealorsauniveaudumur,etappuiesurunedesespierresirrégulières.La pierres’enfoncedequelquescentimètres,déclenchantl’ouvertured’unpassagesecret.Il s’agitdel’accèsàunascenseurpouvantaccueilliraumoinsvingtpersonnes,etdans lequels’engageHannibalavecSergueïàsasuite,tenanttoujourslalongedeBucéphale. Unedouceodeurd’huilesessentiellesenvahitalorsl’espacetandisquelesportesse refermentetqueHannibaltritureunpetitpanneaudecontrôledel’ascenseur,quitient plusdumonte-chargehigh-techqu’autrechose.L’odeursembleapaiserBucéphale,qui tiqueàchaqueirrégularitésonoredel’ascenseur,etmêmeSergueïetHannibalse détendentaufuretàmesurequ’ilsremontentverslasurface. Unecourtesonnerieretentit,etlesportess’ouvrentsurl’intérieurdelabergerie,quise révèleêtreenréalitéunegrandestalle,commeledécouvreSergueïavecsurprise.Lesol estrecouvertd’unesciurebeigeimmaculée,lesmursenboissontcirés,iln’ypasunetoile d’araignée,pasuninsecte.Hannibalouvrelaporteextérieuredelastalle,reprendàce moment-làlalongedesmainsdeSergueïsansluidemandersonavis,ettraînelechevalà sasuite.Bucéphaleréalisequ’ilestsouslejougdeHannibalettiresursonlicol,mais Sergueïparvientàlerassurerdelavoixetàlefaireavancer. Ledernierrayondesoleildisparaîtpeuàpeudelavallée,n’éclairantplusquelacrêtedes montagesduflancouest.Quelquesminutess’écoulentalors,témoinsdusilencedestrois êtresquiattendentpatiemmentsansmêmesejeterunregard.Lorsqueledernierrayon meurt,HannibaltireBucéphaleversluietavanced’unpasdécidédansleprédésormais sombre. SergueïnecomprendpaslemanègedeHannibal:pourquoilaprésenced’unpréartificiel ausous-solalorsquelechâteaupossèdeundomaineimmense?Pourquoinefairesortir Bucéphalequelorsquelesoleilquittelavallée?Undéclicsefaitalorsdanssoncerveau: ilavaittrouvéquelalumièredusous-solétaitsombre,maisparcequesil’onypouvait avoirl’illusiondesetrouverdanslanature,c’étaitunenaturesanssoleil!Hannibalfaisait toutpourquelalumièredusoleiln’atteignejamaisBucéphale…Faisantlelienavecla premièrerencontreentreAlexandreleGrandetsamonture,Sergueïsentdesfrissons courirlelongdesoncorps.Commelechevalmythiqued’Alexandre,l’étalonsenomme Bucéphale,etHannibalsecomporteavecluicommesic’étaitlevrai:parcraintede l’effrayeràcausedesonombre,illetientàl’écartdetouteslessituationsdangereuses. SergueïsedemandealorscommentHannibalenestvenuàcepoint.S’ilsavaitquela passionpourleconquérantétaitnéedanslajeunessedeHannibal,elles’étaittransformée enobsession,enfolie.Terrasséparcettedécouverte,ilredoutelesplansdel’hommeen facedelui:iln’yaplusdelimitesàsaparanoïaetaussiàsonambitiondévorante. LorsqueHannibaldéfaitlelicoldeBucéphale,l’étalonimpatients’élancedroitdevant dansungalopeffréné,poussantdeshennissementssonores,ruantderagelorsqu’ilatteint leslimitesélectrifiéesdupré,secabrantcommepourdéfierceluiquil’empêchedequitter saprison.HannibalseretourneversSergueï,leregardhantéetunrictusamerauxlèvres: -Tuascompris.Tuvasdevoirtravailleravecmoijusqu’àcequenousarrivionsenfinà réglerceléger…souci.Nouscommençonsdemain. AinsiHannibalveutcontrôleretdominerl’étalon,etiln’yparvientpasseul.Comme Bucéphale,Sergueïvoudraitsecabrerderage,fuirsaprison,maisilsaitqu’iln’enfera rien,jamaisilneprendralerisquequel’hommeenfacedeluines’enprenneàNadjaet auxsiens. -5BureauduProfesseurTemudjin,Universitéd’OulanBator,Mongolie Nadjafrottesesyeuxfiévreux.MêmependantletrajetenavionentreVladivostoket OulanBator,ellen’apasréussiàtrouverlesommeil.Elleestobnubiléeparl’idéede retrouversonpère,Sergueïlechuchoteur,prisdanslesgriffesdeHannibal.Ellene pouvaitcompterquesurelle-même,maiscommentunejeunefillerusse,seuleetsans ressources,pouvaitdevinerdansquelendroitduvastemondel’inaccessibleHanniballes cachait,luietl’étalonZaldia? -Reprendsunpeudethé,Nadja.Ets’ilteplaît,force-toiàmangerunpeu,insisteSalonqa enrapprochantuneassiettedebeignets. Lajeunefilleétouffeunsanglotenrepoussantletasdefeuillesqu’elleacrayonnées malhabilement,enpuisantdanslamémoiredecemomentterribleoùelles’était retrouvéeprisonnièredanslasalledecontrôleduchâteaudeHannibal,auPaysbasque. -Ilyavaittellementd’écrans,d’images,desons.J’avaissipeur,jenemesouvienspasde toutcequej’aivuetentendusurcesécrans,jesuisdésolée,je… LeprofesseurTemudjinluisouritavecbienveillanceenrassemblantlesfeuillets,pourles transmettreàunjeunehommeattablédevantunepalettegraphique: -Cesinformationssontvraimentprécieuses,Nadja.NotrecamaradeKushivacontinuerà modélisertesdessinsetnousallonslesexploiternumériquement.Lescompétencesde KushiettouslesautresmembresduRéseauvontnousaideràavancer.Jeteproposedete reposerunpeu. -Jenepeuxpas!sedésoleNadjaenfourrageantdanssatignasserousse.Monpèreesten danger,quandHannibalaurafinideseservirdeluietdeZaldia,ils’endébarrassera commed’unevieillechaussette! -Tunepourraspasl’aidersituescomplètementépuisée,affirmeSalonqad’unton péremptoire.Vienst’allongersurlecanapédanslapièced’àcôté,situt’endorsjete réveilleraidansvingtminutes. Vaincue,NadjaserelèvedesonsiègepouremprunterlepasàSalonqa,quandunevoixde filleénergique,surgitd’undesécransd’ordinateur: -Attendez!J’aiunesuperidée! TouslesregardssetournentversLeyla,envidéoconférenceauCaire,enÉgypte.Surun autreécran,levisagedeJohnmontreuneattentionaccrue.L’amoureuxaméricainde Leylaconnaitbienles«superidées»desabouled’énergieetdespontanéité,quise révèlent–parfois–devéritablesidéesdegénie! -JepourraisluifaireunBaiserSucré! LesautresmembresduRéseau,présentsréellementouvirtuellementdanslebureaudu professeurTemudjin,semblentstupéfaits.DansleMassachussetts,Battushigdemande: -Leyla,tuveuxembrasserNadja? -Maisnon!Ausalondebeautédematante,quis’appelle«BaiserSucré»,quandune clienteestterroriséeparuneépilation,onluifaituneséanced’hypnose!Laclientese relaxecomplètementetselaissefaire,etsouventelleracontesavieousessecretslesplus inavouablesdanslemoindredétail!Matanteditquejesuisextrêmementdouéeet… -Jen’aiaucuneenviederacontermavie!protesteNadja. -Jepeuxguidertamémoirephotographiqueetauditive,Nadja,etfairedessortes «d’arrêtssurimage»sélectifspourquetoninconscientdécrivecequetuasvusurles écrans.Toncerveauaenregistrédestonnesd’informationsquandtuétaisdanscettesalle decontrôle,ellessontstockéesdanslesprofondeursdetoninconscientetjepourraisles faireressurgir.Professeur,vouspourrezorienterlesquestionsettoi,Kushi,tupourras compléterlesmodélisationsquetuasfaitesàpartirdescroquisdeNadjaavectousles nouveauxdétails? KushilanceunregardinterrogateurauprofesseurTemudjin,quihochelatêteensigne d’assentiment. -AlorssiNadjaacceptedemefaireconfianceetmelaissel’hypnotiser,vousn’aurezplus qu’àallerchercherlecanapé! Nadjasembletoutefragile,touteégaréeàcemoment.Sonregards’accrocheàceluidu professeurcommeàunebouéedesauvetage,etlaconfiancequ’elleylitfaittomberses dernièresdéfenses.Ellehaussedoucementlesépaules: -Sic’estlemeilleurmoyenpourretrouvermonpère,alorstantpispourlerisqueque j’avouemessecretsinavouables! SalonqaposeunecouverturesurNadja,étenduesurlecanapé.