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Évaluation d’actions : les firmes de la nouvelle économie par comparaison aux entreprises traditionnelles – le cas français Viet-Dung NGUYEN IGR-IAE et CREREG, Université de Rennes 1 Adresse : IREIMAR - Campus de Beaulieu 263, avenue du Général Leclerc 35042 Rennes Cedex Tél. 02 23 23 51 40 Fax. 02 23 23 63 05 E-mail : [email protected] Résumé : dans ce papier, nous appliquons le modèle des bénéfices anormaux (Residual Income Model - RIM) pour estimer la valeur intrinsèque des entreprises françaises cotées et effectuons une comparaison entre les firmes traditionnelles et celles de la nouvelle économie. Quand le taux de croissance est pris en compte, la valeur intrinsèque estimée pour les firmes de la nouvelle économie devient en moyenne beaucoup plus proche de leur valeur de marché. Par contre, la moyenne des erreurs d'évaluation diminue nettement avec le modèle sans taux de croissance pour les entreprises traditionnelles. Cela permet de réaffirmer que le potentiel de croissance joue un rôle beaucoup plus important dans l'évaluation des firmes de la nouvelle économie et qu'avec la prise en compte de ce potentiel, il est tout à fait possible de justifier la valeur de marché de ces entreprises dans le cas français par les principes classiques d'évaluation. Les erreurs d'évaluation ont cependant une grande dispersion, ce qui fait que la capacité de la valeur intrinsèque estimée à expliquer les variations de la valeur de marché reste assez faible. Septembre 2002 L'auteur tient à remercier le professeur H. Rainelli pour ses conseils et suggestions et monsieur D. Sanchez de Thomson Financial Europe pour ses renseignements sur la base de données I/B/E/S. Les erreurs éventuelles dans ce papier n'engagent que l'auteur. I. Introduction L’information nécessaire à l’évaluation d’une entreprise vient de trois sources principales : ses états financiers actuels (current financial statements), son passé et les firmes comparables et/ou concurrentes. Tandis que les deux premières sources d’information liées aux caractéristiques financières de l’entreprise sont nécessaires dans la valorisation de sa valeur intrinsèque, la troisième fait souvent partie d’une évaluation relative. Valeur intrinsèque et valeur relative La valeur intrinsèque d’une entreprise est la valeur actualisée des cash-flows espérés que l’entreprise générerait dans le futur, basée sur l’information actuellement disponible. Cette valeur dépend donc de la capacité de l’entreprise à générer des cash-flows futurs et du risque qui leur est associé. La méthode utilisée pour estimer la valeur intrinsèque est aussi appelée la méthode des cash-flows actualisés. Il y a encore peu de recherches académiques qui traitent le problème pratique de mesurer la valeur intrinsèque de l’entreprise. Selon Lee et al. (1999), cette modique attention à ce sujet important reflète le point de vue académique standard qui considère la valeur de marché comme le meilleur estimateur de la valeur intrinsèque. Kaplan et Ruback (1995) testent la méthode des cash-flows actualisées dans le contexte des HLTs (highly leveraged transactions). Ils trouvent que la valeur actualisée des cash-flows prévus est proche de la valeur de marché des transactions. Cependant, ils ne sont pas capables de rejeter l’hypothèse selon laquelle les prévisions des cash-flows sont faites pour justifier le prix. Gilson et al. (2000) comparent la valeur de marché des entreprises en faillite à la valeur basée sur les prévisions de cash-flows publiées par les dirigeants. La méthode des cash-flows actualisés utilisée donne un estimateur sans biais de la valeur de marché mais la dispersion des erreurs d’évaluation est très large. Lee et al. (1999) affirment que l’égalité valeur de marché / valeur intrinsèque se base sur l’hypothèse que le coût d’arbitrage (arbitrage cost) est négligeable. Quand les coûts d’information et de transactions deviennent significatifs et/ou la valeur intrinsèque est difficile à mesurer, la valeur de marché ne reflète pas parfaitement la valeur intrinsèque et l’ajustement de la première à la dernière prend du temps. Lee et al. (1999) et Lee et Swaminathan (1999) étudient les entreprises qui constituent l’indice Dow Jones. Ils montrent que la valeur intrinsèque estimée par un modèle des bénéfices anormaux (Residual Income Model) explique beaucoup mieux la rentabilité future des actions que les simples multiples d’évaluation. Ce modèle est également évalué par d’autres études. Penman et Sougiannis (1997) l’exploitent en utilisant les bénéfices réalisés ex post pour représenter l’espérance des investisseurs. Frankel et Lee (1998) se servent des prévisions de bénéfices 2 fournies par I/B/E/S. Ils trouvent que la valeur estimée (V) à partir de ce modèle explique 70 % des variations de cours d’action (P) aux Etats-Unis et que le ratio V/P permet de mieux prévoir les rentabilités futures que le ratio book-to-market. Frankel et Lee (1997) présentent les résultats très similaires dans un contexte international. En général, ces études ont montré que le modèle des bénéfices anormaux peut être exploité pour obtenir les estimations de la valeur intrinsèque qui sont fortement corrélées avec les cours d’action. La capacité de ce modèle à expliquer la valeur de marché est comparable au résultat de Kaplan et Ruback (1995). Tandis que la méthode des cash-flows actualisés constitue un fondement théorique pour évaluer la valeur intrinsèque et sur lequel s’appuient les autres approches de valorisation, l’évaluation relative occupe une place importante dans la pratique en raison de sa simplicité, son caractère intuitif ainsi que sa capacité à refléter les tendances du marché. Dans une évaluation