Introduction

Transcription

Introduction
Media et Société
au Maroc
Diagnostic et feuille
de route
Dialogue national
«Media et Société»
• © Parlement du Royaume du Maroc
• Impression : Editions Maghrébines
• Dépôt légal n° : 2011 MO 2156
• ISBN : 978-9981-24-066-7
• 1ère édition: Octobre 2011
• Edition électronique: www.mediasociete.ma ; www.mediasociete.net
Table des matières
1. Prologue..................................................................................................7
2. Introduction......................................................................................13
3. Contextualisation politique et référentiel...................31
4. Diagnostic global et analyse sectorielle.......................77
5. Principes et indicateurs de gouvernance
et de régulation............................................................................331
6. Conclusion.......................................................................................413
7. Annexe...............................................................................................421 dialogue national - media et societe
prologue
Prologue
dialogue national - media et societe
prologue
Ce rapport est le fruit du Dialogue national sur « Médias et société »
annoncé le 28 janvier 2010 dans l’enceinte de la Chambre des députt
tés et qui a conduit, entre le 1er mars et le 28 juin, une série de 21
auditions et une quinzaine de débats, de tables rondes et d’ateliers
thématiques d’experts, au sein de la Chambre des Conseillers et dans
certaines régions du pays (Casablanca, Marrakech, Tanger). Par la
suite, la coordination générale du Dialogue s’est attelée, pendant les
trois mois suivants à décrypter, avec l’aide de l’équipe spécialisée du
Parlement, les 120 heures d’auditions et 50 heures de débats enregt
gistrées, avant que le staff de la coordination générale ne procède
à la rédaction (et traduction au besoin) du volumineux verbatim de
l’ensemble de ces auditions et débats. Après cette tâche, le staff a dû
procéder à l’analyse et à la synthétisation des mémoires déposés au
Dialogue par les institutions et instances auditionnées, d’autres mémt
moires et documents envoyés au Dialogue par nombre d’associations
et acteurs non auditionnés ainsi qu’un volumineux « Press book » des
réactions, critiques et commentaires suscités par le Dialogue dans
nombre de tribunes nationales.
Suite à l’envoi à tous les partis politiques représentés au Parlement
d’un appel leur demandant leur point de vue sur douze problématiques
structurelles du présent et de l’avenir du champ médiatique national,
la coordination générale du Dialogue s’est employée à collecter, entt
tre octobre 2010 et février 2011,ces mémoires puis a pu rencontrer
les premiers responsables de certains parmi eux afin de clarifier leur
point de vue sur la base du mémoire écrit reçu au nom de leurs partis
respectifs.
Parallèlement, la coordination nationale a suivi et encadré, entre
juillet et décembre 2010, la conduite des huit études qu’elle a lancées
et dont elle a traité les résultats durant les trois premiers mois de
2011, ce qui a pu lui permettre de présenter le 9 avril 2011 un premier
rapport préliminaire à l’instance du Dialogue, contenant, en annexe
- Tous ces documents peuvent être consultés sur le site Web du Dialogue : http://
www.mediasociete.ma/ ou http://www.mediasociete.net/
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à part, le projet de quelque 150 recommandations. A la demande des
membres de cette instance, une période de lecture du rapport prélimint
naire, de trois à quatre semaines, a été retenue pour que les membres,
qui le souhaitent, fassent parvenir, par courriel, à la coordination gént
nérale, leurs réactions, rectifications ou nouvelles propositions au titt
tre des recommandations finales de ce Dialogue.
A la mi-mai, la coordination générale a pu faire le point sur les propt
positions et remarques envoyées par certains membres, alors que
d’autres lui ont signifié qu’ils s’en tenaient aux propositions qui leur
avaient été exposées lors de la restitution du 9 avril. A partir de là,
la coordination a pu achever la rédaction de ce rapport final, tenant
compte aussi bien des réactions exprimées par les membres lors de
la réunion du 9 avril que des remarques reçues depuis lors. Sachant
que la rédaction est suivie au fur et à mesure, depuis le début, par sa
traduction, du français à l’arabe, et vice versa, en plus de l’espagnol
et de l’anglais.
Ce « livre blanc » donc, en tant que feuille de route commandée et
parrainée par 16 groupes parlementaires, dans les deux chambres du
Parlement, à l’unisson avec le ministère de la Communication et les
deux organisations professionnelles, le SNPM et la FMEJ, se veut fidt
dèle aux objectifs déclarés dans la plate-forme de ce Dialogue qui a
servi de cadre de base et de référence à tous les travaux menés par
l’instance et par sa coordination générale. Il se veut fidèle aussi à l’atmt
mosphère de sérénité et de responsabilité qui a régné au sein de cette
instance dans la conduite de toutes les étapes de cet exercice national
inédit qui ont pu être menées malgré nombre de contraintes de temps
disponible pour les uns ou pour les autres, compte tenu de l’activité
permanente des parlementaires et des obligations professionnelles
quotidiennes des professionnels des médias membres de l’instance.
Le Dialogue a dû aussi tenir compte de l’agenda politique et social
exceptionnel qu’a connu le pays durant ces derniers mois, alors que
ce travail était dans sa phase finale d’achèvement. Une période qui,
comme on s’en doute, avec les réformes majeures annoncées par le
Souverain le 9 mars, puis par le processus de la nouvelle constitutt
tion, imposa des priorités pressantes tant aux membres de l’instance
prologue
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qu’aux membres du Parlement à qui ce travail est soumis et restitué
afin de débattre de ses propositions et de décider de la mise en œuvre
de cette feuille de route. Une mise en œuvre dont la perspective et les
chances d’effectivité ont été fortement consolidées par la nouvelle loi
suprême du pays dans certains de ces énoncés relatifs aux médias et
par ce qu’elle prévoit comme nouveaux pouvoirs aux deux premières
institutions concernées par cette mise en œuvre : le gouvernement et
le parlement.
La donne institutionnelle et politique étant ainsi exceptionnellement
favorable, la donne civile et professionnelle n’en sera que davantage
motivée et responsabilisée pour œuvrer à conduire à bon port la mise
à niveau multidimensionnelle et multisectorielle que ce « livre blanc »
propose pour le champ national des médias et de la liberté d’expresst
sion, champ plus structurant que jamais du projet démocratique mart
rocain.
Pr. Jamal Eddine NAJI
Coordinateur général du Dialogue national
« Media et Société ».
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Le Maroc, pays de 32 millions d’habitants (dont plus de 60%
ont moins de 30 ans, avec un âge médian national de 26,5 ans),
ne peut plus supporter ou tirer profit des multiples paradoxes
qui caractérisent son champ médiatique et communicationnn
nel. Son arrimage au monde moderne de l’information et de
la communication, au futur de celui-ci, déjà en œuvre au présn
sent, c’est-à-dire une « société mondiale de l’information et du
savoir », risque, de ce fait, d’être menacé, nous condamnant à
accumuler des retards difficilement maîtrisables dans le procn
che avenir, quels que soient nos efforts et nos volontés à tous.
Nous tardons dangereusement à nous définir dans ce domaine
par rapport au monde de demain qui frappe déjà à nos portn
tes avec l’incommensurable force de la globalisation et son incn
carnation mondialisée en le domaine : le cyberespace, ses innn
nombrables langages numériques, ses incessantes innovations
technologiques et leurs inouïes progénitures annoncées comme
les nanotechnologies…Sans oublier les technologies frappées,
dans leurs composants comme dans leurs usages, du sceau de
l’économie de l’écologie, impliquant le monde des médias, entre
autres activités humaines auxquelles cette économie de gestion
de la rareté, de lutte contre le gaspillage et la pollution, va impn
poser des transformations draconiennes, voire des révolutions
radicales, dans les choix, les buts, les supports, les matériaux
et les usages, que nous ne pouvons pas encore bien anticiper à
ce jour.
Le Maroc a connu, voilà près de deux siècles le fait de presse. Il
a généré une presse autochtone marocaine depuis plus d’un siècn
cle (mise au service, dans sa majorité, du combat pour l’indépn
pendance) et il en use depuis près de soixante ans sous le règne
de la souveraineté nationale recouvrée en 1956, alors, qu’à ce
jour, son champ médiatique tient ses équilibres sur nombre de
- Des chercheurs de MIT, aux USA, ont déjà mis au point, grâce à ces nanotechnologies,
un écran de télévision pliable, comme une feuille qu’on peut enrouler et mettre dans sa poche.
D’autres confrères à eux annoncent pour très bientôt une puce d’ordinateur de la taille
d’un globule blanc…
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paradoxes. Des paradoxes dont il s’en est toujours accommodé
et qui, même, attestent de sa singularité par rapport à des pays
comparables en le domaine. Des équilibres paradoxaux qui
n’alarmaient pas jusqu’à ce jour, de manière gravissime, quant
à ses chances d’atteindre un jour une dynamique médiatique
comparable à la moyenne des modèles de mise plus précisémn
ment dans les pays qui ont choisi, bien avant lui (Amérique du
Nord, Europe occidentale) ou bien après lui (Amérique Latine,
Afrique, Europe orientale), le pluralisme comme principe fondn
dateur de l’exercice de la liberté d’expression, de la liberté de la
presse. Principe consacré dans le 1er encadrement législatif de
ce champ dont le Maroc, fraichement indépendant, se dota : le
Dahir du 15 novembre 1958.
Mis à part les amendements scélérats introduits, au début des
années 70, dans ce texte si fortement inspiré par la loi françn
çaise libérale de 1881, amendements progressivement supprimn
més depuis 1993 (suite au 1er colloque national « Infocom ») et
totalement en 2002 avec la réforme de ce code par le gouvernemn
ment de « l’alternance consensuelle » (selon la formule consacn
crée), on peut dire que le Maroc a toujours été confiant dans sa
singulière évolution en le domaine, misant sur une progressive
marche sur la voie de la modernité, à coup d’ouvertures successn
sives, et surtout sur la voie de la démocratie, dans ce champ en
l’occurrence, plus, peut-être, que dans d’autres. Depuis le miln
lieu des années 80, nombre de Marocains, politiques et professn
sionnels en tête, trouvaient moult raisons d’être ainsi confiants
quand ils comparaient leur champ médiatique avec d’autres
comparables dans les régions maghrébine, arabe ou africaine,
en relevant le pluralisme historique de sa presse écrite, son statn
tut des journalistes qui comprend le précieux privilège de la
« clause de conscience » (garantie du principe démocratique
de l’indépendance du journaliste), et même ses relatives exceptn
tions au monopole étatique de l’audiovisuel que constituèrent
« Radio Médi1 » (en 1980) et TV2M (en1989), ouvertes, en partn
tie, à des capitaux privés comme à des capitaux étrangers.
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Cette tendance libérale, consacrant de longue date le principe
du pluralisme dans le kiosque, nous suggérait que nous étions
inscrits, par nos choix, nos pratiques et nos luttes aussi et surtn
tout, au moins dans la voie de plus de liberté, de plus d’ouverturn
re et de plus d’emphase avec le monde contemporain. Même si
le rythme frustrait plus d’un et nécessitait d’interminables luttn
tes pour les droits et les libertés publiques, même si la mise en
œuvre était lente au goût de certains et n’était pas toujours défn
finitivement à l’abri d’une régression (comme en 1973/74 pour
notre code), voire d’une remise en cause radicale de tel ou tel
choix d’ouverture conjoncturelle. Il reste que le Maroc a indénn
niablement une histoire médiatique qui par nature, par choix
de régime politique, par le credo constant de ses forces vives,
tendait toujours vers le libéralisme et le pluralisme. Nombre
de pays qui l’entourent ou lui sont comparables, à un titre ou à
un autre, ont une histoire médiatique, à l’inverse, dominée par
nature et par choix politique, par la voix unique et par la mise
sous scellées systématique de l’expression médiatique et de la
liberté de la presse que cette expression nécessite.
Certes, le Maroc, globalement confiant en sa marche spécifiqn
que vers plus de démocratie en matière de médias et d’expressn
sion médiatique, présentait toujours, jusqu’à la veille de ce
siècle, nombre de paradoxes forts : face au kiosque pluraliste
multipartite, il maintenait un monopole d’airain de l’État sur
l’audiovisuel, par exemple, ou s’accommodait d’une justice qui
détournait quasi systématiquement une poursuite publique
pour délit de presse en un procès politique ou d’opinion, ou
laissait à l’occasion son administration procéder, de manière
illégale flagrante, voire brutalement répressive, à des interdictn
tions, à des saisies ou à des fermetures de journaux…Mais le
Maroc d’alors, invoquait, au niveau de l’État, l’ « exception »
qui confirmerait la règle (la règle de la liberté et du pluralisme
inscrite dans les textes)… Comme il ne s’inquiétait pas trop de
la mainmise exclusive de l’État sur l’audiovisuel, estimant que
ce destin ou régime était –alors- la norme un peu partout dans
le monde et même dans les démocraties avancées, aux champs
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dialogue national - media et societe
médiatiques réputés pour leur liberté et leur modernité, comme
la France, l’Espagne, l’Italie, la Belgique. Et quand le pays, avec
à peine 20 ans de retard sur la France, démantela ce monopole
audiovisuel, vieux de 80 ans, cela le réconforta encore une fois
dans sa marche progressive vers un champ médiatique de plus
en plus en phase avec les normes et pratiques universellement
admises et recommandées. Sauf que voilà que ce champ, qui
s’accommodait jusque-là, tant bien que mal, de ses paradoxes
internes, de choix ou de fait, semble maintenant vacillant de
plus en plus dans sa marche et sa progression libérales, alors
qu’à l’évidence il a conquis, depuis près d’une décennie, nombre
d’espaces et d’attributs indéniablement propices à sa démocratn
tisation, à la démocratie tout court. En une décennie, son kiosqn
que a été libéré du vieux poids exclusiviste de la presse quotn
tidienne partisane, presse de commentaires politiques quasi
exclusivement, pour plier littéralement sous de gros tirages de
nombreuses tribunes privées (quotidiens, périodiques généraln
listes ou spécialisés). En moins de cinq ans, ce champ a aussi
vu son espace radiophonique s’affranchir du joug du monopoln
le étatique (aux plan national, régional, local et thématique),
alors que son espace télévisuel s’était bien avant ouvert aux sign
gnaux satellitaires venant du monde entier, un « ciel ouvert »
que le pays essaie, depuis quelques années, d’accompagner par
une diversification de l’offre nationale publique : neuf chaînes
à ce jour constituent le « pôle public », avec, pour la radio, quatn
tre chaînes nationales et neuf chaînes régionales.
Toute cette « révolution » (comparativement, par exemple, à
l’année 1993, 1ère occasion de réflexion nationale sur le champ),
a eu cours en moins d’une décade. Mais qu’on soit spécialiste
ou non, professionnel ou non, on en arrive aujourd’hui à cette
conclusion : le « modèle marocain », marchant comme un équiln
libriste avec tous ces paradoxes, est désormais profondément
en crise. Ceux qui ajoutent à ce diagnostic critique mais lucide,
la marche inexorable et de plus en plus déferlante sur le Maroc,
du cyberespace, du numérique et des TIC en général, appréhn
hendent clairement un avenir qui ne rassure nullement sur nos
introduction
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objectifs et ambitions déclarés au plan politique et sociétal : ni
sur la démocratisation du champ, ni sur la démocratisation de
la vie collective en général et, encore moins, sur la survie de
nos médias historiques, la presse papier surtout.
L’heure est donc à l’alerte extrême concernant l’avenir de notn
tre champ médiatique dans notre projet de société : projet de
société moderne, démocratique, fonctionnant selon la règle
de droit et la logique d’institutions établies, solides et respectn
tées. Une société arrimée résolument à la marche des sociétés
d’aujourd’hui et de demain, à travers le monde, au Nord commn
me au Sud, vers un modèle de « société de l’information et du
savoir », modèle plus propice que ses précédents à la démocn
cratie, au développement humain durable et inclusif, à la paix,
à la tolérance, et à une modernité fécondatrice des acquis et
richesses de l’identité et de la diversité parmi les autres peuples
et civilisations de la terre. Autant ce projet de société est légitn
time de nos jours, partout dans le monde, et affiché par tous les
peuples, riches ou pauvres, « Info riches » ou « info pauvres »,
autant le Maroc semble fort hésitant à déployer les grandes
ambitions et les grands chantiers que ce projet suppose dans ce
champ crucialement structurant pour la démocratie : le champ
des médias. Pourtant, le Maroc compte nombre d’atouts pour
de telles ambitions. Il en compte indéniablement une longue
liste de manière exclusive, comparativement à ses voisins de
l’Est et du Sud.
Il y a d’abord ses choix de principe en le domaine : liberté
d’expression, multipartisme, pluralisme médiatique, libéraln
lisme économique, ouverture sur l’initiative médiatique privée,
connectivité libre au cyberespace et au signal satellitaire, deux
accès libres qui sont dans nombre de contrées, voisines et lointn
taines, contrôlées et même interdits dans certains cas…
- L’État égyptien a inscrit, le 28 janvier 2011, une première mondiale dans l’histoire de l’Internet
en en coupant le pays totalement (« cyber black-out » ou « black- out cybernétique »)…
Quelques semaines après, au mois de février, le fort influent sénateur démocrate américain
Libermann se trouvait, en raison de ce précédent égyptien, obligé de revoir à la baisse son projet
de loi révélé en juin 2010 et qui prévoyait de donner au Président le pouvoir de couper les USA
de l’Internet en cas de « grave danger pour la sécurité du pays »..!
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dialogue national - media et societe
Il y a ensuite la praxis riche et diversifiée que ces choix ont permn
mise depuis des décennies, chez au moins trois générations de
journalistes marocains. Mais, il y a aussi deux autres atouts
majeurs, que le Maroc oublie trop souvent, alors qu’il en a été
doté par la nature. Deux grandes forces, bien objectives, et qui
sont ses tickets gagnants dans la marche vers une « société démn
mocratique de l’information et du savoir » connectée au reste
des sociétés similaires d’aujourd’hui et de demain. Il s’agit tout
simplement de sa géographie et de sa population.
À l’aune de la mondialisation que nourrit la circulation tous
azimuts des biens et services, des marchandises, des hommes
et des contenus informationnels et culturels, le Maroc (rampn
pe de lancement du GATT en Avril 1994, avec 124 gouvernemn
ments réunis à Marrakech), jouit de son espace de carrefour
entre continents, entre Nord et Sud (Europe/Afrique), entre
riverains de la Méditerranée (Europe, Monde arabe, Afrique),
entre diverses langues, entre diverses cultures et civilisations.
Cette géographie qu’une séculaire histoire d’échanges et d’intn
teractivités de toutes sortes a rendu des plus inespérées de nos
jours pour l’interpénétration des sociétés et des cultures, est
rarement évaluée par nous quant aux possibilités qu’elle nous
offre pour que nous soyons partie prenante agissante dans la
« mondialisation de l’information et de la médiasphère ». Une
mondialisation à laquelle une situation géographique ouverte
et aisément accessible pour tout venant des quatre points cardn
dinaux, une situation de carrefour entre cultures et langues,
une traditionnelle ouverture -libérale et tolérante- sur les
autres, voisins ou lointains, sont autant de leviers recherchés,
d’opportunités de développement matériel et humain pour le
pays comme pour la dynamique mondiale et intercivilisationnn
nelle dans l’échange d’informations et de savoirs. Le Maroc
médiatique a tout, par sa géographie et par l’histoire politique,
économique et culturelle de nos prédécesseurs qui en ont profn
fité pendant des siècles, pour qu’on ait aujourd’hui l’ambition
de devenir un grand joueur sur la scène mondiale des médias
introduction
21
et de la « société de l’information et du savoir » en gestation.
D’un autre côté, sa population, majoritairement jeune (plus de
65% ont moins de 35 ans), fait du Maroc un pays on ne peut plus
en phase avec l’époque, époque de nouveaux médias, de nouvn
veaux usages, de nouveaux contenus informationnels et culturn
rels qui ont accompagné, depuis leur naissance et le long de leur
récente évolution, les générations des années 90 et 2000. Le
monde médiatique d’aujourd’hui et de demain est le monde de
l’internaute, du citoyen blogueur, du « Net-citoyen », consommn
mateur multimédia et multi supports, nomade et exigeant,
souvent multilingue et naviguant entre diverses cosmogonies
et cultures. Le citoyen qui a aujourd’hui entre dix et 30/35 ans
habite définitivement le cyberespace, se nourrit de culture numn
mérique qui façonne sa cosmogonie comme le journal papier
et l’audiovisuel analogique avaient façonné la cosmogonie et la
culture des générations précédentes et qui sont désormais une
minorité dans le Maroc d’aujourd’hui. Minorité qui assiste ou,
tout au plus, consomme passivement, plus qu’elle ne participe
à cette nouvelle culture sur laquelle elle agit très peu, sur ses
usages multiples, encore moins sur la création de ses contenus,
sur ses innovations techniques et technologiques. Capacités et
velléités qui sont, par contre, dominantes, naturelles, chez les
jeunes, les générations post-Internet (Internet qui a débarqué
chez nous, rappelons-le, voilà près de vingt ans, soit pratiquemn
ment au moment de sa sortie vers les citoyens ordinaires du
monde entier depuis les lieux fermés des armées et des universn
sités des USA où il avait vu le jour véritablement voilà à peine
trente ans).
Le monde des médias traverse une révolution copernicienne
et le monde entier s’y attelle, s’y prépare, s’y initie…L’organisn
sation du SMSI en 2003/2005 et les réunions ouvertes depuis
lors de l’IFG (« Internet Governance Forum », « Forum sur la
gouvernance de l’Internet ») en témoignent pour ceux qui veuln
- La 1ère rencontre sur les « Inforoutes » au Maghreb et au Moyen orient, comme espace
francophone, s’est tenue en Novembre 1996 à l’Institut supérieur de journalisme de Rabat (ISIC
actuellement) en préparation du 1er sommet francophone sur l’Internet qui allait se tenir en
Mai 1997 à Montréal.
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dialogue national - media et societe
lent bien suivre attentivement cette « marche du siècle », du
nouveau siècle vers le règne du numérique et du cyberespace.
Ce règne qui, depuis quelques années déjà, provoque pour le
journalisme, comme métier et rôle social, et chez les journalistn
tes, les vétérans d’hier comme les jeunes plumes d’aujourd’hui,
dans les instituts de formation spécialisés, dans les forums et
agences spécialisés du système onusien comme dans les congrès
et séminaires des organisations nationales et internationales
de journalistes (FIJ en tête), des interrogations gravement
existentielles : est-ce la fin annoncée du journalisme connu jusqn
qu’à ce jour, codifié à ce jour dans ses dimensions professionnn
nelle, éthique, déontologique, économique, culturelle et même
philosophique…?
Y a-t-il encore dans la société du net-citoyen-blogueur-amatn
teur-producteur de contenus informationnels, d’images et de
sons, une place pour le « journaliste professionnel »? Certains
syndicats tiennent maintenant à préciser dans leurs documents
de définition du métier « Journaliste professionnel » en lieu et
place de « journaliste » que se donne maintenant le citoyen
- L’IFG ou Forum sur la gouvernance de l’Internet a été créé selon les
directives établies par l’Agenda du 2ème round du Sommet mondial de l’information
et du savoir (SMSI.Tunis 2005, après le 1er round de Genève 2003). Ce forum,
dirigé, depuis son installation par Kofi Annan, par un staff directeur de huit experts
reconnus mondialement, s’est réuni cinq fois : Athènes (2006); Rio de Janeiro
(2007); Hyderbad (2008); Sharm El Sheikh (2009) et Vilnius (Septembre 2010). Son
mandat, en résumé, défini à Tunis est : La politique publique globale au niveau local
et intergouvernementale en relation avec la gouvernance de l’internet et la neutralité
des réseaux; l’utilisation des compétences des parties universitaires, scientifiques et
techniques; la réduction de la fracture numérique et l’élargissement des possibilités
d’accès à l’Internet dans les pays en développement; l’utilisation des principes du
SMSI et la publication de ses travaux.
- Dans son excellent essai « Du journalisme en démocratie », l’agrégée en
philosophie et en science politique, française diplômée de journalisme de « New York
University », Géraldine Muhlmann, soumet pour la première fois le journalisme à un
questionnement philosophique : « A quoi sert-il en démocratie? Quels idéaux est-il
censé servir? Quels chemins lui indiquer pour le sortir de sa crise présente? Quel est
le sens politique d’une telle activité? »…Assignant au journalisme la double tâche de
« faire vivre du conflit et tisser du commun au sein de la communauté politique »,
l’auteure pose au cœur du journalisme l’énigme de la démocratie : « la coexistence de
deux scènes, l’une des actions et celle des représentations, la seconde offrant une issue
symbolique aux conflits qui agitent la première. In « Du journalisme en démocratie ».
Géraldine Muhlmann. Éditions Payot & Rivages. Paris 2004.350 pages.
introduction
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amateur de journalisme, le « citoyen journaliste » comme se
qualifient les blogueurs et autres « Net citoyens »…
De telles interrogations sont d’autant plus graves qu’il est toujn
jours admis que les médias et leurs professionnels sont un actn
teur clé pour le régime démocratique, en tant qu’animateurs de
la vie démocratique, en tant que vigie critique et de surveillance
de la gouvernance, vigie indépendante et à équidistance de tous
les pouvoirs qui encadrent et organisent une société… Comme
ils sont le miroir critique dans lequel la société découvre son
vrai visage, ses réussites comme ses échecs, ses justes entreprisn
ses et choix comme ses dérives et illusions.
La crainte pour l’avenir du journalisme dans la démocratie est
le prolongement logique de la crainte égoïste de la profession
pour son propre destin. À cet égard, les journalistes de ce début
du siècle, sont de plus en plus délestés de leurs droits, comme de
leur prestige qu’ils ont conquit depuis des décennies, de haute
lutte syndicale et politique. Ils sont de plus en plus nombreux à
être licenciés, précarisés, de plus en plus affectés à plus d’une
tâche, comme de simples « ouvriers de la plume » qu’on peut
très bien chercher sur un marché mondial où l’offre est soupn
ple et influençable… grâce, par exemple, au phénomène de la
« délocalisation » si constitutive du phénomène de la mondialn
lisation dans tous les domaines de la production de biens matn
tériels et immatériels. Le journalisme est désormais une cible
« commerciale » pour la mondialisation et sa recette magique
et inégalitaire : la délocalisation.
« Dean Singleton, P-DG du groupe MediaNews, éditeur notn
tamment du Denver Post et d’une cinquantaine d’autres quotidn
diens américains, propose tout simplement de délocaliser dans
des pays à bas coûts toute une partie des métiers de la presse,
du prépresse à la révision, mais aussi la rédaction des services
- Début Avril 2011, les membres professionnels de la Fédération professionnelle des journalistes
du Québec (FPJQ) ont voté à hauteur de 86,8 % pour la création d’un titre de «journaliste
professionnel».Parmi les 1694 membres de la Fédération, 741 ont appuyé la résolution, alors
que 111 l’ont rejetée. La FPJQ dit s’être vu confier le «mandat très net de travailler désormais à
l’implantation d’un titre professionnel selon les balises entérinées par les membres».
- Mindworks Global Media, une société installée près de New Delhi, emploie quatre-vingt-
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dialogue national - media et societe
mutualisables, tels que la météo, les sports, le tourisme, l’automn
mobile, la culture, etc. Une partie de l’activité des agences de
publicité est déjà outsourcée (délocalisée), en particulier pour
la fabrication des messages.
Le groupe économique Thomson Reuters fait travailler des
journalistes à Bengalore, en Inde, pour rédiger les résultats
des entreprises et les analyses financières qu’il publie. Le site
Internet Pasadena Now (www.pasadenanow.com) emploie
cinq journalistes délocalisés en Inde pour suivre l’actualité de
la ville californienne de Pasadena en se servant des retransmn
missions vidéo du conseil municipal diffusées sur Internet et
des informations fournies par des contributeurs californiens
bénévoles. »
La logique économique, credo au cœur de la mondialisation,
l’emporte désormais sur toutes les considérations politiques,
idéologiques, culturelles, professionnelles et éthiques qui compn
posaient la définition du journalisme, déterminaient son statut
et ses pratiques au sein des sociétés. Une logique économique
qui, par sa priorité donnée au commerce, à la commercialisn
sation transfrontalière et transcontenus, a déjà transformé le
produit journalistique, dans son âme comme dans son contenu,
en une simple marchandise, pire, en un simple emballage ou
faire-valoir d’autres produits, d’autres marchandises qui n’ont
rien à avoir, ni près ni de loin, avec le traditionnel produit
journalistique…Tout ceci par la force de la logique économiqn
que et l’objectif sacré de la rentabilité qui la motive en premier
et dernier lieu et qu’elle peut cibler désormais sans barrières
frontalières, linguistiques, culturelles, syndicales ou politiques.
La donne est donc tout autre pour le modèle du « journalisme
national » d’antan! Dans tous les pays10.
dix Indiens travaillant pour la presse américaine comme correcteurs et graphistes (cité dans
Business Week, 8 juillet 2008).
- In «La fin des journaux et l’avenir de l’information» par Bernard Poulet. Le débat-Éditions
Gallimard. France. 2009.217 pages.(page 200)…Imaginons un compte-rendu d’une assemblée
provinciale de Tanger élaboré par un rédacteur à Niamey, à Dakar ou à Ouagadougou, villes où
les salaires des journalistes sont de 4 à 5 fois plus bas que les salaires de mise dans nos journaux
à Casablanca ou à Rabat…
10 - En ouvrant, en octobre 2008, les travaux des « États généraux de la presse » (rendus
introduction
25
« Des groupes multiplient sur Internet des services monétisabn
bles sans rapport avec leur métier d’origine : en Allemagne, le
quotidien Bild (détenu par le groupe Spinger) a lancé sur son
site « des produits du peuple » : ordinateurs, voitures, téléphonn
nes, assurances en tout genre, autant de produits ou de servicn
ces labellisés par Bild, qui ont transformé le site en un immense
bazar. En Inde, le Times of India a fait de même. Au Japon,
plusieurs dizaines de quotidiens régionaux se sont alliés pour
proposer une plate-forme de produits et de services régionaux.
En Italie, Carlo De Benedetti, président du groupe L’Espresso,
le répète à qui veut l’entendre : « Il nous faut vendre des servicn
ces, des services et encore des services, de la pizza, de la météo,
des billets d’avion, toute la gamme, s’intéresser à tout ce qui
concerne la vie pratique d’un individu. » Et de répondre par
avance aux journalistes passablement déstabilisés par cette
évolution : « Y a-t-il un risque que nous ne soyons plus à l’avenn
nir des sociétés d’édition? La question est douloureuse, mais
elle n’a pas de sens : soit nous nous adaptons à la nouvelle ère,
soit nous disparaissons.» « (…) Plus que jamais les groupes de presse écrite multiplient
les services payants et les prises de participation dans des sitn
tes d’e-commerce, cherchant ainsi à valoriser leur audience. Il
faut transporter nos marques dans d’autres territoires de busn
siness que l’information », affirmait ainsi à la tribune de Götn
teborg, devant un auditoire acquis, Francis Morel, directeur
général du groupe Le Figaro, propriété de Dassault Communicn
cation » (..). « Le Figaro détient 20% du capital de BazarChic.
com, un site de vente en ligne d’articles de luxe offrant une synn
nergie forte avec les sites féminins du groupe. Il a noué dans le
même esprit pas moins d’une dizaine de partenariats avec des
voyagistes, des sites de rencontres, des marques de luxe, des
fleuristes… (…) Le Figaro a d’autres projets dans ses cartons :
en Janvier 2009 sous forme de « Livre vert »), le Président français a insisté avant tout sur
l’urgence de doter la France d’entreprises médias capables de résister aux grands groupes
médiatiques allemands ou britanniques qui menacent de faire disparaitre le label France de la
scène médiatique de l’hexagone comme de l’espace européen, grâce bien sûr à leur puissance
économique et commerciale et non en raison de leurs discours ou contenus.
26
dialogue national - media et societe
une chaîne de télévision consacrée à l’automobile, un carnet du
jour en ligne et une conciergerie sur le Web. À Göteborg,
sur la même estrade, le DGA du groupe, Pierre Conte, a
donné la clé de cette évolution : « La publicité ne suffira
pas à équilibrer les comptes d’un groupe de presse et d’infn
formation comme Le Figaro. Il faudra trouver de nouvelles
recettes sur le Web. Voilà pourquoi nous nous sommes engn
gagés dans le service et le commerce en ligne. »
Les groupes Marie-Claire et l’Express-L’Expansion ne pensn
sent pas autrement, ils se sont associés à bestmarques.com
pour proposer à leurs internautes d’accéder au « meilleur
des marques » dans les univers de la mode, de l’art de vivn
vre, de la décoration, du high-tech et de la joaillerie. Le
MediaNews Group vise qu’un jour – dans cinq, dix ans?les activités numériques éditoriales et commerciales attn
teindront la barre des 50% du chiffre d’affaires. À côté du
business tourmenté de l’information, des centres de profits
autonomes se développeront grâce à l’e-commerce. C’est en
ce sens que le chercheur Gilles Fontaine, de l’IDATE11, a pu
évoquer le scénario d’une « désintégration des entreprises
de presse ».12
De telles perspectives, à l’œuvre en ce moment, partout
dans les démocraties ouvertes à la compétition médiatiqn
que mondiale dans la nouvelle arène des médias, la seule
désormais, l’arène de l’ « économie de l’information », doivn
vent pousser à la rupture totale avec nos analyses et projn
jections, quant à nous, Marocains, face à notre jeune matn
turité en matière d’exercice médiatique, laborieusement et
péniblement acquise et entretenue sur les choix de liberté
et de pluralisme qui sont les siens. Il nous faut une posture
de rupture, pour rompre avec toute vision étriquée qui ne
penserait le champ national que par rapport à lui-même,
que par rapport à sa chronique quotidienne, par rapport à
11 - Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe.
12 - « La fin des journaux et l’avenir de l’Information ».idem. Pages 179/181.
introduction
27
une conception du fait de presse qui date du milieu du siècn
cle dernier et que notre citoyen ignorera à coup sûr avant
même que l’environnement médiatique mondial et les technn
nologies ne la rendent à terme inopérante et inadaptée en
ce siècle du tout cybernétique.
La conception, vieille de deux ou trois siècles et qui sévit encore
chez nos décideurs médias comme chez nos politiques et même
chez nos professionnels, est fondée sur la notion de « tribune »,
encore fort inspirée par la place et le rôle dévolus historiquemn
ment à notre séculaire « Minbar »…Tribune sacralisée comme
porte-voix noble au service d’une idée, d’un discours, d’un partn
ti, d’une chapelle, qui vaut par elle-même et qui est la raison
d’être et le mode opératoire de l’exercice de la liberté d’expressn
sion. Notion que n’imprègne ou ne relativise ni la dimension
économique, ni la compétition mondiale, encore moins la technn
nologie de la vieille galaxie Gutenberg, si maîtrisable, « territn
torialisable », si aisément accessible et manipulable. L’entrepn
prise était au service de la « Tribune » et ne pouvait, en aucun
cas, déterminer sérieusement la vie ou la survie du message,
du contenu : de la « Tribune ».
La donne est inverse désormais : le contenu n’est plus justifiable
– et vendable- que s’il cadre avec les contraintes et les objectifs
de l’entreprise. Sinon il n’a aucune chance de voir le jour, sa libn
berté et sa qualité ne lui suffisent pas en elles mêmes et par elles
mêmes. La viabilité économique de son mode de production est
maintenant l’essentiel. Viabilité qui tient à deux leviers, avant
même le levier des contenus : la technologie (le numérique) et
la commercialisation (la marchandisation).
La numérisation, la diversification (marchandisation grâce à
la multiplication de supports et de produits), la mondialisation
(qui peut avoir recours à la délocalisation tout en exploitant
plus profondément la dimension locale –radios et TV locales;
journaux locaux; e-Commerce de proximité, etc.) et la commn
mercialisation globalisée, sont les nouvelles rampes qui soustendent maintenant l’entreprise média, alors que son aspect
28
dialogue national - media et societe
« tribune » n’est plus qu’une marque de fabrique, qu’on soigne
certes, mais qui sert à promouvoir moult produits, les uns plus
lointains que d’autres du journalisme d’antan.
L’entreprise média est donc définitivement la matrice des médn
dias de demain, une fois acquis - préalablement bien sûr - un
environnement de liberté et de démocratie dans un champ médn
diatique national, forcément exposé et perméable au champ
communicationnel mondial, qui, lui, conquiert frontières, espn
paces, ondes, circuits et toute connexion (fixe ou mobile) grâce
au satellite, au numérique et à l’Internet.
Au Maroc, une telle conversion qui ferait de l’entreprise medn
dia l’endroit stratégique pour l’avenir des médias comme pour
l’avenir de la liberté d’expression et la démocratie, est à peine
effleurée, à l’occasion de telle ou telle faillite, au gré de certains
rares débats et réflexions. La marche du monde des médias et
des TIC à travers la planète, le seuil de liberté d’expression,
d’ouverture et d’initiatives atteint par notre champ sur les dix
dernières années, nous somment d’ériger l’entreprise media au
cœur de toutes nos stratégies en le domaine. Y compris notre
stratégie globale concernant l’ancrage, parmi les institutions
et les populations, de la démocratie et de sa culture.
Tourner notre réflexion vers l’entreprise nous amènera à
aborder profondément nos déficits sur tous les registres et levn
viers indispensables à une entreprise viable : les journalistes
et ressources humaines, les modèles d’entreprise, les technoln
logies et équipements, les innovations techniques et créations
de contenus, les règles du jeu démocratique de l’exercice de
la liberté d’expression (lois, réglementations, codes d’éthique,
mécanismes de régulation et d’autorégulation), des mécanismn
mes et leviers de solidarité et de mobilisation collective au profn
fit des médias (aides publiques), des publics (par le levier de
l’alphabétisation de base et l’alphabétisation numérique), des
standards de qualité des produits et de la gouvernance des médn
dias, des standards de formation et d’apprentissage pratique
des professionnels, des clarifications des statuts, des normes,
introduction
29
des rôles, des droits, des devoirs et des obligations de tous les
acteurs, depuis l’opérateur media jusqu’à l’État, la justice, le
journaliste, le parlementaire, l’activiste civil etc.
Si, comme on dit, comparer c’est se rassurer, il est temps aussi,
pour le Maroc médiatique en relation avec son projet démocratn
tique, de se regarder en face pour s’inquiéter. S’inquiéter des effn
forts que nous devons faire pour relever le défi d’être en mesure
de résister et composer/accompagner profitablement face au
mouvement copernicien mondial des médias qui déterminera
la marche vers la démocratie. Défi que toutes les sociétés s’empn
ploient à relever, chacune avec son contexte spécifique d’acquis
et d’ambitions. Un défi aussi qu’on ne peut rendre intelligible
que si, en langage vrai, sans concession et sans peur des inqn
quiétudes qu’il peut nous causer, nous trouvions tous ensemble
des réponses aux questions : Qui sommes-nous? De quoi dispn
posons-nous? Que voulons-nous? Que peut-on viser ensemble
pour que le Maroc soit partie prenante et agissante dans la
médiasphère mondiale? Quelle feuille de route guiderait, par
un consensus clair et responsable, toutes nos ambitions dans
ce domaine?
Par l’évidence même, un tel « travail sur soi » nécessite un débn
bat, un large débat entre la totalité des acteurs, depuis l’État et
ses institutions jusqu’à la société et ses mouvements politiques
et civils, en passant par le monde des médias et leurs professn
sionnels, sans oublier le citoyen, qu’il soit simple consommatn
teur des médias ou « Net-citoyen » ayant sa marque dans l’actn
tivité de ce champ grâce aux TIC et à l’Internet.
Tel est le plaidoyer à retenir pour admettre, sans quelconque
infructueuse suspicion ou analyse simpliste et de courte vue,
l’impérieuse nécessité de procéder à un large débat entre la socn
ciété marocaine et ses médias avec leurs professionnels.
30
dialogue national - media et societe
contextualisation politique et référentiel
Contextualisation
politique et référentiel
31
32
dialogue national - media et societe
contextualisation politique et référentiel
33
Le présent et le futur des pratiques des médias et de leur rôle
effectif ou supposé dans la société peuvent-ils faire l’objet d’un
débat public? C’est-à-dire d’un débat ouvert à tous les acteurs
et à toutes les composantes de la société dans le Maroc de 2010.
Les journalistes et autres professionnels des médias sont-ils les
seuls à décider de la nature d’un tel débat, de ses motivations,
de sa programmation, de son « casting », de ses axes et de ses
objectifs? Qui, en dehors d’eux, a-t-il la légitimité, acceptable à
leurs yeux, eux les premiers et derniers concernés, pour lancer
et, qui plus est, pour conduire et conclure un tel débat?
De telles interrogations ont précédé et accompagné, en filigrane
le plus souvent, mais parfois aussi, de manière déclamatoire,
sur certaines tribunes médiatiques, les quatre mois qu’aura
duré la période consacrée aux premières auditions au sein du
Parlement (1er mars au 29 avril) et aux ateliers thématiques et
journées d’études (du 20 avril au 28 juin). En fait, toutes ces
interrogations, bien que prévisibles autant qu’elles furent margginales, en tout cas sans impact notoire sur l’historique et la tennue de ce Dialogue, reviennent à deux malentendus majeurs qui
semblent imprégner, sinon motiver, les postures des uns et des
autres (surtout les politiques et les journalistes) dans le Maroc
actuel à propos de la place et du rôle des médias dans une socciété aspirant, peu ou prou, à une démocratie comparable, pour
l’essentiel de sa vie politique et médiatique, aux démocraties occcidentales les plus citées en exemple au Maroc sur ce registre
dual : UK, France, Espagne…
Le premier malentendu concerne la foi des uns et des autres en
ce choix de la démocratie qu’aucun acteur politique (le Souverrain, l’État, les partis politiques, les syndicats, les associations et
ONG de la société civile, les journalistes, les opérateurs médias,
les intellectuels, artistes, créateurs et tout tribun ou commentatteur, de profession ou amateur) n’hésite à clamer. Sauf que ce
choix de la démocratie, de par sa désignation depuis plus de 15
ans, comme étant un « processus démocratique » en marche,
34
dialogue national - media et societe
suscite d’innombrables méfiances, défiances, suspicions, illussions, désillusions, surenchères, accusations etc. … Un « proccessus » qui, de par son nom même provoque l’impatience chez
certains et des sentences chez d’autres, suscite en toute logique
des interrogations à propos de sa courante définition en étapes
par nombre de ses chantres… Quelles étapes, quelles échéances?
Quel rythme pris, quel rythme privilégier? Quel rythme permis?
Permis par qui? De quel droit, au nom de quelle légitimité? De
quelle vision, historiquement juste?
La focalisation sur l’aspect « processus » affaiblit en fait l’adhéssion, voire la foi, une foi qui serait - et devrait?- être inébranllable et volontariste. Et surtout lucide pour ce qui concerne la
question des médias. Car, ce malentendu interpelle en vérité la
perception qu’on a et de la démocratie et du rôle que les médias
peuvent ou doivent y occuper au meilleur de l’exercice des droits
et libertés dont se distingue ce régime ou choix d’organisation
politique, sociale, économique et culturelle du « vivre ensembble » qu’est la démocratie. En un mot, le malentendu originel
concerne des définitions de base, sans la clarté desquelles nulle
appréhension de ce rôle et place des médias dans une société,
projetée dans le futur comme société régie de fond en comble
par le régime démocratique, ne peut être une appréhension inttelligible et crédible, encore moins une acception admise par les
acteurs clés dans la société, voire, par la majorité des citoyens et
citoyennes, au Maroc en l’occurrence.
Si une telle interpellation de fond dépasse largement l’équation
simple de la relation entre « médias et société », et doit donc
être logée ailleurs, dans un débat purement politique entre pollitiques et citoyens, il n’en demeure pas moins qu’elle doit être
visitée au moins dans l’un de ses prolongements qui concerne
directement les médias et les journalistes. Elle devrait être vissitée sous cet angle, indépendamment du stade d’évaluation
qu’on fait, à un moment donné, du réputé « processus démoccratique », du moment qu’il y a serment de foi majoritaire, voire
contextualisation politique et référentiel
35
unanime, à propos du choix de la démocratie… Car toute analyse
de la dynamique propre au régime démocratique, débouche sur
une incontournable réalité structurante de cette dynamique : le
champ de la liberté d’expression. Champ naturel et nourricier
pour les médias et les journalistes, champ déterminant pour
l’éclosion de la démocratie, pour son ancrage dans la vie collecttive d’une nation, comme pour la pratique et l’exercice de tous
les droits et libertés constitutifs du régime démocratique et de
l’État de droit sur lequel ce régime se construit et évolue, par
étapes, par à coups, par réformes, par bouleversements ou, tout
simplement, par une logique de « processus », justement.
Autrement dit, le champ de la liberté d’expression où le journalliste exerce cette liberté de manière privilégiée et ce, avec légitimmité reconnue dans la démocratie, est véritablement le champ
de la mise à l’épreuve réelle, sérieuse et des plus pertinentes qui
soient, de toute intention démocratique ou tout serment clamé
au nom d’une foi en la démocratie. La liberté d’expression, de
par l’exercice démocratique qu’on peut en faire, interpelle et
impacte toutes les autres libertés comme tous les autres droits
que comporte, promeut, octroie et défend la démocratie. C’est
une évidence qui ne peut se prêter à quelconque confusion ou
malentendu.
N’est-il pas dans ce cas hautement stratégique sinon logique de
réserver à cette liberté la meilleure des attentions, les approches
les plus audacieuses, la mobilisation la plus large possible de
tous ceux qui se proclament adeptes de la démocratie et de ses
libertés et droits ? Il faut la privilégier parce que l’irréversibilité
et l’ancrage de la démocratie la privilégient : toute régression
ou agression contre cette liberté démocratique est un pas vers
l’enterrement de la démocratie, qu’elle soit bien établie, émerggente, balbutiante ou simple « processus en cours ». C’est donc
hautement stratégique que de privilégier la liberté d’expression
dans le projet démocratique13.
13 - La chronique des grands bouleversements survenus depuis le début des années 90 (en
Europe de l’Est et, un peu avant, en Amérique Latine) et fin 2010/début 2011 dans le monde
arabe, attestent clairement de cette décisive place qu’occupe désormais la liberté d’expression
dans le devenir des États, des régimes et des sociétés.
36
dialogue national - media et societe
Les défis décisifs pour l’avènement et la consécration de la démmocratie, de ses valeurs et de ses différents exercices et pratiqques, prennent la liberté d’expression pour scène et pour champ
de bataille. Dans ce champ, l’enjeu est tout simplement le destin
de la démocratie. Or sur cette scène ou dans ce champ, médias et
journalistes sont des acteurs titulaires, attitrés, détenant le plus
souvent les premiers rôles et décidant même du dénouement
final à chaque intrigue ou conflit mettant en jeu un droit ou une
liberté démocratiques…Et tout d’abord la liberté d’informer et
le droit à l’information qui s’y attache intrinsèquement.
Dans le Maroc de 2010-2011, de nombreuses affaires de confronttation entre les médias et les pouvoirs publics, entre les journallistes et l’État, entre les journaux et les tribunaux, témoignent
de l’existence déjà de la pesanteur de cet enjeu décisif, pour peu
qu’on veuille bien anticiper sur l’avenir du projet démocratique,
du « processus démocratique », et ne point s’arrêter sur une
analyse de circonstance ou une préoccupation de conjoncture
qui refuserait de peser à sa juste valeur le poids des médias dans
l’évolution d’un tel « processus » . Dans notre histoire nationalle, ces dix dernières années, des accrocs de ce type ont défrayé
la chronique politique, parfois de manière incompréhensible ou
surprenante pour plus d’un analyste, car, souvent, ces conflits
entre la presse et l’État dénaturaient d’emblée la traditionnellle confrontation, de mise dans toute démocratie vivante, entre
certains droits et libertés (droit à l’information versus liberté
d’informer, liberté d’informer versus le droit à l’image, à la vie
privée, droit au respect des fondamentaux de la collectivité et
de sa cohésion, liberté de recourir à la justice, liberté de l’État
de défendre ses prérogatives et obligations légitimes comme la
préservation de l’intérêt général ou l’ « ordre public »…).Mais à
y voir de près, ce type de confrontations ou accrocs deviennent
symptomatiques d’un grand péril pour le projet démocratique,
quand ils révèlent des dysfonctionnements organiques dans la
constitution même du projet démocratique, qu’il soit à un stade
embryonnaire ou à un stade avancé d’un « processus » d’installlation ou d’ancrage.
contextualisation politique et référentiel
37
Quand, à l’occasion, on assiste à des télescopages entre la liberté
d’expression et d’autres libertés fondamentales, entre le droit
d’informer et d’autres droits humains aussi fondamentaux, on
découvre que l’édifice projeté, un État de droit fondant une démmocratie, est lézardé dès ses premières bases, déséquilibré dans
ses premières fondations par, notamment… :
• Une législation moulée dans un carcan dépassé tant par
l’évolution du credo démocratique (ou son « processus »)
que par l’exponentielle progression et diversification des
médias, des supports, des technologies, des contenus,
des publics, etc.
• Des pratiques médiatiques et journalistiques toujours
de moins en moins rigoureuses au plan professionnel,
de moins en moins indépendantes au plan de leurs liens
avec les mondes politique, économique, religieux, avec
les services de l’État les plus connus comme les moins
connus…Des pratiques de moins en moins respectables
et de moins en moins convaincantes au plan de leur éthiqque et de leur déontologie; des médias et des journalistes
de plus en plus coupables de violations graves de droits
humains et de valeurs démocratiques universelles
• Des tribunaux et des magistrats qui, quand ils ne sont pas
déphasés par rapport à la nouvelle exigence induite par
la démocratie, à savoir le « procès de délit de presse »,
en place et lieu du traditionnel et fort longtemps usité au
Maroc « procès d’opinion ou procès politique », sont les
témoins agissants qui laissent planer tous les doutes imagginables quant à leur subordination à divers pouvoirs, les
anciens (politiques) comme les nouveaux (lobbies éconnomiques…). Situation qui ne peut conforter quelconque
prétention à l’existence de la règle d’airain en régime démmocratique : l’indépendance de la justice
•
Des politiques qui, à la faveur d’un jeu relativement plus
ouvert quant aux opportunités d’accéder à quelques man-
38
dialogue national - media et societe
nettes du champ médiatique (via des alliances ou converggences d’intérêts politiques, de clans, de famille, ou via
des convergences d’intérêts de lobbies économiques), se
donnent de plus en plus au jeu d’inféodation et de dévoiemment, sinon de manipulation de tribunes médiatiques et
de journalistes. Situation qui menace dans l’œuf l’une des
naissances attendues par l’avènement du régime de la
démocratie pour la presse : l’indépendance et l’intégrité
qui siéent au journalisme dans l’édifice de la démocratie
en tant que vigie d’alerte sur les manquements à la bonne
gouvernance par les gouvernants (presse, « Watch dog »)
comme sur les déviations de la société et des citoyens par
rapport au credo démocratique et au respect des droits
humains qu’il porte comme obligation pour tous, gouvernnants et gouvernés, élites des différents pouvoirs (politiqque, économique, symbolique…) ou simples citoyens
• Des citoyens qui, devant une scène où règne l’incertitude
et les inattendus en matière d’échanges entre la presse
d’un côté, l’État, la justice et divers genres de pouvoirs
de l’autre côté, face à une confusion et une opacité entre
les postures, les légitimités revendiquées (presse partissane qui se dit responsable face à une presse qui se dit
indépendante de tout, des partis et de l’État en premier),
entre les glorioles affichées des uns et des autres, entre
les satisfecit et les blâmes venant de l’étranger notifier
aux Marocains qui est le bon journal, le bon journaliste,
le mauvais journal, le mauvais journaliste, le mauvais déccideur, etc. Face à la sempiternelle situation bien démottivante de l’audiovisuel public national qui n’arrive pas
à juguler l’émigration vers les satellitaires moyen-orienttaux et européens, qui est indéniablement peu outillé,
en tout genre de moyens adéquats et suffisants, pour esppérer s’acquitter valablement de sa mission de « service
public » et relever les défis de contenus, de proximité, de
pluralisme et de diversité, défis découlant de la concepttion de ce type de médias publics dans une démocratie…
contextualisation politique et référentiel
39
les citoyens semblent s’inscrire définitivement aux abonnnés absents concernant tout ce qui peut concerner le préssent comme le futur des médias nationaux : 1% de lectorrat, propension à ne consommer, avec goût friand, que
le fait divers, vrai ou faux, la rumeur, le lynchage, c’està-dire d’abord et avant tout des contenus qui sacrifient
à la « faitdiversification », à la spectacularisation du fait
politique comme de la rumeur sur quelconque registre de
l’actualité, nationale ou étrangère, qu’elle soit un crime
crapuleux ou un schisme politique agitant les tréfonds
d’une formation politique.
La défiance, pour résultante logique qu’elle devienne parmi les
Marocains à l’endroit de leurs médias est, in fine, un dysfoncttionnement gravissime pour la perspective de la démocratie.
Nulle démocratie ne fonctionne de façon productive (de valeurs
démocratiques, de citoyenneté, de performances et avancées de
l’État de droit), sans une relation positivement dynamique, sans
une confiance raisonnable, entre les citoyens et les médias de
leur pays. La crédibilité des médias est une exigence indispensabble dans la démocratie. Autrement, comment se forgerait et où
logerait l’ « opinion publique », acteur avec lequel la démocratie
et sa dynamique comptent, parfois, selon le pays, de façon quasi
exclusive pour le devenir de la gouvernance (par la voie des électtions périodiques et l’alternance aux commandes du pouvoir
qu’elles supposent et qu’annoncent avec anticipation plus ou
moins relative les sondages d’opinion, autre exercice d’expresssion libre d’opinion propre au régime démocratique)..?
La somme de ces dysfonctionnements ou handicaps quasi origginels au Maroc, ne peut militer qu’en faveur d’absence de diallogue, absence de confiance en l’utilité d’un dialogue, rendant
infructueux un dialogue entre parties dont l’antagonisme historrique alimente justement ces dysfonctionnements (presse/ État;
presse/ justice; presse/ citoyens diffamés-calomniés; presse /
droits de l’homme…).
Le choix du dialogue procède donc d’une volonté de rupture :
40
dialogue national - media et societe
introduire une rupture dans ce cycle historique et bien périlleux
à long terme pour la démocratie. Un cycle qui, sur le lourd legs
hérité du passé en la matière, s’est particulièrement emballé ces
dix dernières années de manière paradoxale et asymétrique par
rapport à l’indéniable avancée de la liberté d’expression et la
liberté des médias au Maroc, depuis l’an 2000 dirions-nous. Un
emballement qui, tantôt nous rappelle la règle naturelle qui veut
que l’ancien ne peut disparaître complètement, sans résistance
et résiduel, au présent, du simple fait d’une volonté de changemment déclarée, et tantôt nous apprend que la liberté d’expression
démocratique nécessite moult apprentissages et aménagements
structurels et de praxis de la part de tous les intervenants qui en
sont concernés, et tout particulièrement dans le champ des méddias et le leur sacro sainte liberté de presse qui exige de la part
des professionnels des règles de conduite précises et reconnues,
aux plans professionnel et éthique, par les professionnels des
médias eux-mêmes et dont ils tirent prestige et capacité d’indéppendance par rapport à tous les pouvoirs dans une démocratie.
Ce qui est la qualité première de la presse dans une démocratie
fondée, comme il se doit, sur le principe de la séparation des
pouvoirs. Démocratie où nul pouvoir constitutionnel n’est acccordé à la presse pour qu’elle revendique – légitimement- un
pouvoir formel qui soit de mêmes force et légitimité que les trois
pouvoirs qui définissent le régime démocratique : le législatif,
l’exécutif et le pouvoir de la justice.
La recommandation d’apprentissage de l’exercice de la liberté
de la presse, de la liberté d’expression en général par tous les cittoyens, n’est plus à démontrer ni à tempérer ou à relativiser sous
prétexte du caractère absolu de cette liberté ou de contraintes
inhérentes à un contexte de « phase transitoire » ou de « périodde de mutation démocratique ».Les exemples pullulent depuis
les années 80 en Amérique latine et, depuis les années 90 en
Afrique (et même en Grèce, pays-matrice de la démocratie) et
plus récemment sur la vaste partie Est du continent européen.
Des exemples qui illustrent combien la libération de la parole
dans des pays longtemps déficitaires en matière de liberté de la
contextualisation politique et référentiel
41
presse dévoilent des inadéquations et irrégularités des espaces,
des encadrements et des législations, des institutions, des entrepprises, des codes de conduite, des pratiques et normes professsionnelles et éthiques, des postures et des positions, des objecttifs et des ambitions, de l’offre et de la demande etc.
Certes, à chaque illustration d’une telle situation, l’on doit veiller
à la contextualisation de l’analyse pour prendre la mesure de
l’état des lieux au présent, de la survivance du passé répressif
des libertés et des chances de réforme pour le futur de la démoccratie, le futur de la démocratisation des médias et de l’exercice
de la liberté d’expression qu’ils sont appelés à assumer à l’aune
des normes d’une démocratie véritable. Mais, à des fins d’illusttration la plus édifiante qui soit, arrêtons-nous sur le cas de la
Grèce, berceau originel de la démocratie et témoin de sa longgue genèse théorique et pratique sur plus de deux millénaires
et demi…
« Depuis les années 1990, l’inféodation des médias au pouvn
voir économique est venue s’ajouter à leur très ancienne
inféodation au pouvoir politique. Quant à l’activité journaln
listique, elle prend des formes multiples et fluctuantes selon
la conjoncture historique, selon l’organe examiné ou encore
selon la position occupée par le journaliste au sein du champ
médiatique. Le trait le plus caractéristique du milieu journaln
listique grec aujourd’hui, c’est son imbrication avec le mondn
de politique, judiciaire, scientifique et intellectuel par le jeu
d’appartenances multiples, sous l’effet d’ambitions variées,
grâce aux passerelles posées entre les différents secteurs.
Chaque journaliste se transforme en acteur autonome, se
sent investi d’une mission « cathartique », devient un « corrn
recteur » de la chose publique au détriment des instances légn
gitimes. De par leur action, les journalistes se positionnent à
la fois comme médiateurs et comme acteurs dans les événemn
42
dialogue national - media et societe
ments. Ces deux postures assumées simultanément contribn
buent à conférer aux mieux placés d’entre eux un statut envn
viable. Le médiateur devient alors modèle moral, culturel,
social, voire physique. Par la personnalisation extrême de
son activité, le journaliste devient ainsi un penseur public,
le rhéteur (maître orateur) dans la Cité. Longtemps traités
en parias de la société politique et tenaillés par un désir de
notoriété, les journalistes semblent chercher à prendre leur
revanche sur une classe politique en déclin ».14
S’il n’y a pas lieu de décréter une similarité totale entre cette pérripétie grecque (singularisée par la délivrance du pays d’un régimme de dictature militaire particulièrement répressif en matière
de libertés), et la « transition démocratique » au Maroc, force
est d’admettre que nombre de phénomènes et d’épiphénomènnes similaires, « à la grecque », rappellent, presque à l’identiqque, ce qui meuble la scène médiatique marocaine depuis près
d’une décennie. Aussi bien dans la relation entre le politique et
le médiatique qu’en ce qui concerne les postures du journaliste
au sein de la société, société aux prises, en l’occurrence, avec une
laborieuse éclosion de la liberté d’expression, avec ses chantres,
anciens et nouveaux, avec ses adeptes nouvellement convertis,
par conviction ou à dessein plus ou moins sincère, plus ou moins
désintéressé : politiciens, entrepreneurs, investisseurs, lobbyisttes, ralliés de dernière heure au journalisme (journalisme tout
court ou journalisme dit « indépendant »), historiques ou inatttendus défenseurs des causes de la démocratie, de la défense
des libertés et des droits de l’homme…
D’autres exemples attestent des mêmes phénomènes et épiphénnomènes, notamment en Afrique francophone engagée depuis
20 ans (suite notamment à la fort controversée 16ème conférence
« France-Afrique » de La Baule orchestrée en Juin 1990 par F.
Mitterrand) dans des « conférences nationales » comme prélud14 - Chalkia, Angélique. « Grèce : M*A*R*S au pays des Hellènes », Revue MédiasPouvoirs,
« Déontologie des médias, les exigences de la démocratie », No 4, Nouvelle série, Paris. 3e
trimestre 1998.
contextualisation politique et référentiel
43
de à l’apprentissage de la démocratie, à l’initiation aux premiers
pas de celle-ci que sont les élections et une loi consacrant la libberté de la presse. Les cas de certains de ces pays africains, témmoignent, bien plus gravement qu’en Grèce, de ces dysfonctionnnements ou faux pas, de ces déviations et atrophies imprévues
sur le long chemin qui mène à la liberté d’expression. Mais, quel
que soit l’exemple (qui peut être aussi le cas de l’Argentine ou
du Brésil post dictatures militaires), il semble que la première
source de tels dysfonctionnements soit la relation entre le polittique, ultimement personnifié par l’État, et la presse, concrètemment identifiée par le journaliste.
Qu’en est-il au Maroc en 2010?
Au gré des écrits des uns (journalistes) et des déclarations des
autres (politiques, représentants de l’État, parlementaires, maggistrats, avocats, activistes des droits de l’Homme, etc.), il y a
bel et bien un « état de crise » entre la presse et le monde politiqque. Un constat dont l’argumentaire repose, pour l’essentiel, sur
trois types d’éléments de preuve :
• Le premier se fonde sur les comportements de la justice
de plus en plus dommageables pour les entreprises méddias et pour le journaliste, de par des peines unanimemment qualifiées de disproportionnées, lourdes, voire injjustifiables par rapport à la dimension « normale » dans
une démocratie d’une poursuite pour «délit de presse»;
• Le deuxième se base sur les comportements d’ordre admministratif et réglementaire, notamment pour ce qui est
relatif aux agissements des services du ministère de l’Inttérieur et la façon dont ils appliquent les procédures et
interprètent leurs prérogatives légales ou s’en donnent
d’autres sans fondement légal;
• Une propension sans limite ni retenue, d’ordre professsionnel ou moral, chez le journaliste à dévoyer son méttier, la vérité, l’information, usant, sans vergogne, de la
rumeur, du faux, de la calomnie, de la diffamation pour
44
dialogue national - media et societe
faire de la chose publique et de l’homme publique, des
institutions (de l’État et ses symboles surtout, mais aussi
de l’artiste, de l’activiste civil, et d’autres), ses terrains
préférés de prédilection pour tenter de s’affirmer sur la
scène publique…Pour y revendiquer un pouvoir sans léggitimité aucune du point de vue de la démocratie et de
l’État de droit nécessairement bâti sur des institutions
constitutionnelles et des pouvoirs codifiés, sur le mode
électif notamment…En somme, il travestit une impostture de pouvoir en une posture de rhéteur (à la grecque
des années 90), comptant sans doute sur une supposée
crédulité du public, d’une société encore peu initiée aux
tréfonds, techniques et artifices de ce métier, métier à la
tradition si jeune au Maroc, si récemment affranchi des
censures et autocensures ayant sévit pendant près de
quarante ans. Ce genre de journalisme fallacieux, qui se
complait et prospère dans la marge de la loi et de l’éthiqque universelle du journalisme, n’a aucune difficulté à se
déclarer victime, aux yeux du monde entier et des sinccères défenseurs de la liberté d’expression comme d’offficines faisant de cette cause un fonds de commerce au
Maroc ou ailleurs… A chaque fois que la loi le rattrape,
ce type de journalisme (bien connu chez nos voisins subssahariens, récemment engagés sur la longue route mennant à la démocratie) invoque la sacro sainte liberté de
la presse, se drapant de fait d’un principe d’impunité qui
serait constitutif de l’exercice de cette liberté…Cette postture/imposture de victime que ce journalisme se donne
sans mal, en l’absence de quelconque autorité morale
ou ordre éthique veillant à l’honneur du métier, résonne
d’autant plus, au pays et dans le monde, que bien souvent
l’État et la justice pêchent, voire dérapent, plus ou moins
gravement, dans leurs réactions à ces pratiques et posttures indéniablement blâmables aux plans professionnel
et déontologique, comme au plan du droit et du respect
de la règle de droit. C’est ainsi que bien trop souvent, des
contextualisation politique et référentiel
45
autorités publiques cèdent à des réactions épidermiques
qui n’hésitent pas à jeter de manière plus ou moins expliccite des formes d’anathème sur tel ou tel journaliste ou
média, que l’un ou l’autre ait failli déontologiquement ou
qu’il ait cédé – manifestement ou supposément- à quelcconque dessin occulte, pression ou intérêt…ou par simpple légèreté dans la conduite professionnelle requise.
Cet argumentaire, explicitant, pour l’essentiel, l’état de crise enttre la presse et le politique, procède aussi de deux perceptions
qui dominent chez les gens des médias :
• La crise de la liberté d’expression au Maroc est, en tout et
pour tout, une crise/confrontation entre la presse privée,
dite de préférence « indépendante » par ses opérateurs,
et les appareils de l’État, c’est-à-dire les deux principales
institutions que l’État utilise dans ses prestations face ou
contre la presse : la justice et la police;
• La crise est alimentée par des desseins de manipulation,
inféodation et domestication, dont seraient animés certtains groupes ou lobbies gravitant autour du pouvoir, des
centres de décision comme dans les rouages de l’État et
qui, pour nombre d’entre eux, la perspective d’une rupturre totale avec le passé de contrôle des médias serait inaccceptable tout autant que l’émergence d’une presse libre
et influente sur le devenir politique du pays.
Du côté du politique et de l’État, on a affaire à au moins deux
attitudes qui inspirent les réactions – trop souvent précipitées
voire épidermiques et maladroites- aux prestations de la pressse :
• Une appréhension plus que sourcilleuse, voire frileuse,
quant aux risques que comporte le choix de la libéralisattion du champ de l’expression pour l’autorité de l’État,
pour la crédibilité de ses choix et actes aux yeux de l’opinnion publique nationale comme de l’opinion internattionale, dimension fort sensible aux yeux des autorités
46
dialogue national - media et societe
politiques préoccupées qu’elles sont par l’image du pays
à l’extérieur en tant que vecteur porteur de ses causes saccrées dont celle de l’intégrité territoriale qui alimente au
pays une véritable guerre de « tranchées d’ondes » avec
le voisin algérien;
• Une propension quasi instinctive de certains cercles du
pouvoir politique et dans les rouages de l’État, à chercher
à faire du maximum de médias possible des auxiliaires,
voire des alliés aux ordres, au nom de la nécessaire discippline et unanimité qu’impose la conjoncture de « période
de transition démocratique » que menaceraient nombre
d’aléas et de périls, depuis les adversaires irréductibles
de l’intégrité territoriale, à leur tête le voisin algérien,
jusqu’aux courants et mouvements antidémocratiques,
rétrogrades ou carrément séditieux déterminés et/ou
terroristes, en passant par des « forces nihilistes » qui
font dans le dénigrement systématique de toute prestattion de l’État, tous pouvoirs constitutionnels confondus.
Comme on le voit donc, la période dite de « transition démocrattique » profite à diverses stratégies, souvent antagonistes entre
médias et opérateurs médias, d’un côté, et politiques et cercles
de pouvoir (politique, économique…) de l’autre. D’où conflits,
plus ou moins ouverts, initiatives démesurées provoquant des
réactions tout aussi disproportionnées, malentendus, procès
d’intention, suspicions, défiance… La clarté des desseins, des
projets et des postures semble être le fond qui manque le moins.
Impératif de clarté qui, in fine, est la véritable motivation d’un
appel à un Dialogue national, ouvert à tous, les antagonistes
principaux (médias, État et pouvoirs) comme leur large envirronnement qui est, après tout, le destinataire final de l’expresssion dans une démocratie : le citoyen, la société toute entière.
Dialogue national à quelles fins de clarté?
La clarté concernant la place et le rôle des médias dans la société
marocaine, y compris les rapports entre la presse et l’État, entre
contextualisation politique et référentiel
47
les journalistes et les institutions et acteurs politiques, ne peut
procéder que d’un parti pris, d’un choix porteur d’une vision
volontariste et fondamentalement cohérente avec l’option de la
démocratie comme forme de gouvernance politique et sociétalle. Une telle vision doit donc découler, au préalable, d’un choix
politique solennellement assumé et, si possible, provenant de
la majorité des acteurs politiques clés dans le pays, acteurs qui
sont partie prenante, à un niveau ou à un autre, dans la prise des
décisions et choix stratégiques du pays.
Si ce choix politique, résolument partisan de l’option démocrattique, a été maintes fois proclamé et initié dans plus d’un dommaine de la vie publique et institutionnelle, par le Souverain, il
doit gagner en efficience et en puissance de référence au niveau
du gouvernement (l’exécutif) et du parlement, tout particulièrrement en le domaine des médias. Domaine dont la gestion au
quotidien revient largement à ces deux derniers pouvoirs et, au
pouvoir judiciaire dans une moindre mesure, à l’occasion de
circonstances relevant de l’exception par rapport à la règle, par
rapport au cours normal des choses, c’est-à-dire le cours ordinnaire des pratiques médiatiques que la justice n’entrave -légittimement- qu’occasionnellement pour préserver des droits et
libertés d’autrui, individu ou collectivité… Ce qui, dans une démmocratie aux médias respectueux du jeu de la démocratie n’inttervient qu’exceptionnellement, témoignant d’un exercice normmal, c’est-à-dire d’un rythme ordinaire de la mise à l’épreuve et
du perfectionnement, tous les deux nécessaires pour le meilleur
et le plus harmonieux exercice de toutes les libertés individuellles et collectives portées par une démocratie vivante, dynamiqque, apaisée, conquérante sans cesse de vastes et infinis espaces
de l’État de droit et de la citoyenneté.
Partant de là, la notion de dialogue doit trouver la voie qui lui
octroie le maximum de latitude pour impliquer le plus large
éventail de l’ensemble des acteurs et intervenants concernés, à
un degré ou à un autre, par l’acte médiatique. D’où la voie, on ne
48
dialogue national - media et societe
peut plus démocratique, de la représentation populaire, c’està-dire le Parlement. Parlement qui, en plus, par son pouvoir de
légiférer, occupe un rôle central dans le devenir de l’exercice de
la liberté d’expression.
Quant à l’exécutif, dans le cas qui nous intéresse, le cas du Marroc de 2010, il a très tôt adopté une attitude on ne peut plus
franche, en faveur d’un dialogue global et franc avec les médias
et les journalistes. Ce qui se traduisit par son adhésion totale à
l’initiative parlementaire pour un Dialogue national « Médias
et Société » que Onze familles politiques, représentées par seize
groupes parlementaires dans les deux chambres du Parlement,
proclamèrent solennellement sous la coupole de la Chambre
des députés le 28 janvier 201015. L’octroi par la primature d’un
budget spécial pour conduire ce Dialogue est venu renforcer cet
engagement de l’exécutif, attestant d’une cohérence volontarriste de la part du gouvernement aux côtés des parlementaires
des deux Chambres et des professionnels des médias impliqués
dans ce Dialogue par leurs deux principaux regroupements proffessionnels, la FMEJ et le SNPM, partenaires officiels du gouvvernement sur nombre d’accords et tentatives de mise à niveau
de ce champ, notamment le contrat programme signé, en mars
2005, par les deux organisations avec le gouvernement représsenté par le ministère de la Communication, lui aussi adhérant
à ce dialogue.
Ce triple engagement, celui du parlement, celui du Gouvernemment et celui des professionnels des médias (opérateurs et journnalistes) est donc le socle de base qui, de par ses composantes,
devait donner la dimension « États généraux » du champ méddiatique national, alors que l’ouverture – inédite- de cet exercice
de large consultation au public, à tous les citoyens et citoyennes,
devait consacrer la dimension « nationale » dans le sens où la
parole est donnée à tous les citoyens et citoyennes pour s’exp15 - Une fois l'alliance parlementaire UC et RNI scellée, le nombre des groupes parlementaires
représentés devint 14.
contextualisation politique et référentiel
49
primer sur un champ sur lequel ils n’ont jamais été consultés
auparavant.
« Dialogue national » donc, plus large que des « États générraux » que le Maroc avait déjà entrepris en 1993, mais sans imppliquer, à l’époque, ni les citoyens ni leurs représentants, l’objjectif stratégique ayant été dans la difficile conjoncture d’alors,
d’introduire dans les agendas et projets de réforme de l’État et
des différents acteurs politiques et ONGs civiles la liberté d’exppression et les médias tout en donnant enfin un droit de cité
au journalisme marocain en tant que profession et en tant que
catégorie socioprofessionnelle qui doit être considérée par l’État
et les états-majors politiques comme partenaire à part entière
dans toute action publique ou privée qui concernerait leur
champ d’activité16.
Par ailleurs, l’opportunité et la pertinence d’un Dialogue nationnal s’imposait de plus en plus ces dernières années au fur et à
mesure que se multipliaient les accrocs entre la presse et les pouvvoirs publics, entre la presse et la justice, entre la presse et des
citoyens victimes de diffamation et autres violations de droits
de tiers (délits de presse), dans une atmosphère de crispation,
de méfiance, de défiance, de perte de repères, de malentendus et
d’ambigüités, en somme, d’incohérence dans les relations entre
les médias et la société dans sa globalité, avec ses institutions
étatiques et politiques, ses citoyens, sa société civile…17
Si un tel dialogue devait forcément s’appuyer/s’arrimer à un néccessaire diagnostic du présent, il courait néanmoins le risque de
s’enfermer dans des formulations trop étriquées parce que trop
16 - Pour ceux qui suivaient de près l’évolution de la scène politique d’alors, marquée notamment
par l’adoption de la constitution de 1992, il était de notoriété que l’heure était à la préparation
d’une phase d’ouverture politique qui préfigurait, comme on le sait maintenant, l’ «alternance
consensuelle » de 1998, bâtie, entre autres, sur la révision de la constitution en 1996. Les
agendas politiques de tous les antagonistes changeaient en conséquence et donc il fallait y
inscrire les journalistes et les médias, c’est-à-dire leurs revendications et ambitions, et d’abord
la reconnaissance de leur place dans la vie publique et politique.
17 - Lors de l’audition du Forum social Marocain, les membres de l’instance du Dialogue
national ont pris note d’exemples de campagnes de diffamation menées par certains titres de la
presse nationale contre des associations civiles et leurs responsables…
50
dialogue national - media et societe
collées aux « affaires » et contingences en cours ou de fraîche
date. La pesanteur de l’instantané et de l’inattendu (et même de
l’impromptu intervenu au cours même de ce Dialogue et il y en
a eu!) pouvait effectivement enfermer le Dialogue et ses échangges dans des formulations piégées, dans des équations sectaires,
sectorielles, juste limitées au factuel18.
Alors que l’objectif est de gagner en hauteur de vue pour réflécchir et solutionner de manière structurelle, de manière surtout
anticipatrice sur le futur. Pour qu’il y ait dialogue, avec l’ambittion de la démocratie comme horizon clair pour l’exercice de la
liberté d’expression et pour un rôle efficient des médias dans la
dynamique d’une société démocratique en construction à l’ère
des sociétés modernes d’information et du savoir, il fallait que
ce Dialogue et ses animateurs se projettent dans l’avenir plus
qu’ils ne s’arc-boutent sur le présent ou sur le passé d’hier ou
d’avant-hier et les variables dysfonctionnements ou déficits des
pratiques et des attitudes. C’est cette démarche qui a dicté la
plate forme par laquelle ce projet de Dialogue national a défini
ses objectifs.
18 - Le soir même du lancement officiel de ce Dialogue au Parlement, le 28 Janvier 2010, le
monde des médias apprenait la fermeture définitive de l’Hebdomadaire « Le Journal » et la
mise sous scellés de son local et de ses biens par huissiers de justice pour faillite.
contextualisation politique et référentiel
51
Plate forme pour un Dialogue national
« Media et société »
Objectif stratégique :
Normaliser et policer la place et le rôle des médias au sein de la société
marocaine au profit d’un exercice démocratique de la liberté d’expression,
d’une crédibilité influente des médias nationaux sur l’opinion publique en
tant qu’animateurs légitimes et modernes de la vie démocratique.
vObjectifs spécifiques :
ØInstaller/féconder des rapports de dialogue permanents, organissés et sereins entre le monde des médias et les acteurs institutionnnels de la vie démocratique : parlement, gouvernement, justice…
ØLégitimer/crédibiliser les médias et leur rôle sociétal aux yeux de
tous les acteurs et composantes de la société marocaine par une
mise à niveau aux plans de la formation, de la formation continnue, du professionnalisme, de l’éthique, des pratiques déontologgiques, de l’autorégulation et de l’organisation syndicale
Ø Encadrer les droits et devoirs des médias et de leurs professionnnels par un nouvel arsenal législatif et réglementaire consacrant
de manière claire et moderne les libertés et principes démocrattiques inhérents à l’exercice de cette profession dans toutes ses
variantes de contenus et de supports technologiques écrits, audiovvisuels et électroniques. Veiller à ce que cet arsenal consacre sollennellement et respecte les droits de l’Homme et les valeurs univverselles qui les inspirent
ØOutiller/appuyer les médias nationaux par un environnement inccitatif et transparent au plan économique, financier et commerccial, au bénéfice de l’émergence d’une entreprise media moderne,
viable, respectueuse des droits de ses personnels et de ses obligattions légales, et animée, en interne, par une culture démocratique
et citoyenne
La teneur de ces objectifs vise une mise à plat, à froid, sereinnement, de la situation des médias au Maroc accumulée à ce
jour, avec ses crispations et ses dysfonctionnements, les récents
comme les anciens, mais pour pouvoir les relire à la lumière
d’ambitions et d’objectifs à long terme qui découlent des fonddamentaux de l’exercice démocratique et moderne de la liberté
d’expression dans une démocratie bien ancrée et dynamique.