Àl’autreboutdumonde, Leylaseconcentre,lesyeuxmi-clos,larespirationralentie.Sidanslaviedetouslesjours elledéborded’énergieetd’initiatives,elleestaussicapabled’uneintenseconcentration. -Jesuisprête,murmureNadja. AlorsLeylacommencelaséanced’hypnose,d’unevoixlenteetgrave… -Tarespirationestdeplusenplusprofonde.Tusuisenespritletrajetdel’airquigonfle tonventre,tacagethoracique,lehautdetapoitrine.Puistusouffleslentementparles narines,vidantl’airduhautdetapoitrinejusqu’àtonventre.Toncorpspèsedeplusen pluslourd,testensionsserelâchentl’uneaprèsl’autre,desorteilsjusqu’auboutdes doigts.Maintenanttonvisageserelâche,l’arrièredetoncrâne,tanuque,ettoutlelongde tacolonnevertébrale.Touttoncorpsestmaintenantdétendu… LeylavérifielarespirationlenteetrégulièredeNadja,avantd’aborderlaphasede relaxationdel’esprit. -Nadja,jet’invitemaintenantàtefocalisersurunsouvenirpositif,agréable.Unbain dansunemerchaude,unebaladeàchevaldanslesherbeshautes,lesapplaudissements dupublicaprèsunnumérodecirquequetuasparticulièrementréussi… UnsourireheureuxsedessinealorssurlevisagedeNadja,elleressembleàunetoute petitefille,confianteetradieuse.Ellemurmured’unevoixd’enfant: -J’airéussi,papa!Jesuisgrande,moi.J’aimontéletigreetonasautédanslerondde feuetj’aipaseupeur! Leylasouritàsontour,attendrie,maisreprendsavoixprofessionnellepourinciterNadja àquitterlesouveniragréableetladirigerdanslepostedecontrôledeHannibalauPays basque: -Maintenanttuesdanslasalleavectouslesécrans.Tun’aspaspeur,tusaisquetuvas ressortirdecettesalle.Lesécranss’allumentl’unaprèsl’autre.Choisisceuxaveclaforêt, làoùilyal’étalonnoir,desbâtimentsoupeut-êtreunchâteau… Auboutdequelquesinstants,Nadjaparleavecsavoixnormale: -Desgrandssapinssombres,denses.Unevalléeprofonde,encaisséedanslamontagne. Aucreux,unchâteaucarréavecquatretours.Desgrandsjardins.Desgensquiparlent,je necomprendspascequ’ilsdisent. Dansl’oreillettedeLeyla,Salonqademande: -Est-cequ’ellepeutrépétercequelesgensdisent?Jepourraisrepérerlalanguedonc peut-êtrelepays? LeylahochelatêteensilenceetsolliciteNadja.Lefrontdelajeunefilleseplissesous l’effort,etàgrandepeineellerestituedessonoritésgutturales. -Trèsprobablementdel’allemand!faitSalonqa.Faisluimaintenantdécrirelechâteau plusendétailsitupeux. Peuàpeu,uneimageseprécisesurl’écrandeKushi,suiviedeprèspartouslesmembres duRéseau.LavoixdeNadjaestdeplusenplusfaible,l’épuisementlagagneetLeyla proposeauprofesseurTemudjindelasortirdel’étathypnotiques’ilpensequ’ilsont suffisammentd’informations.Àcetinstant,Johns’écrie: -Jecroisquejeconnaiscetendroit!Undemesvieuxoncleshabitaitausudde l’Allemagneetquandj’étaisenfantnousallionsfaireduskietdelarandonnéedansles montagnesdeBavière.Cetteforêt,cechâteaucachédanslavallée,jecroisquejelesdéjà vus! TandisqueJohnselancedanssessouvenirséveillés,leprofesseurTemudjinfaitsigneà Leylade«libérer»Nadja.Leylalasortdoucementdesonétatdetranse,etNadja marmonne,avantdesombrerdansunsommeiltrèsviteemplideronflements: -Jesuisuntoutpetitpeufatiguée… Johnenvoiesurlesécransunecartedel’Europe,avecunzoomsurlazoneoùsesituele châteauenBavière,ainsiquelalocalisationdelarésidencedésormaisinhabitéeduvieil oncle: -Ceseranotrecampdebase,c’estàvingtminutesàpiedduchâteau.Rendez-vousà l’aéroportdeMunich.Jevousenvoielesbilletsd’avion! -6Bavière,châteaudeHannibal -Nooon!Owen,non! Hannibals’arracheàcecauchemarrécurrent,lecœurbattantlachamadeetlecorps ruisselantdetranspiration.Ilseredressebrusquementsursonfauteuil,claquedesmains pourmonteraumaximuml’intensitédeslumièresdanssonbureau,commesielles pouvaientchasserlefantômed’Owensurgidel’enfancepourletourmenter. -Quandmelaisseras-tuenpaix?hurle-t-ilenprojetanttoutcequiluipasseàportéede main,documents,presse-papier,livres,carafeetverred’eau. Maislesfantômesdupassésontlàpourvoustorturer,vousrappelersansrelâchevotre bassesseetvotreculpabilité.Mêmelerepentirnepeutlesapaiser,riennepeutles empêcherdereveniràlacharge,ilsontl’éternitépoureux… -T’esmêmepascap!semoquel’enfantbrunauxétrangesyeuxvairons. Owenseretourneverssongrandfrère,lesourireauxlèvresetsesgrandsyeuxbleus brillantsdedéfi: -Jeseraibientôtplusfortquetoi,c’estSergueïquil’adit.Tuvasvoirsijesuiscap! Ilsoufflepourécarterunemèchedesescheveuxblonds,etdécidederavalersapeur.Son grandfrèreluiimposerégulièrementdenouveauxdéfispourlepousseràdevenirtoujours meilleur.Danslacarrière,lesobstaclessontplushauts,plusnombreux,etOwenredoute l’échec.Maiscommeàchaquefois,ilrefusededécevoirsongrandfrère,doncilempoigne lesrênesdesonponeyConnemaraetluiflanqueungrandcoupdetalonsdanslesflancs. Leponeys’envoleaugalop,droitsurlespremièresbarres. -Ya!Ya!crieOwenpourencouragersamonture. Lespremiersobstaclespassenttoutseuls:leponeydresséparSergueïTkachev, l’instructeurd’équitationemployéparsonpère,n’apprécieguèrela«caresse»destalons maisilaunbontempérament,ilestgénéreuxdansl’effortetpossèdeunebelledétenteau sautd’obstacle.Ilapleineconfiancedanslepetithomme,ilaimesoncontact.Maiscette fois,leparcoursalégèrementchangésurlacarrière.Ilyad’avantaged’obstacles,ilssont deplusenplushauts,pluslarges.Ilcommenceàs’essouffler.Levirageesttropserré,il dérapeenvoulantchangerdepiedtropvite,serééquilibre. Dansladiagonale,unesériedetroisverticaux,puisunmurettoutprès,tropprès,unoxer carré.LeConnemaraseréceptionneaprèslemur,serassembleets’élancepourfranchir l’obstacle.Maissesantérieurstouchentlespremièresbarresquitombenten s’entrechoquant.Owens’accrocheauxrênes,tirecommeunforcenécommepouraider sonchevalàseredresser.Ilnefaitenfaitquel’entraveretleponeyenroulesonencolure avantdefairepanacheetdetomberenroulantsurlui-mêmecommeunsoleil.Ilse redresseavecdifficulté,lesmembresprisdanslesbarresd’obstacleemmêléescommeun jeudeMikado,sedégage.Ilnesentpluslepoidsdesoncavaliersursondos.Inquiet, égaré,iltournoiesurlui-même,reprendsonsouffleenessayantdecomprendrepourquoi aprèslachute,lepetithommeneserelèvepas,nerevientpasgrimpersursondos.Ilreste étenduausolentrelesbarresetundeschandeliersrenversés,satêtedécrivantunangle inhabituelaveclerestedesoncorps.Etpourtant,sesyeuxsontgrandouvertsetilya toujoursunsouriresurseslèvres. -Nooon!Owen,non! L’enfantbrunestpenchéaudessusdesonpetitfrère,illesecouecommeunpantin désarticuléensanglotantcommeunfou.LeConnemaras’estrapproché,ilpousselecorps d’Owendesonboutdenezenémettantdeshennissementsd’appeldésespérés.Hannibal luidonnedescoupsdepoingviolentssurlatêteenhurlant: -Va-t’en!Jetedéteste,c’estdetafaute,salebête! Lessouvenirsensuitesontamortisparunvoilesombre,lourd,horrible.Lesclaquements répétésdufusildechasseprovenantdesécuries.LeurpèrequigifleHannibalàl’enfaire saignerdunezetquineluiadresseraplusjamaislaparole.Leurmèrequineserelèvera jamaisdesonchagrin,Owenétaitsonfilspréféré,alorsquel’autrelaglaçaitavecson regardbicolore.Lapensionpourgarçonsaunorddel’Angleterrevécuecommeunexil punitif,définitif,lesilence,ledéni,lasolitudeetlescauchemars… Etpuisilyaeuceprofesseurd’histoireàl’université,quiarabrouéunélèvequise moquaitdesyeuxdépareillésd’Hannibal.Ilaexpliquélesprincipesphysiologiquesde l’hétérochromie,longtempsconsidéréecommelesignedistinctifdessorciersnantisdela «doublevue»,quipermettaitdevoirplusloinquelessimplesmortels.Puisilaparlé d’AlexandreleGrand,réputéavoireudesyeuxvairons.Expliquantquel’undesplus grandsconquérantdumondeavaitpudépasserlapeursuperstitieusedesautres,sapeur àlui,dépasserl’anomaliephysique,etqu’ensedifférenciantiln’avaitfaitquegagnerle respectdetous,leprofesseuravaitralluméunelumièredanslesténèbresqui engloutissaientHannibal. Lapassionetl’identificationàcegrandstratègeetconquérantavaientprisàcemoment précisracinedanssonexistence.Ilcommençaàfairesesrecherchessurl’histoire d’AlexandreleGrand,tentantderassemblerlemaximumd’informationspour comprendrecethomme.Plusilensavait,plusildevaitensavoir:lafascinationde Hannibaln’avaitplusdelimites.Aprèslafindesesétudesdelanguesancienneset d’histoiredescivilisations,saspécialisationenhistoiredelaGrèce,périodeclassiqueet hellénistique(préetpost-conquêtesd’Alexandre),ilacréélafondationHannibalHuman Historyetacommencéàfouillerlesquatrecoinsdumondepourrechercheretcollecter toutcequipouvaitavoirtraitaugrandconquérant. Hannibalrespireprofondément,desserresespoingsauxjointuresblanchiesparla tensionetdel’index,replaceàtraverssapaupièrelalentillecoloréeenbleusursonœil marron.Ilsedirigeverslasalledejacuzzipourchasserlesimagesobsédantes,toujours lesmêmes,quilehantentdepuistantd’années.Ilenestdevenuinsomniaque,prenantdes repostrèsbrefsdanslajournée.Impossiblepourluides’abandonnerdanslesbras supposésréconfortantsdusommeil,ilnepeutsepermettreaucunevulnérabilité,aucune faille.Jamais. -7Sansmêmeêtreguidéparunelonge,Zaldial’étalonAndalouenchaînedescerclesaux troisalluresavecgrâceautourdeSergueï,lechuchoteurquil’asauvédel’élevageoùil