Grande- Synthe, - Fondation Jean

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Grande- Synthe, - Fondation Jean
Note n°28 - Fondation Jean-Jaurès / Observatoire de l’innovation locale - 30 octobre 2014 - page 1
GrandeSynthe,
une ville
industrielle en
transition
Damien Carême*
*Maire de GrandeSynthe, président
de la commission «
Aménagement du
territoire, tourisme,
environnement, plan
climat » de la Région
Nord-Pas-de-Calais,
vice-président de la
Communauté urbaine
de Dunkerque en charge
de la Transformation
écologique et sociale,
président de l’association
des maires « Ville
et banlieue »
F
aisant face à la mer du Nord, Grande-Synthe est une ville côtière de 22 000 habitants
marquée, dans son histoire, par de nombreuses mutations et préparant aujourd’hui la
transition vers un futur plus harmonieux. Ancien village de maraîchers, cette localité
du Nord-Pas-de-Calais devient dans les années 1960, sous l’impulsion de l’expansion industrialoportuaire de Dunkerque, une ville industrielle à la croissance démographique impressionnante.
Dès les années 1970, le besoin d’un développement plus soutenable se fait sentir. S’engage
alors une politique soucieuse de concilier mondes industriel et tertiaire avec la préservation des
ressources naturelles. Les actions dans des domaines aussi variés que le transport, l’alimentation,
l’environnement, l’énergie, l’urbanisme, la démocratie participative ou encore l’économie circulaire
se développent ainsi au cours des ans. Dans ce territoire, l’annonce des crises économiques,
écologiques et sociales résonne et trouve un écho politique à travers l’engagement vers un concept
fédérateur et résolument positif qu’est la transition.
La transition prépare le passage de la dépendance au pétrole à la résilience locale. L’autonomie,
la sobriété ou encore la relocalisation en sont des maîtres mots. Cette volonté politique menée
par la municipalité offre une vision positive de l’avenir, où le but est finalement de relever le plus
grand défi auquel l’Homme n’a jamais eu à faire face.
Les collectivités locales et leurs acteurs inventent chaque jour nos vies de demain. Dans de nombreux
domaines, les initiatives des territoires participent à faire émerger une France durable,
solidaire et citoyenne. L’Observatoire de l’innovation locale de la Fondation Jean-Jaurès s’emploie
à repérer, analyser et valoriser ces innovations. Il est le lieu où se découvre et se partage une
invention locale porteuse de solutions pour notre société tout entière.
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Préparer la transition, ce n’est pas seulement vivre sans pétrole, c’est également tenir compte de
la réduction des émissions de gaz à effet de serre, consommer mais aussi produire différemment,
se rendre compte de son impact sur l’environnement et finalement améliorer le bien-être et le
bien-vivre de chacun. Cette démarche a permis la réalisation de nombreux projets au sein de la
ville de Grande-Synthe dans de multiples domaines touchant au quotidien de chaque habitant
et d’envisager un avenir meilleur.
La cohérence globale de toutes ces actions a fait de la ville de Grande-Synthe une des étapes
phare du « DD Tour », un circuit sur le développement durable récemment conçu par le Centre
de ressources du développement durable (CERDD) de la région Nord-Pas-de-Calais mettant
en valeur les expérimentations fortes, innovantes et duplicables d’une douzaine de territoires et
communes de cette région. Un circuit qui sillonne la ville avec près de cinquante haltes permet
de concrétiser les paris faits par Grande-Synthe, ville qui engage la mutation indispensable pour
réussir l’avenir1.
Une démarche d’avenir et de cohérence politique initiant
la réflexion citoyenne
Le pic pétrolier qui, selon l’Agence internationale de l’énergie, a eu lieu en 2006 pour le pétrole
conventionnel a révélé l’imminente fin d’un pétrole abondant et peu cher. Tous les jours, de
nouvelles études dressent un bilan dramatique de la situation dans laquelle se trouve la planète.