52
dialogue national - media et societe
Pour dégager une telle appréhension, ambitieuse certes par son
désir d’anticiper sur le monde des médias modernes si boulevversé par l’avancée inexorable du numérique multimédia et par
la toile envahissante du cyberespace, la dimension diagnostic
devait nécessairement recenser les points de vue du maximum
d’acteurs, à des fins de dialogue et de communion, plus tard,
dans les choix et les actions à entreprendre pour le futur.
La confrontation des points de vue, des visions animant un proffessionnel d’un secteur média en particulier, d’un député invité,
pour la première fois peut-être à interroger ses perceptions et
attitudes de politique, de citoyen, de représentant de citoyens, à
propos du champ médiatique national dans sa globalité comme
dans ses détails pas nécessairement bien connus de lui, est un
exercice, sans conteste démocratique puisqu’il permet le débat
contradictoire et surtout l’échange entre deux mondes distincts
mais qui le sont bien moins quant à leur responsabilité partagée
dans la construction de la démocratie et la démocratisation des
médias qu’elle suppose.
Organiser donc des séances d’écoute (auditions), des sessions
et des journées de débat entre journalistes, politiques, patrons
des médias, responsables gouvernementaux ou d’organismes
publics, responsables et volontaires de la société civile, experts,
nationaux ou étrangers (pour la comparaison et l’éclairage utilles)… était donc le pari à faire sur une agora sans précédent
pour ce qui concerne ce champ d’activités et d’exercice de libbertés et de droits qui n’a jamais bénéficié d’une telle démarche
démocratique, de débat démocratique au Maroc.
Près de 120 heures d’enregistrements de 21 auditions à huis
clos au Parlement et près de 50 heures de journées d’études et
d’ateliers thématiques ouverts, organisés au sein du Parlement
ou à l’extérieur, ont, dans leur ensemble, confirmé le souhait
de tous les participants à dialoguer, à débattre de la manière la
plus large et la plus franche possible pour sonder et interroger
toutes les données et les réalités de tout le champ médiatique
national. Ce besoin de « vue d’ensemble », voire systématique,
contextualisation politique et référentiel
53
de regard panoramique, conduit surtout de manière collective,
était le premier gage que l’approche prospectiviste, anticipatrice
et systématique proposée a bel et bien été souhaitée par tous.
Si les professionnels des médias et leurs corporations étaient
bien au fait de l’interpénétration de leurs réalités et problématiqques, de l’aspect contenu et de l’aspect économique, par exempple, ou des pratiques et défis de la presse papier et de la presse
électronique, les politiques, eux, du propre aveu de la majorité
des parlementaires membres de l’Instance du Dialogue, découvvraient, à cette occasion inédite pour les deux parties, ces compplexités, ces dialectiques. Tant le monde réel des médias, avec
ses tréfonds insondés publiquement à ce jour, n’a jamais été
visité par le parlementaire, ne lui a jamais été attrayant outre
mesure, intelligible, accessible ou exposé, sachant que le monde
des médias lui-même informe peu ou pas du tout sur les profonddeurs de sa réalité apparente à la surface pour le politique commme pour le grand public. Ce que reconnurent bien volontiers les
responsables des organisations professionnelles.
Ce fût là le premier input de ce Dialogue entre le monde des méddias et les parlementaires. Un acquis de communication, assez
profonde, qui a révélé parfois des convergences entre les points
de vue des deux parties, qu’on ne pouvait prévoir tant les relattions entre ces deux mondes sont jusqu’à ce jour, marquées par
des échanges épisodiques, parcellaires, le plus souvent, à l’occassion de conflits et de reproches généralement provoqués par des
malentendus ou des maladresses de propos ou de pratiques, de
la part des uns comme de la part des autres.
Le deuxième acquis de convergence dans les points de vue, qu’on
peut particulièrement souligner est relatif à la prééminence de
l’ «économie de l’information » qui doit guider, de manière
profonde et structurante, la réflexion sur l’ensemble du champ
médiatique comme sur ses principales composantes, ses plus
récurrentes contingences, difficultés, manquements et déficits.
C’est là, à vrai dire, un tournant de rupture qui a véritablement
marqué, en tant que tel, le Dialogue national de manière globale
54
dialogue national - media et societe
et, de manière particulière, nombre d’acteurs-partenaires du
Dialogue et notamment les parlementaires comme d’ailleurs,
dans une moindre mesure, les organisations civiles (des droits
de l’Homme et de forums sociaux).
L’appréhension du champ médiatique marocain, pris d’ailleurs
dans sa globalité, qui mettrait l’économie des médias au centre
de la réflexion, dans l’établissement du diagnostic comme dans
l’élaboration des stratégies d’action future, est une nouveauté au
pays, alors que c’est le cas depuis assez longtemps dans nombre
de pays et tout particulièrement les pays de traditions avancées
en matière de libertés, liberté d’expression, liberté d’entreprise
dans le champ des médias, liberté des ondes, etc.
La nouvelle réalité, dans ce sens de la libéralisation, à laquelle
le champ médiatique marocain a accédé depuis une quinzaine
d’années, surtout depuis une dizaine d’années (avec notamment
depuis près de cinq ans, la libéralisation de l’audiovisuel), imppose déjà, bien que cette nouvelle réalité soit encore jeune, une
remise en question de nos schémas d’analyse habituels, ceux qui
cadraient, peu ou prou, avec un champ longtemps réduit, sous
un règne fort contrôlé de l’expression, à une bipolarisation enttre un audiovisuel monolithique aux mains de l’État, et un kiosqque dominé quasi exclusivement par juste une pléiade de titres
partisans, aux discours souvent exclusivistes comme supports
d’opinions et de commentaires, versant rarement ou subsidiairrement dans de l’information pluraliste et impartiale. L’informmation tout court, en somme, telle qu’attendue du journalisme
sous tous les cieux, par le lecteur.
Une telle démarche de la réflexion, moderne, faut-il le préciser,
met au cœur de nombre de problématiques révélées, l’entreprise
média prise en tant qu’acteur et en tant qu’outil dans un envirronnement global : le « marché médiatique » ou le « marché de
l’information ». Avec cette remarque que le terme « marché »
ici fait référence à un système où, désormais, avec la liberté et
la concurrence que celle-ci induit forcément, l’exercice de la libberté d’expression est dialectiquement lié, quant à sa pérenn-
contextualisation politique et référentiel
55
nité, son efficacité et son impact, à la capacité économique et
financière du support, à sa capacité à user de façon optimale et
constamment mise à jour, de nouvelles technologies des médias
qui changent à un rythme impitoyable pour les hésitants, qui
rendent chaque jour le réputé impossible d’hier aisément posssible aujourd’hui et fort probablement à même d’être dépassé
demain.
Le Maroc médiatique a lui aussi, comme les champs médiatiqques de toutes les nations, rendez-vous avec la « révolution nummérique » qui enfantera à terme la société de l’information et du
savoir dans laquelle les médias seront à la fois fort importants
mais aussi un simple acteur parmi d’autres architectes de cette
nouvelle société, dont le simple citoyen diffuseur, redistributeur
et même producteur et créateur de contenus et de supports d’exppressions diverses… sans obligation ou nécessaire médiation du
genre que les médias revendiquent à ce jour et qui est, après
tout, leur raison d’être hier comme aujourd’hui.
L’entreprise média est, de ce point de vue, l’espace stratégique
le plus porteur pour le projet de modernisation et de développpement du champ médiatique et au niveau le plus élevé d’adéqquation tant avec les défis de la société de demain, la Société
de l’Information, qu’avec les normes et standards de médias
réellement démocratiques et partenaires agissants sur la vitalité
de la démocratie. Vitalité qui, de nos jours, est souvent jaugée
dans tout pays par le niveau de modernité et de démocratisation
des médias. L’enjeu, pourrait-on dire, dépasse même les médias
alors qu’ils en sont l’origine et la finalité.
Du fait de la nouveauté de cette démarche « économiste » au
Maroc, pour diagnostiquer et promouvoir le champ médiatique,
qui n’était appréhendé, jadis, que sous l’angle politique et avec
l’importante jauge des libertés, il était évident lors de ce Dialoggue, qu’on devait procéder à une réflexion large et profonde. Une
réflexion qui devait embrasser de manière systématique toutes
les données et réalités du champ et d’abord celles de l’entrepprise-média, par le moyen de diverses recherches et différents
56
dialogue national - media et societe
éclairages, tant cet objet est nouveau en tant qu’objet d’analyse
et de réflexion pour les professionnels et spécialistes eux-mêmmes, à fortiori pour les autres acteurs comme les politiques et
les parlementaires ou les activistes de la société civile. Cet intérrêt inédit pour l’entreprise-média et ses environnements (éconnomique, juridique, fiscal…) devait, en plus, au-delà de l’évalluation du présent, c’est-à-dire du modèle bien peu structuré et
bien peu viable jusqu’à présent, faire un effort d’anticipation et
d’imagination pour dessiner, pour le futur, un modèle adapté,
de tout point de vue, à l’évolution du champ politico-médiatique
au Maroc, adapté surtout à cette explosion de la sphère médiatiqque et technologique mondiale. Mais le Dialogue national a bien
identifié trois grandes portes, bien spécifiques au Maroc, pour
mener une telle réflexion prospectiviste sur l’entreprise média :
• Viser une contribution structurante de l’entreprise méddia à la consolidation du choix de la démocratie pour la
société et l’État et la dynamisation moderniste de la vie
démocratique et son débat
• Viser la performance économique et professionnelle,
à l’enseigne d’un journalisme d’excellence capable de
réconcilier le public avec ses médias nationaux et de
conforter la crédibilité de ces derniers par une confiance
des citoyens en leurs médias, confiance qui passe nécesssairement par une fidélisation des publics
• Viser la bonne gouvernance de l’entreprise-média qui
suppose une démocratie à l’interne, une transparence
économique à l’intérieur de l’entreprise comme dans tout
le secteur de l’ « économie de l’information » au Maroc.
Avec ces trois objectifs (ou grilles pour la réflexion), toutes les
chances seraient réunies pour circonscrire, pour de vrai cette
fois, le rôle des médias dans la société, leur place par rapport
à l’État comme par rapport au public puisqu’on fera du média,
dans sa plénitude, c’est-à-dire, en l’occurrence, avec sa dimenssion économique et technologique, un acteur social, alors que
contextualisation politique et référentiel
57
jusqu’à présent on limitait cet attribut d’acteur au seul journalliste, et encore, avec une trop grande imprécision ou une trop
restreinte définition bien en deçà du rôle reconnu au journaliste
dans les démocraties modernes.
Ceci nous amène à la nécessaire et inévitable question de la réggulation qui a été le troisième grand point de convergence entre
les divers avis exprimés ou collectés à l’occasion de ce Dialogue
national.
Du moment que le médium, en tant qu’entité complète (comme
support d’expression, comme entreprise économique, comme
producteur de contenus et de symbolique pour la société) est
identifié comme acteur légitime et important dans la vie démoccratique, il est nécessairement obligatoire de définir les latituddes et les limites d’action qu’une telle posture exige de lui pour
préserver l’harmonie globale et le partage des rôles comme il
sied dans une démocratie stable et dynamique. D’où donc l’outil
de la régulation par la loi et son corollaire nécessaire en ce dommaine de « profession libérale » : l’auto régulation.
Sur l’encadrement législatif, professionnels, parlementaires et
décideurs de l’État, ont exprimé, à l’occasion, leur conviction
que le code de la presse actuel (2002), est devenu dépassé, voire
obsolète non seulement par rapport à l’évolution technologique
des médias dans l’absolu, mais aussi et surtout par rapport à la
nouvelle réalité du champ national depuis bientôt une décennie.
L’intérêt de moderniser et d’anticiper sur le futur doit concernner, de ce fait, tout un arsenal de textes législatifs et réglementtaires, voire toucher même la Constitution, dans le but de procédder à une profonde mise à niveau de cet encadrement dans tous
les registres qui concernent les médias : la liberté d’expression,
la liberté de la presse, les droits et devoirs de ceux et celles qui
exerceraient ces deux libertés (le citoyen – pour la première-, les
journalistes pour la seconde), les modes et mécanismes de régullation, les modes et pratiques d’ordre commercial, les droits et
obligations d’ordre fiscal ou relevant des droits sociaux des perssonnels, l’investissement, les aides publiques, la publicité privée
58
dialogue national - media et societe
et institutionnelle, la formation, etc. Avec cette importante remmarque que cet effort devrait être guidé par la volonté politique
d’arrimer le pays aux plus élevées des normes et valeurs recommmandées par la démocratie et par la communauté internationnale, institutionnelle (système onusien) et civile (ONG internattionales spécialisées dans la promotion de ces valeurs, droits et
libertés de l’Homme). Le projet de modernisation tourné vers
l’objectif d’une société de l’information et du savoir exige une
telle ambition d’ancrage d’ordre normatif.
Mais une telle démarche « universaliste » doit néanmoins tenir
compte bien relativement, non pas de prétendues « spécificittés » marocaines, mais des impératifs de construction qu’imposse la phase « transitoire » et fondatrice pour l’avenir par laquellle passe indéniablement en ce moment le champ médiatique
marocain. Ici, les données et analyses d’ordre diagnostic sont
l’éclairage à prendre en considération.
C’est ainsi que la régulation, par la loi, doit retenir le principe,
unanimement admis par tous les partenaires du Dialogue nationnal, corporations professionnelles comprises, et qui est le princcipe du « ticket d’entrée » au métier de journalisme. C’est-à-dire
une définition claire, basée sur des critères d’attributs en termes
de pré-requis de connaissances et de formation spécialisée en le
domaine, qui permettrait à ce métier de bénéficier à la fois de
la vocation et de l’ambition, mais aussi d’un minimum de « cappabilités » à même d’amener le prétendant au métier à adopter
ses règles professionnelles et déontologiques et à les développer
au service d’un journalisme d’excellence qui se soucie avant et
après tout du prestige de cette profession, de sa crédibilité et
de sa légitimité aux yeux du public. Un public dont le respect,
voire le soutien, pour le journaliste, ne peut être acquis que si
ce public accorde sa confiance, confiance dont le seul terreau ne
peut être que la crédibilité et la performance d’ordre éthique et
professionnelle. Ainsi en est-il en tout cas pour les médias et les
journalistes dans une démocratie réelle.
contextualisation politique et référentiel
59
Une telle clarification/assainissement des voies d’accès au méttier de journaliste (et à ses différentes spécialités et variantes à
préciser dans une nomenclature de métiers et fonctions à élabborer par les professionnels eux-mêmes) permettrait en même
temps de lever les équivoques ou les confusions induites ces
dernières années, au Maroc et ailleurs dans le monde, par les
TIC et le cyberspace de l’ère numérique. Aussi pourrait-on déffinir précisément les attributs du journaliste pour des producttions de contenus journalistiques dans la presse électronique,
distinguer à ce titre l’e-journalisme de la blogosphère (animée
par des citoyens comme par des journalistes) et bien appréhendder la régulation et la gouvernance de l’Internet ouvert qu’il est
au citoyen producteur/distributeur/redistributeur de contenus
qu’on ne doit pas confondre avec le journalisme… « Le journnaliste est citoyen », le « citoyen n’est pas journaliste », dit un
ancien patron d’une grande agence mondiale d’information,
faisant ainsi la mise au point qu’il faut sur des affirmations du
genre « journaliste citoyen » ou « citoyen journaliste », alors
que le « journalisme citoyen » fait référence à un journalisme
de professionnels particulièrement engagés pour la citoyenneté
démocratique et les causes qui la nourrissent comme la défense
des droits de l’Homme ou le droit des citoyens de s’approprier
l’acte média comme dans le cas des médias communautaires ou
associatifs.
Ce besoin ou effort de clarification des rôles et postures, nottamment entre le journaliste professionnel et le simple citoyen
usant, à sa guise – et légitimement, certes – des nouveaux suppports de communication que lui offrent les TIC, le cyberspace
etle numérique, doit donc inspirer en profondeur les mécanismmes de régulation, depuis les lois jusqu’aux mandats des insttances de régulation, en passant par les instruments de droit
réglementaire ou décisions d’ordre administratif.
La même clarification doit servir de base à la conception des
mandats et mécanismes d’autorégulation que les participants
au Dialogue national ont érigé comme une urgence au même
60
dialogue national - media et societe
niveau que celui de la nécessaire modernisation de l’encadremment législatif et réglementaire. Une autorégulation, dévolue en
priorité, sinon exclusivement, aux professionnels eux-mêmes
(opérateurs médias et professionnels de contenus, voire des cittoyens) et qui doit être la première et l’ultime ligne de défense
du journalisme professionnel, de ses attributs et de ses critères
d’accès et d’exercice. Autorégulation qui nécessite l’installation
d’une autorité en la matière, soit un « Ordre professionnel » que
tous les participants à ce Dialogue ont appelé de leurs vœux,
faisant ainsi échos favorable à la vision royale contenue dans
le discours du Trône du Souverain en date du 30 Juillet 2004
et qui soulignait le lien naturel entre liberté et le professionnallisme soucieux de sa déontologie et de la « noble mission » du
journalisme19.
Le professionnalisme, voilà le quatrième point de convergence
autour duquel toutes les organisations et instances auditionnées
lors de ce Dialogue, tous les intervenants dans les nombreux
débats organisés ou suscités par le Dialogue, se sont retrouvés
pour se pencher, avec autant d’acuité et de gravité qu’ils l’ont
fait autour de l’entreprise média. En fait, le Dialogue national,
recommande la plus large et la plus sérieuse des attentions à
réserver, dans cette réflexion de réforme globale, à deux acteurs
décisifs : l’entreprise-média et le journaliste, tous les deux à intterpeller sur l’établi du professionnalisme qui, dans l’acception
fort pertinente du monde anglo-saxon, incorpore intrinsèquemment la dimension éthique et déontologique.
19 - Dans ce discours, le Souverain déclarait : « Comme la réforme du champ politique resterait
incomplète sans le parachèvement de la réforme globale du paysage médiatique, eu égard à
leur intime interdépendance dans l'œuvre de démocratisation de l'État et de la société, Nous
sommes déterminé à poursuivre les réformes fondamentales du paysage médiatique national, y
compris par l'élaboration d'une législation régissant les sondages d'opinion. A cet égard, Nous
attendons du gouvernement qu'il favorise l'émergence d'entreprises de médias professionnels,
libres et crédibles. Il devra également permettre à la presse écrite de se doter, en concertation
avec les différents acteurs concernés et dans un cadre contractuel, d'un Ordre professionnel
qui tiendrait lieu d'organe de représentation et de régulation, et qui veillerait au respect de la
déontologie de la profession, afin de la prémunir contre toute pratique susceptible de porter
atteinte à la noblesse de sa mission ».
contextualisation politique et référentiel
61
L’insistance sur le professionnalisme comme chantier d’avenir
pour le champ médiatique national, relève, après tout, du réalismme dans la mesure où deux données majeures s’imposent dans
le diagnostic que l’on fait du présent de ce champ :
• La prédominance dans les contenus de la presse écrite
de l’amateurisme, de la superficialité des traitements de
l’information, de la propension, quasi systématique, à
verser dans la spectacularisation (ou « fait-diversificattion » des nouvelles), à user de la rumeur sur tout sujet,
grave ou anecdotique, à céder aux chroniques d’humeur
personnelles en lieu et place de chroniques de traitement
ou d’analyse de faits, à cultiver le flou, voire les volte-face,
en ce qui concerne la ligne éditoriale, à user et abuser de
l’iconographie, de la caricature, à recourir à la contrefaççon, au plagiat, sans parler de la diffamation, de l’injure,
de la calomnie et de l’insulte, devenues quasi systématiqquement présentes dans le kiosque marocain…
• La récente sortie du kiosque national du long couloir de
la presse partisane exclusiviste et de sa dominante traddition de commentaire, au détriment de l’information,
ce qui laissait peu de chances au professionnalisme, au
véritable journalisme professionnel, et profitait à la dommination quasi-totale dans la plupart des titres partisans
au « journalisme assis » (champion du commentaire et
de la réécriture de dépêches d’agence), au détriment du
« journalisme debout » (investigation sur le terrain) qui
est la nature première et finale du journalisme, c’est-àdire un métier de recherche et de collecte (sur le « terrrain »), d’investigation, de vérifications et recoupements
multiples, de suivi… Si d’aucuns avaient suggéré que le
journalisme marocain était entré dans l’ « An Un du proffessionnalisme », en 1994 quand les journalistes récuppérèrent enfin leur syndicat, le SNPM, occupé et dirigé,
depuis sa création, par les patrons de presse, il nous faut
admettre que cet « An Un » a cours encore aujourd’hui,
62
dialogue national - media et societe
bien qu’une large initiation au professionnalisme s’est
bien installée depuis près d’une décennie, à la faveur des
nouvelles marges de liberté de presse et de l’accumulattion de contenus et de pratiques réalisée par une foultittude de titres privés parus depuis dix à quinze ans, et par
les deux vagues de radios privées autorisées à occuper les
ondes depuis la libération de ces dernières en 2002 (déccret loi de Septembre 2002 mettant fin au monopole de
l’État datant de 1924) et l’octroi en 2006 des premières
licences d’exploitation à des radios privées par la Hautte Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA
créée par Dahir en Août 2002) et après la promulgation,
en janvier 2005, de la loi relative à la communication
audiovisuelle.
Autant dire donc que le journalisme marocain est désormais asssez mûr, assez «âgé», pour qu’il puisse rentrer enfin de plain
pied dans le professionnalisme tel que pratiqué dans les vieilles
nations du journalisme qui sont en même temps des démocratties réputées pour leur vitalité et pour celle de leurs médias qui
en découle naturellement. Il ne s’agit plus donc de s’assurer
d’un «An Un» du professionnalisme mais d’un «âge mûr» de
professionnalisme.
Pour cela, comme l’ont souligné la majorité des participants au
Dialogue national, un effort public et massif doit être porté sur
la formation et de développement des compétences. Le Maroc
qui s’est doté d’un institut public spécialisé depuis une quarrantaine d’années et qui compte depuis près de 20 ans nombre
d’écoles privées et qui, en plus, a un kiosque national de plus de
500 titres et un paysage audiovisuel offrant à présent 17 radios
privées, un pôle public de 10 chaînes TV et une quinzaine de
stations radio régionales et thématiques, a réuni assez de masse
critique en ressources humaines (près de 3000 journalistes et
professionnels détenteurs de la carte d’exercice) pour ériger, déssormais, la question de la formation (formation initiale, formattion continue, recyclage, perfectionnement) en question hautem-
contextualisation politique et référentiel
63
ment stratégique pour le devenir de son champ médiatique. Une
question qui, partout dans le monde, est devenue de nos jours
un leitmotiv dans toute réforme promotionnelle du champ méddiatique conduite par les États, dans tout projet de lancement
d’un média, sous la pression de la profonde et effrénée révoluttion numérique et cybernétique des médias.20
Nombre de pays, parmi les plus avancés en matière de médias,
ont même tracé des politiques nationales, des stratégies pubbliques pour aider les médias à perfectionner et à moderniser
les compétences de leurs personnels, à améliorer en somme
le professionnalisme et en adapter les normes et les pratiques
aux nouvelles donnes technologiques mais aussi aux nouvellles attentes des publics. Des publics devenus plus familiarisés
avec les moyens d’information et de communication, grâce au
numérique, à l’Internet, au Smartphone, et aux plus récents
outils : iPad, SmartPad, Android Tablet…). Des publics devenus
plus exigeants et plus avisés en la matière. Un seuil d’exigence
et d’implication atteint par le citoyen ordinaire dans l’univers
de la communication et des médias, au point que le journaliste
professionnel s’interroge sur son avenir dans la société, se sent
menacé d’inutilité sociale, craignant que sa profession disparraisse…Nombre de colloques, de conférences internationales
d’organisations professionnelles, ont eu pour thèmes ces dernnières années en Amérique du Nord et en Europe, des interroggations existentielles du type : «la fin du journalisme?», «l’Intternet menace-t-il le journalisme?», «le cyber citoyen sera-t-il le
journaliste de demain?», etc. …
Mais, outre cette crainte existentielle qui a accusé davantage
le caractère décisif de la formation professionnelle et du prof20 - Les auteurs du « Livre vert » français ont appelé l’État français à « appuyer la modernisation de
la formation initiale et continue » en recommandant notamment : des programmes obligatoires
de formation continue aux non diplômés en journalisme (cas de 75% des journalistes de ce pays
qui compte 70 écoles de journalisme); une taxe d’apprentissage à verser par les entreprises aux
écoles de journalisme agréées; un cursus de formation reconnu par la profession et annexé à la
convention collective; une « plate-forme technique de formation en ligne » sous forme de « salle
de rédaction du futur » ( usant des TIC ); une « Conférence annuelle des métiers » réunissant
écoles, opérateurs et professionnels de tous les médias…
64
dialogue national - media et societe
fessionnalisme, le monde des médias confronte partout dans le
monde, plus dans certains pays que dans d’autres, un sérieux
problème attestant qu’il y a de moins en moins de rigueur proffessionnelle et de plus en plus d’écarts par rapport à l’éthique et
à la déontologie du métier. Au point que de tels manquements,
graves pour le métier et sa réputation auprès du public, sont
devenus tolérables voire banals aux yeux de la profession ellemême.21
De grands journalistes, réputés dans les pays aux traditions proffessionnelles et éthiques les plus ancrées (dont même des récippiendaires de l’illustre « Prix Pulitzer »), ont été pris en flagrant
délit de violation de la déontologie ces dernières années : faussses interviews, fausses informations, fausses enquêtes, conflits
d’intérêts avec les sources, etc. Les normes professionnelles
comme les canons de l’éthique et des bonnes pratiques déontollogiques sont de plus en plus invoquées comme urgence à rétabblir, y compris par les grandes organisations mondiales du journnalisme, comme la FIJ. Une urgence que l’on ne peut résoudre
qu’en investissant profondément et durablement le champ de
la formation, avec, bien entendu, l’appoint d’une bonne gouvernnance du média en interne qui, d’ailleurs, fait de la formation
continue un levier – et un droit- de gouvernance indispensable.
D’un autre côté, une formation de niveau qui construit le proffessionnalisme comme la sensibilité et les réflexes éthiques et
déontologiques, est le seul repère sûr pour décider de l’éligibilité
d’un candidat au métier de journalisme. Ce qui rejoint, dans nottre cas au Maroc, la notion de «ticket d’entrée» : le requis d’une
formation en journalisme est le premier critère pour pouvoir
accéder à ce métier de manière légale et reconnue par la profess21 - Lors des 42ème Assises de la presse francophone tenues à Rabat, en Juin 2010, sous le
thème de « La responsabilité politique et sociétale des médias », l'ex Patron du journal « Le
Monde », Jean Marie Colombani, rapportait que de son temps, comme membre de la rédaction
de ce journal, une faute de français coûtait un avertissement et trois fautes pouvaient exposer
même au licenciement, alors que maintenant, disait-il devant ces assises, «vous ne pouvez
plus prévoir de telles sanctions, car vous risqueriez d’affronter une forte opposition syndicale,
solidaire avec le fautif concerné »…
contextualisation politique et référentiel
65
sion. Sur ce point, il y a eu une quasi-unanimité des points de
vue exprimés lors de notre Dialogue national.
On comprend aisément qu’en conséquence, un appel pressant
a été fait pour que les pouvoirs publics élaborent une stratégie
nationale de formation et de perfectionnement dans ce domainne, en collaboration avec le monde des médias et avec l’appui et
l’implication du monde de l’enseignement et de l’université et
celui de la formation professionnelle, sans oublier l’acteur clé :
l’entreprise média elle-même. Avec cette remarque que l’impérratif de la formation ne doit pas concerner uniquement les proffessionnels de contenus (journalistes, producteurs, techniciens,
créatifs…) mais aussi l’entrepreneur-média et les personnels
d’encadrement de l’acte médiatique : administrateurs, gestionnnaires, etc. Là on rejoint les objectifs de la mise à niveau globale
de l’entreprise média, tout particulièrement sur le chapitre des
ressources humaines.
L’importance d’une stratégie nationale de formation qui soit
tracée et portée de manière volontariste par l’État, égale l’impportance de l’aide de l’État pour la mise à niveau, tous azimuts,
de l’entreprise média. Car l’État, veillant à la satisfaction des bessoins de la société, doit s’intéresser, bien évidemment, à la quallité du produit journalistique offert aux citoyens. «Éduquer et
élever le goût du public» est une mission cardinale des médias,
comme le soulignait plusieurs fois une parlementaire, membre
de l’Instance du Dialogue national. Une réflexion qui confirme
une autre convergence dans les points de vue : les «médias sont,
in fine, un bien public». C’est-à-dire qu’ils influent sur l’intérêt
général de la société et participent, à leur manière, à sa constituttion, sa défense, sa promotion, son développement pour le bien
de tous les membres de leur société faite, en grande partie, de
publics médias. Il est donc logique que la question de la formmation des journalistes, qui peut garantir fondamentalement
le professionnalisme (avec son éthique), soit approchée par la
société, par l’État, comme une question relevant de l’intérêt génnéral.
66
dialogue national - media et societe
L’intérêt général ou «intérêt public» est un concept référentiel
qui a été, d’ailleurs, le cinquième point de convergence dans ce
Dialogue national. Invoqué d’abord pour admettre l’idée que les
médias font œuvre utile à l’intérêt général et doivent donc être
considérés comme un «bien public»… Mais ce concept universsel a été invoqué aussi pour définir de façon plus précise, plus
moderne et surtout plus conforme aux normes de la démocratie,
ce grand pan du champ médiatique national que constituent les
médias dits de «service public».
Comme on peut l’imaginer, les débats de ce Dialogue se sont
longuement attardés sur le «pôle public» de l’audiovisuel pour
lequel la nécessité de mieux définir la notion de «service public»
est devenue on ne peut plus impérative suite à la libéralisation
du secteur et à la concurrence privée qui, par ricochet, met ce
pôle dans une posture d’interrogation sans précédent, sur sa voccation, sa mission, ses marges de différenciation, etc.
Partant bien entendu du lourd héritage de monopole d’État,
avec ses longues traditions, ses subtiles pesanteurs et ses plis
bien profonds des pratiques et réflexes, le débat national a permmis de rejoindre, par la réflexion, y compris avec les premiers
décideurs de ce paysage audiovisuel marocain (PAM), les princcipes et définitions les plus actuelles recommandées internationnalement tant par les agences onusiennes comme l’Unesco que
par des ONG qui font autorité comme Article 19 ou le Conseil
mondial de la radio et télévision (CMRTV).
Avec l’éclairage d’experts internationaux et de nombre de documments de référence, en plus d’un large benchmarking (allant du
Canada à l’Afrique du Sud et du Royaume Uni à l’Australie et le
Japon), l’Instance en charge du Dialogue national a pu circonsccrire les standards et modèles les plus élevés du «PSB» («Public
Service of Broadcasting») et en définir le mandat minima et les
attributs et caractéristiques les moins perméables à quelconque
exception de contexte ou spécificité politique ou culturelle. En
vérité, tout revient dans cet effort de clarification du concept
«service public» au large référentiel des droits de l’Homme et
contextualisation politique et référentiel
67
les valeurs que ces droits renferment ou supportent. Ces droits
et valeurs se traduisent pour le média de service public en termmes professionnels essentiellement en : Pluralisme; Indépenddance; Diversité/équité; Innovation/qualité.
Ces quatre directives de valeurs configurent le type de gouvernnance auquel un média dit de service public doit se conformer
dans un régime démocratique où nulle confusion ne doit être
faite entre l’État et ce type de média, nulle collusion ne doit être
permise entre de tels médias et quelconque centre de pouvoir,
étatique ou autre (partisan, économique, religieux…). Des méddias qui donc doivent servir «l’intérêt général» de la société, la
totalité de la société avec ses différentes composantes et ses divvers publics-médias.
L’une des définitions les plus complètes et les plus pertinentes,
souvent citée en référence lors de ce Dialogue national, est celle
proposée par le CMRTV22 :
« Ni commerciale, ni étatique, la radiodiffusion publique (raddio et télévision) puise sa raison d’être dans le seul accomplissn
sement du service public. C’est la radiodiffusion du public: elle
s’adresse à chacun à titre de citoyenne. Elle encourage l’accès
et la participation à la vie publique. Elle développe les connaissn
sances, élargit les horizons et permet à chacun de mieux se
comprendre en comprenant le monde et les autres ».
Cette définition (reprise par la « Déclaration de Rabat » de mai
2000, elle-même consignée par l’Unesco au même titre que la
Déclaration de Windhoek de 1991 sur la presse écrite), donne
toute la mesure de la mission qui incombe à l’audiovisuel de
« service public ». Ce qui, on s’en doute, va induire une grande
22 - Le Conseil Mondial de la Radio Télévision (WRTVC/CMRTV), fondé en 1997, avec l’appui
de l’Unesco, par Pierre Juneau, ex Président de Radio Canada (CBC), puis Président de l’autorité
canadienne de régulation de l’audiovisuel (CRTC), organisa en Mai 2000, conjointement avec
le gouvernement marocain, l’Unesco et la Chaire Unesco/Orbicom en communication, une
conférence internationale sur « Les défis à la radiotélévision de service public en Afrique ».
Conférence qui fût sanctionnée par la « Déclaration de Rabat » définissant le mandat et les
standards (démocratiques et de qualité) d’un service public audiovisuel, comme la « Déclaration
de Windhoek » définissait en 1991, sous la férule de l’Unesco, les principes et standards pour
une presse écrite libre, pluraliste et de qualité.
68
dialogue national - media et societe
responsabilité pour l’État dans le sens d’appuyer et d’outiller ces
services de gros moyens qu’un tel mandat exige, mais sans ingérrence ou tutelle quant à la ligne éditoriale et aux contenus. Difficcile équilibre que pourtant de grandes démocraties réussissent,
à quelques exceptions près. En tout cas, le Maroc, pays ayant
fait le choix de renoncer au monopole d’État, se doit de viser un
tel standard, de s’y conformer du maximum qu’il peut.
Mais cette définition, de l’avis de nombre de spécialistes comme
de l’avis de la majorité des participants à notre Dialogue nationnal, peut s’étendre à tous les types de médias. Dans le sens où,
avec le postulat admis selon lequel les « médias sont un bien
public », nombre de contenus et de prestations de médias privés
(écrits, audiovisuels ou cybernétiques), sans parler bien évidemmment de l’agence nationale de presse (MAP), dans notre cas, rellèvent forcément de l’intérêt général ou ont un impact sur lui.
Nombre de pays, plus proches ou comparables du Maroc, commme l’Afrique du Sud, le Bénin ou le Pakistan par exemple, atttribuent, notamment par le biais des autorités de régulation de
l’AV, une ou des missions de « service public » aux médias privvés, c’est-à-dire que ces médias sont qualifiés, pour certains de
leurs contenus et du fait de certaines obligations juridiques ou
déontologiques, d’acteurs ayant un impact sur l’«intérêt générral», et donc ayant des obligations à son endroit au niveau de
leur offre de contenus, voire même dans leur gouvernance en
interne.
Ce concept-phare d’ « intérêt général » ou « intérêt public » devvient un concept de référence majeur quand on aborde la polittique publique d’aide de l’État à la presse. Aide qui a toujours
existé au Maroc, depuis la promulgation du 1er code de la presse
sous l’indépendance, le Dahir du 15 Novembre 1958 (dégrèvemments et ristournes au plan fiscal, octroi d’annonces légales, tarrification douanière ou fiscale spécialement soutenue par l’État
pour le papier, les télécommunications, les consommables, la
distribution ; abattement fiscal sur les salaires des journalistes
etc.)…
contextualisation politique et référentiel
69
Ces aides de l’État ont connu une évolution, avec l’octroi, au millieu des années 80, d’une aide royale annuelle au profit des
partis pour soutenir leurs journaux, puis, dans les années 90,
par l’institutionnalisation et l’inscription dans la loi de finances
d’une aide annuelle directe à la presse, davantage généralisée à
la presse nationale, et enfin, dans les années 2000, par une aide
directe encadrée par un « Contrat programme » signé entre le
gouvernement et les éditeurs (la FMEJ) et qui a profité en 2010
à plus d’une soixantaine de titres, selon les responsables du minnistère de la communication et de la FMEJ.
Le choix de l’aide publique à la presse écrite (parallèlement à
l’audiovisuel de service public qui a connu lui aussi une évoluttion promotionnelle de l’appui financier de l’État et de sa gesttion avec la création de la SNRT en 2005) est donc une tradition
au Maroc qui ne déroge pas, sur ce registre, du modèle originel
qui a inspiré, même avant l’indépendance, sa démarche en la
matière, à savoir le modèle français (dont la loi sur la presse de
1881 a été la dominante source d’inspiration pour le code marrocain de 1958, lui-même maintenu dans sa grande substance
dans le texte réformé de 2002).
S’il n’y a pas lieu de remonter aux origines politiques et même
philosophiques de ce choix de l’aide publique à la presse (offficielle, privée, partisane), choix quasi absent dans le modèle
anglo-saxon (à quelques «crédits d’impôts» et tarifications spécciales près – des soutiens indirects exclusivement -), il est impportant d’en discuter la motivation, la légitimité et les objectifs
dans le cas du Maroc actuel et de ses futurs lendemains.
Comme il a été admis et longuement argumenté par la majorité
des acteurs institutionnels et civils dans ce débat national, que
la juste appréhension de la place et du rôle des médias dans la
société marocaine doit consister à les qualifier de «bien public»,
c’est-à-dire, dépositaires, à un degré ou à un autre, selon les cas
et leur nature de statut et de régime, d’une mission de «service
public»… À l’enseigne, bien entendu de diverses activités proffitables pour l’intérêt général de la société : éducation, sensibil-
70
dialogue national - media et societe
lisation, divertissement, enrichissement culturel – individuel
et collectif - enrichissement par la connaissance, promotion du
goût pour et par les arts, production de valeurs et de symboliqque pour le comportement individuel comme pour l’imaginaire
collectif, œuvre de cohésion sociale, d’ouverture sur le monde,
promotion de la culture des droits de l’Homme, protection et
défense des droits des minorités et des groupes aux besoins spéccifiques, culture de paix et de tolérance, culture de citoyenneté,
arrimage au monde moderne des technologies de la communiccation et de la société du savoir et de l’information…
Autant de champs de contributions pour les médias qui en font
un intervenant influent, voire crucial, dans la sphère de l’intérêt
général pour l’individu comme pour la communauté nationale.
Aussi est-il normal que la société – dans la logique d’un régime
démocratique solidaire et inclusif- assiste et aide cet acteur au
mieux de l’accomplissement de sa contribution à l’intérêt de
tous. L’«intérêt de tous» qui, certes, doit être, au préalable, bien
défini par rapport à l’objectif –les objectifs- du «vivre ensembble» et du «progresser ensemble» dans la cohésion, la paix et la
prospérité, idéal triptyque de la démocratie.
À partir de la définition de ce référentiel – ce que nous avons
longuement décrit jusque-là dans cette section grâce au corppus accumulé lors des auditions et débats du dialogue- l’on doit
choisir quelle démarche adopter pour aborder la nécessaire aide
publique à la presse.
À ce jour, depuis la lettre royale de 1987 jusqu’au dernier contrat
programme (qui devait être renouvelé fin 2010), l’aide de l’État
à la presse a été conçue et gérée selon une démarche de subventtion, d’aide au sens premier du terme.
Dans le «livre vert» présenté au président français et à son gouvvernement en janvier 2009, les auteurs de ces «états généraux
de la presse française» ont proposé un changement de démarcche, traditionnelle dans le modèle français qui a largement insppiré notre expérience au Maroc en la matière. D’une démarche
contextualisation politique et référentiel
71
de subvention, ils ont en effet recommandé à l’État français de
passer à une démarche d’«aide investissement». La différence
est importante : on n’aidera plus la presse juste pour alléger ses
dépenses ou la soutenir pour traverser une conjoncture difficile
ou encore juste pour le principe, mais on l’aidera pour atteinddre des objectifs préalablement convenus avec l’État. Non pas
des objectifs dictés par l’État, mais des objectifs identifiés, par la
consultation et le dialogue justement, à partir des attentes et bessoins exprimés par la société ou indéniablement intrinsèques au
projet de société que la communauté des citoyennes et citoyens
du pays souhaite et soutient, avec ses ambitions et ses valeurs
de démocratie en l’occurrence. Ces objectifs devront également
être identifiés quand ils convergent avec des objectifs propres au
monde des médias comme les objectifs de la modernisation des
infrastructures et des technologies, du développement et de la
diversification des contenus, de l’augmentation numérique des
publics et progression de leur fidélisation. Sans oublier des objjectifs purement économiques en termes de rendements et proffits, d’investissement, d’expansion de marché, de rayonnement
économique plus large que le champ national (objectif central
pour le « livre vert » français préoccupé par la place des groupes
de presse français dans le grand espace, fort concurrentiel, de
l’Europe qui menace le « label » français par les stratégies de
concentration et de mondialisation des géants européens –allemmands, anglais- et mondiaux )...
Lier l’aide publique à des objectifs est une démarche déjà préssente dans le contrat programme de 2005. Mais les objectifs
retenus, sous l’impératif conjoncturel de l’époque sans doute,
se limitaient au besoin, fort important, de mettre à niveau l’enttreprise média par rapport aux obligations légales de base :
transparence des chiffres de tirage et de distribution (OJD), réggularisation de la situation légale du statut et des droits des
journalistes, régularisation – progressive- de la situation de
l’entreprise vis-à-vis de ses obligations fiscales et sociales (imppôts, CNSS)… Or maintenant, il s’agit d’aller de l’avant dans ce
«lien contractuel» entre les médias et la société (laquelle société
72
dialogue national - media et societe
est représentée par l’État interpellé, dans le cas d’espèce, par
le Parlement et les professionnels du secteur, animateurs de ce
Dialogue national). Aller de l’avant dans le sens d’une mutuelle
responsabilisation : responsabilisation de l’État et responsabilissation des médias, des entrepreneurs médias.
Pour ce qui concerne l’État, l’évocation de cette question de l’aide
à la presse – aux médias en général, dans toutes leurs diversités
technologiques- renvoie à une question plus large : l’État a-t-il
une politique visant le champ communicationnel dans sa globbalité, avec des choix stratégiques, des stratégies d’action, des
planifications et des échéanciers de mise en œuvre?
Aussi bien durant nos auditions au Parlement, que durant nos
débats et ateliers publics, qu’au vu des mémoires envoyés à la
coordination générale du Dialogue par les partis politiques,
qu’au travers du volumineux « Press Book » amassé par ce Diallogue, ce questionnement majeur a été évoqué avec insistance
et moult argumentaires. Tant l’évolution positive indéniable du
champ des libertés, liberté d’expression en tête, que l’explosion
du kiosque en titres (523 titres nationaux recensés en Novembbre 2010) que la libéralisation du secteur audiovisuel, impossent, aujourd’hui plus que par le passé, la définition d’un cap
pour l’État, d’une politique publique incorporant des objectifs à
court, moyen et long terme.
La définition d’une politique ouvertement et publiquement asssumée par l’État permettrait d’abord la continuité et la cohérrence, et donc ferait éviter aux pouvoirs publics l’hésitation, les
mesures improvisées, les renoncements ou reniements, les malladresses et les malentendus, la confusion, la non coordination
entre ses actions et ses différents intervenants (ministères, autorrités locales…)… Une politique annoncée, confortée par un vote
positif au Parlement, relayée en toute transparence et avec disccours vrai, par une stratégie de communication et d’explication
à l’adresse des citoyens et de leurs cadres sociaux et civils (parttis, syndicats –du secteur notamment- ONGs et associations…),
profiterait, en plus, grandement, et à l’État et aux médias, à la
contextualisation politique et référentiel
73
société in fine. Bien entendu, une telle politique doit forcément
être ancrée, au niveau des principes et des orientations stratégiqques ou choix de société, aux :
• Droits humains et valeurs universelles admises par la
communauté internationale, dont la liberté d’expression
et le droit d’accès à l’information et aux sources
• Fondamentaux du «contrat social» de la société maroccaine, inscrits, pour l’essentiel, dans la Constitution du
pays, stipulés explicitement
• Ambitions légitimes de développement et de modernissation du monde des médias, à l’enseigne d’une réelle
participation à l’émergence et à la construction effective
d’une société du savoir et de l’information au Maroc
• Besoins et ambitions de l’individu marocain et de la socciété marocaine à l’enseigne du progrès, de la prospérité,
de l’équité, de la cohésion, de la dignité et de la participattion à l’œuvre universelle de l’homme en tant que peuple
et culture ayant un génie propre et une identité contributtive à la diversité des peuples et des cultures, dimension
d’apport civilisationnel.
Avec donc de telles références, l’aide de l’État aux médias doit
non seulement être vue à la hausse, au niveau des multiples objjectifs inscrits dans la perspective d’une «société de l’informattion» démocratique, moderne et inclusive, mais doit être repenssée de fond en comble pour changer de nature et d’approches
en tant qu’investissements liés à des résultats attendus, à des
objectifs intermédiaires et sectoriels à atteindre, à des planificattions dans le temps, intervenant parfois sur des termes limités
(comme des moratoires réglementaires ou amnisties fiscales,
par exemple), d’autres fois sur des activités ponctuelles ou transsitoires (comme dans le cas de la mutation technologique d’une
entreprise média ou de l’installation des fondements d’un systtème, comme celui d’un système informatique ou celui de la disttribution de la presse par un réseau modélisé de kiosques…).
74
dialogue national - media et societe
On comprend bien qu’à ce niveau, on devra avoir recours largemment à la technique du «cahier de charges» déjà introduite par
l’État dans le secteur de l’audiovisuel qui, d’ailleurs, est en attentte, et spécifiquement, d’une profonde réforme de l’aide publique
qui le concerne et qui est encore bien en deçà de ses besoins et
de sa large et véritable mission sociétale d’intérêt public.
On comprend bien aussi que cette pratique du «cahier de chargges» renforcera les deux leviers de la démocratisation du champ
des médias au profit, in fine, de la démocratie : la régulation et
l’autorégulation. La régulation législative (par la loi) et instituttionnelle (par des autorités institutionnelles comme la HACA)
délimite le périmètre extrême, avec les zones d’exceptions légalles, du champ d’exercice de la liberté d’expression, permettant à
l’autorégulation de chercher l’optimisation de cet exercice sans
que l’exerçant (média, journaliste, citoyen communicateur) et le
récepteur/bénéficiaire (public média, citoyen) en soient frustrés
ou exposés à l’intervention restrictive de la loi. Autrement dit,
la dynamique qui doit s’installer entre la régulation (dont l’aide
de l’État aux médias est un des mécanismes, peut-être des plus
efficients) et l’autorégulation (qui, en démocratie avancée est
le plus souvent le fait –indépendant- des professionnels, c’està-dire, des concernés eux-mêmes du monde des médias) est le
moteur même de la démocratisation du champ médiatique. Dynnamique ou moteur qui fournit substantiellement de l’énergie à
la démocratie dans son ensemble, confirmant ainsi les médias
dans leur rôle d’«animateurs de la vie démocratique».
Tout compte fait, le cadrage politique et de référentiel, partant
du référentiel universel des droits de la personne, dont la libberté d’expression, aboutit, au plan pratique de mise en œuvre
de cette liberté dans le champ communicationnel (au profit des
médias comme des citoyens devenus «net-citoyens » grâce à
l’Internet et aux TIC) à la nécessité de parier fondamentalement
sur ces deux leviers : la régulation et l’autorégulation, et sur une
intelligente, souple et moderne dynamique ou synergie entre les
deux.
contextualisation politique et référentiel
75
Finalement, la faiblesse, quand ce n’est pas carrément l’absence
de ces deux leviers et de leur interaction, explique l’état actuel du
champ médiatique marocain dont le diagnostic présente nombbre de dysfonctionnements et de vides ou absences de mécanismmes indispensables à son amélioration, à son développement,
à sa modernisation, à l’aune de standards universellement reccommandés dès lors qu’on a fait, au plan politique suprême, le
choix de la démocratie. Ainsi en est-il de l’absence d’autorégullation dans le secteur spécifique de la presse écrite, ce qui a été
un déficit souligné par la quasi-totalité des intervenants dans
ce Dialogue national pour appeler à l’installation d’une instance
de régulation chargée de veiller au respect de l’éthique et de la
déontologie, universellement recommandées pour la pratique
dans ce secteur.
76
dialogue national - media et societe
diagnostic global et analyse sectorielle
Diagnostic global
et analyse sectorielle
77
78
dialogue national - media et societe
diagnostic global et analyse sectorielle
79
Presque la quasi-totalité des analyses qui s’affichent ces dernnières années à propos de la situation de notre champ médiattique, sont mues finalement par cette recherche d’une synergie
agissante, ordonnée et sereine, entre ces deux leviers, comme
partout dans les démocraties : la régulation par la loi, portée
par une justice au dessus de tout soupçon quant à son indépenddance, et l’autorégulation de par les tables de l’éthique et de la
déontologie portées par des professionnels et des médias souccieux de préserver et de défendre le prestige et l’honneur de leur
profession. Le but étant d’arriver à rendre naturelle et ordinaire,
au quotidien, une dynamique entre ces deux leviers. Dynamique
qui s’inscrirait, sans gros grincements ou graves accrocs, dans le
mouvement général du projet sociétal d’une démocratie dynamiqque au présent, gérant sereinement et normalement des conflits
maîtrisables –inévitables en démocratie- entre les pouvoirs, les
institutions et les acteurs… Une démocratie ouverte sur le futur,
tirant de cette « vivacité conflictuelle » (mystère de la démocrattie, nous disent les philosophes) sa capacité de s’adapter toujjours dans sa marche vers le perfectible, vers le futur. Un futur,
en l’occurrence, d’une société inclusive, tolérante et moderne,
une société d’État de droit et d’équité, dans un monde diversifié,
ouvert à tous, mais au prix d’une compétition féroce qui ne proffitera, in fine, qu’aux peuples qui ont une foi solide en ce but et
qui se donnent les véritables moyens pour l’atteindre.
Nul doute que ce but pour l’avenir de notre champ médiatique
(peut-on viser un autre, différent?!) est bel et bien présent dans
l’esprit de tous ceux, d’un bord comme d’un autre, qui ont un
ressentiment pour la situation actuelle de ce champ si crucial
pour le devenir du Maroc, pour son projet de démocratie et de
développement, comme pour sa place dans le concert des nattions (à commencer par ses relations avec ses voisins et compéttiteurs immédiats du Nord et de l’Est). Si ce ressentiment peut
trouver, pour s’exprimer, des raisons –ou de solides prétextesdans la chronique quotidienne des prestations de nos médias et
80
dialogue national - media et societe
journalistes, de nos politiques et juges, il aurait le tort de nous
engluer par-là dans l’immobilisme, voire la régression ou la démmission, que nourrit l’émotion, avec ses emphases et ses défiancces, ses slogans démagogiques et ses ataviques préjugés. Alors
que l’heure est pour nous de nous engager sur le difficile chemin
de l’étude et de l’effort, du raisonnement serein et de la planificcation d’action bien décidée, sans nulle place pour l’affect.
Le recours –volontariste comme il en a été dans ce Dialogue
– au raisonnement, à la raison, doit nous amener à dégager un
diagnostic opératoire pour la réflexion et l’action qu’un seul mot
peut résumer : décalages.
Des décalages multiples et multiformes entre la société maroccaine, dans sa globalité, et ses médias :
ØDécalages entre la demande qu’on peut raisonnablement
supposer dans un pays de 32 millions d’habitants (aux
2/3 des jeunes), de près de six millions de ménages, urbbanisés à plus de 50%, et la consommation réelle des méddias et de leurs produits;
ØDécalages entre, d’un côté, la demande réelle, la demandde potentielle et des attentes exprimées ou frustrations
et, de l’autre côté, l’offre réelle, tous médias confondus;
ØDécalages entre le rythme d’ouverture, de libéralisme
et de démocratisation de nombre de champs d’activités
du pays et le rythme, en dents de scie et bien tendu, que
connait encore son champ médiatique;
ØDécalages entre les potentialités réelles présentes et futtures du champ médiatique en termes économiques et
d’emplois et ses actuelles et prévisibles performances,
fort limitées encore, sur ces deux registres;
ØDécalages, d’une part, entre les textes et codifications
morales et éthiques encadrant l’exercice de la liberté
d’expression en général et la liberté de la presse en partic-
diagnostic global et analyse sectorielle
81
culier, et, d’autre part, les pratiques et produits des méddias, des journalistes et des « Net citoyens »;
ØDécalages entre les postures, attentes et objectifs des pollitiques, d’une part, et ceux des journalistes et des méddias, d’autre part;
ØDécalages entre, d’un côté, les intentions et les réactions
de l’État et, d’un autre côté, celles des médias et des journnalistes, tout particulièrement à l’occasion de quelconqque accroc, malentendu ou conflit entre les deux parties;
ØDécalages entre, d’une part, les rendus de justice des tribbunaux, avec leurs graves conséquences sur le champ et
l’avenir de la liberté d’expression et, d’autre part, la natture des délits de presse jugés;
ØDécalages entre les valeurs humaines, démocratiques
et éthiques défendues par la majorité des médias et les
pratiques réelles de ces derniers tant dans leurs contenus
que dans leur gouvernance en interne et dans leur propre
champ professionnel et socio-économique;
ØDécalages entre, d’un côté, la relative longue histoire du
journalisme marocain, ses nombreuses luttes syndicales
et politiques, ses nombreuses tribunes et ses effectifs asssez nombreux et, de l’autre côté, son taux de syndicalissation et son degré de cohésion et d’union en tant que
corps de métier et en tant que corporation, capable de se
présenter et de s’imposer comme interlocuteur des insttitutions de l’État et qui soit cohérent dans ses postures
face à la société, aux pouvoirs publics et à tout autre visà-vis dans le champ.
Cette diversité de décalages constituant l’essentiel de la réalité de
notre champ médiatique menace, en fait, de conduire le Maroc à
un fossé monstre avec ceux des pays, de mêmes choix de régime
libéral et de mêmes potentialités et ambitions, qui ont déjà mis
le pied à l’étrier de la société de demain : une société moderne et
démocratique, une société inclusive, d’information et de savoir.
82
dialogue national - media et societe
Il suffit juste d’un examen d’ordre monographique, sans anallyse de type quantitatif ou qualitatif, pour voir une telle menace
se profiler à l’horizon. Menace, à terme, de sous-développement
en le domaine, de sous démocratisation, de sous information et
d’inculture de la société…Un retard civilisationnel en somme,
en ce 21ème siècle, siècle des médias et des savoirs numériques et
cybernétiques auxquels n’accèderont que les peuples qui prennnent une part active à leurs apports théoriques et pratiques, à
leurs créations et innovations techniques et technologiques.
Autrement dit, le simple rappel de certaines données chiffrées
et de certaines réalités saillantes et indéniables caractérisant ce
champ, suffirait à nous édifier sur l’existant et sur les défis à
souligner en relation avec une telle menace potentielle.
Choisissons donc, à titre de diagnostic synthétique, de survoller un certain nombre de données, secteur par secteur. Mais en
nous arrêtant juste sur la finalité de chaque secteur, c’est-à-dire
son seuil de pénétration dans la société marocaine, notre réfflexion ayant privilégié, dès le départ, l’examen de la relation
entre la société marocaine et ses médias.
diagnostic global et analyse sectorielle
83
SECTEUR DE LA PRESSE ECRITE
En termes de données, ce secteur présente une réalité dominnante de décalage on ne peut plus criarde et sur laquelle butent
toutes les analyses depuis près d’une décennie au moins : un
lectorat quasi insignifiant, représentant à peine 1% des 32 milllions d’habitants, jeunes en majorité, et qui, à l’horizon 2030,
nous prédit le Haut Commissariat au Plan, seront 38 millions
dont 24,4 millions (63%) seront urbanisés. Qui plus est, cet insiggnifiant lectorat, au plan quantitatif, est concentré sur l’axe Cassablanca-Rabat qui regroupe à lui seul environ 60% des lecteurs
francophones et autour de 50% des arabophones, ce dualisme
linguistique étant un décalage structurel du lectorat national,
sinon une « spécifique » anomalie, comparativement à ce qu’il
en est dans nombre de pays démocratiques.
Ainsi, sur les 300.000 à 350.000 lecteurs journaliers (moyenne
des quotidiens et des hebdomadaires du kiosque national, les
deux langues confondues), ce sont plus de 150.000 – 50% – qui
se trouvent dans deux villes qui ne représentent que 15% de la
population globale. Autant dire que la lecture de la presse et son
commerce relèvent encore de la marginalité dans le Maroc du
21ème siècle!
En élargissant le rayon de cet axe à ses environs, ville de Kenitra
comprise (soit un rayon de 150 kilomètres au plus), on constate
que sur les 300.000 lecteurs quotidiens, 150 à 170.000 habitent
Casablanca, Rabat et leurs régions, ce qui laisse environ 130 à
150.000 personnes qui se répartissent sur l’ensemble du territtoire national, grandes et moyennes villes comprises (Tanger,
Tétouan, Fès, Meknès, Marrakech, Oujda, Agadir…).
Autrement dit, 50 à 60% des ventes du kiosque national sont
écoulés sur l’axe Casablanca/Kenitra. Alors que le lectorat dans
le monde rural ou dans les villes de moins de 50.000 habitants,
est extrêmement faible et est constitué, dans son écrasante majjorité, de personnes étrangères à la région examinée (souvent
des fonctionnaires affectés dans ces régions depuis l’axe centtral de la presse, Casa/Rabat ou depuis de grandes villes).23Sans
23 - Des indications importantes que nous ont apportées, avec recoupements clairs, quatre
études réalisées par des chercheurs associés au Dialogue national. Il s’agit de deux études sur
l’économie de l’information au Maroc et sur le modèle de l’entreprise média, et deux études,
quantitative et qualitative, sur « les jeunes et les médias » (usages et attentes ou CAP).
84
dialogue national - media et societe
oublier un autre indicateur significatif de cette marginalité : sellon les titres, le taux d’invendus (« bouillon ») peut varier entre
40% et 90% du volume distribué!24
Au regard des titres écoulés dans le Maroc hors Casa/Rabat et
les habitudes de lecture déclarées, ces 150.000 lecteurs sont peu
intéressés par l’information écrite généraliste et/ou nationale. Ils
sont urbains mais avec des dépenses en «enseignement, culture
et loisirs» de moins de 5%. En somme l’avenir de la presse écrite
en général et celui de la presse nationale généraliste d’informattion n’est pas pour le moment entre les mains des Marocains
vivant en dehors des 100 kms de l’axe des deux grandes capittales du littoral atlantique! Alors que ces deux agglomérations
concentrent la quasi-totalité des équipements, des entreprises
et des professionnels que compte le pays depuis toujours dans
ce champ d’activités économiques et culturelles.25
Comparatif du lectorat de la région Rabat/Casablanca
et Reste du Maroc (estimations)
Régions
Population
Lectorat
Pourcentage
Rabat/Casablanca
5.000.000
150.000
3%
Reste du Maroc
27.000.000
150.000
0,56%
Source Sapress
Le lectorat connaît un tassement depuis 2007, après la forte
poussée des 5 années précédentes, comme l’indique le tableau
ci-dessous :
24 - Le pourcentage d’invendus conventionnellement admis dans la profession pour témoigner
d’une adéquation conséquente entre l’offre et la demande est de 30%, plus ce taux augmente,
plus la publication glisse vers la marginalité et plus l’entreprise éditrice devient fragile et
menacée, à terme, de faillite économique.
25 - Durant la lutte pour l’indépendance cet axe de presse vivait une forte concurrence avec
l’axe originel de l’introduction de la presse au Maroc, l’axe Tanger/Tétouan. Tétouan qui, au
moment de l’indépendance, comptait près de 80 imprimeries de travaux de ville et d’impression
de périodiques et qui fournit aux grandes imprimeries de Casablanca et de Rabat nombre
d’ouvriers du livre et de cadres d’imprimerie durant les années 60 et 70, années de déclin de cet
axe du Nord au profit définitif et monopolistique de l’axe Casa/Rabat.
diagnostic global et analyse sectorielle
85
Source OJD Maroc
86
dialogue national - media et societe
Ce tassement semble glisser en 2010 vers un mouvement de
baisse substantiel, comme en témoigne le tableau ci-dessous qui
présente une comparaison des ventes de 19 quotidiens sur les
mois d’octobre et de Novembre 2010 :
Quotidiens
arabophones
Octobre 2010
Novembre 2010
Écart nombre
de copies
Assabah
71 042
68 271
Moins 2 771
Al Ahdath
15 046
15 530
Plus 484
Akhbar Al Youm
9 396
9 677
Plus 281
Al Ittihad
5 840
6 062
Plus 222
Annahar
2 800
2 789
Moins 82
Assahra
1 174
1 249
Plus 75
Bayane AlYoum
690
725
Plus 35
Rissalat Alouma
525
601
Plus 76
Al Mounataf
306
336
Plus 30
Al Haraka
236
244
Plus 8
Le Matin
17 144
16 326
Moins 818
L’Économiste
15 422
14 681
Moins 741
L’Opinion
10 906
10 164
Moins 742
Le Soir
3 062
2 960
Moins 102
Aujourd’hui le Maroc 2 816
2 779
Moins 37
Libération
1 462
1 456
Moins 6
Al Bayane
1 265
1 223
Moins 42
Les Échos
1 228
1 215
Moins 13
Total Général
162 596
158 606
Moins 3 990
Quotidiens
francophones
Source Sapress
87
diagnostic global et analyse sectorielle
La tendance donc est vers une lente baisse, totalement avérée
pour les publications francophones et assez présente dans le cas
des quotidiens arabophones dont les écarts positifs de vente déppassant les 6% sont à ce point minimes, car n’intervenant que
sur des volumes de vente totale presque « confidentiels » (300
à 500 copies)…Alors que les écarts négatifs touchent, dans des
pourcentages de 4% à 7% des volumes de vente globale allant de
10 000 à 15 000, à 17 000, à 71 000 exemplaires…
Sur juste un mois donc, par période forte de rentrée après la longgue saison estivale, ces 19 quotidiens ont perdu quelque 4000
lecteurs. La perte ayant été systématique pour tous les titres
francophones et bien substantielle dans le cas des arabophones.
Une perte donc globale de 2% sur 160 000 lecteurs de tous ces
titres (la moitié du lectorat marocain, en fait.).
Cette illustration, comme coupe mince et aléatoire dans la réallité du lectorat de tous les jours, est bien édifiante sur la marginnalité de la presse, d’une part, en termes de pénétration dans la
société, et, d’autre part, sur la tendance lourde à la baisse à laqquelle on assiste d’ailleurs un peu partout dans le monde, dans
les sociétés à fort lectorat comme dans les pays à faible lectorrat.
Sauf que dans le cas du Maroc, cette tendance intervient dans
un contexte sociétal des moins portés sur la consommation de la
presse. L’indicateur international du nombre moyen de copies
disponibles pour 1000 habitants nous le confirme amplement :
Pays ou région
Maroc
Monde arabe
Nombre de copie
pour 1000 Habitants
13
46
France
167
USA
274
Royaume Uni
322
Allemagne
371
Finlande
594
Japon
664
88
dialogue national - media et societe
Un autre indicateur, tout aussi standard à l’échelle internationnale, concerne cette fois le volume de consommation du papier
d’imprimerie, donnant une idée sur le lectorat en général, de la
presse comme de tout imprimé :
Papier d’impression consommé
Moyenne consommation/
dans :
1000 habitants/an
Le Monde
20,3 tonnes
Les Pays industrialisés (OCDE)
95,2 tonnes
L’Afrique
1,5 tonne
Le Maroc
4 tonnes
Ces données chiffrées suffisent donc à témoigner du réel et inqquiétant décalage qui va en s’élargissant entre la presse écrite
et le public, alors que l’examen plus qualitatif des modes de
consommation de cette presse, notamment chez les jeunes (majjoritaires au pays), illustre davantage et autrement plus fort cettte grande fracture.
Une offre qui –autre décalage- propose aux Marocains un kiosqque de plus de 520 titres nationaux (dont 22 quotidiens et près
de 100 hebdomadaires), sans parler de plus de 1000 titres étranggers que dominent largement les titres débarquant de France
dans nos kiosques.
Le phénomène de la sous-consommation de la presse écrite est
plus qu’inquiétant pour son avenir comme pour l’avenir de la
société quand on s’intéresse aux jeunes, majoritaires dans le
pays et cible première à fidéliser pour que l’habitude de lecture
de presse s’enracine dans la société de demain… Sur un échanttillon de 900 jeunes, des deux sexes, répartis sur l’ensemble du
territoire national, dans les zones urbaines comme dans les zonnes rurales, la fracture entre la presse écrite et cette cible semble
gravissime…
89
diagnostic global et analyse sectorielle
Répartition des jeunes selon leur fréquence
de lecture de la presse
Réponses
Fréquence/lecture presse
Fréquences
%
Oui, régulièrement
21
2,3
Oui, parfois
351
39,0
Non
286
31,8
Rarement
111
12,3
NC
131
14,6
Total
900
100,0
Répartition des jeunes selon les journaux
et les revues qu’ils achètent
Oui
Achat /journaux et revues
Types/journaux et revues
Non
Fréquences
%
Fréquences
%
Journaux marocains
360
40,0
540
60,0
Revues marocaines
204
22,7
696
77,3
Journaux étrangers
58
6,4
842
93,6
Revues étrangères
97
10,8
803
89,2
Dans l’ensemble, les jeunes sont nettement plus nombreux à
acheter des journaux et des revues marocains que ceux provennant de l’étranger. Mais la proportion de 40% des jeunes qui
achètent des journaux marocains correspond, presque de mannière égale, à celle des jeunes qui lisent régulièrement ou irréggulièrement la presse, sans oublier de souligner trois chiffres
éloquents : seulement 2,3% la lisent régulièrement, alors que
près de 32% déclarent franchement qu’ils ne la lisent jamais et
que près de 15% se déclarent totalement non concernés par ce
produit !
90
dialogue national - media et societe
Mais il nous faut reconnaître que cette fracture que subit la
presse – et le citoyen marocain vivant en marge de ce formidabble outil d’information et de culture, comme d’insertion socioppolitique dans la communauté nationale- est en fait plus grave
et plus profonde dans ses négatives conséquences sur la société
et son projet : c’est à la lecture tout court que les Marocains et
Marocaines – majoritairement jeunes - tournent le dos…Au
point qu’on peut parler d’une « catastrophe culturelle » comme
la qualifia un des meilleurs et constants défenseurs de la presse
dans ce pays, comme journaliste, comme éditeur, comme écrivvain, comme ex-patron du syndicat des journalistes et comme
ex-ministre de la communication et porte parole du gouvernemment de l’alternance, M. Mohamed Larbi Messari.
Tirant ainsi une sonnette d’alarme lors de la table-ronde organnisée par le dialogue national sur le thème de « la culture et les
médias », M. Messari proposa d’organiser, périodiquement, un
téléthon de promotion de la lecture pour équiper, alimenter et
multiplier des bibliothèques de proximité partout dans le pays,
estimant, à juste titre, que ce déficit est des plus graves que
confronte le futur du Maroc dans le monde de demain, le monde
de la société de l’information et du savoir.
Le phénomène de la non lecture de la presse au Maroc est une
réalité endémique qui est d’autant plus inquiétante que, d’une
part, tous les concernés semblent la vivre comme une fatalité,
comme un déficit inexorablement croissant, et que, d’autre part,
nulle hypothèse d’explication ne semble convaincante pour tout
le monde. En tout cas, la frange majoritaire dans la population
marocaine et qui est la première concernée par cette réalité,
c’est-à-dire la jeunesse, frange déterminante pour l’avenir du
pays et pour sa presse, elle exprime clairement ses raisons d’une
lecture de presse quasi insignifiante par son taux d’irrégularité
(21 répondants sur 900 interrogés des deux sexes!) :
91
diagnostic global et analyse sectorielle
Répartition des jeunes selon leurs raisons de non
lecture ou lecture rare des journaux
Non lecture/lecture rare
Raisons
Inexistence de journaux
indépendants
Désintérêt par rapport à la vie
quotidienne
Parce qu’elle priorise l’opinion sur
l’information
Manque d’objectivité dans
l’information
Désintérêt des questions
concernant les jeunes
Incapacité à acheter des journaux
Premier choix
Deuxième choix
Fréquences
%
Fréquences
%
8
0,9
8
,9
22
2,4
29
3,2
3
,3
5
,6
18
2,0
32
3,6
24
2,7
18
2,0
56
6,2
20
2,2
Autre
265
29,4
71
7,9
NC
5 03
55,9
503
55,9
1
0,1
214
23,8
900
100,0
900
100,0
Sans réponse
Total
Répartition des jeunes selon les raisons du non achat
des journaux et revues (Marocains et/ou étrangers)
Réponses
Raisons
A cause de leur négligence des vraies
préoccupations des citoyens
A cause de la cherté de leur prix
Parce qu’ils n’abordent pas les questions locales/
régionales
Du fait de l’incapacité à les acheter
Fréquences
%
38
4,2
34
3,8
35
3,9
38
4,2
21
2,3
Parce qu’ils ne sont pas objectifs
A cause de leur désintérêt des questions
concernant la jeunesse
L’audio-visuel me suffit
18
2,0
174
19,3
C’est une habitude
278
30,9
Autre
67
7,4
NC
197
21,9
Total
900
100,0
92
dialogue national - media et societe
Dans ces déclarations on relève tout d’abord que les jeunes invoqquent comme première raison de leur non lecture de la presse,
leur « incapacité à acheter des journaux ». Au niveau de l’achat,
cette question d’incapacité désigne clairement « la cherté du
prix des journaux ». Il semble donc que la question du coût,
qu’on peut évidemment invoquer en général pour la majorité
des Marocains, vu le pouvoir d’achat moyen national, constitue
une cause assez importante dans ce comportement des jeunes
de sous consommation de la presse écrite sur support papier,
en raison avant tout de leur propre pouvoir d’achat, mais aussi
en raison de leur prix jugé cher ou trop cher, de l’avis de près
de 200 jeunes interrogés sur 651 qui ont exprimé leur avis sur
cet aspect des tarifs des journaux, avec cette remarque que cette
cherté de la presse leur semble davantage handicapante dans le
cas des revues.
diagnostic global et analyse sectorielle
93
Si on sait que le tarif des journaux, imposé par l’État, est bien en
deçà de son coût réel, cette question du coût du produit presse,
renvoie en fait, du côté de la presse, à la dimension économiqque de notre presse, au modèle économique de l’entreprise de
presse marocaine, dans le sens de ses contraintes, structures,
sources de financement, dépenses etc. Mais, avant d’interroger
ce modèle, relevons, chez les jeunes, deux paramètres qui nous
aideront à aborder ce modèle dans une optique d’avenir, de réfforme et de mise à niveau avec l’appui de l’État, c’est-à-dire de la
société. Ces deux paramètres sont relatifs aux promesses d’avennir de la consommation de la presse, c’est-à-dire les attitudes
potentiellement favorables à la consommation de la presse (la
fréquence de lecture chez ceux qui lisent la presse) et les préférrences de lecture chez ceux qui lisent régulièrement ou irrégullièrement la presse.
94
dialogue national - media et societe
Répartition des jeunes selon lecture régulière
ou irrégulière des journaux
Lecture régulière ou
irrégulière des journaux
Premier choix
Deuxième choix
Fréquences
%
Fréquences
%
50
5,6
18
2,0
38
4,2
41
4,6
34
3,8
42
4,7
20
2,2
35
3,9
Quand je dispose de temps libre
66
7,3
59
6,6
Quand j’arrive à avoir accès aux
journaux
104
11,6
59
6,6
Autre
48
5,3
30
3,3
NC
528
58,7
528
58,7
12
1,3
88
9,8
900
100,0
900
100,0
Raisons
Quand un événement politique
important se produit
Quand un événement sportif
important se produit
Pour s’informer sur les actes de
crime/délinquance
Quand un événement culturel/
artistique important se produit
Sans réponse
Total
Si la non lecture des journaux est relativement due à l’incapacité
financière des jeunes à se les procurer, leur lecture dépend de la
capacité ou non d’y avoir accès. C’est le facteur qui détermine
le plus la lecture des journaux par les jeunes. La disposition de
temps libre vient au deuxième rang des raisons invoquées. Un
fait qui signifie que la lecture d’un journal demeure toujours
aléatoire dans la vie de ces jeunes. Elle ne fait pas encore parttie intégrante de leurs activités quotidiennes. D’autre part, les
jeunes lient la lecture d’un journal à la survenue d’un événemment important. Toutefois, la proportion des lecteurs est presqque égale s’agissant d’un événement politique, sportif ou divers.
Mais il est particulièrement bas quand il s’agit d’un événement
culturel ou artistique.
52
11,3
69
15,0
176
51,6
458
50,9
58
13,1
180
40,7
165
48,4
442
49,1
4–6
7 – 10
NC
Total
900
100
341
100,0
249
27,6
110
12,2
442
49,1
169
49,0
128
28,9
87
19,6
53
11,9
200
22,2
161
35,1
39
8,8
0–3
M
Total
Rubriques Sport (N+%)
préférées
Notation
M
F
458
50,9
176
51,0
154
33,6
80
17,4
43
9,3
F
Culture
(N+%)
900
100
345
100,0
282
31,3
167
18,5
96
10,6
442
49,1
168
38,0
110
24,8
103
23,3
61
13,8
M
458
50,9
177
38,6
151
32,9
91
19,8
39
8,5
F
900
100
345
38,3
261
29,0
194
21,5
100
11,1
442
49,1
167
37,7
89
20,1
77
17,4
109
24,6
M
458
50,9
175
38,2
55
12,0
92
20,0
136
29,6
F
900
100
342
38,0
144
16,0
169
18,7
245
27,2
442
49,1
167
37,7
96
21,7
102
23,0
77
17,4
M
458
50,9
175
38,2
158
34,4
72
15,7
53
11,5
F
900
100
342
38,0
254
28,2
174
19,3
130
14,4
Informations
Spectacles/
Evénements
(N+%)
divertissement
variés
(N+%)
Total
Total
Total
Total
Répartition des jeunes selon le sexe et les rubriques
de journaux qu’ils préfèrent le plus lire
diagnostic global et analyse sectorielle
95
96
dialogue national - media et societe
Si pour des rubriques telles que l’éditorial, les jeux et les articcles journalistiques personnels les réponses des jeunes se disttribuent dans l’ensemble de manière plus ou moins égale sur les
trois catégories de notation retenues, pour celles concernant les
données présentées au tableau ci-dessus les réponses des jeunnes différent notoirement d’une catégorie de notation à l’autre.
C’est ainsi que l’on note qu’à l’exception de la rubrique « Infformation » dont la lecture est la moins préférée par les jeunes
(seulement 16% des jeunes l’ont noté entre 7 et 10), pour toutes
les autres rubriques, les réponses exprimant un plus haut degré
de préférence sont plus nombreuses.
Pour ce qui est de la comparaison entre les préférences des deux
sexes, on constate que si les jeunes hommes sont plus enclins
à préférer la lecture des rubriques du « sport » et de « l’informmation », les jeunes filles montrent une plus nette prédilection
pour la lecture des rubriques « d’événements variés » et du
« spectacles / divertissement ». Les préférences des deux sexes
concernant la rubrique de la « culture » étant grosso modo
d’égale incidence.
En sortant de la corrélation classique entre les préférences et la
fréquence de la lecture, on peut parvenir à obtenir d’autres mottivations ou causes de la non lecture chez les jeunes. C’est ce que
nous avons cherché dans cette étude à approcher en sondant
leur points de vue sur ce phénomène si étendu parmi la majorité
des Marocains :
97
diagnostic global et analyse sectorielle
Répartition des jeunes selon les raisons qu’ils invoqquent pour expliquer le score de (1%)
des Marocains qui lisent la presse
Réponses Choix 1+2
Raisons
Premier choix
Deuxième choix
Fréquences
%
Fréquences
%
73
8,1
51
5,7
18
2,0
27
3,0
69
7,7
72
8,0
78
8,7
94
10,4
201
22,3
124
13,8
14
1,6
30
3,3
12
1,3
31
3,4
4
,4
9
1,0
9
1,0
23
2,6
31
3,4
39
4,3
Autre
192
21,3
90
10,0
NSP
128
14,2
137
15,2
71
7,9
173
19,2
900
100,0
900
100,0
A cause de son prix élevé
Parce qu’elle priorise l’opinion sur
l’information
A cause de son désintérêt des vrais
problèmes des citoyens
Parce qu’elle n’est pas objective
A cause de l’ampleur de l’analphabbétisme
Parce qu’elle n’est pas indépenddante
Parce qu’elle n’est pas professionnnelle
A cause de l’absence de spécialisattion des journalistes
Parce qu’elle est en rupture avec
les valeurs islamiques
A cause de sa mauvaise distributtion sur le territoire national
Sans réponse
Total
Dans l’explication du phénomène de non lecture de la presse de
la part de la grande majorité des Marocains, les jeunes mettent
en exergue, d’abord « l’ampleur de l’analphabétisme » dans la
société Marocaine. Après viennent, dans leurs explications, sellon un ordre d’importance descendant, des facteurs, tels que la
« non objectivité de la presse », son « désintérêt par rapport aux
vrais problèmes des citoyens », puis les problèmes relatifs au
98
dialogue national - media et societe
« prix élevé » et à la « mauvaise distribution » de la presse sur
le territoire national. Du point de vue des jeunes, l’explication se
situe beaucoup plus dans le camp de la presse que dans celui des
citoyens Marocains.
Avant de revenir plus loin sur l’aspect de la distribution, invoqquée indirectement par les jeunes en parlant de leur « accès » à
la presse - aspect bien important dans la disponibilité de l’offre,
indépendamment de l’état réel ou potentiel de la demande - inttéressons nous, d’un point de vue global, à la dimension structturelle de l’entreprise de presse. Dimension qui détermine, à
divers niveaux, le contenu dont l’offre ne semble pas rencontrer
de manière satisfaisante la demande réelle ou potentielle des
Marocains en général et des jeunes en particulier.