relative, l’objectif n’est pas de trouver la valeur intrinsèque mais d’évaluer un actif en se basant sur la valorisation des actifs similaires par le marché. Kaplan et Ruback (1995) et Gilson et al. (2000) constatent que la méthode d’évaluation relative basée sur les firmes comparables a le même degré de précision que la méthode des cash-flows actualisés. Kim et Ritter (1999) examinent le rôle de la méthode comparative dans l’évaluation des introductions en bourse. Leurs résultats montrent que la prise en compte des prévisions dans l’estimation des multiples et le contrôle pour la différence de la profitabilité et de la croissance entre les firmes donnent une meilleure évaluation que l’utilisation des données historiques seules. Dans deux études récentes qui ont été publiées presque en même temps, Liu et al. (2002) et Lie et Lie (2002) ont étendu l'étude de la méthode relative pour examiner un plus grand nombre de multiples sur des échantillons beaucoup plus importants d'entreprises américaines cotées. Dans l’étude de Liu et al., l'évaluation est également la plus précise avec les multiples basés sur les prévisions de bénéfices. Notamment, ils trouvent que la méthode relative donne les estimations plus proches de la valeur de marché que celles obtenues à partir du modèle des bénéfices anormaux. En terme de performance relative, les valeurs caractéristiques (value drivers) sont classées dans l'ordre décroissant suivant pour toutes les industries : bénéfice prévisionnel, bénéfice historique, cash-flows, valeur comptable et chiffre d'affaires. Ce classement dans le travail de Lie et Lie n'est cependant pas le même : valeur comptable, bénéfice prévisionnel, cash-flows, bénéfice historique et chiffre d'affaires. Ils trouvent aussi que le degré de précision de cette méthode varie considérablement avec la taille, la profitabilité et l'intensité des actifs immatériels des entreprises. 3 L’importance des firmes comparables dans l’évaluation est aussi révélée par certaines études sur l’effet de contagion (contagion effect) dans lequel une annonce d’une firme qui influence sa valeur a aussi un impact sur d’autres firmes (comparables/concurrentes). Par exemple, Lang et Stulz (1992) trouvent que l’annonce de faillite (bankruptcy announcement) fait baisser la valeur de la firme qui annonce et la valeur de ses firmes concurrentes. En raison de l’utilisation très répandue des firmes comparables dans l’évaluation d’entreprise et de l’existence d’un effet de contagion, Eberhart (2001) affirme que les firmes comparables contiennent une quantité significative d’information que les investisseurs utilisent dans l’évaluation des actions. Pour confirmer cette idée, il teste et trouve une relation significativement négative entre la volatilité des actions autour d’une annonce de bénéfice d’une firme – un proxy pour le degré d’asymétrie d’information – et le nombre d’entreprises comparables à cette firme. Les études susmentionnées examinent les deux méthodes d’évaluation dans les contextes différents. Les résultats sont divergents selon les différentes catégories d’entreprises. Même pour une entreprise, les deux méthodes ne donnent en général pas la même valeur. Selon Damodaran (2001), cette différence de valeur entre les deux méthodes vient du fait que le point de vue sur l’efficience du marché (market efficiency) est différent. Si on suppose que la valorisation du marché est correcte, la valeur de marché est bien évidemment le meilleur estimateur de la valeur intrinsèque. Les erreurs d’évaluation sont probablement le résultat d’une mauvaise estimation des paramètres dans la méthode des cash-flows actualisés, d’un mauvais choix des firmes comparables et/ou des multiples dans l’évaluation relative…. Si on suppose que la valeur de marché peut dévier de la valeur intrinsèque, l’objectif de la méthode des cash-flows actualisés est de trouver l’erreur du marché. Cette erreur peut se produire pour un secteur entier ou même tout le marché et elle peut aussi être corrigée avec le temps. Dans l’évaluation relative, on suppose souvent que le marché peut se tromper dans l’évaluation des firmes individuelles mais il est correct en moyenne pour tout le secteur. Par conséquent, une action peut être surévaluée sur la base de la méthode des cash-flows actualisés mais sousévaluée avec une évaluation relative si les firmes comparables utilisées sont toutes surévaluées par le marché. Évaluation des entreprises de la nouvelle économie : valeur fondamentale ou relative ? Revenons aux sources d’information pour évaluer une entreprise. Bien que l’on veuille de façon optimale obtenir l’information à partir des trois sources, il faut souvent remplacer un type d’information par un autre si l’on n’a pas de choix. Par exemple, le fait que chacun des 4 grands constructeurs automobiles américains a une histoire de 75 ans ou plus peut compenser le nombre très modeste de ses firmes comparables : 2. Par contre, il peut y avoir seulement 5 années d’information sur Abercombie & Fitch mais la firme est dans un secteur où les firmes comparables sont au nombre de 200 ! Les investisseurs rencontrent beaucoup de problèmes d’information quand ils évaluent les entreprises de la nouvelle économie. Ces firmes sont dans les premières phases de leur cycle de vie et réalisent souvent les investissements immatériels très importants. Leur passé et leurs états financiers (financial statements) s’avèrent peu utiles pour l’évaluation puisqu’ils ne contiennent pas beaucoup d’information sur la croissance future, un facteur déterminant de leur valeur. Les deux premières sources n’étant pas riches en information, la troisième peut jouer un rôle important. Selon Damodaran (2001), compte tenu des problèmes d’information pour