La stratégie du `Cheshire cat` pour échapper aux virus marins

Transcription

La stratégie du `Cheshire cat` pour échapper aux virus marins
www.cnrs.fr
COMMUNIQUÉ DE PRESSE NATIONAL I PARIS I 16 octobre 2008
La stratégie du ‘Cheshire cat’ pour échapper aux
virus marins
Une stratégie originale de défense des organismes unicellulaires parmi les plus abondants
de l'océan face aux virus marins vient d’être mise en évidence par des chercheurs du
laboratoire Adaptation et diversité en milieu marin (CNRS, UPMC) de la Station biologique
de Roscoff en collaboration avec des chercheurs européens. Ces résultats permettent de
mieux comprendre l’origine et les raisons de la reproduction sexuée chez les eucaryotes1.
Ces travaux sont publiés dans la revue PNAS.
Les chercheurs ont étudié l'impact des virus marins sur Emiliania huxleyi, un des eucaryotes unicellulaires
les plus abondants dans les océans qui influence significativement le cycle du carbone et les climats. Sous
leur forme diploïde, c'est-à-dire lorsque les cellules possèdent des chromosomes en double exemplaire,
les cellules d’Emiliania huxleyi, produisent des écailles calcaires et forment des populations gigantesques
visibles depuis l'espace. Mais sous l'attaque des virus marins, elles se transforment en cellules haploïdes,
qui ne possèdent plus qu’un seul exemplaire de chromosomes. Ces nouvelles cellules, non-calcifiantes et
très actives, sont totalement invisibles aux virus (et indétectables par photo-satellite), et permettent donc a
l'espèce de vivre en paix en attendant des temps meilleurs.
Ces chercheurs ont nommé cette stratégie 'Cheshire cat' en référence au roman de Lewis Caroll. Dans
« Alice aux Pays des Merveilles », le Chat du Cheshire, malin et philosophe, échappe à l'ordre de
décapitation de la Reine de cœur en rendant son corps transparent. De même, les eucaryotes, en
changeant de corps dans leur phase haploïde, peuvent esquiver la pression biotique, et se réinventer au
sein même de l'espèce.
Nos ancêtres les eucaryotes unicellulaires, apparus dans les océans il y aurait environ un milliard
d'années, ont « inventé » la sexualité. Les espèces sont caractérisées par un cycle de vie, ou les
individus haploïdes (portant une seule copie du génome, comme les gamètes2) s'unissent pour former des
individus diploïdes, qui plus tard génèrent à nouveau des cellules haploïdes. Dans cette « double vie »
eucaryote, les humains et autres eucaryotes multicellulaires dont les gamètes haploïdes restent
prisonniers au sein du corps diploïde, sont plutôt une exception. À l'origine et chez les plupart des
eucaryotes, les cellules haploïdes peuvent se multiplier dans l'environnement en populations
indépendantes. La sexualité aurait permis aux eucaryotes d'échapper aux attaques permanentes des
1
2
Cellule où le matériel génétique est préservé au sein d’un noyau
Cellule reproductrice
www.cnrs.fr
virus, et de pouvoir évoluer vers des organismes plus complexes et performants, dont l'importance
écologique est encore largement sous-estimée.
La transition de la cellule diploïde calcifiante (en arrière
plan) a la cellule haploïde, non-calcifiante et flagellée
(premier plan) permet d’échapper à l’attaque des virus. Le
sexe est donc une stratégie anti-virale chez le
coccolithophore Emiliania huxleyi.
© Miguel Frada, équipe Evolution du Plancton et Paleo
Les coccolithophores, petites cellules calcifiantes de
quelques
microns,
forment
des
efflorescences
gigantesques comme ici au large de la Bretagne. Ces
populations importantes pour le climat de notre planète
sont décimées par des virus. Les chercheurs de la Station
Biologique de Roscoff (CNRS/UPMC) ont compris que les
cellules échappent a la mort par la transformation sexuelle
des cellules diploïdes en formes haploïdes, invisible aux
virus.
© Jeremy Young et Colomban de Vargas.
Bibliographie
The “Cheshire Cat” escape strategy of the coccolithophore Emiliania huxleyi in response to viral infection,
Miguel Frada, Ian Probert, Michael J. Allen, William H. Wilson and Colomban de Vargas, PNAS 14 octobre
2008, en couverture.
Contacts
Chercheur l Colomban de Vargas l T 02 98 29 25 28 l [email protected]
Presse l Cécile Pérol l T 01 44 96 51 51 l [email protected]
Presse régionale l Cécile Yven l T 02 99 28 68 06 l [email protected]

Documents pareils