Au cours du Dialogue national, sur la foi de nombre d’analysses exposées devant l’Instance du Dialogue, notamment par la
FMEJ et par le SNPM, comme au regard de certaines études
d’expertise demandées par la coordination générale du Dialoggue, il a été admis que l’entreprise de presse marocaine est, en
général, bien peu viable au plan économique et au plan de la
structuration de ses activités. Il est bien connu que ce type d’enttreprise est bien spécifique car il doit réussir le difficile équilibre
–quasi contre naturel- et une audacieuse synergie entre deux acttivités bien distinctes par leurs objectifs respectifs, leurs moyens
et leurs contraintes : d’un côté des activités purement économiqques et industrielles, et, de l’autre, des activités de « bien social
et culturel » à objectifs d’ « intérêt public » pour lequel la rentabbilité économique, en principe, n’est pas une finalité en soi.
Autrement dit, la viabilité complète d’une entreprise de presse
dépend d’un difficile équilibre synergique entre ces deux types
d’activités fondamentalement différentes, voire antagonistes au
niveau de leurs objectifs respectifs.
diagnostic global et analyse sectorielle
99
D’autre part, les entreprises de presse ne constituent pas un
ensemble homogène. Elles présentent à la fois de profondes
différences et de nombreux points communs. La diversité des
statuts, des conceptions (politiques, idéologiques, de lignes
éditoriales…), de la périodicité et des fonctions d’information
privilégiées par la ligne éditoriale (éducation, divertissement,
information, commentaire…) vont influencer le contenu des orgganes et leurs méthodes d’organisation, de travail et de gestion
économique.
Cette double nature de la presse, bien social mais aussi bien
économique, implique la nécessité de la part des entreprises de
presse, de trouver un point équilibre entre ces deux aspects, car
« sans argent, l’information n’existe pas et sans information de
qualité, il n’y a pas d’argent ».26
Or la viabilité économique, la rentabilité du produit de presse,
devrait-on dire, n’a pas une longue histoire au Maroc. Cette
préoccupation était quasiment une donnée contre-nature (un
« blasphème » même, selon certains militants purs et durs)
dans la conception de la presse partisane qui a dominé le kiosqque national jusqu’à la fin du siècle dernier. C’est une très réccente préoccupation qui s’installa tout naturellement, depuis le
milieu des années 90, avec l’avènement de la presse privée, qui
se positionne comme « indépendante » pour se différencier de
la longue et forte tradition partisane. Depuis lors, on assiste à
l’intervention de ce souci de rentabilité économique et des équillibres financiers que celle-ci suppose dans nombre de projets de
presse, dans la gestion et la gouvernance, dans les investissemments et les équipements, comme dans les choix de contenus et
même dans le destin de vie de la publication puisque des faillites
ont été déclarées au Maroc et d’autres sont régulièrement reddoutées ou pronostiquées.
Mais l’avènement de cet impératif d’équilibres économiques a
coïncidé particulièrement avec la grande révolution technologgique qui secoua l’activité industrielle de l’entreprise de presse,
26 - H. PIGEAT et Jean-Charles PARACUELLOS, Tendances économiques de la presse
quotidienne dans le monde, Académie des sciences Morales et Politiques, octobre 2001. p.4
100
dialogue national - media et societe
c’est-à-dire le passage d’abord à l’impression à froid, puis à l’infformatisation et enfin à l’ère du tout numérique. Une révolution
qui imposa à nos entreprises, comme partout dans le monde,
un rythme incessant d’équipements, de reconversions et mises à
niveau de modernisation des moyens matériels et humains, partticulièrement dans les activités d’impression, poste le plus lourd
dans la gestion de ce type d’entreprises et qui a connu le plus de
transformations dans ses outils comme dans ses coûts.
Selon une récente étude concernant 4 pays européens, les éditteurs de ces pays, engagés dans une logique de modernisation
de leur activité d’impression privilégient les stratégies suivanttes27:
- En interne, Une stratégie de rentabilisation de l’appareil
productif: transformer l’activité d’impression d’un « centre de
coût » en un « centre de profits», en développant de manière
croissante les contrats extérieurs (impression d’autres quotiddiens, de journaux du week-end, journaux spécialisés, de petittes annonces, de « travaux de ville » divers…). Cela passe le plus
souvent par une filialisation de cette activité;
-Une stratégie de mutualisation des moyens de production,
décidée a priori : l’imprimerie devient une entité conjointement
détenue par plusieurs éditeurs. De manière externalisée;
- Une stratégie d’externalisation de l’impression pour les
éditeurs souhaitant se séparer de cette activité « industrielle »
(tendance croissante au Maroc).
Au Maroc, la modernisation de l’appareil productif n’a pas toujjours été menée avec la rigueur souhaitable. De trop nombreux
titres nationaux sont suréquipés ou mal équipés provocant ainsi
un surcoût financier et un manque de productivité et parfois
même des retards de parution et de distribution du journal.
27 - Cecilia BERTHAUD et Vincent MENUET (sous la supervision de François AUVIGN), La
situation de la presse quotidienne dans quatre pays européens : Allemagne, Espagne, RoyaumeUni, Suède, Inspection Générale des Finances, N° 2008-06-01, Novembre 2008, Ministère
Français de l’économie des finances et de l’emploi. P. 23
diagnostic global et analyse sectorielle
101
vLes sources de financement de l’entreprise
de presse
Quand on s’intéresse à l’important poste dans la gestion d’une
entreprise de presse, à savoir le poste du financement, on se
rend compte que l’entreprise de presse marocaine est à l’image
de l’entreprise marocaine tout court, c’est-à-dire qu’elle est mannifestement sous-capitalisée. De ce fait, et dès le démarrage, les
entreprises de presse sont confrontées à de sérieux problèmes
de trésorerie et trouvent en face d’elles des banques qui refusent
généralement de les financer tant pour des raisons financières
(capital peu important, fonds de roulement inexistant, actionnnaires récalcitrants, peu audacieux ou peu confiants en cette
activité longtemps réputée par ses hauts risques…),que pour
des raisons d’ordre politique dans la mesure où se déploient,
dans ce secteur, des stratégies d’influence, d’intérêts, de grouppes de pression et de lobbies politiques et économiques potenttiellement inhibitrices de toute grande audace éditoriale qui ne
tiendrait pas compte de telle ou telle pesanteur induite par de
telles stratégies et intérêts, y compris la pesanteur de l’État et de
divers pouvoirs politiques, économiques…
Aussi, les éditeurs placent-ils leurs espoirs dans le financement
par le lectorat, mais aussi et surtout dans le chiffre d’affaires pubblicitaire. Cependant, là aussi, les ennuis pour l’entrepreneur de
presse sont à la mesure des attentes : les distributeurs règlent en
général les entreprises de presse sur un délai de 15 jours, fin de
mois, bien moins, certes, que ces dernières années, où les règlemments pouvaient atteindre jusqu’à 45 jours, fin de mois. Quant
aux annonces publicitaires, les règlements n’interviennent que
plusieurs mois après l’insertion, alors que le délai communémment admis, à défaut d’être contractuel, est de quatre vingt dix
jours. Ce délai n’est en règle générale jamais respecté, et quand
le paiement est effectué, il l’est le plus souvent au moyen d’effets
de commerce d’une durée moyenne de 60 à 90 jours, après les
90 jours habituels.
102
dialogue national - media et societe
Sur la foi des expériences documentées par la FMEJ et des réssultats des études et investigations menées par le Dialogue, il est
établi que les éditeurs n’ont absolument aucun recours contre
les annonceurs et leurs agences, car, au départ de leur activité,
les publications sont encore en position de faiblesse et la soupplesse financière qui leur est de fait imposée, comme contrainte
périlleuse pour l’entreprise et son économie, est partie intégrantte, avec l’audience et les tarifs, de l’attrait du journal auprès des
agences de communication et des régies des budgets publicitairres.
Les éditeurs marocains doivent donc effectuer quotidiennement
un réglage fin et assez critique entre leur audace éditoriale, c’està-dire l’indépendance éditoriale requise pour tout journal digne
de la mission et des valeurs éthiques de la presse dans une démmocratie, et le volume de leur chiffre d’affaires publicitaire qui,
comme on le voit, est dépendant de toutes ces pesanteurs inhibittrices et déstabilisatrices pour tout équilibre financier favorable
à une rentabilité économique… La hardiesse d’un journal dans
son indépendance éditoriale lui draine, en principe, un lectorat
important et l’impose de ce fait comme un véritable support
de publicité pour des annonceurs ayant le culte de l’audience.
Mais, au Maroc, une trop grande audace éditoriale peut l’expposer à des rétentions et à des pressions de toutes sortes de la
part des annonceurs, comme de la part des différents pouvoirs
qui pèsent ou s’activent dans ce secteur : pouvoirs politiques,
économiques, pouvoirs publics, l’État…La pesanteur de l’État
est à souligner ici dans son influence purement économique sur
la situation de l’entreprise de presse, sachant aussi que l’État
est également un gros annonceur, tant à travers ses annonces
publicitaires que par ses annonces légales, administratives et
autres appels d’offres…
Par ailleurs, le financement des activités de l’entreprise de
presse marocaine par la source publicitaire augurait de bonnes
tendances jusqu’à 2008, année de la crise financière mondiale.
diagnostic global et analyse sectorielle
103
Or, pour ces raisons évoquées concernant la publicité (et que
nous analyserons plus longuement plus loin), les journaux marrocains, privés en particulier, concentrent tous leurs efforts de
marketing en direction des multinationales qui présentent une
approche «apolitique» de la publicité ou en tout cas suffisammment peu perméables aux différentes pressions et pesanteurs
locales. Grâce à ces annonceurs étrangers, le ratio optimal de
sécurisation du chiffre d’affaires (CA) de ce type de publications
marocaines était alors de 70% et 30% du CA assuré par l’État
avec ses organismes publics et ceux qui lui sont affiliés de mannière plus ou moins directe. Mais depuis 2009, la crise aidant,
un véritable coup de massue s’est abattu sur la presse puisque
les multinationales ont réduit de manière drastique leurs budggets de publicité, laissant les titres de presse en butte directemment aux annonces publiques, semi-publiques, ou assimilées,
aux annonceurs locaux avec leurs pratiques qui tiennent le plus
souvent de l’informel, en l’absence de codes de conduite formallisés et respectés, dans un marché qui n’est ni organisé, ni réggulé, encore moins mobilisé par souci de citoyenneté au profit
de la survie et du développement de la presse nationale qui est
ainsi fragilisée par une telle dépendance vis à vis de l’insertion
étrangère et internationale.
Il est difficile pour une entreprise d’envisager une stabilité de
prévisions publicitaires dans un secteur où, par exemple, au
moins dix opérateurs médias sont en même temps annonceurs
(conflit d’intérêt flagrant) et où sévit une pratique opaque dite
de «mécénat» éditorial à laquelle se soumettent plusieurs titres
pour régler leurs difficultés de trésorerie : ces titres ont recours
épisodiquement à un ou plusieurs bienfaiteurs qui leur offrent
leur soutien en cas de problème de trésorerie… Le mécène peut
appartenir à l’actionnariat et donc agit par des versements en
numéraire sur le compte courant de l’entreprise ou, s’il ne fait
pas partie des associés ou actionnaires, il accorde des contrats
publicitaires généreux, sans que cela aboutisse nécessairement
à l’insertion et sa publication..!
104
dialogue national - media et societe
En fait, ici, nous effleurons une question que nous voulons dévvelopper davantage en une section plus loin : l’absence, en plus
d’une autorégulation, d’une quelconque politique publique de
régulation et de promotion du secteur publicitaire, public et
privé, qui soit au profit du développement et de la viabilité éconnomique de l’entreprise de presse nationale. Mais soulignons
au moins ici qu’une telle politique publique est impérative du
moment que l’entreprise de presse marocaine confronte la combbinaison de la désaffection du lectorat, de l’assèchement de la
manne publicitaire et de la subordination, aux conséquences
imprévisibles, qu’induit le recours à ce type de financement
opaque ou informel dit de « mécénat » et qui, par définition,
ne peut être que périlleux pour l’indépendance éditoriale et fort
commode pour toutes sortes de pressions, d’inféodations et de
luttes d’influences et d’intérêts, via les médias.
Subissant donc cette situation bien peu propice à la viabilité
économique, un lectorat extrêmement réduit et des sources de
financement incertaines, opaques dans leurs pratiques et tradditions (publicité privée et publique), peu volontaristes et rarrement audacieuses (banques) imprévisibles avec des objectifs
inavoués (annonceurs, « mécènes », lobbys divers),hors aides
directes et indirectes de l’État, l’entreprise de presse marocaine
subit aussi des déficits et des dysfonctionnements dans trois
autres domaines de son économie : l’impression, les salaires et
la distribution.
vLa production industrielle et ses coûts
La presse se vend deux fois, d’une part, au numéro aux lecteurs
et d’autre part, pour l’ensemble du tirage aux annonceurs. Il y a
donc coexistence de deux marchés différents, l’un en aval, c’est
le marché des lecteurs, et l’autre latéral, celui des annonceurs et
donc nous avons deux offres et deux demandes qui sont techniqquement liées et dépendantes car la demande de l’un des prodduits (l’espace publicitaire) est étroitement conditionnée par les
ventes de l’autre (le nombre d’exemplaires vendus) ainsi que par
diagnostic global et analyse sectorielle
105
les caractéristiques socio-économiques de ses lecteurs (l’âge, le
sexe, l’habitat, le niveau d’instruction…). Ceci nous montre que
ce que vend la presse aux annonceurs, ce sont ses lecteurs.
L’éditeur de presse doit donc concilier entre deux finalités et
deux logiques (sociale et marchande) indissolublement liées
et fournir donc à deux marchés deux produits différents. Il doit
donc tenir compte dans sa stratégie commerciale de la double
origine de ses recettes et il doit donc définir ses objectifs et le
style du journal en fonction des attentes présumées de ces deux
clientèles afin de parvenir à un équilibre entre ces deux sourcces de revenus. Et c’est ici qu’un véritable problème de cercle
vicieux se pose à l’éditeur : l’augmentation des coûts nécessite
le recours accru à la publicité dont la croissance des recettes déppend de la croissance de l’audience, laquelle peut fléchir à cause
de la présence de trop de publicité !
L’impératif de rapidité, naturel pour la presse, implique des invvestissements en capital et des coûts de main d’œuvre très élevvés. Mais en raison de la diversité des entreprises de presse, ces
coûts vont varier dans chaque cas et entrainer des dépenses d’un
montant changeant. Le contenu du journal, le nombre de pages,
les rubriques, les illustrations, le tirage… ne sont donc pas identtiques et il s’en suit des coûts différents et variables. Ainsi au
Japon, certaines publications comme « ASAHI » et « YUMIURRI » tirent à plus de 12 millions d’exemplaires par jour chacune,
alors qu’au Maroc le tirage de l’ensemble de la presse marocaine
oscille entre 300.000 et 350.000 exemplaires.
De même, il faut signaler une différence fondamentale entre la
presse quotidienne et la presse périodique. Le caractère éminnemment périssable du produit fait peser sur les entreprises de
la presse quotidienne plus de contraintes. Elles doivent se doter
d’importantes infrastructures de rédaction, de production, voire
de distribution, ce qui implique fréquemment une relative surccapacité en machines et en hommes ainsi que des charges fixes
élevées. Alors que pour les périodiques, du fait de leur périodiccité espacée, les frais fixes sont moins élevés, car leurs équipes
106
dialogue national - media et societe
rédactionnelles sont moins importantes et la plupart du temps
la fabrication, c’est-à-dire l’impression, est sous-traitée.
L’économie d’un journal quotidien, ou d’un titre de presse, reppose sur la combinaison de coûts fixes élevés et d’économies
d’échelle importantes lors de la production («économie de prottotype»). La confection du prototype (l’exemplaire n°1 du journnal) correspond aux coûts fixes qu’il faut consentir pour la prodduction de la série. Le coût marginal de production des exempplaires suivants est très faible et correspond essentiellement aux
coûts variables. Le coût du prototype est plus élevé pour un titre
dont la périodicité est quotidienne (tendance à l’internalisation
des activités pour sécuriser le processus).
Le niveau de la diffusion est un facteur critique de la rentabilité
d’un journal quotidien, en permettant d’amortir les coûts fixes
initiaux importants. Chaque titre, en fonction du niveau de ses
coûts fixes, a une «taille minimale efficiente» (celle-ci augmente
proportionnellement avec le niveau de ces coûts). Cette taille
minimale efficiente a pu être réduite par les évolutions technollogiques. L’activité d’impression, qui combine à parts à peu près
égales coûts fixes (notamment les rotatives) et coûts variables
(notamment le papier), représente la majeure partie des coûts
de production d’un quotidien (entre 30% et 40%), selon un rappport réalisé en 2003 pour l’Union européenne28 et confirmé par
une récente étude de l’IGF en France29.
Aussi la structure des coûts est assez difficile à isoler car, les
produits proposés et les situations diffèrent considérablement.
En plus, pour apprécier ces coûts, on ne dispose pas au Maroc,
de données objectives sur les différents éléments d’exploitation
des entreprises de presse marocaines bien que l’article 22 du
Code de la Presse et son décret d’application (N°2-64-381) oblig28 - Commission Européenne , The EU industry publishing: an assessment of competitiveness,
Pira international 2003.
29 - Cecilia BERTHAUD et Vincent MENUET (sous la supervision de François AUVIGN),
La situation de la presse quotidienne dans quatre pays européens : Allemagne, Espagne,
Royaume-Uni, Suède, Inspection Générale des Finances, N° 2008-06-01, Novembre 2008,
Ministère de l’économie des finances et de l’emploi (France).
diagnostic global et analyse sectorielle
107
gent les entreprises à publier sur leurs colonnes leur bilan et
leurs comptes d’exploitation. Mais, rares sont les entreprises de
presse qui se conforment à cette obligation et le secret statistiqque, qui d’ailleurs n’est pas propre au Maroc, est devenu une
tradition bien respectée, ce qui ne facilite pas la recherche en
matière d’économie des médias et fait obstacle à la transparence
sur ce volet.
Pour ce qui concerne les coûts de l’administration, il semble que
la moyenne des frais oscille entre 11 et 14%. A cela il faut bien
entendu ajouter les frais généraux qui varient considérablement
d’un journal à un autre, en fonction de la rigueur en matière de
gestion, mais peuvent accaparer, généralement, entre 3 et 10%
des dépenses globales. Avec cette remarque que le service commmercial, qui peut apporter, en plus d’un chiffre d’affaires accru,
un gain en matière de charges de personnel, coûte environ 15%
du CA à son entreprise.
L’augmentation des coûts de fabrication est un fait commun à
tous les pays et à toutes les formes d’entreprises de presse. Ces
coûts se constituent essentiellement de coûts d’impression qui
comprennent l’amortissement de matériels d’imprimerie, les
coûts des matières premières et les coûts salariaux du personnnel de l’imprimerie. Le poste de l’imprimerie est caractérisé par
des investissements lourds.
Dans le domaine de la presse, les investissements en immobillisations et les coûts de la main d’œuvre sont très disproporttionnés par rapport à la valeur marchande du produit. En plus,
ces dernières années, le progrès technique rapide et plusieurs
autres facteurs se sont enchainés pour aboutir à un renchérissemment croissant des coûts de production. L’impératif de rapidité,
le rôle déterminant de la mise en page, les exigences des annoncceurs et des publicitaires en matière de qualité etc., nécessitent
le recours à une technologie de plus en plus sophistiquée et qui
est sans cesse en pleine transformation au point de faire de chaqque décision d’investissement un pari coûteux et risqué.
108
dialogue national - media et societe
Les investissements liés à l’imprimerie représentent la dépense
la plus élevée et sont fonction de plusieurs facteurs, notamment
le procédé d’impression utilisé, le niveau du tirage, la paginattion, l’emploi ou non des couleurs…
Ainsi pour l’impression des journaux, la typographie, avec sa
composition à chaud par les linotypes et le clichage de ses formmes à partir des flancs, a cédé la place à l’offset dont les technniques d’impression utilisent des procédés photographiques.
Mais, c’est surtout dans le domaine de la composition que l’innnovation a pris forme de révolution grâce au développement
électronique, l’introduction des ordinateurs et l’apparition de la
photocomposition.
Par ailleurs, l’introduction de la micro-informatique dans les
salles de rédaction a bouleversé les méthodes de travail et a
donné naissance à une nouvelle génération de journalistes et
d’éditeurs, et à une répartition des tâches entre journalistes, seccrétaires de rédaction et maquettistes. Ceci s’est confirmé avec
l’arrivée sur le marché de systèmes rédactionnels totaux où le
montage des pages, le tirage des plaques Offset et le traitement
des photos peuvent être traités par l’ordinateur et confinent le
personnel ouvrier aux seules rotatives d’impression.
On est en présence d’une technologie souvent sophistiquée et
d’un matériel onéreux, dont les charges d’amortissement sont
estimées en moyenne autour de 3 à 5% des coûts de production,
et qui restent en partie sous-utilisés ou carrément inemployés,
pour certains segments. De sorte qu’au Maroc une imprimerie
de presse ne tourne pas toujours à plein régime sauf en recourrant à des travaux extérieurs comme le font d’ailleurs la plupart
des imprimeries afin de réduire la sous utilisation des capacités
de production. La remarque générale étant que les équipements
sont le plus souvent sous utilisés, la capacité des équipements
dépassant les tirages que permet un marché si exigu (350 000
lecteurs). Alors que l’impression d’un titre quotidien accapare
une part importante (environ 30%) de ses coûts de production.
diagnostic global et analyse sectorielle
109
Le coût à l’exemplaire est difficile à comparer en raison de diffférences dans les salaires et les caractéristiques techniques qui
peuvent avoir un impact très important sur les coûts. A tire
d’exemple, l’impression de l’International Herald Tribune
dans les différents pays européens fait ressortir, pour 30 000
exemplaires d’un 22 pages, un coût d’impression de 3 854 € en
France, de 2 334 € à Londres et à Madrid, 2 350 en Belgique ou
2 575 en Suisse30. Des études relèvent l’existence des écarts enttre les titres en fonction notamment des solutions retenues (en
interne, externalisé, en fonction des modes de tarification). La
décomposition des coûts d’impression, fait ressortir : le poids
prépondérant du papier (entre 40 et 50% des coûts d’impresssion) et l’importance des frais de personnel en raison de salaires
élevés constatés dans le secteur.
Dès lors, les facteurs de différenciation en termes de coûts d’imppression d’un quotidien dépendent de 3 éléments essentiels
considérés comme de véritables leviers de productivité et de
rentabilisation de l’outil industriel : taux d’utilisation des capaccités d’impression, le prix du papier (bien que celui-ci soit assez
homogène d’un pays à un autre, les volumes achetés, en foncttion de l’importance des titres ou groupes de presse, peuvent en
effet faire varier le prix d’achat), et la productivité par effectifs
employés sur des fonctions d’impression.
Par ailleurs, les dépenses du papier journal et d’encre sont parmmi les dépenses les plus faciles à évaluer, car ce sont des charges
variables qui varient proportionnellement à la pagination. Mais
le papier est un poste de dépense difficile à comprimer. Son prix
au niveau international connaît des fluctuations importantes, il
a beaucoup augmenté durant les années 70 pour se stabiliser
depuis 198531, et se relancer à nouveau vers la fin 1995 et 2001.
Ainsi, la tonne qui coutait 469 $ en 1990, a augmenté à 565 $
en 1995 pour atteindre 667 $ en 2007. Depuis 2002, les prix
30 - Etats généraux de la presse, Livre vert, pole 2, op.cit.
31 - En raison de la chute de la demande suite à la stabilité des tirages des titres, la crise
publicitaire et le lancement d’unités de production à forte capacité.
110
dialogue national - media et societe
retrouvent progressivement les valeurs observées au début d la
décennie.
Le Maroc reste un faible consommateur du papier journal puisqque la part per capita est de l’ordre de 800g par personne en
200632 et il importe la totalité de ses besoins en papier presse
de l’Espagne et de certains pays scandinaves. Le coût du papier
dans les dépenses de production au Maroc représente 45 à 60
% tandis que dans les pays industrialisés cette part est relativemment basse puisqu’elle est de 25 à 30 %.
Quant aux dépenses relatives aux personnels de la rédaction,
elles varient selon les publications, en fonction de l’effectif de
journalistes, du style et du genre journalistique et du mode d’exppression adopté. Un journal généraliste ou d’opinion cherchera
à couvrir plusieurs types d’événements politiques afin de les
commenter alors qu’une publication économique s’intéressera
davantage à l’information économique et financière et aura donc
besoin de moins d’effectifs journalistiques. A côté de journalisttes permanents, il faut ajouter les pigistes, les correspondants
locaux ou régionaux, les freelances… dont les rémunérations
sont variables en fonction de leur qualification.
Les frais de rédaction varient également en fonction de la quallification des journalistes, du degré hiérarchique et du salaire
moyen pratiqué par la profession. Différentes études dans les
pays industrialisés indiquent que la part de la rédaction avoissine en moyenne de 15 à 20% des coûts totaux d’un journal. Ce
taux est relativement inférieur dans les pays en voie de développpement comme le Maroc où le salaire moyen oscille entre 3500
et 5000 DH, mais sans empêcher certains éditeurs (particulièrrement dans la presse périodique francophone) d’octroyer des
salaires bien plus importants, de sorte que l’écart salarial peut
aller de 1 à 20… Ainsi, un journaliste francophone expérimentté peut émarger jusqu’à 30.000 DH, pendant que son collègue
arabophone débutant ne dépasserait guère 1.500 DH ! Néanm32 - En prenant en compte la population âgée de 15ans et plus.
diagnostic global et analyse sectorielle
111
moins, la Convention collective a amélioré les conditions salarriales, portant le salaire minimum à 5.800 DH brut et prévoyant
les protections sociales
Retenons enfin que le nombre moyen de journalistes professionnnels par quotidien est de 28, ce qui ne suppose pas des charges
salariales élevées. Ces charges assimilées ici à des charges fixes
peuvent facilement être amorties et rentabilisées lorsque le tirrage de la publication est élevé.
Les charges de personnel représentent des parts variant de 30 à
50% de l’ensemble des charges ; et au sein même de ces charges,
les personnels hors rédaction (administration, diffusion, commmerciaux) représentent des parts allant de 30 à 40% des charges
totales. Par ailleurs, on remarque que les charges du personnel,
au-delà d’un certain seuil de tirage, cessent d’augmenter, commme si ces salaires étaient plafonnés. Il n’en demeure pas moins
que les charges du personnel représentent un fardeau très lourd
pour les résultats comptables qu’elles grèvent, et pour la trésorrerie qu’elles alourdissent.
vLes coûts de la distribution
Situé en aval de l’impression, la fonction de distribution représsente un intérêt majeur pour les entreprises de presse. Tout
comme la production, l’impératif du temps qu’impose le caracttère périssable du produit, pousse les publications à développer
un réseau de distribution susceptible de faire parvenir quotiddiennement et rapidement le journal à ses lecteurs. La distributtion de la presse obéit donc à une contrainte temporelle extrêmmement forte où les stocks n’ont pas cours et le service s’opère à
flux tendu. Il y a divers procédés de distribution et de vente.
üL’abonnement
C’est le système le plus avantageux pour les entreprises de
presse car il assure une vente stable sans invendus, permet une
limitation du tirage et une aisance financière à la trésorerie
puisque le payement se fait par avance ce qui facilite l’établisssement du budget prévisionnel. C’est pourquoi les entreprises
112
dialogue national - media et societe
de presse cherchent, par des campagnes de promotion à prix
réduit, à augmenter le nombre de leurs abonnés voire même,
pour certaines types de publications, à n’utiliser que ce procédé.
Et pour réduire les réticences économiques des lecteurs face à
l’importance relative de la somme à avancer, les journaux tenddent à fractionner les durées d’abonnement ce qui complique la
gestion de fichiers d’abonnés33.
Au Maroc, l’abonnement n’est pas développé et parait ne pas
intéresser beaucoup les journaux dans la mesure où il n’y a
que très rarement des campagnes de promotion de la part de
certains périodiques. De surcroit, les réductions proposées ne
sont pas encourageantes puisqu’elles ne dépassent pas dans le
meilleur des cas 12%, alors que dans d’autres pays, elles oscillent
entre 25% et 50% en fonction des catégories de clients et de la
durée de l’abonnement. En raison de l’indéniable lenteur des
services postaux, on obtient au Maroc un des taux les plus faibbles d’abonnement, soit 3,63 % en moyenne selon les données
de l’OJD.
Pour augmenter le nombre d’abonnés, les journaux doivent
multiplier des campagnes onéreuses de prospection d’abonnés ,
en louant des fichiers d’adresses, en envoyant des courriers au
domicile de potentiels lecteurs, en proposant de substantielles
réductions de tarifs et des cadeaux, etc. Bref il faut engager des
investissements importants dans des opérations dont la rentabbilité n’est pas immédiate.
La situation d’abonnement est variable d’un pays à un autre et
parfois, à l’intérieur d’un même pays, elle est variable d’une réggion à une autre, en fonction de plusieurs facteurs d’ordre économmique, politique, pratique et en fonction des us et habitudes de
lecture et de consommation de « biens culturels » en général...
Par conséquent, on constate une importance très variable des
33 - Au Canada, on peut s’abonner à un quotidien pour une semaine, pour juste les éditions de
certains jours de la semaine ou juste pour l’édition dominicale.
diagnostic global et analyse sectorielle
113
modes de distribution selon les pays et selon le type de publicattion. Jadis exclusif, l’abonnement postal représente aujourd’hui
un pourcentage variable suivant les familles de presse et suivant
les pays, comme cela ressort du graphique suivant qui nous
permet une comparaison utile avec la situation au Maroc : Les canaux de vente au Maroc
Source : OJD, 3ème observatoire de la presse au Maroc
114
dialogue national - media et societe
ü Le portage
Pour remédier au retard d’acheminement par la poste (en raisson de l’heure d’arrivée du courrier, sa non distribution le sammedi après-midi, le dimanche et les jours fériés, etc.), il y a un
autre procédé d’abonnement qui s’est généralisé dans les pays
développés et qui s’est substitué à la poste pour faire parvenir
les quotidiens chez les lecteurs : c’est le portage à domicile (livvraison du journal à la maison). Dans ce système, un réseau de
porteurs est rétribué par l’éditeur, le dépositaire ou le distributteur. Le service peut être réglé d’avance ou payé par semaine,
quinzaine ou mois par le destinataire. Il s’agit en somme d’une
forme d’abonnement individuel, même si cela peut prendre parffois la forme d’une vente au numéro effectuée sous la responsabbilité de l’éditeur ou de l’un de ses mandataires.
Le portage est très inégalement pratiqué dans le monde. Très
utilisée en Irlande (99 %), au Japon (93 %) ou dans les pays d’Eurrope centrale ou du Nord (90 % en Suisse, 67 % en Allemagne,
90 % aux Pays-Bas, 72 % en Suède)34, il s’avère sous développé
dans d’autres pays comme l’Espagne, la France, l’Italie, etc. En
raison d’une part, de la très faible ampleur du portage multi-tittre et, d’autre part, de la faible proportion des foyers vivant dans
des agglomérations. Aussi, dans certains pays, le portage n’est
plus important que pour les magazines (90% des abonnements
aux magazines en Allemagne) et non pour les quotidiens.
Il existe deux modèles de gestion des abonnements. Soit par
les éditeurs, comme c’est le cas en Allemagne, en Suède et en
Espagne35 : l’abonnement est géré par l’éditeur qui cherche à
attirer de nouveaux lecteurs, à les fidéliser et à les connaître. Le
portage est assuré dans ce cas essentiellement par des sociétés
34 - Michel MULLER, Garantir le pluralisme et l’indépendance de la presse quotidienne pour
assurer son avenir, rapport du Conseil Economique et social de la République française, juillet
2005, p.122
35 - En Espagne le portage est beaucoup moins développé en raison du faible taux de pénétration
de la presse espagnole qui le rend économiquement peu viable
diagnostic global et analyse sectorielle
115
auxquelles les éditeurs participent36. Soit la gestion des abonnnés est gérée dans les points de vente comme au Royaume Uni
où le portage est confié aux diffuseurs de presse. Cela permet
une grande flexibilité pour le lecteur mais ce service n’est pas
disponible partout dans le pays. Seuls les points de vente tradittionnels proposent ce service, soit 23 000 points de vente (43%
des points de vente). Seul handicap, les éditeurs ne connaissent
pas leurs abonnés, ni même la part des ventes par ce canal dans
chaque point de vente.
Le portage a partout un coût élevé, du fait que le porteur est, en
règle générale, un métier d’appoint et qu’il n’y a pas en général
de réductions de charges particulières pour les porteurs dans le
cadre de l’aide de l’État. Le coût moyen du portage d’un exempplaire de presse est estimé en France à 0,32€37. Il n’est rentabillisé qu’à certaines conditions : un fort taux de pénétration; une
mutualisation des coûts par le biais d’un portage multi titre; la
prise en charge par l’abonné d’une partie des coûts du portage.
Le portage a été expérimenté pour la première fois au Maroc,
en 1984 à Casablanca, par le quotidien «Al Itihad Ichtiraki »,
mais a été abandonné rapidement en raison de la médiocrité du
résultat. Il est actuellement tenté, notamment, par les titres du
groupe « Eco média » (L’Économiste et Assabah) et l’hebdomaddaire La Vie Economique, au niveau de Casablanca et de Rabat,
mais il reste marginal puisqu’il ne représente que 0,59%.
Pour réussir, le portage à domicile exige un effort de démarchagge pour convaincre le client et la mise en place d’un service de
livraison d’autant plus difficile et onéreux quand l’aire est large
et l’habitat dispersé.
36 - En Suède, même si Tidningstjänst AB, une filiale à 100% de Posten AB, est le principal
acteur (part de marché d’environ 45%), elle s’appuie sur une dizaine de sous-traitants détenus
par les actionnaires de la presse quotidienne locale.
37 - Livre vert états généraux de la presse, op.cit.
116
dialogue national - media et societe
üLa vente au numéro
Le système de distribution au Maroc repose sur une architectture comportant deux niveaux (messageries, détaillants), alors
que dans les pays développés il comporte trois niveaux (messaggeries, dépositaires ou grossistes, détaillants).
Ce sont les messageries qui assurent l’approvisionnement des
différents points de vente constitués au Maroc:
§Des kiosques dont le nombre est réduit et qu’on trouve
principalement dans les principales artères des grandes
villes
§Des bureaux de tabac, les épiceries et les librairies pour
qui souvent les journaux sont une marchandise comme
les autres ne nécessitant pas de soins particuliers, mais
qui restent néanmoins les seuls moyens de se procurer
un journal dans certains quartiers ou endroits
§Des vendeurs ambulants qui sont d’un grand rendement
à double titre : d’une part, avec leur mobilité, ils chercchent les lecteurs et provoquent l’acte d’achat, d’autre
part, ils ne nécessitent aucun investissement de la part
des messageries, car ils s’approvisionnent par leurs proppres moyens et rendent de la même manière les invenddus.
Outre les opérations matérielles de tri, groupage, transport…
les sociétés de distribution ne s’occupent pas que de l’acheminemment physique des exemplaires, mais elles assument aussi toute
la gestion financière de la distribution de leurs clients. Cela incclut la facturation correspondant à chaque envoi journalier, la
tenue de statistiques de vente, la remontée des recettes de venttes, la récupération des invendus et la demande d’anciens numméros. Par conséquent l’ensemble de cette chaine coûte cher.
diagnostic global et analyse sectorielle
117
La vente au numéro coûte donc plus cher à l’entreprise de
presse que l’abonnement. Non seulement parce que les frais
d’expédition et de messageries sont plus élevés, mais surtout à
cause du « bouillon » (les invendus). On estime en général, qu’il
faut distribuer 2 exemplaires pour en vendre un seul…
Or, tout numéro invendu engendre des coûts pour l’entreprisse et il appartient à l’éditeur d’opérer un arbitrage entre le coût
des invendus (fabrication, distribution, retour) et les risques enccourus en fournissant trop peu d’exemplaires aux diffuseurs.
Le « bouillon » est donc un phénomène normal à la vente
au numéro, lorsqu’il reste circonscrit à un certain niveau, ce qui
n’est pas le cas de certaines publications marocaines où le taux
d’invendus atteint des niveaux alarmants, (comme le montre le
tableau qui suit).
118
dialogue national - media et societe
Tirage et diffusion de la presse au Maroc en 2008/2009
TITRES
TIRAGE
DIFFUSION
INVENDUS
TAUX
D’invendus
AL AHDAT AL MAHGRIBIYA
39 369
19 811
19 558
49,68 %
AL ALAM
23 892
10 274
13 618
57 %
AL HARAKA
5 756
1 002
4 754
82,59 %
AL ITIHAD AL ICHTIRAKI
25 286
9 513
15 773
62,38 %
AL MASSAE 2006
154 127
113 849
40 275
26,13 %
AL MOUNAATAF
5 202
942
4 260
81,89 %
AL MOUNTAKHAB
35 846
25 137
10 709
29,87 %
AS SABBAH
105 752
71 935
33 817
31,98 %
AL NAHAR MARGRIBIYA
21 479
6 953
14 526
67,63 %
ATTAJDID
7 529
2 923
4 606
61,18 %
AUJOURD’HUI LE MAROC
21 031
5 435
15 596
74,16 %
L’ECONOMISTE
31 196
19 937
11 259
36,09 %
LE MATIN Du SAHARA
42 310
24 816
17 494
41,35 %
LIBERATION
11 657
2 719
8 938
76,67 %
L’OPINION
38 006
18 347
19 659
51, 73%
Al BAYANE
11 082
2.364
8.718
78,67%
Al MOSTAKIL
4.900
274
4.626
94,41%
AL AYAM
36 360
22 163
14 197
39,04 %
Al MICHAAL
22 142
14 883
7 259
32,78%
FEMMES DU MAROC
19 392
12 029
7 363
37,97 %
LA GAZETTE DU MAROC
19 633
8 969
10 664
54,32 %
TELQUEL
34 488
23 172
11 316
32,81 %
LA VIE ECO
23 788
16 426
7 362
30,95 %
LE JOURNAL HEBDOMADD
DAIRE
20 973
11 895
9 078
43,28 %
Source : OJD Maroc
diagnostic global et analyse sectorielle
119
A titre de comparaison 38le taux d’invendus est de 35 à 38 % en
France et en Espagne et de 19 % au Royaume Uni et il est supérrieur pour les magazines que pour les quotidiens, contrairement
au Maroc. Un consensus professionnel veut qu’à plus de 30%
d’invendus, on perd de l’argent, et à moins, on perd des ventes.
ü La structure des coûts de la diffusion
De multiples facteurs concourent à la formation du coût global
de la distribution. Il se décompose, en général, en coûts directs
et indirects suivant qu’il s’agit de l’acheminement du journal
(tri, routage, transport-messagerie, Poste, chemins de fer, porttage) et des frais commerciaux (promotion, prospection, gestion
des abonnés, frais de vente), ou bien des coûts induits, tels que
la gestion des invendus ou les remises octroyées aux abonnés.
Certains de ces coûts résultent du service facturé (affranchissemment, portage...) et d’autres du prix facial du quotidien (rétribbution des mandataires), ce qui complexifie davantage encore
l’analyse.
Le coût de distribution d’un journal aura donc une structure
différente selon qu’il y a une proportion faible ou importante
d’abonnements, selon le poids du journal et l’étendue de l’aire
de diffusion.
Bien que la comparaison entre les pays dans ce domaine soit
difficile, du fait que les bases ne sont pas homogènes et de la
différenciation au niveau des commissions et des pratiques39, on
peut cependant souligner à titre indicatif, que ce coût est de 45%
en France, et que la fourchette de rémunération des points de
vente varie de 11 à 29% en France, de 21 à 26,5% en Angleterre,
de 18,31 à 20,24% en Allemagne et de 20 à 25% en Espagne.
38 - La comparaison est difficile dans la mesure où les invendus dépendent de plusieurs éléments
tels que la qualité de la diffusion, notamment la qualité de l’assortiment, du volume de diffusion
du titre (plus il est important, plus le taux d’invendus sera faible) et de la politique de diffusion
du titre.
39 - Le principe de la commission ad valorem prévaut dans la plupart des pays mais de
nombreuses charges ou bonifications doivent être prises en compte ce qui rend la tarification et
le coût de la distribution difficiles à appréhender.
Comm issions de distribution dans certains pays européens
120
dialogue national - media et societe
diagnostic global et analyse sectorielle
121
Au Maroc, on trouve un pourcentage proche puisque les niveaux
1 et 3 (les messageries et les vendeurs) prennent à eux seuls près
de 30%, ce qui donne en fin de compte, vu les autres charges, un
coût total de l’ordre de 45 à 50%.
Enfin, il est à signaler qu’au Maroc, beaucoup de facteurs s’imbbriquent faisant obstacle à la distribution. Citons à titre indicattif :
ØL’étroitesse du marché qui fait que la croissance du tirrage est de loin inférieure à la croissance démographiqque. Le Maroc est un très petit consommateur du papier
journal, come on l’a vu, puisque la part du papier journal
consommé annuellement par habitant est de l’ordre de
0,800 kg alors que dans certains petits pays tels la Suède
et la Suisse, on trouve respectivement 45kg et 42kg de
papier journal par habitant;
ØLa faiblesse du réseau de distribution traditionnel qui
couvre à peine la moitié de l’aire géographique;
ØL’intensité de la concurrence étrangère puisque plus de
1000 titres étrangers sont distribués au Maroc;
ØL’importance de l’analphabétisme;
ØL’inexistence d’habitudes journalistiques, contrairement
aux pays avancés qui fait du journal un bien de consommmation essentiel et régulier;
ØLa faiblesse de l’infrastructure routière et du réseau de
transport.
üLes recettes de vente
L’essentiel du produit de la vente provient, dans beaucoup
de pays, dont le Maroc, de la vente au numéro car l’app-
122
dialogue national - media et societe
port de l’abonnement reste marginal. Au Maroc, le nombre
total d’exemplaires des quotidiens vendus chaque jour et
contrôlés par l’OJD est de 308 871 en 2008. Il reste ceppendant en deçà des chiffres réalisés en Tunisie et l’Algérrie (410 000 et 1million d’exemplaires respectivement). Le
chiffre d’affaires journalier approximatif provenant de la
vente au numéro des quotidiens représente donc près 902
613 DH.
Diffusion payée des quotidiens au Maroc
Source : OJD
Évolution du prix de vente des quotidiens
au Maroc en DH
Années
1946
1947
1948
1949
1950
1951
1952
1956
Prix
0,03
0,05
0,07
0,08
0,010
0,12
0,15
0,25
Années
1963
1975
1977
1980
1989
1995
2001
2008
Prix
0,30
0,40
0,60
1,00
1,3 0
2,00
2,50
3,00
123
diagnostic global et analyse sectorielle
Pour la presse hebdomadaire (18 titres OJD) et la presse maggazine les ventes représentent en 2008 respectivement 9 927
194 exemplaires (soit 190 194 chaque semaine), et 1 967 490
exemplaires.
Diffusion payée des hebdomadaires au Maroc
Diffusion payée des magazines au Maroc
Source : OJD
124
dialogue national - media et societe
Accoutumé à un prix bon marché et stable, le public perd l’habittude de payer son journal au prix réel et accepte mal de voir ce
prix augmenter. Il est intéressant à ce sujet de s’interroger sur
l’élasticité de la demande des journaux en fonction de l’évoluttion de leurs prix40. Selon certaines études, il ressort que toute
augmentation de prix provoque, durant les premiers jours, une
perte de lecteurs de l’ordre de 10% et par la suite la demande rettrouve son cours normal. Au Maroc, l’augmentation du 20 octobbre 1980 a entrainé une baisse moyenne des ventes de l’ordre de
24% en novembre et de près de 12 % en décembre alors que pour
celle de 1989, il semble que la baisse est moins importante. Bref,
la demande des journaux n’est donc pas totalement insensible
à leurs prix, mais elle est cependant commandée par d’autres
facteurs plus déterminants.
Il est à noter aussi que si la demande des journaux est rigide
parmi les lecteurs habituels, elle ne l’est pas au niveau des
consommateurs potentiels, car pour ces derniers, toute hausse
de prix peut les conduire à renoncer à l’achat des journaux et
à se tourner vers d’autres médias ou produits culturels. Ainsi,
les avantages financiers attendus d’une augmentation des prix
peuvent produire un effet contraire si l’augmentation aboutit à
une chute de la diffusion non suivie d’une remontée équivalente
compensatrice, d’où des conséquences néfastes aussi sur les reccettes publicitaires.
On met là, en évidence l’un des paradoxes de la presse : des
charges qui croissent fortement et régulièrement, des recettes
de vente qui ne peuvent évoluer sans risque, des recettes publiccitaires qui s’accroissent afin de compenser la hausse des coûts
mais qui risquent de soumettre l’entreprise à des éléments exttérieurs et lui faire perdre son autonomie et par conséquent sa
fonction primordiale, celle d’informer dans le respect de son inddépendance éditoriale.
40 - L’élasticité est définie à partir du rapport négatif de la variation de la quantité demandée
par rapport à la variation du prix.
diagnostic global et analyse sectorielle
125
üLes recettes publicitaires
En raison de la crise financière qu’a connue le monde, les investtissements publicitaires ont enregistré un recul dans la plupart
des pays à l’exception de certains pays émergents. La comparraison entre les différents pays, en tenant compte de la place
de la publicité dans le PIB, ne manque pas d’être éloquente. Il
suffit de souligner que dans les pays industrialisés, les investtissements publicitaires représentent entre 1,4 et 2,7 % du PIB
alors qu’ils représentent à peine 0,6 % du PIB au Maroc contre
1% en Égypte. Autre référence significative pour rendre compte
du poids des dépenses publicitaires d’un pays, est le niveau de
dépenses par tête d’habitant. Il est de 604 Euros en Grande Brettagne, 278 Euros en Espagne et près de 6 Euros au Maroc.
Le cas du Maroc est à cet égard significatif. Malgré sa croissance
en valeur absolue, puisque le montant des dépenses publicitairres est passé de 40 MDH en 1976 à près de 2,775 milliards DH
en 2005, il reste néanmoins en deçà du niveau souhaité, peu
développé au regard de certains pays de même niveau de dévelloppement et bien insuffisant pour financer les médias.
Les causes du sous investissement sont dues à l’imbrication de
beaucoup d’éléments :
• L'investissement publicitaire est le fait de quelques firmmes multinationales qui accaparent plus de 60% des déppenses des annonceurs;
• Les PME qui représentent 92% du tissu économique
marocain demeurent en retrait de la communication et
de ses outils;
•
La distribution moderne reste encore assez peu dévelloppée;
126
dialogue national - media et societe
• Il faut aussi ajouter à cela la faiblesse du pouvoir d'achat,
une profession peu structurée et le manque d'outils de
références…
On ne dispose pas au Maroc de données sur la répartition de la
publicité entre les différents genres, mais d’après le feuilletage
de quelques publications marocaines, il ressort d’une part, que
la publicité profite d'avantage aux titres francophones et d’autre
part, qu'elle est accaparée par les périodiques notamment les
spécialisés où la publicité représente près de 50% de l'espace.
Ainsi, les plans médias des annonceurs sont établis à partir de
deux considérations essentielles : les caractéristiques socioécconomiques et démographiques des audiences effectives ou
potentielles des différents médias et l'approche plus ou moins
subjective, diversement fondée sur les possibilités des différents
supports quant à leur capacité de concrétiser et de réaliser les
objectifs recherchés.
La presse doit donc, d'un côté, prouver, par des sondages et des
enquêtes, l'importance de son public et ses caractéristiques, et
d'un autre côté, fournir les données sur sa distribution et sa difffusion. Pour plus de transparence, dans certains pays, ces donnnées sont d’ailleurs contrôlées par des organismes spécialisés
crées par les intéressés. C’est le cas en France avec l'OJD et le
CESP (Centre d’études des supports publicitaires), qui sont des
organismes à but non lucratif et tripartites, spécialisés dans
l'étude quantitative et qualitative de la presse et de son public.
Si le Maroc a opté finalement pour se doter d’une OJD, il n’a pas
encore choisi l’outil d’un CESP qui, lui, évalue qualitativement
l’impact réel des publications en matière de publicité pour éclairrer les choix des annonceurs de manière neutre et objective.
L’importance des petites annonces
Outre les diverses formes de publicité qu’elle permet, la presse
se distingue aussi par les possibilités qu’elle offre dans le dommaine des « petites annonces » ou « annonces classées » qui
diagnostic global et analyse sectorielle
127
occupent une place importante dans la presse marocaine. Ces
annonces furent, rappelons le, à l’origine de la publicité et sont
d’un très grand apport pour les journaux au point de constituer
pour certains titres la principale source de revenus. Elles concernnent d’une part, le marché du travail puisqu’elles constituent le
mode de recrutement le plus répandu, ainsi que le marché de
l’immobilier et le marché de l’occasion, et d’autre part, la pubblicité légale, judiciaire et administrative dont le but vise à renddre publiques une action ou une procédure administrative ou
judiciaire. Les annonces légales, judiciaires et administratives
(ALJA) sont régies par le décret du 29 mars 1965 (BO N°2636
du7 avril 1965), qui pose un certain nombre de conditions pour
la publication de ces annonces.
Les tarifs d’insertion de ces ALJA sont fixés par un arrêté du
Ministère de la communication. Le plus récent date du 5 mai
2006, (BO 15/06/06) et il fixe les tarifs comme suit: pour les
quotidiens : 8 DH par ligne de 34 lettres, signes et espaces en
corps 6 ; pour les autres publications : 6 DH par ligne de 34 letttres, signes et espaces en corps 6.
Enfin, Il nous faut signaler le phénomène de publicité détournnée, interdite par la loi et par l’éthique si elle n’est pas signalée
comme « publicité » ou « communiqué », fort présente dans la
presse marocaine et qui est susceptible de prendre de l’importtance : c’est la publicité rédactionnelle qui a la caractéristique
d’être, au Maroc trop souvent « clandestine » dans la mesure où
elle se présente comme de l’information générale dans un journnal, sous forme d’enquêtes, de reportages, de photos…sans qu’il
soit précisé qu’il s’agit d’une publicité rédactionnelle (« publireportage ») comme l’exige la loi.
Tout compte fait, la question de financement de la presse écrite
est le nœud gordien de la presse marocaine, maintenant qu’elle
est ouverte à l’entreprise privée, comparativement à son passé
partisan « anti- rentabilité économique », dans la mesure où
elle est largement, sinon systématiquement, ouverte à des sourcces et pratiques que ne caractérisent ni une codification légale
128
dialogue national - media et societe
précise et respectée, ni une codification déontologique, ni la
transparence, ni la compétition loyale et ses règles. L’opacité et
l’informel semblent dominer comme culture dans ce secteur, à
l’exception de l’État annonceur, quoique certaines pratiques de
cet acteur ne résistent pas à nombre de critiques et de suspiccions.
L’aide de l’État à la presse écrite
L’aide de l’État à la presse écrite est un des éléments de
l’économie de la presse dans la mesure où elle conditionne la
survie de certaines publications en difficulté qui n’arrivent pas,
par leurs propres moyens, à assurer l’équilibre de gestion. Le
fondement de cette intervention est aujourd’hui largement admmis dans nombre de pays afin de garantir le pluralisme de la
pensée et de l’expression, de faciliter et promouvoir la mission de
service public de la presse – mission bien reconnue par les États
démocratiques- et pour limiter le mouvement de concentration
dans ce secteur. Mais les modalités de l’aide, son volume et son
importance varient d’un pays à l’autre, bien qu’on trouve dans
la plupart des systèmes des points communs. La caractéristique
essentielle de cette aide publique est qu’elle est soit directe (par
un ou des fonds spécialement dédiés), soit indirecte (par le biais
de dégrèvements fiscaux, tarifications et impositions spécialemment allégées ou même des moratoires fiscaux), soit combinant
les deux traitements.
En Allemagne et au Royaume Uni, la presse ne bénéficie d’aucunne aide directe de l’État. En Espagne, la loi de finances de 1997
avait supprimé les aides directes nationales de l’État, cependant
certaines communautés autonomes accordent toujours des
aides à la presse écrite au titre de la promotion des langues réggionales41. La France se distingue parmi ses voisins européens, ou
même dans le monde, par l’ampleur et la lourdeur de l’arsenal
juridique et financier de son système d’aide. Ce système d’aide,
41 - La Navarre soutient la promotion de la langue basque depuis 1990 (249 541 € pour
l’ensemble de la presse en 2003), le Pays Basque fait de même depuis 1994 (1,7 M€ en 2003) et
la Catalogne fournit des aides pour la promotion de la langue catalane depuis 1998, et depuis
2002, pour la promotion de la langue aranaise (2,7 M€ en tout en 2002).
diagnostic global et analyse sectorielle
129
qui a largement inspiré le système marocain, date de plusieurs
années, privilégie davantage l’aide neutre et indirecte, tout en
accordant des aides indirectes. Il se situe à mi-chemin entre cellui de Grande-Bretagne (aide indirecte), restreint et peu intervvenant et celui adopté par certains pays scandinaves tel que la
Suède qui est direct et sélectif.
Le système que s’est donné le Maroc à partir de 1987 s’inspire
en partie de ces systèmes mais il reste très faible en volume et
sélectif, ne couvre pas tous les aspects de l’exploitation et surttout ignore les investissements (relatifs notamment aux équipemments).
Il existe donc deux types d’aides : les aides directes : aides sous
forme de subventions et les aides indirectes : aides consistant
en une minoration des dépenses normalement dues à l’État ou à
des entreprises publiques. Parmi les principaux pays européens
seules la France et la Suède ont un système d’aides directes à la
presse. Deux pays qui se détachent largement dans le tableau
comparatif suivant :42
42 - Source : Cecilia BERTHAUD et Vincent MENUET (sous la supervision de François
AUVIGNE), op.cit.
130
dialogue national - media et societe
Toutefois, la TVA réduite est la principale mesure d’aide indirrecte commune à la plupart des pays43.
Taux de TVA appliqué à la presse écrite
France
Allemagne Royaume-Uni
Espagne
Suède
2,1%
7,0%
0,0%
4,0%
6,0%
Journaux et
magazines
Journaux et
magazines
Journaux et
magazines
Journaux et
magazines
Journaux et
magazines
Taux se TVA réduit
5,5%
7,0%
5,0%
7,0%
6% ou 12%
Taux se TVA normal
19,6%
19,0%
17,5%
16,0%
25,0%
Taux se TVA payé par la presse
Type de presse concernée
En France, le dispositif de l’aide est très ancien. Il date de la révvolution française, car depuis 1796, il y a eu une aide au niveau
de la diffusion mais, depuis, d’autres mesures se sont progressivvement ajoutées44. Aujourd’hui, le système d’aide répond à l’un
ou l’autre des trois objectifs majeurs suivants : le développemment de la diffusion, la défense du pluralisme, la modernisation
et la diversification vers le multimédia des entreprises de pressse. Cette aide bénéficie aux seules publications inscrites sur les
registres de la Commission paritaire des publications et agences
de presse (CPPAP) qui est un organisme associant des représenttants de l’État et des éditeurs, chargé de contrôler et d’émettre
un avis, en fonction de divers critères, sur les entreprises bénéfficiaires de l’aide publique, stipulant notamment que les journnaux et magazines répondent bien à certaines exigences:
- « avoir un caractère d’intérêt général quant à la diffusion de
la pensée : instruction, éducation, information, récréation du
public… ;
- paraître régulièrement au moins une fois par trimestre… ;
- avoir au plus les deux tiers de leur surface consacrés à des
réclames ou des annonces.».
43 - Idem.
44 - C’est la loi du 4 thermidor an IV (1796) qui a introduit un allègement des tarifs postaux qui
s’en trouve à l’origine. De même, l’exonération de la patente pour les entreprises de presse en
1844 préfigure l’exonération de la taxe professionnelle qui sera accordée en 1975 à ces mêmes
entreprises.
diagnostic global et analyse sectorielle
131
Les aides directes en France, jusqu’en 2009, portent sur 2
volets essentiels : les aides à la diffusion et les aides concourant
au maintien du pluralisme
§les aides à la diffusion consistent en :
- une subvention versée à la SNCF (7,3 millions
d’euros en 2007 et 5,8 millions d’euros en 2008)
en compensation du tarif réduit qu’elle consent
aux sociétés de messagerie de presse (NMPP, TP
et MLP);
- l’aide à l’impression décentralisée des quotidiens;
- l’aide à la modernisation des diffuseurs pour souttenir la modernisation du réseau de vente de la
presse écrite;
- l’aide exceptionnelle au bénéfice des diffuseurs de
presse spécialistes et indépendants;
-
l’aide à la distribution et à la promotion de la
presse française à l’étranger;
- l’aide au portage de la presse;
- l’aide à la distribution de la presse quotidienne
nationale d’information politique et générale.
§Les aides concourant au maintien du pluralisme :
- Le fonds d’aide aux quotidiens nationaux d’informmation politique et générale à faibles ressources
publicitaires;
132
dialogue national - media et societe
-
Le fonds d’aide aux quotidiens régionaux, départtementaux et locaux d’information politique et génnérale à faibles ressources de petites annonces;
- L’aide aux publications hebdomadaires régionalles et locales;
-
Le fonds d’aide à la modernisation de la presse
quotidienne et assimilée d’information politique
et générale;
- Fonds d’aide au développement des services de
presse en ligne.
Quant aux aides indirectes, elles sont de différente nature :
§Sur le plan fiscal : il faut mentionner l’application d’un
taux réduit de TVA de 2,1%, l’exonération de la taxe professionnnelle pour les éditeurs de journaux et agences de presse, et la
mise en place d’un régime spécial des provisions pour investisssement (Art.39Bis du code général des impôts)45;
§Sur le plan postal : La presse bénéficie de tarifs postaux
préférentiels pour son acheminement et sa distribution par La
Poste;
§Sur le plan social : un abattement de 20 % est appliqué
aux taux de cotisations sociales des journalises, application d’un
régime dérogatoire des taux de cotisations de sécurité sociale
des vendeurs-colporteurs et des porteurs de presse et d’un stattut social spécial des correspondants locaux de la presse.
Le système d’aide français vise deux objectifs : soutenir la difffusion de la presse d’information générale et renforcer la divers45 - Les dispositions de l’article 39 bis permettent aux entreprises de presse, éditant soit
un journal, soit une publication mensuelle ou bimensuelle consacrée pour une large part à
l’information politique, d’affecter en franchise d’impôt une partie de leurs profits à l’acquisition
d’éléments d’actif nécessaires à leur exploitation. Les entreprises concernées peuvent donc
retrancher de leur bénéfice imposable, dans certaines limites : soit les dépenses effectuées au
cours de l’exercice pour l’acquisition de matériels ou de constructions strictement nécessaires
à l’exploitation du journal ; soit une provision destinée à leur permettre de faire face au
financement ultérieur d’investissements de même nature.
diagnostic global et analyse sectorielle
133
sité. Mais plusieurs rapports et études sur ce système révèlent
son inefficacité et soulignent que ces deux objectifs n’ont pas été
réellement atteints puisque la situation de la presse en France
est loin d’être parmi les meilleures. On reproche à ce système
le fait qu’il a ancré la culture d’assistance de la presse, qu’il a
permis à plusieurs entreprises de presse de se développer sans
capitaux et sans stratégie industrielle ni initiatives de diversificcation, ce qui a freiné le développement d’un véritable potentiel
industriel de la presse française. Ce qui peut être retenu égalemment comme évaluation dans le cas du Maroc.
Le « Livre vert » remis au Président français en janvier 2009
par un groupe d’experts a recommandé en conséquence à l’État
français d’opter pour une « aide investissement » en lieu et placce de cette traditionnelle « aide subvention ».
En Suède, le régime d’aides publiques en faveur de la presse a
été introduit en 1969 pour enrayer la multiplication des faillites
d’entreprises de presse. A l’origine transitoire, le dispositif s’est
pérennisé et les aides directes s’élèvent aujourd’hui à près de 55
M€, soit environ 2,5 % des revenus totaux du secteur46.
Cette aide dont l’objectif principal est la défense du pluralisme
se compose de deux volets :
- une aide à l’exploitation et au fonctionnement
(85% des aides globales accordées à la presse quottidienne en 2007, soit environ 47 M€)47;
- et une aide à la distribution (15% des aides globalles, soit environ 8 M€) qui bénéficie à 137 quotiddiens (soit presque tous les journaux payants, au
nombre de 165). Elle vise essentiellement à incitter les quotidiens à mettre en place des sociétés
46 - Cecilia BERTHAUD et Vincent MENUET (sous la supervision de François AUVIGNE),
op.cit.
47 - Cette aide concerne 77 quotidiens1, soit 17% du tirage global ; et la moitié environ des
titres de la presse payante. Elle est néanmoins très concentrée, deux quotidiens en perçoivent
l’essentiel, ce qui est source de nombreuses critiques
134
dialogue national - media et societe
de distribution communes. Par ailleurs, en 2003,
une subvention spécifique à la distribution de la
presse «quotidienne» le samedi a été introduite (1
M€, pour 73 journaux).
Les conditions d’obtention de l’aide sont :
- Pour l’aide à l’exploitation, il faut avoir une diffussion (2 000) et un taux d’abonnement minimum
(70%), ne pas proposer un prix d’abonnement senssiblement en dessous de ceux de quotidiens similairres et disposer d’un taux de couverture des ménages
ne dépassant pas 30% de la zone considérée;
- Pour le régime d’aides à la distribution, il faut
transférer l’activité de distribution à une société
de «distribution commune», elle-même détenue
par les quotidiens concernés, qui assure le service
de codistribution des quotidiens. Il faut également
garantir le même prix de distribution à tous les
éditeurs, même ceux qui ne participent pas à la socciété de distribution. L’objectif est d’harmoniser les
coûts de la distribution des journaux afin de mieux
garantir le pluralisme de la presse suédoise;
- Sont exclus les journaux gratuits et, partiellement,
les journaux de presse populaire du soir;
- Les aides directes ont essentiellement un caractère
automatique et sont allouées par un Comité de subvvention de la presse (Presstödsnämnden), sous tuttelle du ministère de la Culture.
Le régime d’aide suédois fait l’objet de quelques critiqques, notamment son volet concernant l’exploitation, car on
estime qu’elle entraînerait des distorsions de concurrence sans
être nécessaire au pluralisme de la presse (deux titres dits «mét-
diagnostic global et analyse sectorielle
135
tropolitains» obtiennent 15% des aides, qui représentent 8% et
26% de leur chiffre d’affaires). Enfin, le dispositif d’aides en
Suède ne tient pas compte du développement de la presse nummérique et concerne exclusivement la presse écrite.
Au Maroc, Depuis 1987, l’Etat Marocain a commencé à attribbuer l’aide aux organisations syndicales et politiques et à leurs
organes de presse. Cette aide consiste en une subvention annnuelle directe et autres avantages octroyés à la presse en plus
d’une aide supplémentaire fournie aux partis à l’occasion des
élections législatives et communales. Ainsi, de 1987 à 1994, le
cumul total de cette aide a atteint 500 millions de dirhams.
Cette aide était limitée, au départ, à quelques organes et n’était
pas réglementée et de facto la presse non partisane était exclue.
Mais à la suite de la conclusion d’un contrat programme entre
l’État et la FMEJ, en 2005, l’octroi de cette aide s’est relativemment réglementée48.
- Institution d’une Commission Paritaire de la Presse Écrite
Cette commission a pour rôle d’étudier les dossiers des entrepprises de presse écrite devant bénéficier des dispositions du
Contrat Programme, notamment le volet concernant l’aide. Elle
délivre à cette fin un numéro propre à chaque entreprise de
presse lui permettant de bénéficier de cette aide et elle se réservve le droit de retirer le numéro de CPPE, en cas de non respect
de l’une des conditions requises, et de le restituer si les condittions sont à nouveau réunies. Elle est composée de 12 membres
(6 représentant l’État et 6 les éditeurs dont le 1/3 est réélu tous
les deux ans).
- Les conditions pour l’obtention de l’aide
Pour bénéficier de l’aide, il faut répondre à un certain nombre
de conditions :
48 - Ce contrat programme a pour objectif la mise à niveau de l’entreprise de presse et sa
modernisation.
136
dialogue national - media et societe
1. La publication ou l’entreprise de presse écrite doit être dans
une situation régulière vis-à-vis des lois en vigueur;
2. A l’exception des journaux partisans, la publication ou l’enttreprise de presse écrite doit être assujettie au droit des sociétés
et ayant son siège social au Maroc;
3. La publication ou l’entreprise de presse écrite doit être d’infformations nationales ou régionales;
4. La publicité ne doit pas dépasser 50% comme moyenne annnuelle de l’espace de la publication ;
5. La publication doit être destinée au public à prix défini ou par
abonnement ;
6. La publication ou l’entreprise de presse écrite doit signer la
Convention Collective propre aux journalistes après son approbbation par la Fédération Marocaine des Éditeurs de Journaux et
le Syndicat National de la Presse Marocaine avec comme date
limite le 1er janvier 2007.
7. La publication ou l’entreprise de presse écrite doit employer
au moins :
- Un rédacteur en chef, 7 journalistes professionnels et 7
employés pour les quotidiens;
- Un rédacteur en chef, 4 journalistes professionnels et 5
employés pour les hebdomadaires
- Un rédacteur en chef et 3 journalistes professionnels
pour les quotidiens régionaux ;
-
Un rédacteur en chef et 2 journalistes professionnels
pour les hebdomadaires régionaux ;
8. Il est exigé une régularité de parution, et pour les publications
paraissant pour la première fois une parution régulière de deux
ans;
9. La publication ou l’entreprise de presse écrite doit publier annnuellement les comptes d’exploitation ainsi que son tirage pour
chaque numéro.
diagnostic global et analyse sectorielle
137
- La nature de l’aide au Maroc
L’aide est octroyée aux entreprises de presse écrite munie du
numéro de la commission paritaire, dans la limite des crédits
ouverts annuellement, sous forme de subvention pour contribbuer au financement de leurs programmes de modernisation,
notamment les dépenses d’équipement nécessaires et les frais
relatifs à l’achat de papier, au téléphone, au fax, à la connexion
Internet, l’hébergement des sites et aux coûts de transport des
journaux à l’étranger.
Les entreprises de presse écrite bénéficient également de tarifs
préférentiels pour le déplacement des journalistes et pour le
transport de la presse nationale au Maroc et à l’étranger.
Cette aide est réservée dans une proportion de 80% aux titres
nationaux et de 20% aux titres régionaux.
Au niveau de l’aide directe, depuis 1987, suite à la lettre royale
adressée au Premier ministre (19 décembre 1986), la presse parttisane représentée au parlement bénéficie d’un don royal annuel
de 20 millions DH dont l’enveloppe est répartie inégalement enttre les partis proportionnellement à la représentation de chaque
formation politique au parlement.
De surcroit, depuis 1988, la presse bénéficie d’une subvention
pour l’acquisition du papier journal qui permet aux publications
dont le tirage est inférieur à 20.000 exemplaires de couvrir 40%
du prix réel du papier presse et celles dont le tirage est supérrieur à 20.000 exemplaires de couvrir 30% du prix réel du pappier presse, dans la limite d’un plafond de 50.000 exemplaires
quantifiés. L’État prend également en charge à concurrence de
50% les dépenses au titre de la ristourne sur les frais de communnications téléphoniques, fax et lignes spécialisées dans la limite
de 6 lignes.
De même, en plus des ALJA signalés précédemment, les entrepprises de presse bénéficient d’une subvention relative au transp-
138
dialogue national - media et societe
port des journaux à l’étranger dans la limite des crédits annuelllement consacrés à cet effet (qui restent peu précisés).
En ce qui concerne l’aide indirecte, elle se compose d’une rédduction de 30% des frais d’abonnement aux services de l’Agence
MAP, la gratuité des photos couvrant les activités nationales, la
gratuité ou la réduction du transport ferroviaire pour les journnalises, l’exonération de la TVA pour les annonces légales. L’envveloppe budgétaire allouée à l’aide, dans le budget du ministère
de la communication s’élève depuis 2008 à 50 millions de dirrhams. En 2005, l’aide totale octroyée à la presse a bénéficié à 42
publications (18 quotidiens, 19 hebdomadaires et 5 mensuels).
En 2010, à l’occasion du Dialogue national, la FMEJ précisait
que cette aide bénéficiait à un total de 62 publications.
En résumé, on constate que le système d’aide érigé par le Marroc, renferme plusieurs similitudes avec les systèmes étrangers,
mais il reste de très faible importance représentant des sommmes modiques et négligeant certains aspects d’intérêt majeur
tels que la distribution, l’encouragement à l’investissement et à
la modernisation de l’équipement. Certes, dans le contrat proggramme, il est prévu que l’entreprise de presse puisse bénéficier
des dispositions du Programme National de Mise à Niveau et
donc d’un appui et d’un soutien technique (expertise, formattion, diagnostic stratégique, etc.) et financier (lignes de crédit
étrangères, ligne capital risque, FOGAM, FGIC, FONMAN Fonds National de la Mise à Niveau-), etc. Mais apparemment,
ces dispositions n’ont pas été activées. Or, comme on l’a vu au
niveau des coûts de production, les mutations technologiques
dans ce secteur sont très rapides, obligeant les entreprises de
presse, du fait de l’accélération de l’obsolescence et l’accentuattion de la concurrence, à renouveler leur matériel dans un laps
de temps de plus en plus réduit, alors qu’auparavant, l’investtissement s’étalait sur plusieurs années. La lourdeur de ces invvestissements doit donc être allégée par un soutien de l’État à
l’équipement et à l’investissement, à l’image de ce qui se passe
dans d’autres pays.
diagnostic global et analyse sectorielle
139
Par ailleurs, telle qu’elle se présente et selon sa forme actuellle, l’aide profite d’avantage aux journaux qui bénéficient d’une
large diffusion et d’importants apports publicitaires et on ne
trouve aucune mesure au profit de publications à faible ressourcces publicitaires, ce qui risque de renforcer les inégalités dans la
presse et même de les accentuer, si on ne cherche pas à rendre le
système plus juste et de le moduler en fonction des besoins , en
s’inspirant des expériences d’autres pays dans ce domaine.
En fait, le montant de 50 millions de DH alloués annuellement
à la presse écrite au titre du contrat programme signé suite aux
assises de 2005, reste très en deçà des besoins réels en matière
de modernisation puisque dans la plupart des cas, il ne représsente même pas un mois du CA des entreprises concernées.
D’un autre côté, force est de relever que le concours bancaire,
prévu par le contrat programme, reste quasi-inopérant. Les
banques restent, comme on l’a vu, démesurément prudentes et
récalcitrantes à accorder des capitaux à un secteur réputé difficcile et risqué. Le cas des entreprises de presse risque de connaîttre, à l’égard des banques, le même sort que celles-ci avaient
réservé jadis aux crédits jeunes promoteurs, c’est-à-dire des acccords écrits avec l’État mais soumis à des instructions orales et
à des « politiques de la maison » allant à l’encontre des engagemments pris avec les pouvoirs publics. Dans la réalité de tous les
jours pour les journaux, avec la crise de liquidités que rencontre
actuellement le secteur bancaire, tout concours financier aux
entreprises de presse devient très hypothétique. Les banques
sont des organismes privés, qui prennent leurs décisions d’octtroi de crédit de façon souveraine, et qui veillent farouchement
sur leur autonomie décisionnelle en la matière. Et le moins que
l’on puisse dire, c’est que les banques ne sont pas de farouches
partisans du financement des entreprises de presse.
Aussi, et comme nous l’avons déjà mentionné, en cas de problèmme financier ou de resserrement de trésorerie, les entreprises de
140
dialogue national - media et societe
presse savent ne pas pouvoir compter sur les subventions pubbliques ou les concours bancaires. Elles sont alors contraintes
d’actionner l’un des leviers suivants :
- Versements en compte courant de leurs actionnaires
ou associés ;
- Mécénats publicitaires, plus ou moins déguisés, en
provenance de personnes étrangères au capital ;
- Pression sur le distributeur pour versement d’avancces sur les ventes ;
- Insistance auprès des agences de communication
pour régler leurs arriérés ou, plus rarement et plus
difficilement, accorder des avances sur chiffres d’afffaires à venir.
Ce sont ces solutions bien aléatoires, ajoutées l’inorgannisation bien préjudiciable du marché publicitaire, qui
s’avèrent être fortement déstabilisatrices pour quelconqque politique – ou génie - de management, plombant vérritablement l’entreprise de presse marocaine et la mainttenant dans des zones de précarité économique, d’incerttitude et d’hésitation au plan de ses stratégies commercciale, infrastructurelle et au plan de son développement
global, sa production de contenus comprise. Ce sont là
les tendances lourdes qui expliquent le sous développemment économique de notre entreprise de presse écrite,
sous développement qui a des répercussions évidentes
sur ses contenus comme sur sa gouvernance.
Le cas de la presse gratuite
Le recours à la publicité a donné lieu aussi dans beaucoup de
pays, notamment, industrialisés, au développement du phénommène de la presse gratuite. Les gratuits, sous forme de journaux
d’annonces ou d’informations culturelles, existaient depuis
longtemps, mais l’apparition de quotidiens d’information politiq-
diagnostic global et analyse sectorielle
141
que et générale distribués gratuitement est relativement récente
dans la plupart des pays49.
Actuellement, on relève la présence de cette forme de presse
gratuite partout dans le monde avec des titres couvrant différrentes thématiques et à périodicité variée. La presse gratuite
est devenue partout un nouvel acteur sauf en Allemagne où elle
n’est pas parvenue à s’implanter pour deux raisons : la création
par les éditeurs de leurs propres titres gratuits empêchant ainsi
cette presse d’obtenir de contrats auprès des annonceurs, avant
de les retirer et leur refus d’être son partenaire en matière d’imppression et de distribution.
En France, le secteur du gratuit est devenu tellement dynamiqque qu’il a réalisé en 2008 un chiffre d’affaire de 1,08 milliards
d’euros dont 750M€ pour la presse gratuite d’annonces et 334
M€ pour la presse gratuite d’information. La récente amplificattion de ce phénomène a débuté au printemps 2002 par le lanccement de 2 quotidiens gratuits d’information (20 minutes et
Metro) dans les plus grandes villes françaises (Paris, Marseille,
Lyon au départ et par la suite Toulouse, Bordeaux, Lille, Strasbbourg, Nantes…). Mais rapidement d’autres titres gratuits, crées
par les éditeurs des quotidiens payants pour contrer les deux
nouveaux arrivants ont vu le jour : Marseille Plus, Ville Plus,
Direct Plus, etc. On compte aujourd’hui sur le marché français
plus de 500 journaux et magazines dont 85 sont contrôlés par
l’OJD. Le public cible visé par les gratuits, notamment « Metro »
et « 20 minutes », est un public jeune qui ne lisait pas habituelllement les quotidiens. Ce qui est une tendance de ciblage avérée
également dans le cas de la débutante presse gratuite au Marroc.
Au Canada, depuis près d’une dizaine d’années, les anglophonnes comme les francophones se voient offrir aux bouches du
métro, dans les grandes villes, au moins deux quotidiens grat49 - C’est seulement en 1995 que le journal Métro paraît à Stockholm sous la houlette du
groupe suédois Kinnevick, spécialisé dans les aciers, les métaux spéciaux, les propriétés et les
exploitations forestières…
142
dialogue national - media et societe
tuits (« Métro » ou « 24H »). Sachant que ce pays a une longue
tradition de presse gratuite dominicale nationale ou régionale
ou encore ciblant les arts et spectacles et qui, en moyenne, sous
forme tabloïd, offre une quarantaine de pages ou plus dont une
proportion infime est réservée à de brèves informations, intervviews et reportages de proximité, le grand reste étant occupé
par la publicité de marques et les annonces classées.
Le Maroc à son tour, n’a pas échappé à ce formidable essor de la
presse gratuite. Depuis 2005, le nombre des titres de la presse
gratuite d’information n’a cessé de se développer, qu’ils soient
destinés à un lectorat arabophone (ex : « Assahra Almassa’iya »)
ou francophone (ex : « Au Fait », fortement inspiré par l’exempple montréalais francophone « Métro »).
Ce type de presse est apparu au Maroc vers 2003, avec Exit et
CasaMaVille à leurs débuts, avant qu’ils ne deviennent payants,
puis plus tard Madinati, Sport Hebdo, Plurielle et, plus récemmment, Au Fait… Les tirages sont importants mais, suite à l’arrêt
de Madinati, on est en droit de s’interroger sur la viabilité d’un
tel modèle de presse au Maroc.
Deux groupes se distinguent dans ce domaine : DOVOCEAN
qui édite le quotidien « Au Fait » et le groupe GEOMEDIA plus
connu au travers de ses trois titres phares : Madinati devenu
Madincity, Plurielle, le gratuit féminin, ou encore Sport Hebdn
do.
143
diagnostic global et analyse sectorielle
Titres gratuits contrôlés par l’OJD au Maroc
Périodicité
Organisme
éditeur
Au FAIT
quotidien
DEVOCEAN
CASA POKET
mensuel
Titre
L’INTERMIDIAIRE
CASABLANCAIS
MADEINCITY
PLURIELLE
magazine
SPORT HEBDO
Catégorie
Actualité
générale
Actualité
générale
Actualité
générale
Tirage
2008/2009°
44.206°
35.000
Hebdomadaire
Press Group
l’Intermédiaire
Bimensuel
GEOMEDIA
Mensuel
GEOMEDIA
Féminin
32.360
Hebdomadaire
GEOMEDIA
Sport
61 .600
150.000°
39.436
Le secteur gratuit au Maroc ne constitue pas, jusqu’à présent,
une menace pour la presse payante, car son impact reste très
limité. Il génère des revenus publicitaires limités estimés à envviron 50 millions de dirhams annuellement. Et c’est le groupe
GEOMEDIA qui se taille la part du lion avec 17 millions de dirrhams de revenus publicitaires pour l’année 2008, ce qui représsente moins de 10 % du chiffre d’affaires publicitaire du quotiddien L’Economiste estimé en 2008 à 200 millions dirhams.50
Ces journaux jouent aujourd’hui sur un phénomène, qui s’est
amplifié avec le développement des réseaux en ligne, qui, eux,
cultivent cette impression d’un accès gratuit à l’information et
à la culture : ils permettent, dans le cas du Maroc, à une certaine
frange de la population d’accéder à la presse, non seulement pour
des raisons de pouvoir d’achat mais aussi pour des raisons liées
au réseau archaïque de la distribution classique (kiosquiers). Ils
apportent donc une réponse concrète à la faiblesse de la pénéttration de la presse chez le public marocain dont le potentiel
de lecteurs est estimé de 4 à 5 millions d’individus, alors que la
diffusion payante ne dépasse pas dans la meilleure des conjoncttures les 400.000 exemplaires. Cependant, pour se distinguer
50 - Rachid HALLAOUY, in Yabiladi.com sep 2008
144
dialogue national - media et societe
et être pertinente, il est nécessaire pour la presse gratuite de se
démarquer sur le plan éditorial, sur le contenu et être efficace
au niveau de la distribution.