étaitodieusementmaltraité.Sergueïl’arecueilli,asoignésesblessuresetsacolère,lui apprislerespectetlaconfiance.Seslongscrinssebalancentaurythmedesadémarche, sesmusclessedéroulentetfontluiresarobecommedel’argentsouslalumièredel’aube. Sesoreillessontdresséesenavant,attentivesauxmodulationsdelavoixdel’homme,qui maintenantluidemandederalentirpuisdevenirverslui.Ilobéitaussitôt,déposeson boutdenezdanslamaintendue,souffle,heureuxderecevoirfélicitationsetcaresses. Puisl’hommeluimurmuredesparolesqu’ilnesaittraduire,maisilcomprendqu’ilva expérimenterquelquechosedenouveau,etqu’ildoitcontinueràfaireconfianceàson compagnonhumain. -Vouspouvezvenirmaintenant,ditSergueïàhautevoix. Zaldiaredresselatête,ilaentendulefroissementdel’herbehumidederosée,ilhume l’odeurd’unautrehomme,lareconnaîtnonsansdépit.Sesoreillessecouchentenarrière, sonsouffles’accélère,sesmusclesseraidissent.S’ilétaittigre,ilgronderaitentreses dentspourmanifestersonmécontentement,ilfeuleraitsurunetonalitédemenace.Mais Sergueïluichuchoteencoredesmots,insiste,etilfinitparaccepterdelaisserl’hommeà l’odeuraigremêléedepeurserapprocher,entrerdanssonterritoire,passersamainle longdesonencolure,leflatter.Iln’apascroisésonregard,masquéparunbandeaunoir. LamaindeSergueïmassesonfront,l’incitantàserelâcher,àresterenplace,abandonner sesdéfenses,Ilrechigne,maislaissepourtantl’hommelepalper,caressersondos,sa croupe,serapprocherdesonflanc.Sergueïlesfélicitetousdeux,vientsepositionnerà côtédel’homme,l’aideàsehissersurledosdeZaldia.PourSergueï,ilacceptedenepas bouger,ils’habituepeuàpeuaupoidssursondos,aucontactdesjambeslelongdeses flancs,ilacceptelacaressesursonencoluresansregimber.QuandSergueïs’écarte,recule lentementpours’immobiliserquelquespasplusloin,illuilanceunregardinterrogateur: doit-ilselaisserguiderparceluiquiestsursondos? -Allez,ditcalmementSergueï. Unelégèrepressionsursesflancs,unmouvementsursondospourlemettreenavant,et Zaldiaeffectuequelquespas,cherchantàrejoindrelasécuritédelaprésencedeSergueï. Maiscederniersepositionnedeprofil,commes’ilsedésintéressaitducheval.Perplexe, Zaldias’arrête,attendunindice,uneindicationpoursavoircequ’onattenddelui.Ilsent alorslessollicitationsdemouvementdelapartdel’autrehomme,ilreconnaitlademande d’avancer,labasculedupoidsducorpsquiindiqueladirectionoùaller,etsans oppositiondelapartdeSergueï,ildécidederépondreauxsollicitations.Ilmarche,les sensenalerte,effectueunedemi-volte,marcheencercle,régulièrement,attentifmais déjàmoinstendu.Àchaquefoisqu’ilrépondcorrectementàunedemande,ilreçoitune caresse,etilcommenceàsedécontracter.Maintenantiltrotte,lentement,ilreprendle cercle,puisallongelégèrementletrot,régulier,enharmonieaveclebalancementdeplus ensoupleducorpssursondos.IlperçoitsurlecôtéducercleSergueïdansuneattitude approbatrice,ilramènesonattentionsurl’autre,quiluidemandedechangerd’allure. D’unefouléesouple,ilprendlegalop.Ilressentunecrispationsursondos,s’inquiète, accélère,maistrèsvitelacrispationdisparaît,lepoidsrepartversl’arrière,chercheà accompagnerlemouvementduchevalplutôtquedelebrusquer,alorsilseremetaupetit galop,régulier.Ilécouteetrépondauxdemandes,ralentit,changedemain,amplifieson galop,tourneencoreetencore,puisenfinralentitetàlademandedesoncavalieret s’arrête. -Bien,ilcommenceàvousfaireconfiance.Nevousraidissezpas,sinonvousallezle déstabiliser.Leplussouvent,cen’estpaslafauteduchevals’ilyaunaccident,maiscelle ducavalier,quisecrispeetfaitalorsuneerreuravecsonpartenaire. Sergueïmetalorsenplacedeuxchandeliersaucentredumanège,etposeunebarreausol entrelesdeux. Zaldiacomprendalorsqu’ilsvontdevoirfranchirensemblecetteembûche,etaprès l’incitationdesoncavalier,amorcealorsundoubléaupasdanslalongueurendirection delabarre.L’hommesursondos,lesmainsposéesautourdesongarrot,serresesjambes autourdesesflancscommes’ilavaitpeurqu’ildévie.MaistoutsepassebienetSergueï leurdemandealorsderecommencerautrot,puisaugalop.Ilsrepassentaupas.Sergueï montealorslabarred’unequarantainedecentimètres,transformantlabarreausolen véritableobstacle,facileépreuvepourlepuissantétalon. Lesoufflerauquedesoncavalierarrivejusqu’auxoreillesducheval,quisecrispeet renâcle. -Doucement,vouspouvezlefaire,lâcherprise,faireuneconfianceaveugleàvotrecheval, fairecorpsavecluiàlamanièred’uncentaure…ilsuffitdevouslaisseraller,murmurele chuchoteuràcôtédel’étalon.C’estladernièreépreuve. Zaldiacomprendalorsquel’obstaclen’estpaspourlui,maispourl’hommesursondos. Amorçantuntourdepiste,ilpasseautrot,puisaugalop,etcommenceunecourbepour seplacerdansl’axedel’obstacle.Àl’approchedelabarre,sesfouléesrégulièresl’amènent àprendreunélanparfait,maislorsquesessabotsdécollentdusol,ilsentlapaniquede soncavalier,quiattrapeviolemmentsacrinière,sepencheau-dessusdesonencolure pournepastomberetserresespiedsdetoutessesforcesautourdesonventre.Àla réception,l’hommeestincapabledelâcherlacrinièreetdedesserrerlaprisedeses jambes.MaisSergueïencourageànouveaulecouple: -Aupas.Faitesluiconfiance.Ilnevousdécevrapas,ilestcapableetvousaussi.Sivous nepouvezpassuivresesmouvementssansluiimposervotrepeur,vousn’yarriverez jamais. Peuàpeu,ilsentsoncavalierrelâchersestensions.Lesminutess’écoulent,etquand enfinlapressionlégèredesmolletsluiindiquequelecavalierestprêtàrecommencer l’épreuve,Zaldiaprendlegalop.Ilsedirigeversl’obstacle,maiscettefois,ilsentqueles chosessontdifférentes.Soncavalieraccompagnesouplementsesmouvements,regardant auloinendirectiondelabarre.Sesjambes,bienqueprésentes,nesefontpaspressantes autourdesesflancs.Sesmainsontlâchésacrinière.LorsqueZaldiaprendappuipour s’envoler,soncavalier,lesbrasécartés,commeunaigleau-dessusduciel,faitcorpsavec lui.Ilaccompagnesongeste,voleavecluiau-dessusdelabarre,prenantunelongue inspiration.LessabotsavantdeZaldiatouchentenfinlesol,aprèsuninstantquiasemblé durerplusieursdizainesdesecondes,etréceptionnéendouceur,lecavaliernes’affaisse pasmaisaucontrairecontinueàsuivresamonture. Zaldiaralentitpeuàpeu,s’arrêtantquelquesmètresplusloin.Brusquement,l’hommesur sondoss’affaleenavant,enlacesonencolure,legratifie.Ilsentsachaleur,l’odeurde l’hommen’estpluschargéedecrainte,ilselaissefaireetattendpatiemmentlaprochaine demande. Sergueïsemetalorsàapplaudir,sortantlechevaletlecavalierdecemomentdegrâce suspendudansletemps.Alorslecavaliermetpiedàterre,retirelebandeauquilui masquaitlesyeux,avantdepartirdansunimmenseéclatderirevictorieux: -J’airéussi,grâceàvous,Sergueï! -Vousêtesenfinprêt,vousn’avezplusbesoindemoi.AlorsZaldiaetmoipouvons repartir,commevousl’avezpromis. -LejetestprêtàramenerZaldiaenRussiedanslaminute.Maisvous,Sergueï,vousallez devoirpatienterencoreunpeu.Jeveuxquevoussoyezlàquandjechevaucherai Bucéphale! -8Bavière,maisonduvieiloncledeJohn. Àl’aéroportdeMunich,lessixjeunesgenssesontaussitôtreconnusd’aprèsles vidéoconférences.Ilssedévisagent,troublésdedécouvrirlesdifférencesphysiquesentre cequ’ilsavaientaperçusurleursécrans,imaginé,etcequ’ilsvoientpourdevrai.Plus grandoupluspetit,unecertaineassurancecorporelleounon,uneeaudetoilettequi souligneuntraitdecaractèreinattendu,unaccessoireouunvêtementinsolite.Maisils gardentleursremarquespoureux,carmalgrélesduréesdevoletleséventuelsdécalages horaires,ilssonttousconcentréssurlemêmebut:empêcherHannibald’accéderàla toute-puissanceabsolue. Letaxi-minibusquilesaemmenésdepuisl’aéroportlesadéposésà500mètresde l’entréedelamaisonduvieiloncledécédédeJohn,ilsdoiventfinirlecheminàpiedavec leursbagagessurunsentierenvahiparlavégétationforestière.Ilsdécouvrentaudétour d’unruisseauauxeauxcristallines,danscequiavaitdûêtreuneclairière,unesolide bâtisseenpierresauxrefletsnuancésdebeige,roseetocre.Letoitenardoiserésiste vaillammentàlapressiondesbranchesd’arbresquiontprisleursaises.Laterrasseaux dallesoctogonalestailléesdanslamêmepierrequelamaison,aellelaissépousserde l’herbedanssesjointures.Partoutlanatureareprissesdroitsmaislesmursdelamaison