Une terre et demie est aujourd’hui nécessaire chaque année pour satisfaire les besoins de
l’humanité en ressources naturelles. Le jour du dépassement, c’est-à-dire la date où l’empreinte
écologique dépasse la biocapacité terrestre, arrive de plus en plus tôt chaque année (19 août en
2014 contre début octobre en 2000). Près de 52 % des espèces de vertébrés ont disparu entre
1970 et 20102.
En 2007, Rob Hopkins, enseignant en permaculture, a lancé en Grande-Bretagne, dans sa ville
natale de Totness, le mouvement de la transition pour s’affranchir du pétrole et s’adapter aux
1. www.cerdd.org/Escapade-a-Grande-Synthe-ville-en
2. Rapport Planète vivante, WWF, 2014.
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crises. Peu à peu, les habitants ont adhéré à la démarche et cette dernière s’est exportée à travers
le monde entier. La ville de Grande-Synthe, souhaitant renforcer ses actions de développement
durable et notamment celles concernant les pratiques de consommation et de production, s’est
engagée dans cette même voie en 2011.
Contrairement au mouvement initial « bottom up » de la transition, la ville de Grande-Synthe,
forte de l’ensemble des actions entreprises au cours des quarante dernières années et consciente
de l’urgence à mettre en place un autre modèle de développement, a lancé cette démarche afin
d’initier le changement et d’aider la réflexion collective et l’action démocratique et citoyenne.
Cette politique a également permis de révéler la cohérence des réalisations déjà entreprises et
d’aller plus loin dans l’action.
Regards sur les actions locales entreprises
d’un défi et d’un changement global
au service
Environnement et urbanisme, cadre de vie
Située à un carrefour écologique et migratoire aussi bien pour la faune et la flore que pour
l’Homme, la ville de Grande-Synthe comporte une diversité d’habitats de nature mais aussi de
logements bâtis. Le mode d’ordre est ici de créer une architecture en harmonie avec un cadre
de vie vert et bleu et adaptée à un avenir plus respectueux de l’environnement.
Un terreau fertile à une politique d’amélioration du cadre de vie
La place accordée à la nature à Grande-Synthe est un juste retour des choses. La terre était, avant
les années 1960, la richesse du village. Avec le développement de l’industrie, l’environnement
y a été fortement modifié. Pour autant, dès le début des années 1970, la nouvelle municipalité
souhaite ramener la nature en ville et pose ainsi la première pierre d’une politique d’amélioration
du cadre de vie. Grâce à une forte volonté, elle va se donner les moyens humains, techniques et
financiers de se créer une image plus positive sur un terrain où l’on ne l’attend pas : la nature.
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Dès 1974, la ville décide la création d’un vaste poumon vert autour d’un lac artificiel de 28
hectares, le Puythouck. Pour y associer la population, les enfants des classes viennent y planter
« leur » arbre. Aujourd’hui adultes, ils s’en souviennent encore. Cet espace de 130 hectares est,
aujourd’hui, caractérisé par une grande variété d’espèces végétales et animales. Les espèces
à croissance rapide, plantées rapidement pour faire face à la quasi-absence d’arbres, laissent
aujourd’hui la place à des essences plus nobles comme le merisier, le frêne ou encore le noyer.
Dans les années 1990, la municipalité met en place un verger pédagogique dans cet espace
naturel du Puythouck, verger abritant près de 160 variétés locales. L’idée était de développer un
verger traditionnel en implantant des espèces locales et régionales sorties de l’oubli. Ce verger
fait aujourd’hui partie du réseau Fredon (Fédération régionale de défense contre les organismes
nuisibles) pour son rôle d’expérimentation. Les efforts menés dans les plantations d’arbres sont
récompensés dès 1992 avec le prix national de l’arbre, prix que la ville de Grande-Synthe obtiendra
une deuxième fois en 2005, en lien notamment avec la création d’un second poumon vert, celui
du Prédembourg.
