Réforme du soutien à la production documentaire
Transcription
Réforme du soutien à la production documentaire
Réforme du soutien à la production documentaire Premier genre audiovisuel soutenu par le CNC par son volume (plus de 3 000 heures en 2013 sur près de 5 500 heures aidées), le documentaire de création va voir les modalités de son soutien évoluer à la rentrée prochaine. Un long travail de concertation a été mené par le CNC avec les professionnels, entamé mi-2012 à l’issue de la remise d’un rapport au ministre de la Culture et de la Communication. Cette réforme vise à mieux financer les œuvres les plus ambitieuses et créatives, quelle que soit leur économie. Elle encourage particulièrement le développement des documentaires scientifiques et historiques, pour lesquels la France dispose d’un savoir-faire reconnu et d’un potentiel de développement de son marché. Elle prévoit également de renforcer la transparence du secteur et d’encourager la capacité d’exportation des œuvres sur les marchés internationaux. Sans enfermer le genre dans une définition, la vigilance sur le périmètre des programmes qualifiés de documentaires va être accrue, notamment par la mise en œuvre d’une formation spécialisée de la commission du COSIP. Les préconisations du rapport ne nient pas l’importance ni la réalité des formes nouvelles de documentaire, mais visent à préserver et renforcer la diversité des œuvres au bénéfice des démarches plus exigeantes. Le rapport a ainsi proposé à la profession de s’entendre sur une grille de critères objectifs permettant d’apprécier plus finement les différents types d’écriture, tout en écartant l’hypothèse d’une réouverture d’un débat visant à définir le documentaire de création. Il a également proposé de renforcer la phase de développement des projets, et d’encourager l’implication des partenaires étrangers dans le financement de la production. Un soutien qui n’avait pas évolué depuis dix ans Le système de soutien à la production documentaire n’a pas changé depuis 2004. Le soutien généré par une œuvre, proportionnel à sa durée, est actuellement lié à un coefficient qui évolue par tranche d’investissement en numéraire des diffuseurs dans le programme. « Le documentaire dans tous ses états » Or, ce système a progressivement perdu sa lisibilité et sa prévisibilité. L’évolution « en escalier » du coefficient induit des effets de seuils, ce qui implique, dans un nombre grandissant de cas, un déséquilibre entre le montant investi par le ou les diffuseurs et le montant de soutien généré. Le niveau de soutien théorique se révèle régulièrement inadapté, en particulier pour l’économie de production des chaînes de la TNT, qui n’existaient pas lors de la création du système. Pour rectifier ces inégalités, le CNC a progressivement été contraint d’adapter le coefficient réel de soutien à l’économie de la production, indépendamment du niveau de soutien théorique. Remis en avril 2012 par Jacques Perrin, Catherine Lamour, Serge Gordey et Carlos Pinsky au ministre de la Culture et de la Communication, le rapport intitulé Le documentaire dans tous ses états a posé les bases de la réflexion qui a mené à l’adaptation des règles du soutien financier du CNC. Le constat du rapport se voulait lucide, pointant en particulier les menaces qui pèsent sur la diversité de la création documentaire. L’augmentation du volume de production, particulièrement depuis le lancement de la TNT, s’est accompagnée d’un mouvement d’hybridation et de formatage des œuvres lié aux stratégies éditoriales des diffuseurs, qui pour certains privilégient les programmes identifiants, les écritures les plus lisibles et les sujets d’actualité ou de société. Dans ce contexte, la situation des auteurs et des producteurs s’est progressivement fragilisée. En outre, les règles du soutien actuel ne correspondent plus à l’économie des commandes de séries et de collections documentaires, dont la part est aujourd’hui grandissante. 