ontrésisté. -Jevousprésentenotrecampdebase,ditJohnenouvrantlalourdeported’entrée. L’intérieursentlerenfermé.Ilsouvrentlesfenêtresetvoletspourrafraîchirl’airambiant. Touslesmeublessontrecouvertsdedrapsblancs,visionquiappuiel’impressionqu’icile tempss’estfigé.Unepièceestréservéeaumatérieldeskietderandonnée,pourtousles âges,etJohnsouritenretrouvantsesskisd’enfance.Battushig,lui,installeetbranchele matérielinformatiquesurlagrandetableenboisdelasalleàmanger,capabled’accueillir unevingtainedepersonnes.C’estautourdecettetablequelesjeunesgensserassemblent. -Bien,annonceBattushig.Maintenant,ilnousfauttrouverlemoyendepénétrerdansle châteauetrécupérerl’étoile,etconnaîtreendétaillesplansdeHannibalpourpouvoirles déjouer. -J’aimeraisaussivoircebelétalonnoir,intervientPablo. -OK,trancheSalonqa.Maisd’abord,ilfauttrouverunmoyend’entrer. -Hannibalnelaisserajamaisuntelendroitsanssurveillancenisécurité,ilyades caméraspartout,sinonjen’auraisjamaispudécouvrircetendroit.Sansparlerdespièges, descodesquidoiventverrouillertouteslesportes…déclareNadja. -Maiscommentonvafaire??C’estunevraieforteresse…annonceanxieusementLeyla -Jevaistenterd’infiltreretdecontrôlerlesystèmeinformatiqueduchâteau,réfléchit Battushig.Quandj’auraidésactivélessécuritésquiprotègentsûrementl’accèsàl’étoile, onpourrapénétreràl’intérieurduchâteauets’enemparer.Jepensequejepourrais arriverànouscréerunefenêtredequelquesminutesenpiratantlesystème,maisaprèsje supposequelesystèmededéfensedeHannibalvaréagiretjenesaispascombiende tempsonaura… -Donne-moijusteassezdetempspourquejepuissem’introduiredanslasalledes commandes,etprendrelerelai,ditJohn.Jemaintiendrailescamérasdesurveillanceet vousguideraipourgérerlasortie. -Vousêtesfous!s’emporteLeyla.Vousnepensezqu’àl’informatique,qu’estcequevous faitesdesgardesarmésdansetautourduchâteau?S’iln’yaplusdecaméraspoursavoir oùilssetrouvent,etdoncpourpasserentrelesmaillesdeleurfilet,ilsneferontqu’une bouchéedenous! -Etsij’introduisaisnosproprescaméras?demandealorsPablo.J’airamenémespetits drones,jemesuisditqu’onpourraitenavoirbesoin…Etj’aieuraisonapparemment! ajoute-t-ildansunsourire. -Bonalorssijerésume,ditLeylaavecimpatience,Pablolancelesdrones,Battushig piratelesystèmededéfenseduchâteau,nousonrentredanslechâteauenslalomant entrelesgardes,Johnvadanslasalledescommandesetlesautresdanslasalledel’étoile, Battushignousguidepourdésactiverlesprotectionsdel’étoile,onlarécupère,etJohn s’assurequ’onressortenentierduchâteau.Vousavezpenséàlamanièredeneutraliser Hannibaldanstoutça? -Etmonpère?intervientNadja.PasquestiondelaisserentrelesmainsdeHannibal! Pabloserrelespoings,lacruautéd’Hannibalestsanslimites.Ilestplusquejamais déterminéàanéantircemonstre.Nadjaquantàelle,ravaleunelarmeàl’évocationdeson père.Elleessaiedenepasperdreespoir,maiselleapeurd’arrivertroptardetde découvrirqu’unmalheurestarrivé. -Jeveuxyaller,déclare-t-ellefroidement.Jeveuxêtresurplace,délivrermonpèreet regarderHannibaldanslesyeuxlorsqu’onleneutraliseraenfin.Avecmestalents d’acrobatedecirque,jepensequejepeuxgrimpersurunedestoursetentrerparune fenêtre.Jetrouveraimonpère,etsûrementdesinformationsquivousserontutiles. -Jet’accompagne,affirmeJohn.Jeconnaisbiencetteforêt,jepourrainousguiderà traverslesarbres,jepensequenousn’avonspasbesoindeplusdevingtminutes. -Moiaussi,déclarefermementLeyla. -Trèsbien,faitSalonqa.PendantqueBattushigs’infiltreradanslessystèmesdesécurité, jeresteraiicipourvousguider. -Etmoi,dèsquelesdronessontarrivés,jevousrejoinsetjem’occupederetrouvercet étalonnoir,rajoutePablo. Unevoixs’élèvealorsd’undesordinateurs: -Etnous?Qu’est-cequ’onpeutfairepourvousaider? LesmembresduRéseau,impatients,montrentleurvolontédeparticiperàceraid. -Jevaisvousdonneruncodeàrentrerdansvotreordinateurquivaouvriruneboîtede dialogue,celledel’intranetduchâteau,etvousenverreztousdesmessagesàcetteboîte. Sivousêtresuffisammentnombreux,vouspourrezm’aideràfairedisjoncterlesystème, répondBattushig. -Etsivousrepérezquoiquecesoit,jeseraivotrerelai!renchéritSalonqa. Johnsortalorsdesagrossevaliseunéquipementdigned’ungrouped’interventiondela CIA:camérasminiaturesavecattachefrontale,écransdevisionnages,oreillettesavec micro,lampestorches,tournevisdecrochetage,grappinsetpetitscompasàlapointede diamantpourdécouperleverre.Sousleregardsurprisdesautres,ildéclareavecun sourire: -J’étaispassionnéd’espionnagequandj’étaisplusjeune.Cesaccessoiresrisquentdenous êtreplusqu’utiles! -9-Lesdronesdécollent,déclarePablo. Sesdoigtspianotentsurdesboutonstrèscomplexes,dignesd’untableaudebordd’avion. SalonqaetBattushigattendentavecuneimpatiencemêléed’anxiété,lesyeuxrivéssurles écransdecontrôledesdronesetsurcelui,remplidecodes,deBattushig.Àtraversles camérasdesdrones,ilsvoientdéfilerlepaysageàviveallure,cimesdespinsnoirs,vallées verdoyantes,desgrandesmassesvertesparseméesdereliefs. -Vousenêtesoù?demandeSalonqaàJohn. -Onyestpresque,j’aperçoislaclairièreàquelquesdizainesdemètres.Onresteàcouvert desarbresenattendantvotretopdépart. Enfin,audétourd’unedesmontagnes,surgitenfinl’imageduchâteaudeSchattental, bâtissetiréedesplusgrandscontesdefées.MaisceseraitplutôtlechâteaudeBarbebleuequeceluiduprincecharmant…Arrivésàlalisièredelaforêt,Leyla,JohnetNadja surveillentgrâceàundesécransminiaturesdeJohnlaprogressiondesdrones.Ébahie, Leylas’exclame: -Whoaaaah,qu’est-cequec’estbeau!C’esttellementmieuxvud’enhaut! Ellearrêteimmédiatementdeparler,fusilléeduregardparsescamaradesqu’elleavait interrompusdansleurintenseconcentration. -Ons’approche,jevaisfaireuntourderepérage,déclarePablo. -Jereconnaislesfontaines!s’exclameNadja.Etlà,lebâtimentsombresurlecôtéetles barrières!Lasalledel’étoileestensous-sol,maisjenesaispasoùexactement. -Ehbienonvaplonger!s’exclamePablo. D’uncoup,ilbalancelesjoysticksversl’avant,etlepublicseretrouveenhautd’ungrand huitquipiqueunetêtedroitverslesol. -Jevaisvomir…seplaintSalonqa -OnyestpresqueSalonqa,répondtendrementBattushig,pianotantàtoutevitessesur sonclavier.Encorequelquesdizainesdemètresetceserabon!LesamisduRéseau,je viensdevousenvoyerlecode,faiteschauffervosclaviers! Pendantcetemps,Hannibal,ànouveauretranchédanssonbureau,consultelesplans éparpilléssurlatableenboismassif.L’étoileàcinqbranches,casséeencinqmorceaux triangulairesàlabaseirrégulière,estdessinéesuruneimmensefeuilletechniqueoùse chevauchentflèches,équations,légendesetannotations.Hannibalattrapealorsune deuxièmefeuille,avecuneautreétoileauxdimensionségales,maisenunseulmorceau, commesilepuzzleavaitétéreconstitué.Lesannotations,différentes,indiquentla procéduredefabrication. Unbruitstridentsefaitalorsentendre:lasirèned’alarmeestdéclenchée,alertant Hannibalquisedressebrusquementetsortencourantdelapièce.Sessbires,éparpillés dansetautourduchâteau,seprécipitenttousversl’escaliercentralpourrejoindreleur chefetrecevoirsesordres.L’espritenalerte,Hannibalarriveaurez-de-chausséeethurle: -Christian,enfermeSergueïdanssachambre,ilnedoitpassurtoutpasenprofiterpour s’échapper! HannibalnepouvantprendrelerisquequeleoulesintrusrencontrentSergueïet découvrentcequisetrameausous-sol,courtàlasalledescommandes,oùonlui annonce: -L’intranetsubituneattaqueetdesdronesvolantsontpénétrélepérimètredesécurité, Monsieur. -Détruis-les,abruti!luirépondHannibalencriantpourcouvrirlebruitdelasirène,les yeuxcrispésetlabouchedéforméeparlacolère. Letechnicienenfacedeluisemetàpianoteràtoutevitessesurletableaudebordetla sirènes’arrêtealors. -Là!annonceletechnicienentendantlebrasversundesécransdecontrôle. Hannibalfixealorsl’écran,quimontreunedescamérasextérieures,etaperçoitlesdrones quitombentpeuàpeucommedesmouchesdansunetracedefumée.Unsouriresatisfait sedessinesurseslèvres,maisilnefautpasperdredetemps,sonousesassaillants pourraientfrapperàtoutmomentetildisposedepeudetempspourtoutpréparerencas d’intrusion. -Restezici,etverrouilleztouslesaccès!Allezchercherceuxquisontencoredanslelabo etenfermez-vousdanslasalledescommandes. Hannibalseprécipitealorsdansverslefondducouloir,déverrouillel’entréeenformede gouvernailets’engouffredanslasalledel’étoile. -10Alorsquelesdronesavaientpresqueatteintlestoursduchâteau,ungrésillementsefait entendre,etunedescamérassebrouillejusqu’àextinctiontotale.Pablo,necomprenant pascequ’ilarrive,désynchronisesesdronesetutilisel’und’entreeuxpourregarder l’endroitoùsetrouvaitceluiquivenaitdeperdrelecontact. Sousleregardpaniquédugroupe,lepremierdrone,enfeu,amorceunechutelenteen directiond’undesmursdelabâtisse,laissantunetracedefuméesursonpassage.C’est alorsqu’undeuxième,puisuntroisième,puisunquatrièmegrésillementsefontentendre, etunparun,lesécransdesdroness’éteignent.Lescinqdronessesontfaitcarboniser commedesmoustiquessousl’effetdesrayonsd’unelampebleue. Souslechoc,aucundesjeunesn’osedireunmot.Envahisparladéceptionpuisparla peur,l’échecdeleuruniqueplansemblenelaisseraucunespoiràlaréussitedeleur mission.