évaluer la valeur intrinsèque des entreprises de la nouvelle économie, il est fortement probable que les investisseurs de ces entreprises le fassent en se basant sur une évaluation relative plutôt que sur une valeur intrinsèque. La valeur d’une telle entreprise peut être largement influencée par la façon dont ses firmes comparables sont valorisées par le marché, notamment dans les secteurs où l’effet de contagion est important. Cet argument est soutenu par une étude récente de Huberman et Regev (2001). Ils constatent qu’une information non nouvelle (no new-news) sur le potentiel d’un médicament pour traiter le cancer a provoqué une hausse spectaculaire de la valeur de marché d’EntreMed, une entreprise de biotechnologie américaine qui en détient le droit de propriété. Cette hausse était contagieuse puisque les autres valeurs de biotechnologie, surtout les firmes comparables à EntreMed, ont réagi de façon similaire. Ces réactions contrastent cependant celles qui ont eu lieu 5 mois plus tôt et 7 mois plus tard quand l’information nouvelle était révélée : le changement de valeur d’EntreMed était minime et il n’y avait presque pas de contagion. Cette étude suggère que la valeur de marché peut varier en fonction des facteurs non fondamentaux et ces variations sont concentrées sur les firmes qui ont des choses en commun. Les constatations dans cette étude permettent d’expliquer pourquoi la valeur de marché peut dévier de la valeur actualisée des cash-flows futurs. Elles expliquent aussi le fait que la valeur relative est différente de la valeur intrinsèque. Puisque la valeur relative est basée sur la valorisation des firmes comparables par le marché, l’erreur qui existe sera comprise dans la valeur de la firme évaluée. Cette succincte analyse nous amène à nous intéresser au rôle de la valeur intrinsèque et de la valeur relative dans l'évaluation des firmes de la nouvelle économie par rapport aux entreprises traditionnelles dans le cas français. Dans la première partie de cette recherche qui 5 est constituée par ce papier, nous nous attachons à appliquer le modèle des bénéfices anormaux (Residual Income Model - RIM) pour estimer la valeur intrinsèque des entreprises françaises cotées et à effectuer une comparaison entre les firmes traditionnelles et celles de la nouvelle économie. Nous discutons ci-dessous la méthodologie, la constitution de notre échantillon, les données utilisées et les premiers résultats obtenus. II. Méthodologie et données II. 1. Évaluation de la valeur fondamentale basée sur le modèle des bénéfices anormaux (Residual Income Valuation Model) II. 1. 1. Base théorique Dans cette étude, l'approche utilisée pour estimer la valeur intrinsèque de l'entreprise est le modèle des bénéfices anormaux (Residual Income Model - RIM). Les premières versions de ce modèle sont en fait apparues il y a bien longtemps avec les travaux de Preinreich (1938) et de Edwards et Bell (1961). Cependant, c'est seulement dans les années 90 que Ohlson (1990, 1991, 1995), avec quelques études qui ont depuis une grande influence, a permis aux chercheurs académiques de se concentrer sur l'importance de ce modèle comme moyen de comprendre la relation entre les données comptables et la valeur de l'entreprise. C'est pourquoi, ce modèle est parfois appelé le modèle EBO (Edwards-Bell-Ohlson). Le modèle des bénéfices anormaux repose sur un principe fondamental de la théorie de l’évaluation : la valeur intrinsèque d'une action est la valeur actualisée de ses dividendes futurs. E (d ) Pˆt = ∑ t t +τ τ τ =1 (1 + k e ) ∞ (1) Pˆt est la valeur fondamentale de l' action à la date t d t est le dividende par action distribué à la date t k e est le coût des capitaux propres Et est l' espérance basée sur l' information disponible à la date t Pour arriver au RIM, deux hypothèses supplémentaires sont nécessaires. Premièrement, la relation du résultat global (clean surplus relation) s'applique, à savoir : bt = bt −1 + xt − d t (2) bt et xt sont respectivement la valeur comptable des capitaux propres par action et le bénéfice net par action de la période t. Deuxièmement, la condition de régularité doit être satisfaite, c'est-à-dire que le taux de croissance de la valeur comptable des capitaux propres est inférieur à ke. 6 Et (bt +τ ) (1 + k e ) τ →∞ τ → 0 Avec ces deux hypothèses, la valeur fondamentale d'une action est exprimée comme une fonction de la valeur comptable des capitaux propres et de la valeur actualisée des bénéfices anormaux futurs. ( ) ∞ E xa Pˆt = bt + ∑ t t +τ τ τ =1 (1 + k e ) (3) où xta = xt − k e × bt −1 Le RIM est ainsi équivalent au modèle des dividendes actualisés. Cependant, la supériorité du RIM réside dans le fait qu'il fournit un cadre conceptuel pour la relation entre la valeur de l'entreprise et les données comptables. Sur le plan pratique, la disponibilité des prévisions de bénéfices, par exemple, le rend plus facile à exploiter et à tester par rapport au modèle des dividendes actualisés. II. 1. 