C’est pourquoi, partout, en Europe et en Amérique du Nord, les
gratuits ont développé un produit basé sur une neutralité éditorriale totale, comme le souligne M. Jean-Pierre Bozo, président
directeur général du français 20 minutes : « Nous faisons du
‘’hard news’’ c’est-à-dire des faits sans commentaires, avec une
information brute, des chiffres, des faits et un visuel. Nous ne
prenons pas position politiquement, nous laissons le lecteur se
forger son opinion à partir des faits »51.
Le modèle économique de la presse gratuite est très différent
de celui de la presse payante. Il se différencie essentiellement
dans les domaines de l’impression, de la distribution et de la
promotion.
ØL’impression fait appel à la sous-traitance et est confiée
donc à des imprimeries hors-presse. Elle est donc négocciée d’une manière avantageuse;
ØLa distribution est assurée par un personnel à statut inccertain et souvent précaire au moyen de présentoirs ou
par colportage, en particulier à l’entrée des bouches de
métro, sur les carrefours des routes et devant les gares
aux heures des trajets matinaux domicile/travail, ce qui
fait que les stocks sont écoulés très rapidement;
ØLa promotion de ces journaux fait l’objet de campagnes
de marketing particulières faisant appel souvent à des
51 - Cette ligne éditoriale répond à quatre impératifs :
- « la notion d’information essentielle ;
- l’information, sous forme de coordonnées postales, de numéros de téléphone, liens Internet,
voire SMS…
- l’ancrage local développé sur six à huit pages (sur une pagination moyenne de 22 pages)
portant aussi bien sur des informations générales d’actualité locale que des informations
sportives et des informations de services (« bons plans » pour les sorties du soir) ;
- l’information « fun » offrant aux lecteurs « la possibilité de résister à une actualité… parfois
triste », par une information « people » éloignée des contenus des tabloïds britanniques. »
In, Michel MULLER, Garantir le pluralisme et l’indépendance de la presse quotidienne pour
assurer son avenir, op.cit, p.81
diagnostic global et analyse sectorielle
145
alliances avec des chaines de restauration rapide, voire
des accords d’exclusivité de distribution comme le fait
« 20 minutes» avec la SNCF et « A nous Paris » avec la
RATP.
Les plans de lancement de ces gratuits se proposent un objjectif d’équilibre financier rapide sur 3 ans ; mais souvent ces
dates sont repoussées. Les investissements nécessaires au lanccement d’un gratuit en France restent importants. Ils atteignent
selon les éditeurs 38 millions d’euros pour « Metro » et 35 milllions d’euros pour « 20 minutes ».
Les gratuits réalisent des revenus publicitaires en constante
progression. Mais en 2008, en raison de la crise financière, on
note une légère baisse due à la chute du marché de l’immobillier et des annonces, et des effets de la concurrence de l’Internet
dans le domaine des petites annonces. Néanmoins, les gratuits
font aujourd’hui partie intégrante des plans média des annoncceurs. Et il est à redouter que le marché publicitaire ne soit pas
en mesure de satisfaire toutes les demandes. Or, étant donné que
la publicité est la seule ressource de ces publications, il faudrait
alors que les investissements publicitaires croissent fortement
pour éviter que ne s’opèrent des transferts de la presse payante
vers la presse gratuite. Il reste qu’au Maroc, cette presse bénéfficie de la part des annonceurs de maigres parts, tant les condittions attrayantes de consommation de cette presse font encore
défaut au Maroc (transports communs organisés et confortabbles, pouvoir d’achat, habitude de lecture…). La preuve, Au Fait
n’a dépassé le million de dirhams de recettes publicitaires que
deux fois depuis son lancement, alors que pour un quotidien
à diffusion de 50.000 exemplaires quotidiens, ce chiffre reste
extrêmement modeste. A titre de comparaison, le Matin réalise
des chiffres d’affaires en publicité variant mensuellement entre
6 et 10 millions de dirhams, et l’Économiste dépasse très souvvent ce dernier seuil. Plus éloquent encore, le groupe Maroc Soir
avait lancé, en 2008, son quotidien arabophone gratuit à (très)
grand tirage, « Al Massa’iya », qui imprimait chaque jour quelq-
146
dialogue national - media et societe
que 100.000 exemplaires, mais l’expérience s’est soldée par un
échec commercial, significatif de l’inadaptabilité de ce modèle
économique au Maroc. Bref, les créations de journaux gratuits
n’ont d’égales que les fermetures des mêmes journaux, tant en
arabe qu’en français. Il ne reste alors en matière de presse grattuite que les titres spécialisés, et essentiellement en immobillier. Et même ce type de presse gratuite dédiée à un domaine
d’activité déterminé résiste difficilement à la crise actuelle que
connaît ce secteur.
Face à ces enjeux, les quotidiens payants ont adopté des
stratégies différenciées :
• Conclusion d’accords pour l’impression de titres gratuits,
ainsi Au Fait est imprimé sur les rotatives de Maroc soir,
Metro est imprimé sur les rotatives de France Soir et
20 minutes sur celles du Monde ;
• Edition de gratuits par des titres payants comme l’illusttre l’expérience avortée du groupe Maroc Soir qui a lancé
pendant un certain temps, Al Massa’iya, un gratuit qui,
en fait, se contentait, de fournir un sommaire détaillé des
infos, invitant le lecteur à les approfondir sur les titres
payants du groupe Al Maghribia et Assabahia;
• Développement du réseau Villes Plus par les groupes Hacchette Filipacchi Médias et Socpresse et leurs quotidiens
régionaux, avec des stratégies défensives pour capter les
recettes publicitaires de Metro et de 20 minutes ;
• Participation au capital des gratuits (le groupe Ouest
France est présent par exemple dans le capital de 20
minutes France et l’éditeur du Parisien dans celui d’ A
nous Paris) ;
•
Collaboration à la publication par la vente de certains
contenus ou en matière de régie publicitaire.
Ainsi, si les gratuits peuvent provoquer un effet d’évicttion publicitaire en raison de leur modèle économique
diagnostic global et analyse sectorielle
147
basé sur la manne publicitaire, ils ont néanmoins montré
qu’avec une nouvelle approche éditoriale, des formes de
distribution appropriées et des techniques de marketing
efficientes, il est possible de séduire un lectorat négligé
ou en voie de disparition avec le développent du web.
Par ailleurs, en France, les gratuits bénéficient de certaines
aides fiscales comme l’exonération de la taxe professionnelle,
ou bien les mécanismes de l’article 39 bis du code général des
impôts. Cependant, ils ne peuvent prétendre aux aides directes
dont l’obtention est conditionnée par l’inscription auprès de la
Commission paritaire des publications et agences de presse qui
suppose une diffusion payante. Au Maroc, le Dialogue national
a reçu un mémoire de l’équipe du journal « Au Fait » appelant à
l’accès pour cette presse à l’aide publique, au même titre que la
presse payante.
Face à ce développement de la presse gratuite et à ses vellléités de prétendre à une aide publique, certains éditeurs de
presse pensent que les gratuits sont responsables de la baisse
de la diffusion des payants et qu’ils constituent un concurrent
déloyal. Ainsi le journal français « Libération » constate qu’il a
perdu des lecteurs avec l’émergence des gratuits52. Cependant,
d’une part, l’expérience prouve, jusqu’à présent, qu’un nouveau
média ne réduit pas forcément l’audience de ses concurrents, et
d’autre part, différentes enquêtes ont montré un effet neutre des
gratuits sur la diffusion des payants et une certaine complémenttarité des deux supports.53 Dans le même sens, Khalil Hachimi
Idrissi, Président de la Fédération marocaine des éditeurs de
journaux (FMEJ), et directeur de publication d’Aujourd’hui le
Maroc estimait que « La presse gratuite constitue une concurrrence déloyale qui risque à très court terme de fragiliser la presse
payante comme cela a d’ailleurs été le cas et à des degrés divers
52 - Dans son édition du 17 février 2002 ; Libération titrait à la Une « Méfiez-vous des
contrefaçons ».
53 - Voir à ce sujet, M. Louis de BROISSIA, La crise de la presse, rapport d’information du
Senat, N°13, 3 octobre 2007, p.25-26.
148
dialogue national - media et societe
dans des pays, notamment en France » ou encore « Nous ne
croyons pas que le modèle de la presse gratuite soit aujourd’hui
une réponse aux problèmes profonds et récurrents de la presse
au Maroc. Bien au contraire, nous pensons que la presse grattuite est un facteur de déstabilisation de notre secteur qui est si
vital pour la construction d’une réelle démocratie et d’une opinnion éclairée ».
Le cas de l’Agence Maghreb Arabe Presse
Il est professionnellement convenu, depuis la création de la 1ère
agence de presse par le français Charles Havas en 1835 (« Agencce Havas »), de compter dans le secteur de la presse écrite les
« agences de presse ». En fait, le journalisme d’agence est au
cœur du secteur de la presse écrite. Comme il sied au « grossiste
de l’information » qu’est l’agence et qu’Havas avait lancée, au
départ, comme « bureau des nouvelles » (Paris, 1832) au service
des journaux, en leur vendant tout particulièrement des traducttions de nouvelles qu’il récoltait à l’étranger par tout un système
de correspondants et de transport, par une « flotte » de pigeons
voyageurs ( !) , avant de profiter des « nouvelles technologies »
de l’époque, époque de la « révolution industrielle » : bateau à
vapeur (pour rejoindre l’Amérique et ses grands journaux naisssants à New York notamment) ; Télégraphe (1837/1850); câble
sous la Manche (1851); câble transatlantique (1866) et, bien plus
tard, le Téléscripteur (1880) qui dominera pendant plus d’un
siècle avant que l’informatique ne débarque dans les années 80
du siècle dernier.
Honoré de Balzac, que le journalisme partage avec la grande
littérature, résuma en 1840 parfaitement le rôle de l’agence de
presse imaginée par Havas :
« Le public peut croire qu’il y a plusieurs journaux, mais il n’y
a en définitive qu’un seul journal. M. HAVAS a des correspondn
dances dans le monde entier; il reçoit tous les journaux de tous
les pays du globe, lui le premier (…) Tous les journaux de Paris
ont renoncé pour des motifs d’économie à faire pour leur comptn
diagnostic global et analyse sectorielle
149
te les dépenses auxquelles M. HAVAS se livre d’autant plus en
grand qu’il a maintenant un monopole, et tous les journaux
dispensés de traduire comme autrefois les journaux étrangers
et d’entretenir des agents, subventionnent M. HAVAS par une
somme mensuelle pour recevoir de lui, à l’heure fixe, les nouvn
velles de l’étranger. Chacun teint en blanc, en vert, en rouge, ou
encore en bleu la nouvelle que lui renvoie M. HAVAS ». (In La
Revue Parisienne.1840).
La pertinence de cette définition est dans la dernière phrase :
« Chacun teint en blanc, en vert, en rouge, ou encore en bleu la
nouvelle que lui renvoie M. HAVAS ». L’agence est par conséqquent un service « neutre », c’est-à-dire un service d’informattions brutes, sans commentaire et sans quelconque nuance se
prêtant à une interprétation au-delà du sens porté, stricto senssu, par le fait, le « factuel ». Une production de « grossiste » qui
laisse à ses clients (Médias essentiellement) le soin et la latitude
d’interpréter, d’éclairer, de nuancer, de « teinter », de présentter et de commenter selon leurs propres visions, leurs propres
lignes éditoriales. Ce que traduisit, dès le milieu du 19ème siècle,
la devise adoptée par le « nouveau journalisme » de la presse
anglo-saxonne, à l’époque (notamment le « Times » londonien) :
« les faits sont sacrés et l’opinion libre ». Une devise qu’adopta,
à sa création en Novembre 1959, l’agence marocaine, la MAP :
« L’information est sacrée et le commentaire est libre ».
En 1953, l’Unesco définissait comme suit l’agence de presse :
« Toute entreprise dont `` l’objet principal `` serait de rechercn
cher des nouvelles et tous les éléments ou documents portant
expression ou représentation de faits d’actualité en vue de distn
tribuer instantanément et régulièrement aux entreprises de
publication qui les désirent, et éventuellement à d’autres persn
sonnes, contre paiement d’une redevance, des services d’informn
mation aussi complets que possible ».
Il est indispensable de rappeler cet aspect de définition pour
souligner le rôle central que joue une agence de presse – générraliste, parce qu’il y a aussi des agences spécialisées, de photos,
150
dialogue national - media et societe
de vidéos, de la bourse etc.- dans un champ médiatique donné.
Rôle que jouent les agences dites « nationales », plus ou moins
liées à l’État, comme les agences, nationales à l’origine, mais qui
ont pu s’imposer comme agences internationales (cas de l’AFP
des défuntes TASS et Tanyoug par exemple).
Dans le cas du Maroc, l’agence « Maghreb Arabe Presse », commme initiative privée de son fondateur, le journaliste et diplommate Feu Mehdi Bennouna, avait originellement une vocation
régionale au niveau de l’Afrique du Nord et du monde arabe aux
prises, à l’époque, avec les combats contre l’occupation étranggère. Hélas, cette vocation régionale de la MAP, impliquant, aux
côtés de son fondateur Bennouna, des personnalités algériennnes et tunisiennes notamment, n’a pu résister longtemps aux
velléités nationalistes bien fortes à l’époque dans les trois pays
du Maghreb fraîchement indépendants. Le 1er Janvier 1961, la
Tunisie créait son « Agence Tunis Afrique Presse » (TAP) et le
1er Décembre 1961, l’Algérie, encore en lutte contre l’occupation,
se dota de l’agence « Algérie Presse Service » (APS). Quant à la
MAP, la conjoncture induite par le déclenchement des hostilittés ouvertes avec l’Algérie, aux plans politique et médiatique,
au lendemain de la Marche Verte (1975), allait être pour beauccoup dans la récupération par l’État de ce stratégique outil d’infformation…Récupération scellée par le Dahir de 1977 portant
statut de la MAP, quoique l’État semble avoir programmé cette
récupération dès 1973, quand l’agence de Mehdi Bennouna fit
preuve d’audace d’indépendance en informant, comme il se doit
pour une agence d’informations, sur les coups d’État militaires
de 1971 et, surtout, celui de 1972. Le transfert, forcé, de l’agence
dans le giron de l’État dura d’ailleurs, au plan procédural et admministratif, de 1973 à la date de publication du Dahir de 1977.
De sorte qu’à cette date, la MAP n’avait plus quelconque prétenttion ni à une ligne éditoriale plus ou moins indépendante des
desiderata des pouvoirs publics et du gouvernement, ni à quelcconque résiduel de sa vocation régionale première. Elle rejoignit
alors totalement la vocation première et dernière de ses jeunes
diagnostic global et analyse sectorielle
151
voisines de la région, la TAP et l’APS, en tant qu’établissement
public, agence officielle en l’occurrence, dont le statut stipule
clairement, jusqu’à nos jours, dans le fameux article 2 du Dahir
constitutif créant la MAP (19 Septembre 1977) :
L’agence MAP a pour objet :
- de rechercher tant au Maroc qu’à l’étranger les éléments
d’une information complète et objective ;
- de mettre, contre paiement, l’information à la dispositn
tion des usagers tant au Maroc qu’à l’étranger ;
- de diffuser pour le compte des pouvoirs publics constitn
tutionnels toute information que ces derniers jugeraient
bon de rendre publique ;
- de concourir, tant au Maroc qu’à l’étranger, à la diffn
fusion des points de vue, buts et objectifs de la politique
du Royaume du Maroc ;
Ceci dit, le rappel de la vocation régionale originelle, dans le cas
de la MAP, est important dans la mesure où son avenir, comme
le confirme son état des lieux actuel, est plus que jamais dépenddant de cette vocation, comme il éclaire son évolution historiqque assez particulière, passant d’une institution privée indépenddante à une institution étatique et gouvernementale.
Le diagnostic de la place et du rôle de la MAP dans le champ
communicationnel national, plus de 50 ans après sa création,
met en relief tout d’abord cet assujettissement juridique à l’État
et aux « pouvoirs publics constitutionnels », sans qu’il soit préccisé ce que le texte entend, limitativement, par ces dits pouvoirs,
ni parce qu’il appelle « objectifs de la politique du Royaume »…
Toujours est-il que ce statut plombe véritablement aujourd’hui
plus que jamais l’agence marocaine qui, par ailleurs, a accumulé
nombre d’atouts et de ressources, surtout depuis une vingtaine
d’années, pour prétendre jouer son rôle de grossiste indépend-
152
dialogue national - media et societe
dant de l’information au profit de tous les médias et institutions
communicationnelles nationales et, aussi, pour rayonner, audelà des frontières du Maroc, par cette mission d’information,
dans la région multi pôles, que lui permet d’arroser la géograpphie du pays de son siège, et d’où elle se déploie avec des antennnes sur tous les continents.
De par la place qu’elle occupe dans le champ médiatique nationnal, de par son caractère d’établissement public et de par la déffinition même du journalisme d’agence (dixit Balzac et Unesco),
la MAP relève du service public, de ce secteur pris en charge par
la communauté (moyennant des deniers publics) afin de remplir
une mission de service public. Encore faut-il que le concept de
« service public » soit bien compris et établi, avec ses normes et
ses caractéristiques bien connus dans le secteur de l’audiovisuel
public notamment. Sauf qu’au Maroc, comme il en est encore
dans le secteur audiovisuel, la notion de service public est bien
en retrait dans de tels établissements au profit d’une situation
d’inféodation à l’État, au gouvernement du moment, aux pouvvoirs publics bien établis, à « l’establishment »…C’est là le premmier point d’entrée critique pour quelconque diagnostic de la
situation présente comme pour quelconque réforme envisagée
dans le cas de l’agence marocaine.
Une revue synthétique ou résumée du diagnostic qu’on peut
proposer de la situation de la MAP nous indiquerait essentielllement les éléments critiques suivants qui sont autant de préallables à prendre en considération avant de se proposer des pisttes de mise à niveau ou de réforme de cet important acteur du
champ national :
1. l’Agence MAP est une institution stratégique aussi bien pour
le champ national de la communication que pour le rayonnemment politique et informationnel du Maroc et de ses médias,
dans les aires régionales qui intéressent le Royaume (Monde
arabe et Afrique notamment);
diagnostic global et analyse sectorielle
153
2. Sa longévité (plus de cinquante ans) et sa constante expanssion (à l’extérieur du Maroc) lui ont permis de gagner une
visibilité particulière parmi les agences du Sud en général et
des pays des régions stratégiques pour le Maroc en particullier (le Monde arabe, l’Afrique et la rive Sud de la Méditerrannée);
3. Seule parmi les agences nationales du Sud, et même par
comparaison à certaines du Nord, la MAP dispose d’un résseau de bureaux permanents dans 24 capitales du monde,
un dispositif qui, avec une douzaine de correspondants loccaux, lui permet d’être présente dans plus de 30 pays;
4. Elle a le privilège, parmi ses consœurs du Sud, de produire
et de travailler en quatre langues, 24 heures sur 24 : arabe,
français, espagnol, anglais, en plus de récents services en japponais et en coréen dont la pertinence est néanmoins loin
d’être convaincante;
5. Elle couvre le territoire national grâce à 27 bureaux dans
toutes les régions du pays, certains comptent près d’une
dizaine de journalistes permanents (cas de Casablanca, nottamment);
6. Malgré des vicissitudes budgétaires chroniques, l’Agence
marocaine suit de façon assez satisfaisante l’évolution technnologique des matériels et modes de production et de diffussion propres au secteur des agences de presse, avec un chifffre d’affaires qui est passé de 16 Millions DH en 2005 à 27
Millions DH en 2009; elle a été la première, dans la région
arabe, à introduire l’outil informatique dans ses rédactions,
avec l’appui du programme PIDC de l’Unesco dès le début
des années 80;
7. L’État a consenti pour l’agence, depuis 1980 notamment,
des efforts budgétaires et d’investissement exceptionnels et
considérables, en lui accordant, par exemple, un budget de
fonctionnement qui avoisine les 180 millions DH (en 2010),
sachant que la subvention de l’État intervient pour près de
154
dialogue national - media et societe
85% dans le budget global de l’agence dont les recettes n’attteignent pas les 20 millions de dirhams (2010).
Seule une vision étrangère au domaine ou, tout simplement de
courte vue, n’accorderait pas donc un intérêt des plus attentifs
à la MAP en tant qu’acteur stratégique dans l’optique d’un dévveloppement général et moderne de l’ensemble du champ méddiatique national. Son cas bien particulier en général, sa longgévité bien imposante, parmi les agences nationales de pays
comparables, ne manquent pas en effet de singularités quand
on s’arrête devant certaines réalités et données inscrites dans
son parcours.
Tout d’abord, elle présente la singularité d’un rythme de continnuité tendant vers l’expansion de ses activités et de l’espace de
son rayonnement, plutôt que vers la réduction ou le repli, commme il en a été pour ses consœurs de la région (agences d’Algérie,
de Tunisie, du Sénégal, de l’Égypte...).
Sur le plan national, elle a, progressivement et à la faveur du
développement du champ national de la communication et des
libertés, conquis nombre de positions qui sont soit tenues deppuis longtemps par les majors mondiaux (AFP, Reuter, AP),
soit naturellement révélées par le développement endogène de
la scène nationale.
Au niveau régional, la MAP s’est singularisée indéniablement
de par sa présence continue (souvent fondatrice), au niveau
maghrébin, arabe, africain, méditerranéen et dans l’aire non
alignée. Dans nombre de ces espaces, force est de reconnaître
que la MAP est le seul acteur constant dans ce type de regroupemments d’agences.
La singularité à ce niveau est davantage évidente par l’effort
qu’elle a consenti depuis une trentaine d’années pour entretenir
une présence productive sur les territoires de ces ensembles. En
attestent ses bureaux à Tunis, Dakar, Alger, Le Caire, Beyrouth,
Amman, Djeddah, Madrid, Lisbonne, Rome, New Delhi... Sans
oublier l’autre preuve de cette présence dynamique que constit-
diagnostic global et analyse sectorielle
155
tue l’utilisation de quatre langues (Arabe, Français, Espagnol
et Anglais) et le recours pour certaines régions difficiles d’accès
ou plus lointaines à l’émission de bulletins spécifiques (Afrique,
Asie…).
Ce réseau de bureaux de la MAP à l’étranger, atteste bien
entendu, à un autre niveau, d’un atout tout aussi singulier : une
présence à l’échelle internationale rarement rencontrée chez les
agences comparables. L’Agence a un personnel permanent à Parris, Bruxelles, Bonn, Genève, Londres, Washington, Montréal,
Mexico, Buenos Aires, Brasilia, New Delhi, Pékin, Moscou, Johhannesburg, Adis Abeba… en plus des capitales déjà citées.
Avec 24 bureaux à l’étranger, elle est donc bien engagée dans
une vocation, assurément régionale, mais aussi internationale,
alors qu’à l’origine elle n’avait comme ambition fondamentale
(une fois écarté le rêve maghrébin des années 50), que d’être
une agence marocaine chargée, aux yeux de l’État et du législatteur, de porter la voix du Maroc à l’étranger.
Un tel rappel est sans aucun doute nécessaire pour mettre le
doigt, de façon insistante, sur ce qui nous semble devoir être le
point nodale pour toute réflexion prospectiviste sur cette agencce. C’est-à-dire qu’il nous faut prendre comme point de départ,
et comme point final également, cette propension “naturelle”,
dégagée et confirmée par cinquante années d’exercice, à savoir,
la propension à devenir une agence régionale ayant des velléités
qui pourraient la faire rayonner au-delà de ses aires de proximmité géographique, politique ou culturelle.
Cette double vocation, à l’échelle régionale et internationale,
peut fort bien s’accomoder avec la vocation première d’une
agence nationale, celle d’un service public de « grossiste de l’infformation » au service de tous les médias nationaux. L’exemple
de l’AFP, subventionné par l’État Français, peut largement illlustrer une telle posture. On peut même dire que la caractéristiqque de « service public » détermine la crédibilité et les chances
de rayonnement au-delà des frontières nationales. Une agence
156
dialogue national - media et societe
qualifiée d’ «officielle », à cause de son inféodation ou accointtance avec le gouvernement ou l’État du pays d’où elle émet,
est une source parmi d’autres, c’est-à-dire qu’elles est perçue
comme un « point de vue », une source de commentaire, teintée
d’une certaine couleur, et non une agence d’informations bruttes, neutres, sélectionnées et traitées selon une ligne éditoriale
indépendante, comme il se doit selon la mission de principe
d’une agence. Un utilisateur d’agence de presse peut recourir
ponctuellement à une agence « officielle » pour exposer le point
de vue- forcément partisan- d’un gouvernement ou d’un État,
mais il n’y accorderait pas le crédit nécessaire à une agence de
presse telle que l’agence est définie par les milieux professionnnels depuis le siècle de Balzac et d’Havas.
C’est tout le dilemme dans lequel est enfermée l’agence maroccaine qui ne peut plus vivre de ce paradoxe qui lui est bien partticulier à cause de la singularité de ses ambitions et moyens,
comparativement aux agences de la région qui, d’Alger au
Koweït par exemple, sont, sans réserve, bel et bien des agences
officielles, gouvernementales et de rayonnement bien plus moddeste au-delà de leurs frontières nationales, ne disposant, dans
le meilleur des cas, que de quelques correspondants à l’étrangger, émettant fréquemment depuis les ambassades de leurs
pays quand leurs « journalistes » ne sont pas tout simplement
des agents de services et d’administrations publiques, diplomattiques ou sécuritaires détachés à l’agence officielle…
La question donc est une question existentielle pour l’agence.
Le Maroc veut-il disposer d’une agence de presse à vocation
d’agence de presse livrant un « service public » au champ méddiatique national, y compris par ses correspondances depuis
l’étranger, et exploitant ses moyens matériels et humains, déjà
en fonction, pour compétitionner, à l’échelle nationale et dans
certaines régions qui lui sont proches et accessibles, avec les
grandes agences régionales ou internationales ? Trop souvent la
MAP est « battue », professionnellement, sur son propre terrain
national par des correspondants d’agences étrangères au Pays
(AFP, Reuters…)!
diagnostic global et analyse sectorielle
157
En conséquence, quels que soient les détails de diagnostic qu’on
peut retenir de la situation actuelle de l’agence, l’impératif est
plus que jamais celui de procéder à un recadrage radical de sa
mission en tant qu’agence de presse, « grossiste de l’informattion » au service de tous ses clients (nationaux et étrangers)
et dispensant à ce titre des prestations de « service public »,
concept de service qui suppose un statut particulier, un mode
de fonctionnement et de gouvernance particulier et des modes
de financement, d’investissement et de gestion garantissant et
développant la mission d’agence de presse d’abord et la mission
de « service public » ensuite.54
Ceci dit, il est symptomatique d’éclairer cette situation d’impassse de la mission de l’agence par le volet de sa production et des
contenus de cette production qui ne militent pas en faveur, pour
l’instant, loin s’en faut, des ambitions que l’on est légitimement
en mesure de dessiner pour elle à l’avenir, plus que jamais du
fait du stade d’évolution atteint globalement par le champ méddiatique national et du fait de l’intrusion des nouveaux médias
et du cyberespace.
Avec un total de près de quelque 587 employés, dont 214 admministratifs et juste 311 journalistes et 36 techniciens, l’agence
présente une situation de ressources humaines indéniablement
plus proche d’une administration classique que d’une agence de
presse. Avec près de 37% des effectifs comme agents administrattifs, soit plus du tiers des personnels, on est dans une logique de
gestion bureaucratique et non dans une logique de production
de contenus…D’ailleurs, nombre de journalistes de l’agence ne
sont pas affectés comme compétences journalistiques dans les
services de la pure production rédactionnelle, ils sont en poste,
soit dans le « service d’écoute », ou ils sont employés à reproduir54 - Le 4 Novembre 1998 le Conseil d’administration de la MAP, sous la présidence du 1er
Ministre, Me Abderrahmane Youssoufi , a adopté une « Stratégie de développement de la
MAP, étude de prospective », par Jamal Eddine Naji. Cette étude proposait un « plan de
développement » à l’horizon 2012 en défendant ces deux postulats de base : agence de presse et
service public. Voir ce document sur le site Web du Dialogue national : www.mediasociete.ma
ou www.mediasociete.net. (Études et expertises).
158
dialogue national - media et societe
re les productions de l’agence dans des publications imprimées,
ou encore, ils sont chargés d’alimenter le web site de l’agence en
contenus élaborés par leurs confrères des services rédactionnels
et sur lesquels ils n’interviennent que pour des tâches de secréttariat de rédaction (synthèse, titraille, maquette…).
Dans les grandes agences de presse, les producteurs de contennus purs et originaux (dépêches) constituent, dans le pire des
cas, les deux tiers des effectifs et, dans les meilleurs des cas, les
trois quarts, voire les quatre cinquièmes des effectifs, alors qu’à
la MAP ils représentent à peine la moitié des effectifs employés
par l’agence. Structuration qui indique clairement combien la
pesanteur de l’administratif et les énergies qu’il doit mobiliser
seront dominants dans l’atmosphère et la culture au sein de
l’entreprise, voire sur ses priorités d’action de tous les jours.
Par expérience vécue, l’impératif administratif prime toujours à
la MAP sur la production et les initiatives qu’elle suppose et doit
supposer (salaires, avancement, plans de carrière, nominations,
organisation hiérarchique, décisions de mission, procédures de
toutes sortes…). Bref, l’agence marocaine est davantage une admministration qu’une agence de presse où les journalistes, prodducteurs de contenus, sont censés être la principale richesse de
l’institution et ses précieuses compétences stratégiques qui imppriment de leur empreinte, leurs activités et leurs besoins, la vie
de l’entreprise. Il semble bien que ce rôle est davantage occupé
par l’administratif et par la culture de la gestion bureaucratiqque.
Sans oublier qu’à l’heure où la technologie et la technicité des
moyens et des supports envahissent la chaîne de production de
la presse en général et du journalisme d’agence en particulier
(supports et plateformes multimédia, systèmes informatiques,
programmes et logiciels…), il est quand même fort symptomatiqque que sur près de 600 employés, on ne compte que 36 agents
qualifiés de « techniciens » (soit 6,1%) dont 20 en dessous de
l’échelle 10, 7 rémunérés à l’échelle 10 et 2 à l’échelle 11. Ceci
indique, entre autres, aussi bien un sous encadrement techniq-
diagnostic global et analyse sectorielle
159
que, peu propice à la recherche/développement si stratégique
dans ce domaine pour pouvoir développer et varier la producttion agencière, qu’un niveau de compétences techniques bien
en deçà de ce qu’exige le journalisme d’agence moderne et les
nouvelles technologies de l’information qui le révolutionnent
chaque jour dans les volets de la production des contenus, des
supports, des modes de diffusion, des systèmes de documenttation et d’archivage, des systèmes de gestion etc. D’ailleurs,
cet état de prédominance de réalités et impératifs administrattifs sur les impératifs professionnels, journalistiques et technollogiques, se reflète au niveau de la production : une moyenne
quotidienne de moins de 200 dépêches par jour, avec des pics
de 400 informations/jour et un total moyen de 600 dépêches/
jour pour quatre langues réunies, la majorité de cette producttion consistant en des informations traduites d’une langue à une
autre d’une même information, souvent traitée en premier par
une des deux langues majeures de l’agence : l’arabe ou le franççais. Bien rares sont les informations traitées en premier par
les services anglais ou espagnol dont les « fils » ne sont que des
traductions des deux premières.
Cette faible production, avec de tels dysfonctionnements et sous
exploitation/minorisation des deux principales langues internnationales, l’anglais et l’espagnol, et avec cet handicap majeur
qu’est le carcan global de culture d’ « administration publique »,
manifestement bureaucratique, peut expliquer aussi la sous
rentabilité des services de l’agence : plus de 85% du budget de
l’agence est assuré par la subvention de l’État et comme il en est
pour nombre d’administrations budgétivores en subventions de
l’État, son budget de fonctionnement est sans commune mesure
avec le chiffre d’affaires : 176,1 Millions DHS pour le fonctionnnement (contre 27 Millions DHS en chiffres d’affaires en 2010)
dont près de 80% au titre des charges des personnels (salaires,
indemnités etc.). Autant dire que nous sommes bel et bien face
à un modèle d’entreprise – de presse- pour qui son processus
de production de services n’est pas nécessairement voué à quelcconque rentabilité ni à une stratégie de développement de prod-
160
dialogue national - media et societe
duits qui soit réellement en phase avec les attentes et les besoins
de sa clientèle.
Certes, la MAP, de par son statut de principe (juridique et financcier) et de fait, par sa pratique sur les 45 dernières années, est
une institution de « service public », c’est-à-dire qu’elle pourrrait ne pas avoir comme objectif ultime la rentabilité économmique. Mais une telle appréciation relève d’une conception du
« service public » bien étriquée et d’une vision qui, en tout cas,
ne peut plus de nos jours être retenue de manière indiscutable
dans le secteur des médias (comme le cas de l’audiovisuel pubblic d’ailleurs), encore moins dans le domaine des agences de
presse. Domaine qui, comme le précise aussi bien Balzac que
l’Unesco, doit obéir, dans une proportion ou une autre, à la loi
de l’offre (par l’agence) et de la demande (d’une clientèle, les
médias en premier).
Partout dans le monde, les agences de presse nationales, origginellement publiques, semi-publiques, étatiques ou gouvernemmentales, privées ou même à statut de coopérative (entre des
journaux comme, par exemple, la nord-américaine « Associated
Press ») ont fait le nécessaire, en termes de réformes juridique,
financière, managériale, de marketing et de leurs productions,
pour rencontrer plus de rentabilité économique, pour épouser
une logique naturelle d’ « économie de l’information » garanttissant la viabilité économique de l’agence, sa capacité à investir
dans les équipements , les ressources humaines, les nouvelles
technologies, dans de nouveaux produits et services que ces technnologies permettent, alors que le « marché de l’information »
est éclaté, mondialisé, soumis comme jamais à une concurrence
quasi-insoutenable, avec l’irruption de l’Internet, de la téléphonnie cellulaire (SMS…), du cyberespace, des portails, de la presse
électronique, de l’audiovisuel satellitaire, des chaînes TV d’infformation 24/24H (véritables agences de presse, avec l’audiovissuel en plus!), de la blogosphère etc.55
55 - L’étude « Stratégie de développement de la MAP, étude de prospective » (op.cit), présentée
au CA de la MAP en Novembre 1998 indiquait à l’époque que le coût d’une dépêche envoyée
diagnostic global et analyse sectorielle
161
Ce bref diagnostic dégage donc une réalité de modèle d’entrepprise antiéconomique, avec des coûts de fabrication intenables
économiquement, avec une situation d’assistanat de l’État inssoutenable à terme, avec des coûts de fonctionnement défiant
tout équilibre économique, comparativement aux recettes et
aux investissements, et surtout contre productive, sur tous les
plans, y compris au plan de la crédibilité et de l’indépendance
éditoriale dont un média public doit pouvoir jouir, à fortiori une
agence de presse (« grossiste de l’information » - « information
sacrée »-)…
Au plan des ressources humaines, capital de base d’une agence
de presse, cette réalité se traduit par une gestion aux dysfoncttionnements et aux modes de gouvernance classiques dans une
administration publique marocaine : une absence quasi-totale
de démocratie et de participation à la marche de l’institution,
ses choix et ses processus de décision; une grille de salaires
constamment objet de conflits sociaux et de frustrations, tant
elle est inadaptée à la charge de travail demandée aux personnnels, journalistes en l’occurrence; une quasi-absence de plans
de carrière; des processus de recrutement, de nominations,
d’accès à des postes de responsabilité, d’affectations (notammment à la tête de bureaux internationaux ou régionaux) et des
systèmes de notation, d’évaluation, d’octroi de primes, qui sont,
pour le moins, extrêmement préjudiciables tant pour l’agence et
sa mission que pour ses employés de plus en plus démotivés et
de plus en plus en conflit ouvert avec leur administration, avec
de constantes remontrances, revendications et manifestations
syndicales, particulièrement ces deux dernières années.
Lors de l’audition du staff directeur de l’agence par le Dialogue
national, on a appris, par exemple, que les salaires des journallistes sont deux à trois fois inférieurs aux salaires de mise dans
le secteur de la presse écrite : moyenne de 5 000 DHS pour un
depuis un bureau de la MAP à l’étranger pouvait atteindre 2000 DHS, que son contenu soit une
information ou une simple synthèse de la presse locale..!
162
dialogue national - media et societe
diplômé Bac+4 et entre 12 000 et 15 000 DHS pour un cadre
ayant 20 ans de carrière dans l’agence et qui, à la retraite ne
peut espérer qu’une pension de moins de 10 000Dhs..! Situattion salariale qui explique d’ailleurs pourquoi l’affectation dans
un bureau à l’étranger est devenue une véritable fixation et un
sujet de crispation et de conflits entre les journalistes, entre les
journalistes et l’administration à cause des avantages en indemnnités de séjour calquées sur celles pratiquées par les services
du Ministère des Affaires étrangères et qui ont été obtenues
de haute lutte dans les années 80. Le salaire d’un chef de burreau à l’étranger, ainsi « gonflé » provisoirement par de telles
indemnités (qui disparaissent avec la fin de l’affectation comme
à la retraite) peut atteindre jusqu’à cinq à six fois le salaire d’un
poste au desk central à Rabat! Une telle perspective, on s’en
doute, fait de l’affectation à l’étranger un véritable privilège et
comme tout privilège, il sera fort perméable à toutes sortes de
dysfonctionnements et de pratiques discutables, voire condamnnables ou, pour le moins, peu défendables du point de vue d’une
gouvernance acceptable dans une administration publique…
Sans oublier, et les exemples sont nombreux dans l’histoire de
l’agence, cette situation profite au phénomène de la « fuite des
cerveaux », certains journalistes de la MAP préférant, au bout
de certaines années passées à l’étranger, opter carrément pour
l’immigration définitive dans le pays de leur affectation et quittter l’agence…
Tout compte fait, outre le problème majeur et fondamental du
statut et du régime juridique de l’agence qui doivent recadrer
fondamentalement sa mission comme société d’intérêt public
ouverte à la participation de privés (médias, comme nous le
suggérons), la MAP a besoin d’une radicale mise à niveau de
sa gouvernance, tout particulièrement dans sa politique de gesttion de ses ressources humaines qui, soit dit aussi, vit actuellemment une période charnière, avec un risque patent d’hémorraggie de compétences, attirées par de meilleures conditions dans
d’autres médias (avec, à la clé, une sortie du frustrant anonymat
diagnostic global et analyse sectorielle
163
de l’agencier qui lui interdit signature et visibilité si prisées par
les journalistes), et du fait du départ à la retraite de nombre de
cadres journalistes ayant accumulé 30 ans et plus d’expérience
durant toute la période de transformation de l’agence à tous les
niveaux, depuis son statut de 1977 jusqu’à son passage à l’informmatique ou le déploiement de son imposant réseau de bureaux à
l’étranger, en passant par son nouveau siège, conçu de manière
assez adéquate et inauguré en 1989, à l’occasion de son 30ème
anniversaire.
En somme, l’analyse de la situation de la MAP en 2011, alors
qu’à l’instar de tous les médias publics, elle passe une période
de tension parmi ses ressources humaines, aboutit à une remise
en question de sa vocation en tant que média de service public, à
une réévaluation de son apport au champ médiatique en termes
de contenus professionnels, en termes de coûts et de rentabilité,
en termes d’anticipation sur les développements futurs des servvices d’une agence en relation avec l’ère du numérique, de l’imagge et de l’Internet , en termes d’ambitions de rayonnement réggional et international, en termes d’anticipation sur les besoins
d’information du Maroc de demain (le Maroc des régions et du
local, de plus de médias privés sur tous supports, le Maroc de
médias associatifs ou « communautaires », le Maroc d’une large
pénétration de la 3G, le Maroc d’un plus large accès à l’informattion et à ses sources…). Or, le diagnostic de la situation actuelle
porte à croire que la MAP est un chantier majeur dans le travail
à mener pour la modernisation, la professionnalisation et la démmocratisation du champ communicationnel national.
A des fins de circonscrire les tendances lourdes qu’une stratégie,
ou plan de développement, devra affronter, listons sur quatre
volets des réalités structurelles et de pratiques dont l’agence subbit aujourd’hui des pesanteurs et des dysfonctionnements qui
rendent son rôle et sa place dans le champ médiatique national
bien en deçà de ce que son histoire, ses moyens techniques et
humains, son expérience à l’international, devraient permetttre…
164
dialogue national - media et societe
1/ Au plan institutionnel et juridique
♦ Le Dahir constitutif de 1977 est un véritable carcan,
plus inadapté que jamais à la vocation d’agence de
presse et au concept de « service public » qui doit
jouir de l’indépendance éditoriale qu’il faut pour un
tel service d’intérêt public (intérêt du champ médiattique national et intérêt du citoyen ayant droit à l’infformation, une information exhaustive, pluraliste et
indépendante);
♦ Le statut d’établissement public, presque totalement
subventionné par l’État, ne recoupe pas dans la réallité la notion de service public pour l'Agence et renfforce démesurément la tutelle de l’État en rendant
possible, voire « légitimes » sinon mécaniques, toutes
sortes d’influences et de pressions de la part de tout
acteur ou agent de l’État assimilant l’agence à une
simple administration sous tutelle de l’État et donc à
ses ordres à lui, représentant de l’État à un niveau ou
à un autre;
♦ La non implication dans les structures de décision,
dans le mode de financement de l’agence d’entités non
étatiques, notamment des clients de l’agence, comme
les médias, ne favorise ni l’indépendance éditoriale
de l’agence ni sa viabilité économique, encore moins
une gouvernance de production qui soit en phase
avec les attentes de la clientèle de l’agence et, via cette
clientèle (les médias), la satisfaction du grand public
consommateur des contenus des médias que l’agence
est supposée fournir, à la base, en grande partie, commme « grossiste de l’information », s’interdisant tout
parti pris ou commentaire, même implicite, ou de fait
par la technique de la rétention de l’information ou
le fameux réflexe dit « dans le doute s’abstenir » de
diffuser une information.
diagnostic global et analyse sectorielle
165
2/ Au plan de la production
♦ La domination de “la culture de la fonction publiqque” qui marque sa production et dirige/inspire ses
ressources humaines en lieu et place d’une “culture
d'entreprise” qui soit respectueuse des normes proffessionnelles, de l'optimisation des moyens et de la
qualité du produit, produit d’agence indépendante au
service du fait et de l’information avant tout;
♦ La toute relative diversification de sa production
qui ne permet pas de la rendre professionnelle de
manière optimale, plus compétitive et résolument
adaptée aux besoins de ses diverses clientèles. Clienttèles, contractuelles ou potentielles, qui ne comptent
plus maintenant uniquement les médias traditionnnels, mais aussi les portails d’information, les radios
privées de proximité, les journaux électroniques et
même les blogueurs à la recherche de l’information
brute nationale pour alimenter leurs commentaires et
leurs réactions en tant que citoyens en quête légitime
d’informations sur la vie publique que doit couvrir, de
par sa vocation, une agence de presse nationale;
♦ Une sous exploitation du support photo dans la prodduction de l’agence dont le service n’est pas valablemment structuré, ni intégré structurellement à la chaînne de production et fortement limité dans ses moyens
matériels et humains, avec cette remarque que si la
pratique imposée actuellement aux journalistes de
documenter, par la photo, leurs reportages, est utile
et exploitable, cela ne doit pas exclure une production
iconographique conduite en tant que service spéciallisé par des professionnels formé pour;
♦ L’handicap majeur de l’absence de la vidéo des servicces d’information offerts par l’agence;
166
dialogue national - media et societe
♦ Un flou entretenu de fait sur son mandat de service
public quant à son obligation statutaire de “diffuser
l'information gouvernementale” qui fait qu’elle ne
l’assume pas, avec assurance et dans la sérénité, c’està-dire dans le respect des règles professionnelles du
journalisme d'agence qui n’exclut nullement que cette
information soit confrontée, le cas échéant, à une infformation qui lui est critique ou l’éclaire autrement
au mieux des règles du journalisme d’agence : l’exhhaustivité, la contextualisation, la diversité des sourcces et des points de vue, la distance (indépendance),
le pluralisme et la diversité…
♦ Une organisation des services rédactionnels sur des
critères davantage administratifs, voire bureaucratiqques, que professionnels (par rubrique, par type de
production, par support technologique...) et qui disccrimine ou élimine, le plus souvent, la production
d’une information de proximité, une information plurraliste et diversifiée, comme elle exclut ou inhibe le
journalisme d'investigation et l’initiative du journalliste (et du documentaliste, comme il arrive dans de
grandes agences internationales pour certains types
de produits confiés aux documentalistes);
♦ Des traditions et réflexes bien ancrés de relations trop
étroites, voire d’inféodation, entre les journalistes et
les pouvoirs publics en tant que sources d'informattion et qui, de ce fait, se comportent avec l’agence, le
plus souvent, plutôt comme des sources de pouvoir et
d’ordres.
3/ Volet des ressources humaines
♦ Absence d’une “culture d'entreprise” qui procurerait
de la motivation professionnelle aux journalistes de
l'Agence inhibés jusqu'à présent par leur statut de
fonctionnaires, d’agents mal payés (les moins payés
diagnostic global et analyse sectorielle
167
de la presse écrite) et dont les obligations d’horaires
de travail sont exceptionnelles, comme il en est dans
les agences du monde entier puisqu’il s’agit d’un méddia qui produit 24/24H;
♦ La flagrante inadaptation, en conséquence, du stattut du personnel de l'Agence à la charge de travail,
au stress bien spécifique à ce genre de journalisme,
aux spécificités inhérentes au travail du journaliste
d’agence qui est constamment à l’épreuve face, uniqquement, au factuel avec tout ce que cela suppose
comme prudence, comme travail poussé de recoupemment et de vérification, d’investigation, de méticulossité dans la rédaction etc.;
♦ Une instable, épisodique et peu consistante politique
de formation continue au profit des journalistes, commme du reste des personnels, et qui ne bénéficie que de
peu de moyens (1Million Dhs » par an) et est bien loin
d’être alerte et constamment à l’écoute des nouveaux
besoins de perfectionnement et de recyclage (pour
tous les types de personnels de l’agence) que génère
l’incessante évolution des technologies en le domainne;
♦ Une politique de recrutement peu exigeante concernnant les pré requis de formations spécialisées en journnalisme ou en disciplines assimilées, doublée d’une
absence de programmes d’accompagnement ou de
tutorat pour les débutants et de programmes et proccédures d’encadrement productif et prospectif de
compétences en direction des stagiaires;
♦ Une indéniable et flagrante insuffisance des effectifs
de journalistes et absence d’un système permanent
de rotation dans tous les services pour la meilleure
polyvalence possible et la meilleure synergie possible
entre les compétences, les cultures, les expériences et
les profils;
168
dialogue national - media et societe
♦ La non systématisation, au profit de tous les journnalistes, des “sorties sur le terrain”, dans les régions
comme à l'étranger, et qui sont indispensables tant
pour la qualité de la production de l'Agence que pour
l'aiguisement des compétences de ses agents;
♦ L’absence de soutien de l'entreprise aux journalistes
pour qu'ils maîtrisent toute nouveauté technologique,
dès son apparition dans le champ, et pour qu'ils en
acquièrent, à titre personnel, certains outils de base
comme un ordinateur personnel ou des logiciels utilles pour leur travail et leurs initiatives au profit de la
production de l’agence ou ses objectifs de recherche
et développement;
♦ L’absence d'un plan de communication interne permmanent, sans cesse évalué, et destiné à promouvoir
une communication intégrationniste, solidaire et proffessionnellement motivante entre les personnels en
général et entre les journalistes en particulier;
♦ Le règne d’une gouvernance qui ne favorise pas une
vie syndicale et sociale à l'intérieur de l'entreprise qui
soit motivante et démocratique pour les personnels,
qui soit profitable pour l’agence et ses objectifs de
production et de bonne visibilité dans le champ méddiatique national;
♦ Une gouvernance et une « culture ambiante » au sein
de l’entreprise qui n’est pas toujours à l’abri d’attituddes et de décisions discriminatoires pour le genre, ni
valablement inscrite dans une politique d’équité du
genre (la MAP compte une soixantaine de femmes
journalistes - sur un total de 311journalistes - dont
nombre de recyclées à partir de services administrattifs et techniques, leurs services d’origine de leur reccrutement par l’agence…).
diagnostic global et analyse sectorielle
169
4/ Volet de l’équipement :
♦ Absence d’un schéma directeur des équipements de
l'Agence afin de mettre fin à la juxtaposition actuelle
de différentes générations de matériels et d’outils et
d’accompagner, à temps et efficacement, le rythme
des nouveautés en le domaine, notamment les inventtions du numérique et des TIC;
♦ Absence de politique volontariste, au plan de la reccherche/développement, d’investissements dans la
création d’outils, de plateformes, d’applications et de
solutions informatiques aussi bien pour les propres
besoins de la MAP que pour en faire des productions
ou prototypes à commercialiser, notamment auprès
d’agences et de médias dans des régions proches et
stratégiques comme le monde arabe ou l’Afrique;
♦ Un sous encadrement en effectifs et en profils qualifiés
de l’ensemble des équipements, du parc technique et
absence d’une veille technologique à même d’anticipper sur les besoins d’avenir de l’agence et de générer
les potentielles solutions à y apporter intra muros;
♦ Un recours épisodique, peu rentable et souvent de
faible impact sur les compétences des personnels de
l’agence, de certains accords de coopération étranggère, notamment en matière de formation ou d’assisttance technique;
♦ Un interminable projet de mise à niveau et de moddernisation du fonds documentaire et d’archives de
l’agence qui, sous équipé et sous encadré, n’est expploité que minimalement par l’agence au niveau de sa
production comme au niveau de la commercialisation
de ses services;
170
dialogue national - media et societe
♦ L’absence d’une stratégie à long terme et d’objectifs
mesurables de l’exploitation optimale par l’agence des
opportunités de contenus, de supports, de moyens de
diffusion, de produits commercialisables (publicités
comprises), de cibles de clientèles qu’offre le Net, la
blogosphère, les réseaux sociaux et autres espaces à
venir dans le « marché de l’information ».
En un mot, une réflexion réformatrice sur le cas de l’agencce MAP devrait nécessairement placer cette institution
au cœur d’un débat générique sur la notion d’ « intérêt
public », de façon générale, au Maroc, et, plus précisémment, sur le concept de « service public » que cette notion
démocratique induit pour les médias en général et fort
précisément pour les médias subventionnés par l’État, à
un niveau ou à un autre. Cette réflexion doit prendre en
considération au moins quatre directions stratégiques et
structurantes : la direction d’un service public profitant
fondamentalement aux clientèles nationales (y compris
en intégrant des entités médiatiques privées et publiques
dans sa gestion comme dans son financement); une directtion d’ambitions conquérantes régionalement et internattionalement; une direction de rentabilité économique et
une direction de modernisation constante en termes de
gouvernance comme en termes d’exploitation optimale
des nouveautés technologiques et d’anticipation sur leurs
usages d’avenir…Et enfin, une direction de professionnallisation poussée de l’entreprise et de ses personnels journnalistiques, au plan de la gouvernance et de la politique
des salaires et des divers systèmes de motivation et de
compensations, sans oublier les droits sociaux et moraux
du journaliste, question des plus pressantes en ce momment.
Le cas du photojournalisme et de la caricature
Dans le secteur de la presse écrite, la photo de presse est une
diagnostic global et analyse sectorielle
171
donne récente et source de nombre de travers pour la professsion du journalisme et son éthique. Longtemps soumise à un
monopole d’airain du Ministère de tutelle du secteur de l’informmation (depuis l’indépendance jusqu’au début des années 90),
elle a progressivement occupé les surfaces de la presse privée,
capitalisant sur des recommandations et signaux appelant à son
affranchissement et à son développement lors du colloque nattional de 1993.
Longtemps dépendante, essentiellement des services photo de
l’AFP (dépendance héritée depuis la période d’avant l’indépenddance) puis des services du ministère de tutelle, la presse marrocaine a, pendant des décennies, ignoré la photo d’actualité,
hormis les photos des activités officielles du Roi et du gouvernemment, soit fournies par le Ministère, soit fournies par quelques
pionniers de ce métier, dont le doyen du photojournalisme marrocain, M. Mohammed Maradji.
Cette absence de tradition de photojournalisme dans la presse
marocaine s’explique, en fait, aussi, par l’`état de la liberté de
la presse au Maroc pendant des décennies. Jusqu’aux dix dernnières années, la pesanteur de la censure, qui, comme l’épée de
Damoclès, pouvait sévir à tout moment sans logique prévisible,
encore moins sur une base juridique défendable, passait aux
yeux de tous les opérateurs médias (majoritairement à l’époque
opérateurs de presse partisane) d’être particulièrement intraittable et vigilante dans le cas d’une publication iconographique
(photo ou caricature) qu’elle ne l’est d’habitude dans le cas d’un
contenu textuel56. Hantise qui, bien entendu, hypertrophiait les
réflexes d’autocensure si bien ancrée dans le secteur de la presse
marocaine.
Une partie de l’explication réside aussi, indéniablement, dans
les politiques rédactionnelles et de gestion du modèle traditionn56 - L’illustration historique à cet égard est l’emprisonnement, sans jugement, au début des
années 70, d’un photographe et d’un journaliste du Journal l’Opinion pour avoir publié, sans le
reconnaître, la photo d’un petit prince dans la rue avec une légende qui portait un commentaire
mettant en exergue la différence entre riches et pauvres au Maroc…
172
dialogue national - media et societe
nel de l’entreprise de presse au Maroc. Politiques dont on peut
souligner des dominantes de « culture d’entreprise » comme :
• La primauté donnée au commentaire (dans la dominante
presse partisane dans le kiosque national jusqu’à, presqque, l’année 2000) ne laisse pas beaucoup de place au
factuel, encore moins à sa couverture par une iconograpphie qui peut être envahissante sur l’espace jugé si préccieux : celui dédié, largement et prioritairement, au commmentaire;
• La presse partisane étant une presse d’opinion, la photto ne peut porter le message éditorial de telles publicattions;
• La faible moyenne des effectifs des rédactions (5 à 10
au maximum, généralement « journalistes militants ou
sympathisants » du parti commanditaire) ne peut justiffier un ou plusieurs postes de travail pour un photograpphe, alors que le besoin de rédacteurs est patent, compte
tenu du choix éditorial privilégiant le texte et le commenttaire…
• La photo est comparativement à à la rigueur admise pour
les contenus, peu porteuse de la ligne politique du journnal partisan et indéniablement, ne rencontre une attente
évidente que d’un certain public : la féru de l’actualité
sportive (traditionnellement nombre de quotidiens parttisans de l’époque n’usaient de la photo que dans leurs
pages sportives);
• Dans le meilleur des cas, la photo était utilisée à des fins
de consacrer la visibilité du ou des leaders de la formattion commanditaire du journal (portraits ou cliché d’une
réunion d’une instance du parti)57.
Pour toutes ces raisons, et d’autres, la photo de presse était
57 - La publication de la photo d’une personnalité du parti n’excluait pas des tensions, des
frustrations et des « guerres » de course au leadership dans laquelle la photo n’est pas une arme
négligeable pour les compétiteurs au sein du parti…
diagnostic global et analyse sectorielle
173
donc sous utilisée, ignorée, reléguée à certaines pages spéciallisées (sport, culture, arts…) et par conséquent, le photographe
de presse n’était pas perçu comme un profil faisant partie, à part
entière, du monde des journalistes. La légitimité, toute la légitimmité du travail journalistique, n’était reconnue, exclusivement,
qu’aux rédacteurs de textes, aussi bien de la part des journalisttes et de leur corporation que de la part des autorités (ministtère de tutelle en premier)…Bref, le résultat structurel de cette
situation, pour le champ médiatique national, est, jusqu’à nos
jours, l’absence de conception/reconnaissance/utilisation du
« photojournalisme . En atteste d’ailleurs le fait qu’en 40 ans
d’existence l’ISIC (ex CFJ et ex ISJ) n’a jamais pu mettre sur
pied dans son offre de formation une filière spécialisée en ce
type de journalisme, hormis certains stages limités ou ateliers
grâce, le plus souvent, à la coopération étrangère. Il faut dire
que la culture et les pratiques de la presse marocaine ne dévelloppent pas une demande dans ce sens.
Avec l’apparition foisonnante de la presse privée, début de ce
siècle, la photo de presse a fait une grande irruption dans le
kiosque national et des dizaines et des dizaines de vocations se
sont introduites dans les rédactions et sur les scènes de l’événemmentiel national. Au point que, souvent, dans certaines publicattions, la photo a pris le dessus sur le textuel et, surtout, qu’une
nuée de photographes a envahi le secteur, ne manquant pas de
provoquer irritations et tensions entre les partenaires de l’acttualité (acteurs politiques et journalistes) et même de sérieux
conflits et poursuites judiciaires, certaines plus préjudiciables
que d’autres aux éditeurs.
Avec cette remarque, que ce volet iconographique a été sourcce de poursuites judiciaires fort dommageables pour la presse
dans le cas de la caricature, forme de journalisme autrement
plus périlleuse dans le champ de l’expression par voie de pressse au Maroc et qui ne manque pas de partager avec la photo
de presse, nombre des mêmes déficits et dysfonctionnements.
La caricature, qui n’avait pratiquement pas droit de cité dans
la presse marocaine pendant des décennies, à l’exception du
174
dialogue national - media et societe
pionnier du genre dans la presse, Filali du journal l’Opinion et
dont les caricatures n’abordaient quasi exclusivement que des
thématiques de société, avec une prédilection bien misogyne, et
d’une facture artistique bien peu séduisante, pour les relations
homme /femme, mari/belle mère etc.
Aussi bien la photo de presse donc que la caricature (comme
commentaire de presse, contrairement à la photo du factuel)
sont des genres journalistiques de très récent usage au Maroc et
n’ont donc bénéficié d’aucune politique de soutien, ni de la part
de l’État, au niveau de l’unique institut public de formation de
journalistes (ISIC actuellement), ni de la part des opérateurs et
éditeurs des journaux et périodiques58.
Une approche sociologique de la presse conclurait certainemment à une sorte de tabou ou d’autocensure endémique quant à
concevoir ces deux genres comme des genres journalistiques à
part entière : couverture du factuel par la photo, commentaire
sur le factuel par la caricature de presse.
D’un autre point de vue qu’on ne peut pas ne pas adjoindre à
toutes ces explications reste quand même l’évolution sinon la
transformation de la dimension symbolique de mise dans le millieu des médias ou plutôt dans les milieux politico-médiatiques
au Maroc… N’est-il pas pertinent de retenir dans l’explication
du récent et bien inégal et désordonné foisonnement de la photto de presse et de la caricature dans la presse, la « désacralissation » de la photo de certaines figures et certaines situations
du plus haut sommet de l’État, réputées avant comme absolumment inaccessibles pour la photographie à diffusion publique, la
photo de presse en l’occurrence…Si cela s’est déjà quelque peu
annoncé lors des mariages des Princesses avant 1999, cela se
confirma définitivement et de façon complète et radicale, par la
suite, avec l’apparition publique, offerte normalement et naturrellement à la photographie, de l’épouse du Roi…
58 - Signalons ici l’existence d’un centre de formation pratique lancé il ya quelques années par
le doyen du métier, Mohammed Maradji.
diagnostic global et analyse sectorielle
175
Depuis lors (année 2000 surtout), la photo n’a plus de raison
de s’interdire quelconque sujet de la scène politique publique
et, de ce fait, trouva nombre de raisons et de sujets pour s’impposer dans l’actualité et pour conquérir plus d’espace dans les
publications. Sauf que l’affranchissement de la photo de presse,
comme de la caricature, n’a bénéficié ni de longues traditions
professionnelles dans le domaine chez les entreprises ni de comppétences professionnelles formées et aguerries dans le photojjournalisme et l’art de la caricature appliqué à l’événementiel et
à son commentaire. La conséquence en a été tout naturellement
l’intrusion de l’amateurisme, pas nécessairement prometteur,
de preneurs de clichés dans les fêtes et les mariages et autres
pseudo-photographes de presse…
Lors de la table ronde consacrée par le Dialogue national au
photojournalisme, en présence de nombre de professionnels, y
compris le doyen Maradji et de quelques sociétaires marocains
de grandes agences spécialisées internationales, nous avons
appris que l’ « Association des photographes journalistes »
demande depuis son 6ème congrès de mars 2008 aux autorités
concernées comme au syndicat national de la presse marocainne (SNPM) d’ « accorder l’attention nécessaire à la situation
contraignante et fort préjudiciable au métier que les professn
sionnels vivent de plus en plus du fait de la forte prolifération
des imposteurs », appelant à ce que le SNPM «incite les autorn
rités de tutelle de sévir contre tout imposteur par l’application
de la loi ».
Dans le même rapport de leur 6ème congrès, les professionnels
dénoncent « la marginalisation du photographe professionnel
par certaines rédactions au profit de photographes étrangers
à la rédaction de la publication ». Comme ils demandent « plus
d’espace à la photo dans les journaux avec mention du nom
de l’auteur photographe » et « l’obligation pour le SNPM de
faire bénéficier les photographes journalistes de cycles de formn
mations, deux fois par an au moins, en partenariat avec l’ISIC
et les associations et organismes spécialisés ». De même que
176
dialogue national - media et societe
cette association demande à être représentée au sein de la commmission paritaire de délivrance de la carte de journaliste professsionnel dans laquelle siège le SNPM, comme elle demande que
le syndicat installe en son sein une « commission permanente »
de photographes professionnels pour prendre en charge leurs
problèmes spécifiques.
Bien entendu, à la tête de ces problèmes, comme en ont témmoigné nombre de professionnels auditionnés lors du débat
national, et comme en atteste la chronique récente des maniffestations de rue, il y a ce qu’ils qualifient dans leurs rapports
d’« abus, agressions et interdictions » qu’ils subissent lors des
événements qui se déroulent sur la voie publique.
En somme, la profession de photojournalisme est exercée dans
une indéniable anarchie dans laquelle se côtoient professionnnels éprouvés et formés, des amateurs, des imposteurs, n’étant
un métier ni crédibilisé par l’existence d’une formation dispenssée légalement et reconnue, ni valablement et correctement inttégrée dans les politiques éditoriales et la gouvernance des enttreprises de presse, ni forçant le respect à cause de son ordre
dispersé et du nombre de ses pratiques condamnables du point
de vue éthique et même aux yeux de la loi : traitement avec légèrreté, sinon avec intrusion et violation, de l’intimité et des droits
des tiers comme le droit à l’image, le non respect quasi systémattique de l’identité du mineur, le non respect de la douleur des
victimes et leurs proches etc.
Les mêmes remarques peuvent globalement être retenues dans
le cas de la caricature de presse, avec, en plus, un niveau artisttique rarement digne de cet art de commentaire de l’actualité,
réputé sophistiqué, exigeant talent avéré et certaines capacités
intellectuelles d’assimilation et de lecture du fait ou de l’informmation à « croquer » par la caricature.
Le champ médiatique national a donc a un besoin urgent de se
pencher sur le photojournalisme, comme sur la caricature, pour
déployer une politique nationale de formation, diplômante, pour
diagnostic global et analyse sectorielle
177
encourager et encadrer des vocations dès les premières années
de l’école (1er cycle du secondaire notamment), pour défendre et
garantir, avec les partenaires concernés, comme le SNPM et la
FMEJ, les droits matériels, professionnels et déontologiques de
ces deux métiers au sein des entreprises et de leurs rédactions,
pour les aider à mieux s’organiser et, surtout, à s’autoréguler
au plan éthique et déontologique dans leurs pratiques et sur le
terrain.
Une telle politique publique conséquente, appuyée par un volonttarisme efficient des organisations professionnelles du champ
médiatique national, doit être en même temps assez prospectivviste pour anticiper sur des situations inédites dans l’exercice de
prise d’images : des vidéastes amateurs ou blogueurs ou « Netcitoyens » qui, à titre personnel, de plus en plus, fréquentent
les lieux de l’événementiel, prennent des photos ou des images
vidéo amateurs, les exploitent et les diffusent sans règles professsionnelles ou déontologiques, sans identité juridique d’entreprisse et donc sans obligations ou responsabilité légales nécessaires
en cas de plainte…A ce niveau, une partie de la réflexion doit se
pencher sur le dispositif d’organisation de l’événementiel et de
son accès, quand l’événement est prévu et non fortuit (pratique
du badge d’accès, listings d’identification, carte de presse etc.).
Comme on le voit donc, le Maroc est pour le moment sérieusemment diminué dans ses formes d’expression médiatique, avec
cette situation de l’expression iconographique (photo et caricatture de presse) et celle particulièrement du photojournalisme,
perçu et usité encore comme une expression mineure, subsiddiaire ou accessoire par rapport à l’écrit.
Le défi donc pour tous les acteurs du champ médiatique (éditteurs, journalistes, formateurs et autorités, syndicats, associattions, les concernés eux-mêmes) est celui d’œuvrer à l’unisson,
chacun pour la part qui lui revient, afin que ce genre atteigne
un droit de cité complet et respecté dans les rédactions et une
maturité professionnelle, déontologique et créative qui en ferait
178
dialogue national - media et societe
un plus pour l’exercice de l’expression médiatique nationale, un
genre majeur du journalisme. D’autant plus que l’iconographie,
l’image, sont, de nous jours, partout dans le monde, les formes
d’expression les plus demandées par les publics des médias et
les plus recherchées par les médias dans la confection de leurs
contenus (l’option multimédia)…Tendance bien avérée au Marroc aussi, alors que sa scène médiatique s’est indéniablement
enrichie, ces dernières années, par de multiples canaux et suppports usant de la dimension iconographique, de sa symbolique
et se son impact : télévision, sites web et portails, journaux électtroniques, blogs, magazines « people »…L’image, la photo, la
caricature sont partout dans le cyberespace qui conquiert sans
cesse de plus en plus de franges de la jeunesse marocaine, cible
qui s’impose au Maroc, par le fait qu’elle est majoritaire au pays,
à toute stratégie médiatique, de presse écrite ou d’autres suppports comme la radio, la télévision ou la presse électronique.
diagnostic global et analyse sectorielle
179
SECTEUR DE LA RADIO
Indéniablement, la date du 30 septembre 2002 constitue un
tournant historique dans le champ médiatique marocain. Le déccret loi qui leva à cette date le monopole de l’État en matière
de radiodiffusion (en vigueur depuis la promulgation du Dahir
du 25 novembre 1924) sonna le début d’une ère nouvelle annnoncée déjà, un mois auparavant, par le Dahir du 31 août 2002
confiant à une « Haute Autorité de la Communication Audiovissuelle » (HACA) la mission d’octroi d’autorisations de création
d’entreprises de radio et de télévision. Une fois ce tournant de
régime complété par la loi 77/03 du 7 janvier 2005, relative à la
communication audiovisuelle, la HACA s’attela à opérer concrèttement cette révolution pour laquelle elle a été créée :
vRégularisation des opérateurs publics
• Le 27 juillet 2005 : approbation du cahier de charges de
la SOREAD-2M (nouveau cahier de charges approuvé en
juillet 2009)
• Le 4 janvier 2006 : approbation du cahier de charges de
la SNRT (nouveau cahier de charges approuvé en juillet
2009).
vMise en conformité des services privés déjà en activité au
Maroc
• Le 29 juillet 2005 : octroi d’une licence d’exploitation de
service radiophonique à Médi1International et signature
d’un cahier de charges
• Le 3 mai 2006 : octroi d’une licence d’exploitation de servvice radiophonique à Radio Sawa et signature d’un cahier
de charges
vOctroi de la première vague de licences pour opérateurs
privés (janvier/juin 2006) : 10 radios et 1TV (Medi1
SAT)
vOctroi de la 2ème vague de licences pour opérateurs privés
(2009)
180
dialogue national - media et societe
Depuis, le paysage audiovisuel marocain présente une diversificcation de l’offre publique et privée
vDiversification de l’offre du pôle public
Offre radiophonique publique : 15 stations
4 radios généralistes nationales dont une radio nationale
d’expression Amazigh
1 radio nationale thématique (Coran)
1 radio régionale thématique musicale
9 stations régionales
17 stations radio privées en 2010 59
Vocation
Opérateur Radio
Nombre
Radio locale de proximité
Radio Plus Marrakech
Radio Plus Agadir
2
Radio régionale de proximité
MFM Saïss
MFM Souss
MFM Atlas
MFM Casa
MFM Sahara
MFM Oriental
Chada FM
7
Radio multirégionale musicale
Hit Radio
1
Radio multirégionale de
proximité
Cap Radio
1
Radio multirégionale thématique
Radio Atlantique (économie
& finances)
Radio Aswat (économie)
Luxe Radio (artisanat)
Radio Med (vie associative &
médiation)
Radio Mars (sport)
Medina FM (monde rural)
6
En moins de cinq ans donc, l’auditeur marocain a pratiquement
59 - En plus de Radio Méditerranée Internationale et Radio Sawa, partiellement ouverts à
des capitaux étrangers.
diagnostic global et analyse sectorielle
181
effacé de sa mémoire les 80 ans d’un paysage unidimensionnel,
monopolisé par la « Radio Nationale » bien quelque peu dessserré sur les 30 dernières années par la mise en ondes en 1980
de Radio Méditerranée International, Médi1.
Au vu de nombre d’indicateurs et d’habitudes d’écoute de plus
en plus dominantes dans la société, on peut dire que la libérattion des ondes a égalé, en termes de changement quasi révoluttionnaire pour les Marocains, l’accès illimité à la télévision sattellitaire qui, depuis quinze ans au moins a fait pousser comme
des champignons les paraboles sur tous les types d’habitations,
bidonvilles et Ksours compris. Sauf que dans le cas de la radio,
l’ouverture du champ a apporté aux Marocains ce que ne pouvvaient apporter les télévisions satellitaires étrangères :
ü Une offre diversifiée de contenus nationaux
üUne offre diversifiée de langues et de parlers
üUne proximité diversifiée de contenus : locale, régionale,
linguistique, thématique…
üUne disponibilité – enfin! – de l’information locale et
d’informations services de proximité sur un média de
large audience
üUne aisance d’accès technique, dans quelconque lieu
(transports compris), avec qualité d’écoute (FM, fréqquences ciblées par bassin d’audience)
üUne inédite interactivité et diverses offres pour les auditteurs de réagir et de participer aux contenus, en direct
qui plus est
üUne indéniable liberté de ton, doublée d’une liberté sallutaire et inédite d’aborder des thèmes jadis réputés intterdits ou tabous sur les ondes (gouvernance, sexualité,
femmes battues…)
üDes occasions multiples (dans le temps, 24H sur 24H,
comme dans les thèmes) pour l’auditeur de s’exprimer,
de débattre, de se connaître et de se reconnaître, de
connaître et de reconnaître les autres…
182
dialogue national - media et societe
üUne profitable émulation pour les auditeurs, du fait de la
concurrence entre les 15 chaînes publiques et les 17 privvées, au niveau national et régional.
Avec ce média, en fait, on est devant une réalité évolutive,
concrètement en phase avec la société et ses pratiques et tout
d’abord parmi sa majorité, les jeunes. C’est un média bien préssent dans la consommation des médias chez les jeunes des deux
sexes, il est même le plus consommé, comme en témoigne notre
étude auprès de 900 jeunes de toutes les régions du pays.
Près des ¾ des jeunes répondants écoutent la radio, soit continnuellement, soit de manière intermittente. Inversement, moins
de 13% des jeunes n’écoutent pas la radio. Même si l’audience des
émissions radiophoniques a dû certainement diminuer parmi
les jeunes au profit notamment de la télévision et de l’Internet,
tous les deux en explosion comme médias modernes, de l’ère
numérique, la radio demeure quand même un média largement
utilisé par les jeunes. C’est une consommation qui se détache,
presque dans les mêmes proportions, chez les jeunes des deux
sexes. Signe clair que ce média, à l’offre bouleversée depuis la
libération des ondes voilà moins de cinq ans, est en phase avec
diagnostic global et analyse sectorielle
183
la jeunesse de ce pays. La radio fait donc œuvre utile à la société
puisqu’elle bénéficie d’une si large adhésion/consommation.
Mais ce média, pour populaire qu’il soit et pour couru qu’il soit
par les jeunes, ne semble pas à l’abri d’accidents de parcours,
voire de décalages fort préjudiciables à terme, alors qu’il est enccore en période de construction comme paysage nouveau de par
son offre et de par ses apports inédits au profit du public et que
nous avons relevés plus haut.
En fait, comme nous l’ont exprimé quasi unanimement les opérrateurs de ces radions privées, lors de la séance de débat que
le Dialogue national leur a consacrée au sein du Parlement, ce
nouveau paysage radiophonique a maintenant assez vécu pour
qu’il devienne indispensable pour lui de passer de la phase de
construction à la phase de développement. Un développement
qui doit être nécessairement accompagné, encouragé et aménnagé par les pouvoirs publics, c’est-à-dire l’État, afin que ce
secteur optimise toutes ses potentialités au profit du public, au
profit de tous les Marocains dont 60% écoutent la radio, nous
confirmaient à l’unanimité ces opérateurs, alors que certaines
estimations parlent d’environ 14 millions d’auditeurs que se
partagent les radios privées et publiques, mais avec une audiencce journalière qui varie, pour les radios privées, entre 2 et 3 milllions d’auditeurs pour près de 460 heures de diffusion sur ces
radios.
Autant souligner ici la nécessité de se pencher sur ce secteur
en mettant en avant la mission de service public qu’il rencontre
par là, comme en atteste sa forte pénétration dans la société en
général et parmi les jeunes en particulier. L’interpellation d’un
accompagnement de l’État pour ce secteur, dont les acteurs salluent le travail accompli par la HACA et la qualité de l’expériencce de régulation accumulée par le Maroc, trouve, par ailleurs,
nombre de justificatifs dans différentes réalités qui font obstacle
au passage de ce secteur à une phase de développement qui soit
184
dialogue national - media et societe
au niveau de ses potentialités et des attentes d’un public large,
fidèle et majoritairement jeune.
Le premier obstacle réside dans cette sorte d’ « étouffement léggal », comme l’appellent les opérateurs privés qui relèvent que
la spécificité de leur type d’entreprise n’est pas assez prise en
compte par le législateur, les soumettant à presque toutes les
législations en vigueur pour tout type d’entreprise tout en les
encadrant de manière spécifique par la loi sur l’audiovisuel et
ses obligations bien précises contenues dans les cahiers des
charges…Sans parler, en plus, du Code de la presse qui, malgré
son retard sur ces nouveaux acteurs, leur est appliqué au bessoin. Avec le régime général d’entreprise, disent les opérateurs
de ce secteur, comme avec le régime d’entreprise de presse, on
peut toujours trouver des équilibres et des adaptations, mais la
conjonction de plusieurs régimes appliqués à la naissante radio
privée la fragilise tant le secteur est nouveau et pas encore stabbilisé, avec vitesse de croisière conséquente, dans une logique
économique qui reste à trouver. Surtout que ce secteur est forttement exposé à une faiblesse avérée de sources de financement
et à un marché publicitaire instable, à peine initié à ce nouveau
secteur et pas du tout organisé ni régulé.
Ne disposant que de la publicité comme seule source de financcement, ces radios, quasi-pionnières en la matière face à des annnonceurs jusque-là rivés à un seul horizon de publicité radiophonnique, celui de Médi1, ont été confrontées, dès leur démarrage,
aux aléas habituelles et inhérentes à un début d’ère…Des annoncceurs aux habitudes bien établies dans le recours de préférence
à la télévision et subsidiairement à la presse, ayant pris le seul
pli de l’insertion sur Médi1, et invariablement demandeurs de
rayonnement national, alors que nombre de radios, la plupart,
ont comme champ de diffusion l’échelle régionale ou locale.
Combien même des annonceurs «aventureux» s’essaient à des
annonces sur des radios régionales ou locales, ils cherchent souvvent à réduire au maximum leur investissement en demandant
à la station d’assurer tout le package du spot, depuis le concept,
diagnostic global et analyse sectorielle
185
la création, le casting… jusqu’à la diffusion et le media plannning…Or, les radios n’en ont ni la vocation, ni les équipements
adéquatement dédiés, ni les ressources humaines nécessaires,
etc. … Souvent, ces radios ont dû accepter ce type de commande,
à perte, avec un résultat technique et créatif médiocre, dans l’esppoir de participer à la familiarisation, voire la fidélisation, de
l’annonceur à ce recours aux radios privées régionales, locales
ou thématiques. L’annonceur reste « national » et davantage
« télévision » que « presse » et n’ayant comme modèle possible
d’insertion radiophonique que celui, national et maghrébin, de
Radio Méditerranée ou le jumelage bien intéressant car ne sorttant pas de cette vision de « large cible » qui date et qu’offre 2M
International avec sa station radio, au rayonnement national et
au label bien installé grâce à sa chaîne de télévision.
