Conduite automobile chez le patient diabétique

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Conduite automobile chez le patient diabétique
Recommandations pour la pratique clinique
Conduite automobile chez le patient diabétique
Personnes / patients à qui s’appliquent les recommandations
Personne ayant un diabète de tout type, notamment traité par un hypoglycémiant (insuline, sulfonylurées,
glinides), concernée par la conduite automobile.
Professionnels des soins à qui sont destinées les recommandations
Médecins de famille et autres professionnels de santé concernés par la prise en soins des patients diabétiques.
Introduction, justificatifs
Une bonne éducation et autogestion quant à la conduite automobile pourrait permettre de diminuer le risque
d’accident de la route chez le patient diabétique et de préserver la sécurité des autres usagers. Il s’agit aussi de se
référer à la législation fédérale en vigueur et aux directives émises par la Société Suisse d’Endocrinologie et
Diabétologie (SSED) en partenariat avec l’Association Suisse du Diabète (ASD), que ces recommandations prennent
en compte.
L’essentiel
Devoir d'information des soignants chez un patient diabétique traité par un hypoglycémiant : (p.2)
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Informer sur la conduite et le diabète (comment auto-évaluer sa capacité à conduire).
Documenter la transmission de ces informations.
Personne inapte à conduire : pas d’obligation de signaler aux autorités, mais droit de le faire.
Permis de conduire non-professionnel : (p.2)
• Conditions de base requises: pas de complications oculaire, neurologique ou cardiovasculaire contreindiquant la conduite, pas d’hyperglycémie importante, compréhension de sa maladie, ses traitements et les
risques de complications.
• En cas de traitement par insuline, sulfonylurées, (= risque d’hypoglycémie accru), et glinides, s’y rajoutent
3 conditions plus strictes : profil glycémique équilibré sans hypoglycémie "moyenne" (aide par une tierce
personne nécessaire pour reconnaître et/ou soulager le trouble) ou "sévère" (altération considérable de la
conscience, incapacité d’action, perte de la maîtrise de soi, perte de connaissance), capacité à éviter les
hypoglycémies lors de la conduite, maîtrise de l’insulinothérapie. En cas de doute : avis spécialisé
recommandé (diabétologue / médecine et psychologie du trafic).
• Périodicité de contrôle : tous les deux ans à partir de 70 ans.
Permis de conduire professionnel : (p.2)
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Requiert une consultation spécialisée par des médecins conseils agrées par le Service des automobiles.
Contrôles médicaux obligatoires tous les 5 ans avant 50 ans puis tous les 3 ans entre 50 et 70 ans.
Catégories D / D1 (autocars, bus, trolley) : inaptitude à conduire.
Autres catégories : aptitude assurée uniquement lors de conditions particulièrement favorables.
Education thérapeutique spécifique à la conduite automobile lors de traitement hypoglycémiant : (p.3)
•
Mesurer la glycémie avant la conduite (une valeur ≥5 mmol/l avant la conduite doit pouvoir être justifiée) :
Glycémie :
5-7 mmol/l
< 5 mmol/l
<4 mmol/l
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Conduite ?
Oui, mais
Non
Non
Mesure à prendre :
Glucose : 10 g
Glucose : 15-20 g
Corriger hypoglycémie
Reprise de la conduite ?
Oui
Après 20min, si glycémie correcte.
Autre conducteur si possible, sinon :
Après 30min, si glycémie > 6 mmol/l.
Anticiper et prévenir (collation à portée de main, pauses, information des passagers) toute hypoglycémie ou
situation à risque de celle-ci (injection d’insuline, long trajet, activité physique).
Sensation d’hypoglycémie au volant :
Arrêt immédiat + feux de détresse + arrêt du moteur, et correction de la glycémie.