Cet espace de 85 hectares forme une barrière de biodiversité entre les usines et la ville. Il permet
également de conforter des milieux humides à la faune et à la flore variées. Près de 170 000
végétaux y ont été plantés entre 2003 et 2004. Cette idée de barrière se voit également dans la
mise en place d’une ceinture boisée autour de la ville, la séparant ainsi d’un axe routier important.
Véritable chemin de biodiversité, la ceinture boisée incite à la promenade, promenade qui sera
marquée par la présence de nombreux fruitiers et tapis de fleurs.
À ce développement d’espaces de nature, s’associe, dès les années 1970, une politique de
fleurissement de la ville et de création d’espaces verts. Pensés comme des lieux de détente, ces
espaces permettent aujourd’hui à 95 % des habitants de se situer à moins de 300 mètres d’un lieu
de verdure et de « disposer chacun » de 127 m² de nature. En 1990, la ville devient « 4 fleurs »
et décroche le Grand prix national du fleurissement. Cette récompense est reçue depuis 24 ans
sans interruption ! En 2009, elle devient « fleur d’or » et obtient le prix pour la participation des
habitants. En effet, dès l’origine, les habitants sont impliqués et invités à fréquenter les serres
municipales afin de mesurer l’effort entrepris et respecter le cadre de vie.
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Vers une politique de préservation de la biodiversité amenant au prix de la « Capitale
française de la biodiversité »
Suite au premier Sommet de la Terre à Rio en 1992, qui voit se médiatiser l’expression
« développement durable », l’engagement de la ville envers la préservation de l’environnement se
globalise. En plus de sa politique d’amélioration du cadre de vie et de développement d’espaces
de nature et d’espaces verts, Grande-Synthe s’engage alors vers la préservation de la biodiversité
avec notamment la mise en place de la gestion différenciée, gestion qui sera récompensée en
2010 par la réception du prix de la première « Capitale française de la biodiversité »3.
Ce terme, désignant la mise en place d’une gestion adaptée à chaque espèce et habitat, concrétise
le souci d’adapter le développement durable au territoire communal. En pratique, la gestion
différenciée se traduit par la création de microécosystèmes locaux adaptés au milieu (diversité
des plantations, plantes locales, développement des corridors écologiques) afin d’arrêter le recours
aux pesticides. Aujourd’hui, tous les espaces verts et de nature de la ville, même les pelouses des
stades de compétition, sont entretenus sans utiliser de produits phytosanitaires.
D’une manière générale, les jardiniers municipaux graduent les techniques de gestion selon une
partition à trois temps. Les lieux centraux de la ville sont mis en valeur par une gestion horticole
marquée par une protection biologique intégrée. Dès la culture en serre, les insectes auxiliaires
attirés par les mélanges fleuris travaillent avec l’homme pour ne plus utiliser de substances nocives.
Ce travail se poursuit dans les massifs avec le recours à des espèces couvre-sol et au mulching.
Dans les espaces dits intermédiaires, les corridors biologiques, la marque de l’homme s’atténue
encore plus. Des haies diversifiées remplacent les classiques troènes et des troncs d’arbres sont
laissés afin de développer d’autres formes de vie. Les espèces locales sont favorisées. Cette
pratique est également mise en place dans les espaces de nature où la gestion est encore plus
naturelle. Ici, le travail de l’homme semble invisible. Les produits de fauches sont, par exemple,
enlevés afin de permettre à la flore autochtone de se développer.
Les initiatives de la ville engendrent des évolutions dans les entreprises. Ainsi, à force de venir
pour des réunions dans le périmètre vert du Puythouck, les cadres d’entreprises sidérurgiques ont
3. www.ville-grande-synthe.fr/ville-de-grande-synthe-environnement-capitale-francaise-de-la-biodiversite-20103-176-c2.html
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eu à cœur de décliner sur leur territoire des actions renforçant le retour de la nature au pied des...
hauts-fourneaux ! Certains agents ont appris des métiers étonnants comme bagueur d’oiseaux,
meneur de chevaux, spécialiste de champignons, lichens et mousses… De nouveaux assistants
sont également apparus : moutons, vaches « rouge flamande » et chevaux de trait de races locales
travaillent à un écopâturage dont l’exemplarité fut récompensée en 2013 avec le prix Chloro’Villes.