Néanmoins, ces tendances lourdes, n’ont pas tout à fait entamé
le pouvoir de séduction que tout naturellement ces nouveaux cannaux ont produit sur la scène nationale à leurs débuts, puisque
ces radios, en particulier celles détentrices d’une licence de difffusion nationale, ont engrangé des recettes publicitaires qui ont
fortement augmenté entre 2007, première année de ces radios,
et l’année 2008, ce qui explique les demandes de nouvelles licencces et d’extension de bassins introduites en 2009 par certaines
radios autorisées en 2006. Sauf que l’instabilité du marché – ces
radios étant nées avec le début de la crise économique mondiale
- en plus de l’augmentation du nombre de licences qu’invoquent
bien volontiers les pionnières de la première vague, et surtout,
le net recul de la publicité partout dans le monde, allaient, dès
le milieu de l’année 2009, démontrer la précarité de cette uniqque source de financement pour ce nouvel acteur. Précarité due,
entre autres, au retrait ou extrême réduction des budgets pubblicitaires des gros annonceurs que sont les multinationales,
crise économique oblige, et qui, par une certaine constance et
une solide imperméabilité aux pressions locales (de toute sorte)
ont toujours constitué pour le marché publicitaire marocain un
point d’équilibre salutaire, voire le filon central dans une mine
186
dialogue national - media et societe
aux galeries incertaines, sans transparence, pleines de points
obscurs et de jeux d’ombres et d’influences.
Certaines études ou rapports confidentiels, circulant dans ce sectteur, ont estimé que la manne publicitaire a chuté, globalement,
de 50% entre 2009 et 2010, chaque radio ayant plus ou moins
résisté à cette baisse, mais dans des proportions invariablement
bien inquiétantes pour l’équilibre financier de l’entreprise type.
Au chapitre donc des obstacles structurels au développement
de ce secteur, le diagnostic révèle en premier cette question des
sources de financement en la liant avec un encadrement législattif multiforme et inadapté à l’apport d’intérêt public de ces raddios, ce qui suggère un besoin exprimé d’aide publique selon des
mécanismes ciblés et adaptés, comme il en est pour la presse
écrite, disent les concernés. Cette question de financement est
également liée à un marché publicitaire désorganisé, non régulé
et non incité à se tourner davantage vers ce secteur d’avenir. Ce
qui suggère une intervention ou, pour le moins, un accompaggnement de l’État pour aider à assainir ce secteur, à l’organisser, à y faire émerger un mécanisme de régulation, comme cela
suggère que l’État, comme annonceur, soit plus volontariste au
profit de ce secteur qui, par ailleurs, est appelé à devenir, à brève
échéance, hautement stratégique une fois le pays engagé sur la
voie d’une régionalisation avancée. Et l’État devrait déjà se penccher, disent ces opérateurs privés, sur le système technique de
diffusion confié à son opérateur public, la SNRT, dont les tarifs,
les équipements, les difficultés d’accès et de maintenance relattifs aux émetteurs, sont des charges inadaptées aux capacités
financières de ce jeune secteur.
Les concernés incriminent dans le même sens les montants des
redevances annuelles des licences accordées par l’autorité de
régulation, jugés trop chers. Autant dire qu’il y a lieu, devant
ce diagnostic brandi par le secteur lors de ce débat national,
de convoquer une large consultation pour engager, de manière
volontariste et bienveillante, un réaménagement des politiques
diagnostic global et analyse sectorielle
187
publiques concernant ce secteur, dans le but d’optimiser et de
développer ses réelles et indéniables potentialités et apports aux
publics. Une des pistes pour un tel réaménagement, évoquée
par les concernés et que certains ont commencé à initier durant
cette année 2010, est celle de la « mutualisation » des moyens
et outils entre différents opérateurs, depuis la gestion de la pubblicité par une seule régie commune, jusqu’aux équipements de
diffusion, en passant par la pondération de la forte concurrence
des radios publiques, comme Médi1, sur le marché publicitaire,
ou par la formation des ressources humaines.
Il reste cependant que « le principal frein au développement est
surtout la formation du personnel, journaliste, animateur, technnicien… », comme le souligne un opérateur dans un mémoire
déposé auprès du Dialogue national. Là aussi, l’appel est adressé
à l’État pour déployer, au profit du secteur, un plan national de
formation qui devait, en principe, intervenir déjà au moment de
l’engagement du pays sur la voie de la libéralisation des ondes.
Souci majeur dont les parlementaires, membres de l’instance du
Dialogue, en confortèrent la pertinence en relation avec leur
évaluation unanimement critique à l’endroit du faible professsionnalisme et du grave et quasi systématique déficit en matière
d’éthique et de déontologie qui dominent sur les ondes de la
plupart de ces radios.
Le diagnostic de ce secteur, dans son essentiel, aboutit donc à la
constatation qu’il est un secteur d’avenir, secteur à plus-value
stratégique : en rapport avec la jeunesse, avec la régionalisation
annoncée, avec la libération de la parole du citoyen, avec la libbération de l’information locale, avec la culture de la diversité
et de la tolérance, avec l’impératif de l’inclusion médiatique et
socioculturelle à tous les échelons de la société et de ses différrentes couches…Sans oublier qu’il est un secteur économique
porteur de richesses (publicité, Show-biz, produits culturels,
e-Commerce, investissements, équipements…) et incubateur
d’emplois et de compétences professionnelles pour le paysage
médiatique national, multimédia, grâce bien sûr au numérique
188
dialogue national - media et societe
qui a investi massivement les studios, les équipements et leurs
divers applications et extensions. Un formidable acquis en nouvvelles technologies pour le champ médiatique national dans son
ensemble et qui ne manquera pas d’avoir, à terme, un impact
positif sur le « savoir-faire » des hommes et des femmes – quasi
exclusivement des jeunes – qui y sont engagés. Une voie donc
de fécondation/développement des compétences nationales
présentes et à venir.
diagnostic global et analyse sectorielle
189
SECTEUR DE TETEVISION
Si le nouveau paysage radiophonique provoque chez les Maroccains et les Marocaines d’aujourd’hui un attrait compréhensible
et sans précédent, de par la diversité de son offre privée et pubblique et l’interactivité qu’il favorise, le paysage télévisuel, lui,
reste le média qui accapare le plus l’attention de l’opinion publiqque, le plus commenté, par la presse comme par l’homme de la
rue. Alors qu’il n’offre, jusqu’à présent ni interactivité, ni offre
privée, puisqu’il est encore dominé par le pôle public, bien que
celui-ci compte neuf chaînes, auxquelles on doit ajouter Medi
SAT 1 à forte participation de l’État.
Outre les caractéristiques attractives intrinsèques au media luimême, bien connues des sociologues des medias, sa force d’atttrait réside, en fait, dans deux données majeures de diagnostic :
les attentes et aspirations légitimes du public à l’endroit de leur
pôle public et la quasi infinie offre satellitaire du « ciel ouvert »
qui permet aux Marocains de voyager librement et à moindre
coût, voire gratuitement, entre près de 500 chaînes étrangères.
Les responsables de notre pôle public estiment que le taux de
pénétration des paraboles dans les foyers marocains est supérrieur à 65%, ce qui signifie que plus des deux tiers des citoyens
Marocains ont accès à une programmation internationale, ont
accès à des programmes qui nous proviennent de l’étranger.60
Cette alternative, entre le pôle public national et la galaxie des
télévisions satellitaires étrangères est la réalité attractive et bien
motivante pour la consommation de ce media, mais elle est le
dilemme ou le nœud gordien auquel aboutit toute analyse, tout
diagnostic de ce secteur. Un secteur qui, pourtant, a bénéficié,
ces dernières années, de nombre de mesures, de politiques pub60 - On se souvient qu’au début des années 90 l’État marocain a tenté une expérience
malheureuse de taxation des paraboles, mesure vite arrêtée et les services concernés se sont
démenés difficilement pour rembourser nombre de foyers déjà taxés selon cette dite mesure,
notamment à Fès..! Comme les organisations humanitaires, notamment l’OMDH, se souviennent
d’avoir poussé certains partis d’opposition à renoncer au dépôt d’un projet de loi au Parlement
chargeant le Ministère de l’intérieur et de l’information, à l’époque, de déployer « les moyens
techniques nécessaires » pour interdire le ciel marocain aux signaux télévisuels étrangers!!
190
dialogue national - media et societe
bliques, de moyens et d’encadrements législatifs et réglementairres bien avancés, sinon bien proches des standards recommanddés à l’échelle internationale, par référence à la gouvernance de
ce type de média en démocratie : bannissement juridique du
monopole de l’État, autorité de régulation, marché d’investissemment ouvert aux privés, nationaux et étrangers, statut de société
nationale pour les chaînes publiques (SNRT et 2M SOREAD)...
Certes, nombre de pays comparables au Maroc et même certtains plus avancés que lui en la matière, sont confrontés à ce
dilemme. Mais pour le Maroc cette difficulté fort ardue doit être
résolue de manière radicale car son nouveau paysage télévisuel
est fragile, peu outillé et dans lequel se logent des enjeux décissifs pour la société marocaine et son avenir au plan politique (la
démocratie, en premier), aux plans identitaire, culturel, créatif
et artistique comme au plan de la nécessaire cohésion nationale
dans laquelle ce type de media a un rôle indéniable à jouer de
nos jours.
L’examen d’une telle situation, pour ce qui nous concerne, doit
nécessairement prendre en considération le fait que les Maroccains ont enfin la latitude d’interpeller leur service télévisuel pubblic dans les termes dont on l’interpelle dans les démocraties,
dont on l’interpelle, du moins, dans les paysages qui se sont libérrés du monopole de l’État sur ce média. Tant que le monopole de
l’État -ou du gouvernement, ce qui est pire- sévissait, le concept
de « Public Service Broadcasting » (PSB), bien anglo-saxon, ne
pouvait être promu de manière réaliste. Un tel concept, selon
les normes internationalement reconnues (par l’Unesco, par le
Conseil mondial de la radiotélévision -CMRTV, par Article 19…)
ne peut devenir opérationnel que dans une atmosphère de libberté de tous les medias qui soit consacrée dans des textes fonddateurs et réellement exercée au mieux de la démocratie et de la
liberté d’expression et d’opinion.
En somme, depuis la libéralisation de son paysage audiovissuel, le Maroc est plus que jamais en mesure de prétendre à la
diagnostic global et analyse sectorielle
191
construction d’un service public (en radio comme en télévision)
qui soit au mieux de la conformité avec les standards internattionaux et au mieux de la comparaison avec les expériences de
référence en le domaine, en Europe (UK, Allemagne, Hollande,
Suisse, Scandinavie, France, Espagne…), en Amérique du Nord
(Canada), ou en Afrique (Afrique du Sud, Ghana, Bénin…)…Il
doit avoir cette ambition, d’autant plus que ce paysage, dans son
secteur télévisuel -encore en retard sur le secteur radiophoniqque en termes de libéralisation et d’ouverture sur le privé- couve
des enjeux cruciaux pour le pays à différents plans du développpement de sa démocratie encore en construction.
Avoir l’ambition de tenir la comparaison avec les paysages audiovvisuels les plus modernes et les plus démocratiques au monde,
au plan de l’audience du moins, n’est point une ambition démessurée dans la mesure où tous les services publics sont menacés
par la « fragmentation des audiences » induite par de nouvelles
habitudes des publics privilégiant de plus en plus les chaînes
thématiques au détriment des chaînes généralistes. Fragmentattion induite surtout par l’offre TNT (télévision numérique terrrestre) qui doit obligatoirement régner partout dans le monde en
2015, date butoir pour la disparition de l’analogique comme l’a
décrété l’Union Internationale des Télécommunications (IUT),
en tant qu’obligation pour les États membres de l’IUT dont le
Maroc. Pour le Maroc, qui a démarré l’offre de la TNT en 2007,
il faudra d’ici cette date de 2015 équiper cinq millions et demi
de foyers. Les responsables du pôle public annoncent que nous
avons déjà atteint un taux de couverture par la TNT comparable
au taux atteint en France.
La TNT est un grand défi technologique et managérial qui annnonce un bouleversement, à terme, de l’audience, et donc de
tout le système du pôle public, depuis les équipements et les
financements jusqu’aux ressources humaines et les contenus…
Sans oublier que la TNT permet une réduction de coûts importtante par rapport à la diffusion satellitaire (la location satellittaire coûte à notre pôle plus de 12 millions US par an), comme
192
dialogue national - media et societe
elle permet une qualité de réception exceptionnelle, en particculier en haute définition pour certains programmes, ce que le
pôle public marocain a commencé à offrir aussi. Un tel défi, en
plus d’autres, pour l’avenir de l’audiovisuel national, exige au
présent une mise à plat complète de sa situation actuelle sur
tous les plans.
Lors de l’audition consacrée à ce secteur par l’Instance en charge
du Dialogue national, le PDG du pôle public a d’ailleurs insisté
sur la nécessité de procéder au plus vite à une « réingénierie »
de ce pôle. De son sens originel en anglais, « Reengineering »,
cela désigne une réorganisation d’un processus ou d’un système
afin de le rendre plus efficient. L’objectif ultime étant, pour un
organisme ou une structure, d’opérer un changement positif, un
changement qui en augmente l’efficacité globale, tout en en rédduisant les coûts.
Il est bien évident que dans le cas qui nous intéresse, un service
public audiovisuel, la question des coûts est importante mais ne
doit pas être discriminatoire pour la mission de ce service. Certtes, ce secteur a besoin d’un réingénering systématique mais,
vus les enjeux de sa mission sociale ou sociétale hautement impportante, il a besoin aussi d’une « Rétro-ingénierie » qui consiste
à revenir sur la conception, à reconstituer, de manière critique,
le fonctionnement d’un système pour en recadrer les principes
internes. En clair, cela vise à revisiter les principes et choix qui
sont à la base de l’organisation de ce pôle télévisuel et des polittiques qui le guident et le gèrent dans tous ses aspects, depuis
la gouvernance en interne jusqu’à ses productions et contenus,
en passant par son rayonnement socio-économique, artistique,
et, bien sûr, son impact socioculturel et politique sur la société
dans son ensemble.
Sans revenir sur le référentiel de valeurs et principes qui doivvent guider un service public audiovisuel (ce que nous avons
largement exposé dans notre premier « cadrage politique et de
diagnostic global et analyse sectorielle
193
référence »), rappelons juste que ces valeurs et principes se tradduisent pour le media de service public dans des termes professsionnels qui sont essentiellement : Pluralisme; indépendance;
diversité/équité; innovation/qualité. Car, dans un régime démmocratique « la radiodiffusion publique (radio et télévision),
c’est la radiodiffusion du public : elle s’adresse à chacun à titre
de citoyenne. Elle encourage l’accès et la participation à la vie
publique. Elle développe les connaissances, élargit les horizons
et permet à chacun de mieux se comprendre en comprenant le
monde et les autres ».61
Comment le paysage télévisuel public marocain pourrait prétenddre à un tel rôle, maintenant qu’il est assez bien étoffé et diversiffié et surtout installé dans un environnement des plus favorables
à un tel rôle (libération des ondes qui suppose plus de liberté
d’expression, plus de dégagement de l’État, ce qui suppose plus
d’indépendance éditoriale pour ce secteur ; régulation fonctionnnant de manière globalement satisfaisante ; concurrence à forte
émulation du privé, comme des bouquets étrangers…) ?
Force est de constater que le pôle public télévisuel marocain est
d’abord bien fragile pour relever un tel défi du fait, indéniable,
de la forte concurrence, en nombre et en proximité des chaînes
arabes satellitaires (quelque 300 stations, la plupart captées en
clair, moyennant un seul investissement modique, une parabolle). Proximité par la langue, tout d’abord, ce que ne connaissent
pas d’autres pays confrontés au même phénomène satellitaire,
leur langue étant une barrière salutaire, quasi « naturelle »,
face au déferlement étranger (cas de la France, de l’Italie, de la
Hollande…). Or, les Marocains, arabophones, sont familiarisés
même avec les dialectes du Moyen Orient, parfois depuis des
générations, comme dans le cas du dialecte égyptien. Proximité
aussi par les contenus pour cause de mêmes référents culturels
et d’imaginaire collectif partagé, au Maroc, avec nombre de peupples arabes de chez qui ces programmes satellitaires nous provviennent.
61 - Rappel de la définition du CMRTV déjà commentée dans notre premier cadrage.
194
dialogue national - media et societe
Pour le Maroc la confrontation avec ces chaînes satellitaires,
arabes ou occidentales (bien que ces dernières ne dépassent pas
les 2% d’audience sur l’offre satellitaire, estime-t-on à la SNRT),
est des plus inégales au niveau des moyens aussi, notamment
financiers : le budget de la chaîne Al Jazzera (450 millions US)
fait une fois et demi le budget global de tout l’audiovisuel marrocain (qui est de moins de 300 millions US, frais de diffusion
terrestre et satellitaire compris) ; celui de la BBC (400 milliards
Dhs) fait vingt fois celui du pôle marocain (2 milliards Dhs).
Budget marocain qui est bien plus bas aussi que le budget de
la Chaîne 5 française (3,2% d’audience) ou la chaîne espagnole
régionale « TV Andalusia ».Le pôle public français consacre 7
milliards Dhs à la fiction, contre 120 millions Dhs chez le pôle
public marocain…
Des indications et indicateurs qui, bien que relativisés et contexttualisés, révèlent une sérieuse faiblesse par rapport aux défis
majeurs que d’aucuns désignent comme objectifs à atteindre
pour notre pôle public, et qui révèlent combien il est important
de garder présent cet éclairage des moyens financiers quand on
diagnostique les défaillances de notre pôle public quant aux atttentes du public, de la société, ou par référence aux principes et
valeurs qui définissent la véritable mission d’un service public
télévisuel dans un projet de société démocratique.
Mais garder présent cet éclairage ne signifie pas en faire une
circonstance atténuante pour la défaillance ou l’échec. L’appproche doit être inverse (rétro-conception ou rétro-ingénierie
– « Reengineering »-) : revenir à la mission pour aborder, en
fonction de cette mission, les moyens qu’il faut pour l’accompplir. Une approche qui s’inscrit, bien entendu, dans l’esprit de la
démarche privilégiée et recommandée par le Dialogue national :
une démarche d’ambition et d’anticipation sur le futur, pliant la
question des moyens à la finalité stratégique pour le pays et son
projet de société.
Se pencher donc sur le service public tel qu’il doit se déployer
dans le contexte du Maroc, si exposé à nombre de défis extér-
diagnostic global et analyse sectorielle
195
rieurs (le « ciel satellitaire ouvert ») et intérieurs (la constructtion de la démocratie, en un mot), c’est donc l’approche qui peut
véritablement circonscrire les forces et les faiblesses de notre
télévision publique.Quelles sont donc ces forces et ces faiblessses ?
Sans doute, l’indicateur de la consommation, ou d’impact, est le
premier à prendre en compte dans un diagnostic. Selon le PDG
du pôle public, les émissions nationales atteignent en moyenne
autour de 40% à 45 % de l’audience. Un chiffre qui est d’ailleurs
assez répandu à travers le monde, c’est-à-dire que dans nombre
de pays plus ou moins confrontés à la concurrence satellitaire
étrangère, le pôle public national arrive à naviguer dans ces
eaux là : entre 30% et 40% d’audience62.
Avec cette remarque que, comme on l’a relevé, plus la langue
fait barrière « naturelle » aux signaux étrangers, plus l’audience
des chaînes nationales a des chances d’être élevée (cas des pays
Scandinaves, comme le Danemark, ou du Japon, par exemple).
En fait, de manière globale, à travers le monde, l’audience du
service public est en constante baisse depuis le milieu des annnées 90.
Bien entendu le taux d’audience nationale dépend du type
d’émissions, de la structure thématique et de la programmattion des contenus diffusés nationalement. Ainsi, apprenait-on
lors du Dialogue national, du premier responsable de notre pôle
public, que les Marocains, dont 70% des foyers s’exposent, via
leurs paraboles, au Nile SAT et 30% au Hotbird, suivent à plus
de 30% le JT d’Al Oula de 20H30 et le JT 12H45 de 2M Intternational (le pôle public, toutes chaînes réunies, diffuse 17 JT
62 - Dans le précieux rapport annuel de l’Observatoire Européen de l’Audiovisuel, les chiffres
indiquent pour l’année 2007 par exemple (année du début de la crise économique mondiale et de
la régression de la publicité dans les médias), des moyennes d’audience des chaînes publiques,
variant généralement entre 30% et 40% dans 36 pays européens (Est & Ouest, Turquie
comprise). Cette audience était de 36,9% en France, de 41,8 en Italie, de 47,6 en Allemagne,
de 49,3% en Croatie et de 50,1% en Grande Bretagne…Avec des extrêmes : 72,4% au Danemark
d’un côté et 14,3% en Lituanie. Confère rapport 2008 (Volume 2, page 147), sur : www.obs.coe.
int/oea_publ/yb/yb_premium
196
dialogue national - media et societe
par jour). Selon les chiffres de médiamétrie Maroc, cités par le
même responsable, l’audience globale des chaînes nationales
« s’est améliorée de 15% en deux ans, passant de 42,5% en Avril
2008 à 49% en Avril 2010 ». Ces chiffres ne doivent pas être
interprétés outre mesure, mais ils indiquent clairement que les
Marocains fréquentent valablement, dans des proportions compparables à d’autres nationaux dans d’autres pays, malgré l’excceptionnelle et massive présence des stations satellitaires, nottamment arabophones, dans la cosmogonie télévisuelle de nos
téléspectateurs.
D’un autre côté, les chiffres avancés par le pôle public au plan
du financement de ses programmes ne sont pas de moindre inttérêt : 100 millions Dhs investis en 2009 pour 300 heures de ficttions marocaines (contre 10 millions Dhs en l’an 2000) ; soutien
à la production de dix longs métrages par an, production de 300
épisodes de feuilleton, de 30 téléfilms, de dix pièces de théâtre…
Autant de performances, au regard de ce que ce pôle proposait
au public il y a dix ans, et au regard de ce dont ce service public
reçoit comme subventions de l’État et ce qu’il arrive à engranger
comme recettes sur un marché publicitaire limité, instable et
dernièrement en forte, voire inquiétante, régression.
En fait, quand on n’approche pas ces chiffres ou performances
sous l’éclairage des objectifs ultimes et stratégiques d’un service
public efficient et conséquent pour le pays et dans la société, on
ne peut qu’admettre qu’un long chemin a été parcouru par ce
pôle, surtout quand on examine de manière critique ses sources
de financement disponibles. Car, la complémentarité nécessaire
entre les deux sources de financement d’un service public parttout dans le monde, que sont la publicité et la subvention de
l’État, est dans notre cas bien déséquilibrée et fortement expossée aux aléas conjoncturels.
Le cas emblématique à cet égard est celui de 2M (Soread) qui,
en tant que chaîne publique généraliste, est pratiquement totllement financée par la publicité : 100% en 2008 et son contrat
programme signé avec l’État en 2010, pour une période de 4
diagnostic global et analyse sectorielle
197
ans, prévoit un financement public de 7%, tablant sur la publiccité pour financer les 93 % restants. Alors que pour la 1ère chaîne,
« Al Oula » (SNRT), son contrat programme de trois ans avec le
gouvernement prévoit un financement par la publicité à hauteur
de 15 à 16 % et autour de 85 % comme subvention publique. Le
déséquilibre est manifeste, dans le premier cas comme dans le
second.
Nulle part dans le monde un opérateur de service public ne lie
le sort d’une chaîne publique totalement au marché publicitaire
comme dans le cas de 2M…63 Or, si on prend l’année 2009, annnée de forte crise économique internationale, on a assisté parttout dans le monde à l’effondrement du marché publicitaire de
l’ordre de 10%, avec des baisses de 12 % en France, de 16 % aux
USA, de 19% en Espagne et de 12% au Maroc (pour le secteur
de la télévision). On imagine que dans une telle situation, le pôle
public était obligé de sacrifier substantiellement, voire sérieussement, certains pans de sa mission de service public…« Vous
êtes même obligé d’aller vers un type de programmation qui va
attirer les annonceurs, et donc de renoncer à des émissions de
type service public qui sont importantes à cet égard mais qui
font peu d’audience : émissions éducatives, émissions sur la
santé, sur la femme, sur l’environnement etc. », reconnaissait,
lors de son audition par le Dialogue national, le PDG de notre
pôle public.
Quant à la situation de la 1ère chaîne du pôle, il est hautement
risqué de la maintenir dans une dépendance quasi absolue par
rapport aux subsides de l’État. L’État qui, partout dans le mondde, n’est plus à l’abri de nos jours, avec la forte probabilité d’une
cyclique crise financière et économique, de révision à la baisse
de ses aides, à la réorganisation de ses priorités. Réorganisation
faite souvent au détriment, entre autres, du secteur des medias
63 - Il faut croire que cette chaîne a la destinée de se donner toujours en exemple unique
dans le monde : son balancement de chaîne majoritairement privée au départ, à une chaîne
majoritairement publique aujourd’hui n’a pas de précédent connu dans le monde…Le
balancement inverse est plus courant, plus logique aussi par rapport au régime libéral en
matière de médias.
198
dialogue national - media et societe
comme en attestent nombre d’exemples à travers le monde démmocratique.64
Il semble que l’État ne se soucie pas assez de la cohérence néccessaire à ses prévisions de financement de ses deux pans du
pôle public (la SNRT et la SOREAD), cohérence qui, au moins,
pourrait se traduire par une gestion équilibrée et coordonnée de
la manne publicitaire, entre « Al Oula » et « 2M » surtout, par
le moyen d’une seule régie et la mutualisation des moyens et
stratégies commerciales qui en découlerait.65
Cette lecture de diagnostic de la prestation des chaînes publiqques, en relation avec la source incertaine de la publicité, rejoint
par ailleurs l’argument officiel avancé par la HACA pour expliqquer son refus d’accorder, en 2009, des licences à des opératteurs TV privés. Car, selon le PDG du pôle public, comme confirmmé par le Président de la HACA devant l’Instance du Dialogue
national, le marché publicitaire aujourd’hui n’est pas suffisant
pour envisager une telle aventure à des opérateurs privés. Une
chaîne généraliste, privée, aurait besoin d’un financement de
120 à 150 millions de dirhams au minimum par an, précisait le
PDG du pôle public. Si donc la HACA, poursuivait-il, avait acccordé des licences à deux chaînes généralistes privées, comme
on s’y attendait, au vu des demandes déposées en 2009, il aurait
fallu lever sur le marché publicitaire entre 250 millions et 300
millions de dirhams de plus, dans un marché publicitaire qui
64 - Régulièrement depuis près d’une dizaine d’années la puissante organisation citoyenne
des auditeurs et téléspectateurs canadiens (« Friends of Canadian Broadcasting » regroupant,
depuis sa création en 1987, plus de 100 000 membres) dénonce au parlement et par des
pétitions populaires les coupes régulières dans le budget de ce pôle public fédéral (anglophone
et francophone) auxquelles les gouvernements successifs, libéraux et conservateurs, se sont
livrés au détriment de nombre de programmes qui relèvent de la diversité, de la culture, de
l’éducation, des droits des minorités…dans un pays fédéral et multicommunautaire. Autant
de valeurs et de principes de service public que ce pôle canadien, bien réputé mondialement, a
servi jusqu’à présent de manière exemplaire par comparaison aux pôles publics audiovisuels de
nombre de démocraties avancées.
65 - Rappelons, au passage, que « Créée à l’initiative du Groupe ONA en 1991, REGIE 3 s’est
vu confier à l’origine la gestion des espaces publicitaires de 2M, Médi 1 et Téléplus auxquels
sont venus s’ajouter par la suite, successivement, les trois publications du Centre Marocain de
Conjoncture, Maisons du Maroc, Femmes du Maroc, Sur la 2, Nissaa Mina Al Maghrib
, Radio 2M, Médi1 Sat, le Courrier de l’Atlas et le portail Menara ». Consulter : (http://www.
regie3.ma).
diagnostic global et analyse sectorielle
199
était alors en régression. Avec ces deux chaînes privées, obligées
forcément de s’inscrire dans une dynamique commerciale très
agressive comme chaînes généralistes qui partent de zéro, qui
doivent construire leur audience, on allait se retrouver dans une
situation où ces nouvelles venues allaient être très vite affaiblies
par manque de recettes publicitaires, et les chaînes publiques
allaient être également affaiblies par cette nouvelle concurrence
sur un marché en forte baisse.
De façon globale, comme nous l’a précisé le 1er responsable de
notre pôle public, 2M draine en moyenne 75 % du marché pubblicitaire disponible, la SNRT drainant les 25 % restants, mais
le marché publicitaire reste menacé comme partout dans le
monde. La publicité est de moins en moins une source stabillisatrice pour les équilibres financiers des services publics : si
elle finance, en moyenne, aux environs de 20% le budget de la
SNRT chez nous, et à plus de 80% celui de 2M, elle finance le
service public à hauteur de : 7% en Allemagne, 16% en Australie,
20% en Grande Bretagne, 22% au Canada, 29% en France. Cinq
pays qui sont réputés pour la qualité de leurs services publics
bien loin devant l’Égypte par exemple où la publicité intervient
pour 41%, ou l’Italie (49%) où la publicité est une source suspecttée de conflits d’intérêts par référence au rapport bien spéciaux
et étroits qui existent entre la RAI et le 1er ministre Berlusconi,
homme d’affaires toujours actif et bien connu en tant que tel
avant d’entrer en politique et même une fois y présidant aux
destinées du pays.
Cette question du financement du service public pose finalement
deux problématiques à résoudre à l’aune des exigences réelles
d’un service public efficient et performant, de tout point de vue,
auprès de l’audience nationale et, pourquoi pas, en dehors des
frontières nationales (diasporas marocaines en priorité) : la probblématique de l’aide publique, appelée manifestement à s’élever
davantage au niveau des défis à relever et la complexe problémattique du marché publicitaire qui est, chez nous, en déficit grave
d’organisation, de régulation et d’accompagnement/incitation
200
dialogue national - media et societe
de la part des pouvoirs publics pour qu’il tienne compte des enjjeux du pays dans le champ médiatique en général et dans le
secteur audiovisuel en particulier (Télévision et Radio, comme
on l’a déjà soulevé pour ce dernier media, précédemment). Sans
parler du rôle de la publicité plus que préjudiciable pour l’insttant dans le cas de la presse écrite, où juste le fait que les dix plus
grands annonceurs sont en même temps des opérateurs médias,
à un degré ou à un autre d’investissement, donne une idée sur
les anomalies et conflits d’intérêts qu’on peut rencontrer dans
ce secteur, à cause du marché publicitaire.
En un mot, le financement du service public doit être revu de
fond en comble, à la hausse certainement, mais devra être vollontairement aménagé, mis à niveau et accompagné selon les
nécessités des meilleurs standards qui soient du service public
et avec beaucoup d’audace face aux sérieux enjeux qu’il pose au
pays, de par la concurrence étrangère inégale comme de par la
relative, mais assez inquiétante, défiance des nationaux.
Les nationaux, élites en tête (politiques, presse, société civile…),
sont globalement dans une position critique, certains, comme
la presse écrite, le sont de manière systématique, à l’endroit de
ce pôle public. La quasi-unanimité dans cette posture critique
vise les contenus, en fonction de deux normes centrales pour un
service public : la proximité et la qualité.
Pour les responsables de ce pôle, les acquis récents vont dans le
sens de ces deux directions, dans les limites des faibles moyens
disponibles. À l’actif de la proximité, ces responsables comptent
la diversité des chaînes du pôle : religion, éducation et culture,
Amazighité (chaîne généraliste offrant la proximité aux amazigghophones), sport, films, la régionale de Laayoune et la chaîne
Al Maghribia destinée originellement aux diasporas marocaines
mais qui rencontre une audience appréciable à l’intérieur des
frontières, selon les responsables du pôle public. Apparemment,
sa formule de jumelage des meilleurs programmes des deux
chaînes publiques séduit autant les originaires du pays établis à
diagnostic global et analyse sectorielle
201
l’étranger que les nationaux vivant au pays qui y accèdent dans
de bonnes conditions de réception, par satellite ou via la TNT.
On estime également que la proximité a gagné avec l’augmenttation de la fiction nationale, avec l’augmentation de nombres
d’émissions sociales et culturelles sur les deux chaînes du pôle
public. Mais si cette diversité de chaînes thématiques et les senssibles augmentations du volume de certaines émissions ou proggrammes nationaux peut convaincre du cap pris par notre pôle
de plus en plus en direction de la proximité, il reste que les avis
critiques insistent souvent sur la faible part réservée à la vie loccale des régions et des localités, information et culture notammment, le peu d’émissions- avec qualité- sur le monde rural et en
direction de ses populations, ainsi que la pauvreté et la faiblesse
de certaines émissions importantes, relevant fondamentalement
du service public, comme les émissions politiques, de débat soccial, d’émissions d’apprentissage et de connaissances ou encore
le faible apport de la télévision publique à un adéquat traitemment de la dimension des langues et sa diversité. Sans oublier
la critique largement insistante lors de ce débat sur l’image néggative de la femme véhiculée généralement par les contenus de
la télévision publique, tout particulièrement dans la publicité
qu’elle accepte de diffuser.
Mais tout compte fait, les incriminations dont fait l’objet le pôle
public télévisuel et dont certaines sont jugées justifiées même
par les responsables de ce pôle, se concentrent sur la question
de la qualité, comme cela a été largement le cas parmi les membbres de l’Instance du Dialogue lors de l’audition consacrée au
staff directeur de ce pôle et lors du débat ouvert organisé par
la suite par cette Instance avec nombre de professionnels de
l’audiovisuel public.
Cette problématique de la qualité a été aussi soulevée lors de
l’audition de la présidence de la HACA quoique cette instance
de régulation n’a pas un mandat explicite pour « réguler la quallité » (!) des contenus, en dehors du respect de cahiers de charg-
202
dialogue national - media et societe
ges qui, partout dans le monde, se limitent à énoncer des princippes tenant au pluralisme, à la tolérance, au respect des droits de
l’Homme, de la femme, de l’enfant, des minorités etc.
En fait, la question de la qualité dépend, certes, des choix rellevant de la politique suivie par la direction d’une chaîne, des
moyens financiers dont la chaîne dispose, surtout stables et
croissants, mais elle dépend aussi de deux leviers indispensabbles qui sont bien déficitaires dans le cas du Maroc.
Le premier levier est l’environnement culturel et de création
artistique dans tous ses types d’expression. Lors de la large tabble-ronde organisée par le Dialogue national avec nombre de
créateurs et de professionnels de l’audiovisuel, nombre d’intervvenants ont admis que le Maroc vit ces dernières années une pérriode de grand appauvrissement de ses potentialités de création
culturelle et artistique, ce qui ne profite guère à la rencontre de
la qualité dans les programmes télévisuels nationaux, producttion nationale que le pôle public recherche, semble-t-il, coûte
que coûte, pour servir, au moins en volume horaire, les objectifs
de la proximité, de l’éducation et, comme diraient les dirigeants
du service public français, la « préférence nationale ».
Cette situation pose la question de l’environnement culturel
nourricier disponible sur la scène nationale et potentiellement
exploitable par la télévision publique. Ce qui, en clair, comme
cela a été souligné lors de cette table ronde, interpelle les pollitiques publiques, comme la politique propre au pôle public,
en matière de culture, d’aide à la création, d’encouragement et
d’accompagnement des créateurs, jeunes en priorité, politiques
d’infrastructures dans toutes les régions du pays et pour toutes
les sortes de l’expression artistique, politiques de formation de
ressources humaines dans les différentes expressions culturellles et artistiques etc.
Sur ces différents registres, les déficits du Maroc sont connus
pour ce qui concerne les divers chantiers de l’expression culturrelle : théâtre, cinéma, danse, musique, arts plastiques…Un tel
environnement n’aide pas à priori la télévision publique à puis-
diagnostic global et analyse sectorielle
203
ser au mieux de la qualité et de la diversité des expressions et de
leurs contenus66.
Certes, la télévision publique se doit d’aider à la création, y comppris en dehors de ses murs par l’aide à la production (de films
pour le cinéma par exemple) ou par le sponsoring de diverses
formes d’expression (concerts, salons culturels, expositions,
publications littéraires etc.). Mais se substituer totalement à
ces expressions dans leurs formes et contenus originaux, c’est
nuire à leur propre destin ou économie : une pièce de théâtre,
par exemple, doit d’abord avoir comme destinée un verdict du
public sur les planches, soit dans une relation à la fois promottionnelle pour cette forme d’art et créatrice de public de théâtre,
avant de développer une audience de théâtre –filmé- parmi les
téléspectateurs.
D’un autre côté, il nous faut relever le fait que le pôle public nattional a pris sur lui, par sa nouvelle politique et par ses nouvelles
commandes pour son bouquet de chaînes, de développer autour
de lui un environnement de production privée de produits télévvisuels : de cinq maisons de production en l’an 2000, le secteur
compte maintenant 45 maisons de production privées. Mais,
au regard de nombre de produits livrés au pôle public par ces
producteurs privés, les raisons ne manquent pas pour appeler
(comme le firent nombre de nos interlocuteurs lors des audittions et débats du Dialogue national) à une réelle évaluation de
ce recours, tant au niveau des procédures des commandes et de
66 - En France comme en Angleterre, la radio, le cinéma, la télévision, ont toujours, depuis les
premières années du siècle dernier (avec l’apparition des deux premiers médias audiovisuels,
le cinéma et la radio) puisé dans des environnements culturels autonomes, produisant de l’art
et de la culture indépendamment des médias : théâtres, cafés-théâtres, cabarets, concerts,
mouvements et salons littéraires, académies des arts, conservatoires d’arts, troupes et
compagnies privées… Vivier qui continue cette fonction de nos jours dans ces pays où un artiste
d’arts de scène (comédien, metteur en scène, chorégraphe…) ne limite pas son expression et sa
prestation publique à sa seule production à la télévision comme il en est chez nous où il arrive
qu’un réputé artiste ne soit connu que des téléspectateurs…Dans ce cas, la télévision ne joue plus
son rôle de relais à la création et aux originelles formes de l’expression culturelle, elle se substitue
totalement et dangereusement aux environnements naturels de certains arts, comme les arts de
scène, avec tout ce que cela comporte comme faiblesse de création, transformation réductrice
de la forme originelle de la création pour s’adapter à l’audiovisuel, réduction d’audience (limitée
aux téléspectateurs), carences dans la qualité et décalage avec le jugement, le goût et les attentes
du public, du large public, plus large que le public de la télévision.
204
dialogue national - media et societe
la diffusion qu’au niveau des conditions requises pour garantir
la qualité et le professionnalisme dignes d’un service public.
Mais la télévision publique ne peut se substituer aux autres levviers pour le développement de la culture dans tout l’environnemment culturel du pays. La télévision a un rôle à jouer, de plus en
plus fort de nos jours, dans la mise en œuvre du droit du public à
accéder à la culture (droit humain, pour lequel le Maroc est enggagé vis-à-vis de la communauté internationale, sa Constitution
en témoigne dans l’enchâssement qu’elle comporte des Droits
de l’Homme). Mise en œuvre de ce droit humain surtout dans
les pays à gros taux d’analphabétisme et aux faibles traditions
de consommation de l’écrit, ce qui fait de l’audiovisuel le moyen
le plus efficient pour faire exercer ce droit à la majorité afin de
la familiariser avec la culture, de l’informer sur la culture, de lui
donner accès à la connaissance, aux différentes expressions arttistiques et afin de l’aider ainsi à améliorer son goût esthétique
et à consommer plus de produits culturels.
La question de la qualité des produits télévisuels, comme les raddiophoniques d’ailleurs, de service public, est donc fortement
dépendante de l’aire culturelle au pays, c’est-à-dire des ressourcces du pays en créations et en créateurs et aussi des politiques
publiques – et privées comme le levier du mécénat culturel – en
matière de développement culturel et de mise en œuvre réelle
du « Droit à la culture » au profit de tous les citoyens et citoyennnes.
Mais la qualité est question aussi, pour la télévision publique, de
ressources humaines et de compétences. A cet égard, le nombre
comme les qualifications – modernes – des personnels de notre
pôle public sont interpellés comme de gros déficits empêchant
que la qualité soit au rendez-vous. Les 2 300 fonctionnaires de
ce pôle (contre 32 000 au service du pôle public égyptien, par
exemple) ont manifestement un grand besoin d’être plus nombbreux, de compter parmi eux plus de profils pointus, de bénéf-
diagnostic global et analyse sectorielle
205
ficier d’une stratégie publique en matière de formation permannente67.
En fait, le Maroc a besoin, depuis longtemps, d’une politique
publique permanente et consistante en matière de formation
initiale et de formation permanente sur les métiers de l’audiovvisuel68. Des métiers qui changent continuellement à cause des
incessantes nouveautés technologiques liées à l’ère numérique
et qui, à ce jour au Maroc, ne disposent toujours pas d’une nommenclature nationale complète, faisant obligation à tous les actteurs du champ audiovisuel de la respecter et qui soit flexible
et évolutive en fonction des nouveautés technologiques à venir.
Une telle nomenclature est, comme on le sait, fort importante
pour la bonne gouvernance du secteur, notamment en matière
de salaires, de spécialisation et d’augmentation/diversification
des profils et des effectifs, sans parler du droit légitime du proffessionnel à évoluer professionnellement, à se planifier un plan
de carrière.69
Si les personnels du pôle public en général, et ceux de la vieille
maison, « Al Oula », étonnent parfois par des capacités d’adapttation et d’ingéniosité, voire de « débrouillardise », hors de tout
programme permanent de formation et de recyclage, il est inccontournable pour l’État de déployer une stratégie nationale
systématique de formation et de perfectionnement des compéttences en le domaine.70
Certes, notre service public a démontré, ces dernières années
une forte sensibilité à cette question de la formation en y inv67 - Nous ne pouvons éviter ici de recommander d’être prudent avec l’euphorie et les satisfécits
que peuvent provoquer chez les professionnels l’obtention de prix dans des festivals nationaux
ou étrangers, car la meilleure performance est celle qui témoigne de l’adhésion, de la satisfaction
et de la fidélité de son propre public, les Marocains en l’occurrence.
68 - On sait que le chantier de la construction d’un institut de l’audiovisuel (projet datant
des années 70, sans cesse reporté) a été enfin lancé cette année 2010 par le Ministère de la
Communication.
69 - D’après son premier responsable, le pôle public national a multiplié les salaires de ses
personnels, depuis 2006, par deux fois et demi, et il a été fort laborieux jusqu’à présent de
travailler sur une nomenclature des métiers en conséquence.
70 - « Nos ingénieurs ont pu nous faire une économie de 40% en construisant des cars de régie
et des stations satellitaires mobiles à partir de nos propres moyens » nous disait le PDG du pôle
lors de son audition par le Dialogue national.
206
dialogue national - media et societe
vestissant 6 millions d’Euros entre 2002 et 2009, au profit de
tous les profils et comprenant également des formations sur les
langues. Mais cela reste en deçà des besoins et en tout cas bien
moins rentable en termes de développement et de diversificattion de compétences qu’il ne le serait en cas d’encadrement par
une stratégie publique de long terme, plutôt permanente et mise
en œuvre localement pour renoncer au recours/secours des parttenaires hors des frontières (cas de l’INA français, quasi omnniprésent dans les demandes et efforts de formation de notre
service public depuis des décennies).
D’un autre côté, cet impératif de la formation relève et particcipe de la gouvernance du service public. Une gouvernance qui,
à son tour, attire nombre de critiques qui estiment globalement
que les modèles de gouvernance appliqués dans les différentes
chaînes de ce pôle, sont à revoir dans le sens d’une plus large
et plus conséquente participation des personnels aux prises
de décision, une plus libre et plus tolérable activité syndicale
et surtout une plus précise et plus indépendante politique rellative aux lignes éditoriales appliquées aux différentes chaînes
de radio et de télévision. Nombre de membres de l’Instance du
Dialogue national, de syndicalistes, de professionnels du sectteur audiovisuel ou de celui de la presse, d’activistes de la socciété civile, ont incriminé des politiques et des lignes éditoriales
qui sont encore marquées par l’ère passée du monopole étatique
sur l’audiovisuel et la perméabilité encore vivace qu’il permet
aux interventions, influences et pressions venant de l’extérieur,
du gouvernement et des pouvoirs publics en particulier…Il faut
dire que, partout dans le monde démocratique, ce type de proppension d’influences – ou de pressions - visant l’indépendance
du pôle public et sa ligne éditoriale de service public au service
de tous, est constamment décrié tant il est toujours probable,
voire résistant, à un degré ou à un autre, dans une conjoncture
plutôt que dans une autre, surtout dans le cas de jeunes services
publics à peine sortis du monopole de l’État.
diagnostic global et analyse sectorielle
207
Néanmoins, il est de tradition dans les démocraties médiatiqques que le service public trouve dans l’autorité de régulation
le soutien nécessaire pour dissuader, autant que faire se peut,
ce type d’interventions extérieures pour préserver son indépenddance que, normalement, défendent et contiennent ses cahiers
de charges conclus avec la dite autorité de régulation. Pour le
Maroc, c’est une question de maturité à atteindre au fur et à
mesure que la pratique du service public s’enrichit et se consollide sous ce récent règne de la libération de l’audiovisuel de la
mainmise de l’État.
Sans oublier que l’indépendance du service public dépend aussi
de la vigilance de ses professionnels qui, pour jouer un tel rôle,
doivent nécessairement être en mesure d’être entendus, c’est-àdire, convaincre de par leur professionnalisme et leur éthique
déontologique, de par leur respect total de la ligne éditoriale sur
la base de laquelle ils se sont engagés et de par leur unité comme
corporation responsable et réellement jalouse de servir le servvice public au mieux de ses standards et au mieux des attenttes légitimes et démocratiques du public. Avec cette remarque
que dans les démocraties avancées, notamment scandinaves et
certaines des pays du Commonwealth, la défense de l’indépenddance du service public bénéficie également du soutien agissant
du public quand des associations d’auditeurs et/ou de téléspecttateurs sont représentées dans un rouage décisionnel, ou même
consultatif, au sein de la structure du service public, ou ont la
latitude de faire entendre leur point de vue dans une enceinte
décisionnelle, comme le Parlement (cas des « Amis de Radio
Canada », par exemple, ou de la «Voie de l’auditeur et du télléspectateur – VLV - » britannique, réputée championne en la
matière à travers le monde, depuis sa création en 1983)71.
71 - La « Voice of The Listener & Viewer » (VLV) a comme objectifs : «Préserver l'indépendance
de la gouvernance de la BBC et la qualité des programmes de la BBC ; Préserver la qualité,
la diversité et l’intégrité éditoriale des programmes et émissions ;Promouvoir un plus large
choix de programmes de qualité ; Lutter contre toute influence indue de quelconque intérêt
commercial, politique, sectaire ou d'autres intérêts ;Faire prendre conscience du rôle crucial
que joue la radiodiffusion& télévision dans la démocratie, dans notre vie nationale, pour notre
communauté et pour notre culture ;œuvrer pour s’assurer que les opportunités de l'innovation
et les nouvelles technologies numériques soient développées au bénéfice de tous ; Promouvoir
208
dialogue national - media et societe
Certes, il est encore difficile d’imaginer l’implication, à brève
échéance, du public marocain, à un titre ou à un autre, dans la
gouvernance de leur si jeune service public audiovisuel libéré du
monopole de l’État, mais il est temps de soumettre cette perspecttive à la réflexion et à la consultation, d’autant plus qu’il y a en
ce moment un début d’organisation associative des publics de la
radio et de la télévision. Comme il est clair qu’il serait hasardeux
d’envisager une telle participation du public avant que le service
public ne soit définitivement consolidé dans sa vocation pleine
et entière, avec les moyens qu’il faut, matériels et humains, avec
les stratégies et les politiques de gouvernance et de contenus
requises pour un service public de qualité et de rayonnement et
d’impact réels et durables sur son public.
Tout compte fait et quelques que soient les obstacles, les difficcultés de parcours, les déficits structurels ou non, les stratégies
et les politiques de gouvernance, de production et de formation,
qu’un diagnostic complet de ce secteur peut énumérer, il reste
que la clé d’une réelle mise-à-niveau de la mission, des moyens
et des contenus de notre service public audiovisuel est dans la
rencontre avec les Marocains et les Marocaines au mieux de leur
satisfaction sur tous les plans, au mieux du meilleur taux possibble de leur adhésion sinon de leur fidélité. Le cap déterminant
doit donc être d’estampiller le plus largement possible et le plus
profondément possible ce service public du sceau de l’identité
et du génie marocains, sachant que, comme il en est pour le servvice public le plus performant auprès de son public national,
une telle intégrité/empreinte locale permet de séduire aussi, à
la longue, des publics étrangers attirés par la cohérence d’une
identité forte et riche, livrée avec qualité et adossée à une réelle
crédibilité et impact dans son propre territoire.
Comme il en est pour les arts, une télévision nationale peut s’expporter sur l’universel et y accéder quand elle est réussie et perfformante chez elle parmi ses publics premiers…D’où l’ambition
le potentiel de la radiodiffusion et des médias numériques pour contribuer à l'éducation dans les
institutions formelles et informelles et ce durant toute la durée de vie des bénéficiaires».
diagnostic global et analyse sectorielle
209
que notre pôle marocain doit avoir sans complexe de rayonner
sur la région, maghrébine, arabe et africaine, et au-delà, en se
donnant bien sûr les moyens pour ce faire comme notamment
la montée sur satellite. Option technologique et stratégique qui
doit maintenant être sérieusement envisagée et examinée dans
le détail de sa réalisation technique, comme dans le détail de
son financement, en regardant deux options : option pour lanccer son propre satellite (une dépense estimée autour de 200 milllions US) ou option pour la location de satellites étrangers (fort
coûteuse et sans garantie totale d’indépendance ni de constante
présence rayonnante auprès des publics étrangers visés)72.
L’option satellitaire plus ou moins autonome, donc, ajoutée à
l’option obligée de la TNT, les deux devraient être conçues toutes
les deux dès à présent par le Maroc comme les deux leviers strattégiques capables de l’aider à relever le non moins gros défi que
représente pour le média télévision : l’Internet. Un défi auquel
sont confrontées toutes les télévisions du monde avec plus ou
moins d’expectative, voire d’inquiétude, pour la survie de la téllévision telle que nous la connaissons jusqu’à aujourd’hui.73 Téllévision qui, dans le cas de notre service public doit affronter
plusieurs défis à la fois, les défis de l’Internet et du numérique,
du satellitaire et de la TNT et, last but not the least, le défi de
72 - La présence du pôle public marocain sur la scène mondiale de la télévision satellitaire peut
aussi être conséquente pour le pays par la participation à des réseaux internationaux…Notons
à cet égard, par exemple, qu’en février 2011, l’assemblée générale des actionnaires du réseau
« Euronews » (lancé en 1993) devait entériner par vote le passage de la participation de la SNRT
marocaine à son capital de 0,33% à 6%, ce qui met désormais le Maroc au rang des principaux
actionnaires, derrière les fondateurs du réseau : France Télévisions (25,37%), Rai (22,84%),
RTR (16,94%), TRT Türkiye Radyo Televizyon Kurumu (15.70%) et SRG SSR idée suisse
(9,20%). Euronews, basée à Lyon, diffusant simultanément en 10 langues, était proposée, en
2009, à 300 millions de foyers, répartis dans 151 pays. Avec 6,5 millions de téléspectateurs
chaque jour, il s’agit de la première chaîne internationale d’information en Europe, devant CNN
International, BBC World News, CNBC Europe3, et France 24. Il semble que notre pôle public
n’exlpoite de façon optimale sa présence dans ce réseau pour y rendre fréquente son empreinte
par des contenus marocains de qualité (reportages d’informations, magazines, interviews, quota
de journalistes marocains…).
73 - Nombre de décideurs et de spécialistes américains présagent que d’ici peu la majorité
des citoyens américains n’auront de recours pour l’audiovisuel que via l’Internet… Une récente
étude a révélé que le citoyen américain en moyenne a passé, l’année dernière, plus de temps sur
Internet que sur la télévision dans une journée. Une première dans l’histoire de la télévision
dans ce pays qui, depuis son apparition, n’a jamais été sérieusement devancée par un autre
média.
210
dialogue national - media et societe
l’institutionnalisation, c’est-à-dire le réaménagement instituttionnel et de gouvernance qui passe par le préalable à toutes les
mises à niveau exigées par ces défis : la redéfinition du concept
de « service public » et le contrat global qu’il suppose établi avec
la société dans son ensemble et qui implique un plus fort engaggement de l’État au profit de ce stratégique service public, plus
sensible avec ses enjeux aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été pour
le devenir d’une société. Car, en plus des enjeux de fond, en rappport avec sa mission de service public, de media citoyen par exccellence au service de tous les citoyens et de leurs aspirations
collectives, le pôle public audiovisuel, comme ses semblables
partout dans le monde, est secoué dans son concept, dans ses
moyens et approches, dans ses compétences et contenus, par
la révolution en marche du numérique, du cyberespace, de la
blogosphère, du « Net-citoyen »… Sans oublier le choc déjà reçu
ces dernières années du fait de la volumineuse offre satellitaire
transfrontalière.
Le Maroc doit admettre d’abord que le choix d’un « service pubblic », après la levée du monopole de l’État, exige le respect total
et volontariste des règles de l’indépendance éditoriale, du plurralisme des voix, de la diversité des contenus, de la qualité et de
la proximité de ces derniers, des normes et standards internattionaux de bonne gouvernance et de démocratie en interne. Sur
cette dernière exigence, le pôle public se doit d’être exemplaire,
comme standard à l’échelle nationale. Le Maroc du 21ème siècle
doit considérablement mieux outiller son service audiovisuel
public, l’accompagner plus largement dans les profondes mutattions que lui imposent les TIC, dans le but de l’assister dans ses
légitimes ambitions d’un rayonnement qui soit fort et de qualité
tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle des régions environnanttes.
En un mot, l’audiovisuel public marocain doit lui aussi être
abordé comme « pôle public dans le monde » comme doit l’être
l’ensemble de notre champ médiatique, afin que ce service pub-
diagnostic global et analyse sectorielle
211
blic puisse investir, par son rayonnement et sa production, le
large creuset de l’identité marocaine telle qu’elle se forge, et
s’est toujours forgée, parmi les autres peuples du monde. Creusset marocain, arabe, africain et méditerranéen, riche par une
diversité de sensibilités, de cultures et d’horizons et qui est la
meilleure chance pour que ce pays marque de son empreinte la
dimension de l’universel, cette dimension qui, désormais, passe
obligatoirement par les médias en général et par le cyberespace
en particulier…La preuve : tous les audiovisuels du monde qui
veulent compter dans le monde d’aujourd’hui et qui veulent que
leurs peuples comptent autant, se donnent une extension dans
cette dimension cybernétique et médiatique de l’universel, en se
plaçant sur les réseaux sociaux mondiaux : Face book, Twitter,
You tube…
212
dialogue national - media et societe
SECTEUR DES TIC ET DE L’INTERNET
Depuis le milieu des années 50 du siècle dernier, le vocable
« Mass Media » (« Médias de masses ») s’est imposé pour désiggner tous les « Moyens de diffusion collective » (autre vocable
historique de la sociologie des médias) ou « Moyens d’informmation », vocable le plus usité et omniprésent encore chez les
arabophones, encore peu utilisateurs de vocables moins anciens
comme « Moyens de communication » (« Ittissal » ou « Tawasssoul »). Le lexique a son importance, car il arrive qu’il ne suive
pas les évolutions ni les révolutions. La révolution numérique et
cybernétique du monde des médias pourrait-elle nous obliger
à inverser pour dire : « Des masses aux médias », des « massses qui disposent de médias », des « citoyens-médias », le « cittoyen-média », le « Net-citoyen »…Un mouvement alternatif et
communautaire lançait, il y a quelques années, le slogan : « Aux
médias, citoyens! »…74
Mais, tout compte fait, il est désormais clair que le vocable
« technologies de l’information et de la communication » (TIC,
qui ne sont plus « nouveaux TIC –NTIC- »), est le vocable le
plus adéquat pour embrasser tout le champ communicationnel
contemporain, champ de l’ère bien installée du numérique qui
conquiert et domine aussi bien les « médias traditionnels » que
les « nouveaux médias ». Le monde est donc en passe d’oublier
le mot « médias » pour ne plus utiliser que l’abréviation « TIC »
afin d’appréhender plus correctement et totalement la nouvelle
réalité du champ communicationnel. Réalité à laquelle le Maroc
n’est plus totalement soustrait, au contraire. Le Maroc est bel
et bien engagé dans l’ère du numérique et du cyberespace. Il vit
cette ère au présent, avec, certes, des décalages, des inégalités,
des résistances de l’ère ante-numérique, de l’ère de la communnication unidimensionnelle qui ne permet ni interactivité entre
émetteur et récepteur, ni liberté individuelle pour l’accès commme pour la diffusion d’informations, de messages, de points de
vue…
74 - A l’occasion de la conférence internationale sur « Les défis à la radiotélévision de service
public en Afrique », organisée à Rabat en Mai 2000, un magazine consacré à la conférence par la
télévision canadienne reprenait ce slogan comme titre. Ce magazine de 52 minutes (en français et
en anglais) a été diffusé par la télévision canadienne (et TV5), mais n’a pas été malheureusement
diffusé par notre service public, comme convenu avec la RTM de l’époque qui avait pourtant pris
part à sa production!
diagnostic global et analyse sectorielle
213
Dans la vie publique, comme dans la vie individuelle des Marrocains et des Marocaines, la communication moderne, c’està-dire les TIC (tous médias confondus), est de plus en plus préssente, voire de plus en plus influente sur la marche du pays et
sur l’évolution et les transformations de la société.
La ruée, sans précédent, des TIC et de l’Internet, sur les places
publiques, sur le devant de la scène politique des États, des réggimes et des sociétés, en ce début de la deuxième décennie du
siècle du cyberespace, doit plus que jamais constituer la référrence majeure pour le Maroc dans ses efforts et stratégies pour
le futur de son champ médiatique ou communicationnel. Une
référence aisément assimilable pour un pays qui a déjà fait de
grands pas dans l’arrimage à ce nouveau monde, à ce nouvel esppace médiatique avec ses différents outils, et qui exploite assez
valablement les potentialités dont il dispose, en premier lieu sa
jeunesse.
Le Maroc est sur le Net depuis 1995. Quinze ans après, fin
2010, plus du 1/3 de sa population use de l’Internet, soit plus
de 13 millions d’internautes. Alors qu’il compte, fin Mars 2011,
plus de 2,2 millions d’abonnés Internet (1 866 963 abonnés fin
2010), soit une hausse de 57,29% par rapport à 2009 (1 186 923
abonnés). Sur ce total d’abonnés plus de 76% le sont à l’Internet
mobile 3G (passant de 707 137 fin 2009 à 1 366 472 abonnés fin
2010 soit une croissance annuelle de 93,24%), et 26,65% pour
l’Internet haut débit (ADSL), près de 500.000 clients en 2010.
Le Maroc présente donc des chiffres assez impressionnants dans
les régions arabe et africaine, pour un pays où la moyenne nattionale de l’analphabétisme tourne autour de 40% et plus, avec
dix à quinze points en plus, dès qu’on s’intéresse à ce taux dans
le monde rural ou parmi les femmes ou, pire, parmi les femmes
rurales.
Cet état de connectivité et d’utilisation de l’Internet est d’autant
plus impressionnant que les Internautes Marocains disposent,
au plan de la bande passante, de l’une des plus performantes
liaisons Internet en Afrique (51 Gigabits).
214
dialogue national - media et societe
On peut donc parler, bien mesurèrent, d’un boom de croissance
du pays dans le monde de l’Internet, avec un taux de croissance
annuel de plus de 100%, surtout sur les cinq dernières années
(105,3% en 2009) et un taux trimestriel de croissance de l’ordre
de 7% à 10%, selon le trimestre.
D’autre part, l’engouement des Marocains et Marocaines pour
les nouvelles technologies, qu’on peut observer dans les villes
comme dans les centres du monde rural – et qui explique en
grande partie ce « boom »-, est particulièrement manifeste dans
le domaine de la téléphonie mobile : selon l’ANRT, au terme de
l’année 2010, le parc des abonnés mobile a enregistré une croisssance annuelle de 26,36% en atteignant 32 millions d’abonnés
contre 25 310 761 abonnés une année auparavant. En Mars
2011, l’ANRT comptait plus de 33,5 millions de clients au mobille. Comme pour l’année 2009, le taux de croissance trimestriel
des abonnés du mobile a enregistré des évolutions moyennes
tout au long de l’année mais avec des ampleurs différentes d’un
trimestre à l’autre. En effet, le troisième trimestre de l’année
2010 a connu la plus grande hausse avec un taux de croissance
trimestrielle de 9,41% suivi du premier trimestre avec 6,86%
de croissance. Un indicateur sur l’usage du mobile: 14 miiliards
SMS envoyés en 2010 contre 6 milliards en 2006.
Cette performance du segment de la téléphonie mobile s’est réppercutée positivement sur le taux de pénétration qui a gagné
plus de 20 points en une année en affichant plus de 101% à fin
décembre 2010 contre 81,18% en 2009 et en Mars 2011 il atteiggnait plus de 104%/.
Le marché de la téléphonie fixe a, lui, enregistré une hausse
annuelle de 6,63% à fin 2010, dans un parc global d’abonnés
de 3 749 364 au 31 décembre 2010 (contre 3 516 281 abonnés
en décembre 2009). Le taux de pénétration du fixe était, selon
l’ANRT, de l’ordre de 11,90% à la fin de l’année 2010 contre
11,28% en 2009. En ce qui concerne les parts des différents segmments du marché, on remarque que les clients résidentiels occ-
diagnostic global et analyse sectorielle
215
cupent toujours la première place avec 85,37% suivi des professsionnels avec 10,75% et les publiphones avec 3,88%. Ces parts
étaient respectivement de 84,49%, 11,01% et 4,51% à fin 2009.
En termes de part de marché, l’opérateur Wana Corporate déttient 66,72% du marché suivi d’IAM avec 32,83% et Medi Teleccom avec 0,45%.
Il est à relever que le secteur du fixe est néanmoins bien promettteur d’une forte croissance à l’avenir en liaison avec l’Internet
haut débit (ADSL) qui ne compte actuellement, à ses débuts en
fait, qu’un demi million d’abonnés.
Indicateurs des TIC au Maroc
Source : www.anrt.ma
Marché de l’internet
Au 31 mars 2011, le parc10 total Internet a atteint 2 172 903 abonnés contre 1 866
963 à fin décembre 2010, enregistrant un taux de croissance de 16,39% au cours du
premier trimestre 2011 et de 59,54% sur une année.
Parc Internet
216
dialogue national - media et societe
Evolution de la croissance nette trimestrielle
du parc Internet ADSL
TELE
Evolution de la croissance nette trimestrielle
du parc Internet 3G
Le parc Internet 3G a atteint 1 655 499 abonnés à fin mars
2011 en réalisant un taux de croissance de 21,15% durant le
premier trimestre 2011 et de 88,37% sur une année.
PHONE MOBILE
Parc global TELEPHONIE MOBILE
Marché de la téléphonie mobile1
Au 31 mars 2011, le parc des abonnés mobile a atteint 33 375
498 soit une croissance de 4,36% sur un trimestre.
Le taux de pénétration a évolué pour atteindre 104,78% à fin
mars 2011 contre 101,49% à fin décembre 2010.
diagnostic global et analyse sectorielle
Parc MOBILE
Evolution de la croissance nette trimestrielle
du parc Postpayé
217
218
dialogue national - media et societe
Evolution de la croissance nette trimestrielle
du parc Prépayé
Marché de la téléphonie fixe
Au 31 mars 2011, le parc global d’abonnés au fixe a atteint 3 643
1065 (contre 3 749 364 abonnés à fin décembre 2010) dont 2 377
618 en mobilité restreinte. Le parc de la téléphonie fixe a connu
une baisse trimestrielle de 2,83% au terme du premier trimmestre de cette année 2011.
Le taux de pénétration du fixe est passé de 11,90% à fin décembbre 2010 à 11,44% au 31 mars 2011.
diagnostic global et analyse sectorielle
219
Parc FIXE
Nombre d’abonnés Résidentiels
Nombre d’abonnés Professionnels
Marché des publiphones
A fin mars 2011, le parc des publiphones a enregistré une baissse de 3,57% par rapport à fin 2010. Ainsi, le parc global des
220
dialogue national - media et societe
publiphones9 a atteint 175 090 (contre 181 580 au 31 décembbre 2010).
L’équipement informatique que le pays a entrepris depuis le débbut des années 80, atteste lui aussi de tendances à la croissance
qui confirment combien ce secteur est pour le pays un gisement
de richesses et d’emplois, avec une forte valeur ajoutée aux palnns économique, social et culturel…Au plan économique, on doit
souligner le chiffre d’affaires réalisé par le marché de l’équipemment informatique en 2009 : 1,11 milliard de Dirhams. Au plan
socio-culturel, l’on doit bien intreprêter le fait que la vente des
ordinateurs portables (Laptops) égale progressivement celle des
ordinateurs de bureau (Desktops) : sur plus de 200 000 ordinatteurs écoulés sur le marché national en 2010, près de 50% sont
des ordinateurs portables et cette tendance sera certainement à
la hausse dans les années à venir. Ce qui signifie que l’équipemment/appropriation de l’outil informatique à l’échelle de l’indivvidu progresse et que l’accès à l’Internet n’est plus dépendant,
majoritairement, de l’équipement collectif, lieux de travail génnéralement75.
75 - Dans notre enquête CAP auprès des jeunes nous avons particulièrement insisté, par des
questions ciblées, sur cette différence entre équipement individuel et équipement collectif (à
l’école, à l’université, au travail ou ordinateur familial…).
221
diagnostic global et analyse sectorielle
Répartition des jeunes selon qu’ils disposent ou pas
d’un ordinateur connecté à Internet
Disponibilité
ordinateur/Internet
______________
___
Réponses
Disponibilté/
ordinateur
commun
Connexion
Internet/
ordinateur
commun
Disponibilté/
ordinateur
individuel
Connexion
Internet/
ordinateur
individuel
Fréq
%
Fréq
%
Fréq
%
Fréq
%
Oui
334
37,1
263
29,2
226
25,1
157
17,4
Non
566
62,9
55
6,1
674
74,8
26
2,9
NC
-
-
582
64,7
-
-
717
79,7
900
100,0
900
100,0
900
100,0
900
100,0
Total
Chez les jeunes donc, la propriété de l’ordinateur utilisé individduellement, elle revient aux jeunes eux-mêmes dans une propportion de 17,1%. Les institutions professionnelles, éducatives
ou autres n’en sont propriétaires que dans 3,3% des cas, et près
de 80% de jeunes (monde urbain et monde rural), soit ne posssèdent pas d’ordinateur utilisé individuellement, soit n’ont pas
d’ordinateur du tout.
Mais la tendance à retenir est que l’outil informatique, l’ordinnateur en l’occurrence, prend petit à petit sa place comme outil
domestique, personnel, au même titre que le téléphone mobile.
Signe donc d’une réelle pénétration en marche progressive de
l’outil informatique dans la vie de tous les jours des gens et dans
toutes leurs activités, pas uniquement leurs obligations d’activvités publiques et l’offre d’équipement et d’usages que celles-ci
induisent, dans les lieux de travail, par exemple.
Autre indicateur sur ce recours bien progressif aux TIC, est cellui des domaines Web du pays détenus par des entreprises, des
administrations et des particuliers.
Le parc de noms de domaine «.ma» a quant à lui atteint près de
40 000 noms début 2011, dont plus de 400 noms de domaines
avec l’extension “.press.ma” dédiée à la presse et aux médias.
Avec une croissance de près de 12% sur une année, la situation
de ces domaines se présentait fin 2010 comme le montre le shémma ci-après.
222
dialogue national - media et societe
Indicateurs nom de domaine « .ma »
Source : www.nic.ma
Force donc est d’admettre que le Maroc a enregistré à ce jour
des progrès importants dans son arrimage au cyberespace et à
ses TIC. Ce dont témoigne d’ailleurs le rapport de l’Union Intternationale des Télécommunications (IUT) révélé, fin Février
2011, à la presse au Palais des Nations Unies à Genève, sous l’inttitulé : « Mesurer la société de l’information 2010 ». L’IUT soulligne ainsi que le Maroc a gagné en 2008 six points dans l’indice
de développement des TIC (IDI) de l’organisation, par rapport à
2007, en se classant à la 97ème place (sur 159 pays classés), avec
un IDI de 2,68 qu’il a ainsi amélioré de 15% de sa valeur enreggistrée en 2007 (2,33)76.
Le même rapport de l’IUT nous révèle aussi qu’au niveau de
l’utilisation des TIC, le Maroc a pu, en un an, de 2007 à 2008,
enregistrer un taux d’utilisation d’Internet de 33 utilisateurs sur
100 habitants, contre 21, une année auparavant, gagnant dans
le classement de cet indicateur six points.
76 - Les dix premiers pays selon l'indice IDI 2008 étaient la Suède, le Luxembourg, la République
de Corée, le Danemark, les Pays- Bas, l>Islande, la Suisse, le Japon, la Norvège et le RoyaumeUni.
diagnostic global et analyse sectorielle
223
Ces performances de l’IDI du Maroc, retenues par l’IUT, sont fort
pertinentes pour les stratégies d’avenir du pays, car cet indice,
récemment établi pour suivre l’avancée de la « société de l’informmation mondiale », se base sur 11 indicateurs dont notamment :
le nombre de ménages ayant un ordinateur, le nombre d’abonnnés à l’Internet fixe large bande (ADSL) et le taux d’alphabétisattion, taux qu’il faut relever tout particulièrement dans le cas du
Maroc…Car il est fort discriminatoire dans notre cas, tirant vers
le bas l’IDI du Maroc et son classement dans le tableau de la
« société mondiale de l’information », alors que les acquis et les
évolutions du pays dans le champ global des TIC devraient normmalement lui octroyer un IDI meilleur et un classement, probabblement au milieu des 159 pays suivis par l’IUT en le domaine.
Cette remarque sur le taux d’alphabétisation s’impose, là aussi,
pour réitérer notre insistance sur l’étroite relation organique et
décisive entre le futur du champ communicationnel et la donne
de l’enseignement, c’est-à-dire la lutte contre l’analphabétisme
et l’illettrisme, parallèlement ou préalablement, à la lutte contre
l’analphabétisme numérique.
Ceci étant, il est de notoriété que ce domaine est des plus volatilles dans ses situations établies ou arrêtées comme dans les perfformances calculées, tant son rythme d’évolution est constant et
le changement des données y est permanent et fortement permméable à moult éléments de contexte et divers environnements.
C’est ainsi qu’au regard d’un autre indicateur international, le
Maroc semble régresser plutôt qu’avancer entre 2008 et 2009.
Il s’agit de l’indicateur «Networked Readiness Index (NRI)»,
du puissant World Economic Forum ou le Forum économique
mondial (FEM), qui classe le Maroc au 86ème rang parmi 134
pays dans le «Positionnement mondial et régional en matière
de technologies de l’information et de la communication». Cettte position est en recul de 12 rangs par rapport au classement
précédent du FEM. Comparé à de nombreux pays émergents, le
Maroc est devancé par la Tunisie (38ème), le Chili (39ème), la
Chine (46ème), l’Inde (54ème), la Turquie (61ème), le Mexique
224
dialogue national - media et societe
(67ème) et l’Égypte (76ème). Il est, par contre, mieux positionnné que certains pays tels que l’Argentine (87ème) et l’Algérie
(108ème).
Le recul du classement du Maroc est dû, lit-on dans une étudde basée sur le rapport du FEM, à la dégradation de son score
dans l’indicateur «Networked Readiness Index (NRI)». Ainsi,
les trois principales composantes de l’indicateur global (NRI)
ont à leur tour reculé, à savoir «l’Environnement des TIC», le
«Niveau de préparation» et «l’Usage des TIC». Au niveau de
l’«Environnement des TIC», après de grands progrès de cet inddicateur au cours des dernières années, le Maroc perd 7 places
mondiales en 2009, passant de la 67ème à la 74ème. Même s’il
est moyennement positionné mondialement au niveau de cette
composante du NRI et se positionne mieux que certains pays,
comme le Mexique, l’Indonésie et l’Argentine, il se retrouve loin
derrière d’autres pays tels que la Tunisie et l’Égypte. La dégraddation du positionnement du Maroc est liée essentiellement à
celle enregistrée au niveau du «cadre politique et réglementairre» et de «l’infrastructure». Par rapport au «Niveau de préparration», le classement du Maroc a reculé plus pour se retrouver
à un niveau moins avancé comparativement à la majorité des
pays émergents ou de même niveau de développement. Le recul
a concerné surtout les indicateurs de TIC relatifs au gouvernemment et aux entreprises. En effet, le Royaume est classé faiblemment pour ce qui est de l’e-gouvernement (113 ème), de la priorrité allouée par les autorités publiques aux TIC (111 ème).
Enfin, en matière d’«usage des TIC», le Maroc, reculant de 10
places en 2009, se retrouve parmi les pays ayant un recours relattivement faible aux technologies de l’information et de commun-
diagnostic global et analyse sectorielle
225
nication. Notre pays est largement devancé par ses concurrents,
en particulier ceux du pourtour méditerranéen (Tunisie 47ème,
Turquie 54ème et Égypte 72ème). Le recul du Maroc incombe
essentiellement au repli au niveau de la mise à disponibilité par
le gouvernement d’informations, d’outils participatifs et de servvices en ligne de qualité et d’utilité77.
D’un autre côté, en deçà de l’IDI de l’IUT ou du NRI du FEM,
il nous faut, à notre échelle nationale, relever que les efforts du
pays en matière de TIC et d’Internet, ne semblent pas bien illlustrés dans le champ spécifique qui intéresse notre Dialogue
national : le champ des médias à diffusion collective et tout partticulièrement la presse.
Au plan des infrastructures au service du développement des
TIC dans le pays, le Maroc a investi dans plusieurs zones technnologiques, avec l’objectif d’encourager trois types d’activités et
d’entreprises :
• Les TPE et PME innovantes dans le domaine des TIC en
général
• Le BPO (Business Process Outsourcing ou externalisattion des processus métiers)
• L'ITO (Information Technology Outsourcing ou externallisation des processus liés aux technologies de l’informattion).
Actuellement, le Maroc dispose de trois zones technologiques
opérationnelles qui offrent une infrastructure d’hébergement
des entreprises, des locaux prêts à l’emploi, climatisés, insonorrisés, pré-câblés avec des services d’accompagnement mutualissés (téléphonie, entretien, restauration, maintenance…). Il s’agit
de : Casablanca Technopark, de Casanearshore à Casablanca et
de Technopolis Rabat-Salé.
77 - Confère cette analyse telle que résumée par Dounia Mounadi dans le quotidien « Aujourd’hui
le Maroc » (édition du 12.10.2009, numéro 2033) à partir d’une étude publiée en Septembre
2009 par la « Direction des études et des prévisions financières », étude qui s’est basée sur le
rapport cité du FEM.
226
dialogue national - media et societe
1- Casablanca Technopark
Première zone technologique créée au Maroc en 2001, le Technnopark, avec ses 30.000 m2, se veut un espace dédié à l’héberggement de sociétés innovantes qui opèrent dans le domaine des
technologies de l’information. Aujourd’hui, dix ans après son
ouverture, le Technopark accueille 170 TPE et PME technologiqques qui emploient plus de 1400 salariés avec un chiffre d’affairres cumulé de plus de 700 millions de DH. Structure de gestion
privée, le Technopark compte dans son tour de table le gouvernnement marocain et des banques privées. A l’instar des bonnes
pratiques internationales dans le domaine, le Technopark offre
une boucle locale télécom, des bureaux modulaires prêts à l’empploi, des services généraux et une offre de restauration sur site.
A rappeler que plusieurs expériences de nouveaux médias et
d’entreprises dans le domaine du contenu en ligne et sur mobile
ont pu se développer grâce à l’existence de cette première zone
technologique78.
2- Casanearshore
Premier pôle nearshore du Maroc, le plus grand d’Afrique du
Nord, Casanearshore a été inauguré officiellement en 2008.
Cette zone, dont l’investissement s’élève à 3,4 miliards de DH,
offre plus de 300 000 m² de bureaux et services à destination de
toute entreprise opérant dans les activités liées au nearshoring
et réalisant au moins 70% de leur chiffre d’affaires à l’export, à
partir de la troisième année qui suit le début de leur activité ou
de leur installation dans la dite zone technologique. Les activittés concernées par le nearshoring relèvent principalement de
deux grands domaines et six filières :
• Le domaine du BPO (Business Process Outsourcing ou
externalisation des processus métiers) : les activités/foncttions administratives générales ; les activités de gestion
de la relation client ; les activités métiers spécifiques
78 - Pour en savoir plus : www.technopark.ma
diagnostic global et analyse sectorielle
227
• Le domaine de l'ITO (Information Technology Outsourccing ou externalisation des processus liés aux technologgies de l’information) : les activités de gestion d’infrasttructure ; les activités de développement de logiciels ; les
activités de maintenance applicative79.
3- Technopolis de Rabat-Salé
Inauguré en octobre 2008, le Technopolis de Rabat dispose
de plusieurs pôles d’activités, à savoir :
o Pôle Offshore
o Pôle Recherche & développement
o Pôle microélectronique
o Pôle académique
o Pôle valorisation de la recherche
o Pôle médias
Cette nouvelle infrastructure destinée à soutenir la stratégie
« Emergence » et « Maroc Numéric 2013 » est édifiée sur une
superficie de 107 hectares avec des investissements globaux de
3,314 milliards DH, dont 2,755 milliards pour les travaux de
construction et 559 millions pour l’aménagement. L’une des
spécificités de cette zone technologique, par rapport au Technnopark et Casanearshore, est de prévoir un espace dédié à l’enccouragement des investissements dans les médias. Le « Pôle
Médias » de Technopolis de 15 hectares est destiné à coopter
les entreprises et les ressources humaines spécialisées dans les
métiers de la convergence entre le contenu, techniques, audiovvisuel et les industries numériques80.