Àcemoment-là,derage,Pabloselèveetjettelesmanettesausol,laissant échapperuncripleindefureur. Leyla,NadjaetJohn,assissurlaterrefraîcheàlalimitedelaclairièreduchâteaude Schattental,restenteuxaussifigésparl’incidentquivientdeseproduire.Silesystèmede défensedeHannibalaréagiaussirapidement,c’estqu’ils’estrenducomptedeleur tentatived’intrusionetqu’ildoitêtreentraindeprendredesmesurespourcontreattaquer,voiredefuir,etalorstoutechancedel’arrêterseraitperdue. NadjaserredanssapochelepetitcompasdonnéparJohn,etbonditalorshorsdelaforêt encriantàsesdeuxcamarades,encoretropsouslechocpourfaireunseulgeste: -Jevaisescaladerlatour!Jevaisallercherchermonpèreavantqu’ilnesoittroptard!Je vousretrouverai! Nadjas’élanceendirectionduchâteau,etdécidedepasserparletoitdubâtimentsombre àl’arrièredelabâtisse.Lorsqu’ellearriveenfinauniveaudumur,ellenepeuts’empêcher delancerunregardtristeverslalisièredesarbres,oùsesdeuxamis,démunis,sonten proieàl’inquiétudeetl’indécision. EllesortlegrappindeJohn,enroulelacordeencerclesqu’elletientfermementdanssa maingauche.Ellelancelapieuvredemétalversleciel,désirantatteindreletoitdece petitbâtiment.Unbruitmétalliquesefaitentendre,puisunbruitderaclure.Nadjaserre lesdents,espérantquelegrappins’accrocheàunrelief.Enfin,lebruits’arrêteaprèsun chocsourd:Nadjatirealorslacordepours’assurerdelasoliditédesaprise.Après quelquessecondesdedoute,elledécidedeselancer.Elleattrapefermementlacordeet imprimeunlégerbalancierdegaucheàdroite,pouraidersesmembresàs’agripper.Elle monteunpremierpied,puisundeuxième,etellecontinuesonascensionversletoit.Ses piedstapentàunrythmerapidelelongdubois,tandisqu’ellesedemandel’utilitédece bâtiment,quisembleassezrécent.Quandonpossèdeunchâteauaussigrand,pourquoi avoirbesoindeconstruireencoreuneénormeextension,enboisenplus. Alorsqu’ellearrivepresqueautoit,elleaperçoitdespetitesvitresopaquesquicourentle longdesmurs,commepournelaisserfiltrerqu’uneinfimelumière.Toujourssuspendue d’unemain,ellesortlecompasàlapointedediamantdesapochepourfaireuntroudans leverre.Ellerangelecompasettapecontrelecercledessinésurleverre,quitombeà l’intérieurdubâtiment,sansfairedebruit. -Vousvoyezcequejevois?demandeNadjadanslemicrodesonoreillette. -Unmanège!C’estsûrquelechevaldoitêtredanslesparages.Ondiraitquequelqu’un estpassérécemment,ilyadestracesdesabotsdanslesableetunobstacletrôneau centre,répondPablo.OK,continueàgrimper,Nadja! Lajeunefillesehissealorssurletoit,décrochesongrappinetlèvelatêteversleciel. -Lavache,c’esthautquandmême,pense-t-elleàvoixhaute,hésitante. -Tupeuxlefaire,larassureSalonqavial’oreillette,rappelle-toilecirque! Avecunenouvelledétermination,Nadjalancelegrappinverslecheminderonde,situé surlasailliedelamuraille,derrièrelescréneaux.Legrappins’accrocheparfaitement entredeuxmerlons,etaprèsavoiraffermisaprise,ellereprendsonascension.Unefois arrivéeaucheminderonde,illuifautdésormaisatteindreunedestours.Ellechoisitalors cellesituéeàsagauche,ets’aidantdesmeurtrièresdanslesquellesellepeutfaufilerses petitspiedsetsesfinesmains,ellegrimpecommeunearaignéelelongdumurcirculaire. Arrivéepresqueausommet,n’ayantaperçuautraversdesmeurtrièresquedesescaliers oudespiècesabandonnéesdanslenoir,elledésespèrepeuàpeudetrouversonpèredans cettetour.Auniveaud’unefenêtrelaisséeouverte,probablementparoublioupar empressement,elledécouvreunevastepièceaveccommeseulmobilierunbureau,un confortablefauteuilencuir,unelampeàpiedetuneimmensebibliothèquelelongdes murs. -CedoitêtrelebureaudeHannibal,entre,ilyasûrementquelquechosed’intéressant! luienjointSalonqa,avidedecomprendreenfincequ’ilsetramedanslechâteau. Nadjahésiteuninstant.Ellevoulaitd’abordretrouversonpère,c’étaitlaprioritéetc’est pourçaqu’elleétaitpartieseuledevant,abandonnantsesamis. -Là,ilyauntrucbrillantsurlebureau!annonceJohn. Lacuriositéetlasolidaritél’emportentchezNadja,quidécidedepénétreràl’intérieur. Unefoislesdeuxpiedsausol,elledécouvrepeuàpeul’endroitdanslequelelledébarque, etvoitalorsdansuncoinledébutd’unescalierenruine,condamné,quinemène probablementnullepart:sonpèren’estpaspasdanscettetour.Elles’approchedu bureau,ettouslesjeunesdécouvrentenmêmetempslamystérieuseplaquedecuivre, gravéeengrec,poséesurlebureaudeHannibal. -Nadja,tupeuxlatenirdevanttoi,jevaislatraduire,demandeSalonqa,plissantlesyeux devantsonécran.Ellecommencealorsàlireàvoixhautepourtoutlemondel’oracledela Sybille. -«…Tantqu’ilgarderacetteétoile,nulnepourral’abattre.Tantqu’ilresterahumbleet honnêtedanssesactes,tantqu’ilgarderamesureetsagesse,ilserainvincible.Maiss’il faillit,ilseraconsuméparlacolèredeZeus». -Vouspensezqueçaparledel’étoile,dontHannibalpossèdelescinqfragments? demandeNadjadansunfrisson. -Probablement,répondBattushig,lafondationHannibalHumanHistoryapassédes annéesàrassemblerdescentainesd’objetsrelatifsàAlexandreleGrand.Maisjedoute queHannibalaitprislesmisesengardedelaSybilleausérieux.J’avouequ’ilmériterait pourtantdesefairefoudroyerparZeus! -Bon,jepeuxrepartir?rappelleNadja. -Oui,essaieuneautretour!luirépondSalonqa. Nadjarepartalors,s’extirpedubureauenpassantparlafenêtre,accrochelegrappinet descendenrappellelongdelatour.Ellecourtensuitelelongducheminderondepour atteindreladeuxièmetourdumurdufondetcommenceàl’escaladervigoureusement… -11Unevoixdéterminées’élèvealorsdanslaforêtjouxtantlechâteaudeSchattental: -John,pasquestionderesterplantéslààrienfaire.Sionnepeutpasentrerdansle châteauparl’entréeprincipale,nienescaladantlestourscommeNadja,alorsonva trouverunautreaccès.Suis-moi! Sansluilaisserletempsdeprotester,Leylas’estdéjàélancéeaupasdecoursedansla forêt,surlestracesdeNadja. JohnretientLeylasouslecouvertdesarbres,avantdes’approcherprudemmentdu manège.Ilrepèreuneportetransversale,qu’ilfaitglissersurlecôté.Ilsentrentainsi furtivementdansdestribunessurplombantlesoldumanègedésert.Ilsrestentlà,saisis parlapénombreetlesilenceduvastelocal,quandLeylatireJohnparlamancheenlui montrantladirectionopposéeauxtribunes.Surunedesparoisenboissedécoupeune largeethauteplaquemétallique.Lecouplesautedestribunesdanslesableimmaculéet sedirigeverscetteplaquedemétal.Ilscherchentunepoignéeouunmécanisme permettantdeladéplacer,lapoussent,tententdelafaireglissersurlecoté,maislalourde plaquesemblescelléedanslemurdebois.C’estalorsquedansl’oreilletteretentitlavoix deSalonqa: -John,àhauteurdetonépauledroite,ilmesemblequeleboisaunaspectlégèrement plusclair.Regardes’iln’yapaslàunetrappeouquelquechoselà-dessous. Eneffet,quandilposesamainsurlazoneboisplusclair,Johnsentlaparois’enfonceret glissersurlecôtépourdévoilerunboitiermétalliquesemblableàceuxdesdigicodes:10 chiffresetunetouchedevalidation. -Euh…quelqu’unconnaîtlacombinaisonpourouvrir?demandeLeyla. -Cetteporteestindépendanteduréseaucentral,sedésoleBattushig.Jenepeuxpasla contrôler.Commencezparessayerlessériessimplesàquatrechiffres.Lesplusfréquentes sont:1234-0000-1111-5555-2222-etc. -Non,répondJohnaprèsd’infructueusestentatives. -OK,alorsessaielesalignementsenfonctiondupavénumérique:2580–0852,puis