Parallèlement, les agents ont été sensibilisés, formés, afin d’être en mesure d’expliquer les enjeux
aux habitants rencontrés et de les faire adhérer à cette orientation : la gestion différenciée est une
nécessité économique et écologique. Grâce notamment à cette gestion, on recense aujourd’hui
près de 600 plantes différentes sur la commune, soit la moitié de la diversité floristique régionale.
Cette politique attire aussi les chercheurs. La ville accueille ainsi le projet CUBA (« les Corridors
des Uns sont les Barrières des Autres »). Ce programme de trois ans a été lancé suite à un appel à
projets de la région Nord-Pas-de-Calais et de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité. Il
est porté par le bureau d’études Biotope en lien avec des chercheurs et des étudiants de plusieurs
universités (Angers, Montpellier) et en partenariat avec la ville et l’entreprise ArcelorMittal.
L’objectif est d’améliorer la connaissance des corridors biologiques de la commune et d’apporter
des préconisations afin d’améliorer ces corridors et leurs connexions. Ces experts en faune
apporteront ainsi une nouvelle connaissance et reconnaissance au territoire. Cette reconnaissance
sera renforcée, début 2015, avec le classement en RNR (Réserve naturelle régionale) de 172
hectares du Puythouck et du Prédembourg.
Aujourd’hui, nature et architecture composent une nouvelle harmonie
Parallèlement, côté urbanisme, Grande-Synthe avait réussi une première correction dès les
années 1980. Grâce au programme d’État DSQ (Développement social des quartiers), la
ville a « dédensifié » les quartiers et remplacé des immeubles par des espaces verts. Elle a su
réaliser un rééquilibrage du bâti qui bouleverse les idées reçues sur les villes de banlieue. Plus
particulièrement, deux secteurs – la place du Courghain et l’îlot des Peintres, secteurs intégrés au
programme national de renouvellement urbain ANRU – ont achevé la mue qui fait actuellement
de Grande-Synthe une ville résolument contemporaine.
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Ce choix de bâtir dans l’esprit du développement durable se lit dans les lignes mêmes des
architectures choisies ; les bâtiments ont une signification : l’avenir peut être beau et moderne.
Ainsi, dans ce renouveau urbain en cours, il devient très agréable de se promener. À côté de l’aspect
esthétique proposant une nouvelle image de la ville en harmonie avec la nature environnante,
c’est toute la révolution qui répond parfaitement aux caractéristiques de « ville en transition »
que cachent les murs des nouvelles résidences bâties depuis une dizaine d’années.
Économie circulaire, autonomie alimentaire, bien-vivre
À mes yeux, il faut imaginer une autre solution, d’autres modes de consommation. Je suis d’un
naturel optimiste et je crois que la transition, c’est être optimiste. Cela équivaut à se dire : il ne
suffit pas de se désoler, il faut agir parce que l’on a envie de bien vivre sur notre planète.
La transition travaillant à la relocalisation de l’économie et à la résilience de la société, la ville
de Grande-Synthe s’est également engagée sur des réalisations d’économie circulaire permettant
notamment une amélioration de l’autonomie alimentaire.
La ville, qui fut parmi les premières du Nord à proposer à une AMAP (Association pour le
maintien d’une agriculture paysanne) de commercialiser sa production sur son territoire, multiplie
la plantation d’arbres fruitiers, de vergers en libre accès. Ces arbres fruitiers sortent ainsi des
limites des vergers. En plus de sauvegarder des espèces locales, on permet aux Grand-Synthois
d’accéder à « des fruits pour tous » en se baladant en ville. Le Centre communal d’action sociale
de la ville organise ainsi des promenades en ce sens et, en partenariat avec des fermiers locaux,
relance même l’activité de glanage pour les personnes défavorisées.