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500 0 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 Volume de documentaires aidés par le CNC (en heures) page 6 — la lettre du CNC numéro 116, juillet-août 2014 2006 2008 2010 2012 Une annonce lors du dernier FIPA À l’issue d’un long processus d’audition de tous les acteurs impliqués dans la production de documentaires (auteurs, producteurs, diffuseurs et distributeurs) et de négociation avec les organisations professionnelles (USPA, SPI, SATEV et SCAM), la ministre de la Culture et de la Communication a annoncé la réforme du soutien au documentaire lors du dernier Festival international des programmes audiovisuels (FIPA), fin janvier. Les modalités ont été précisées par le CNC en juin dernier, à l’occasion du Sunny Side of the Doc. Cette réforme ouvre la voie à un meilleur financement des œuvres les plus ambitieuses, quelle que soit leur économie, dans le respect du rôle de structuration de l’industrie de programmes dévolu au COSIP. Elle encourage particulièrement le développement des documentaires scientifiques et historiques, pour lesquels la France dispose d’un savoir-faire reconnu et d’un potentiel de développement de son marché. Elle prévoit également de renforcer la transparence du secteur et d’encourager la capacité d’exportation des œuvres sur les marchés internationaux. Le détail de la réforme Au système actuel de coefficient en escalier sera substituée une courbe de coefficient directement proportionnelle à l’apport en numéraire des diffuseurs, permettant d’éviter les effets de seuils. Ce « coefficient de base » pourra être rehaussé par un jeu de bonifications objectives, visant à quantifier l’ambition artistique et technique des documentaires. Cinq bonifications seront cumulativement possibles (dans la limite d’un plafond), et seront liées à la reconnaissance de la qualité de l’écriture et du potentiel de développement du projet, à la présence d’une création musicale originale, au temps de montage de l’œuvre, au poids de l’équipe créative dans la masse salariale et au potentiel d’exportation de l’œuvre. Les documentaires qui ont recours aux codes d’écriture ou de réalisation propres au magazine ou au reportage n’auront pas accès à ces bonifications, et généreront sur la base de leur seul « coefficient de base ». Le CNC fera preuve d’une vigilance accrue sur le caractère de documentaire de création des œuvres aidées, et aura plus fréquemment recours à l’avis de la commission spécialisée. Une formation spécifique de la commission de l’aide sélective du COSIP sera d’ailleurs créée, dédiée au documentaire de création et au magazine. Les projets les plus fragiles, généralement préachetés par les chaînes locales ou thématiques ne parvenant pas à investir suffisamment de numéraire, seront comme aujourd’hui accompagnés par la commission sélective, qui pourra réévaluer à la hausse leur coefficient de soutien selon une échelle améliorée par rapport à celle existante. Le CNC souhaite, en outre, encourager la production de documentaires historiques et scientifiques, et met en place pour ce faire une majoration de 20% du soutien généré dans ces deux genres. Un appel à projets sélectif pour le développement de projets traitant des sciences sera par ailleurs lancé. Le caractère structurant du soutien automatique sera renforcé, à partir de 2015, par un relèvement du seuil d’investissement minimal en numéraire du diffuseur nécessaire au déclenchement du soutien automatique (passant de 9 000 € / h à 12 000 € / h) d’une part, et par un relèvement de 50 000 € à 70 000 € du seuil annuel d’ouverture d’un compte automatique en documentaire d’autre part. La transparence du secteur sera enfin accrue, par l’extension à toutes les œuvres documentaires bénéficiant d’une subvention du CNC supérieure ou égale à 50 000 € de l’obligation de certification des comptes de production par un commissaire aux comptes. Les programmes livrés aux diffuseurs postérieurement au 15 septembre pourront voir leur soutien généré calculé selon les nouvelles modalités. 1,8 1,6 1,4 1,2 1,0 0,8 0,6 0,4 0,2 0 * 0 €** 25 000 € 50 000 € 75 000 € 100 000 € 125 000 € 150 000 € 175 000 € 200 000 € 225 000 € 250 000 € Coefficient de génération en documentaire * Coefficient de génération du programme ** ADHN : apport horaire du diffuseur en numéraire coefficient maximal atteignable après bonification coefficient avant réforme courbe de coefficient après réforme, hors bonification (« courbe de base ») page 7 — la lettre du CNC numéro 116, juillet-août 2014