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Recommandations pour la pratique clinique
Recommandations
Devoir d'information des soignants chez un patient diabétique traité par un hypoglycémiant
Lors d'un traitement associé à un risque d'hypoglycémie (insuline, sulfonylurées, glinides), les soignants impliqués
dans la prise en soin :
• Doivent s’informer si le patient conduit ou s’il désire passer le permis de conduire, à la mise en place du
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traitement et lors du suivi.
• Sont tenus de fournir des informations sur la conduite et le diabète aux détenteurs d'un permis de
1, 2
conduire et d'expliquer au patient comment il doit évaluer sa capacité à conduire.
• Doivent documenter dans le dossier médical que ces informations ont été transmises.
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• Le médecin n’est pas obligé de signaler à l’autorité de surveillance les personnes qui ne sont pas aptes à
1, 4
conduire en toute sécurité, mais il a le droit de le faire.
Obtention ou renouvellement d’un permis de conduire non-professionnel (directives SSED-ASD)
Pour l’obtention du permis de conduire ou son renouvellement les conditions nécessaires sont :
• Absence de conséquences tardives ou de pathologies associées [(1) diminution de l’acuité ou du champ
visuel (rétinopathie), (2) lésions nerveuses (neuropathie), (3) troubles du système cardiovasculaire, (4)
altération de la fonction rénale avec diminution du bien-être général, (5) syndrome des apnées
obstructives du sommeil)], susceptibles d’entraver l’aptitude à conduire.
• Pas d’hyperglycémie importante, en particulier aucune hausse de la glycémie s'accompagnant de
symptômes généraux ayant des répercussions sur l’aptitude à conduire.
• Lors d'un traitement entraînant un risque d'hypoglycémie (insuline, sulfonylurée, glinides), les conditions
ci-après doivent également être remplies :
o Profil glycémique équilibré, sans augmentation de la fréquence d’hypoglycémies nécessitant l’aide
d’autrui (pour reconnaître ou soulager les symptômes) ou entraînant une altération de la
conscience.
o Capacités d'éviter efficacement les hypoglycémies lors de la conduite d'un véhicule. La glycémie
doit être vérifiée avant le départ et, lors des déplacements prolongés, à des intervalles réguliers.
o Les règles de comportement mentionnées dans la notice pour les conducteurs atteints de diabète
doivent être respectées. Lien vers la notice.
• En cas de doute ou de question il est recommandé de prendre l’avis d’un diabétologue ou d’un spécialiste
en médecine et psychologie du trafic.
Obtention ou renouvellement d’un permis professionnel chez un patient diabétique sous traitement
hypoglycémiant (directives SSED-ASD)
• L’avis d’une consultation spécialisée en médecine du trafic est requis.
• Lors de traitements avec risque d'hypoglycémie (insuline, sulfonylurée, glinides), il y a inaptitude à
conduire pour les catégories D et D1 (autocars, bus, trolley).
• L’aptitude à conduire pour les autres catégories professionnelles n’est assurée que sous des conditions
particulièrement favorables.
1
p. 40-43 et p.109 du Guide Pratique de la FMH: Bases juridiques pour le quotidien du médecin. 2013. Lien.
art 10 du Code de Déontologie de la FMH. Lien.
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art 12 du Code de Déontologie de la FMH. Lien.
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« Les médecins sont libérés du secret professionnel dans le cas des communications au sens de l'al. 1, let. e. Ils peuvent
notifier celles-ci directement à l'autorité cantonale responsable de la circulation routière ou à l'autorité de surveillance des
médecins », art. 15d al. 3 de la Loi sur la Circulation Routière (LCR, version du 11.06.2014). Lien.
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Recommandations pour la pratique clinique
Education à l’autogestion spécifique à la conduite automobile chez un patient diabétique sous traitement
hypoglycémiant
Pour la prévention et la correction des hypoglycémies, ainsi que le contenu des collations, se référer à la RPC
«Prévention et prise en charge de l’hypoglycémie ».