Cet accès pour tous se traduit également dans la mise en place de jardins partagés au pied
des immeubles. Les habitants peuvent ainsi effectuer des économies et en même temps créer
du lien. Ces jardins vivifient les échanges intergénérationnels et cultivent non seulement des
légumes mais aussi des liens d’amitié. Ils viennent s’ajouter aux jardins ouvriers déjà présents
sur le territoire de la commune.
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La municipalité a également aidé à la création d’une ferme d’insertion pour produire des légumes
bio et a instauré un marché bio bimensuel. Depuis 2010, elle veille aussi à ce que 100 % des repas
des cantines municipales soient bio et traçables et, depuis peu, elle met en place un conseil de
gouvernance alimentaire.
Cette notion de bien-vivre dans la politique de transition renforce les politiques menées par la
ville dans le domaine de la santé. Forte d’un centre de santé créé il y a 35 ans, la ville s’attache aux
problèmes de santé de la société contemporaine. Un projet lié aux effets nocifs des perturbateurs
endocriniens sur la santé est ainsi en cours de développement. Dans le même esprit de bien-être,
la ville incite les habitants à la pratique du vélo : 500 attaches-vélos sont présents en ville, des
vélos électriques sont à disposition du personnel pour les déplacements intra-muros et la ville
accueille un salon bisannuel.
Transports, énergie, ressources naturelles
Une politique multimodale de transports
La production actuelle du pétrole est pour une bonne partie utilisée aujourd’hui dans le domaine
du transport, ce dernier est donc un point essentiel d’une politique de transition. Elle se développe
dans la mise en place d’un plan vélo mais aussi dans la création de zones de rencontres où la
priorité est le piéton. Les transports en commun sont également favorisés avec des aménagements
au cœur de la ville. Dernièrement, le projet « Cheval en ville » révèle toute la politique de transition
menée par la municipalité. Ces chevaux utilisés aussi bien pour l’entretien des espaces que pour
le transport de personnes permettent, de plus, dans un respect total de l’environnement, de créer
du lien avec tous les habitants.
L’énergie, un élément majeur d’une politique de transition
La transition pose la question de l’après-pétrole, de l’épuisement des ressources naturelles, et
notamment énergétiques, utilisées actuellement. Alors que la ville s’apprêtait à devenir première
« Capitale française de la biodiversité » en 2010, elle s’engagea parallèlement à adopter la règle
des « 3 fois 20 » prônée par la Convention des maires à l’horizon 2020 :
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• diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre,
• réduire de 20 % sa consommation énergétique,
• avoir 20 % de part d’énergies renouvelables dans sa consommation énergétique.
Se sont ainsi renforcées, dans la ville de Grande-Synthe, des alternatives aux modèles énergétiques
contemporains et des solutions pour réaliser des économies d’énergie. Les résultats sont au-delà
des prévisions puisque, grâce à sa politique multidirectionnelle particulièrement volontariste, on
constate une baisse de 30 % des émissions de CO2 et la part des énergies renouvelables s’élève
aujourd’hui à 56 %.
Des bâtiments publics et des quartiers exemplaires
Les bâtiments sont, en effet, le parfait exemple de cette politique de promotion des énergies
renouvelables et de diminution de la consommation énergétique. Depuis l’an 2000, des solutions
énergétiques sont mises en place, solutions qui se perfectionnent avec le temps jusqu’à la réalisation
dernièrement d’immeubles passifs.
Les anciens bâtiments publics se voient entièrement doublés d’une couche d’isolant et d’un
bardage en bois et près de 2350 m² de panneaux solaires équipent les bâtiments communaux. La
ville du Nord atteint ainsi le ratio de 10 Wc (Watt crête) d’énergie photovoltaïque par habitant.