colonnedroite,puiscolonnegauche. -Toujourspas. -Essayeceluiquej’utilisepourmoncodePIN:5683,tenteLeyla.C’est«LOVE»sion traduitentexte. Maisdevantcespremierséchecs,Battushigserembrunit. -Riennenousgarantitqu’ils’agissed’uncodeàquatrechiffres… Salonqaintervientalors: -EtsionessayaitladatedenaissancedeHannibal?Narcissiquecommeilest,ilyade forteschancesquelecodeserapporteàlui-même. Hélas,lacombinaisonnefonctionnepasnonplus.C’estalorsqueleprofesseurTemudjin intervient: -Salonqa,tufaisbiendesoulignerlecôtéobsessionneldeHannibal.Tentezlecode suivant:«2107356». JohnetLeyla,sidérés,entendentunesériedecliquetis,puislalourdeplaquedemétal s’enfonceetsedécalesurlecôté,dévoilantl’intérieurd’unesortedemonte-charge moderne. -Bravoprofesseur!s’écrieSalonqa.Commentavez-vousfaitpourtrouver? -C’estladatedenaissanced’AlexandreleGrand:le21juillet,en–356.LeylaetJohn, soyezprudentss’ilvousplaît. Unefoislaportedumonte-chargerefermée,JohnetLeylarespirentleseffluvesrelaxants deshuilesessentiellesenmêmetempsqueleplanchers’enfoncelentementdanslesol. -Pourvuqu’onn’atterrissepasdansunefosserempliedeserpents…murmureLeyla. Maisquandlebruitsourddelaportedumonte-chargequis’ouvreànouveaulesavertit deleurarrivée,cenesontpasdesserpentsquilesaccueillent,maisdeschantsd’oiseaux sereinsdansunenatureparfaite.Unelumièredecielvoilérègnedanscejardininattendu, découpantlescontoursd’unevégétationluxuriante.Hésitants,ilsfontquelquespassur unsolmousseux,souple,attentifsauxsignesd’uneprésencehumainemenaçante… -Quetuesbeau!s’écriesoudainLeyla. -Eum…est-cebienlemomentetlelieu?bredouilleJohn,embarrassé. -Jeneparlepasdetoi!Regarde-le,lui,maisquellesplendeur! Àquelquesmètresd’euxsedresseunbelétalonnoir,quilesobserveavecplusdecuriosité quedeméfiance.Ilsemblelas,pousseunhennissementd’unetristesseàfendrelecœur. Leylafouilledanssespoches,trouvelesachetdesucrequ’elleaprisdansl’avion.Ellele déchire,versesoncontenudanslecreuxdesapaume,qu’elletendversl’étalonen murmurant: -John,tunebougessurtoutpas.Ettoi,viensmonbeau,viensprendreunefriandisechez mamanLeyla,viens… L’odeurdeceshumainsestrassurantetoutcommeleurattitude,lavoixdouceet chantonnantel’attire,etilneluifautquequelquesinstantspoursedécideràs’approcher, etcueillirdanslamaintenduelescristauxsucrés,lécherlapaumeoùlegoûtdesucrese mêleàceluiduseldelapeau.Leylaoseunecaresselégèresursonfront,sontoupet,puis sursonencolure,toutencontinuantdeluiparler: -Quefais-tutoutseuldanscesous-solmonpauvre?Pourquoitecache-t-ondansce jardinartificielalorsquetudevraisgaloperdehorsentouteliberté,commeAmira,ma princessed’Égypte.Elleettoiferiezunsibeaucouple,tusais… Pendantcetemps,descoupsrépétésrésonnentsurlescarreauxdelafenêtred’unedes toursduchâteau: -Père!Ouvre-moi! ÀtraverslavitresedessinelevisageincréduledeSergueï.Uncourtinstants’écouleavant qu’ilneseréveilledesastupéfactionetqu’ilcoureàlafenêtrepouraccueillirdansses brasl’acrobatesuspendueau-dessusduvide. -Nadja!Tuesfolled’êtrevenuejusqu’ici,jetecroyaisensécuritéenRussie! -Tucroyaisquej’allaistelaisserenproieàcemonstredeHannibal?Allez,sortonsd’iciet fuyonsauplusvite,ajoute-t-elleenquittantl’étreintedesbrasdesonpèrepourretourner àl’embrasuredelafenêtre. -Attends,Nadja,tudoisd’abordsavoircertaineschoses… -12C’estcommesiunedigueserompaitd’uncoupchezcethommesimuet,sisecret.Les motsdéferlent,Sergueïracontel’histoiredesapremièrerencontreaveclafamille HannibalauPaysbasque,letragiqueaccidentquiafaitdisparaîtrelepetitfrèresi prometteuretdétruitl’équilibredesmembresdelafamille,lesermentaupèredeJohn FitzgeraldHannibalavantsamort,lademandeinattenduedesannéesplustardde réapprendreàHannibalàmonteràchevalouplutôtàdominerleschevaux,ladécouverte delafolieprogressivequis’étaitemparéedeluiaupointdes’identifieràAlexandrele Grand,denommerl’étalonnoirretenudanslessous-solsBucéphalecommelecheval légendaireduconquérant,sonchoixdenelaissersortirlechevalaupréextérieurqu’une foisquelesrayonsdusoleilontquittél’étroitevallée. Dansl’oreillettedeNadja,lesvoixdesmembresduRéseau,estomaquésparles révélationsdeSergueï,cascadentensombresinterrogations,avantdeconvergerversune conclusiondérangeante: Ilyaplusde2400ans,Bucéphale,l’étalonréputéindomptable,necraignaitqu’une choseaumonde:sonombre.Alexandre,quialorsavaitàpeinedouzeans,l’avait intuitivementcompris.Ill’enfourchaetaprèsunrudecombatdecesdeuxvolontés inflexibles,ilparvintàletournerfaceausoleilpourfairedisparaîtrel’ombreetl’apaiser. Bucéphaleétaitl’undeseschevauxquin’obéissentqu’àunseulmaître,etilacceptadese laissermenerparlejeunegarçonpuisdel’accompagnerfidèlementlelongdesesannées deconquête.Hannibal,lui,paruneincapacitéàfaireconfianceauxchevauxetunesorte decraintesuperstitieusequel’étalonnoirqu’ilavaitégalementnomméBucéphalepuisse échapperàsoncontrôle,avaitchoisidel’empêcherderencontrerlemoindrerayonde soleil. HannibalsepréparedoncbienàchevauchersonBucéphale,enportantl’étoile reconstituéed’AlexandreleGrand,pouratteindrelepouvoirabsoluetl’immortalité.Et nulnesaitcequecethommedéjàsipuissantdanslesdomaineséconomiques,politiques etscientifiques,maisàl’étatmentalvisiblementaltéré,pourraitfairedecettetoutepuissance… LeprofesseurTemudjintented’apaiserlesesprits: -Soyonsconcrets.Vousaveztrouvél’étalon,maispasl’étoile.Doncl’urgenceestde localiseretdéroberl’étoile. -Noussommeslesplusprochesducœurduchâteau,ditJohn.Leylaetmoiallons chercherl’étoile. -Jeparsenrenfort,intervientalorsPablo.Avantlecrashdesdrones,j’aiaperçusurleurs camérascequiressembleàunebouched’aérationauniveaudessoubassementsdu château.Jevaisessayerd’entrerparlà.BattushigetSalonqa,jecomptesurvotre surveillancepourmeprévenirencasd’embûchesoudemauvaisesrencontres. QuantàSergueï,maintenantqueZaldiaestrentréenRussieetqu’ilaretrouvésafille,il désirepartirauplusviteduchâteau.Nadjahésite,elleaatteintsonbutdedélivrerson père,ellen’aaucunbénéficeàrestericipluslongtemps.Maiscesjeunesetleprofesseur Temudjin,sontdevenuscommeunedeuxièmefamille,va-t-ellelesabandonneralors qu’ilscourentdegrandsrisquesàleurtour? PendantqueNadjaetSergueïsortentduchâteauenrepassantparlafenêtreetlacorde, Leylaquitteàregretl’étalonnoirpourgrimperavecJohndansl’escaliercentral. Pablo,lui,estdéjàpartiaupasdecourseàtraverslespins,déterminéàmeneràbienla missionqu’ils’estdonnée.Ilatantderancœurenversceluiquiafroidementet gratuitementtirésursajument,Tormenta,qu’ilajurédeledétruire.CesgensduRéseau luiparaissenttroppacifiques,troptrouillards,iliraseuletassumeraentièrementson acte… -13Pabloaatteintlabordurebasseduchâteau.Ildégagelavégétationàl’aidedesonfacón, legrandcoutelasquelesgauchosargentinsgardentdansleurdos,glissédansunelarge ceinture.Ildéfaitensuitelegrillagequil’obstrue,puiss’introduitenrampantdansun conduitétroit,obscurethumide,quis’enfonceenpenteraidedanslesol.Ilcalculequ’il doitsetrouveràunniveauinférieuràceluidusous-solcontenantlejardinartificieloù l’étalonnoirestparqué.Plusilavance,plusuneodeurd’antiseptiqueluiagresseles narines.Levoilàauboutduconduit.Derrièrelegrillage,danscettelumièredecrépuscule artificielle,ildistingueencontrebasdesplacardsfermésetdesétagèresempliesde matérielmédical:gazes,compresses,bandages,flacons,tubuluresensachées.Ilécoute attentivementchaquebruit,recherchantlaprésencedegardes.Rien,justedelégersbruits mécaniques,régulierscommedesbattementsdecœur.Laréserveestvideetlavoie semblelibre.Ildéfaitsilencieusementlegrillage,puisselaisseglissertelunserpentdans laréserveencontrebas. Laporten’estpasverrouillée.Illapoussesilencieusementd’unemain,l’autreseserre contrelemanchedesoncouteau.Lebruitmécaniques’amplifie.Ilarpentelecouloir, pénètredanscequiressembleàuneécuriesouterraine.Danslesstallesindividuelles,des jumentsàdifférentesétapesdegestationsontallongées,inertes.Pourtantellesrespirent. Ellessontreliéesàdesperfusions,àdesmachinesquimesurentleursfonctions