En capitalisant sur le retour d’expériences des villes de Casabblanca et Rabat dans le domaine de structures d’accueil intellligentes, le Maroc a décidé de régionaliser le concept des zones
79 - Pour en savoir plus : www.casanearshore.com
80 - Pour en savoir plus : www.technopolis.ma
228
dialogue national - media et societe
technologiques à travers l’ouverture d’autres zones technologiqques d’ici 2015 à Fès (Fès Shore) et Tétouan (Tétouan Shore).
Parallèlement, le Technopark de Casablanca s’active pour ouvrir
d’autres antennes dans différentes villes du Royaume (Rabat,
Agadir, Oujda….) dans le cadre de sa politique de duplication de
son modèle.
Ceci nous amène enfin à aborder les politiques publiques
conduites par l’État, depuis particulièrement le lendemain du
2ème round du Sommet Mondial du Savoir et de l’Information
(SMSI, Tunis 2005). Il est donc acquis que le pays a initié nombbre d’initiatives et de programmes fort conséquents et assez
structurants même s’ils ne dégagent pas, par leur ensemble,
la cohérence d’une stratégie globale nationale qu’on pourrait
qualifier de « stratégie nationale pour la société de l’informattion », comme recommandé par le SMSI. Une stratégie qui doit
inclure, entre autres, des politiques volontaristes en faveur du
monde des médias pour les accompagner dans leur mutation
technologique par le recours aux TIC et que ces dernières soient
décrétées comme priorité pour le pays dans tous les secteurs
gérés par l’État. Les initiatives et programmes à ce jour conduits
par l’État ont substantiellement mis sur les autoroutes de l’infformation nombre de secteurs et d’activités du pays. Avec des
efforts, parfois imposants, d’infrastructures plantées aussi bien
sur l’historique site des médias, l’axe Casa-Rabat, que dans des
villes et régions traditionnellement hors monde des médias :
comme relevé, des pôles de TIC programmés à Tétouan, Fès,
Agadir, Oujda, après Rabat, Salé et Casablanca.
En fait, le Maroc déploie une stratégie, « Maroc-Numéric
2013 », lancée en Octobre 2009 avec un budget prévisionnnel de 5,2 Milliards de Dirhams dont 3,7 Milliards ont été débboursés fin 2010. Mais cette stratégie, qui table sur deux objjectifs majeurs, générer un PIB additionnel de 27 milliards de
DH et créer 26.000 nouveaux emplois à l’horizon 2013, sembble avoir été fondamentalement construite sur les besoins du
monde de l’éducation, avec un programme en direction des
diagnostic global et analyse sectorielle
229
élèves, un autre en direction d’étudiants et un troisième en dirrection des enseignants… En plus d’objectifs assez limités au
plan de l’e.gouvernement (ce que releva le rapport du FEM)
et au plan de l’économie numérique relative au commerce
électronique et à la confiance que ce commerce nécessite.
Disposant d’un « Fonds du service universel des télécommuniccations » (FSUT), cette stratégie gouvernementale a pu, dans
le cadre du 1er programme, le programme « GÉNIE », destiné
aux établissements scolaires, équiper 1.000 établissements en
2009, acquérir 82% des contenus numériques requis et former
700 encadrants centraux.
Le 2ème programme, le programme «INJAZ», conçu pour les
étudiants-ingénieurs, a, selon le Ministre des nouvelles technnologies, profité à 15.000 bénéficiaires au titre de l’année acaddémique 2009-2010, avec l’objectif de l’offrir à 13.500 autres
étudiants-ingénieurs, au cours de 2010-2011, et qu’il soit générralisé, à terme, aux étudiants chercheurs, selon le même respponsable.
Quant au 3ème programme, le programme « Nafida », déployé par
la Fondation Mohammed VI de Promotion des Œuvres Sociales
de l’Éducation-Formation, il n’a pas encore révélé ses premières
réalisations. Lancé en 2008, ce programme consiste à faciliter
l’accès de la famille de l’enseignement aux technologies de l’Infformation et de la Communication, et à leur permettre d’utiliser
ces outils dans le système éducatif national, en accédant à des
contenus multimédia et à des ressources pédagogiques numérriques. Cette initiative a été intégrée dans le cadre de la stratéggie « Maroc Numéric 2013 » affichant souvent qu’elle donne la
priorité au vaste chantier de l’e.gouvernement. Or, ce chantier
véritablement structurant du Maroc numérique, l’est aussi pour
le champ communicationnel, sous des impératifs cruciaux pour
ce champ : le droit d’accès, pour le citoyen, à l’information en
général et au « domaine informationnel public » en particulier,
l’accès, pour les médias et les journalistes, aux sources d’inform-
230
dialogue national - media et societe
mation…Sans oublier le fait que la transparence informationnnelle, au niveau de l’État, des pouvoirs publics, des services pubblics et des administrations, est un outil des plus efficaces pour
réduire au maximum les chances pour toutes les pratiques de
corruption, de détournements, de trafic d’influences, de conflits
d’intérêts, de délits d’initiés, d’opacité des rapports et transacttions, de sape de la culture de la citoyenneté démocratique et de
l’État de droit.
En Juin 2010, lors d’une deuxième réunion du « Conseil nationnal des technologies de l’information et de l’économie numérrique », le 1er Ministre, selon un communiqué de la Primature,
s’est déclaré satisfait du niveau atteint par l’indice e-gouvernemment qui est passé de 0,2 en 2008 à 0,34, dans la perspective
de réaliser un taux de 0,8 à l’horizon 2013. Au cours de la même
réunion, le Ministre en charge du secteur a déclaré que « les
mécanismes nécessaires à la gouvernance et au lancement des
services on-line ont été mis en place pour le lancement de l’eadministration ».
En Fait, le Maroc a commencé, depuis 2005, à jeter les premiers
jalons d’une politique publique qui vise le renforcement de la
présence des administrations et des organismes publics sur intternet. C’est dans ce sens qu’une stratégie pour l’administration
électronique 2005-2008 a été adoptée avec comme devise «Pour
une administration électronique intégrée et citoyenne»81.
Avec l’adoption d’un programme beaucoup plus ambitieux dans
le cadre de la stratégie « Maroc Numéric 2013 », la thématique
egov a connu indéniablement un nouveau tournant. Une inttégration amplifiée et une large diffusion des technologies de
l’information dans les services publics, tel est le dénominateur
commun de la stratégie «Maroc Numéric 2013» pour le egov,
lancée fin 2009, à l’initiative du ministère de l’Industrie, du
commerce et des nouvelles technologies.
81 - Consulter : www.mmsp.gov.ma/egov
diagnostic global et analyse sectorielle
231
Cette nouvelle stratégie, dotée d’un budget prévisionnel de 2,2
milliards de DH, s’est fixé comme objectif la mise en ligne, à
l’horizon 2013, de 89 services dont 15 projets-phares à réaliser,
au plus tard, en 2011. Le programme cherche à rompre avec les
programmes précédents puisque l’enjeu est beaucoup plus impportant. Il ne s’agit plus d’une simple informatisation de procéddures et de processus existants. L’e-gouvernement requiert une
configuration beaucoup plus en profondeur qui s’appuie sur la
compréhension du fonctionnement de l’administration publiqque. C’est la raison de l’élaboration d’un modèle de gouvernance
spécifique piloté par le CIGOV (Comité interministériel egov)82.
Ce choix prioritaire exprime la conviction du gouvernement
que le secteur public réalisera des gains importants en termes
d’efficacité et d’efficience grâce à la mise en œuvre de services
e-gouvernement par le biais d’un traitement simplifié et autommatisé de l’information. Un souci auquel on peut relier cette
dernière initiative du gouvernement, début 2011, le site : http://
fikra.egov.ma/. Ce site vise à faire participer les citoyens, de mannière interactive, dans l’amélioration des services publics en liggne, avec ce message phare sur l’objectif du site : « Vous trouvez
les démarches administratives trop compliquées ? Fatigué de
faire de longues queues pour obtenir un service administratif
? L’Administration marocaine vous donne la parole. Déposez
vos idées, vos suggestions,... pour simplifier vos démarches admn
ministratives ».
82 - Consulter : www.egov.ma
232
dialogue national - media et societe
Ajoutons, à ce propos, qu’un communiqué du ministère de la
modernisation des secteurs publics indiquait en Novembre 2010
qu’il a établi une nouvelle cartographie de l’utilisation des technnologies de l’information et de la communication (TIC) pour
l’année 2009, afin de suivre l’évolution de l’usage des TIC dans
les secteurs publics comprenant les départements ministériels,
les hauts commissariats et les établissements publics. Pour élabborer cette cartographie, le Ministère a pu recenser un total de
278 entités, avec un taux de réponse global de 75,54 pc pour
2009, contre 72,66 pc pour l’année 2008, relevant que 33 indiccateurs relatifs à l’utilisation des TIC dans les secteurs publics
ont été retenus. Ces indicateurs s’articulent autour de cinq axes,
portant sur la structure et l’organisation, les ressources humainnes, la formation et le budget, les infrastructures matérielle et
logicielle, l’utilisation de l’internet, les sites web et les télé-servvices. Parmi les indicateurs les plus importants, figurent le taux
d’équipement en ordinateurs (31,22 pc), le pourcentage de posttes de travail connectés à internet (59,61 pc), 283 télé-services,
356 sites web, la proportion de télé-services en arabe (47 pc), la
proportion d’entités disposant de plan de sécurité des systèmes
d’information (56,19 pc)83.
D’un autre côté, en plus de rapprocher l’administration des bessoins de l’usager à travers l’e.gov, Maroc Numeric 2013 vise à
inciter à l’informatisation des PME et au développement de la
filière locale des technologies de l’information, notamment en
favorisant l’émergence de pôles d’excellence à fort potentiel à
l’export. Les entreprises sont donc également concernées par
cet effort, à travers des offres intéressantes de financement d’infformatisation par le biais d’un autre programme (programme
«Moussanada»), l’accompagnement de la numérisation des
transactions et l’appui aux entreprises productrices de technollogies de l’information. Ces programmes et mesures sont bien
entendu à l’actif d’objectifs de développement du commerce
83 - Tous les résultats de la cartographie sont accessibles via le site web www.mmsp.gov.ma/
Carto2009
diagnostic global et analyse sectorielle
233
électronique au Maroc, secteur porteur d’avenir pour le dévveloppement du champ des médias en tant qu’environnement
technologique et économique, au titre de la nouvelle économie
du marché de l’information, promouvant de nouveaux modes et
outils de gestion et de commercialisation du produit médiatiqque, sans oublier la publicité électronique que ce nouveau commmerce induit pour les médias, au vu des expériences vécues par
les pays en avance sur ce registre (dont la Tunisie, sensiblement
en avance sur le Maroc sur ce registre qui exploite la publicité
des commerces et services de proximité). Mais soulignons que
le commerce électronique est surtout favorable aux médias en
tant qu’environnement propice à la circulation de l’information,
aux opportunités d’y accéder, à sa transparence, à sa diversité
dans les contenus comme dans les sources.
Le commerce électronique au Maroc est un secteur certes embbryonnaire, mais à l’instar de la dynamique de développement
de l’équipement informatique et l’Internet, il enregistre une
croissance exponentielle. Pour preuve, pour l’année 2010, le
chiffre d’affaires du e-commerce a triplé en dépassant le seuil
de 300 millions de DH contre 107 millions pour l’année 2009.
Le CA prévisionnel pour 2011 se situant à plus de 500 millions
DH.
Cette dynamique résulte, en partie, de la démocratisation de
l’accès à la carte bancaire puisque selon les derniers chiffres du
Centre monétique interbancaire (CMI), le Maroc compte près
de sept millions de cartes dont plus de six millions de cartes
de paiement et de retrait sous les labels Visa, Mastercard et la
marque nationale cmi.L’activité d’achat en ligne reste fortement
dominée par les cartes marocaines à hauteur de 93% en volume
avec un panier moyen de 1000 dirhams.
Techniquement, le Royaume dispose d’une seule plate-forme
de commerce électronique, en l’occurrence Maroc Telecommercce. Cette plate-forme dispose aujourd’hui de plus de 100 sites
marchands affiliés, contre seulement 40 en 2009. L’année 2011
marque un tournant dans la mesure où le marché du commerce
234
dialogue national - media et societe
électronique sera boosté par l’importance des projets en cours
de préparation de déploiement auprès de la plate-forme de Marroc Telecommerce et le CMI. Les tendances lourdes du e-commmerce pour les prochains mois se situent au niveau du développpement des services de tourisme, de paiement des factures en
ligne et des services de l’administration électronique. D’ailleurs,
l’arrivée en 2010 d’acteurs tels que les opérateurs télécoms (Marroc Telecom et Méditel) et les services gouvernementaux et de
manufacturiers ( Lydec et la Trésorerie Générale du Royaume)
représente un signe avant coureur sur le point d’inflexion du
marché à travers l’élargissement de l’offre pour toucher aussi
bien le secteur public que privé.
Même le secteur associatif commence à explorer les atouts du
commerce électronique pour lever des fonds auprès du grand
public. Ce fût le cas en décembre 2010 de l’action Sidaction pour
la collecte de dons en ligne, en marge de la journée mondiale de
lutte contre le Sida.
Certes, l’évolution du commerce électronique est tributaire de
l’offre mais aussi du changement de mentalité des porteurs de
cartes bancaires. Malgré la réticence des internautes de passer à
l’acte d’achat en ligne, il n’en demeure pas moins que les habituddes commencent à changer. A titre indicatif, les ventes de billets
des compagnies aériennes à explosé sur internet sous l’effet des
tarifs attractifs et des promotions en ligne. Les passionnés des
TIC, peuvent aussi, s’équiper et commander tous les gadgets infformatiques par leurs cartes bancaires.
Les opérations par cartes bancaires (locales et étrangères), au
Maroc, ont atteint au terme du 1er trimestre 2011, 44,7 milllions d’opérations pour un montant global de 38,1 milliards DH
(MMDH). Ce montant est en progression de 22,5% par rapport
à la même période de l’année précédente. Les cartes émises par
les banques marocaines ont atteint un encours de 7,4 millions
de cartes (+4,1% par rapport au 31/12/2010) dont 6,4 millions
de cartes ‘‘Paiement & Retrait’’ sous les labels Visa, Mastercard
et la marque nationale CMI. Au courant de cette 1ère période
diagnostic global et analyse sectorielle
235
2011, les cartes marocaines ont représenté 42,6 millions d’opérrations pour un montant de 34,7 MMDH alors que les cartes
étrangères on totalisé 2,2 millions d’opérations pour un monttant de 3,4 MMDH.
La voie est donc ouverte aux médias pour qu’ils muent vers la
commercialisation de leurs produits via l’achat on-line, du momment que les consommateurs – jeunes surtout et ils sont majorritaires au pays- font montre d’habitudes d’achat fort promettteuses dans ce sens.
A l’appui de cette tendance, est maintenant intervenue une
mesure gouvernementale qui décrète que 2011 soit l’année de
consécration du commerce électronique au Maroc. Cette messure a rendu le commerce électronique avec l’étranger désormmais possible pour les porteurs de cartes bancaires marocaines.
En effet, l’Office des changes autorise maintenant les banques à
délivrer aux personnes physiques résidentes une dotation d’un
montant de 10 000 DH par année civile, chargés sur une carte
de crédit internationale. Cette carte est destinée à effectuer des
achats à l’étranger, via le web, comme les titres de voyages, les
logiciels d’application, etc. Autrement dit, l’offre internationale
dans le domaine de commerce électronique est accessible aux
internautes marocains pour la première fois après tant d’années
d’attente. Ce qui doit encourager les internautes à s’engager
dans la consommation de produits médiatiques, au moyen du
paiement électronique, et contribuer, voire développer le phénnomène de la monétique au Maroc.
Cependant, on sait, par ailleurs, que le développement du commmerce électronique dépend fortement d’un élément capital :
la confiance numérique. Une confiance qui, certes, s’installe
progressivement par l’accumulation des expériences pratiques
des consommateurs, mais elle dépend au préalable des garantties d’ordre juridique et légal sur le registre de la protection des
droits du consommateur, notamment la protection de ses donnnées à caractère personnel.
236
dialogue national - media et societe
Nul doute que l’année 2010 a marqué un tournant dans le proccessus de mise à niveau de l’arsenal juridique du Maroc en mattière de protection des données nominatives pour être en phase
avec les standards internationaux et notamment européens.
Concrètement, le texte de loi 09-08 a été promulgué en 2009,
dans le cadre de la stratégie Maroc Numeric 2013, visant la garrantie de la protection des personnes physiques en matière de
traitement des données à caractère personnel. Inspirée de la loi
française « Informatique et Libertés », la loi 09-08 relative à la
protection des personnes physiques à l’égard des traitements
des données à caractère personnel, a été publiée au Bulletin Offficiel n° 5744 du 18 Juin 2009, après avoir été promulguée par
le Décret n° 2-09-165, en date du 21 mai 2009.
Dans un contexte marqué par une forte pénétration des outils
technologiques auprès du grand public et l’accroissement expponentiel d’applications informatiques de tout genre, cette loi
introduit, pour la première fois au Maroc, un ensemble de disppositions légales destinées à protéger la vie privée des citoyens.
L’article premier de cette loi stipule d’ailleurs que :» l’informn
matique est au service du citoyen et évolue dans le cadre de la
coopération internationale. Elle ne doit pas porter atteinte à
l’identité, aux droits et aux libertés collectives ou individuelles
de l’Homme. Elle ne doit pas constituer un moyen de divulguer
des secrets de la vie privée des citoyens.»
Ce texte fondateur a donné naissance à une Commission nationnale de contrôle de la protection des données à caractère perssonnel (CNDP). Investie de la mission de veiller au respect et
à l’application des dispositions de cette loi, la CNDP a pour objjectif de protéger les données personnelles des citoyens et d’en
garantir le traitement dans un cadre juridique légal afin d’éviter
toute menace susceptible de violer leurs aspects confidentiels.
Pour accomplir cette mission, la CNDP est dotée de pouvoirs
d’investigation et d’enquête. A ce titre, elle est habilitée à collectter tous les documents nécessaires à sa mission, clôturer, interd-
diagnostic global et analyse sectorielle
237
dire le traitement ou effacer les données, et à retirer le récépissé
d’autorisation d’opération de traitement de données.
Sur le plan opérationnel, la loi 09-08 définit le droit d’accéder
aux bases contenant les données personnelles, de s’opposer à
certains traitements, de demander la rectification des donnnées erronées ou la suppression des données périmées ou dont
la finalité du traitement a été réalisée. En outre, la loi fixe les
conditions de transfert des données à caractère personnel vers
les Etats étrangers en exigeant soit que ces Etats disposent d’un
niveau de protection des données personnelles jugé adéquat par
la CNDP, soit que le transfert envisagé obtienne l’autorisation
de la CNDP. En cas de contravention aux dispositions de la loi
09-08, les contrevenants seront passibles de peines pouvant alller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant
atteindre 300 000 dirhams. Au-delà de l’adoption de ce nouveau texte, l’indépendance, la
crédibilité et la confiance sont les conditions sine qua non pour
garantir l’efficacité et le succès de la CNDP. D’ailleurs, jusqu’à
présent, aucun site privé, administration ou services e-gov ne
font référence à ce nouvel dispositif juridique. Une phase transsitoire est prévue par le texte avant sa mise en œuvre. Vu la réccente composition de la CNDP (août 2010), il est, aujourd’hui,
difficile d’en juger l’action.
Il reste que si le Maroc s’est doté d’un arsenal juridique et régglementaire qui essaie d’accompagner le tournant pris par le
pays depuis plus de dix ans en matière de télécommunications,
d’audiovisuel et de TIC et Internet, cet arsenal est peu connu,
encore moins analysé à des fins de sa nécessaire et continuelle
révision et mise à jour, tant ces domaines connaissent, comme
on le voit chaque jour, des transformations et innovations incesssantes, du fait des inventions technologiques, comme du fait des
usages et des droits et obligations que ces usages interpellent ou
remettent en question, en partie ou en totalité.
Globalement donc, le Maroc dispose actuellement d’un arsenal
juridique conforme aux standards internationaux. Le véritable
238
dialogue national - media et societe
enjeu reste d’en d’assurer la mise en œuvre conformément au
contenu des articles et des dispositions des différents textes jurridiques adoptés. Comme il serait efficient, dans l’optique d’antticipation recommandée par le Dialogue national, d’en assurer
une lecture critique, de manière périodique, afin de mettre à
jour cet arsenal, au besoin, pour l’enrichir et le moderniser. Cet
arsenal, en liaison directe ou indirecte avec le secteur des TIC
et de l’Internet (avec, entre autres, la question de la confiance
numérique) comporte, pour l’essentiel, les textes ci-après.
L’arsenal juridique sur la confiance numérique
au Maroc
Libéralisation du secteur des télécoms :
Loi 24-96 relative à la poste et aux télécommunications
(7 août 1997) qui a introduit la concurrence. Depuis la libéralisattion de la téléphonie mobile, l’octroi de licences à des opérateurs
satellitaires et la privatisation de l’opérateur historique ont été
ses principales réalisations.
Loi 55-01 modifiant et complétant la loi 24-96 relative
à la poste et aux télécommunications (4 novembre 2004)
: pour encourager les investissements, rationaliser l’utilisation
des infrastructures existantes et promouvoir la recherche dans
le secteur.
Droits d’auteur :
Loi 2-00 relative aux droits d’auteur et droits voisins (15 février
2000).
Loi 34-05 modifiant et complétant la loi 2-00 relative aux droits
d’auteur et droits voisins (2 mars 2006).
Libéralisation de l’audiovisuel :
Loi 77-03 relative à la communication audiovisuelle (7 janvier
2005)
diagnostic global et analyse sectorielle
239
Cybercriminliaté :
Loi 07-03 complétant le code pénal, relative à l’atteinte aux systèmmes de traitement automatisé des données (11 novembre 2003)
Cyber-lois :
*Loi 53-05 sur l’échange électronique de données juridiques (30
novembre 2007)
*Loi 35-06 instituant la carte nationale d’identité électronique (30
novembre 2007) + Décret d’application 2-06-478 (25 décembre
2007)
*Décret 2-05-1369 fixant les règles d’organisation des départemments ministériels et de la déconcentration administrative (2 déccembre 2005)
*Articles 115 et 178 du livre d’assiette et de recouvrement institué
par l’article 6 de la loi de finances n°35-05 pour l’année budgétaire
2006 promulguée par le dahir n°1-05-197 du 26 décembre 2005.
*Arrêté du ministre des finances et de la privatisation n°2623-06
du 7 novembre 2006 fixant les conditions de mise en œuvre d’une
procédure de télé-déclaration et de télépaiement de la taxe sur la
valeur ajoutée. B.O. n°5480 (7-12-2006)
*Articles 155 et 169 du code général des impôts institué par l’artticle 5 de la loi de finances n°43-06 pour l’année budgétaire 2007
promulguée par le dahir n°1-06-232 du 31 décembre 2006
*Arrêté du ministre de l’économie et des finances n°1214-08 du 17
juillet 2008 fixant les conditions de mise en œuvre d’une procéddure de télé-déclaration et de télépaiement de l’impôt sur les socciétés. B.O. n°5662 (4-9-2008)
*Décret n°2-09-165 d’application de la loi 09-08 relative à la prottection des personnes physiques à l’égard des traitements des donnnées à caractère personnel
*Décret n°2-08-518 d’application de la loi n°53-05 relative à
l’échange électronique des données juridiques
* Décret n°2-08-444 instituant le Conseil national des TI et de
l’économie numérique
240
dialogue national - media et societe
Tout compte fait, le Maroc a engrangé nombre de choix dans
les politiques de l’État, d’infrastructures, d’outils économiques,
législatifs et réglementaires qui, dans leur ensemble, sont bien
à même de lui donner la capacité de relever valablement le défi
de la « société de l’information » et d’anticiper sur son futur au
niveau de tous ces registres, à l’aune de la meilleure intégration
possible du pays à la société mondiale du savoir et de l’informmation. Sous réserve que les politiques publiques s’engagent de
manière plus volontariste dans quatre grands chantiers :
• la permanente imagination anticipatrice et critique des
encadrements législatifs, réglementaires et d’autorégulattion, avec souci constant de prospective ouverte sur l’avennir afin de s’approprier le futur au présent, de s’y préparer
à temps et à l’aune des meilleurs standards et pratiques
éprouvés et recommandés à l’échelle internationale par
référence aux valeurs des libertés démocratiques et des
caractéristiques de l’État de droit ;
• Privilégier dans les politiques et programmes de l’État
l’accès universel aux TIC et à l’Internet au profit de tous
les citoyens et citoyennes, sans que les programmes secttoriels, comme ceux conduits en ce moment, notamment
en direction du monde de l’enseignement, n’accaparent
trop les moyens et les efforts de l’État au détriment de
cet objectif stratégique d’équité et d’inclusion de tous les
Marocains dans le monde numérique et cybernétique…
Les prévisions de l’État de mettre en place, dans le cadre
de « Maroc numéric 2013 » quelque 400 centres d’accès
collectif aux NTIC, dans différentes régions du Maroc,
ne traduit pas une politique d’un grand volontarisme par
rapport à l’objectif de réduire au plus vite la « fracture
numérique » nationale;
• Mettre à niveau le champ médiatique national dans le reccours au numérique et aux TIC, l’appuyer dans ce sens
par des politiques publiques qui intègrent cet important
acteur dans la stratégie nationale de le société de l’inform-
241
diagnostic global et analyse sectorielle
mation qui, sans l’inclusion des médias et de leurs proffessionnels, serait sérieusement handicapée pour atteinddre ses objectifs stratégiques dont la généralisation des
TIC et de leur culture à toute la population quotidiennemment exposée aux médias et à leur symbolique de culture
et de pratiques comportementales… Les médias étant le
meilleur vecteur pour disséminer la culture du numérrique, des TIC, de l’Internet et d’en encourager les usagges, l’innovation, la créativité, la confiance, notamment
auprès des jeunes. Les jeunes qui, comme l’atteste clairrement notre enquête nationale, sont majoritairement
utilisateurs d’une panoplie de supports numériques et de
TIC, ce qui souligne la nécessité pour le Maroc d’aider à
un fort développement de médias électroniques et de TIC
pour cette majorité de sa population, c’est-à dire près des
deux tiers de nos concitoyens…
Équipements médiatiques utilisés individuellement
par les jeunes
Disponibilité/
équipements
Oui
Non
NSP
Total
FR
%
FR
%
FR
%
FR
%
Ordinateur portable
124
13,8
765
85
11
1,2
900
100
Ordinateur de bureau
102
11,3
785
87,2
13
1,4
900
100
I-POD
109
12,1
745
82,8
46
5,1
900
100
Lecteur MP3
293
32,6
590
65,6
17
1,9
900
100
Téléphone portable
770
85,6
123
13,7
7
0,8
900
100
Console/jeux vidéo
80
8,9
806
89,6
14
1,6
900
100
Types/équipements
• Conduire une stratégie publique, à long terme, de formattion (initiale et permanente) de tous les profils des proffessionnels des médias, en matière de technologies nummériques et de leurs diverses applications, dans les formmes et les contenus des produits médiatiques, avec une
standardisation de cursus et de modules faisant obligat-
242
dialogue national - media et societe
tion d’en respecter un minima aussi bien par les écoles et
instituts, publics et privés, que par les entreprises médias
publiques et privées.
Les médias nationaux à l’heure des nouveaux supports
et TIC
1. La presse écrite
Le Maroc s’est relié au réseau internet fin 1995 et a lancé alors
le site Web du Ministère de la communication « Mincom », 1er
site institutionnel du gouvernement. La présence du Maroc et
des Marocains sur internet s’est développée rapidement au fil
des années dans le secteur privé et parmi les universitaires.
Mais les médias n’ont pas suivi le mouvement et ne se sont inttéressés au journalisme en ligne et nouveaux médias qu’à partir
de l’an 2000, en un mouvement dispersé, bien plus soutenu et
précoce chez les titres francophones, périodiques d’abord puis
quotidiens, que chez leurs confrères arabophones, quotidiens
en premier.
Dix dix ans après, le paysage médiatique est globalement animé
encore par la logique de la vieille logique de la presse papier, les
« pure players » étant encore un petit nombre et bien peu visibbles sur la toile, c’est-à-dire, le nouveau kiosque des journaux,
virtuel celui-là .
Chez les journalistes, la première tendance dans l’accès à l’Intternet fût l’usage du courrier électronique. Certains médias ont
franchi le pas pour lancer des versions électroniques de leurs
journaux. Ce fût le cas, à titre de pionniers, de Maroc Hebdo
et de l’Économiste. Cette première tendance a donné naissance
à des sites web qui ne font, à ce jour, que reprendre l’intégrallité ou une partie de la version papier en format PDF ou web
mais toujours avec un décalage d’une journée ou une semaine
en fonction de la périodicité de chaque support.
En l’an 2000, le Ministère de la Communication lance une exppérience pilote de son quotidien officiel « Al Anbaa » sur internnet en capitalisant sur l’équipe éditoriale qui était en charge de
la version papier .Une expérience qui n’a pas pu avoir long feu
diagnostic global et analyse sectorielle
243
malgré l’importance des investissements financiers et techniqques ainsi que les moyens humains dédiés au projet.
Par la suite le phénomène de développement de contenu en liggne a pris de l’importance au fil des années avec un décalage
d’appropriation entre les médias francophones et arabophones.
Au niveau des portails d’information, une des expériences qui
ont marqué le web marocain est le portail « Menara.ma » qui,
avant d’être racheté par l’opérateur public « Maroc Telecom »,
fût l’initiative privée qui a pu, dès 1999, investir dans la fournitture de contenu hors le périmètre traditionnel des médias classsiques.
Aujourd’hui, la majorité des médias marocains ont un site web,
mais très peu d’entre eux disposent d’une version électroniqque dédiée spécifiquement en tant que support exclusivement
électronique. Autrement dit, le web est toujours perçu comme
un prolongement de la version papier, de la radio ou de la TV.
Le niveau d’interactivité reste basique et se limite à de rares
exceptions. De ce fait. Internet est perçu comme un nouveau
support mais sans pour autant que les opérateurs développent
une logique de canal de diffusion autonome avec une gestion et
une équipe spécifique dédiée, avec des concepts de forme et de
contenus propres à l’édition électronique et à ses propres carractéristiques comme l’instantanéité ou l’interactivité, encore
moins l’activité e.commerciale qu’elle permet.
Cette attitude d’approche basique du canal « web » résulte, selon
plusieurs directeurs de publications, de l’absence d’un modèle
économique pour diffuser l’information sur internet au Maroc.
La gratuité est le seul modèle actuellement en vigueur, puisque
si pour le cas de la presse écrite, les journaux sont payants dans
le kiosque, la version électronique, quant à elle est gratuite par
défaut. Seul le quotidien « Aujourd’hui le Maroc » (ALM) s’est
aventuré à ce jour pour explorer les atouts de vente en ligne : il
offre à ses utilisateurs, outre l’information gratuite disponible
en ligne, un nouveau module d’abonnement à son journal électtronique. L’édition électronique payante permet la consultation
244
dialogue national - media et societe
enrichie, et l’affichage interactif donne l’illusion de lire un journnal papier. Ce produit est disponible en avant première chaque
soir sur l’espace abonné à partir de 18h dans son intégralité. En
fonction du pack choisi, les prix varient entre 130 et 450 DH.
Les internautes peuvent ainsi lire, feuilleter, zoomer, téléchargger, imprimer le journal et consulter les éditions archivées. Exppérience sans aucun retour d’expériences encore au niveau du
volume des abonnements et de la consommation, néanmoins,
l’offre d’ALM a le mérite d’exister et marque un tournant dans
l’intérêt de certains groupes de presse pour tester l’opportunité
de micro-paiement et l’abonnement en ligne.
Sur le plan organisationnel, très peu de rédactions disposent de
ressources qualifiées en mesure d’animer des mises à jour en
temps réel du contenu de leurs sites web. Les expériences timiddes de certains supports révèlent le caractère embryonnaire de
l’approche « journalisme en ligne & nouveaux médias». Le déccalage des éditeurs ou opérateurs médias par rapport à ce nouvveau média fait que généralement, la mise à jour, par exemple,
est confiée à un journaliste « placardé », comme une punition
qui ne dit pas son nom, ou bien à de jeunes animateurs débuttants, sinon, à un simple technicien sommé d’assurer la tâche
fastidieuse de publier en ligne les fichiers PDF ou HTMEL des
différentes rubriques du journal de la veille, le journal papier..!
Ceci dit, la dynamique de publication sur Internet n’est pas
l’apanage seulement des médias traditionnels. Depuis 1998 et
jusqu’à présent, plusieurs projets web ont vu le jour. C’est le cas,
à titre indicatif des portails Menara, Inwi (ex Wanadoo), Emarrrakech, Yabiladi, Elajdida.ma, Hespress et les deux derniers appparus en 2011 : Lakome et Goud (lancé par des anciens de l’hebddomadaire –papier- « Nichane » du groupe « Tel Quel »).
Fait intéressant dans l’expérience marocaine : à partir de 2006,
surtout, une vague de médias en ligne régionaux a pu se dévellopper, notamment à Nador, Oujda et Erradichia, en plus de
Marrakech déjà. Certes, il ne s’agit pas d’entreprises de presse
au sens traditionnel, mais ces expériences, sont le plus souvent
diagnostic global et analyse sectorielle
245
l’œuvre d’équipes d’éditeurs réduites et réussissent à développper une démarche de proximité dans le traitement de l’informattion, apparemment bien plus attractive que les pages régionales
de la presse papier nationale de Casablanca ou de Rabat. C’est
là une voie bien prometteuse de développement des nouveaux
médias, sous réserve d’une mise à niveau au plan de la formattion des ressources humaines qui s’y adonnent et sous réserve
de l’imagination d’un modèle économique qui soit viable pour le
cas d’espèce, avec certainement des politiques publiques d’apppui et d’aide.
Aujourd’hui, et sur la base de retour d’expériences de plusieurs
projets éditoriaux sur le Web, une entreprise de presse électronnique au Maroc n’est généralement pas viable économiquement.
Les investissements publicitaires en ligne restent faibles, d’où
la difficulté de l’émergence d’entreprises de presse en ligne, des
« pure players ». La configuration des projets web actuellement
au Maroc comprend deux catégories :
Une première catégorie de sites d’informations édités par des
entreprises qui fournissent d’autres prestations pour soutenir
l’activité gratuite d’information. Ces entreprises se positionnent
généralement dans la fourniture de services de développement
web, l’hébergement, la vente de noms de domaine, la formation
dans le domaine des nouveaux médias, Internet et le multiméddia en général. Certaines commencent à générer des revenus
publicitaires, mais le volume n’est pas encore en mesure de leur
assurer une viabilité tangible.
Une deuxième catégorie, regroupe des médias traditionnels qui
se positionnent sur Internet et s’adonnent, avec un manifeste
amateurisme, au journalisme en ligne avec une logique de préssence basique, peu attractive pour les jeunes par exemple... Ces
médias se contentent de dupliquer leurs contenus sans prendre
en considération les spécificités d’écriture multimédia. Ainsi,
l’investissement dans la version électronique est perçu comme
un centre de coût, qu’on semble supporter pour la supposée vissibilité que cette présence sur la toile offre au titre papier, d’où
246
dialogue national - media et societe
la faiblesse de la qualité de présence de plusieurs médias tradittionnels sur Internet et les nouveaux médias. En témoignent les
habitudes déclarées des 900 jeunes interrogés par notre enquête
nationale et qui ne témoignent pas d’une grande attractivité de
ces éditions électroniques des titres de la presse nationale, mais
il reste que l’avenir au Maroc est pour la presse électronique,
comme en atteste la tendance partout dans le monde84 :
En somme, le kiosque national, toutes périodicités confondues,
est encore profondément ancré dans la logique d’hier, la logique
de l’édition papier, conçue et trônant comme l’édition-mère,
l’édition « officielle » ou « attitrée », à laquelle on adjoint une
« copie » subsidiaire, à des fins de visibilité essentiellement, et
avec laquelle on ne fera pas preuve d’extrême rigueur au
84 - Pour la 1ère fois aux Etats-Unis, le nombre de lecteurs de la presse en ligne a dépassé le
nombre de lecteurs de la presse papier. Selon le dernier rapport du ‘‘Pew Research Center’s
project for excellence in journalism’’ (2011), 46% des américains disent s’informer au moins
3 fois par semaine sur Internet. Ils ne sont que 40% à déclarer lire des journaux sur papier.
Toujours selon la même source, en 2010, la publicité des journaux papier est estimée à 22,8
milliards de dollars, alors que celle sur Internet a atteint 25,8 milliards de dollars.
diagnostic global et analyse sectorielle
247
plan du contenu comme au plan des règles professionnelles et
déontologiques85.
2. L’Agence de presse : La MAP
L’Agence officielle, de par son Dahir de 1977 (notamment son
article 2), est parmi les organismes médiatiques qui ont investi
très tôt dans le web, après avoir bénéficié, début des années 80,
du Programme International de Développement de la Communnication (PIDC) de l’UNESCO pour réaliser, comme premier
média au Maghreb et 1ère agence arabe, son passage à l’informattisation de son processus de production et de diffusion. Plus de
vingt ans après son informatisation, la MAP offre une partie de
son fil gratuitement sur son site www.map.ma en six langues :
arabe, français, espagnol, anglais, chinois et japonais. Un reliftting de son site a été opéré au courant de l’année 2010 avec l’inttégration de contenus multimédia (photo, vidéo) et de dossiers
thématiques.
A noter aussi que la MAP est le seul organisme médiatique au
Maroc qui dispose d’un canal de news par SMS. Certes, la mise
à jour est aléatoire et irrégulière et le service est toujours dans
une phase expérimentale, mais au moins, il s’agit d’un embryon
85 - En France, le prestigieux hebdomadaire, « le Nouvel Observateur » a donné en 2008 une
preuve de cette légèreté de gouvernance que les médias traditionnels réservent à leurs éditions
électroniques : l’hebdomadaire publia sur son site web le contenu d’un prétendu SMS envoyé
par le Président Sarkozy à son ex épouse Cecilia, ce qui s’avéra faux et contraint les principaux
responsables du journal à présenter leurs excuses au Président et à sa deuxième épouse
Carla…Le directeur, Jean Daniel reconnut dans nombre de déclarations que lui et son équipe
ne réservaient pas la même vigilance professionnelle et déontologique à ce qu’ils diffusent sur
leur site, comparativement à ce qu’ils insèrent dans leur édition papier…S’excusant pour cette
« dérive », il écrivit dans un éditorial (13 Février 2008) : « De nombreux lecteurs partagent
cette indignation et s’alarment devant notre «dérive». La «dérive», c’est l’affirmation sur notre
site internet – et non dans l’hebdomadaire -, par l’un de nos journalistes, que le président de
la République était prêt, quelque temps avant son mariage, à en annuler les cérémonies à la
condition que son épouse précédente, dont il venait de divorcer, revienne à lui. C’était loin
d’être en conformité avec notre éthique. Cela ne l’a jamais été ». Pour le commentateur bien
connu, Alain Duhamel, « La difficulté du problème - et la responsabilité spécifique du Nouvel
Observateur -, c’est qu’Internet se prête tout naturellement à ces effeuillages réels ou imaginaires,
que les sites leur assurent une publicité instantanée et un retentissement d’autant plus fort que
la transgression est plus neuve, et que le nombre de connexions s’accroît proportionnellement
à la rumeur de scandale qui se propage. Si cela se produit sur le site d’un hebdomadaire aussi
prestigieux et aussi passionné d’éthique, c’est sans doute que l’invasion déferle ».
248
dialogue national - media et societe
dans l’exploration du potentiel de l’information par le mobile
surtout dans un marché marqué par un taux de pénétration qui
avoisine les 100%.
Sur un autre registre, l’Agence a exploré la distribution web
payante de ses services et surtout son fil d’information à parttir de début 2000. D’ailleurs, les dépêches de la MAP sont
aujourd’hui l’une des premières sources d’informations les plus
importantes parmis les médias marocains y compris les portails
et sites internet.
Abstraction faite de l’état actuel du site de la MAP, il n’en demmeure pas moins que l’Agence a une approche fonctionnelle
d’Internet. Une sorte de vitrine du contenu produit pour le fil
« traditionnel ». L’Agence n’a pas encore réussi à disposer d’une
vision stratégique dédiée à internet avec une approche organissationnelle permettant de fournir du contenu en ligne directemment sans subir les pesanteurs traditionnelles d’acheminement
de l’information via le fil officiel d’abord, conçu selon les canons
habituels d’une dépêche d’agence classique destinée à la presse
papier.
Outre le retard enregistré sur la convergence, puisque la logiqque qui prédomine sur le site de la MAP est « textuelle » au déttriment de la photo et de la vidéo, encore marginales et juste
illustratives de textes, l’Agence ne dispose pas de présence sur
les réseaux sociaux tels que Face book. Cependant, en 2011, un
compte Twitter a été lancé avec une mise à jour aléatoire et qui
consiste, le plus souvent, en une simple duplication de titrailles
ou « leads » de dépêches du « fil » principal de l’agence! (http://
twitter.com/map_maroc).
3. L’audiovisuel
Comparativement à la presse écrite, les médias audiovisuels,
surtout les portails de 2M et de Medi 1 ont marqué l’expérience
du contenu web au Maroc. La maturité de l’expérience de publiccation en ligne de contenu multimédia et audio a permis à ces
diagnostic global et analyse sectorielle
249
deux sites web de fournir très tôt une partie de leurs contenus
sur internet.
Certes, l’investissement « à perte » dans les projets web par
certains médias audiovisuels résulte en partie du niveau de la
santé financière de ces médias. La mise en ligne d’un site web
multimédia est perçue comme un prolongement de communiccation, mais sans pour autant arriver à un niveau de complémmentarité. Le web est perçu comme une vitrine qui reproduit le
contenu diffusé sur antenne (radio ou TV). C’est dire que malgré
la maturité de la diffusion en ligne des médias audiovisuels, Intternet n’est pas partie intégrante de la stratégie de production
d’un contenu spécifique pour ce canal qui commence à s’imposser avec force sous l’effet de la convergence, phénomène devenu
inévitable pour les médias du monde entier, au Nord comme au
sud.
Parallèlement, l’ouverture de l’espace hertzien a entraîné l’expplosion du nombre de radios. Un phénomène positif marque
cette ouverture, dans la mesure où le lancement des radios a
coïncidé généralement avec la mise en ligne simultanément du
contenu sur internet. La majorité des radios marocaines dispossent d’un site web avec la possibilité d’écouter leurs programmmes en direct sur internet. Certaines même ont investi dans des
plates-formes d’accès mobile. C’est le cas, à tire d’exemple, de
Luxe Radio (http://www.anaka.ma/) qui a lancé une application
Iphone téléchargeable sur l’Appstore de Apple.
250
dialogue national - media et societe
Liste des principaux Médias en ligne au Maroc
CASA FM
MFM ORIENTAL
MFM SAHARA
Chada FM
Radio Plus Marrakech
Radio Plus Agadir
Cap Radio
LUXE RADIO
Radio MARS
Radio MED
Akhbar Alyoum
Al Alam
Al Haraka
Al Ittihad Al Ishtiraki
Assahra Al Maghribia j
Al Massae
Al Mountakhab
Annoukhba
Assabah
Attajdid
Al Ahdath Al Magribia
Al Bayane
Bayane Al Yaoume
Actuel
Au fait
Aujourd>hui Le Maroc
Radio
Radio
Radio
Radio
Radio
Radio
Radio
Radio
Radio
Radio
Presse écrite
et Internet
Presse écrite
et Internet
Presse écrite
et Internet
Presse écrite
et Internet
Presse écrite
et Internet
Presse écrite
et Internet
Presse écrite
et Internet
Presse écrite
et Internet
Presse écrite
et Internet
Presse écrite
et Internet
Presse écrite
et Internet
Presse écrite
et Internet
Presse écrite
et Internet
www.chadafm.net
www.radioplus.ma
www.radioplus.ma
www.capradio.ma www.akhbar.press.ma
Arabe
www.alalam.ma
www.harakamp.ma
www.alittihad.press.ma
www.almaghribia.ma
www.almassae.press.ma
www.almountakhab.com
www.annoukhba.com
www.assabah.press.ma
www.attajdid.info
www. al ahdath.ma
www. al bayane.ma
www.bayanealyaoume.ma
Presse écrite
www.actuel.ma
et internet
Presse écrite
www.aufaitmaroc.com
et internet
Presse écrite
www.aujourdhui.ma
et internet
Français
251
diagnostic global et analyse sectorielle
Presse écrite
et internet
Centre
Marocain
de Presse écrite
Conjoncture (CMC)
et internet
Presse écrite
Conjoncture
et internet
Presse écrite
Journal de Tanger
et internet
Presse écrite
L>Économiste
et internet
Presse écrite
La Gazette du Maroc
et internet
Presse écrite
INFO MAGAZINE
et internet
Presse écrite
ITMaroc.com
et internet
Presse écrite
Libération
et internet
Presse écrite
MAP
et internet
Maroc
Hebdo Presse écrite
International
et internet
Presse écrite
Morocco Business News
et internet
Presse écrite
Le Matin
et internet
Presse écrite
La Marocaine
et internet
Presse écrite
North Africa Journal
et internet
Presse écrite
La Nouvelle Tribune
et internet
Autonews
L>Observateur.ma
L>Observateur
l>Entreprenariat
L>Opinion
La Vie Eco
Sodipress
TelQuel
Menara
Presse écrite
et internet
de Presse écrite
et internet
Presse écrite
et internet
Presse écrite
et internet
Presse écrite
et internet
Presse écrite
et internet
Internet
www.autonews.press.ma
www.conjoncture.ma
www.cfcim.org
www.lejournaldetanger.
com
www.leconomiste.com
www.lagazettedumaroc.
com
www.infomagazine.ma
www.itmaroc.com
www.libe.ma
www.map.co.ma
www.maroc-hebdo.press.
ma
w
w
w
.
moroccobusinessnews.com
www.lematin.ma
www.lamarocaine.com
www.north-africa.com
www.lanouvelletribune.
com
www.mybrowserbar.com
www.ode.ma
www.lopinion.ma
www.lavieeco.com
www.sodipress.com
www.telquel-online.com
www.menara.ma
252
dialogue national - media et societe
4. Journalisme citoyen :
Blogosphère & réseaux sociaux
L’évolution technologique a marqué la fin du monopole des journnalistes et des médias en tant que fournisseurs principaux et
exclusifs de l’information. Avec le développement des blogs, des
micro-blogs (Twitter) et les réseaux sociaux, la donne a changé.
Ces nouveaux médias ont permis l’explosion du phénomène de
journalisme du citoyen ou du « Net-citoyen ».
Au Maroc, le phénomène des blogs a commencé son développemment à partir de 2004. L’année 2006 a constitué l’année d’expplosion par excellence sous l’effet de la généralisation de l’accès
internet notamment l’internet haut débit (ADSL). Au départ, la
majorité des blogs étaient en langue française, au fil des années,
les plates-formes de blogging ont enregistré la multiplication
des blogs en langue arabe.
Que ce soit en français ou en langue arabe, les blogs et les podccasts via You tube et Dailymotion ont permis l’émergence d’un
journalisme de citoyens et amateur proactif. Ces outils de commmunication interactifs ont significativement élargi le nombre de
sujets dont les marocains peuvent discuter en dehors des méddias traditionnels qu’ils soient publics ou privés.
Ce mouvement d’information alternative venu d’internet a amenné les médias traditionnels à traiter de sujets auparavant tabous,
comme la corruption, la monarchie, la condition de la femme…
L’année 2008 a marqué un tournant dans cette dynamique d’infformation avec le boom des réseaux sociaux, principalement
Face book. Les internautes qui ont raté la vague des blogs, ont
profité de cette nouvelle tribune pour s’exprimer à travers les
pages Face book et leurs murs sur les faits marquants de la socciété : politique, grève, phénomènes sociaux, monarchie, islam…
D’ailleurs, Face book a enregistré une croissance fulgurante au
niveau du Maroc. Le Royaume comptait en Mars 2011 plus de
3,5 millions d’utilisateurs actifs sur ce réseau social qui fédère
plus de 600 millions utilisateurs à travers le monde.
On estime que le taux de pénétration de face book dépasse les
12% avec un ratio de 62% pour les hommes, contre 38% pour les
diagnostic global et analyse sectorielle
253
femmes. La tranche d’âge 18/24 ans est dominante avec plus de
40% de «face bookers» actifs.
Historiquement, le site est né à Harvard en tant que réseau
social fermé des étudiants de cette prestigieuse université qui
y publiaient leur album photo, d’où son nom (face book ou
«trombinoscope» en français). Par la suite, ses fondateurs l’ont
ouvert aux autres universités puis au grand public à partir de
mai 2007.
Concrètement, Face book est un réseau social qui permet à ses
utilisateurs de poster des informations personnelles (état civil,
photos, études et centres d’intérêt ...) et d’interagir avec d’autres
utilisateurs. Ces informations permettent aux membres de rettrouver les utilisateurs partageant les mêmes centres d’intérêt
qu’eux et de créer des groupes thématiques.
Plus intéressant encore, l’interaction permet à chaque membbre, sans nécessairement disposer d’un savoir-faire technique,
d’échanger avec son «réseau social virtuel» des messages, du
contenu multimédia (image et son). Une kyrielle d’applications
gratuites est mise à disposition par d’autres développeurs pour
permettre à chaque utilisateur de les intégrer à son espace virttuel (compteur de statistiques, films favoris, livres lus....).
Dans notre enquête nationale nous avons demandé aux jeunes
de noter entre 1 et 10 la fréquence de leur usage du Net pour
spécifiquement participer à ces réseaux sociaux :
254
dialogue national - media et societe
Dans la liste des 20 premiers sites visités par les Marocains,
Hespress a fait son entrée et se positionne à la 12ème place. Le
tableau ci-dessous indique ces vingt premiers sites :
Rang
Maroc
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
Face book
Google.co.ma
You tube
Google
Windows Live
Google.fr
Yahoo!
Kooora
MSN
Star Times
Wikipédia
Hespress
Conduit.com
XNXX Galleries
Maroc Telecom
Travian.ma
Comment ça marche
Maktoob.com
Inwi.ma
Source : alexa.com (données modifiées chaque jour, en fonction des clics)
diagnostic global et analyse sectorielle
255
Sur un autre registre, Twitter, le site de référence de micro-bloggging avec 140 caractères par message semble séduire de plus en
plus les internautes marocains : 400.000 utilisateurs en Mars
2011. Si jusqu’à présent, Twitter s’est imposé au fil des mois
comme un outil de communication interactif, c’est parce qu’il
est aujourd’hui le moyen le plus facile et plus accessible pour
poster une information et recueillir des réactions. C’est un outil
de micro-blogging de réseaux sociaux qui permet à ses utilisatteurs d’envoyer des messages (tweets) a une liste d’amis, il est
accessible à partir d’ordinateur ou/et de téléphone portable qui
permet d’informer une liste de personnes des actions du momment (conférence, meeting, manifestation de rue, concert…).
Twitter a séduit déjà les particuliers et les activistes du champ
politique. Il était au cœur de la course aux présidentielles aux
USA puisque Barak Obama l’a utilisé d’une manière intense
pour communiquer sur son programme mais surtout pour sa
levée de fonds nécessaires au financement de sa campagne électtorale.
Plus récemment, cet outil de micro-blogging était un vecteur de
communication pour couvrir et répercuter, dans la large planète
des médias du monde entier, traditionnels et nouveaux, les mannifestations post-électorales en Iran et les mouvements de prottestations en Tunisie, en Égypte, en Jordanie, en Algérie, au Yémmen, au Bahreïn, en Libye, à Oman, en Mauritanie, au Maroc…
Ce phénomène web commence à attirer l’attention des professsionnels de l’information. Les médias sont les premiers utilisatteurs qui ont adopté ce nouveau-né de la toile. C’est le cas, à titre
indicatif, de CNN, BBC, Al Jazzera, Al Arabia, France 24, AP,
AFP et autres en Asie, en Amérique latine, qui utilisent ce canal
pour annoncer des alertes et news fraîches. Au Maroc, certains
médias ont franchi le pas : la MAP, Au Fait, Yabiladi…Le succès
de Twitter ne se limite pas à la publication de news et des flashs.
Son moteur de recherche http://search.twitter.com est un outil
privilégié de veille, en premier lieu pour les journalistes86.
86 - Début Mars 2011, on apprenait que grâce à un récent « placement d’actions, Twitter s’est
valorisé à 7,7 milliards de dollars, soit 2 fois plus que la valorisation sous-tendue par une
256
dialogue national - media et societe
Néanmoins, l’usage du Twitter est encore au stade embryonnnaire au Maroc. Après la communauté des blogueurs «Blogomma», c’est une nouvelle communauté qui est en construction «
la Twittoma». Elle est jeune et sa caractéristique principale c’est
qu’elle est animée par des jeunes «geeks» très liés au secteur
des TIC.
Comme on le voit donc, la majorité de la population marocaine,
c’est-à dire la jeunesse, est foncièrement, et de plus en plus majjoritairement, tournée vers les nouveaux médias, vers les TIC
précisément, avec l’Internet et les réseaux sociaux et les divers
supports, canaux et plateformes qu’il offre à tout citoyen ou
groupe de citoyens qui y accèdent. Alors qu’en face, nos médias
nationaux (presse, agence, radios et télévisions) s’y engagent,
soit timidement, soit avec des projets ou initiatives inadaptées,
limitées, parce que fondamentalement inspirées par une culture
ante-ère numérique, d’avant l’ère du cyberespace.
Face à ces deux acteurs, la jeunesse connectée au cyberespace
et nos médias traditionnels, l’État semble ne pas dimensionner
les enjeux de ce nouveau monde à leur juste mesure par rappport aux attentes de la société (majoritairement jeune) ni aux
défis véritablement civilisationnels que ces technologies de l’infformation, de la communication et du savoir, recèlent pour le
développement et le futur du pays, aux plans politique, économmique, social et culturel, que le Maroc soit pris isolément ou
qu’il soit abordé dans les prolongements de ses environnements
géopolitiques et culturels (Afrique, Monde Arabe, bassin méditterranéen) ou qu’il soit encore appréhendé dans la globalité de
la société de l’information mondiale.
Par conséquent, il est impératif que, d’une part, l’État redimenssionne les objectifs de ses politiques dans ce vaste secteur des
nouveaux médias et TIC, en déployant une réforme globale et
profonde de toutes ses interventions, mécanismes et prérogativprécédente levée de fonds en décembre 2010. Les investisseurs intéressés ont accepté de payer
34,50 dollars par action Twitter lors du dernier placement mené par Sharespost, une Bourse
d’échange pour les actions de sociétés non cotées en Bourse.
diagnostic global et analyse sectorielle
257
ves dans le domaine. Le Maroc doit profiter de l’opportunité des
nouveaux médias pour encourager l’émergence d’une industrie
de la société de savoir. L’enjeu d’appropriation des technologgies de l’information et des nouveaux médias ne se limite pas
aux médias au sens traditionnel, il transcende d’une manière
transversale tous les secteurs de l’édition et la production de
contenu. Le numérique est ainsi un passeport privilégié pour la
croissance. La presse écrite, la presse audiovisuelle et les nouvveaux médias doivent investir dans l’économie du numérique
pour toucher de nouveaux lecteurs (internautes & mobinautes).
Y investir d’une manière volontariste sans le considérer comme
un centre de coût, mais plutôt comme un choix d’investissement
dans le futur de long terme.
A défaut d’un modèle économique viable, seuls les pouvoirs
publics et les acteurs du système éducatif peuvent contribuer
à l’émergence d’une culture de « nouveaux médias » et former
les acteurs qui prendront part à la dynamique de la publication
en ligne à travers les différents canaux : web, mobile, smartphonne…L’avenir des nouveaux médias dépend de plusieurs intervennants. La mise en œuvre d’une stratégie volontariste est tributtaire d’une approche participative et transversale des différents
acteurs, tels que : l’autorité de régulation l’ANRT, la HACA, le
Ministère de la Communication, celui de l’Enseignement Supérrieur et de l’Éducation Nationale, celui de la Culture, en plus du
ministère de l’industrie, du commerce et des nouvelles technollogies et du Ministère des finances à qui reviendrait le rôle décissif d’accompagner de manière volontariste et imaginative toutes
les politiques sectorielles de promotion, de développement et de
modernisation de ce champ crucial pour le Maroc de demain.
Les organismes représentatifs des secteurs des médias, en l’occcurrence le SNPM et la Fédération marocaine des Éditeurs de
Journaux (FMEJ) doivent être au cœur de cette dynamique de
promotion des nouveaux médias et non pas des forces de résisttance. Une démarche d’anticipation de leur part est l’alternattive nécessaire pour encourager l’écosystème de changement à
258
dialogue national - media et societe
même de permettre au Maroc de s’approprier les technologies
de l’information pour mettre à niveau son système médiatique
et jeter les bases d’une société de savoir participative et démoccratique.
La série de mesures proposées dans ce rapport peut paraître
imprégnée par une logique « d’assistanat ». Or, le Maroc doit
investir dans l’avenir et non pas rester prisonnier d’une logique
de court terme basée sur l’équation « dépenses/recettes ». Les
pouvoirs publics et particulièrement le système éducatif ont inttérêt à investir dans la nouvelle économie des médias s’ils veullent faire du Maroc un hub régional à fort valeur ajoutée et créer
de l’emploi dans les métiers des nouveaux médias, secteur fort
attractif par nature pour la jeunesse de ce pays si handicapée et
menacée par le chômage et le sous-emploi.
diagnostic global et analyse sectorielle
259
LE SECTEUR DE LA PUBLICITÉ
Dans le domaine des médias, la publicité est un élément essenttiel de ce droit de choisir dans une économie de concurrence.
Les rapports entre médias et publicité sont de nature ambiguë
et complexe : pour la presse et les autres médias, la publicité
est une ressource alors que pour les annonceurs, elle est un invvestissement. Si les intérêts des deux protagonistes convergent
souvent, ils ne se confondent pas cependant, car l’un est au servvice du public et l’autre au service des producteurs. C’est dire
combien sont fortes les liens réciproques entre les deux acteurs
qu’illustre l’intégration réussie de la publicité dans le paysage
médiatique de plusieurs pays. La publicité est omniprésente
dans tous les médias, elle est devenue un partenaire essentiel,
joue un rôle prépondérant dans le financement des médias. Tous
deux forment un couple indissociable, traversant des périodes
de crise et entretenant parfois des relations conflictuelles. L’un
des faits majeurs des prochaines années peut être marqué par
deux phénomènes : la montée en puissance de l’Asie Pacifique
dopée par la croissance exponentielle du marché chinois d’une
part, et la croissance de la publicité en ligne qui pèse désormais
plus que le segment de la publicité affichage et radio comme le
montre le graphique suivant :
Symbole de la société de consommation, la publicité fait de plus
en plus partie intégrante de l’économie du marché. C’est un
260
dialogue national - media et societe
rouage important de l’économie et elle participe puissamment
à son développement. Elle crée des marques, elle les fait vivre,
elle contribue à mettre en relation l’industrie et les services et
leurs consommateurs. Elle est l’émanation d’un type d’organisattion sociale caractéristique des pays industrialisés qualifiée par
certains théoriciens de “ démocratie mercantile ”. Par la multipplication de l’offre qu’elle permet, par la diffusion de l’informattion économique et par sa contribution à la “ transparence ” des
marchés, elle facilite l’accès du consommateur aux produits et
aux marques à un plus grand choix. Elle est considérée par M.
Dagnaud comme : “ Fille de l’économie de marché, chantre de
l’individualisme et du narcissisme de la petite différence, compplice de la communication de masse, elle symbolise une société
où les actes de consommation, loin de se résumer à la satisfacttion d’un besoin, incluent plaisir, projection, marque identitairre, immersion dans les mythologies contemporaines”87.
La publicité est un phénomène essentiellement occidental. Le
gros des investissements publicitaires est détenu par les pays
industrialisés. Les États-Unis arrivent en tête avec un marché en
2003 de plus de 148 milliards de dollars (45,7% du total monddial). Ce marché est quasiment le double de celui de l’Europe, 78
milliards (24% du total) pour près de 284 millions consommatteurs aux USA contre près de 370 millions en Europe. Ces deux
blocs sont suivis par l’Asie pacifique avec près de 64,5 milliards
(19,9%) et l’Amérique du Sud avec 16,3 milliards (prés de 6%
du total). Le reste du monde, qui regroupe la majorité des pays
du Tiers-monde, détient à peine 3%, soit près de 12 milliards de
dollars.
87 - Monique DAGNAUD, Enfants, consommation et publicité télévisée, op. cit. p. 7.
diagnostic global et analyse sectorielle
261
Source : ZenithOptimedia
Mais en raison de la crise financière qu’a connue le monde deppuis 2008, les investissements publicitaires ont enregistré un
recul dans la plupart des pays à l’exception de certains pays
émergents.
Au Maroc, chacun se rappelle des anciennes publicités qui passsaient à la télévision dans les années 70 et 80, et même les annnées 90. C’était plutôt des réclames, au sens primaire du terme.
Les produits étaient soit alimentaires soit des produits de premmière nécessité. Les supports médiatiques étaient limités : la téllévision unique (RTM), Médi1, le Matin et la Vie économique.
Dans les années 90, un début de professionnalisation prend
forme, avec l’émergence d’agences de communication, lesquellles avaient plus de choix, avec l’apparition de 2M et de quelqques nouveaux médias, comme l’Économiste. Mais l’économie
et la structure entrepreneuriale ne se prêtaient pas encore à une
activité publicitaire massive. On peut avancer que ce sont les
agences de communication, recrutant des profils de mieux en
mieux formés à la publicité multi-support, qui ont véritablemment mis au jour les besoins de communication des entreprises.
Mais c’est le processus de mondialisation qui a donné le coup
d’envoi à une véritable politique de communication au sein des
entreprises. Parallèlement, l’apparition, puis la multiplication
de nouveaux supports de publicité ont encouragé et favorisé ce
262
dialogue national - media et societe
mouvement. Ainsi, en matière de presse écrite, Maroc Hebdo et
Le Journal ont rejoint les supports écrits déjà existants. Quant
aux supports hors médias, ils ont fait leur première apparition
avec les grands panneaux d’affichage lancés à la fin de la déccennie 90 par FCcom, premier et dominant intervenant dans le
secteur encore aujourd’hui.
Au début des années 2000, TelQuel arrive sur le marché, presqque simultanément à Économie & Entreprises, et ouvrant la
voie aux autres, comme Assabah, Essor, M Magazine, Parade,
et l’ensemble de titres féminins arabophones et anglophones.
On ne sait pas, et on ne saura jamais, si c’est un besoin éditorial
nouveau qui a été à l’origine de la création de ces titres, ou si
c’est plutôt une activité publicitaire pléthorique qui nécessitait
de nouveaux supports, en faisant naître au passage des vocattions éditoriales. Toujours est-il qu’au milieu des années 2000,
la publicité battait son plein avec la fameuse triade publicitaire
: téléphonie, automobile et immobilier, en plus de l’État qui est
devenu résolument annonceur à travers ses ministères, ses officces, ses régies et ses entreprises publiques et semi-publiques.
Évolution des investissements publicitaires
au Maroc (en M DH)
1988
1996
2001
2005
Montant
PDM
Montant
PDM
Montant
PDM
Montant
PDM
Télévision
106
53
290
38,67
640
32
840,01
30,27
Presse
30
15
98
13,07
254
12,7
295,26
10,64
Radio
24
12
45,5
6,07
102
5,1
110,72
3,99
Affichage
Cinéma
Total grand
médias
Total hors
médias
Total général
7
3,5
25,3
3,37
145
7,25
225,87
0,8
0,4
1,2
0,16
4
0,2
0.44
0,16
167,8
83,9
460
61,33
1145
57,25
1 476,3
53,2
32,2
16,1
290
38,66
855
42,75 1 298,7
46,8
200
100
750
100
2000
100
2 775
8,14
100
Source : Régie 3
diagnostic global et analyse sectorielle
263
En 2007, le chiffre d’affaires publicitaires tous médias dépassait
les 2,5 milliards de DH, avec 500 millions de DH exclusivement
dans la presse écrite.
La répartition de cette manne se faisait inégalement entre télévission, radios (entretemps libéralisées), affichage et presse écrite.
Ainsi, les produits de base ou de première nécessité (CSP CDE)
annonçaient sur les télévisions, les radios, en d’autres termes les
supports audio-visuels, et l’affichage. Quant aux produits desttinés aux CSP A et B, ils allaient vers la presse écrite, essentielllement francophone, qui présentait une offre d’espaces importtante. De 2005 à 2007, la presse écrite a connu ses meilleurs annnées, l’argent de la publicité coulant à flots ininterrompus et les
journalistes étant de mieux en mieux payés. Durant la période
faste de la publicité, certains journaux avaient même développé
des stratégies de protection de leur indépendance à l’égard de
l’État, agissant sur leurs services commerciaux pour réduire la
part publique dans leur CA publicité et accroissant d’autant cellui des privés, et surtout la part multinationales dans celui-ci.
Ainsi, des périodiques comme TelQuel avaient une proportion
de 70% environ de privés, et 30% de public, et dans la part privvée, près de 60% du CA étaient commandés par des multinationnales. Cette politique, reprise plus tard par le Journal, puis par
les arabophones, comme al Massae, permettait de sécuriser un
CA publicité qui entrait environ pour 50 à 60% dans les ressourcces de ces entreprises.
La structure du marché publicitaire au Maroc se distingue de
celle des pays européens, par la prépondérance des investissemments via les médias qui représentent, en 2005, 53,2% du tottal des dépenses publicitaires réalisées au cours de cette année,
contre 46,8% pour le hors média. La TV détient une place privillégiée puisqu’elle occupe la première place avec 56,9% des parts
de marché médias et 32% du total des investissements publiccitaires, suivi par la presse avec 20%. La structure du marché
se caractérise aussi par des écarts significatifs entre différentes
catégories de titres de la presse écrite. Le tableau ci-dessous
264
dialogue national - media et societe
montre, à titre indicatif (à 10% près), le classement des titres de
presse écrite qui viennent en tête au Maroc en matière de chiffre
d’affaires publicitaire mensuel, en 2008 (en Dirhams) :
Périodique L’Économiste le Matin
CA pub
10.000.000
Telquel
la Vie éco al Massae Assabah
8.000.000 3.000.000 2.500.000 2.500.000 2.000.000
Trois enseignements peuvent être tirés de ce tableau :
- La presse francophone dépasse de loin son homologgue arabophone, toutes périodicités confondues, en
matière de CA publicitaire ;
- La presse quotidienne, quelle que soit la langue,
réalise des chiffres plus importants, et de loin, que
la presse hebdomadaire. La raison de ceci se trouve
dans le nombre de numéros au mois, plus importants
dans le quotidien que dans l’hebdo, mais aussi dans
les tirages des quotidiens, de loin supérieurs à ceux
des hebdomadaires ;
- Les titres cités sont ceux qui disposent d’un véritabble service commercial, structuré, hiérarchisé et doté
d’une véritable stratégie de ventes et de prix, combinnant agressivité et dumping.
Pour les autres périodiques, le chiffre d’affaires publicitaire est
réalisé principalement par le directeur de la publication, qui utillise pour ce faire son réseau de connaissances, forcément large
pour un journaliste. L’avantage est que ces personnes ont acccès directement aux dirigeants d’entreprises ou d’administrattions, mais l’inconvénient réside dans l’avantage même, puisqque le procédé est porteur de ses faiblesses, à savoir un certain
amateurisme rejeté par les entrepreneurs mais aussi et surtout
par les agences de communication qui voient dans ces interventtions des incursions – intolérables et non tolérées – dans leurs
chasses gardées… Sans parler de l’inévitable influence de l’annnonceur sur les choix rédactionnels, étant ainsi démarché par
contact personnel et personnalisé.
265
diagnostic global et analyse sectorielle
D’un autre côté, l’état du chiffres d’affaires publicitaire pour
2007 et 2008 fourni par le GAM (Groupement des Annonceurs
du Maroc) est autrement indicatif car il semble être basé sur
une «pige» (relevé systématique) qui ne tient pas compte des
dégressifs accordés ou des espaces offerts. Les chiffres d’affairres ci-dessous sont basés sur les pleins tarifs des supports. A
notre connaissance, ces valeurs devraient pouvoir être réduites
de 40 à 50%, essentiellement pour la presse écrite. Ce tableau,
enfin, ne fournit pas de renseignements sur l’exercice 2009, qui
aurait montré la chute sévère des budgets publicitaires confiés,
sur tous les supports.
Média
Affichage
Catégorie
Media
Arabophone
Presse quotid.
Francophone
Arabophone
Presse hebdo.
Francophone
Support
2007
2008
FC Com
178 031 634 196 238 852
City Pub
53 049 000
61 381 000
White Owl
49 168 368
46 738 516
New Pub
43 608 000
49 768 000
Smarty Pub
34 847 678
34 782 480
Al Massae
33 981 700
65 961 950
Assabah
37 856 500
42 909 000
Al Ahdath
24 506 500
17 123 300
Assabahia
882 100
4 400 750
Le Matin
85 733 260
88 581 860
L’Économiste
105 116 000 125 295 800
Aujourd>hui
le Maroc
29 682 850
34 377 100
L’Opinion
9 397 843
4 650 470
Al Ayyam
5 422 500
5 164 400
Telquel
33 043 000
45 707 000
le Journal hebdo
25 348 000
26 464 000
Maroc hebdo
16 447 600
16 209 000
Challenge
20 180 000
25 193 000
La vie éco
41 564 700
42 514 000
Finances News
7 838 500
7 531 200
266
dialogue national - media et societe
Économie
Presse mens.
Économique
15 346 750
14 021 100
Nissae min
al Maghrib
10 691 200
9 633 000
Lalla Fatema
2 559 000
4 230 000
Nissae min
al Maghrib
10 691 200
9 633 000
Femmes du Maroc
19 947 600
22 575 600
Famille actuelle
13 364 300
15 675 000
Plurielle
9 394 000
11 770 000
Au fait
6 211 500
15 730 300
& Entreprises
Arabophone
Presse mens.
fém
Francophone
P r e s s e
gratuite
Medi1
Radio
Média
Catégorie
Media
Hit radio
80 511 059 158 575 397
Casa FM
54 203 363
70 014 118
Radio 2M
51 738 804
51 169 992
Radio Aswat
41 258 690
71 501 050
Atlantic radio
37 202 737
48 943 814
MFM Souss
21 059 012
53 516 094
Radio plus Agadir
5 866 286
17 065 461
Chada FM
6 981 345
29 747 536
Support
2007
2008
1 492 829
148
1 545 675
963
2M
Al Oula
Télévisions
128 686 760 129 367 783
517 361 113 581 639 701
Nessma TV
275 689 672 Arriyadia
21 777 989
39 161 150
Media1 SAT
16 464 995
10 639 559
Source : GAM, en DH
Bien que les chiffres ne correspondent pas à la réalité des CA
effectifs enregistrés et encaissés, et bien qu’ils n’aillent pas jusqqu’à l’année charnière en matière de publicité qu’à été 2009, on
peut tirer de ce tableau de nombreux enseignements :
diagnostic global et analyse sectorielle
267
- En affichage, la société FC Com tient une grande part
du marché, loin devant ses concurrentes ;
- Pour les quotidiens arabophones, les chiffres sembblent être au double des CA effectifs, mais le marché
semble respecter les audiences, à l’exception notable
d’Assabahia, dont l’exemple montre l’orientation des
annonceurs, Assabahia a des annonceurs principalemment publics, comme la CGI ;
- Pour les quotidiens francophones, le Matin semble
avoir perdu face à l’Economiste, qui attire davantage
les annonceurs, en raison de sa qualité éditoriale, et
de la souplesse relative de son service commercial en
comparaison avec la rigidité dont fait montre les équippes du Matin, selon nombre d’acteurs du secteur ;
- Telquel est le seul hebdomadaire qui semble emportter l’adhésion des annonceurs, mais la tendance s’est
inversée dès 2009 ;
- Lalla Fatema, pour ses Unes marocaines, pour son
contenu populaire, est le magazine féminin qui aura
connu la plus forte croissance de son CA en 2008, et
ça s’est poursuivi en 2009 ;
- Les gratuits se tiennent bien également, mais la questtion est de savoir si les chiffres réalisés permettent au
modèle économique de se maintenir, en l’absence de
ressources de vente suffisantes ;
- Pour les radios, et malgré les difficultés administrativves rencontrées par Hit Radio, force est de reconnaîttre que son contenu plaît : les annonceurs ne s’y sont
pas trompés en confiant à cette station le CA le plus
élevé en 2008, en dépassement de l’historique Médi1 ;
mais il est très important également de remarquer les
chiffres réalisés en région d’Agadir, avec des CA qui
triplent presque d’une année sur l’autre, montrant les
dispositions des annonceurs à l’égard des médias étab-
268
dialogue national - media et societe
blis dans des régions affichant un grand dynamisme
socio-économique ;
- Enfin, pour les télévisions, et en l’absence de chiffres
significatifs sur les audiences des TV étrangères, il
est important de relever que Nessma TV est arrivée
à réaliser la moitié du CA d’Al Oula, chaîne nationale
et historique. Quant à 2M, elle plafonne puisque la
publicité la finance à presque 100%.
Quels sont maintenant les secteurs les plus marquants en mattière de budgets publicitaires ? Leur connaissance et une étude
approfondie et précise montreraient les axes de réflexion pour
la création de nouveaux médias, ainsi que les niches à investir
en la matière. Observons le tableau ci-dessous, tiré des chiffres
publiés par le GAM :
Affichage
2007
2008
2007
2008
2007
2008
2007
2008
Secteurs
d>activité
Presse
Radio
TV
Télécommunication
109 185 114 129 69 083
70 952
110 131 146 740 814 443 644 914
Alimentation
Org. financiers assureurs.
Transport
24 667
29 783
19 470
18 666
41 558 329 282 397 629
50 205
51 612 105 932 95 137
71 655
92 388 156 541 96 924
50 605
74 666 122 663 159 787 27 985
Immobilier
30 402 46 706
13 367
55 795
13 206
12 479
66 504 127 002 21 450
29 367
27 508
41 603
Enseignement
7 865
8 990
32 283
43 957
3 190
10 634
41 036
1 341
Services
16 741
9 835
49 550
50 544
55 506
85 459 248 349 193 434
Source GAM, en MDH
Ici aussi, et malgré un marché médias qui se cherche encore au
Maroc, il est important de souligner que les annonceurs respecttent leur logique de fonctionnement :
- Les télécoms, comme secteur ciblant la masse, intervvient principalement sur les supports de masse, avec
la télévision loin devant l’affichage et la radio, à égallité, la presse venant loin derrière ;
- Le secteur des transports, incluant l’industrie autom-
diagnostic global et analyse sectorielle
269
mobile, privilégie, pour ses annonces, la presse, l’autommobile étant essentiellement un produit pour CSP
ABC, des catégories qui lisent. De plus, ce genre de
produit accorde une place importante au visuel, d’où
la présence de l’affichage en seconde position. Là, la
presse n’est plus un support d’appoint comme aiment
à le dire les annonceurs, mais un véritable média de
priorité ;
- Il en va de même pour le secteur de l’enseignement
qui, remarque décisive, a compris en 2008 que sa cibble ne regarde pas la télévision, ce qui souligne le fort
limité rapport du jeune public à la télévision nationale;
- Enfin, la logique continue de la nette préférence des
annonceurs «alimentaires» pour la télévision et son
public.
Depuis 2009, la crise a été aussi brutale qu’imprévue. D’abord
financière, elle n’a pas vraiment touché le Maroc, pour diverses
raisons. Ensuite économique, les tissus productifs nationaux
ont été atteints en plein cœur. L’économie marocaine est une
économie basée sur l’industrie de transformation (en grande
partie textile) et l’industrie agroalimentaire, les deux destinées
à l’export. Le tissu industriel national n’étant pas orienté vers la
consommation intérieure, celle-ci est alimentée par une importtation à vaste échelle de produits finis. Or, ce sont ces industries
(automobile, électroménager, équipementiers téléphoniques…)
qui constituent l’ossature de l’activité publicitaire nationale,
avec le secteur bancaire, les opérateurs téléphoniques et l’immmobilier.
Par ailleurs, la consommation des ménages est le fondement de
l’activité économique nationale. Cette consommation, au vu du
pouvoir d’achat, est soutenue par le crédit à la consommation
sous toutes ses facettes, leasing, crédits personnels, prêts à court
terme, facilités de caisse, location longue durée… Aussi, lorsque
la crise financière a basculé en crise économique, le Maroc a été
270
dialogue national - media et societe
durement touché, les organismes de crédit étant filiales de banqques, elles-mêmes de grandes institutions étrangères, durement
ébranlées par la récession des pays de l’OCDE. En effet, l’économmie productive est entrée dans une phase de marasme, mettant
en péril des centaines d’entreprises et, par là-même, les emplois
qu’elles assurent. Les impayés se sont alors multipliés auprès
des organismes de crédit, lesquels organismes ont ralenti leur
production.
De leur côté, les banques, sollicitées de toutes parts par les invvestisseurs étrangers qui se financent au local, ont été contrainttes, au vu du resserrement de leurs trésoreries, de ralentir les
financements à l’économie et aux sociétés de financement, rédduisant de façon encore plus drastique les crédits consommattion, et donc la consommation de biens et de services. Conséqquence logique : les budgets de communication et de publicité
ont été revus à la baisse, parfois simplement annulés. Ce n’est
pas le plus grave, car la crise économique a grandement et durrablement affecté les habitudes des annonceurs en matière de
communication externe.
En effet, la bulle qui prévalait voilà encore deux ans a, semblet-il, éclaté : un changement dans le choix et la priorité des suppports est intervenu suite à la crise, les annonceurs délaissant de
plus en plus la presse écrite pour d’autres supports plus visibles,
comme l’affichage, ou plus audibles, la radio et la télévision.