Dans la cadre d’un programme pluriannuel, l’éclairage public est également revu. Les lampadaires
anciens sont remplacés par des « lanternes led » très économiques, la consommation passant
de 150 à 50 Watt. Dans les locaux aussi, ampoules et spots sont retirés au profit des leds. Des
réalisations extrêmement intéressantes car ces seules sources de lumières permettraient dans
l’absolu de diminuer de 18 % la consommation énergétique de la planète. Toujours dans le
domaine de l’électricité, les véhicules spécialisés communaux sont, dès que possible, remplacés
par des versions électriques.
De plus, 26 % de la consommation en gaz est désormais fournie par le biogaz de l’usine de
méthanisation de Sequedin, près de la capitale des Flandres, Lille. Solutions de valorisation
des déchets, réduction des gaz à effet de serre, production d’énergie renouvelable, le « gaz vert »
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cumule de nombreux atouts. En signant une convention avec GDF-Suez, Grande-Synthe est
devenue en 2013 la première ville de France à passer au gaz vert.
Cette même année, la municipalité a également signé une convention avec EDF pour acheter
des certificats d’énergie pour l’équivalent de la consommation de 3 000 foyers fonctionnant à
l’énergie verte sans chauffage (10 Gigawatts-heures par an). La ville s’intéresse également à l’éolien
avec la mise en place notamment d’un prototype d’éolienne se basant sur les principes mêmes
qui ont permis l’élaboration de la plaine maritime où se situe la ville, ceux des moulins à vent.
De nombreux exemples de bâtiments publics innovants en matière énergétique peuvent être
évoqués. Ainsi, le Stadium du Littoral, où les performances ne sont pas seulement sportives, est
le premier complexe à énergie positive de France :
• bâtiment BBC,
• 40 m² de panneaux solaires thermiques pour une couverture de 50 % des
besoins en eau chaude sanitaire,
• 700 m² de membranes photovoltaïques pour 31 kilowatts crête,
• cuves de récupération des eaux pluviales,
• éclairage automatiques à led,
• fourniture de complément en énergie nécessaire grâce au biogaz,
• site pilote du prototype d’éolienne.
À ses côtés se trouve le club hippique, qui, comme le Stadium, se montre exemplaire avec son
bâtiment BBC, son éclairage, ses panneaux photovoltaïques et son système de récupération des
eaux pluviales. La nouvelle Maison de quartier et la cantine scolaire dans le Courghain apportent
également des solutions énergétiques comme des toitures végétalisées, des pompes à chaleur ou
encore des détecteurs de présence.
Des logements passifs et BBC pour redonner du pouvoir d’achat
Dans ce quartier du Courghain concerné par le renouvellement urbain avec le programme ANRU,
l’urbanisme a été totalement repensé pour proposer des intérieurs lumineux et économiques
avec des logements BBC, HQE et THQE. En ayant diminué leurs factures par deux voire plus,
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leurs occupants sont ravis d’avoir pu dégager du pouvoir d’achat pour d’autres préoccupations.
L’autre quartier marqué par le programme ANRU, celui de l’Îlot des peintres, va même plus loin.
Forte isolation des parois (plus de 40 cm), triple vitrage, absence de ponts thermiques, grande
étanchéité à l’air et contrôle de la ventilation : une réflexion globale a été menée pour atteindre
un coefficient de 15 kilowatts par m² et par an, soit le quart de la plus récente réglementation
thermique. Le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire sont assurés par un échangeur
couplé à une chaufferie au bois qui dessert près de 109 logements. Les performances thermiques
acquises permettent de réduire l’appareillage des appartements à deux radiateurs.
La lutte contre l’épuisement des ressources naturelles
La raréfaction des ressources naturelles est un enjeu majeur de la transition. Dans la ville de
Grande-Synthe, une politique de lutte contre ce déclin s’est engagée. L’eau, élément marquant
de ce territoire situé dans une plaine maritime caractérisée par un enchevêtrement de canaux
(la ville en compte six kilomètres), est gérée de façon durable avec notamment de nombreuses
réalisations de récupération d’eau et un aménagement des nombreux cours d’eau.