Mesurer la glycémie avant de prendre le volant :
• Ne pas conduire si la glycémie est < 5 mmol/l. Dans ce cas, la glycémie doit être corrigée par un apport
de 15-20 grammes de glucides anhydres à absorption rapide (par exemple : quatre morceaux de sucre) et
contrôler après vingt minutes.
• Après une hypoglycémie (< 4 mmol/l), attendre au moins 30 minutes avant de reprendre la route.
Corriger l’hypoglycémie. A cause du risque de rechute, la conduite ne peut être reprise qu’en l’absence
complète de tout symptôme et que si la glycémie est > 6 mmol/l. Céder si possible le volant à un autre
conducteur.
• Si la glycémie est entre 5 et 7 mmol/l, il convient d’absorber environ 10 g de glucides anhydres.
• Le patient doit pouvoir, en cas de contrôle par les autorités, justifier que son taux de glycémie était ≥ 5
5
mmol/l avant la conduite du véhicule (glucomètre avec mémoire des mesures) .
Usage de l’insuline rapide avant de conduire un véhicule :
• Ne pas s’injecter d’insuline rapide avant de conduire un véhicule automobile, même en cas de glycémie
normale. Le délai d’attente peut être discuté avec le médecin en fonction du type d’insuline rapide
prescrit.
• Ne pas conduire entre le moment de l’injection d’insuline rapide et le repas.
Collations et prévention des hypoglycémies lors de la conduite automobile :
• Avoir toujours à disposition, dans la voiture et à portée de main, un stock suffisant de glucides à
absorption rapide pour corriger plusieurs hypoglycémies. Ne pas oublier d’informer les passagers de
l’endroit où ils sont stockés.
• Lors des longs trajets, faire une pause toutes les 60 à 90 minutes et contrôler la glycémie. Prévoir les
collations en conséquence (prendre en compte les risques de ralentissement de la circulation, de
déviations, de pannes, etc.).
• Anticiper les conséquences de toute activité physique inhabituelle (ex: (dé-)charger le véhicule).
• L’alcool, même consommé en petite quantité, augmente le risque d’hypoglycémie, qui peut survenir
tardivement, et exacerbe les conséquences cognitives de l’hypoglycémie.
Mesures en cas de sensation d’hypoglycémie au volant :
• En cas de sensation d’hypoglycémie, s’arrêter immédiatement (ne pas hésiter à se ranger sur la bande
d’arrêt d’urgence ou sur un stationnement interdit.
• Enclencher les feux de détresse et arrêter le moteur) et corriger la glycémie.
Atelier Diabète et Conduite selon la méthode ASCAR (cf. article Gastaldi et al. en référence) :
Pour les patients diabétiques intéressés il existe des ateliers diabète et conduite selon la méthode ASCAR (Action,
Situation, Connaissance, Attitude et Ressource), de tels ateliers servent à:
• Informer sur les directives de la circulation routière concernant les diabétiques et plus particulièrement les
patients au bénéfice d’un traitement hypoglycémiant.
• Sensibiliser à la difficulté d’auto évaluer la glycémie sans pratiquer d’autocontrôles glycémiques.
• Améliorer les connaissances et aptitudes permettant le maintien de l’équilibre glycémique lors de la
pratique de la conduite (compréhension et anticipation des fluctuations glycémiques).
• Apprendre la gestion individuelle de l’hypoglycémie (moyen de correction).
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Le patient doit être informé que le remboursement est limité à 400 bandelettes par an pour les diabétiques non traités par
insuline. Liste des moyens et appareils (LiMA), annexe 2 (art.20a), ordonnance sur les prestations de l’assurance de soins
(OPAS), 01.01.2014.