biologiques.Aulieud’unnomdejumentsurl’entréedelastalle,ilyajustedeschiffreset desgraphiques. UnprofondmalaiseenvahitPablo,iltentedelechasserenpoursuivantsonexploration.Il entredansunvastelaboratoire,désert.Toutestvisiblementrestéenplan,commesile laboratoireavaitétéévacuéprécipitammentparlesemployés.Pablo,lesnerfsàcran, parcourtduregardlelocal,etnepeuts’empêcherdepousseruncrid’horreuretdedégoût endécouvrantlesaquariumsinsérésdanslesmurs,etsurtoutleurcontenu:deschevaux inertesàdifférentsstadesdedéveloppement,del’embryonaunouveau-né,flottantsdans duliquidetranslucide. -Quelqu’unpeutm’expliquercequejevois?demande-t-ildanssonmicrod’unevoix altéréeparlechocdecettevisionmacabre. Unlongmoments’écouleavantquelavoixduprofesseurTemudjinneparvienneaux oreillesdesmembresduRéseau. -Jecrainsquecesoientdeséchantillonsd’expériencesdegéniegénétique… -Professeur,s’indignePablo,jesaisquelegéniegénétiquepeutmodifierunetomatepour laconserverpluslongtemps,ourendrelesojaOGMplusrésistantauxherbicides,mais là!Hannibalfaitdesexpériencesgénétiquessurdesbébéschevaux? Salonqaditalorsd’unevoixblanche: -Des«bébés»quiseressemblenttous…Professeur,est-cequecepourraitêtredes… échantillons…detentativesdeclonage? LesmembresduRéseauécoutentavecunebouleaucreuxduventrelesexplicationsdu professeursurlatechniqueduclonageanimal.Onprélèveunmorceaudepeaudu donneuradulte,pourenextrairelesfibroplastes,quicontiennenttouslesgènesde l’animaldonneur.Ilssontensuiteconservésdansdel’azoteliquide,dansunesortede «cryo-banque». Del’autrecôté,unovocyte,oufuturovule,estprélevésurunejument,vivante…ouàla sortiedel’abattoir.Onremplacesonnoyaud’ADNparceluid’unfibroplastedécongelé pourcréerunembryon.Celafonctionneunefoissur2.500tentatives.Après7joursde culture,lejeuneembryonesttransférédansl’utérusd’unemèreporteuse.11moisplus tard,lamèredonneranaissanceàunpoulaincloné,porteurdetouslesgènesdel’animal donneur.Maiscesgestationssontbienplusfragilesqu’unegestationclassique,et l’avancéescientifiqueauniveauduclonaged’animauxnepermetpasencorehélasd’éviter untauxdemortalitéde95%chezlesembryonsetlesfœtus. -Donc,résumeSalonqaens’accrochantauxchiffresetaurationnelpouréviterdecéderà sesémotions,sileclonageréussit,lepoulainseralejumeauparfaitdudonneur,mêmes’il naîtbeaucoupplustard. Pabloestenproieàunvertigeintérieurimpossibleàcontenir.Entrelavisiondes «ratés»flottantdanslesaquariumsetlesjumentsparquéeslààlamanièrederatsde laboratoire,renfermantdansleurventrequisaitquelsmonstresexpérimentauxcrééspar Hannibal,safureuretsondégoûtlesubmergent.Ilquitteprécipitammentlelaboratoire pourcontinueràrechercherHannibal.Ilaencoreplusderaisondevouloirluirégler définitivementsonsort! Pablodébouchesurunenouvelleporte.Lesmainstremblantesderage,ill’ouvre.Unfroid glaciall’assaille.C’estunepiècefrigorifique,auxmursentièrementnus.Salonqal’informe quecettepièceestinvisibleauréseaudecamérasduchâteau,etqu’ilsnepourront l’avertirencasdedanger.Pabloserrelesdentsets’enfoncedanslasalle,soufflantdes nuagesdebuéeparlesnarines.Derrièreuneépaissevitresedresseuneétrange… sculpture.Battushig,lesyeuxexorbitésdevantl’écransurlequelilsuitlesimages transmisesparlacaméradePablo,saisitlebrasdeSalonqaetleserreàluifairemal. Battushigpenseauchevaldeglace,àlaressemblanceinouïeentrela«sculpture»etce chevaltombéavecsoncavalier,unsoldatd’AlexandreleGrand,dansunprécipiceen Mongolie,etconservédanslaglacedepuisprèsde2400ans.Hannibalavaitàl’époque contournéleséquipesgouvernementalesdeMongoliechargéesdel’étudierpourle rapatrierenavionfrigorifiqueauxÉtats-Unisdanssasociétéspécialiséeen cryogénisation,laHannibalCorp.Nuln’aplusjamaisentenduparlerdecettedécouverte depuis.SicechevalétaitlevéritableBucéphale,etsiHannibalavaitréussiàpréleverun fragmentexploitabledel’ADNduchevaldeglace,aurait-ilréussiàcréerunclonede Bucéphale? SalonqaparvientenfinàdétacherlesdoigtsdeBattushigdesonbras,ellesecoueson compagnoncommetransforméenstatueluiaussi: -Qu’est-cequ’ilya?Ondiraitquetuasvuunfantôme! -Tunecroispassibiendire,répond-ilauboutd’unmoment.Lechevaldeglace,celuiqui avaitchutédanslacrevasseenMongolieaveclecavalierd’Alexandre,jesuissûrquec’est lui! -14LesmembresduRéseaurestentpétrifiésdevantl’imagedelastatuedeglace,comprenant qu’ils’agitdeBucéphale,leBucéphaled’origine.Danslesaquariums,dansleventredes jumentsallongées,cesontdesclonesdeBucéphale,etl’étalonnoircachédanslejardin artificieldusous-solseraituncloneabouti,parfait! Unealarmestridenteretentitsoudaindanslechâteau,probablementdéclenchéepar l’augmentationdelatempératuredanslapiècefrigorifiquedueàl’ouvertureprolongéede laporte. -Sorsdelà,Pablo!s’écrieSalonqa.Onperdlecontrôledescaméras,pasquestionquetu tombesnez-à-nezaveclesgardesdeHannibal. Lejeunehommeobéitcommeunautomate.Ilrefermelaporteetrecule,étourdipartout cequ’ilvientdecomprendredesexpériencesdeclonagedeHannibal.Unequestionle taraude:s’ilavaitaccèsàcesmoyensetàcettemaîtrisedanslamanipulationgénétique, pourrait-ilre-créersajumentTormenta,àpartirdesonADN,sielledevaitsuccomberà sesblessures? JohnetLeylaontgrimpéquatreàquatrelesmarchesdel’escaliermenantdujardin artificielàl’étagesupérieur.Deuxdestroisportessontverrouillées,ladernière,avecsa poignéeenformedegouvernail,estgrandeouverte.Lesoreillesagacéesparlebruitde l’alarme,ilscommuniquentpargestes.Plaquésdechaquecôtédelaporte,ilssedonnent lesignalpourentrerenmêmetempsdanslapièce,quiserévèledéserte.Fascinés,ils s’approchentdel’appareilcylindriquecomplexequisiègeensoncentre.Toutautourdela machinesesituentdespromontoiresélectroniquessurmontéspardesclochesenverre quiabritentdesprésentoirspasplusgrosqu’unemain,maisquisontvides.Aucentrede lamachine,ilsdécouvrentuneétoileàcinqbranches,entière,enmétalmordoré,gravée delettresgrecquesetdesymbolesexactementcommesurlesreproductions informatiquesproduitesparBattushig.John,prudent,observeattentivementlamachine. Ilcraintunsystèmedeprotectionfatalautourdel’étoile.Leyla,elle,passedirectementà l’acteenempoignantl’étoileàmainsnues.EllecrieàJohn: -Vite,onvarejoindrelesautresàl’extérieur! L’alarmecessebrusquement.JohnretientdejustesseLeylaetlaplaquesurlecôtéavant qu’ellenefranchisselaportedelasalledel’étoile,verslaquelletroisgardesarmésse précipitent.Ilspensentqu’ilssontfichus,maislepremierdessbiresmarchesurlepetit pavésituéenfacedelaporte,déclenchantl’ouvertured’unefossequiemportedansses tréfondslesgardessurpris.Descrisdedétresseproviennentdesprofondeurs,maisJohn etLeylachoisissentdelesignoreretdefoncerverslasortie,enévitantscrupuleusement lesbordsdelafosse. Dansleursoreillettes,oùtoutsons’étaitinterrompudepuisledéclenchementdelasirène, lavoiximpérieusedeBattushiggrésilledésagréablementavantdedeveniraudible: -Àtous,objectifatteint,sortezimmédiatement! SalonqaposesubitementunequestioninsoliteàBattushig,quibataillepourmaintenirla communicationaveclesmembresduRéseau: -Situpouvaisgarderlesceaudetoutepuissancerienquepourtoi,qu’est-cequetuen ferais? MaisBattushig,troppréoccupéparsoncombatinformatique,necapterien.Leregardde Salonqasevoilealors.Ellesaitcequ’elleferaitsielleétaitconfrontéeàcechoix.Elle refuseraitdeposséderl’étoileetsespouvoirs,illuiestimpossibledes’imaginer immortelleetseuleàjamais.Ellepréfèresavourerlemomentprésentetpeut-êtrebienle futur,avecBattushig… CettepenséeestdecourteduréecaralorsqueJohnetLeylacourentpourlesrejoindre, Leylatrébuchesuruneracinesaillanteetpousseuncridedouleurenvacillantsursa chevilletordue.ElletombebrutalementfaceausoletJohnsuspendsacoursepourl’aider àserelever.Leylaserrelesdentspournepascrierquandelleprendappuisursacheville. Johnglissesonbrassousl’épauledelajeunefillepourl’aideràmarcher,maisLeylale repousseetmontredudoigtquelquechosequiluitentrelesrochersetlesaiguillesde pins.L’étoile,qu’ellealâchéeparréflexepouramortirsachute,gîtenpleindemorceaux