2. Application empirique pour estimer la valeur intrinsèque Ce modèle exprime la valeur marchande de la firme en terme de sa valeur comptable et d’une série infinie de bénéfices anormaux. Pour l’exploiter empiriquement, une période explicite de prévision et les proxies pour l’espérance des investisseurs doivent cependant être spécifiés. Nous suivons ici l’approche de Lee et al. (1999) pour estimer empiriquement la valeur intrinsèque de l’entreprise à partir du RIM. L’équation de ce modèle peut être récrite comme suit : ( ) ∞ E xa Pˆt = bt + ∑ t t +τ τ τ =1 (1 + k e ) ∞ = bt + ∑ τ =1 ∞ = bt + ∑ τ =1 Et ( xt +τ − k e × bt +τ −1 ) (1 + k e )τ Et [(ROEt +τ − k e ) × bt +τ ] (1 + k e )τ (4) où ROEt +τ est la rentabilité des capitaux propres pour la période t + τ La mise en œuvre du RIM nécessite donc l’estimation des variables suivantes : la série des valeurs comptables espérées des capitaux propres (b) ; la série des rentabilités espérées des capitaux propres (ROE) et le coût des capitaux propres (k). Pour représenter l’espérance des investisseurs, nous prenons, en suivant Lee et al. (1999), les prévisions fournies par les analystes financiers. En finance, on a souvent recours aux données historiques pour estimer l’attente du marché vis-à-vis d'une variable. Cette estimation n’est que très imparfaite puisque ce qui s’est passé antérieurement peut ne pas se produire dans le futur. La disponibilité des 7 prévisions des analystes financiers constitue une alternative qui peut améliorer la qualité de ces proxies. Ces prévisions incorporent en effet des informations sur le futur qui ne sont pas capturées par les données historiques. Basées sur la relation du résultat global (clean surplus relation), les valeurs comptables prévisionnelles des capitaux propres sont estimées comme suit : bt +1 = bt + (1 − d ) × xt +1 (5) où : bt et bt +1 sont respectivement la valeur comptable par action pour la période t et t + 1 xt +1 est le résultat prévisionnel par action pour la période t + 1 d est le ratio de distribution de dividende qui est déterminé grâce aux données comptables de l' exercice le plus récent avant la date d' évaluation. A partir des résultats prévisionnels et des estimations de la valeur comptable, on peut déterminer les rentabilités espérées des capitaux propres : ROEt +1 = xt +1 bt (6) Pour estimer le coût des capitaux propres, nous nous appuyons sur l’approche classique du MEDAF. Le risque systématique (β) est estimé grâce aux cours historiques hebdomadaires et l’indice SBF 250 pour une période de trois ans qui précède la date d’évaluation. La prime de risque est la moyenne des réalisations passées des différences entre la rentabilité de l’indice SBF 250 et le taux d’intérêt sans risque (PIBOR 3 mois). Ces différences sont calculées avec une fréquence hebdomadaire et pour une période qui dure de l’apparition de cet indice (décembre 1990) jusqu’à la date d’évaluation. Enfin, un horizon de prévision et une valeur terminale sont nécessaires pour estimer la valeur intrinsèque à partir du modèle. L’horizon de prévision fait l’objet d’une diversité dans les études précédentes. Lee et al. (1999) utilisent 3 horizons alternatifs : 3, 12, et 18 ans. Au-delà de la période de prévision explicitée par les analystes financiers, les auteurs prévoient implicitement les rentabilités futures des capitaux propres en reliant linéairement le taux des analystes au taux à long terme estimé grâce aux données historiques. En théorie, cet horizon devrait être long pour que l’entreprise atteigne son équilibre compétitif. Cependant, la capacité de prévoir les résultats futurs diminue très vite avec le temps et plus d’erreurs sont incorporées dans les longues expansions. Les horizons utilisés par Frankel et Lee (1998) sont beaucoup plus courts : 2 et 3 ans. Outre la simplicité, la raison de les utiliser dans leur étude est que les bénéfices prévus par les analystes ne sont disponibles que pour deux années n+1 et n+2. 8 Dans notre étude, nous n’utilisons pas les horizons aussi longs que 12 et 18 ans puisque les estimations sont de moins en moins précises avec le temps. A la différence des données utilisées par Frankel et Lee (1998) et Lee et al. (1999), les périodes de prévision fournies par les analystes financiers dans nos données ne sont pas homogènes. La plus courte est d’un an, la plus longue de quatre ans. En plus, nous disposons pour plus de la moitié de l’échantillon des données sur le taux de croissance des bénéfices à long terme1. Il nous est donc possible de prévoir implicitement le bénéfice jusqu’à la cinquième année en multipliant les bénéfices prévisionnels des années précédentes par ce taux à long terme2. Pour estimer la valeur intrinsèque des actions, nous considérons donc deux possibilités. La première consiste à ne prendre en compte que les prévisions explicites des analystes financiers sans utiliser le taux de croissance à long terme. Dans ce cas, le bénéfice anormal de l’année la plus éloignée dans la période de prévision explicite des analystes est supposé être perpétuel. La valeur intrinsèque de l’action est donnée par : n (ROEt +i − k e ) (ROEt + n − k e ) Pˆt = bt + ∑ ×b × bt +i −1 + i (1 + k e ) (1 + k e )n × k e t + n−1 i =1 (7) où : Pˆ est la valeur intrinsèque de l' action à la date t t bt +i est la valeur comptable des capitaux propres par action à la date t + i ROEt +i est la rentabilité des capitaux propres à la date t + i k e est le coût des capitaux propres estimé à la date t n est l' année la plus éloignée dans la période de prévision explicite des analystes pour l' entreprise La deuxième possibilité prend en compte le taux de croissance à long terme des bénéfices prévisionnels pour prévoir implicitement le bénéfice jusqu’à la cinquième année. Au-delà de cet horizon, les bénéfices anormaux sont supposés être perpétuels et constituent la valeur terminale du modèle. La valeur intrinsèque de l’action est exprimée comme suit : 4 (ROEt +i − k e ) (ROEt +5 − k e ) Pˆt = bt + ∑ × bt +i −1 + ×b i (1 + k e ) (1 + k e )4 × k e t + 4 i =1 (8) 1 Ce taux est souvent prévu pour une période de 5 ans. 2 Pour les entreprises dont ce taux est manquant, nous le calculons en prenant le taux de croissance moyen des bénéfices prévisionnels disponibles. 