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Recommandations pour la pratique clinique
Méthode
Ces recommandations pour la pratique clinique (RPC) ont été développées à partir de la législation en vigueur en
Suisse et en Europe et comprennent une adaptation des directives émises par la SSED et l’ASD et des avis
d’experts. Nous avons utilisé le processus d’adaptation ADAPTE pour ces RPC. Les recommandations adaptées au
contexte du programme cantonal diabète ont été élaborées par un groupe restreint, puis évaluées et finalisées par
un groupe de travail multidisciplinaire.
Les éléments détaillés de la méthode sont disponibles sur demande.
Niveau de preuve et force des recommandations
Les recommandations sur le devoir d’informer et le renouvellement/obtention de permis se basent sur la
législation et les directives en vigueur, des études épidémiologiques et des avis d’experts, celles sur l’éducation à
l’autogestion sur des études de cohorte, des études de simulation et des avis d’experts, celles sur les ateliers
ASCAR sur des avis d’experts.
Groupe ayant élaboré ou mis à jour les RPC
Sous-Groupe de travail
Bernard Burnand, Jean-Yves Camain, Fabrizio Cominetti, Lilli Herzig, Heike Labud, Isabelle Peytremann-Bridevaux,
Juan Ruiz, Valérie Santschi
Experts en médecine du trafic: Bernard Favrat, Roxane Selz
Groupe de révision (avec la participation du sous-groupe de travail)
Angela Cottier, Frédéric Emery, Rafi Hadid, Isabelle Hagon Traub, Sébastien Jotterand, Anne Zanchi
Recommandations sources considérées
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Groupe de travail «diabète et conduite» de l’ASD et de la SSED. Directives concernant l’aptitude à conduire lors de diabète sucré SSEDASD. Forum Med Suisse 2011;11(15):273–275. Mise à jour février 2012. Lien
Gastaldi G, Girardin S, Ruiz J. Diabète et conduite : réflexions et atelier pratique. Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 1204-10.
Vetsch M, Gantcheva N., Favrat B., Junod Perron N. Aptitude au volant : comment ne pas perdre les pédales ? Rev Med Suisse 2014 ; 10 :
1746-52.
Jornayvaz FR, Raguso CA, Philippe J. Diabète sucré et conduite automobile. Rev Med Suisse. 2007 Jun 6;3(114):1437-8, 1440-1.
Diabetes and Driving in Europe. A Report of the Second European Working Group on Diabetes and Driving, an advisory board to the
Driving Licence Committee of the European Union. June 2005.
Association Suisse du Diabète, Diabète & Conduite : « Bonnes valeurs glycémiques – Bonne route ! », 2012. Edition actualisée 2013
Lorber, D., Anderson, J., Arent, S., Cox, D. J., Frier, B. M., Greene, M. A., Griffin, J., Jr., Gross, G., Hathaway, K., Hirsch, I., Kohrman, D. B.,
Marrero, D. G., Songer, T. J., Yatvin, A. L. American Diabetes Association (ADA). Diabetes and driving. Diabetes Care 2014; 37(Suppl 1): S97103.
Comité d’experts des Lignes directrices de pratique clinique de l’Association canadienne du diabète. Lignes directrices de pratique clinique
2013 de l’Association canadienne du diabète pour la prévention et le traitement du diabète au Canada. Can J Diabetes. 2013; 37 (suppl 5):
S361-S598
Fédération des médecins suisses (FMH), Académie suisse des sciences médicales (ASSM). Bases juridiques pour le quotidien du médecin Un guide pratique. FMH and ASSM (2013): 1-168.
Fédération des médecins suisses (FMH). Code de déontologie de la FMH. FMH (Révision 2013): 1-18.
Date de la recommandation
Octobre 2012 / Mise à jour Janvier 2015
Date de révision
Décembre 2017
Toutes les recommandations de pratique clinique sont disponibles via le site du Programme cantonal Diabète
http://pcd.diabete-vaud.ch/professionnels/recommandations-pour-la-pratique-clinique/
Merci de n’utiliser que le site susmentionné comme la seule source fiable et à jour des recommandations.
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