auréolésdepoudreblanchâtre.Johntentedelesramasserpourlesglisserdanslaposte desachemise,maisLeylas’approchedeluienboitillant: -Laissetomber,John.Cen’étaitpaslavéritableétoile…unesimplecopieencompositeou enplâtrepeint.Hannibalnousabieneus. Johnseredresseatterré: -Vousavezentendus,tous?Hannibalasûrementlesceauaveclui,ilacherchéànous éloignerduchâteau.Ilfautyretourneretl’empêcherdeseservirdel’étoile! AlorsqueBattushigabandonnesonordinateurpourseprécipiterverslechâteau,Salonqa leretientfermement: -Sansvouloirt’offenser,tuesloindefairelepoidsphysiquementcontreHannibal.Si vousvoulezbienm’aider,toiicietKushienMongolie,jecroisquej’aiuneidée.Celledela dernièrechance… -15Dehorslecielestentraindes’assombrir.Leyla,quel’entorseàsachevillerendinutile dansledomainedelavitesse,harangueJohn: -Laisse-moietcours.Silanuittombebientôt,HannibaletBucéphalepourronts’enfuiret disparaîtrecommedescafardsdansunejarred’olivesnoires. Pablo,lesoufflecourt,criedanssonmicro: -Unlieusansombres…lejardinsouterrainestvide…foncezaumanège! MaisquandPabloatteintlemanège,bientôtrejointparJohn,ilestdéjàtroptard. HannibalestjuchésurledosduclonedeBucéphale,immobileaucentredumanègeoù l’éclairageannulelesombres,commes’illesattendait. -Vousvoilàenfin…laisse-t-iltomberavecunemorguebouffiedevanitétandisque BattushigetSalonqaentrentàleurtourdanslemanège. Hanniballeurannoncealorsqu’ilauraitputousleséliminer,maisqu’ilapréféréles réunirafinqu’ilsassistentàsontriomphe,maintenantqu’ilasoumisl’étalonetl’étoileà savolonté.AlorsquePablopousseunhurlementderageensortsonfaćondesonétuiet sepréparantàcourirverslecentredumanège,Salonqasejettedevantluipourleretenir: -Non!Nefaispasça!John,aide-moi! Hannibalritdurementtandisquesesyeuxvaironslancentdeséclairsdejubilation.Il entrouvresachemise,branditlesceaud’AlexandreleGrandretenuparuncordonen directionduciel.Ilnevoitpaslasilhouetteseglisserderrièrelui.Ilnecomprendpas pourquoiBucéphalesecabresubitement,pourquoiunepuissantelumièreinondelesable delacarrièredevantlui,pourquoicetteombredechevalfaitmined’attaquerson Bucéphale,pourquoicederniercèdeàlapaniqueetsedébatcontrelamainquienserre lesrênes,contreleséperonsquilabourentsanspitiésesflancs.Hannibalhurlede frustration,frappel’étalonaffoléaveclamatraquetélescopiquequ’ilavaitglisséedanssa botte,laissantsursoncorpsdeszébruressanguinolentes.Ilignorelessupplicationsde Sergueï,surgidanslemanègeavecNadja,pourqu’ilcessedefrapperl’étalon.Au contraire,ilredoubledeviolence,pasquestiondecédersiprèsdubut! Foudepeuretdedouleur,Bucéphalesedébat,désarçonnesonbourreaudecavalieret s’enfuitauplusloindecetteombremaléfiquequil’attaque.AumomentoùHannibal touchelesol,unesorted’ondeélectriquesembleletransperceretils’enflammecomme unarbresecfrappéparlafoudre. Tandisquelesjeunesgensmédusésobserventlescendresfumantesausoldumanège,à quelquespasdeBattushig,Sergueïs’emploieàcalmeretrassurerl’étalon.Battushigparle commes’ilétaittoutseul,leregardperduauloinetleprojecteurholographiqueminiature pendantauboutdesamain: -«Siparmalheur,leporteurdel’étoiledevaitsuccomberàladémenceoulafureur,si sonambitionexcédaitlamesure,alorsl’étoilelemèneraitàsaperte.»Laprophéties’est réalisée…pardonne-nous,Bucéphale… Salonqaavaiteuuneformidableintuition.ToutescesprécautionsprisesparHannibal pourqueleclonedeBucéphalenevoiejamaislesoleil,c’étaitlepointfaibleparlequel atteindreHannibal.Nepouvantcréerlesoleil,ilsontcréépuisprojeté,àpartirdes imagescaméradeBucéphale,uneombreholographiqueanimée,celled’unpuissant étalon-miroirattaquantBucéphale.Enbrisantl’harmoniequeHannibalavaitréussià instaureravecsamonture,ilsl’ontpousséàrévélersafolieetsadémesure. -16Épilogue Sergueïafiniderassemblerleursaffaireshorsdelamaisonquiaservidecampdebase. Aumomentoùilrefermelaporte,ilcroitentendreunhennissementd’adieu,auloin.Il saitqu’ilgarderalongtempsdanssamémoirel’échodespasdeBucéphales’éloignant danslaforêtplongéedansl’obscurité.Quedeviendracetétalonexceptionnel,si indomptable,sifier,livréàlui-mêmedanslanature?Nulnelesaurajamais… Rassemblésenamontduval,àunedistancedesécuritérespectableduchâteau,les adolescentsrespectentunsilenceinstinctif,celuidurecueillementavantunactedéfinitif. Lechâteauetsonhorriblecontenusontprêtsàêtredétruits.Depuisqueleuremployeura disparu,lessbiresdeHannibaln’ontpasdemandéleurresteetontpréférés’enfuir.Les jumentslibéréesdanslavasteforêt,ilneleurresteplusqu’àappuyersurleboutondela commandepourdéclencherlaséried’explosifsenligne.Maisavantderefermerlapage surlesecretdeHannibaletd’AlexandreleGrand,illeurresteuneterriblequestionà résoudre:quefairedescinqfragmentsd’étoile,queNadjaaramassésdanslemanège aprèsqueBucéphaleapiétinéetbriséànouveaul’étoile? Johnprendlaparoleenpremier: -Chacund’entrenoussecharged’unfragmentet,commelescavaliersdePtolémée, l’emmènepourlecacherdansunendroitqu’ilnerévéleraàpersonne,pasmêmeaux quatreautres.C’estlemeilleurmoyenpourquelesecretnefiltrejamais. UnlourdsilencesuitlapropositiondeJohn.Chacunsaitqu’ilaraison,etqueceuxqui prendrontlaresponsabilitéd’unfragmentdevrontenassumerlefardeaupourlerestant deleurexistence.Battushigbriselesilenced’untongrave: -Jepensequechacund’entrenousl’aexpérimentéouintimementressenti.Latentation delatoute-puissanceetdel’immortalitéesttropgrandemalgrélesmeilleuresintentions dumonde.Sinousrestonsencontact,sinouscherchonsànousrevoir,j’ignoreceque nousserionscapablesdenousfairemutuellementsubirpourreforgerlesceauet s’appropriersapuissance… -Cequisignifiequenousnenousreverronsplusjamais,déduitSalonqa. -Euh…intervientLeylaavecunserrementdanslagorge,ilyacinqfragmentsetonest six.Alorsqui…? Spontanément,sixmainsselèventdeconcert.Maisaprèsuncourtinstant,Leylacherche lesyeuxdeJohn,etBattushigceuxdeSalonqa.Pabloseréjouitcyniquementd’être célibataire,etNadjaréalisebrusquementqu’ellenepourraplusrevoirsonpère.Lechoix estimpossible! *** Salled’embarquement,aéroportdeMunich. LeprofesseurTemudjins’avanceàlarencontredesjeunesgenséprouvés,serre longuementlamaindeSergueïetéchangequelquesparoleschuchotéesaveclui.Ilsse tournentalorsverslesadolescentsavecdesyeuxpleinsd’affectionetdecompréhension: -Ceserontlesdeuxvieuxcélibatairesquiprendrontenchargeunfragmentchacun.Leyla etJohn,SalonqaetBattushig,votreamourdoitpasseravanttout… -Père?bredouilleNadja,égarée.SiPabloprendunfragment,lesamoureuxenemportent unchacun,leprofesseurettoilesdeuxderniers,jenepourraiplusjamaist’approcher? -Connais-tuunhommeplusmuetquetonpère?répondSergueïavecunepointede malicedanslavoix. Nadjaéclateensanglotsetcourtseréfugierdanslesbrastendus. Aumomentoùl’annonced’embarquementretentitdansl’aéroport,leprofesseur Temudjinenlaceaffectueusementchacundesaventuriersdusceauperdu: -Adieumesamis.Vousavezprislabonnedécision,mêmesileprixàpayerestquevous vivrezaveclepoidsdecesecretetnevousreverrezjamais.Jevoussouhaiteàtousunevie longue,heureuseetsagecommecelledePtolémée… MémoiresdePtoléméeSôter1er,roid’Egypte,vers-285avantJC …JedérobaiàAlexandrelesceaudupouvoiretenbrisaichaquebrancheavecmon épée.Cinqcavaliersdeconfiancefurentchargésd’emporterunebranchedel’étoilele plusloinpossible,afinquenulnepuisselesrassemblerànouveau.Lecinquième cavalier,monmeilleurlieutenant,enfourchaBucéphale…etpartitàsontourversl’un desconfinsdumonde. …Alexandrenefutplusjamaislemême.Nousabandonnâmeslaconquêtedel’Indeet rentrâmes.AlexandresuccombadefièvresdesmaraisàBabylone,justeavantses trente-troisans. …Jeviensdefêtermes80ans,etdemalongueexistence,jenerevisjamaisaucundes cinqcavaliers.Lemondeestbientropvastepourqu’unseulprétendelegouverner,sans risquerdel’anéantir.JeprieZeusetAmonquenul,jusqu’àlafindestemps,neréunisse ànouveaulescinqfragmentsdusceaud’AlexandreleGrand… FIN Sicettehistoirevousaplu,venezdèsàprésentretrouverBucéphaleetdécouvrirles autreschevauxlégendairessurwww.equideow.com Auteurdel’histoiredesChevauxLégendaires:ChristineFrasseto ©2015Owlient.AllRightsReserved.