9 Ces deux possibilités pourraient nous renseigner sur l’importance que les investisseurs attribuent au taux de croissance à long terme quand ils évaluent les entreprises de la nouvelle économie par rapport aux entreprises traditionnelles. II. 2. Échantillon et données Nous effectuons dans cette étude une comparaison de la capacité de la valeur fondamentale à expliquer la valeur de marché des entreprises traditionnelles et celles de la nouvelle économie dans le cas français. Il est d’abord nécessaire de différencier ces deux catégories d’entreprises. Nous essayons premièrement de trouver une définition pour les entreprises de la nouvelle économie. Les entreprises traditionnelles seront ensuite plus faciles à discerner une fois l’autre catégorie déjà définie. II. 2. 1. Définition des entreprises de la nouvelle économie La définition des entreprises de la nouvelle économie n’est pas une question simple. Même leur appellation ne fait pas l'objet d’un consensus. On entend parler des entreprises à base de connaissance [Carpentier et Suret (2000)], des firmes high-tech [Darby et al. (1999)], des entreprises à base de recherche et développement (R&D) [Aboody et Lev (2000), Chan et al. (2001)], des nouvelles entreprises à base technologique ou d’innovations technologiques [Deng et al. (1999), Story et Tether (1998), Delapierre et al. (1998)], des entreprises de la nouvelle économie [Bhojraj et Lee (2002)], etc. Il semble que leur appellation dépend également du contexte particulier de chaque recherche. Dans notre étude, nous choisissons le terme "entreprises de la nouvelle économie" en raison de sa popularité puisqu'il est aussi largement utilisé par la presse financière. Story et Tether (1998) présentent un certain nombre de définitions des firmes qu'ils appellent "nouvelles entreprises à base technologique" et en distinguent deux catégories : la définition large et la définition étroite. Selon la définition large, il s'agit de toutes les nouvelles entreprises qui s'exercent dans les secteurs de haute technologie. Dans ce genre de définition, le mot "nouvelle" est parfois confus : on ne sait pas s'il s'applique à l'entreprise, à la technologie ou à toutes les deux. Par ailleurs, la définition d'un secteur de haute technologie est aussi problématique bien que celle de Butchart (1987) – qui identifie ces secteurs comme ceux qui ont le ratio dépenses de recherche et développement / chiffre d'affaires plus élevé que la moyenne et qui emploient des scientifiques et ingénieurs de meilleure qualité que les autres secteurs – soit très largement utilisée. La définition étroite parle des entreprises indépendantes créées il y a moins de 25 ans qui ont pour objectif de développer et/ou d'exploiter une invention ou une innovation technologique. Story et Tether (1998) considèrent 10 par exemple que les firmes de laser médical correspondent presque parfaitement à cette définition. Cette industrie est nouvelle, de caractère technologique et quand une industrie est nouvelle, les entreprises qui en font partie sont aussi nouvelles et souvent indépendantes. Dans le cas où la disponibilité de données n'est pas suffisante pour trouver les entreprises qui peuvent satisfaire tous ces critères, l'application de la définition étroite s'avère difficile. La définition à retenir doit donc être pragmatique et refléter les données disponibles. Story et Tether (1998) ont combiné les deux définitions pour obtenir un échantillon d'entreprises européennes qui se compose plutôt des PME dans les secteurs de haute technologie. Ces entreprises ne sont en revanche pas choisies sur la base des critères d'âge et d'indépendance. Cette manière de constituer un échantillon d'entreprises est aussi utilisée dans l'étude exploratoire de Delapierre et al. (1998) qui porte sur les "nouvelles entreprises à base technologiques" françaises. Dans notre étude, nous n'avons pas suffisamment de données nécessaires pour adopter la définition étroite. Nous ne savons pas exactement si par exemple une entreprise est indépendante et si elle développe et/ou exploite une invention technologique. Même si nous avons ces informations, l'application de ces critères réduira sans doute la taille de notre échantillon qui est déjà modeste. Nous nous appuyons donc sur la définition large et ajoutons un critère de taille pour définir les entreprises de la nouvelle économie : il s'agit des nouvelles petites et moyennes entreprises qui s'exercent dans les secteurs de haute technologie. Il y a donc trois critères dans cette définition : secteur d'activité, taille et âge. Ce sont aussi trois critères qui nous permettent de discerner les entreprises dites traditionnelles. Nous allons discuter ci-dessous la constitution de notre échantillon. II. 2. 2. Échantillon et collection de données Notre échantillon initial est constitué de toutes les entreprises françaises cotées sur le Premier, le Second et le Nouveau Marché. Nous éliminons d’abord les entreprises dont les comptes consolidés ne sont pas disponibles dans la base de données Diane. Les données suivantes en sont extraites: Données comptables : - Total de l’actif comptable - Capitaux propres D’autres informations : - Date de création - Date de clôture de l’exercice comptable 11 Nous éliminons ensuite les entreprises dont les bénéfices prévisionnels (consensus3) des analystes financiers ne sont pas disponibles dans la base de données I/B/E/S de Thomson Financial. Cette base fournit les prévisions de bénéfices pour une période future maximale de quatre ans et minimale d'un an ainsi que le taux de croissance à long terme des bénéfices. Le cours, le nombre d'actions émises et le ratio de distribution de dividendes sont extraits de la base Datastream. Dans ce papier, nous limitons notre étude à l'exercice 2000 qui est l'année où le plus de données sont disponibles. Pour nous assurer que les informations nécessaires à l'évaluation sont publiquement révélées, nous comparerons la valeur intrinsèque estimée avec le cours de l'action