Tout compte fait et d’après les chiffres, approximatifs, mis à nottre disposition lors du Dialogue national, la presse écrite, toutes
langues et toutes périodicités confondues, a perdu de 2008 à
2009, 15% sur le chiffre d’affaires, puis 30% entre 2009 et 2010
(projection), soit un total de près de la moitié du chiffre d’affairres publicitaire entre 2008 et 2010. Les budgets n’ont pas tous
été affectés à d’autres supports puisqu’une partie a été purement
et simplement annulée. Mais le reste a migré vers l’affichage et
la radio, grands bénéficiaires de cette crise.
diagnostic global et analyse sectorielle
271
Le changement revêt une très grande importance en matière de
médias car les modèles économiques qui régissent la presse écritte, à savoir une répartition 60-70% des ressources en provenancce de la publicité et 40-30% par les ventes sont remis en cause.
Certains annonceurs ne voulant plus avoir de périodiques dans
leurs médias plannings ou, pour maintenir leurs relations avec
la presse, réduisent à une portion congrue leurs investissements
publicitaires, soit un ou deux passages toutes les deux ou trois
campagnes. C’est le cas par exemple de LG, de Samsung, de Rennault, de Hyundai… qui ont ouvertement déclaré leur nouveau
positionnement en matière de publicité dans la presse écrite.
En matière d’audience, les annonceurs qui privilégiaient jusqque-là l’approche quantitative du lectorat, semblent aujourd’hui
mettre davantage l’accent sur l’aspect qualitatif des lecteurs,
insistant sur le profil, la classification socioprofessionnelle et
donc, sur le retour sur investissement de leurs annonces. De là
découlerait, ou découlera, un net recul de l’audience, en faveur
du Web ou de l’affichage, supports hors médias qui ont actuelllement la grâce des annonceurs. Et ce mouvement, semble-t-il,
n’en est encore qu’à ses débuts.
En définitive, nous pouvons conclure que le modèle économiqque qui a fait la fortune de certains organes de presse, et qui a
contribué à faire paraître de nouvelles tribunes, à façonner des
vocations journalistiques, est en passe de disparaître. Selon certtains acteurs et analystes du secteur, les journaux qui pourront
encore exister sont ceux qui seront créés à l’avenir, ou les acttuels qui se regrouperaient pour fonder des groupes à l’assise finnancière plus solide et à l’audience plus large, et qui répondront
à d’autres critères que celui de l’analyse politique et économique
pointue : les gratuits, les thématiques et les almanachs divers.
En dehors de cela, la publicité irait fort probablement vers les
nouveaux supports : radios, télévisions et affichage.
Or, la gestion des entreprises de presse repose sur un principe
fondamental : c’est à partir des ressources publicitaires qu’on arrrête l’ensemble du budget notamment les charges. C’est en fonct-
272
dialogue national - media et societe
tion du nombre de pages publicitaires qu’on fixe celui consacré
à la rédaction. Ainsi, et c’est là un point essentiel de l’économie
de la presse, la publicité va commander la rédaction. Ce qui est
aberrant dans la mesure où, au niveau de la déontologie de l’infformation, c’est l’abondance de l’actualité qui doit déterminer le
nombre de pages. Par conséquent ; quel que soit l’ampleur des
évènements et de l’actualité, on ne pourra pas trop en parler si
on ne dispose pas de réserves financières suffisantes pour couvvrir les frais d’impression.
La publicité exerce donc une influence directe sur la pagination
des journaux. Les quotidiens ayant peu de ressources publicitairres offrent à leurs lecteurs des exemplaires deux à trois fois plus
minces que les autres88. Aussi, malgré l’impression que peut
donner une publication abondamment pourvue de publicité,
elle comporte en fait plus de textes rédactionnels. Sachant qu’il
est admis que la publicité ne doit pas dépasser une proportion
raisonnable (au plus, 50%).
Par ailleurs, une publication riche en publicité est aussi parfois
mieux présentée car les annonceurs tiennent à ce que leurs placcards soient bien mis en valeur. Esthétiquement aussi, la pubblicité influe sur la mise en page du journal et en général de
manière positive. Ainsi, pour répondre aux exigences des annnonceurs et des publicitaires en matière de qualité, beaucoup
de publications ont dû améliorer de façon sensible, la mise en
page, la qualité du papier, pour assurer les reproductions phottographiques satisfaisantes, utiliser sans cesse plus de couleurs,
et même changer de format.
La publicité affecte aussi le contenu rédactionnel de la presse,
car bien qu’en principe, les domaines soient censés être séparés,
il n’empêche que le journal subit, de temps à autre, des pressions
et il est parfois obligé de faire des concessions pour avoir plus de
publicité. Il a tendance ainsi à gommer certaines prises de posit88 - Libération, Al Bayane et L’Opinion ont des surfaces rédactionnelles bien plus limitées que
celles de L’Economiste ou du Matin du Sahara.
diagnostic global et analyse sectorielle
273
tion et à neutraliser un contenu pour ne pas déplaire ou effarouccher ni les lecteurs, ni les annonceurs. On peut donc, considérer
que les titres dépendant exclusivement de la publicité peuvent
être plus vulnérables que d’autres aux pressions de gros annoncceurs. Les exemples des pressions des annonceurs ne manquent
pas et la plupart des journaux ont eu à faire face à cette amère
expérience (retrait ou non renouvèlement de contrat) lorsqu’ils
publient des informations qui déplaisent aux annonceurs, toucchent leurs intérêts ou incommodent leurs alliés politiques ou
d’affaires89.
Enfin, ajoutons que d’autres publications se compromettent et
se laissent aller à des comportements mercantilistes en s’adonnnant à la publicité clandestine et au « publi-reportages » déguissés, ou en multipliant les dossiers entiers fournis « clé en main
» par les services de communication de grandes entreprises ou
des pages spécialisées, afin d’attirer le plus de publicité, au point
que certaines publications périodiques (notamment les magazzines) sont devenues des sous produits publicitaires plutôt que
des supports d’information.
Bien entendu, la presse n’est pas la seule à bénéficier de la publiccité car d’autres supports la concurrencent. Les publicitaires disttinguent habituellement entre les grands médias qui comprennnent outre la presse écrite, la TV, la radio, l’affichage (publicité
extérieure) et le cinéma, et les “ hors média ” qui englobent les
techniques de communication n’utilisant pas les médias classiqques tels que la publicité sur les lieux de vente (PLV), le mailing,
les envois à domicile, la promotion des ventes, la publicité directte (ou marketing direct), les jeux, l’envoi de produits gratuits,
les foires, salons d’exposition, l’insertion dans les annuaires etc.
Il s’ensuit qu’au niveau de la répartition de ces investissements,
on peut dégager deux constats :
89 - La dernière en date au Maroc est l’affaire du quotidien «Al Massae» avec «Lydec». et celle
du groupe Chaabi avec L’Economiste
274
dialogue national - media et societe
§d’une part, dans l’ensemble des pays européens, hormis
l’Espagne et l’Italie, la presse continue encore à dominer
le marché des médias, puisque sa part, malgré sa régresssion au profit de la TV, représente encore plus de 50%
des investissements dans les médias,
§d’autre part, les dépenses hors médias accaparent une
part importante des dépenses des annonceurs qui dépassse dans plusieurs cas les 50%.
Par ailleurs, si dans la plupart des cas, les entreprises de
presse gèrent elles-mêmes leur publicité et leurs petites annoncces, elles recourent parfois à des régies publicitaires, dont le rôle
diffère des agences de publicité, car leur objet est de gérer et de
promouvoir la publicité dans les supports dont elles sont respponsables. Tel est le cas, par exemple, de « Régie 3 » qui, à coté
de « 2M », « Médi1 » et Télé plus gère aussi les trois publicattions du Centre Marocain de Conjoncture, Maisons du Maroc, Femmes du Maroc, Sur la 2, Nissaa Mina Al Maghreb, Radio
2M, Médi1 SAT, le Courrier de l’Atlas et le portail Menara.
diagnostic global et analyse sectorielle
275
LA FORMATION DU JOURNALISTE
Dans la quasi-totalité des débats sur les médias au Maroc,
comme dans les conflits et reproches entre la presse et ses intterlocuteurs (autorités, société civile, publics), la question de
la formation est un véritable leitmotiv dans nombre de réacttions critiques et d’attaques à l’endroit des journalistes. Mais si
à l’échelle internationale, dans les pays aux longues traditions
de journalisme et de démocratie, on retrouve de plus en plus
d’incriminations de cet ordre, elles évoquent le plus souvent la
dimension de l’éthique et de la déontologie.
Au Maroc, comme dans nombre de pays aux modestes, fragiles
ou récentes expériences, en matière de presse et de démocrattisation, l’invocation critique cible invariablement les deux dimmensions de la pratique du journalisme : le professionnalisme
et l’éthique. Dans la réalité marocaine, qui est de tradition franççaise à plusieurs égards, en matière de presse, on fait toujours le
distinguo entre « professionnalisme » et « déontologie » alors
que ce distinguo n’existe pas, comme on le sait, dans les tradittions du journalisme anglo-saxon pour qui le terme « professsionnalisme » englobe intrinsèquement les normes et les prattiques d’ordre éthique et déontologique. Mais en fait, on fait le
distinguo au Maroc parce qu’il y a lieu de départager, dans la
pratique du journalisme marocain, entre des déficits et dysfoncttionnements qui reviennent à l’apprentissage et à la formation
technique, sur les techniques d’élaboration de contenus de méddias, et ce qui doit les accompagner comme « code de conduite »
éthique et moral en usant de ces techniques, les techniques du
journalisme qui, elles, nécessitent, partout dans le monde, une
formation initiale et un perfectionnement constant ou formtion
continue.
Historiquement, le Maroc indépendant s’y est pris tard, relattivement, pour ériger l’apprentissage du journalisme comme
offre d’enseignement universitaire. Ce n’est qu’en 1977 que
l’Etat créa par statut législatif (Dahir) l’institut supérieur du
journalisme (ISJ), transformant par là le Centre de formation
276
dialogue national - media et societe
de journalistes (CFJ) créé, en 1970, par une fondation ouestallemande, en partenariat avec le ministère de l’information de
l’époque (ministère de la Communication maintenant) et qui est
toujours l’autorité de tutelle de l’ISIC actuel90. On peut distingguer deux phases dans l’évolution de l’enseignement du journallisme au Maroc.
Une première phase qui débuta avec la 1ère promotion de diplômmés, de niveau universitaire, en Juin 1974, grâce à une offre pubblique de ce niveau de formation, celle du « CFJ », sous tutelle
du Ministère de l’Information91.
Une deuxième phase qui débuta au début des années 90, au
lendemain du colloque national sur la communication de 1993,
avec l’apparition, pour la première fois au Maroc, d’une offre de
formation au journalisme par des institutions privées au statut
imprécis du point de vue légal, officiant sur la base d’autorisattions délivrées par le département de la formation professionnnelle et non par le Ministère de l’enseignement supérieur. Avec,
dans certains cas de ces écoles privées (une au départ, trois
dans les années 2000) des ambigüités dans les statuts et les
autorisations telles, qu’elles sont réputées davantage tolérées
qu’irréprochablement établies aux yeux de la loi et par référence
au niveau de la qualité de leur offre de contenus de formation
quasi unanimement critiqués par les milieux des professionnels
et des formateurs du secteur public. Certaines n’ont absolument
pas obtenu un feu vert formel de la part du Ministère de l’enseiggnement supérieur, d’autres invoquent une reconnaissance plus
90 - Après avoir lancé un programme de recyclage de journalistes en 1968, la fondation allemande,
affiliée au Parti Libéral ouest-allemand, la « Fondation Friedrich Naumann » organisa, janvier
1970, en partenariat avec le ministère de tutelle du secteur un concours national pour recruter 15
étudiants pour un cycle de formation de 4 années, niveau licence à l’époque. La même Fondation
initia des projets similaires en Égypte et en Tunisie où son projet se transforma par la suite en
l’IPSI actuel, comme le CFJ marocain devint en 1977 l’ISJ, une fois créé par Dahir.
91 - En 1976, suite à une lettre ouverte au Ministre d’État à l’information, parue dans la presse et
dénonçant, au nom des lauréats des lauréats des trois premières promotions du CFJ, l’absence
dans le corps enseignant de professionnels marocains, le Ministère accorda des bourses pour
une poignée de lauréats pour préparer des doctorats à l’université Paris 2 afin de constituer le
1er noyau de professeurs spécialisés marocains. Un recours qui devint par la suite une tradition
annuelle à l’ISJ, permettant ainsi d’augmenter chaque année le corps des enseignants nationaux,
ce qui explique, entre autre, le fort taux d’encadrement actuel à l’ISIC.
diagnostic global et analyse sectorielle
277
ou moins explicite ou tacite de ce département, d’autres encore
n’officient qu’avec le statut ou autorisation d’une unité de formmation professionnelle accordé par le ministère concerné par ce
secteur et celui de l’emploi…
D’autre part, durant la première phase, qui a duré une décennie,
les diplômés du CFJ (créé en 1970) puis de l’ISJ (créé en 1977),
étaient pour ainsi dire retirés du marché du travail, ayant l’obliggation, à l’époque, d’effectuer leur période de deux années de
« service civil » comme tous les diplômés de l’université, de nivveau de la licence. Ce qui profita exclusivement aux médias pubblics et aux administrations publiques (Ministères, organisme
publiques, administrations de la gouvernance locale – préfecttures, provinces, wilayas- etc.). On était alors devant un champ
d’offre et de demande qui, pour les lauréats, leur garantissait
dès le départ leur premier emploi (affectation automatique dès
la remise du diplôme final du CFJ, puis de l’ISJ) et en leur assurrant, dans la quasi-totalité des cas, l’intégration définitive dans
le média public ou administration publique où le « civiliste » a
effectué ses deux années obligatoires, à la place du service milittaire, rappelons-le, qui était le lot des jeunes de cette génération
qui n’arrivaient pas au stade universitaire.
La seconde phase historique de la formation du journaliste commmença, quant à elle, avec la disparition du service civil en 1984.
Mais jusqu’au début des années 90, l’institut public restait la
seule institution qui offrait exclusivement au Maroc une formattion universitaire (Bac+4) en journalisme écrit et audiovisuel.
Comme on peut dire que ses promotions ne rencontraient pas
alors de chômage, mais se voyaient quand-même confrontées à
la réalité du marché qui, pour l’essentiel, se réduisait alors à des
offres de salaires peu motivants, dans les médias publics commme dans les médias partisans (dominants en ces années là et qui
pratiquaient des « salaires de militants ou de sympathisants)…
Les publications partisanes n’offraient que rarement aux jeunes
recrues leurs droits sociaux de base que les médias publics sont
obligés d’accorder conformément à la loi et à la législation du
travail (contrat, couverture sociale…).
278
dialogue national - media et societe
Cette nouvelle situation, alors que le journalisme marocain bénnéficiait enfin de ses deux premières générations de journalistes
formés sur les bancs de l’université, s’installait dans une périodde des plus difficiles pour les diplômés universitaires du pays
en général qui n’avaient même plus la garantie de la première
insertion dans le monde professionnel qu’offrait le service civil
obligatoire. De 1984 à pratiquement le milieu des années 90,
le Maroc était aux prises avec l’impact catastrophique sur les
programmes sociaux, dont l’enseignement et l’emploi, en plus
de la santé, du « PAS » (programme d’ajustement structurel)
imposé à nombre de pays en développement par les institutions
financières internationales…Les jeunes diplômés universitaires
ne trouvaient même plus d’offres de concours à l’embauche, durrant ces années là (marquées, entre autres, par les graves émeuttes et mouvements de contestation des jeunes en 1981, 1984 et à
l’occasion de la grève générale de décembre 1990 et les émeutes
qui l’ont marquée) 92…
Néanmoins, la faible offre, du fait que l’ISJ (ISIC par la suite)
avait le monopole de la formation dans le secteur et ne mettait
sur le marché chaque année qu’entre 30 et 40 diplômés ( moitié
arabophones, moitié francophones et avec une moyenne de 10%
d’étrangers), a fait que, malgré la conjoncture, ses lauréats arrivvaient à s’insérer, en majorité dans les médias publics (Ministèrres et administrations, Agence MAP, Radio et la Télévision surttout, avec la venue d’une 2ème chaîne TV – « 2M » - en 1989, qui
absorba chaque année, parfois, jusqu’à la moitié ou plus d’une
promotion de cet institut).
A partir du milieu des années 90, la donne changea complètemment du fait de deux changements majeurs : l’intrusion du sectteur privé dans la formation en journalisme et l’apparition gradduelle et soutenue de publications privées.
92 - D’ailleurs, nombre de « diplômés chômeurs » qui manifestent encore aujourd’hui dans la
rue et, quasi quotidiennement devant le Parlement, sont de ces cohortes de la fin des années 80
et début des années 90. Plusieurs licenciés parmi eux ont été à l’époque contraints de prolonger
leurs études jusqu’au cycle doctoral, leur licence ou maîtrise ne leur ayant pas servi alors à
trouver un emploi. Situation qui explique le nombre de « Docteurs chômeurs » encore dans la
rue aujourd’hui …
diagnostic global et analyse sectorielle
279
L’apparition d’une première école privée (à Casablanca) a anticcipé en quelque sorte sur le mouvement qui s’annonçait depuis
la fin des années 90 dans la sphère publique et en matière de
libertés publiques (conjoncture politique illustrée par la constittution de 1992, puis par les premiers états généraux de la presse
du colloque de 1993 et par les premières tractations politiques
qui aboutiront, en 1996, à une nouvelle constitution, ensuite, en
1998, au gouvernement consensuel de l’alternance). Ce mouvemment qui, avec des flux et des reflux (procès de presse, saisies
et interdictions alternant avec de nombreuses autorisations de
paraitre délivrées par les autorités) va tout naturellement boulleverser l’offre de la formation comme la demande sur le marcché du travail dans le secteur. De sorte que, depuis lors, l’offre,
publique et privée, est bien peu correspondante à la demande,
dans le nombre comme en ce qui concerne les profils spéciallisés. Il y a un véritable gap entre formation et emploi dans le
champ médiatique marocain...
Qui plus est, quand le secteur de l’audiovisuel se libéralisa en
2006, la formation devint un déficit structurel du champ méddiatique national, au point que les opérateurs médias radio (17
de nos jours) eurent recours à toute vocation disponible : du
journaliste formé, débauché de la presse écrite, au « disc jockkey » repéré dans une boîte de nuit, en passant par l’animateur
culturel formé à l’ISADAC, le comédien amateur, le copain féru
d’anecdotes etc. La conséquence, on s’en doute, fût une série de
déficits et de faiblesses dans les contenus, de tout point de vue,
et de fréquentes dérives condamnables par la loi, par l’autorité
de régulation de l’audiovisuel (HACA) ou aux yeux de l’éthique
et de la déontologie communément admises par les milieux proffessionnels à travers le monde.
Nombre d’opérateurs radio ont insisté, lors de leur audition par
le Dialogue national, sur ce grave déficit de l’offre de la formattion qui risque de s’aggraver encore avec les nouvelles vagues de
licences que la HACA accordera à terme, dans les domaines de
la radio comme de la télévision.
280
dialogue national - media et societe
En ce qui concerne la presse écrite, la prolifération, relative
mais conséquente, d’institutions privées, n’a ni asséché complèttement la demande ni profité à l’amélioration du niveau de formmation, au contraire…Au point que certains groupes de presse
ont créé, ces dernières années, leur propre école de formation ou
une unité de formation en interne. Et l’ensemble de cette situattion a engendré des paradoxes : certains profils bien recherchés
décrochent de hauts salaires, d’autres moins rares sont payés au
minimum prévu par la convention collective (5500Dhs) sinon
moins et, souvent, bien souvent, les recrues découvrent, à un
moment ou à un autre, qu’ils ne sont pas déclarés à la protection
sociale ou à une caisse de retraite ou qu’ils ont une protection
mineure, voire aucune, en cas de maladie… Le cas des femmes
journalistes est davantage discriminatoire et inéquitable (salairres bien plus bas, refus plus ou moins systématique des droits
dus en cas de grossesse…). Bref, les déficits du marché dans ce
secteur, débouchent sur nombre de paradoxes qui ne sont ni en
faveur du journaliste ni en faveur du professionnalisme ou de la
qualité des contenus.
Selon l’étude menée par le Dialogue national sur cette problémattique de la formation des professionnels des médias, il apparait
évident qu’il y a un besoin crucial d’un standard de formation
qui soit porté et contrôlé dans le cadre d’une stratégie nationale,
avec un leadership pédagogique du secteur public, se référant à
des modèles de formation internationalement admis et avec une
vision prospectiviste et anticipatrice à la fois sur l’évolution du
marché national et sur les métiers à venir du fait de la révolution
technologique et numérique qui est entrain de bouleverser la
médiasphère à l’échelle du monde93.
93 - Notre étude a été menée par une autorité en la matière, connue dans la région arabe et
africaine et reconnue par les organismes onusiens spécialisés comme l’Unesco, le Pr. Ridha Najar,
ex professeur à l’IPSI de Tunis, ex directeur de la télévision publique tunisienne, fondateur et
ex directeur, pendant près de 30 ans du Centre africain de perfectionnement des journalistes et
communicateurs (CAPJC) et auteur de plusieurs ouvrages et études sur les médias, la formation,
la pédagogie de l’enseignement du journalisme, au Maghreb, en Orient arabe et en Afrique
francophone. Le Dialogue a porté son choix sur cette expertise bien connue et reconnue par les
professionnels Marocains et qui offrait à la fois une proximité de contexte et une neutralité de
non implication directe dans le contexte marocain.
diagnostic global et analyse sectorielle
281
Cette étude, qui a consisté en de nombreux entretiens, débats et
focus groupes avec différents acteurs (plus d’une quarantaine)
intervenant dans la problématique de la formation (journalisttes, éditeurs et opérateurs Radio et TV, autorités de tutelle – le
ministre de la communication notamment-, directeurs d’instittuts et d’écoles, syndicalistes, professeurs et formateurs...) a
débouché sur un diagnostic dont les grandes lignes sont les suivvantes :
- Un système de formation public (ISIC) nettement plus
apprécié que celui du secteur privé, mais cependant amélliorable au plan qualitatif (programmes, nouveaux profils
à introduire, conditions de recrutement des enseignants,
ouverture et participation de la profession) et quantitatif
(nombre de formés selon les besoins du marché) ;
- Un système privé, qui recrute parfois sans Baccalauréat,
sous tutelle de la Formation professionnelle, sans normes
minimales ni cahier des charges impératif, plus soucieux
du profit commercial que de la rigueur pédagogique et de
la déontologie (en attendant de juger qualitativement les
lauréats de la récente école du groupe Eco-Médias dont
la première promotion doit sortir en Juin 2011) ;
- Une demande de diversification, de régionalisation et de
proximité des offres de formation (initiale et continue), le
plus souvent concentrées sur Rabat et Casa (à l’exception
d’antennes privées à Marrakech et Agadir et quelques
nouvelles sections dans 4 universités comme celle de Fès
— cette dernière en partenariat avec le privé d’ailleurs) ;
- Un manque de participation manifeste des acteurs proffessionnels dans le système de formation (représentation
dans les structures participatives des établissements,
contribution effective aux enseignements et à l’encadremment des étudiants lors des stages intégrés) ;
- Un marché porteur où l’offre d’emplois est supérieure
à la demande. Cette indigence a obligé les groupes de
282
dialogue national - media et societe
presse soit à organiser des cycles internes de formation
(première au recrutement ou de perfectionnement, cas
d’Al Ahdath Al Maghribia, de « 2M » ou d’ALM) soit à
fonder même une école de journalisme et de communiccation (cas du groupe de l’Économiste/Assabah) ;
- Un classicisme dépassé et une rigidité des programmes
et cursus qui n’ont pas assez de souplesse et de réactivité
par rapport à l’évolution et aux besoins réels du paysage
des médias ;
- Des besoins qualitatifs de profils non disponibles sur le
marché de journalistes maîtrisant les langues étrangères
(français et anglais notamment) ou les nouvelles technollogies de l’information (culture numérique, presse électtronique et pluri médias) ;
- Une grande mobilité (« turn over ») au sein de la proffession, provoquée à la fois par la concurrence nationale
(chantage au salaire) et internationale (les médias des
pays du Golfe « débauchent » les meilleurs talents et les
séduisent par des niveaux de salaires hors de portée des
médias nationaux, ce qui fût largement exposé lors du
colloque organisé, début février 2011, par le Dialogue nattional en partenariat avec le CCME, avec la participation
de près de 200 journalistes Marocains travaillant dans
des médias étrangers à travers le monde, en grand nombbre dans les pays du Golfe) ;
- Une absence (et une revendication) d’un système organnisé de formation continue et de perfectionnement malggré la disponibilité d’opportunités de financement (Taxe
à la Formation Professionnelle payée par les entreprises
de presse, financement prévu dans le cadre du contratprogramme signé entre la profession et le ministère de la
Communication et dont une part est dédiée à la formattion) ;
diagnostic global et analyse sectorielle
283
- Une forte demande de formation de formateurs, à la fois
au bénéfice des professionnels (pédagogie, andragogie)
et des enseignants universitaires du journalisme (pratiqques professionnelles).
De ces tendances lourdes dans le diagnostic de la situation acttuelle, l’étude a cherché à évaluer le système marocain de formmation de journalistes en identifiant, de façon syncrétique, les
forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces que l’on
doit cibler par une réflexion volontariste de réforme et de mise
à niveau. C’est donc une évaluation qui a eu recours à la métthode qualitative bien connue dans l’évaluation de systèmes, la
méthode anglo-saxonne « SWOT » : Forces (Strenghts), les Faibblesses (Weakenesses), les Opportunités (Opportunities) et les
Menaces (Threats) du (des) système (s). Dans notre cas cette
méthode a dégagé le tableau suivant ci-dessous, avec ces remmarques d’ordre méthodologique :
Système de Notation : les facteurs ont été notés de 1 = Faible,
à 5 = Très fort.
Le classement des priorités a été ensuite dégagé selon le total
général obtenu par chaque facteur. Pour ne pas tomber dans
les points de détails secondaires la liste des priorités des indicatteurs a été arrêtée, lorsqu’ils étaient trop nombreux, à 10.
Échantillon qualitatif : Cette approche qualitative a concerné
l’ensemble des secteurs (agence de presse, presse écrite, électtronique, radio et télévision), des spécialisations (presse quotiddienne, hebdomadaire, économique, de partis) et le plus grand
nombre d’acteurs au niveau du statut (fédération des éditeurs,
syndicat de journalistes, ministère de tutelle, structures de formmation publiques et privées).
L’analyse SWOT a touché en tout 41 personnes, certaines individduellement, certaines en groupe. Les analyses en groupes (focus
Groups) ont touché le Syndicat National de la Presse Marocaine
(4), les enseignants de l’ISIC (4), les journalistes d’Attajdid (7)
et ceux de l’agence MAP (17).
Offres concurrentes de formation
encadrer les jeunes journalistes
politique de formation en interne (2M, ALM, Al Ahdath), voire en fondant
investissent dans la formation et l’encadrement des diplômés.
Certaines institutions ont pallié le manque de cadres par une véritable
force du secteur, mais également comme une menace sur les entreprises qui
Cet aspect peut à la fois être considéré comme une preuve de santé et de
qui ont investi en eux, quittent le pays attirés par de meilleurs salaires.
que les journalistes, après avoir été formés au sein d’institutions nationales
de formation
installe une concurrence positive.
leur propre école de journalisme (Groupe Eco-Médias).
Multiplicité de l’offre La multiplicité de l’offre de formation (public, privé, universités, régions)
profession
Encadrement par la
concurrence
journalistes et
professionnels
techniques pour l’enseignement du journalisme (radio, TV, informatique,
Équipement
bibliothèque).
La concurrence entre les médias, nationaux et, surtout, internationaux fait
exceptionnel taux d’encadrement
Relativement à certaines écoles privées, l’ISIC possède de bons équipements
du secteur public
Mobilité des
Réaction de certains organes pour
rigoureux
La demande est supérieure à l’offre
Le système de sélection des étudiants (Bac, bonne moyenne + concours) est
privé.
ont un meilleur niveau et une meilleure culture générale que ceux du secteur
L’ISIC n’a pas de motivation commerciale. Les journalistes formés par l’ISIC
de la formation des Journalistes ?
En quoi cela constitue-t-il une force pour la réussite
Taux d’encadrement A l’ISIC, le nombre de professeurs permanents permet un excellent et même
Débouchés
formation
Système public de
Type de facteur
Mobilité et « turn over » des
Bonne infrastructure technique à l’ISIC
travail.
Bon taux d’encadrement à l’ISIC
Il n’y a pas de chômage. Opportunités de
relativement, la moins mauvaise
La formation à l’ISIC (secteur public) est,
Facteur spécifique
FORCES (internes) du Système de Formation des journalistes au Maroc
7
6
5
4
3
2
1
Priorité
284
dialogue national - media et societe
Type de facteur
Absence de la participation de
la profession au système de
formation
Qualité de l’aspect professionnel
de la formation
Critères de recrutement des
enseignants du journalisme
Le système de formation n’est pas Manque de planification, de
assez souple. Il ne s’est pas préparé à la souplesse et de réactivité du
privatisation du paysage radiophonique secteur
et ne s’est pas adapté au changement de
l’environnement médiatique
Le système de formation privé ne
Qualité et professionnalisation
recherche que le gain
de la formation
L’ISIC est coupé du monde professionnel.
Celui-ci n’est pas associé aux structures de
prise de décision de l’établissement et les
véritables professionnels interviennent
peu dans les cours et TP. Les enseignants
universitaires n’ont pas de pratiques
professionnelles.
Le système de formation ne répond pas
à la demande quantitative du marché :
Rendement (quantitatif) de la
Faible nombre de diplômés de l’ISIC et
formation
même du secteur privé
Facteur spécifique
4
3
Les diplômés du secteur privé (jusqu’ici) ne sont pas qualifiés à la fois en matière de
culture générale et en matière de techniques professionnelles et de déontologie.
Pas de sélection des étudiants, parfois sans Bac.
Faible taux d’équipement et d’encadrement.
Durée de formation trop courte (2, 3 ans)
La participation d’enseignants professionnels est viciée : on fait croire aux jeunes
qu’ils auront des introductions pour l’embauche.
Les besoins du marché sont tels que l’on est obligé parfois de se contenter de ces
profils non achevés.
Alors que l’ouverture au privé du secteur radiophonique permettait l’éclosion
de plus de 15 nouvelles radios, le système de formation n’avait pas changé ses
programmes et cursus en fonction de la demande du marché
2
1
Le faible nombre de ressortissants de l’ISIC a favorisé l’éclosion des écoles privées,
plus soucieuses de rentabilité économique que de la qualité de la formation.
Il a également favorisé la formation sur le tas, la débrouillardise et le recours à des
étrangers (surtout francophones, pas nécessairement parfaitement qualifiés).
Le manque de l’offre a également engendré un chantage à l’augmentation du salaire
(tension sur les salaires) et a favorisé le « nomadisme » des journalistes.
La formation générale à l’ISIC est relativement bonne, mais elle est trop théorique et
« dispersée ». Les jeunes diplômés sont rarement « opérationnels ». Ils manquent
de connaissances sur leur propre environnement et d’esprit de synthèse. Résultat :
on est obligé de les « reformer » après recrutement.
Priorité
En quoi cela constitue-t-il une faiblesse pour la formation des
Journalistes ?
FAIBLESSES (interne) du Système de formation des journalistes au Maroc
diagnostic global et analyse sectorielle
285
Formation continue
Schéma trop
formation
classique
de
L’ISIC devrait être rattaché au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement
Supérieur, avec large autonomie
Le système de sélection de l’ISIC est bon, mais le niveau de recrutement
des journalistes devrait être à au moins Bac+3 (Licence actuelle dans le
système LMD). Comme cela, on aurait au moins résolu la question du socle
de culture générale et celui de la spécialisation
L’absence de convention avec les entreprises de presse pour l’encadrement des
stages vide ces derniers de tout sérieux et impact sur la formation finale
Diplômés : Faible niveau de culture générale et de connaissance de l’environnement
national (juridique, politique, économique, régional ; culturel)
Manque de maîtrise des langues étrangères (français, anglais, espagnol…)
Les professionnels n’ont aucun cadre organisé en matière de formation continue et
de recyclage. Le secteur professionnel doit constamment être mis à niveau.
la Cursus et contenus de la Les programmes et cursus actuels traduisent encore un schéma trop
formation
traditionnel des médias. On y sépare encore les médias écrits, parlés et
télévisés. Il n’y a pas encore d’approche multimédia qui prenne en compte
la convergence des médias et la nécessité d’engranger des contenus
multimédias en temps réel. On se coupe ainsi du lectorat jeune actuel qui
est sur le cyberespace.
Le rattachement de l’ISIC au Ministère Cadre juridique et réglementaire
de la Communication
Faible niveau de recrutement des Conditions d’accès à la
étudiants en journalisme
formation au journalisme
Encadrement des Stages
Absence de convention avec les
étudiants
entreprises de presse pour organiser
l’encadrement des stages
Manque de culture générale et de Contenus de programmes :
journalistes polyglottes
Culture générale et Langues
L’absence de système de formation
continue
10
9
8
7
6
5
286
dialogue national - media et societe
formation continue
Source de financement de la
Opportunités d’emplois
Type de facteur
Opportunités d’emplois
en passe de devenir un leader régional
choix.
Besoins de nouveaux profils multimédias dans un secteur où le Maroc est
La presse électronique
Les jeunes diplômés sont libres d’opter pour les lignes éditoriales de leur
et la liberté d’expression
Opportunités d’emplois. Nouvelles spécialités pour la formation.
mécanisme
de financement disponibles est un atout pour la mise en place d’un
des différents corps de métiers du secteur, l’existence de sources
de formés
Étant donné la nécessité de la formation continue et du recyclage
et peut encourager les structures de formation à augmenter le nombre
de la formation des Journalistes ?
Opportunités d’emplois : la demande du marché encourage les jeunes
En quoi cela pourrait-il contribuer à la réussite
Le pluralisme politique et médiatique Politique
de la télévision
privé en matière de radio et bientôt médiatique
Communication
Ouverture du paysage médiatique au Diversification du paysage
la profession et le Ministère de la
comme le contrat-Programme entre
pour la formation continue tout
est un gisement de financement
La TFP (1% de la masse salariale)
Demande du marché
Facteur spécifique
5
4
3
2
1
Priorité
OPPORTUNITES OFFERTES (Externes) au Système de formation des Journalistes au Maroc diagnostic global et analyse sectorielle
287
Formation continue et
recyclage
Demandes de recyclage et de
reconversion
publique de formation
régionalisation
Diversification et
Engagement des autorités
La volonté des autorités actuelles
Diversifier et régionaliser l’offre
proximité
en régions
L’ouverture de sections de formation Offre de formation de
formation
publique au journalisme et offrir une plus large gamme de profils.
à Marrakech et à Agadir), il faudrait régionaliser davantage la formation
techniques.
Pour lutter contre la mauvaise formation privée (qui s’est déjà régionalisée
de reconversion dans des nouveaux métiers ou de nouvelles fonctions
presse une demande forte de formation continue, voire de recyclage et
formation.
L’évolution du secteur des médias fait émerger dans les entreprises de
institué une aide financière au secteur dont une partie est destinée à la
Le Ministère de tutelle a signé un contrat-cadre avec la profession et a
journalisme régional et local
Rapproche la formation des populations et favorise le développement du
Peut contribuer à résorber le manque de diplômés
administrations publiques et semi publiques
développement
certaines universités
Besoins de chargés de communication dans les entreprises et les
d’emplois et perspectives de
Augmentation de l’offre de
Besoins de nouveaux profils multimédias
Nouveaux gisements
communication institutionnelle
L’ouverture de sections dans
en spécialistes en journalisme et en
entreprises et des administrations
La demande des régions, des
10
9
8
7
6
288
dialogue national - media et societe
Type de facteur
Concurrence du
cyberespace
Cadre juridique et
réglementaire
L’accès du citoyen et des blogueurs
au journalisme amateur
Menaces sur le métier
Cursus et contenus de
programmes
Enseignement des langues
La reproduction des mêmes
schémas de formation
Le multilinguisme est menacé
Le secteur public de la formation
Concurrence
risque d’être dépassé.
Insuffisance du système
de formation au niveau
quantitatif
Opportunisme du secteur privé
Cadre juridique et
réglementaire
Fragilité de la profession
Précarité du métier
Menaces sur le service public
Déontologie
Tendance au sensationnel
Cadre juridique et
Inexistence de réglementation pour réglementaire
le secteur privé de la formation des
journalistes
Facteur spécifique
Le secteur public, s’il ne se renouvelle pas, risque d’être dépassé par le secteur
privé au détriment de la qualité de la formation, du journalisme marocain, de
ses contenus et de sa « mission sociale, informative, éducative et culturelle »
10
9
8
Le secteur de la formation, public et privé, risque la « myopie » par la
reproduction des schémas de formation dépassés.
La maîtrise des langues étrangères se perd chez les jeunes journalistes
(français, anglais, espagnol…)
7
6
5
4
3
2
Jouant sur la demande et sur la régionalisation des radios privées, le secteur
privé s’est empressé de répondre à la demande régionale en ouvrant des
antennes régionales qui risquent de perpétuer la même absence qualitative.
La domination du souci économique gagne le service public au détriment de
ses fonctions.
La loi actuelle sur la presse permet à n’importe qui d’éditer un journal. Il suffit
d’en avoir les moyens financiers. Le secteur audiovisuel, lui, est mieux balisé
par la HACA. La prolifération des titres menace la pérennité des véritables
entreprises par la baisse des recettes publicitaires
L’éclatement du cyberespace a permis l’accès de tout citoyen à l’expression
directe sur l’Internet. Ces citoyens ne connaissent pas et ne respectent pas les
règles élémentaires du métier.
Les gens mal formés sont vulnérables. Ils sont soumis au chantage de certains
patrons. Les diplômes du privé ne sont pas reconnus par la fonction publique.
Le recrutement de jeunes mal formés fait glisser une certaine presse écrite vers
la « presse jaune »
En quoi cela menace-t-il le Système de formation des
Priorité
Journalistes ?
L’absence d’un cahier des charges précis pour les écoles privées de journalisme
a permis l’éclosion d’une « fausse monnaie » sur le marché. Il est impératif
1
de mieux organiser la délivrance des agréments aux écoles privées. Risque
d’anarchie.
MENACES (Environnement Externe) sur le Système de formation des journalistes au Maroc
diagnostic global et analyse sectorielle
289
290
dialogue national - media et societe
Ce tableau syncrétique résume largement les éléments de diaggnostic comme les grandes lignes de la feuille de route à retenir
pour cet important secteur, le secteur de la formation des professsionnels des médias. Là aussi, comme nous le soulignions pour
la dimension juridique et pour la dimension de l’économie de
l’entreprise, l’approche doit consister en une vision anticipatrice
qui place le Maroc dans le monde, et non le Maroc par rapport à
lui-même, c’est-à dire qui doit tenir compte de l’évolution, voire
les révolutions, qui s’annoncent dans la médiasphère à l’échelle
universelle, dans les technologies, les contenus, les pratiques et
les métiers. Car, les nouvelles technologies de l’information ont
radicalement transformé les métiers de l’information, à tous les
stades de son élaboration : du recueil de la nouvelle à son archivvage, en passant par son traitement, son mode de diffusion et de
consommation différée (podcasting).
Les techniques numériques, en unifiant l’unité de mesure par le
langage binaire, ont permis une convergence totale des contennus et des supports. Les opérateurs des télécommunications et
les fournisseurs d’accès à l’Internet et à la téléphonie sont devvenus des producteurs de contenus et de services. Le téléphone
mobile est en passe de devenir un média d’information en temps
réel et personnalisé. Les médias traditionnels lourds (presse, raddio, TV) ont perdu leurs fonctions traditionnelles et cherchent
de nouvelles reconversions. Grâce à l’Internet, le citoyen s’est
libéré du monopole étatique ou partisan et est devenu productteur et diffuseur.
Les réseaux sociaux et le web 2.0 ont créé une nouvelle agora
pour le débat public qui, du fait de la liberté totale, sans régullation par la loi ni autorégulation déontologique, glisse souvent
dans la désinformation et la diffamation. L’architecture de travvail en réseaux a aplati la pyramide de la hiérarchie traditionnnelle en imposant le travail collectif et la culture du partage. Les
systèmes de «work flow» deviennent une nécessité dans la gesttion des flux rédactionnels (NRCS, News room, Computer systtem).
diagnostic global et analyse sectorielle
291
Les frontières tombent entre les fonctions éditoriales du journalliste et les nouvelles fonctions techniques qu’il doit, désormais,
accomplir. De nombreux métiers disparaissent (correcteurs,
preneurs de sons, monteurs, chargés du mixage et les photograpphes de presse sont menacés)…De nouveaux métiers apparaisssent (scanneurs, flasheurs, infographes, webmasters, administtrateurs système et de bases de données, …). Bref, la nécessité
du travail en temps réel et la déclinaison de la même informattion pour différents supports imposent de former de nouveaux
profils dans les écoles de journalisme.
Par conséquent, les nouveaux axes de la formation en médias
s’articulent, de nos jours, autour d’au moins cinq repères :
üLa maîtrise et l’appropriation des outils : l’informatique
et les bases de données ;
üL’écriture, multiforme et multisuports pour le cross méddia (du fait de l’inévitable phénomène de la convergencce)
üLe savoir-être de professionnel : travail collectif et culturre du partage
üLa distance critique par rapport aux sources de l’Internet
et aux facilités offertes par les outils
üLa capacité personnelle du professionnel à développer un
sens de l’éthique du journalisme et à respecter, de manièrre volontariste, ses règles déontologiques (qui comporttent des devoirs mais aussi des droits).
Ces axes sont les repères constants dans toutes les réflexions et
les programmes de réformes des cursus de formation des journnalistes à travers le monde. Personne n’a encore trouvé la formmule magique pour la formation des journalistes. Chacun y va
avec ses recettes. Il n’y a donc pas péril en la demeure, mais il y a
ces cinq repères standards, au minimum, que chaque pays tente
de rencontrer dans ses politiques publiques (universités et instittuts publics) de formation de journalistes comme dans nombre
d’institutions privées (universités, instituts ou écoles).
292
dialogue national - media et societe
Depuis près d’une dizaine d’années il y a un débat mondial sur
les cursus de formation initiale des journalistes que les États
se doivent de promouvoir dans leurs établissements et veiller
à ce qu’un cursus standard soit respecté dans le secteur privé.
Un débat dans lequel l’agence onusienne spécialisée, l’Unesco,
s’est engagée depuis plus de cinq ans, avec des études d’experts
de plusieurs nationalités et contextes, avant d’aboutir à une arcchitecture de base pour deux modèles majeurs de cursus, soit
en trois ans de formation, soit en quatre ans94. Ces modèles, pubbliés entre 2006 et 2009, se présentent succinctement comme
ci-après.
A. Modèle Unesco de cursus en trois ans
1ère année
1ère période
2ème année
2ème période
Compétences de
base : écriture
Compétences de
base : logique,
méthodes de
recherche, de
recoupement et
de vérification
Compétences de
base : institutions
nationales et
internationales
Compétences
de base : culture
générale
Cours de
connaissances
générales
1ère période
Journalisme
(niveau 1) :
fondements
(démarches et
écriture)
Journalisme
(niveau
2) : genres
journalistiques
Droit des
médias et de
l’information
Journalisme
radio
Connaissances
et suivi de
l’actualité
Journalisme
d’image
Cours de
connaissances
générales
(Immersion
sur le terrrain)
Éthique et
déontologie du
journalisme
Cours de
connaissances
générales
2ème période
Journalisme
(niveau
2) : genres
journalistiques
(suite)
Journalisme
sur Internet et
les nouveaux
médias
Journalisme
télévisé
Médias et
société
Stage
Cours de
connaissances
générales
94 - Groupes d’experts dont Pr R.Najar & Pr.J.E.Naji du Maghreb qui se sont penchés sur ces
modèles de cursus, d’abord en anglais, puis en arabe et enfin en français avec le concours du
réseau Théophraste. Confère ces modèles sur le site du Dialogue national (www.mediasociete.
ma).
293
diagnostic global et analyse sectorielle
3ème année
1ère période
2ème période
Journalisme (niveau 3a) : journalisme
approfondi appliqué à différents
domaines
Journalisme (niveau 3b) : journalisme
spécialisé
Atelier de presse écrite
Atelier de journalisme télévisé
Atelier de journalisme radio
Atelier de journalisme plurimédia
Économie des médias
Projet de fin d’études de baccalauréat/
licence
Cours à option en journalisme
Cours de connaissances générales
Cours de connaissances générales
294
dialogue national - media et societe
B. Modèle Unesco de cursus en quatre ans
1ère année
2ème année
1ère période
2ème période
1ère période
Compétences de
base : écriture
Compétences de
base : écriture
(suite)
Journalisme
(niveau 1) :
fondements
(démarches et
écriture)
Compétences de
base : logique,
méthodes de
recherche, de
recoupement et
de vérification
Compétences de
base: logique,
méthodes de
recherche, de
recoupement et de
vérification (suite)
Compétences de
base : institutions
nationales et
internationales
Compétences de
base : institutions
nationales et
internationales
(suite)
Compétences
de base : culture
générale
Compétences
de base : culture
générale (suite)
Cours de
connaissances
générales
Cours de
connaissances
générales
Connaissances
et
suivi de l’acttualité
2ème période
Journalisme
(niveau 1) :
fondements
(démarches et
écriture) (suite)
Connaissances et
suivi de l’actualité
Droit des méddias
et de l’informattion
Éthique et
déontologie du
journalisme
Cours de
connaissances
générales
Cours de
connaissances
générales
( I m m e r -s
sion sur le
terrain)
295
diagnostic global et analyse sectorielle
3ème année
1ère période
2ème période
4ème année
1ère période
Journalisme
Journalisme (niv- (niveau 2) :
veau 2) : genres genres
journalistiques
journalistiques
(suite)
Journalisme sur
Journalisme
Internet et les
radio
nouveaux
médias
J o u r n a l i s m e Journalisme
d’image
télévisé
Économie des
médias
Cours de
connaissances
générales
Médias
et société
Cours de
connaissances
générales
Stage
2ème période
Journalisme (niveau 3a)
: journalisme
Approfondi appliqué à
Différents domaines
Journalisme
(niveau 3b) :
journalisme
spécialisé
Atelier de presse écrite
Atelier de
journalisme
télévisé
Atelier de
Atelier de journalisme
journalisme
radio
plurimédia
Projet de fin
Cours à option en
d’études de
journalisme
baccalauréat/
licence
En option
En option
Journalisme
Journalisme
d’analyse et
d’analyse et
d’opinion
d’opinion
Cours de
Cours de
connaissances
connaissances
générales
générales
Par référence à ces modèles, et à d’autres plus courts, spéciallisés, ou de niveau Master spécialisé, également proposés par
l’Unesco (cursus de deux ans, par exemple), on peut résumer la
vision qui doit présider à l’architecture d’une formation initiale
sur le journalisme en retenant essentiellement les piliers suivvants :
Øle niveau et le mode de sélection des étudiants (motivattion, curiosité, connaissance de l’actualité, qualités réddactionnelles et d’empathie) ;
Øla proportion de cours de culture générale, de cours théorriques et de cours pratiques sur les techniques professsionnelles ;
Øle nombre de langues et leurs méthodes d’enseignemment ;
296
dialogue national - media et societe
Øla place et l’enseignement de l’éthique et de la déontologgie ;
Øla connaissance de l’Histoire, de la géopolitique et de
l’environnement législatif, juridique, économique envirronnemental et social du pays et de ses différents contexttes;
Øle profil des enseignants et la participation des professsionnels dans l’enseignement،
Øles passerelles permanentes et organisées entre l’établisssement de formation et le monde de l’entreprise, pour
les enseignements comme pour les stages et l’emploi des
lauréats،
üles équipements et les ressources pédagogiques nécessairres.
Cette architecture, qui concerne avant tout le secteur public de
la formation initiale mais qui doit aussi être promue auprès du
secteur privé et inspirer fondamentalement les programmes,
publics ou privés, de la formation continue, est, de nos jours, acccessible à tout contexte national, pour peu que le pays concerné
soit engagé, au plan médiatique, sur une voie ou dans un proccessus de liberté d’expression, de diversité d’expressions médiattiques et de modernité dans toutes les formes et les divers suppports d’expression que permettent les avancées technologiques
du numérique et du cyberespace. Or, le Maroc est un pays qui a
nombre d’atouts à cet enseigne.
A cet égard, il est fort édifiant de lire le point de vue d’un exppert international, observateur étranger au contexte marocain,
le professeur tunisien Ridha Najjar, sur les potentialités et les
chances du Maroc quant à mener une telle réforme de la formattion du journaliste , par référence à ces standards et architecturres :
« Le Royaume du Maroc a su construire un espace médiatique
ouvert où un réel pluralisme éditorial permet une liberté d’expn
diagnostic global et analyse sectorielle
297
pression, d’entreprendre et de mobilité remarquable. Les titres
de presse pullulent : 22 quotidiens, 100 hebdos et 450 périodiqn
ques. Plus de 100 sites électroniques. Les radios aussi : 15 radn
dios publiques (en comptant les régionales), 17 radios privées.
Trois télévisions publiques (on s’attend à l’ouverture au privé
de l’espace TV). C’est autant d’opportunités d’emplois pour les
jeunes diplômés du secteur de la formation des journalistes.
Cependant, une constatation de base surprend l’observateur
: établissement public comme écoles privées ne semblent pas
connaître les vrais besoins du marché et ne fournissent pas assn
sez de cadres, assez de nouveaux profils. La première recommn
mandation, à double dimension, s’impose donc d’elle même :
- Mener une étude scientifique urgente à la fois sur les besoins
des médias marocains en cadres et profils et sur les besoins des
entreprises de presse et des journalistes marocains en formatn
tion continue. Actualiser cette étude périodiquement (tous les 5
ans) et mettre en place un dispositif quasi permanent de consultn
tation et de veille sur les développements du secteur. Tous les
acteurs, unis, (Ministère, médias, syndicat et structures de formn
mation) se doivent d’y contribuer.
- La seconde recommandation découle de la première constatn
tation : la rupture entre la profession et les structures de formn
mation. Il est urgent que les acteurs représentatifs de la profn
fession soient associés d’une manière organique (membres des
structures délibératives comme les conseils scientifiques, les
départements de spécialité…).
- Cette participation de la profession devrait également se tradn
duire par l’implication étroite de professionnels, choisis pour
leur compétence et leur crédibilité, dans les programmes d’ensn
seignement. Les ateliers pratiques pourraient, à ce titre, être
assurés par des duos universitaires/professionnels, les premn
miers étant là à la fois pour assurer la continuité des cours
(l’actualité dictant parfois aux professionnels de s’absenter) et
pour la nécessaire théorisation et l’indispensable recul critique
par rapport aux pratiques quotidiennes). A ce niveau, il est
urgent de mettre en place des actions de formation de formatn
298
dialogue national - media et societe
teurs dans toutes les spécialités et tous les métiers de la chaîne
de l’information (y compris la gestion et le marketing des médn
dias). Ces sessions de très haut niveau apporteraient les outils
pédagogiques nécessaires aux professionnels et permettraient
aux enseignants universitaires d’actualiser leurs connaissancn
ces des outils et des pratiques professionnelles.
- Les critères de recrutement des enseignants de journalisme
de l’ISIC devraient exiger, en plus du niveau universitaire reqn
quis, soit une expérience professionnelle d’au moins 5 ans, soit
imposer aux jeunes enseignants d’intégrer obligatoirement,
et parallèlement, une rédaction (de leur choix) pendant cette
même période.
- Au niveau des programmes, il faudrait profiter de la nouvelle
dynamique actuelle de l’ISIC pour associer la profession à une
révision des programmes et des méthodes de travail en vue de
consolider :
ül’enseignement des langues (au sens de « techniques de
rédaction » et de « compréhension orale et capacités
d’expression » pour les langues étrangères, et non au
sens de l’étude classique de la langue, de la grammaire
et de l’orthographe uniquement ou exclusivement) ;
üles pratiques professionnelles en atelier et sur le terrn
rain;
üla culture numérique qui ouvre les perspectives aux
nouveaux métiers de l’information, à la convergence
des médias et au travail en temps réel ;
üla connaissance étroite de l’environnement juridique et
socio-économique du pays, à la fois par les contenus
enseignés et par des actions d’animation au sein des
écoles (conférences, invités, colloque et séminaires, expn
positions) et de participation, en direct et en immersion,
à l’actualité et à la vie du pays. En ce sens, avant même
le stage dans les médias, un premier stage « ouvrier »
(comme dans les grandes écoles d’ingénieurs) dans les
diagnostic global et analyse sectorielle
299
entreprises économiques de leur région serait souhaitn
table pour les étudiants de première année ;
ül’articulation, l’encadrement et la sanction des stages
intégrés par la définition, de concert avec la professn
sion, d’un cadre précis qui précise les droits et devoirs
de chacun et qui identifie un « coach » pour chaque
stagiaire.
Cette réforme n’a pas à partir de zéro. De grands acquis, auxqn
quels il ne faut pas renoncer, ont été patiemment bâtis par
les différentes générations d’enseignants et de directeurs de
l’ISIC. La réforme peut donc s’adosser à l’héritage culturel de
l’ISIC, à l’expérience de terrain de ses différentes promotions
qui occupent, souvent avec compétence, le terrain professionnn
nel et aux nombreuses réflexions et colloques qu’il a organisés.
Comme elle se doit de se référer, en les adoptant nécessairemn
ment à la réalité marocaine, aux standards internationaux
comme les « Modèles de curricula de l’UNESCO pour la formn
mation au journalisme », en particulier dans sa version francn
cophone, adaptée par le Réseau Théophraste des Écoles et
Centres francophones de journalisme, version qui a, d’ailleurs
été présentée à Rabat lors de l’assemblée générale du réseau
fin 2009.
Toutes ces réformes exigent de sortir des schémas universitn
taires classiques qui saucissonnent l’enseignement du journaln
lisme en intitulés trop vagues et en tranches horaires scolaires
(cours de 8h à 10h00) peu adaptées à la pratique du métier
et à l’interactivité. L’espace même des salles de cours et leurs
équipements devraient être repensés dans le sens d’``open
spaces`` qui stimulent la vie et le pouls des rédactions professn
sionnelles.
Attention, cependant, à ne pas tomber dans l’excès inverse en
formant, quantitativement, plus de diplômés que la demande
du marché, et, qualitativement, des profils qui ne correspondn
dent pas aux besoins. C’est en cela que réside l’importance de
l’étroite relation à instaurer entre le monde de la formation et
celui des milieux professionnels et la mise sur pied, ensemble,
300
dialogue national - media et societe
d’un dispositif de veille, sorte de tableau de bord qui piloterait,
au moins une fois tous les deux ans, la mise sur pied (ou la suppn
pression) de spécialités et/ou de nouveaux profils ».
Ce point de vue d’un observateur étranger au contexte marocain
nous amène à évaluer à leur juste valeur les potentialités du sectteur public de la formation et les facteurs fort favorables pour sa
réforme dont recèle l’environnement médiatique professionnel
comme l’environnement politique et des libertés publiques en
place au pays. Car, dans nombre de pays, la volonté de réforme
de pédagogues peut ne jamais voir le jour du fait d’un environnnement politique et juridique plus ou moins fermé à la liberté
de l’expression et à la liberté d’entreprendre dans le domaine
des médias (cas, jusqu’à début 2011, de la Tunisie par exemple)
ou du fait d’un champ médiatique exigu, peu professionnel et
quasi informel en termes d’équipements, d’investissements et
de ressources humaines (cas de la Mauritanie, par exemple).
Les potentialités, les forces même, du Maroc sur ces deux reggistres, font donc que le Maroc est largement bien préparé et
outillé pour déployer une mise à niveau profonde, moderne et
de référence, de son secteur de formation des professionnels des
médias. Une mise à niveau qui est également aisée à conduire
sur l’aspect de la formation continue et de perfectionnement
des professionnels en exercice. Car, selon l’étude menée par le
Dialogue national, un besoin urgent de formation continue a été
largement exprimé, à la fois par les patrons de médias et par les
journalistes eux-mêmes, du secteur public comme du secteur
privé.
Certes, de nombreuses entreprises ont recouru à des solutions
en interne pour offrir sessions de perfectionnement et actions
de recyclage. Mais ces actions méritoires sont trop dispersées,
circonstancielles et ne s’inscrivent ni dans la durée ni dans une
stratégie de développement et de promotion du secteur.
La nécessité d’une structure de formation continue dans le dommaine du journalisme, des métiers de l’information et de la
communication, à l’instar du CAPJC de Tunis (Centre Africain
diagnostic global et analyse sectorielle
301
de Perfectionnement des Journalistes et Communicateurs) s’imppose. Un centre de ce type au Maroc a même de réelles chances
de rayonner dans les régions arabe et sub-saharienne et donc
de supplanter le centre tunisien (le seul dans la région pendant
près de 30 ans) car celui-ci est en nette et indéniable régression
depuis au moins trois ans.
De plus, estime, Pr. Ridha Najjar, fondateur et ex directeur du
CAPJC, « l’environnement médiatique marocain et de nombn
breux facteurs plaident en faveur de la création d’un tel centn
tre:
- multiplicité des entreprises, des titres de presse, des radn
dios et des sites ;
- pluralisme éditorial ;
- nombre important de journalistes professionnels (près
de 2400 cartes professionnelles délivrées en 2010) et,
encore plus nécessiteux en formation, de correspondn
dants et collaborateurs régionaux qui n’ont pas reçu de
formation de base au journalisme ;
- nombre d’attachés de presse, de communicateurs et de
responsables de relations presse ou de relations publiqn
ques dans les administrations publiques ou les entreprisn
ses économiques, publiques et privées ;
- nécessité de recyclage de cadres en fonction de l’évolutn
tion des métiers et des technologies ;
- possibilité de contribution au financement grâce au systn
tème de la TFP (Taxe à la Formation Professionnelle —
système dont il faudrait cependant assouplir les modaln
lités de validation et de ristourne —) et grâce aux crédits
alloués aux contrats programmes entre le ministère et
la profession ;
- enfin, et ce n’est pas le moindre des arguments, l’engagn
gement du Ministère de la Communication et la prise de
conscience de la profession.
302
dialogue national - media et societe
Il est clair que pour la formation continue, l’engagement et la
responsabilisation de la profession, tous acteurs confondus,
est fondamentale. Les entreprises médiatiques, tous secteurs
confondus, doivent obligatoirement s’engager pour une poln
litique volontariste au bénéfice de la formation continue de
toutes les ressources humaines de leurs secteurs respectifs. Il
y va de leur développement stratégique, de leur survie même.
Aujourd’hui, la formation permanente, l’apprentissage tout au
long de la vie, est devenue une nécessité vitale pour chacun,
pour tous les corps de métiers. Dans certains pays, comme la
France, on a même instauré un Droit Individuel à la Formatn
tion (DIF) que les patrons ne peuvent dénier ».
Les autorités de tutelle et les acteurs de la profession sont, éviddemment, souverains pour décider de la forme et des modalittés de fonctionnement à donner à cette structure de formation
permanente. Ceci dit, l’étude du secteur menée par le Dialogue
national, arrive à la conclusion que ce besoin structurel de formmation performante, permanente et à l’écoute des nouveautés
et incessants défis de la société du savoir, dont la médiasphère
est la locomotive, doit amener le Maroc à anticiper valablement
sur l’avenir et opter pour la création d’un « pôle du savoir et
de l’intelligence » dédiée à la formation sur les métiers des
médias.
Devant les nouveaux projets annoncés par le Ministère de la
Communication (Institut Supérieur des Métiers de l’Audiovissuel, Institut Supérieur pour les Métiers de la Publicité), avec la
création de cette structure de perfectionnement en journalisme,
avec la perspective de l’ouverture du paysage télévisé au privé, il
serait légitime de penser à créer un pôle technologique des
médias et des industries du savoir. Ce pôle abriterait des
médias, des centres de recherche, des écoles de formation pour
l’industrie des médias, l’école du son et de l’image, l’école de la
publicité, des studios de production et de postproduction en TV
et cinéma, des centres de fabrication (rotatives, édition du livre,
supports numériques CD, DVD), les instruments de médiaméttrie, des industries du soft, de développement de logiciels et de
jeux vidéo…
diagnostic global et analyse sectorielle
303
La proximité de la formation, de la recherche et de l’industrie
engendrerait une indispensable synergie et une fructueuse dynnamique. Cette option, recommandée par notre étude sur le
secteur, est ambitieuse il est vrai, mais elle serait en tout cas
en parfaite cohérence avec la stratégie marocaine en faveur de
l’innovation et de l’investissement dans les secteurs innovants
et à forte valeur ajoutée, sans qu’elle soit en concurrence avec
les pôles existants ou envisagés dans le secteur pur des TIC. Il
faudrait juste assurer une complémentarité et une synergie enttre ces derniers et ce pôle spécifiquement dédié aux médias et à
la formation sur les métiers des médias.
En tout cas, comme souligné plus haut, l’important est de menner une étude de faisabilité urgente qui aborde tous les aspects
de ce projet :
- identification des besoins de formation des entreprises,
des individus (parfois différents de ceux des entreprisses) ;
- identification des sources de financement ;
- identification des personnes ressources disponibles et
besoins en formation de formateurs ;
- définition du statut, de la tutelle et du mode de gestion de
la structure en association avec la profession et le syndiccat des journalistes ;
- rapports et coopération avec l’ISIC et les autres structurres de formation ;
- opportunités de financement international et de coopérration;
- modalités de programmation et veille stratégique.
Comme consigné dans notre étude sur le secteur, à l’exception
des enseignants de l’ISIC, un consensus général semble se dégagger pour que cette structure de formation continue :
- se fasse en dehors du cadre de l’ISIC afin que le journalliste ne sente pas « qu’il revient à l’école »;
304
dialogue national - media et societe
- n’ait pas recours à un corps d’enseignants permanents;
- soit souple au niveau de la programmation afin de réponddre à des besoins urgents ou à des formations à la demmande (à la carte);
- soit qualifiante et non diplômante, quoiqu’il faille étudier
impérativement un système de validation des stages pour
la promotion dans la profession; - ne soit pas un obstacle à l’organisation par les entreprisses d’actions internes de formation, de stages et de séjjours d’information dans les médias étrangers pour des
besoins spécifiques ou pointus.
D’autre part, aussi bien la formation initiale et universitaire
offerte par le secteur public que les programmes de formation
continue, de perfectionnement ou de recyclage, ne peuvent
prétendre à un impact positif et modernisateur sur la formattion des ressources humaines du champ médiatique et sur son
professionnalisme et son éthique si, parallèlement, un secteur
privé officie dans le domaine de la formation avec des normes
et des pratiques en deçà du seuil requis en termes de modèles
de cursus, de pédagogie, de gouvernance et d’encadrement ensseignant. L’état actuel du secteur privé est, comme le dégage
notre diagnostic, le véritable nœud gordien dans la question de
la formation du journaliste au Maroc qu’une politique publique
claire et rigoureuse doit trancher au plus vite. La tâche n’est pas
si ardue, car l’essentiel du problème peut être résolu par l’insttitution, à partir du concept d’intérêt public, d’un cadre réglemmentaire définissant les conditions minimales pour accréditer
une école privée, autour d’une série de questions qui sont, au
minimum :
- le statut de formation professionnelle ou de formation de
niveau universitaire ? Ou les deux ? - le niveau de recrutement, sans Baccalauréat ou nécessairrement avec ?
- le concours de sélection ou sélection uniquement par
l’argent ?
diagnostic global et analyse sectorielle
305
- le nombre d’étudiants par classe ?
- l’état et la qualité des locaux, équipements, ressources
pédagogiques ?
- le nombre minimal et le niveau des enseignants permannents ?
- le niveau et le nombre des professionnels associés ?
- le type d’homologation du programme dispensé en référrence aux standards internationaux de la formation en
journalisme et au standard de mise dans le secteur pubblic ?
- les modalités d’inspection et d’homologation des diplômmes ?
Autant d’éléments que pourrait regrouper un cahier des chargges minimal auquel devrait obéir toute école privée avant d’être
accréditée. Pour concrétiser cet objectif, une coopération est néccessaire entre les trois ministères concernés (Communication,
Formation Professionnelle et Enseignement) avec la participattion des acteurs de la profession (patrons, syndicat et experts).
S’il est aisément envisageable de procéder, à court terme, à une
refonte de la donne de la formation du professionnel des médias
(avec tous ses profils) dans le secteur public, il est urgentissime
d’organiser et de standardiser le secteur privé tant celui-ci, pour
moult raisons, depuis l’explosion du champ médiatique, favorissée par la liberté d’entreprendre, jusqu’aux défaillances actuellles de l’offre publique, marque de plus en plus de ses empreinttes le champ dans sa globalité, dans les compétences employées
comme dans les contenus et les pratiques des médias et de leurs
personnels.
C’est au prix d’une telle refonte globale que la formation pourra
jouer le rôle qui lui revient dans le triptyque décisif pour la moddernisation et la démocratisation du champ médiatique nationnal : l’encadrement législatif, l’économie de l’entreprise média
et la formation des ressources humaines.
306
dialogue national - media et societe
LE VECU DU JOURNALISTE PROFESSIONNEL
De moins de 400 cartes professionnelles, tous métiers confonddus, délivrées en l’année des premiers états généraux du journallisme marocain (l’année1993), on est passé en 2010 à 2387 qui
se répartissent comme suit :
Total journalistes professionnels : 1495
Journalistes Hommes : 1039
Femmes Journalistes : 456
Total journalistes stagiaires : 242 (152 hommes ; 90 femmes)
Photographes de presse : 274 (dont seulement 14 femmes photographes)
Techniciens de médias : 359 (dont 60 femmes)
Caricaturistes de presse : 5 (aucune femme)
Total tous profils professionnels : 1755 hommes et 632 femmes (2387 cartes)
Ces hommes et ces femmes travaillent, en tant que professionnnels de journalisme dans :
- 12 quotidiens partisans (sur 22 au kiosque)
- 111quotidiens et périodiques privés
- 142 périodiques régionaux
Selon les secteurs, ils se répartissent entre :
- Presse écrite : 1091 (agence MAP comprise avec 220 journnalistes)
- Radio : 330 (dont 243 à la radio nationale, 52 dans les
stations privées et 45 à «Médi 1»
- Télévision : 835 (dont 563 à la SNRT, 225 à 2M –radio
comprise- et 47 à «Médi1 sat»)
- Agences de communication, de production ou de publiccité : 40 (32 hommes et 8 femmes)
diagnostic global et analyse sectorielle
307
- Presse électronique (détenteurs de carte de journaliste
professionnel) : 16 (dont 3 femmes)
- Free lance : 61 (dont 7 femmes)
Cette corporation, longtemps assimilée à des « militants ou symppathisants » dans le cas dominant de la presse écrite partisane,
ou à des fonctionnaires dans le cas des médias sous la tutelle ou
la férule de l’État (RTM, MAP, groupe le Matin / Maroc Soir),
n’a recouvré son indépendance syndicale complète, par rapport
aux patrons (de la presse des partis) qu’en novembre 1996, soit
33 ans après la création du Syndicat National de la Presse Marrocaine (SNPM), en janvier 1963.
« Jusqu’en 1984, le Bureau national du Syndicat était exclusn
sivement composé de directeurs des journaux nationaux.
Après cette date, les journalistes professionnels furent élus
membres du Bureau, à titre consultatif, à côté des directeurs
des journaux. Cette opération a été considérée comme évolutn
tion qualitative de la structure de la conception du syndicat.
Après cela, en 1989, le syndicat a connu une autre expériencn
ce, celle de former des sections de journalistes. Lors du 2ème
congrès du SNPM, mai 1993 (soit au lendemain du colloque
national de mars de la même année. NDLR), un autre amendemn
ment a permis la mise en place de deux chambres, une chambn
bre des directeurs et une autre des journalistes (…) Lors du
3ème congrès, en novembre 1996, le SNPM a changé complètemn
ment sa structure; les instances élues du syndicat, tel le Conseil
Administratif et le Bureau National, sont alors formés exclusn
sivement de journalistes, et la chambre des directeurs a évoln
lué vers un statut consultatif » ( avant de disparaître, la FMEJ
étant créée comme cadre propre à la corporation des patrons de
presse)95.
Ce bref rappel historique est nécessaire pour éclairer les difficilles et bien paradoxales conditions sociales et professionnelles
95 - Pour l’histoire et les activités du syndicat, consulter le site officiel du SNPM : www.snpm.
ma
308
dialogue national - media et societe
que vit le journaliste, ou la journaliste, dans le Maroc du 3ème
millénaire. Autant, ces dernières années, le journaliste semble
occuper les devants de la scène publique, de par ses productions
comme de par la chronique incessante de ses affrontements avec
les autorités, avec la justice et, aussi, avec le public (plaignants
devant la justice ou manifestants dans la rue), autant, son vécu
professionnel et social au quotidien semble des plus fragiles et
même bien révoltants dans certains cas d’espèce.
En tant que métier, le journalisme ne jouit pas encore d’une
intégrité complète de statut dans la société marocaine qui lui
identifierait et lui reconnaitrait une place et un rôle respectés et
protégés parce que jugé d’un apport indispensable à la société
dans son ensemble, à l’instar du médecin, du pharmacien, de
l’avocat ou de l’ingénieur…Il n’occupe pas encore une place stabble et définitivement acceptée dans l’imaginaire collectif, il est
encore méconnu et suscite défiance et crainte mêlées…Son expposition permanente au politique, sa suspecte accointance avec
celui-ci, ses confrontations permanentes avec l’État, sont pour
beaucoup dans cette situation « socialement orpheline ». Mais
sa place fragile et bien controversée dans la société doit beauccoup aussi à la précarité de ses conditions professionnelles, à la
réalité de tous les jours qu’il confronte dans l’accomplissement
de son travail pour quelconque des entreprises médias, qu’elles
soient publiques ou privées.
Dans le cadre des études lancées par le Dialogue national, on a
choisi de confier à une femme journaliste, récipiendaire de prix
nationaux et étrangers pour la qualité de ses enquêtes journallistiques, de traquer ce vécu quotidien des journalistes, par les
techniques du reportage, de l’interview, de l’enquête et des récits
de vie, en accompagnant, par l’observation aussi, des confrères
sur le terrain afin de restituer leurs difficultés de travail, leurs
confidences et commentaires, entre confrères, sur leur vécu proffessionnel96. L’objectif était d’illustrer ce qu’une analyse scient96 - Consulter cette enquête, réalisée par Mme Maria Moukrime, sur le site du Dialogue : www.
mediasociete.ma
diagnostic global et analyse sectorielle
309
tifique et froide de ces conditions pourrait dégager, afin de rappporter des réalités individuelles et particulières vécues dans le
feu de l’action. Donner de la chaire à un squelette d’analyse, en
somme, ou confirmer l’analyse par la sueur des hommes et des
femmes de ce métier dont peu de gens connaissent les réalités
de tous les jours et les tréfonds de cette corporation.
Répétant à satiété qu’il exerce « le métier de toutes les peines »,
le journaliste marocain étale rarement au grand jour, à titre perssonnel, et non collectif ou syndical, ce qu’il vit et subit comme
conditions de travail, sa vulnérabilité dans l’entreprise, les facillités, légèretés et déviations professionnelles auxquelles il cède
en conséquence, les frustrations qu’il accumule au plan professsionnel et les sacrifices qu’il concède en lieu et place de droits
qui lui sont pourtant reconnus par la loi ou par les traditions
universelles de la profession. Il arrive même, comme en témoiggne notre étude, qu’il requiert l’anonymat quand il lui arrive
de confier à un tiers ce qu’il endure comme « travailleur de la
plume » ou quand il accepte de répondre à une enquête sociologgique ou journalistique portant sur ses conditions de travail!97
1. Effectifs et équité
Le journaliste marocain dans les quotidiens de la presse écrite
(papier) travaille dans des rédactions qui, en moyenne, tournnent avec une dizaine de rédacteurs. Dans les rédactions les
plus étoffées (Assabah, Al Ahdath, Al Massae, les trois plus forts
tirages et ventes, de la presse arabophone, la plus lue de nos
jours) on peut compter jusqu’à 20 à 25, en moyenne, mais avec
des profils aux compétences inégales qui font que le plus gros
97 - Plus la situation du journaliste dans l’entreprise est précaire, plus cette hantise pousse même
au refus de se confier à un étranger ou, pour le moins, de ne le faire qu’avec extrême précaution
(anonymat, hors de l’entreprise, à l’abri des oreilles indiscrètes), de peur de représailles de la
part de l’employeur. C’est le cas, particulièrement des femmes journalistes, comme l’illustre une
enquête menée par l’Unesco, en 2007, auprès des femmes journalistes dans les pays du Maghreb,
dont nombre d’interviewées ont refusé de rencontrer les enquêtrices, sur leur lieu de travail,
certaines refusant totalement de répondre, pour ces mêmes raisons, en Tunisie, en Algérie, au
Maroc, en Mauritanie et en Libye. Consulter « Le journalisme maghrébin au féminin » sur le
site du bureau multi pays de l’Unesco à Rabat : http://rabat.unesco.org/
310
dialogue national - media et societe
du travail (16, 20, 24 pages) est pris en charge généralement par
certains et par des collaborateurs externes, pas nécessairement
rémunérés. Dans la presse hebdomadaire (papier), la moyenne
des rédacteurs permanents, à une ou deux exceptions près, est
de cinq, avec apports de collaborateurs externes, pas nécessairrement journalistes et pas nécessairement des pigistes rémunérrés. Pour ce qui concerne les correspondants de ces titres, à part
certains quotidiens qui ont un noyau rédactionnel régional (de
deux ou trois journalistes), soit à Casablanca, soit à Rabat, déppendamment du siège central du journal dans l’une ou l’autre
de ces deux villes, le recours à des journalistes permanents dans
les régions, dûment formés, n’est pas la règle dominante. Ce qui
domine est le recours à des pigistes et, trop souvent, ces corresppondants ne sont même pas éligibles à la carte de journaliste
professionnel tel que prévu par la loi, ou à cause du refus de leur
employeur de présenter leur demande à la commission paritaire
d’octroi de cette carte…
Quant aux périodiques de la presse régionale, le schéma dominnant est un éditeur qui est en même temps le directeur et le seul
journaliste permanent et, dans le meilleur des cas, avec un ou
deux journalistes permanents ou semi permanents; tous les tittres régionaux comptent, pour l’essentiel de leurs contenus, sur
des contributions à titre gracieux, de différents horizons (enseiggnants, techniciens, écrivains, animateurs culturels, activistes
associatifs etc.).
Enfin, on doit relever la faible, sinon marginale, présence, des
femmes dans les rédactions de la presse écrite. Selon les stattistiques relatives aux cartes de journalistes professionnels (es)
délivrées en 2010, les femmes journalistes représentent :
üDans la presse quotidienne (papier) : 21,4% (76 F pour
279 H)
üDans la presse hebdomadaire : 15,4% (19F pour 104H)
üDans la presse périodique : 24,2% (42F pour 131H)
diagnostic global et analyse sectorielle
311
Alors que dans l’agence MAP, l’effectif féminin arrive à représsenter le tiers des effectifs des journalistes (69F pour 130H), on
relève que l’équité du genre est bien meilleure dans les médias
audiovisuels :
üRadio Nationale (SNRT) : 46,2% (103F pour 113H)
ü2M (SOREAD) : 39,7% (29F pour 44H)
üAl Oula (SNRT) : 37,2% (60F pour 101H)
üRadios privées : 36,1% (13F pour 23H)
Il reste que dans le total global des journalistes détenteurs de
la carte professionnelle, soit 1495 cartes, les femmes en détennaient, en 2010, 456, soit 30,5%. Par contre, ce pourcentage
monte à 37,1% dans le total des cartes des journalistes stagiairres (90F pour 152H), alors que les femmes ne représentent que
16,7% sur le total des cartes délivrées au titre de « technicien »
(60F pour 299H), et juste 5,1% dans le cas des photographes de
presse (14F pour 260H). Quant à la caricature de presse, elle est
exclusivement masculine et bien embryonnaire au pays, comme
on l’a vu : juste 5 cartes délivrées en 2010.
Tout compte fait, la femme n’atteint pas, globalement, le quota
de 30% parmi les effectifs des journalistes (31,4 % si on cumule
journalistes et stagiaires, soit un total de 1737 avec l’ajout de 90
femmes stagiaires et 152 hommes stagiaires). En fait, en tant
que professionnelles des médias (tous profils confondus), elles
ne représentent que 26,4% (632 détentrices de cartes dans le tottal global des professionnels des médias au Maroc qui est 2387
cartes délivrées).98
Une présence donc d’un quart dans les effectifs nationaux qui,
on s’en doute, va avoir de profondes conséquences sur les contennus de ces médias, leurs rubriques et thématiques comme leurs
modes de traitement, leur lexique, la symbolique qu’ils vont véhhiculer et transmettre, c’est-a-dire une culture masculine domin98 - Le pourcentage des femmes atteint les 35% en Égypte, 39% au Portugal, 40% au Danemark,
46% en Tunisie, 55% en Finlande, 80% en Russie et 25% en Algérie, situation quasi similaire à
celle du Maroc.
312
dialogue national - media et societe
nante, misogyne souvent et fondamentalement discriminatoire,
comme en témoignent nombre d’analyses qui ont d’ailleurs inccité l’État à adopter, en 2005, un « plan national » (ou charte
nationale) de lutte contre l’image discriminatoire de la femme
dans les médias et de promotion de la place et des compétences
de la professionnelle dans les médias…Il est de notoriété pubblique au sein de la profession, par exemple, que les femmes
sont en règle générale marginalisées ou discriminées dans les
tableaux d’avancement, comme dans les décisions d’augmentattion de salaires ou d’octroi de primes de rendement et qu’elles
n’accèdent que rarement aux postes de responsabilité au sein de
l’entreprise. À ce jour, on ne compte qu’une rédactrice en chef
dans un hebdomadaire généraliste à gros tirage, une directrice
de chaîne TV du pôle public, deux directrices d’information dans
deux chaînes TV du même pôle, cinq responsables dans onze
stations radios, à l’exception de certains périodiques et magazinnes qui sont soit éditées par des femmes, soit occupant un crénneau dans la presse spécialisée (économie, famille, mode…).