Au sein des bâtiments communaux, une politique écoresponsable est largement mise en place.
Les achats sont notamment effectués dans une politique de développement durable, avec par
exemple l’achat de papier certifié recyclé. Cumulé avec la collecte du papier, ceci représente
un équivalent d’économie de CO2 de 162 tonnes pour la seule année 2013. Une politique de
réduction des déchets en coopération avec la Communauté urbaine de Dunkerque marque
également la volonté de préserver les ressources naturelles. Les services techniques de la ville
ont même une déchetterie interne. Chaque type de résidus est trié à la source pour être ensuite
confié à un industriel qui gère sa neutralisation ou sa récupération.
Démocratie participative
La participation de la population à la démarche de la transition mais aussi et surtout son
appropriation est cruciale à la réussite de cette politique et à la création d’une communauté
durable. À Grande-Synthe, une variété de méthodes a été développée pour inciter le public à
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emprunter la voie d’un développement durable. De nombreuses actions de sensibilisation sont
menées et les initiatives des habitants sont soutenues par la ville.
Les programmes urbains sont discutés avec les habitants tout comme les schémas directeurs
des pistes cyclables. Des réunions sont mises en place pour préparer la transition. Pour mener
à bien cela, la ville utilise notamment l’Université populaire, une « instance » créée par la
municipalité pour discuter des problèmes environnementaux, sociaux et économiques de la société
d’aujourd’hui. De nombreux experts sont invités à donner des conférences grand public. Cette
université organise également des « Ateliers de la fabrique de l’autonomie », ateliers consistants
par exemple à créer ses propres produits d’entretien.
Dans le domaine de l’environnement, la ville a réalisé de nombreux outils de sensibilisation afin
que les habitants puissent comprendre la nature et participer par la suite au débat. On peut
citer le verger pédagogique, mais aussi le Centre d’initiation à l’environnement, créé dans les
années 1980, qui permet à de nombreuses classes d’écoliers de se familiariser avec les notions de
préservation de l’environnement et d’avoir une prise de conscience collective. Cette conscience est
aussi favorisée par la mise en place de week-ends nature, d’animations au jardin public, d’hôtels à
insectes ou encore par la réalisation d’un jardin des plantes médicinales comportant près de 300
plantes. La ville accueille également des artistes dont l’œuvre porte sur le développement durable.
Un projet pour un avenir en transition : l’écoquartier du Basroch
L’ensemble des éléments de la ville en transition seront concrétisés dans la réalisation d’un
écoquartier dont la préparation débutera en 2015. Afin de découvrir ce nouvel urbanisme qui se
dessinera à Grande-Synthe, la ville a accompagné des habitants à Culemborg, ville néerlandaise
reconnue internationalement pour son expérience et son innovation dans ce domaine.
Les logements construits dans ce prochain écoquartier le seront avec des matériaux sains
permettant des économies d’énergies (BBC, passif, positif). Les eaux usées seront gérées de
manière naturelle avec la plantation de plantes aquatiques et en pratiquant ainsi la phytoépuration.
La combinaison et l’aménagement des différents types d’habitats seront conçus pour améliorer le
vivre-ensemble. Bois, clairières, prairies, potagers collectifs rythmeront le paysage formant une
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large palette d’ambiances. Avec la création d’une ferme et de nombreuses activités ludiques liées
à la nature, le lien social sera très actif. Le vœu de la transition – qui est, dans son aspect social,
de créer une communauté de vie durable privilégiant le local et respectant les ressources – sera
ainsi exaucé4.
4. https://www.ville-grande-synthe.fr/ecoquartier/
AVERTISSEMENT : La mission de la Fondation Jean-Jaurès est de faire vivre le débat public et de
concourir ainsi à la rénovation de la pensée socialiste. Elle publie donc les analyses et les propositions
dont l’intérêt du thème, l’originalité de la problématique ou la qualité de l’argumentation contribuent à
atteindre cet objectif, sans pour autant nécessairement reprendre à son compte chacune d’entre elles.
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