enregistré dans Datastream trois mois après la date de clôture de l'exercice comptable (date d'évaluation). Les prévisions des bénéfices et du taux de croissance à long terme sont aussi prises à cette date d'évaluation. Les données nécessaires pour estimer le coût des capitaux propres par le MEDAF (cours d'actions, indice SBF 250, PIBOR trois mois) sont aussi obtenues à partir de Datastream. Le risque systématique (β) est estimé grâce aux cours historiques hebdomadaires et l’indice SBF 250 pour une période de trois ans qui précède la date d’évaluation. La prime de risque est la moyenne des réalisations passées des différences entre la rentabilité de l’indice SBF 250 et le taux d’intérêt sans risque (PIBOR 3 mois). Ces différences sont calculées avec une fréquence hebdomadaire et pour une période qui dure depuis l’apparition de cet indice (décembre 1990) jusqu’à la date d’évaluation. La disponibilité des données nous permet de disposer d'un échantillon intermédiaire de 367 entreprises. L’étape suivante est de constituer le sous-échantillon des entreprises de la nouvelle économie et celui des entreprises traditionnelles. Nous allons examiner chacun des trois critères qui constituent notre définition des entreprises de la nouvelle économie. Il faut d’abord discerner les secteurs qualifiés de haute technologie. Selon la définition de Butchart (1987), l’appartenance d’un secteur à la haute technologie peut être détectée grâce au ratio dépenses de R&D / chiffre d’affaires des entreprises qui en font partie. Il s’agit aussi du critère adopté par certaines études américaines [Aboody et Lev (2000) et Chan et al. (2001) par exemple]. L'application de ce critère au cas français est cependant difficile puisque les données de R&D des entreprises françaises sont rarement révélées dans leurs états financiers. La seule possibilité pour nous d’identifier les secteurs de haute technologie est de nous appuyer sur les études antérieures. En se basant sur les études de Delapierre et al. (1998) et de 3 Nous prenons la valeur médiane comme consensus 12 Chan et al. (2001), les secteurs suivants – selon la classification du Système de Classification Internationale FTSE disponible dans Datastream - peuvent être considérés sans ambiguïté comme ceux de haute technologie : 48 - Pharmacie (Recherche, Production, Exploitation) 67 - Services de télécommunication 93 - Équipements destinés aux technologies de l'information 97 - Logiciels et services Nous considérons simplement que les secteurs autres que 48, 67, 93 et 97 sont ceux de l’économie traditionnelle. Le tableau 1 présente les statistiques descriptives des deux catégories d’entreprises (des secteurs traditionnels et de haute technologie) selon leur taille (total de l’actif comptable) et leur âge (année 2000 – année de création) : Tableau 1 : Entreprises des secteurs traditionnels Total de l’actif Âge (en million d’Euros) (en année) Moyenne 4564,33 40,22 Écart-type 15266,67 35,46 Coefficient de variation 3,34 0,88 Minimum 3,08 2 Médiane 411,75 26 Maximum 150737,9 163 Nombre d’observations 277 Entreprises des secteurs de haute technologie Total de l’actif Âge (en million d’Euros) (en année) 1697,52 17,71 7186,27 18,84 4,23 1,06 12,92 1 96,48 11,5 42978 102 90 Tableau 2 : Total de l’actif (million d’Euros) Moyenne Âge (année) Entreprises des secteurs traditionnels Entreprises des secteurs de haute technologie Entreprises des secteurs traditionnels Entreprises des secteurs de haute technologie 4564,33 1697,52 40,22 17,71 t-statistique 2,08** ** : significatif à 5 % ; *** : significatif à 1 % 6,69*** Les tests de Student montrent qu’effectivement, la taille et l'âge des entreprises des secteurs qualifiés de haute technologie sont significativement inférieurs à ceux des autres secteurs. Cependant, il est aussi constaté à travers les statistiques descriptives que les deux souséchantillons ne sont pas assez homogènes en terme de ces deux critères. L’écart-type est souvent trop important par rapport à la moyenne. Le coefficient de variation pour le total de l’actif des entreprises des secteurs de haute technologie par exemple s’élève à plus de 4. La 13 sélection des entreprises pour l’échantillon final basée sur la taille et l'âge permet d’obtenir les entreprises plus homogènes pour chaque catégorie. Une sélection directement centrée sur ces deux critères s’avère pourtant délicate. En effet, comment peut-on définir la taille et l'âge des entreprises de la nouvelle économie et ceux des entreprises traditionnelles ? Existe-il une autre manière de sélection plus systématique qui englobe implicitement les critères de taille et d’âge ? Une sélection basée sur le marché de cotation par exemple peut-elle être plus judicieuse ? Afin de répondre à cette dernière question, nous effectuons une comparaison entre le Premier, le Second et le Nouveau Marché selon la taille et l'âge des entreprises. Le Premier Marché est destiné aux grandes entreprises. Le Second Marché s’adresse principalement aux sociétés de taille moyenne, matures. Les entreprises passent souvent par le Second Marché avant de rejoindre le Premier Marché. Le Nouveau Marché vise en priorité les sociétés jeunes et à forte croissance. Ce sont les éléments minimums tirés du profil de ces marchés qui permettent de supposer raisonnablement que la différence de taille et âge entre ces marchés soit significative. Nous vérifions ci-dessous cette hypothèse par les tests de comparaison de moyennes de taille et d'age. Tableau 3 : Total de l'actif (million d'Euros) Moyenne PM SM SM NM PM NM 8868,88 373,07 373,07 75,34 8868,88 75,34 t-statistique 4,43*** 1,93** 4,6*** Âge (année) Moyenne PM SM SM NM PM NM 51,47 29,14 29,14 9,6 51,47 9,6 t-statistique 5,04*** 6,93*** PM : Premier Marché ; SM : Second Marché ; NM :Nouveau Marché ** : significatif à 5 % ; *** : significatif à 1 % 11,75*** Les tests de Student montrent que toutes les différences sont statistiquement significatives. En effet, la différence de taille et d'âge entre le Premier et le Nouveau Marché est importante. Dans la mesure où les deux sous-échantillons sélectionnés selon les secteurs comportent chacun les entreprises cotées sur les trois marchés, nous réalisons le procédé suivant pour obtenir notre échantillon final. Pour avoir les entreprises dites de la nouvelle économie, nous éliminons du sous-échantillon des secteurs de haute technologie les entreprises cotées sur le Premier Marché. De même, les entreprises cotées sur le Nouveau Marché sont écartées de l'échantillon des secteurs traditionnels pour obtenir les entreprises dites traditionnelles. 14 Notre échantillon final se compose ainsi de 295 sociétés dont 227 traditionnelles et 68 de la nouvelle économie. Les statistiques descriptives dans le tableau 4 montre qu'au moins, les entreprises de la nouvelle économie sont devenues plus homogènes en terme de taille et d'âge que celles précédemment sélectionnées : Tableau 4 : Moyenne Écart-type Coefficient de variation Minimum Médiane Maximum Nombre d’observations Entreprises traditionnelles Total de l’actif Âge (en million d’Euros) (en année) 5085,46 43,79 16056,13 35,76 3,16 16,88 463,7 150737,9 Entreprises de la nouvelle économie Total de l’actif Âge (en million d’Euros) (en année) 86,7 13,75 63,93 12,75 0,82 3 30,5 163 0,74 12,92 70,46 242,77 227 0,93 1 10 68 68 III. Résultats Nous utilisons les équations 7 et 8 pour estimer la valeur intrinsèque des actions et la comparons ensuite avec le cours enregistré trois mois après la date de clôture de l’exercice 2000. Dans l’équation 7, il n’y a que les prévisions de bénéfices explicitées par les analystes qui sont prises en compte. Pour le modèle exprimé par l’équation 8, le taux de croissance à long terme est considéré pour prévoir les bénéfices jusqu’à l’année n+5. Pour évaluer la performance des modèles, nous examinons d'abord la distribution des erreurs d’évaluation qui sont définies comme suit : ε i = ln Pˆi − ln Pi où ei est l' erreur d' évaluation pour l' action i Pˆ est la valeur intrinsèque estimée à partir du modèle pour l' action i i Pi est le cours de l' action i à la date d' évaluation (trois mois après la date de clôture de l' exercice) Le tableau 5 présente les statistiques descriptives sur les erreurs d’évaluation et les tests statistiques pour comparer les moyennes des erreurs. Il montre que les erreurs d’évaluation sont importantes pour les entreprises traditionnelles quand le taux de croissance est pris en compte et pour les entreprises de la nouvelle économie quand ce taux est négligé. En moyenne, les valeurs données par le modèle avec taux de croissance pour les entreprises traditionnelles excèdent leurs valeurs de marché de 43 % et le modèle sans taux de croissance donne pour les firmes de la nouvelle économie les valeurs inférieures à leurs valeurs de 15 marché de 88 % ! Ces moyennes sont significativement différentes de zéro. Par contre, quand le taux de croissance est pris en compte pour les entreprises de la nouvelle économie et négligé pour les firmes traditionnelles, ces erreurs deviennent beaucoup plus faibles. La moyenne et la médiane sont de 9 % et -10 % pour les entreprises de la nouvelle économie et de 4 % et 14 % pour les firmes traditionnelles. Les valeurs moyennes ne sont pas significativement différentes de zéro. Tableau 5 : La valeur intrinsèque est estimée grâce au modèle des bénéfices anormaux (Residual Income Model - RIM) pour 227 entreprises traditionnelles et 68 firmes de la nouvelle économie. Deux possibilités sont considérées : la première consiste à ne prendre en compte que les prévisions explicites des analystes financiers sans utiliser le taux de croissance à long terme. La valeur intrinsèque de l’action est donnée par : ∑ n P̂t = bt + i =1 (ROE t +i − k e ) (ROEt + n − k e ) × bt + n − 1 × bt + i −1 + i (1 + k e ) (1 + k e )n × k e où : P̂t est la valeur intrinsèque de l' action à la date t bt + i est la valeur comptable des capitaux propres par action à la date t + i ROE t + i est la rentabilité des capitaux propres à la date t + i k e est le coût des capitaux propres estimé à la date t n est l' année la plus éloignée dans la période de prévision explicite des analystes pour l' entreprise La deuxième possibilité prend en compte le taux de croissance à long terme des bénéfices prévisionnels pour prévoir implicitement le bénéfice jusqu’à la cinquième année. La valeur intrinsèque de l’action est exprimée comme suit : ∑ 4 P̂t = bt + i =1 (ROEt +i − k e ) (ROE t + 5 − k e ) × bt + i −1 + × bt + 4 i (1 + k e ) (1 + k e )4 × k e La valeur donnée par ces modèles est comparée avec le cours d'action enregistré trois mois après la date de clôture de l'exercice. L'erreur d'évaluation est égale au logarithme naturel du ratio valeur intrinsèque de l'action / cours de l'action et exprimée en pourcentage. Les tests statistiques sont effectués pour comparer les moyennes des erreurs d'évaluation. Les t-statistiques sont entre parenthèses. *** : significatif à 1 % ; ** : significatif à 5 %. Modèle avec taux de croissance Firmes traditionnelles Firmes de la nouvelle économie Modèle sans taux de croissance Firmes traditionnelles Firmes de la nouvelle économie Partie A : statistiques descriptives pour les erreurs d’évaluation Moyenne 43,34 % *** (7,44) 9,12 % ns (0,69) 3,72 % ns (0,78) -87,75 % *** (-8,11) Médiane 46,99 % -10,21 % 14,46 % -103,97 % Écart-type 87,75 % 109,08 % 72,45 % 93,04 % 227 68 227 68 Nombre d’observations Partie B : test d’égalité des moyennes des erreurs d’évaluation t-statistique (2,35) ** (7,69) *** 16 Les tests de comparaison de moyennes des erreurs montrent que les différences sont statistiquement significatives. La capacité du modèle à capturer la valeur de marché est donc différente entre les entreprises traditionnelles et celles de la nouvelle économie. Pour les firmes françaises de la nouvelle économie, les valeurs données par le modèle avec taux de croissance sont en moyenne proches de celles que le marché leur attribue, ce qui est contraire à l’opinion selon laquelle la valeur de marché de ces entreprises est difficilement justifiée par les principes d’évaluation fondamentaux. Ce résultat met en évidence l’importance du potentiel de croissance dans l’évaluation des firmes de la nouvelle économie. Il est cependant constaté à partir du tableau 5 que la variation des erreurs d’évaluation est très importante dans tous les cas, ce qui nous conduit à nous demander si les estimations de la valeur intrinsèque sont en mesure d’expliquer la variation de la valeur de marché. En effet, un modèle peut permettre de bien estimer la valeur en moyenne mais il est aussi possible qu’il explique mal sa variation. Nous examinons ici cette possibilité en estimant la régression suivante : ( ) Ln(Pi ) = α + β × Ln Pˆi + u i (9) où : Pˆ est la valeur intrinsèque de l' action i estimé grâce au RIM i Pi est le cours de l' action i trois mois après la date de clôture de l' exercice u i est le terme résiduel Le modèle 9 est estimé pour 4 cas : les entreprises traditionnelles avec et sans taux de croissance ; les firmes traditionnelles avec et sans taux de croissance. Tableau 6 : Modèle avec taux de croissance Modèle sans taux de croissance Firmes traditionnelles Firmes de la nouvelle économie Firmes traditionnelles Firmes de la nouvelle économie α 1,54 *** (7,66) 1,62 *** (6,67) 1,20 *** (7,59) 1,60 *** (9,84) β 0,52 *** (10,88) 0,39 *** (5,06) 0,66 *** (15,96) 0,58 *** (7,61) R2 0,34 0,28 0,53 0,44 Nombre d’observations 227 68 227 68 Les t-statistiques sont entre parenthèses. *** : significatif à 1 %. Le tableau 6 présente le résultat d'estimation des régressions. Si la valeur intrinsèque estimée reflétait parfaitement les variations de la valeur de marché, on devrait obtenir α = 0, β = 1 et R2 = 100 %. Les tests statistiques montrent pourtant que le terme constant dans toutes les 17 régressions est significativement différent de zéro. Les coefficients β sont significativement différents de zéro mais aussi de 1. La valeur intrinsèque ainsi estimée explique seulement de 30 % à 50 % des variations de la valeur de marché. Le modèle sans taux de croissance pour les entreprises traditionnelles a le meilleur pouvoir explicatif qui est de 53 %. Bien que le modèle avec taux de croissance estime bien en moyenne la valeur des firmes de la nouvelle économie, il n'explique que 28 % des variations de leur valeur de marché, ce qui est aussi constaté à travers la dispersion très importante des erreurs d'évaluation. IV. Conclusion Dans ce papier, nous avons appliqué le modèle des bénéfices anormaux (Residual Income Model - RIM) pour estimer la valeur intrinsèque des entreprises françaises cotées et effectué une comparaison entre les firmes traditionnelles et celles de la nouvelle économie. Compte tenu de la disponibilité des données fournies par les analystes financiers, nous avons examiné deux possibilités pour mettre en œuvre le RIM : la première consiste à ne prendre en compte que les bénéfices prévisionnels explicites des analystes sans utiliser le taux de croissance à long terme. Pour la deuxième possibilité, ce taux est utilisé pour prévoir implicitement les bénéfices jusqu’à la cinquième année. Le résultat montre que quand le taux de croissance est pris en compte, la valeur intrinsèque estimée pour les firmes de la nouvelle économie devient en moyenne beaucoup plus proche de leur valeur de marché. Par contre, les erreurs d'évaluation diminuent nettement avec le modèle sans taux de croissance pour les entreprises traditionnelles. Cela permet de réaffirmer que le potentiel de croissance joue un rôle beaucoup plus important dans l'évaluation des firmes de la nouvelle économie. De plus, il en ressort qu'avec la prise en compte du potentiel de croissance, il est tout à fait possible de justifier la valeur de marché des entreprises françaises de la nouvelle économie par les principes classiques d'évaluation. Les erreurs d'évaluation ont cependant une grande dispersion. Celle-ci est plus importante pour les firmes de la nouvelle économie que pour les entreprises traditionnelles. Bien qu'en moyenne, le modèle peut donner une estimation sans biais de la valeur de marché, la capacité de la valeur intrinsèque estimée à expliquer les variations de la valeur de marché reste assez faible. Dans une prochaine étude, nous nous attacherons à vérifier si la prise en compte de la valeur relative qui peut refléter les tendances du marché permet d'améliorer cette capacité. 18 Bibliographie Aboody D. et Lev B. (2000), "Information Asymmetry, R&D and Insiders Gains", Journal of Finance, 55, 6, p. 2747-2766 Alford A. (1992), "The effect of the set of comparable firms on the accuracy of the price-earnings valuation method", Journal of Accounting Research, 30, 1, p. 94-108. Bhojraj S. et Lee C.M.C (2002), "Who is my peer ? A valuation-based approach to the selection of comparable firms", Journal of Accounting Research, 40, 2, p. 407-444. Butchart R. (1987), "A new UK definition of high technology industries", Economic Review, 400, 82– 88. Carpentier C. et Suret J-M. (2000), "L'évaluation des sociétés fermées : Pratiques et théories", Gestion, 25, 3, p. 71-77. Chan L., Lakonishok J. et Sougiannis T. 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