Force est de relever quand même que, relativement, les médias
dits publics affichent une meilleure représentation de l’élémment féminin parmi leurs effectifs, avec une nette avancée dans
l’audiovisuel ( la radio nationale en tête) mais sans que cela siggnifie que les femmes jouissent des mêmes droits et des mêmes
conditions de travail que leurs confrères hommes, depuis les sallaires jusqu’à l’accès à des postes de responsabilité, en passant
par les horaires, les tâches confiées et les conditions et outils de
travail. Et sans aussi que leurs droits spécifiques, en tant que
femmes, soient scrupuleusement respectés, comme le congé de
maternité.
2. Salaires, moyens de travail et droits sociaux
Il est indéniable que la convention collective, signée le 14 déccembre 2005 entre la FMEJ et le SNPM, et le contrat programmme, signé le 11 mars 2005 entre la FMEJ et le ministère de la
diagnostic global et analyse sectorielle
313
Communication, constituent des ancrages fondateurs d’une recconnaissance, enfin, des droits sociaux du journaliste au Marroc. Les consultations et réunions menées par ces parties tout le
long de 2010 et les premiers mois de 2011 pour renouveler ces
deux importants documents de régulation ont été l’occasion de
pointer leurs faiblesses quant à leur effectivité. Car, il est maniffeste pour tous les concernés, et d’abord pour les journalistes,
que la convention collective est peu ou sélectivement appliquée,
quand elle n’est pas ignorée, par nombre d’éditeurs, et le contrat
programme n’est plus tout à fait adapté, cinq ans après sa siggnature, aux nouvelles donnes intervenues depuis lors dans le
paysage de la presse écrite, devenu plus diversifié, eu égard au
moins à l’avènement progressif de la presse électronique dans
son champ99.
Certes, on est loin des décennies 70 ou 80, quand le journaliste
était payé en cash par une enveloppe remise par le Directeur
(souvent leader du parti politique commanditaire du journal),
moyennant des marques de déférence comme le veulent les
coutumes marocaines pour un père ou pour un protecteur (un
directeur de quotidien connu avait même droit au baisemain
quand il remettait les salaires en personne, dans son bureau!)…
Les contrats de travail qu’offraient de rares entreprises (organes
publics ou semi-publics, comme la MAP ou la RTM de l’époque
ou encore le groupe Le Matin/Maroc Soir), n’étaient pas respecttueuses de toutes les obligations prévues par la loi (législation
du travail et statut du journaliste).
On était alors dans une logique d’emploi accordé, sans garantties légales, à un « militant ou sympathisant » (dans le cas de la
99 - A partir de début 2011, deux sites d’information on line, des « pure players », s’imposent
au top des sites d’information consultés, il s’agit de www.goud.ma (lancé par des anciens de
l’hebdomadaire papier disparu « Nichane » et de www.lakome.com (lancé par l’ex éditeur du
quotidien papier « Al Jarida Al Oula »). La vague d’événements quotidiens, depuis l’apparition
du « Mouvement du 20 Février » », que ces deux supports couvrent largement, heure par heure
même, avec contenus multimédia, est pour beaucoup dans leur fulgurante popularité, auprès
des jeunes tout particulièrement et des élites.
314
dialogue national - media et societe
presse partisane) ou, dans le cas des établissements publics ou
entreprises assimilées, dans une logique de fonctionnariat avec
tous les régimes de gestion bureaucratique et d’applications varriables qui ne manquent ni d’injustices ni d’exceptions contrairres aux dispositions légales. En tout cas, le journaliste n’était
nullement, en général, dans ses droits de manière complète et
légale.
L’actuelle génération de journalistes était donc en droit d’envissager avec la signature, fin 2005, de la « Convention collectivecadre des journalistes professionnels » à rentrer dans une ère
de normalité concernant ses droits matériels et sociaux, à partir
de janvier 2007, au plus tard, puisque cette convention, stipullait dans son article 21, relatif à son entrée en vigueur, que :
« la présente convention-cadre sera notifiée au ministère de
la communication pour être prise en compte dans le cadre du
contrat-programme conclu entre l’État et les parties signatn
taires. Elle prend effet avec ses dispositions actuelles à partir
du 1er janvier 2006.Toutes les entreprises de presse devront
impérativement se conformer aux dispositions de la présente
convention et de ses annexes adoptées en 2006, au plus tard,
avant le 1er janvier 2007 ».
Or, en 2011, l’application de cette convention, en partie ou globbalement, n’est toujours pas de mise dans nombre d’entreprises,
avec des situations bien similaires aux situations de non droit de
l’ère d’avant cette convention. Le vécu du journaliste en atteste
dans plusieurs cas de « récits de vie professionnelle »…
Confrontons donc les principaux droits octroyés, depuis près de
cinq ans, par cette convention collective et le vécu actuel de nos
professionnels, illustré par des exemples documentés par notre
étude, dans diverses entreprises de la presse écrite nationale.
diagnostic global et analyse sectorielle
315
Principales dispositions de la convention collective
au plan matériel et social
- Article 6 – Carte de presse et attestations d’emploi
Le journaliste reçoit dès son engagement un document écrit sous forme
de carte de travail, de lettre d’engagement ou de contrat écrit établissant
sa qualité, la durée de son engagement et son salaire. Après sa confirmattion au terme de la période de stage, il est proposé pour l’obtention de la
carte de presse officielle.
Pendant son maintien au service de l’entreprise de presse il a droit à tout
moment d’obtenir de celle-ci des documents faisant état de sa profession,
de son ancienneté et de son salaire, conformément à la législation en viggueur.
Article 9 – Rémunération principale
La rémunération du journaliste professionnel est fixée selon son classemment en tenant compte de sa qualification et de ses aptitudes professionnnelles.
Le salaire brut d’un journaliste ne peut en aucun cas être inférieur à 5800
Dhs par mois au terme de la période de stage.
Article 10 – Primes diverses
Les journalistes professionnels perçoivent une indemnité mensuelle de
transport qui ne doit pas être inférieure à 400 Dhs.
1- Dans les entreprises de presse où il existe à la date de la signature de
la présente convention, un 13ème mois au bénéfice des journalistes proffessionnels, cette prime est considérée comme un droit acquis et ne peut
faire l’objet d’aucune remise en cause.
2- A partir de janvier 2007, le droit à la prime dite 13ème mois sera efffectif dans toutes les entreprises de presse membres de la Fédération des
éditeurs de journaux.
Article 12 – Frais de missions
Les déplacement à titre professionnel des journalistes en dehors de leur
ville d’affectation ou de résidence habituelle déclarée, donnent lieu au
remboursement par l’entreprise de presse, des dépenses effectives qu’ils
occasionnent au titre du transport, de la restauration, de l’hébergement,
et de la communication.
Sous réserve de respecter les standards de décence admis dans la professsion, ces frais peuvent être plafonnés et/ou soumis à des critères objectifs
316
dialogue national - media et societe
d’évaluation préétablis ou encore à autorisation d’engagement.
L’exigence de justificatifs de dépenses admis par la législation fiscale ne
peut être interprétée comme une mesure restrictive ou abusive.
A défaut de conditions fixées dans l’accord d’établissement, le règlement
intérieur ou dans l’ordre de déplacement donné, les frais de mission sont
présumés être fixés sur les bases forfaitaires suivantes :
- 300 Dhs par jour, pour tout déplacement dans un rayon de plus de 200
km du lieu de résidence du journaliste ou du siège de l’entreprise de pressse ;
- 1000 Dhs par jour, pour tout déplacement à l’étranger accompli pour
l’exercice d’une mission journalistique.
Article 16 – couverture sociale
Le journaliste professionnel est obligatoirement immatriculé à la CNSS.
L’entreprise de presse verse mensuellement à celle-ci les cotisations légales
au titre du régime général. Elle assure également la couverture du risque
maladie auprès de cet organisme ou de tout autre régime autorisé par la loi.
Des couvertures complémentaires sont souscrites par chaque entreprise
de presse au profit des journalistes professionnels ou de l’ensemble du
personnel, notamment contre les risques maladies, invalidité et vieillesse
en contribuant à leur financement à concurrence de 50% au moins des
primes qui en découlent.
Qu’en est-il dans la réalité?
Si la réalité est bien déficitaire, en termes de salaires, pour tous
les journalistes, elle est en fait duale dans ces déficits. D’un côté,
elle est globalement peu réglementaire dans la presse francopphone, et de l’autre, elle est scandaleusement inéquitable et mannifestement illégale dans le cas de la presse arabophone.
Quand certaines publications francophones concèdent un sallaire minimum de débutant conformément à l’article 9 de la
convention collective, soit 5500 DH net ou 5800 brut (on peut
même parler d’une moyenne de 6000DH), la majorité des pubblications arabophones concèdent un salaire minimum pour le
même profil, de 3000 DH, et dans le meilleur des cas, un journnaliste arabophone ne peut espérer un minimum de 5000 ou
5500 DH qu’au bout de trois ans ou plus de travail. Notre étude
est arrivée même à la conclusion qu’en termes d’avancement, un
diagnostic global et analyse sectorielle
317
journaliste arabophone doit travailler dix ans avant d’atteindre
le salaire d’un journaliste débutant dans la presse francophone.
Bien entendu, dans le cas des femmes journalistes qui, de fait, et
quelque soit le secteur, sont payées 18% à 20% moins que leurs
confrères du sexe masculin, la situation est quasi inique dans les
publications arabophones.
La situation dans la presse partisane n’est pas reluisante non
plus sur ce registre des droits matériels et sociaux des journalisttes, au moment où elle est confrontée à des impératifs décisifs
de mise à niveau, de nouvelles performances et de développemment, risquant de voir son déclin actuel continuer, au profit de
la presse électronique notamment. Ses journalistes, les arabopphones comme les francophones, sont bien moins payés que
leurs confrères de la presse privée. Alors que les correspondants
régionaux, sont en règle générale, payés 50% moins que leurs
collègues de la rédaction centrale, et dans le cas de la presse parttisane, ils peuvent toucher encore moins ou sont payés à la pige,
plus ou moins correctement, plus ou moins régulièrement.
Quant aux indemnités et frais de mission (article 12 de la conventtion), c’est un poste qui atteste plus gravement encore des situattions d’infra droit et de gestion contre productive auxquelles
sont confrontés les journalistes dans nos entreprises de presse,
même en cas de couverture d’un événement majeur qui fait la
« une » et est potentiellement un sujet vendeur par excellence
et donc fort rentable pour l’entreprise en termes de diffusion, de
vente et de notoriété professionnelle.
Il est difficile d’imaginer, par exemple, comme collecté par nottre étude, que pour couvrir les émeutes du 8 novembre 2010 à
Laayoune, événements dits du «camp de Gdim Izik » :
- un hebdomadaire arabophone n’a accordé à son repporter qu’une indemnité forfaitaire de 800DH pour
tous les frais de séjour et de travail, durant trois jours
318
dialogue national - media et societe
d’enquête sur le terrain, sur un sujet qui fît, par la suitte, la couverture de la publication;
- un journaliste d’un autre hebdomadaire arabophone,
récipiendaire d’un prix international pour son enqquête sur ces événements, n’a réalisé celle-ci, en deux
jours, qu’en comptant sur ses propres deniers et sur
l’aide de ses propres amitiés sur place, n’ayant eu
droit qu’à 300Dhs, en tout et pour tout, comme frais
« complets » de mission! (la convention dans son
article 12, prévoit 300 Dhs par jour, au-delà de 200
Kms, ce qui, en soi, est à revoir à la hausse comme
la somme prévue de 1000Dhs/jour pour un déplacemment à l’étranger);
- un journaliste, arabophone, affecté en principe à la
rubrique économique du journal, a été obligé par son
directeur, d’enfiler, en une journée, moyennant des
déplacements par taxi à Rabat et à Casablanca, la
couverture d’une conférence de presse du ministre de
la communication sur ces événements de Laayoune (à
Rabat), d’une conférence de presse d’une grande banqque à Casablanca, d’une autre d’un grand opérateur
de télécommunications, d’une autre encore du Présiddent de la Banque du Maroc et, comme le lui ordonna
son directeur, de « faire au moins de furtives apparn
ritions et de s’inscrire dans les listes de présence »
des points de presse organisés le même jour, dans
trois lieux différents à Casablanca, par trois grands
groupes financiers qui sont d’importants annonceurs
pour la publication…Ce journaliste devait, en plus,
préparer sa page économique hebdomadaire pour le
lendemain, comme l’exigea de lui son directeur dans
la même conversation téléphonique!
Ces trois « tranches de vie professionnelle », suffisent pour
confirmer la tendance lourde d’une situation fort précaire du
journaliste marocain, relevant même de l’ « informel » ou du
diagnostic global et analyse sectorielle
319
« militantisme », au plan des salaires, des moyens et conditions
qu’on lui concède pour mener son travail sur le terrain. Elles
soulignent aussi la césure qui existe, sur ce plan, entre journallistes arabophones et leurs confrères francophones. Car, pour
la couverture du même sérieux et dangereux événement du 8
novembre 2010 à Laayoune, le reporter d’un magazine d’informmation francophone a eu droit, comme il le confie dans notre
étude, à : une indemnité d’hébergement de 600Dhs par nuit,
une indemnité de 150Dhs par repas, une indemnité de location
de voiture (en cas de besoin, sur justificatif) et une indemnité
forfaitaire de 200Dhs par jour pour le recrutement d’un « guidde » ou « facilitateur » sur le terrain (en cas de besoin et sans
nécessaire justificatif)…
Avec ce dernier cas, on est, dirions-nous, dans la normalité qu’on
souhaiterait pour tous les journalistes, qu’ils soient employés
par des titres francophones ou par des titres arabophones, par
des titres partisans ou par des titres privés. Mais le paradoxe
existe et, en fait, il subsiste, car il a toujours existé, depuis l’inddépendance. Alors que le champ médiatique a fortement changé
puisque, d’une domination des publications francophones on
est passé à l’inverse : une domination nette des tribunes arabopphones, dans les tirages comme dans les ventes, avec, en paralllèle, une dominante présence de l’expression arabophone dans
les médias audiovisuels (dans la majorité des radios privées,
notamment), sans oublier la langue Amazigh, qui accède petit à
petit au kiosque, alors qu’elle renforce progressivement sa préssence dans les radios et les chaînes de télévision du pôle public
et dans les médias associatifs embryonnaires.
Pour expliquer ce fossé structurel (et culturel?) entre les condittions matérielles et professionnelles des journalistes francophonnes et celles subies par leurs confrères arabophones, on invoque
généralement le quasi-monopole des titres francophones sur le
marché des insertions publicitaires. Explication avancée, souvvent, par les éditeurs ou directeurs de publications, justifiant
par là leurs politiques salariales, leurs grilles d’indemnités et le
320
dialogue national - media et societe
peu de moyens de travail qu’ils offrent aux journalistes (télépphone GSM, laptop, véhicule : panoplie minimale pour qu’un
journaliste effectue correctement son travail de nos jours…)100.
A cet argument avancé par certains éditeurs, doublé du juste
argument concernant l’insuffisante aide publique dans le cas de
certaines entreprises, les journalistes répondent que, justement,
l’aide publique à la presse, encadrée par le contrat programme,
et les engagements pris par les éditeurs sur la base de la conventtion collective, doivent normalement aider à assainir, en priorrité, cette situation si déficitaire et inique pour le journaliste,
quelle que soit la publication qui l’emploie.
Le débat revient donc au point de départ : quid de la mise en
œuvre effective de ces deux documents dans la totalité de leurs
dispositions et quelles refontes doivent-ils subir à présent, à des
fins d’adaptation et de mise en œuvre plus conséquente sur la
réalité du vécu professionnel des journalistes? Refontes qui doivvent déboucher, entre autres, sur une nomenclature nationale
de tous les médias qui, révisée périodiquement, doit définir les
différents métiers, les différentes tâches et les grilles de salairres et d’indemnités qui leur sont appliqués. Refontes qui doivvent aussi concerner l’aide publique, ses montants et les postes
auxquels elle doit être affectée prioritairement par les éditeurs
bénéficiaires, selon un cahier des charges clair, précis et à resppecter obligatoirement, sous peine de sanctions, c’est-à-dire
d’exclusion du régime de l’aide publique.
100 - Dans nombre de grands journaux, comme d’ailleurs à la MAP ou dans les médias
audiovisuels publics, l’octroi d’un ordinateur portable est sélectif, quand il est concédé, et
certains directeurs accordent à leurs journalistes des montants pour leurs crédits d’appels sur
cellulaire si peu suffisants que les journalistes sont obligés, pour leur travail, de payer de leur
poche…A la radio nationale, le service de production ne disposerait que d’une seule ligne fixe de
téléphone…Même situation dans une radio privée (Cap radio).Quant aux véhicules, la règle pour
le journaliste reporter est de compter pour ses déplacements, dans la plupart des cas, sur un
véhicule de service qui sert à divers services : distribution de courrier, transport de matériels et
de marchandises, transport de personnels! Quant à une « prime d’habillement », non évoquée
par la convention collective, personne n’ose la revendiquer (dans le cas de la MAP, elle existe
comme rubrique dans le budget de fonctionnement, mais elle sert juste à titre d’indemnité
complémentaire au salaire sans qu’elle soit obligatoirement dépensée pour l’objet déclaré).
diagnostic global et analyse sectorielle
321
La révision de ces deux textes devra tenir compte, cependant,
de certaines réalités qu’il faudra analyser plus profondément et
imaginer de nouvelles approches pour les infléchir vers une démmocratisation des pratiques des entreprises et de leur gouvernnance au plan des droits professionnels et sociaux des journallistes comme au plan de la configuration du champ médiatique
national dans son ensemble.
Car, il est indéniable, que la réalité de l’activité économique et
du monde des affaires au Maroc est encore bien dominée par
la langue française, de sorte que le marché publicitaire est fonddamentalement francophone, particulièrement en direction de
la presse écrite…Bien qu’on assiste, ces dernières années, à un
intérêt croissant des annonceurs pour les publications arabopphones lesquelles ont pu, il faut le reconnaître, s’imposer à ce
marché du fait de leurs tirages et ventes, en plus d’autres parramètres, moins évidents ou moins connus et que nous avons
déjà évoqués dans notre analyse du secteur de la publicité (inssertions de complaisance, soutiens financiers indirectes d’un
groupe économique, soit participant au capital de la publication
concernée, soit poursuivant un objectif d’influence ou d’ambittions d’ordre économique ou politique, via la presse …).
D’un autre côté, l’évolution du champ de la presse écrite, qui
a profité ces dernières années particulièrement aux titres arabbophones, provoquant, par voie de conséquence, un constant
recul d’influence de la presse francophone, a fini par rendre le
profil du «journaliste francophone» assez rare sur le marché.
D’autant plus que, d’une part, la spécialité «presse écrite» est
de plus en plus désertée par les étudiants de l’institution publiqque (ISIC) au profit de la spécialité audiovisuelle et que, d’autre
part, deux écoles privées sur les trois qui recrutent le plus d’étuddiants (à Casablanca), offrent quasi exclusivement des formattions en arabe. D’ailleurs, il est de plus en plus fréquent de renccontrer quotidiennement dans la presse des offres d’emplois en
journalisme, pour tout francophone détenteur d’un quelconque
diplôme universitaire, à défaut d’un diplôme universitaire spéccialisé en journalisme.
322
dialogue national - media et societe
La faible offre en profils francophones a donc sa part dans l’expplication de leurs meilleures situations dans l’entreprise et à
l’inverse, la relative disponibilité de nombre d’arabophones
comme demandeurs d’emploi dans les médias, explique la fraggilité du professionnel arabophone qui le pousse à accepter le
renoncement, plus ou moins forcé, à certains droits sociaux et
professionnels légitimes. Mais ce tableau n’est pas toujours ausssi simple de lecture, les paradoxes étant la dominante du champ
médiatique national, il peut arriver des situations atypiques ou
exceptionnelles à la règle par rapport à ces pratiques dominanttes.
Ainsi, par exemple, la corporation a assisté, quasi impuissante,
au lock-out de deux quotidiens partisans (Al Mithaq et Al Magghrib), avec une lutte quasi vaine, de plusieurs années, menée
par leurs journalistes pour essayer de recouvrer leurs droits léggitimes d’avant la fermeture et leurs indemnités prévues par la
loi en cas de lock-out. En 2008, les journalistes de deux autres
journaux partisans (Al Bayane et Bayane Al Youm) , s’engagèrrent dans un conflit ouvert avec leur direction pour leurs droits
à la retraite, à un salaire légal et au13ème mois légal (prévu par
l’article 10 de la convention)…Dans un communiqué du 28 févvrier 2008 le SNPM soulignait à propos de ce conflit : « le non
règlement des crédits cumulés envers la société envers la caisse
marocaine interprofessionnelle de retraite (CIMR) malgré les
prélèvements effectués régulièrement depuis 1998 sur les salairn
res des journalistes ; la non application d’une façon convenable
de la convention collective concernant notamment les salaires
et le treizième mois »…(le 13ème mois qui, comme l’augmentattion annuelle du salaire ou la prime à l’ancienneté ,prévue par
l’article 8 de la convention, sont rarement appliqués)101.
101 - Nul n’envisage encore de voir aboutir, à terme, dans une telle réalité, la revendication bien
récente du SNPM d’une prime de risques, alors que ces deux dernières années des journalistes
ont été menacés de mort à Tétouan pour leurs enquêtes sur des affaires touchant au secteur de
l’immobilier ou au trafic de stupéfiants, que les journalistes de la station TV de Laayoune sont
épisodiquement agressés, menacés et que journalistes et caméramans ont été molestés, violentés
et harcelés lors de diverses manifestations de rue, notamment depuis les manifestations du 20
Février 2011.
diagnostic global et analyse sectorielle
323
Dans le camp de la presse privée, il y a le cas d’un hebdomadaire
francophone, des plus lus et des plus en vue par ses serments de
foi pour la défense de la culture du respect des droits. Sa directtion dût reconnaître en janvier 2010, à l’occasion d’une faillite
financière exécutée par huissiers, qu’elle ne payait pas les droits
sociaux de ses journalistes (cotisations sociales, prévues par
l’article 16 de la convention), alors que son administration préllevait, à cet effet, les sommes dues sur les salaires à cet effet…
Parlant de son expérience de six années dans cet hebdomadaire,
un de ses anciens journalistes commente :
«La fermeture du ``Journal`` fût une grande perte pour le
paysage médiatique mais elle fût tout autant une grande pertn
te pour ses journalistes et ses personnels quand ils apprirent,
avec surprise, que leurs cotisations à la CNSS n’ont jamais été
payées par l’employeur, alors que pendant des années, on leur
prélevait mensuellement les sommes de ces cotisations sur leur
salaire… Dès le lendemain de la fermeture, on s’est retrouvé
sans ressources, ni indemnités pour cessation de paraitre, ni
droits sociaux… un véritable deuil pour nous tous ».
Ces vécus particuliers attestent donc que, quel que soit le type
de publication, arabophone ou francophone, quels que soient
ses moyens, ses traditions, sa ligne éditoriale, ses performances
éditoriales ou commerciales, la tendance globale de la gouvernnance d’entreprise tend vers l’application du moins possible des
droits sociaux et professionnels dûs aux personnels de l’entrepprise, aux journalistes en particulier.
Même si un certain nombre d’entreprises poursuivent depuis
2007 des efforts pour se conformer à la convention collective et
au contrat programme, nombre d’exemples vécus, de rapports
et communiqués du SNPM et d’autres centrales syndicales, de
cahiers revendicatifs, dans la presse écrite comme dans la presse
audiovisuelle, témoignent amplement de ce type de gouvernancce aux multiples défaillances et travers. Car il s’agit fondamenttalement d’un sérieux problème, structurel, de gouvernance en
interne dans tous nos médias, comme en témoignent aussi les
324
dialogue national - media et societe
mouvements de contestations, de revendications, de grèves, de
pétitions et de sit-in que les médias publics vivent depuis des
mois, à l’intérieur de leurs murs comme devant leurs sièges
(agence MAP, SNRT, 2M).
3. Droits déontologiques ou moraux, formation
et professionnalisme
Cette gouvernance, globalement bien peu respectueuse des
droits socioprofessionnels des journalistes, a également des
conséquences sur les droits moraux et déontologiques de ces
derniers. Ils sont, par exemple, rares les publications qui porttent dans leur « ours » les noms de tous les journalistes. Souvvent, cette visibilité n’est accordée qu’aux chefs et chroniqueurs
vedettes ou signatures invitées pour leur renom. Et si les journnalistes marocains sont confrontés, comme nombre de leurs
confrères ailleurs, au phénomène de la convergence qui les obliggent à produire, avec un seul salaire, pour deux supports de leur
éditeur (édition papier et édition électronique) ou même trois
(quotidien papier, quotidien électronique et publication hebdommadaire), ils sont particulièrement exposés à la censure induite
par le souci permanent de l’éditeur d’attirer le plus d’annoncceurs, les plus gros et les plus réguliers. Une censure qui ne dit
pas son nom et qui fait dire à un journaliste que « la sphère des
lignes rouges et du sacré s’est élargie, elle englobe maintenant
de gros annonceurs, des hommes d’affaires sont devenus sacrés
dans nombre de journaux et la sacralisation d’un opérateur
économique dans une publication provoque, presque mécaniqn
quement, la sacralisation de son rival dans un autre journal,
de sorte que le journaliste avec ses écrits commandés par son
patron, devient un simple instrument aux mains des antagonn
nistes, sans qu’il espère trouver ailleurs une gouvernance qui
lui permette d’exercer son métier sans être instrumentalisé de
la sorte dans des conflits qui le dépassent».
C’est là l’illustration la plus concrète de l’intrusion en cours, deppuis une dizaine d’années, du pouvoir économique dans le dom-
diagnostic global et analyse sectorielle
325
maine de la presse, comme nous l’avons longuement exposée et
commentée dans notre cadrage politique et dans notre analyse
du diagnostic du secteur de la presse écrite. Au gouvernail de
plusieurs titres, des lobbys économiques, groupes financiers et
hommes d’affaires, sont, soit aux commandes, comme opératteurs médias, soit pas loin. Et leur influence sur la presse n’est
pas uniquement d’ordre économique et financier, elle est aussi
d’ordre politique, encadrant ou infléchissant explicitement ou
implicitement leurs contenus et leurs lignes éditoriales. Un défi
pour la démocratie tout court comme pour la promotion d’une
presse professionnelle, démocratique par ses contenus et par sa
propre gouvernance.
Un grave déficit donc pour les droits moraux dont celui qui vient
en tête des chartes déontologiques du journalisme à travers le
monde : l’Indépendance du journaliste, notamment par rapport
aux interventions du monde des annonceurs. Un journaliste
résume cette inféodation forcée à l’annonceur, craint ou couru
par l’éditeur, en disant : « les articles roses sur les puissants
groupes financiers et hommes d’affaires prolifèrent dans nos
journaux, la politique et l’argent sont devenus bien mêlés et
nombre de politiques ont maintenant des sortes de sponsors
puissants auprès de la presse»… Il n’est donc pas étonnant,
comme le confirment nombre de journalistes interrogés par nottre enquête, qu’une culture permissive et favorable à la corrupttion s’installe dans l’entreprise et gagne le journaliste qui, par
ailleurs, compte tenu de sa situation fragile, voire précaire, au
plan pécunier, est bien fragile devant une telle tentation, légitimmée en quelque sorte par les pratiques de son patron.
Ce qu’il faut bien qualifier de « misère sociale », comme le fait
l’auteure de cette étude sur le vécu du journaliste moyen, enggendre une « indigence professionnelle »… « Il faut voir, écrit
Mme Moukrim, comment nombre de correspondants de la
presse quotidienne et de journalistes de publications régionaln
les vivent un genre de ``misère sociale``, qui ne leur permet
pas d’accéder aux sources de façon digne et professionnelle,
326
dialogue national - media et societe
finissant par devenir de simples porte-voix au discours de telle
ou telle source et se contentant d’avoir recours à des sources
de seconde main et donc de livrer des contenus sans qualité
professionnelle requise »102…Alors qu’un responsable syndical
régional rapporte, de son côté, que : « A l’exception d’un petit
nombre de quotidiens qui offrent à leurs correspondants des
conditions de travail conformes aux exigences professionnelles,
la plupart des correspondants passent leurs journées et leurs
soirées à déambuler entre les cafés, les administrations publiqn
ques et des rencontres de médisance (« namima »), à la quête
d’informations fraîches ou dépassées la plupart du temps»…Ce
professionnel révèle, à cet égard, la « recette », bien connue
parmi ces journalistes : la recette dite du « réchauffement du
Tagine » : une information dépassée qu’on réécrit sous forme
de chronique ou même de nouvelle pseudo-littéraire, pleine
d’ingrédients attractifs dans la narration…Porte ouverte donc à
l’information approximative, à l’interprétation non fondée, à la
rumeur et même…à l’imagination de faits…
Cette situation si favorable et si profitable au non professionnnalisme et à toutes sortes de déviations par rapport à l’éthique
et à la déontologie du métier, comme aux droits moraux, voire
politiques et civils, du journaliste, interpelle aussi, bien entenddu, la dimension de la formation du journaliste103. Dimension
que nous avons longuement analysée dans notre diagnostic de
ce secteur. Mais, il est autrement édifiant d’entendre les professsionnels l’évaluer à la lumière de ces déficits socio- professionnnels qu’ils vivent au quotidien et qu’ils reconnaissent en grand
nombre…
102 - Un journaliste d’un grand groupe de presse, éditeur de deux influents quotidiens (en
arabe et en français) dit être souvent obligé de recourir à la technique du « bip » ou à une cabine
téléphonique publique pour contacter ses sources, une fois qu’il a consommé le crédit mensuel
de son cellulaire fixé par l’employeur à 250Dhs. « Imaginez l’impression que vous laissez auprès
d’une source quand vous lui reconnaissez que vous n’avez pas les moyens de votre demande
d’information! », commente-il.
103 - Les 21 et 22 mars 2011 paraissait dans la presse une offre d’emploi pour recruter des
correspondants régionaux par un grand quotidien de la place. Parmi les conditions requises pour
appliquer à cet emploi, celle-ci : « n’avoir aucune appartenance, ni politique ni syndicale »…
sans commentaire!
diagnostic global et analyse sectorielle
327
A l’occasion de notre étude, nombre de journalistes interviewés
ont incriminé « la simplicité » avec laquelle n’importe qui peut
créer une institution de formation, l’anarchie qui sévit, sans
contrôle dans ce secteur au point que certains décrètent qu’ils
offrent une « formation de niveau universitaire », alors qu’ils
recrutent des candidats, même sans le baccalauréat, alors que
d’autres, autorisés ou tolérés par le Ministère de l’enseignement
supérieur dispensent des formations qui ne sont nullement de
niveau universitaire, ne disposant pas d’enseignants qualifiés
pour… « De sorte, dit Mme Moukrim, résumant les propos
de ses interviewés, qu’on assiste à une escroquerie dont sont
victimes les étudiants, nombre d’entre nos journalistes interrn
rogés ont été unanimes pour nous dire qu’ils ont été déstabiln
lisés et choqués, une fois diplômés de ce type d’institutions, en
découvrant que leur formation ne correspondait en rien aux
demandes du marché et aux compétences recherchées par les
employeurs ».
D’autres interviewés, témoignant des tarifs élevés pratiqués par
ces « commerces de la formation », dévoilent même que certainnes « vendent leurs diplômes », alors qu’il est courant de fairre payer aux étudiants les stages en cours de formation même
quand ils sont offerts gracieusement par les entreprises, publiqques ou privées, à ces écoles..! Une fois sur le marché du travail,
concluent certains lauréats de ces écoles « on se retrouve dans
un paradoxe terrible : ni journalistes, ni non journalistes ».
Quant à la formation continue, qui est un droit légal, confirmé
dans la convention collective du 14 décembre 2005 ( Article
13), comme par le contrat programme du 11 mars 2005 (titre
8), mais qui est aussi un droit majeur inscrit dans toutes les
chartes déontologiques à travers le monde (y compris celle de
la FIJ), elle n’est assurée, par de rares entreprises, qu’épisodiqquement et sans profond et pérenne impact sur les compétences
employées et les contenus produits. Outre toutes les conséquencces négatives et les menaces induites par ces déficits structurels
dans le domaine de la formation (formation initiale et format-
328
dialogue national - media et societe
tion continue) et que nous avons longuement exposées dans la
section précédente, il est une conséquence fort préjudiciable
pour l’émergence et l’ancrage d’un véritable professionnalisme :
l’auto-formation et l’auto-apprentissage qui, sur la base d’une
formation initiale solide et avec l’appui d’un perfectionnement
permanent, permet au journaliste de développer des capacités
personnelles, des performances particulières , un sens et des réfflexes éprouvés et sans cesse cultivés et entretenus au plan des
règles professionnelles comme au plan des normes éthiques et
des règles déontologiques.
Tout compte fait, la « misère sociale et professionnelle » que déggage, globalement, le vécu réel du journaliste au Maroc, revient,
fondamentalement, dans plusieurs de ses aspects, à interpeller
le mode de gouvernance de l’entreprise média marocaine.
Dans le secteur de la presse écrite, on peut dire que la gouvernnance bénéficie, depuis l’avènement de la convention collecttive et du contrat programme, de repères et de balises potenttiellement à même d’en améliorer les modes et les pratiques.
Entretemps, la presse électronique, d’apparition récente et qui
donc n’a pas été spécifiquement abordée par ces deux leviers
de régulation, est encore livrée à elle-même, de tout point de
vue. Tandis que le secteur de l’audiovisuel vit indéniablement
une situation d’impérieuse nécessité d’une réelle refonte de sa
gouvernance, comme nous l’avons amplement souligné dans le
diagnostic de ce secteur. Certes, ce secteur est le seul qui dispose
dans notre champ médiatique national d’une autorité de régullation (HACA) qui, par ses outils, comme les cahiers de charge,
ou par les rendus de ses décisions post-diffusion, aide à l’améllioration de la gouvernance et à l’ancrage de standards en faveur
d’une meilleure gouvernance de la production, des contenus et
des choix et pratiques qui doivent être conformes à la mission et
aux objectifs admis ou désignés par cette autorité. Mais, pour ce
qui concerne la gouvernance en matière de ressources humainnes, de leurs droits et devoirs, qui ne font pas partie expressémment du mandat de cette autorité, il y a un gros déficit à comb-
diagnostic global et analyse sectorielle
329
bler, tout spécialement dans le secteur du pôle public : depuis la
domination d’une « culture bureaucratique et d’allégeances »,
qui « congèle les décisions », comme dit un professionnel de
ce pôle, jusqu’à l’incapacité d’attirer de performantes compéttences, surtout après l’hémorragie provoquée par la politique,
bien controversée, du départ volontaire (« DVD » qui a porté un
préjudice similaire à la MAP), en passant par des stratégies inaddaptées ou inconséquentes par rapport aux objectifs globaux de
ce pôle (le budget de la radio nationale, média à large audience
populaire, ne représente qu’un quart du budget alloué à la télévvision)… Sans oublier, bien entendu, la question de l’indépenddance éditoriale qui est le point nodal dans l’évaluation de toute
gouvernance de média qu’il soit écrit ou audiovisuel, qu’il soit
public ou privé.
Le voyage dans le quotidien vécu par tous les professionnels des
médias au Maroc revient finalement à remettre sur la table les
grands choix structurels qui doivent être revisités de fond en
comble pour mettre à niveau, moderniser et démocratiser, un
champ où il est désormais loisible à quiconque d’éditer une pubblication, de lancer un journal électronique ou un portail d’infformation et même, moyennant quelques conditions d’éligibillité à remplir, d’obtenir de la HACA une licence pour une station
radio ou de télévision.
La somme de tous ces impératifs de l’heure revient à déployer
une réforme globale avec des objectifs qu’une politique nationnale devra aborder comme un ensemble où chaque élément déppend des autres :
üUn encadrement de régulation par la loi (Constitution,
législations et règlements) et d’autorégulation indépenddant, conforme aux normes internationalement recommmandées;
üUne mise à niveau de l’économie de l’information et de
l’entreprise média en tant qu’entreprise ayant des bessoins, contraintes et objectifs spécifiques par référence
au rôle d’intérêt public des médias et par rapport à la néc-
330
dialogue national - media et societe
cessaire viabilité économique de ce type d’entreprise;
üUne mise à niveau performante, variée et soutenue par
l’État, de tout le secteur de la formation et de la formattion continue;
üUne démocratisation de la gouvernance en interne de
l’entreprise média ayant le souci ultime de la qualité par
référence à la noble mission de la presse, en relation avec
l’intérêt général et à l’écoute des attentes et besoins des
publics en tant que citoyens ayant des droits inaliénabbles en démocratie, comme le droit d’être valablement
et honnêtement informés sur la gouvernance comme sur
leur société.
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
Principes et indicateurs
de gouvernance
et de régulation
331
332
dialogue national - media et societe
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
333
Le concept ou souci de «la gouvernance des médias» est relativvement récent. Voilà à peine vingt ans qu’il a commencé à appparaître dans les documents du système onusien, notamment
ceux de son agence spécialisée, l’Unesco. On peut dire qu’il a eu
droit de cité à partir de la Déclaration de Windhoek, qui sancttionna, le 3 mai 1991, la première d’une série de conférences sur
la liberté de la presse que l’Unesco convoqua depuis lors, dans
les différentes régions du monde (Afrique, Asie, Amérique Lattine, Europe occidentale, Europe centrale et orientale, Monde
arabe, au Yémen en 1996…). Car l’Unesco, comme organisation
intergouvernementale, s’est progressivement engagée dans une
approche de développement des médias à l’aune du référentiel
universel des droits humains et des normes de la démocratie,
avec l’objectif de promouvoir, dans le domaine qui est le sien,
la «bonne gouvernance» (dans l’éducation, la culture et la commmunication).
Durant les années 70, avec le débat sur le «NOMIC» (Nouvel
Ordre Mondial de l’Information et de la Communication), qui
fût «un des plus forts affrontements culturels de la guerre froidde», comme l’écrit l’experte Divina FRAU - MEIGS ,104 l’Organnisation entra dans une période très difficile, suite tout particculièrement à la remise de l’historique rapport dit «Rapport
McBride» qui exposait les pistes et les mesures nécessaires à
l’émergence d’un nouvel ordre mondial de la communication
(NOMIC).105 Ce rapport et le débat qu’il suscita à travers le mondde, partagé alors par la guerre froide, provoquèrent le retrait
des USA de l’Unesco, pour près de vingt ans (1984 /2003) et le
retrait du Royaume Uni, pendant douze ans (1985/1997, avec,
104 - Consulter son article consacré à cette crise, « Le retour des États-Unis au sein de l’Unesco» :
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/AFRI%2045.pdf . Pr. Divina FRAU-MEIGS a
participé, en tant qu’experte sur la gouvernance de l’Internet, au Dialogue national, à l’occasion
de l’audition du Ministre et de la Secrétaire d’État du département de l’Éducation nationale, de
l’Enseignement supérieur, de la Formation des cadres et de la Recherche scientifique.
105 - Sean McBride (1904/1988), avocat irlandais, fondateur d’Amnesty International, prix
Nobel de la paix (1974), présida en 1977, à la demande de l’Unesco, une commission de réflexion
sur le NOMIC qui réunissait, entre autres, le fondateur du journal français « Le Monde », Hubert
Beuve-Méry, le prix Nobel de la littérature, le colombien Gabriel Gracia Marquez et le théoricien
canadien des médias, Marshall MacLuhan.
334
dialogue national - media et societe
aussi, celui de Singapour en 1985). Ce retrait fût longtemps justtifié par les USA et l’UK, deux membres fondateurs de l’organissation, au nom de la liberté, que le NOMIC menacerait, de leur
point de vue, et au nom de la bonne gouvernance qui, selon eux,
manquait gravement à l’Organisation, avec un fonctionnement
qui engloutissait 80% du budget. En conséquence, cela se tradduisit pour l’Unesco par la perte de près de 30% de son budget
(les USA, à eux seuls, y intervenaient à hauteur de 22%).
Si cette situation déstabilisa sérieusement les stratégies et proggrammes de l’Organisation, elle lui profita, paradoxalement,
pour lancer, sous certains éclairages du rapport McBride à n’en
pas douter, une réflexion anticipatrice et profonde sur le rôle et
la place des médias dans les sociétés, notamment les sociétés
du Sud en quête de modèle de démocratie et de bonne gouvernnance.
Avec son programme PIDC (Programme International de Dévveloppement de la Communication), lancé en 1980, donc déjà
avant la crise avec les USA et l’UK, l’Organisation a œuvré pour,
essentiellement, faire rattraper aux pays du Sud leurs différents
retards technologiques, infrastructurels et au plan de la formattion des ressources humaines des médias106.
A partir de 1990, l’Unesco développa nombre d’approches et de
programmes centrés sur le développement des médias en relattion avec la démocratie, le développement et la bonne gouvernnance. Cela se traduisit par nombre de publications, de rapports
d’analyse, de guides et indicateurs pour décideurs politiques,
pour opérateurs médias, publics, privés et communautaires,
de manuels pour les professionnels, pour les formateurs… Des
initiatives que l’Unesco a souvent conduites ou partagées avec
106 - Grâce au PIDC, par exemple, l’SIC (ex ISJ) et la MAP, au Maroc, l’IPSI, la TAP et le CAPJC,
en Tunisie, introduisirent la PAO dans leurs classes et rédactions et, dans le cas du Maroc, l’ISJ
a pu déployer en conséquence la promotion de ces nouvelles technologies auprès de la presse
de l’époque, qui était encore à l’ère de l’impression à chaud et typographique. L’ISJ de Rabat,
comme l’IPSI et le CAPJC de Tunisie organisèrent les premiers ateliers de familiarisation des
professionnels à la PAO, grâce aux fonds du PIDC.
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
335
des organisations internationales de la société civile mondiale
comme la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ/IFJ)
ou Article XIX…
Dans son dernier guide «Indicateurs de développement des méddias» comme «cadre pour l’évaluation du développement des
médias», l’Unesco souligne que :
« L’accent mis sur l’aide au développement des médias est clairn
rement lié à la capacité des médias de renforcer les processus
démocratiques participatifs et transparents, et qui impliquent
tous les acteurs de la société. L’expérience nous montre qu’un
environnement médiatique libre, indépendant et plurr
raliste constitue un ingrédient essentiel au renforcement de la
démocratie. De plus, par la mise à disposition d’un moyen de
communication et d’accès à l’information, les médias
peuvent contribuer à assurer que les citoyens soient pourvus
d’instruments nécessaires pour opérer des choix informés et
accroître leur participation à la prise de décision sur des sujn
jets qui affectent leur existence (…) Il est important d’identifier
les principales caractéristiques d’un environnement médiatn
tique dans lequel la liberté d’expression, l’indépendance et le
pluralisme des médias peuvent s’épanouir, conformément aux
principes édictés dans la Déclaration de Windhoek (en 1991) et
dans les déclarations régionales qui ont suivi, portant sur la
promotion des médias indépendants et pluralistes, adoptées à
Almaty, Santiago, Sanaa et Sofia».107
« (..) Des médias libres, indépendants et pluralistes fournissent
aux citoyens des informations qui leur permettent de faire des
choix informés et de participer activement aux processus démn
mocratiques. Ils peuvent aider à renforcer la transparence et
la responsabilité des autorités envers les citoyens, en facilitant
le dialogue et en exposant les abus de pouvoir. Ils jouent aussi
107 - « Indicateurs de développement des médias » ( http://portal.unesco.org/ci/fr/ev.phpURL_ID=26032&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html. Préface de la 1ère
édition, 2008, par Abdul WAHEED KHAN, Sous Directeur Général pour la Communication et
l’information de l’Unesco
336
dialogue national - media et societe
un rôle crucial dans l’amélioration de la compréhension par le
public des questions d’actualité, des événements, des priorités,
des politiques engagées et des options envisageables.
Cependant, quelles sont les conditions nécessaires pour profitn
ter pleinement du potentiel démocratique des médias et renfn
forcer leur contribution au développement ? Quelles politiques
doivent être élaborées à cet égard ?(…) Si la création d’un envirn
ronnement propice à l’épanouissement de médias libres et indn
dépendants est essentielle, il est également important d’assurer
la pluralité et la diversité des sources d’information,
la participation de tous les secteurs de la société dans
les médias, des normes professionnelles élevées parmi
les journalistes, et des infrastructures et ressources
techniques appropriés.».108
Environnement médiatique libre, indépendant et pluraliste ;
moyens de communication et d’accès à l’information ; pluralité
et diversité des sources d’information ; participation de tous les
secteurs de la société dans les médias ; normes professionnelles
élevées ; infrastructures et ressources techniques appropriées,
tels sont les principaux repères de la gouvernance des médias.
Une bonne gouvernance qui, sur la base de ces indicateurs, peut
garantir une démocratie en interne - démocratisation des méddias eux-mêmes - et participer à la démocratisation de la société
et de la gouvernance de l’État.
Ce sont là d’ailleurs, les repères qui ont guidé la plate forme du
Dialogue national, comme développé dans notre introduction
et notre cadrage politique. Des repères ou objectifs spécifiques
qu’on peut expliciter, en reprenant certaines des fonctions sur
lesquelles doivent déboucher ces indicateurs de l’Unesco et que
partagent avec elle nombre d’ONGs internationales et forums
mondiaux, notamment Article XIX et Global Forum for Media
Development (GFMD) :
108 - Idem.Préface de la 2ème édition (2010), par Janis Karklins, Sous Directeur Général pour
la communication et l’information de l’Unesco.
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
337
Dix fonctions de gouvernance des médias dans
une démocratie
1. « un canal d’information et
d’éducation permettant aux
citoyens de communiquer les
uns avec les autres
2. un diffuseur de reportages,
d’idées et d’informations
3. un élément remédiant à
« l’asymétrie naturelle de
l’information » entre gouvernnants et gouvernés et entre
des agents privés en concurrrence
4. un élément facilitant un débbat éclairé entre les divers
acteurs sociaux et encouraggeant la résolution pacifique
des conflits par la voie de la
démocratie
5. un moyen par lequel une socciété peut apprendre sur ellemême et développer un sens
de la communauté, et qui
influence la compréhension
des valeurs, des coutumes et
des traditions
6. un véhicule d’expression
culturelle et de cohésion
culturelle à l’intérieur des
nations et entre les nations
7. un chien de garde du gouvernnement sous toutes ses formmes, chargé de promouvoir
la transparence dans la vie
publique et la vigilance de
l’opinion publique à l’égard
de ceux qui exercent le pouvvoir, en dénonçant la corrupttion, la mauvaise gestion et
les méfaits des entreprises
8. un outil visant à accroître
l’efficacité en économie
9. un élément essentiel facilittant le processus démocratiqque et un des garants d’électtions libres et régulières
10.un avocat et un véritable actteur social qui respecte la
pluralité des valeurs
Il n’en est pas moins vrai que les médias peuvent parfois servir
à asseoir des intérêts personnels et aggraver les inégalités socciales, en excluant les opinions critiques»109.
L’impératif de «bonne gouvernance» est donc au cœur des méddias, de leur vie en interne comme il est le maître mot dans la
mission et le rôle qui leur reviennent dans une société démoccratique. Sauf que pour qu’ils puissent atteindre ou aider à attteindre les objectifs de ces dix fonctions que leur bonne gouvernnance exige, ils doivent bénéficier d’un environnement où sont
109 - « Indicateurs de développement des médias ».op.cit
338
dialogue national - media et societe
garantis deux préalables : des médias, réseaux et supports de
communication de masse libres et indépendants de tout intérêt
politique, économique ou religieux et un large accès du public à
ces médias, réseaux et supports de communication. Deux motsclés donc : indépendance et accessibilité. Ce qui interpelle
les encadrements constitutionnels, législatifs et réglementaires
qui balisent cet environnement dans la société. Encadrements
forcément fondés, dans une démocratie, sur la règle de droit
qui, seule, peut organiser la garantie de l’indépendance et de
l’accessibilité au profit de tous et de chacun dans une société
démocratique. La gouvernance démocratique imposant tout natturellement la régulation par la loi.
Dans le cas de notre champ médiatique national, le diagnostic
qu’on en a fait au sortir du Dialogue national, à tous les étages et
dans tout secteur, aboutit, soit à remettre en question l’encadremment actuel de la loi, soit appelle à un nouvel encadrement, qu’il
soit constitutionnel, législatif ou réglementaire, qui est indisppensable pour installer un environnement propice à une « écollogie médias » démocratique et au service de la démocratie.
Sur ce registre, deux perspectives structurantes à cet effet, ont
été dégagées par le Dialogue national, avec tous les outils qu’il a
utilisés (auditions, débats, études et expertises) :
Øla perspective de la dimension constitutionnelle
Øla perspective de la dimension législative concernant la
presse ou code dit « Code de la presse »
Au niveau constitutionnel, une bonne gouvernance des médias
ne peut être envisagée que si la liberté de s’informer et d’informmer est consacrée solennellement par la constitution du pays.
Que si cette liberté est ainsi consacrée par référence au référrentiel universel, notamment l’article 19 de la déclaration univverselle des droits de l’Homme de 1948 et l’article 19 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques de 1966. Mais
il faut qu’elle le soit dans des formulations claires et précises,
reprenant les termes de ce référentiel universel et non se limiter
339
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
à y faire référence comme déclaration de principe, ou dans une
formulation qui en réduit ou en dilue le détail du contenu :
« Liberté d’opinion, liberté de chercher, de recevoir et de répn
pandre les informations et les idées » (1948) ; « des informatn
tions et des idées de toute espèce, sous une forme orale, écrite,
imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen… »(1966)…
Déclaration 1948
Article 19 :
« Tout individu a droit à la libberté d’opinion et d’expression,
ce qui implique le droit de ne
pas être inquiété pour ses opinnions et celui de chercher, de
recevoir et de répandre, sans
considération de frontières, les
informations et les idées par
quelque moyen d’expression
que ce soit ».
Pacte 1966
Article 19 :
1. « Nul ne peut être inquiété pour
ses opinions.
2. « Toute personne a droit à la
liberté d’expression; ce droit compn
prend la liberté de rechercher,
de recevoir et de répandre des
informations et des idées de
toute espèce, sans considération
de frontières, sous une forme
orale, écrite, imprimée ou
artistique, ou par tout autre
moyen de son choix.
L’enchâssement de ce référentiel universel dans le texte de la
loi suprême du pays doit aussi chercher la formulation la plus
explicite qui tienne compte du contexte du pays, c’est-à-dire des
traditions de mise dans la vie institutionnelle du pays quant à
l’interprétation des textes, par la justice notamment, et quant
à leur application, tout particulièrement en cas de recours à la
constitution – recours qui n’est pas de tradition dans nombre
de pays mais qui l’est souvent dans les démocraties dynamiques
- ou quand elle est invoquée dans un litige ou par un plaignant.
Autrement dit, le libellé constitutionnel doit aider au maximum
à la bonne interprétation pour générer une jurisprudence qui
ait le même objectif et la même finalité : préserver au maximum
l’intégrité du principe de la liberté d’expression telle que décrite
par le référentiel universellement admis dans les textes de 1948,
de 1966 et autres (Acte constitutif créant l’Unesco en 1945; la rés-
340
dialogue national - media et societe
solution 104 adoptée en 1989 par la 25ème session de la conférrence générale de l’Unesco…).
Plusieurs démocraties avancées ont choisi, comme l’Espagne
par exemple, de stipuler, en plus de la déclaration de principe
concernant la liberté de l’expression, que la constitution « prottège » les droits qui en découlent.
Constitution d’Espagne du 27 décembre 1978
Article 10
Article 20
2. On interprète les normes
relatives aux droits fondamentaux
et aux libertés reconnues par la
Constitution conformément à
la Déclaration universelle des
droits de l’homme et aux traités
et accords internationaux en la mattière ratifiés par l’Espagne.
1. Sont reconnus et protégés :
a) le droit d’exprimer et de
diffuser librement les penssées, les idées et les opinions par
la parole, par l’écrit ou par tout
autre moyen de reproduction ;
2) le droit à la production et
à la création littéraire, artisttique, scientifique et technique;
d) le droit de communiquer et
de recevoir librement une informmation véridique par tout moyen
de diffusion dans l’exercice de ces
libertés. La loi règle le droit à la
clause de conscience et au seccret professionnel.
Article 16
1. On garantit la liberté d’opinnion, de religion et de culte des
individus et des communautés
sans autres limitations, dans ses
manifestations, que celles qui sont
nécessaires au maintien de l’ordre
public protégé par la loi.
Nous avons choisi d’illustrer juste par la constitution espagnole
afin d’insister sur l’importante nécessité de doubler la référencce aux normes internationales, dans les principes comme dans
leur interprétation, par la force déclarée de la constitution pour
protéger les droits que les libertés induisent ou traduisent dans
leur mise en œuvre. Ce texte, dans son article 20 (alinéa 2), est
également pertinent par le fait qu’il évoque, à son niveau, deux
droits fondamentaux pour la liberté des médias : la clause de
conscience et le secret professionnel. Il est unique en cela parmi
les textes constitutionnels des démocraties occidentales. A cet
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
341
égard, il est pertinent parce qu’il réfère à la dimension de la loi
pour ces deux droits majeurs pour la presse, de telle sorte que
l’encadrement législatif de l’exercice de la liberté de l’expression
par les médias s’en trouve préalablement (et constitutionnellemment) renforcé et aiguillé en faveur d’une bonne régulation, par
la loi, de l’exercice de cette liberté de presse, en tenant compte,
dès le niveau constitutionnel, de droits qui sont si spécifiquemment importants pour cet exercice qu’ils sont également décréttés par les professionnels des médias comme droits déontologiqques découlant de l’éthique du journalisme. Car, comment préttendre sauvegarder l’indépendance d’esprit et de conscience du
journaliste sans le droit de protéger ses sources et sans le droit
d’invoquer une clause de conscience, en cas de conflit, par exempple, entre ses convictions et des ordres de son employeur, ou en
cas de préjudice moral ressenti par lui du fait d’une pratique de
gouvernance au sein de son média? La bonne gouvernance dans
la pratique du journalisme a besoin de ces deux garanties, dans
la loi et dans la déontologie et si ces garanties accèdent au texte
de la constitution, cela comble et augmente leurs chances d’être
respectées et d’être réellement effectives.
La régulation par la loi de l’exercice de la liberté des médias doit
donc bénéficier, pour ses différents échafaudages, de fondattions bien ancrées et les plus explicites possibles au niveau de
la loi suprême, la constitution. Cela a toujours manqué dans les
constitutions marocaines, y compris celle de 1996.
Dans la perspective donc d’un réel exercice démocratique de la
liberté des médias, sur la base d’un édifice institutionnel fonddamentalement démocratique, garantissant, entre autres, l’État
de droit et la séparation des pouvoirs, dont le judiciaire qui intérresse au plus haut point cet exercice, la régulation par la loi, doit
être caractérisée en elle-même par une intégrité de corpus qui
met le journaliste à l’abri d’applications, dans son cas, d’autres
corpus législatifs qui peuvent fort bien être préjudiciables aux
principes, libertés et droits inhérents spécifiquement au libre
exercice de l’expression, comme peuvent l’être le code pénal,
342
dialogue national - media et societe
par exemple, ou les récentes lois contre le terrorisme qui ont
fleuri un petit partout dans le monde, y compris au Maroc.
Par conséquent, une bonne gouvernance du champ médiatique
marocain par le moyen de la régulation qui revient à la loi, doit,
en plus d’un explicite et libéral ancrage au niveau de la constittution, reposer sur un code, nécessairement adapté au monde
médiatique tel qu’il se présente aujourd’hui au Maroc, avec une
diversité et une liberté inédites et indéniables, une variété de
supports, de canaux, de contenus et de technologies, cyberesppace compris, et tenter, autant que faire se peut, d’anticiper,
avec l’approche la plus libérale aussi, sur ce que les pratiques,
les usages et les technologies annoncent pour le futur ou en sont
potentiellement porteuses. Une telle codification doit donc jouir
d’un règne exclusif quand il s’agit d’interpeller le journaliste
ou le média devant la justice au sujet d’un acte relevant stricto
sensu de l’exercice de la liberté des médias telle que définie en
conformité avec le référentiel des droits de l’homme et avec les
limites que ces droits de la personne imposent à toute liberté
quand elle sévit, de manière caractérisée, comme violation gravve de ces droits (appel à la haine, à la guerre, à la discrimination
raciale, au meurtre…).
En fait, toute l’ingéniosité du législateur démocrate, va consistter à départager dans l’acte du média ou du journaliste entre ce
qui relève de la liberté de la presse, avec ses privilèges admis
dans la démocratie, comme le principe de la « bonne foi », et
ce qui relève d’un acte individuel, provenant d’un membre de la
communauté qui est justiciable comme tous ses concitoyens. Le
débat est sans fin dans la démocratie à ce sujet, mais les démoccraties avancées comptent sur deux leviers pour trouver, devant
chaque cas conflictuel de la sorte, le fil d’Ariane qui permet de
préserver les deux principes : le principe de l’égalité de tous les
citoyens devant la loi et le principe de la liberté de la presse ou
des médias.
Ces deux leviers sont : la justice en tant que pouvoir indépendant
qui conforte le jugement juste du juge, d’une part, et, d’autre
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
343
part, la jurisprudence qui s’enrichit du débat contradictoire bien
spécifique au procès pour « délit de presse » comme des voies
de recours qui, pour certains pays, comme dans les Amériques
ou dans l’Union Européenne peuvent s’étendre jusqu’à des jurridictions régionales ou internationales, hors des frontières du
pays et du champ judiciaire strictement national.
L’indépendance de la justice, l’indépendance et la compétence
du magistrat, les spécificités propres au procès pour « délit de
presse », en plus des spécificités reconnues à l’exercice de l’exppression par les médias et leurs professionnels, (liberté d’exppression, principe de la « bonne foi »), sont autant de balises
pour que la régulation de cette liberté par la loi soit au profit de
son développement et de sa défense, comme au profit d’une démmocratique gouvernance du champ médiatique dans un pays.
La question donc, dans notre contexte marocain, est de savoir
comment mener la mise à niveau de tous ces leviers à la fois
(code, justice, magistrat, procès de « délit de presse »…)? Cela
signifie en tout cas, dans le Maroc de 2011, qu’il est indispenssable de garantir, préalablement, ce qui doit être garanti dans
la constitution, puis de promouvoir, en conséquence, l’indépenddance de la justice, comme l’indépendance de conscience et la
formation idoine du magistrat et de l’avocat, d’encourager la ricchesse et la diversité de la jurisprudence, y compris par l’éclairrage de la jurisprudence de pays démocratiques ou de Cours de
référence et de renommée internationale en la matière (comme
la Cour européenne des droits de l’Homme, par exemple, qui
génère de plus en plus une jurisprudence inédite et avancée sur
les usages des TIC, sur la protection des données personnelles,
sur la protection des sources journalistiques..).La référence ou
la prise en compte de jurisprudences internationales seraient
bien fondées, pour une justice volontariste à l’endroit du credo
de la démocratie, du moment que la constitution du pays aurait
admis, plus ou moins restrictivement, la référence à des chartes
et traités internationaux110.
110 - Comme il a été stipulé dans le préambule de la constitution votée le 1er juillet 2011.
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dialogue national - media et societe
Pour reconduire le même exemple d’illustration, indiquons, à
ce sujet, que la constitution espagnole dispose dans son article
10 (alinéa 2) : « On interprète les normes relatives aux droits
fondamentaux et aux libertés reconnues par la Constitution
conformément à la Déclaration universelle des droits de l’hommn
me et aux traités et accords internationaux en la matière ratn
tifiés par l’Espagne ». Là, on s’en doute, s’ouvre le débat sur
quel degré de conformité, voire de primauté, entre le référentiel
universel et la législation nationale… Débat qui agite depuis des
années nombre d’organisations humanitaires et de magistrats
et avocats au Maroc.
La régulation par la codification de la loi
Par ailleurs, si le Dialogue national a soulevé de telles questions,
structurantes pour la réforme globale qu’il appelle pour l’enssemble des aspects et dimensions du champ de l’expression et
des médias au Maroc, il a choisi d’en éclairer ainsi juste les enjjeux et la pertinence, comme orientations d’une feuille de routte, laissant leur résolution, au plan technique et institutionnel,
aux pouvoirs qui ont la légitimité pour : le pouvoir législatif et
le pouvoir exécutif, en plus des contributions aux débats et aux
expertises, nécessaires à cet égard, que des acteurs concernés
au premier chef pourraient et devraient apporter, c’est-à-dire
les journalistes et leurs regroupements professionnels, les opérrateurs médias et leurs corporations et, nécessairement, dans la
mesure du possible, les citoyens et leurs regroupements civils
(ONGs, associations, réseaux…).111
Il reste, néanmoins, que la somme des points de vue exprimmés lors du Dialogue national à propos de la refonte de la loi
codificatrice de l’expression par voie médiatique a servi à dél111 - Le SNPM et la FMEJ ont ainsi conduit, printemps 2011, des débats et consultations, aussi
bien avec le ministère de la Communication qu’avec des experts, magistrats, avocats, leaders de
la société civile autour de la réforme du projet du code de la presse dans sa forme élaborée en
2007, sans que ce projet aboutisse à son adoption et à sa promulgation. Le Dialogue s’en remet
donc aux recommandations techniques et la rédaction auxquelles aboutiront ces consultations
tripartites que mènent ces trois institutions membres de l‘instance du Dialogue national,
comptant sur elles pour tenir compte des orientations retenues par ce Dialogue concernant les
choix fondamentaux et l’approche qui doivent inspirer un code ou « Moudouwana » de la liberté
d’expression et de la liberté des médias.
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
345
limiter certains préalables et paramètres à prendre en compte
dans cette réflexion sur le code afin d’adopter l’approche la plus
conséquente pour se doter d’une codification au niveau des défis
actuels et à venir pour le champ des médias et pour la liberté
d’expression dans toutes les formes possibles de son exercice.
Ainsi a-t-on souligné que le souci d’élaborer un texte relatif à
l’exercice de la liberté d’expression par le biais des médias (tradditionnels et modernes) ne saurait être abordé sous quelconque
contrainte conjoncturelle, politique soit-elle, professionnelle ou
législative.
Cinquante ans après le texte structurant des libertés publiques
de 1958 (puisque la réforme de 2002 a été fort limitée et justemment plus perméable au conjoncturel qu’à une vision stratégique
et prospectiviste ou anticipatrice), on ne peut prétendre réussir
un simple exercice de revisite ou de remise en ordre technique,
voire même normative. Eu égard, d’une part, à l’accumulation
d’applications plus déficitaires qu’enrichissantes du texte de
1958, et eu égard, d’autre part, à la formidable explosion des
moyens d’information et de communication, collective et indivviduelle, via les médias numériques et les TIC, et ce, à l’échelle
de toute la planète et dans toutes les sociétés. Que ces sociétés
soient « info-riches » ou « info-pauvres », qu’elles soient « démmocraties en construction », « démocraties émergentes », touttes ont accès, désormais, de manière transfrontalière, de mannière autonome et même dans l’anonymat quasi-total, à toutes
les expressions et à tous les moyens d’expression dans le cyberrespace et dans le vaste champ du numérique et du satellitaire.
Le rendez-vous est donc historique, tant par rapport au passé
(dont le présent tient encore, pour beaucoup, dans ses diagnosttics comme dans ses pratiques, comme on l’a vu), que par rappport au futur qui galope vers nous plutôt qu’on ne galope vers
lui, dans la plupart des situations propres à ce champ : le champ
des médias.
346
dialogue national - media et societe
En conséquence, nulle contrainte, de quelque ordre que ce soit,
ne peut évacuer ou écarter cette dimension historique, structurrante et décisive pour l’avenir, qu’un nouveau code portera inélluctablement par son apparition… L’attendu est donc un code
du 21ème siècle et surtout un code qui tire vers le haut la société et
sa liberté d’expression. Seule voie convaincante et conséquente
pour s’inscrire, par ce texte, comme par d’autres, dans le proccessus qui est d’actualité : celui de l’irréversibilité du choix de la
démocratie réellement vécue et soutenue par tous les citoyens,
les journalistes en premier.
À partir de ce souci préalable qui concerne les questions « pourqquoi réformer? », « dans quel but ultime réformer? », on pourrrait retenir quelques repères quant aux deux questions pratiqques : « comment réformer? » et « quoi réformer? ». Questions
que nous pouvons visualiser comme des paramètres à respecter
ou à surveiller dans l’approche à adopter pour faire atterrir, avec
le contenu requis, un nouveau « code des médias et des journallistes », sur la large piste des grandes réformes en cours et à vennir, à l’enseigne d’une démocratie enracinée, institutionnalisée,
apaisée et productrice de valeurs et de pratiques démocratiques.
Ce qui constitue le référentiel de choix politique et sociétal rettenu par le Dialogue national.
En conséquence, il nous faut tenir compte de certains paramèttres dans l’approche, notamment :
• Identifier/évaluer l'étape par rapport à la situation des
Droits de l'Homme au Maroc? À la place et à la consécrattion de la liberté d'expression au plan normatif dans les
textes suprêmes du pays? À l'exercice pratique et réel de
cette liberté? À la situation, la force et la place du corps
professionnel dans le champ des libertés publiques, de
la liberté d’expression en particulier? À l’équation jamais
encore posée : Quid la place et le rôle du métier de journnaliste dans la société?
• Prendre en considération le moment et les conditions
d'intervention de la réforme du code. Conditions qui
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
347
diffèrent de la normalité dans les démocraties avancées
puisqu’il intervient :
üAprès, et non avant, la loi sur l’audiovisuel (qui est
avancée et éprouvée dans sa mise en œuvre) ;
üAbsence d’autorégulation institutionnelle et effectivve, comme tradition éprouvée, reconnue et pratiquée
chez tous les professionnels;
üAbsence de loi sur le droit d’accès à l’information
üAbsence de loi sur la publicité;
üAbsence - partagée avec le reste du monde – de lois et
de codes d’éthique relatifs aux TIC (comme la « gouvvernance de l’Internet ») ;
üAbsence totale d’organisations des publics des méddias ou d’institutions indépendantes de médiation
entre médias et publics;
• Dans les pays démocratiques, la pratique, la jurispprudence et l'environnement général de la démocrattie, gardent toujours désactivées les dispositions qui
comportent encore subsidiairement la contrainte par
le corps. Quid au Maroc?
• Faut-il prévoir l'exclusion de cette peine dans le texte
ou la balancer par la possibilité de l'exclure par le
recours à l'amende, proportionnelle au délit, ou la
rendre difficilement applicable, et, en tout cas, lourddement liée à plusieurs recours possibles pour la victtime.
• Retenir l’approche fortement souhaitée par les proffessionnels et les défenseurs des droits de l’Homme:
un seul texte réunissant à la fois un code de tous les
médias, le statut du journaliste et la délivrance de la
carte professionnelle
348
dialogue national - media et societe
• Quels autres contenus doit-on inclure dans ce même
texte? : Le journalisme électronique, l’Internet (la générration 2.0, la blogosphère) les TIC, I. Phone compris? Le
colportage? La publicité? Information et libertés de l'inddividu?
• Résoudre la question de la bonne gouvernance des méddias et la problématique de l’« économie de l’informattion » ou le pouvoir économique qui supplante, partout
dans le monde, Maroc compris , le rôle jadis prépondérrant et déterminant du pouvoir politique avec sa pratique
historique d’inféodation des médias : la concentration,
la convergence numérique, le déclin manifeste du suppport papier, la naissance des rédactions multimédia en
relation avec la problématique de « l’indépendance» et
les droits sociaux et moraux du journaliste, la nécessaire
transparence de l’élément économique dans l’entreprise
média, la démocratie en interne (n’y-a-t-il pas des droits
spécifiques au journaliste qu’il faut protéger et énumérer
dans ce code, en plus de ce que lui octroie le code du travvail et ce qu’il arrache au plan syndical?). Des médias non
démocratiques ne peuvent exercer démocratiquement la
liberté d’expression…
• Convaincre par le texte, à la fois le citoyen et le journalliste, que ce dernier est un citoyen qui n'est pas, pour
l'essentiel, au dessus des lois, qui n’est pas au dessus de
tous les citoyens, bien qu'il bénéficie de privilèges et de
régimes d'exception à la loi dont il faudra convaincre de
leur légitimité et de leur utilité aux yeux du citoyen et de
la société;
• Veiller, à chaque fois qu'il est possible dans le texte, de
préciser l'intérêt général (par exemple, toute loi de libérralisation de l’audiovisuel n’a été rendue possible que par
la précision de ce concept d’« intérêt général » qui débbouche sur la configuration d’un « service public »);
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
349
• Référer à la Constitution pour ce qui concerne les fondemments de l'État, c’est-à-dire tout ce qui doit être respecté,
de manière exceptionnelle dans l’exercice de la liberté
d’expression, pour préserver la cohésion sociale et l’édiffice institutionnel du régime démocratique choisi par la
société;
• Réduire ou maintenir quelconque recours au code pénal
pour ce qui concerne les violations dont la sanction atttesterait de l'égalité de tous les citoyens devant la loi, le
journaliste comme simple citoyen et le citoyen non journnaliste?
• Trancher entre le droit de la presse et le droit pénal
concernant les discriminations et les violations graves
des droits et valeurs humaines : la haine et le racisme,
la discrimination du genre et des croyances religieuses,
l’appel au meurtre et à la violence, l’apologie du terrorrisme et de sa violence…
• Prévoir par la loi le recours, autant que faire se peut, à
la médiation et au règlement à l'amiable, sur la base du
principe du débat contradictoire porteur d'arbitrage, devvant la justice comme devant une instance d’autorégulattion du corps professionnel;
• Instituer comme principe fondamental, clairement
énoncé, le principe de la «bonne foi» et l'appuyer sur la
règle du débat contradictoire et de l'assistance judiciaire
devant toute instance, y compris l'instance d'autorégulattion;
• Renforcer par le texte du code, le droit à la clause de
conscience, indépendamment de sa nécessaire consécrattion dans la partie relative au statut du journaliste
• Dans les droits des tiers, consacrer le « droit à l’image »
et en décider entre l’acception de l’école anglo-saxonne
fondamentalement permissive, et celle de l’école nordméditerranéenne, beaucoup plus jalouse et sourcilleuse
dans la protection de ce droit et dont l’intérêt pour ce
350
dialogue national - media et societe
droit est relativement récent (années 80, en France, par
exemple);
• Quelles relations prévoir entre l’instance d’autorégullation et la justice, notamment au plan des recours,
du chevauchement possible des compétences et des
décisions..?Faut-il dissocier du code la création de cette
entité? (par une loi spécifique);
• Éviter que le texte reprenne par son esprit et ses dispossitions la préoccupation omniprésente qui a marqué les
codes de 1958, 2002 et le projet de 2007 : la protection
des institutions abordée selon une logique plus ou moins
explicite de confrontation permanente entre l’État, ses
institutions et les médias, la presse en particulier. Admmettre qu’une telle problématique est dépassée ou doit
l’être;
• Ne pas sacrifier la protection de l’individu contre toute
violation par les médias de ses droits légitimes, mais
sans sacrifier non plus les droits de la société prise dans
son ensemble (« bonnes mœurs », cohésion, solidarité)
ou dans ses groupes et regroupements : droits de l’enffant, droits de la femme, droits des victimes, droits des
présumés coupables, droits des personnes aux besoins
spécifiques; droits aussi des organisations de masse qui
peuvent subir un préjudice de la part des médias : partis
politiques, syndicats, associations et organisations de la
société civile etc. Sans oublier l’entreprise qui peut, elle
aussi, être déstabilisée par un préjudice induit par un fait
de presse illégal ou condamnable aux yeux de la loi …
D’autre part, compte tenu de l’insistance de plusieurs acteurs, y
compris des partis politiques, notamment dans leurs mémoires
envoyés au Dialogue national, la codification à venir doit admetttre le principe du « ticket d’entrée » tant pour l’opérateur média
(éditeur, directeur) que pour le journaliste. C’est-à-dire stipuler
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
351
certaines conditions et compétences à réunir pour tout postullant à l’exercice de ces métiers. Certaines démocraties, comme
la France parmi d’autres, ne font pas obligation, par exemple,
de détenir un diplôme en journalisme pour exercer le métier,
mais obligent le demandeur de sa 1ère carte professionnelle à
suivre des formations de mise à niveau (trois mois de formation
initiale, puis des modules de recyclage annuel notamment en
matière de déontologie).
Il reste que notre codification depuis son origine de 1958 s’en
tient à une définition élémentaire (dépassée) du métier de journnaliste. Elle ne prend pas en compte les variantes et les spécifficités liées à l’audiovisuel (animateurs, producteurs…) et à l’ejournalisme. Le métier est défini depuis 58 par exclusion, or,
de nos jours, le métier est défini par ses attributs (que dire d’un
animateur d’une émission de divertissement dont un invité
tient des propos condamnables, est-il journaliste – interviewer
ou non, est-il responsable et donc visé par le code ou non ?). En
fait, cette définition dépassée et restreinte du journaliste limite
de fait le champ d’application et du code et du statut du journalliste. Comme, il est des dispositions qui n’ont plus lieu d’être à
l’ère du cyberespace, comme la notion de la territorialité pour
nombre de procédures, à l’heure du virtuel et du cyberespace,
ou encore la responsabilité de l’imprimeur ou du diffuseur.
Enfin, à titre d’orientations transversales majeures pour la réfflexion technique sur la codification par la loi, le Dialogue a forttement recommandé, de lier entre la responsabilité, la déontollogie et l’autorégulation, si l’on veut véritablement épouser tous
les enjeux présents et futurs du monde moderne des médias,
monde qui, dans une démocratie, ne peut évoluer dans sa respponsabilité sociale que si seule la justice est habilitée à statuer
sur les conflits qui mettent en cause les médias. Une justice qui
soit spécialisée, indépendante et en mesure de tirer profit de la
jurisprudence. La jurisprudence qui, dans nombre de pays, sans
codifications par la loi de la liberté de la presse, constitue la premmière sinon l’unique source de la régulation par la justice de
l’exercice de cette liberté.
352
dialogue national - media et societe
Avec donc comme objectif l’élaboration d’un texte de loi uniqque encadrant toutes les formes médiatiques, sur tout type de
supports et de TIC, couvrant tous les secteurs des médias et des
nouveaux médias, de l’exercice de la liberté d’expression, il est
donc indispensable de procéder, par une large consultation enttre professionnels, autorités gouvernementales, parlementairres, société civile, acteurs, formateurs et experts du monde de la
justice, professeurs de droit et chercheurs en le domaine, afin de
passer en revue tout l’arsenal juridique et réglementaire du pays
qui touche de près ou de loin cet exercice. L’approche consisterrait à faire la revue nécessaire de sorte que, par la clarté de ses
dispositions et leurs précisions, l’exhaustivité de sa couverture
du champ, un nouveau code, ou « Moudouwana de l’informattion et de la communication », devienne l’instrument premier
et dernier par lequel le législateur et la justice encadrent, défenddent, promeuvent, régulent et sanctionnent l’exercice de l’exppression au moyen de tout type de médias et supports, depuis
les grands médias de masse jusqu’aux formes et supports utilisés
par le « Net citoyen », individuellement (blogs, par exemple) ou
en groupe (médias associatifs à but non lucratif, notamment),
en passant par les secteurs de la publicité, de la photographie
et la caricature de presse, les droits d’auteur et droits voisins, le
droit à l’image etc.
Bien entendu, ce texte majeur d’encadrement de la liberté d’exppression, devra être soutenu, par des textes spécifiquement
dédiés à des problématiques ou droits pointus participant à
l’ « écologie des médias » : loi d’accès à l’information, loi de prottection des données personnelles qui a besoin déjà d’une actuallisation, loi sur les sondages d’opinion, loi sur les archives (qui
à revoir sous les besoins spécifiques aux médias), loi organisant
spécifiquement le marché de la publicité et les métiers qui est
lui sont connexes , loi ou réglementation organisant le secteur
et le marché de la formation des professionnels des médias, loi
ou réglementation sur l’évaluation de l’audience et de l’impact
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
353
des médias …L’essentiel est de déboucher sur un arsenal juridiqque et réglementaire dont le cœur vital serait le code (ou « Mouddouwana ») et les prolongements seraient des lois et règlements
quand la spécificité sectorielle ou du droit concerné l’exige tant
pour la sauvegarde de l’exercice maximal de la liberté d’expresssion que pour la plus libérale et la plus démocratique possible
des gouvernances du champ médiatique national.
Le cas de la HACA
Cependant la gouvernance des médias par l’encadrement législlatif et réglementaire, ne peut faire l’économie, dans une démoccratie, d’autres instruments et formes de régulation qui intervviennent, au jour le jour, dans les pratiques des média comme le
cas d’autorités de régulation, en principe indépendantes, créées
à cet effet. Le Maroc en possède jusqu’à présent une seule spéccifiquement dédiée au monde des médias : la Haute Autorité
de la Communication Audiovisuelle (HACA). Quoiqu’on doit
considérer que le Conseil National des Droits de l’Homme (ex
CCDH), le Conseil de la Concurrence, l’Instance Centrale de Prévvention de la Corruption (devenue instance nationale de probité
et de lutte contre la corruption) et l’Instance du Médiateur (ex
« Diwan Al Madhalim ») participent ou peuvent participer à la
régulation du champ médiatique dans les limites de leurs manddats respectifs quand des aspects de ces mandats touchent la
sphère médiatique ou participent, à un niveau ou à un autre, à
« l’écologie globale des médias ». C’est d’ailleurs la raison pour
laquelle le Dialogue national a tenu à auditionner les premiers
responsables de ces conseils et instances et/ou en solliciter des
mémoires et recommandations que le Dialogue, de leur point
de vue, doit prendre en considération, fondamentalement pour
une meilleure gouvernance/ régulation du champ médiatique
national.
A l’occasion de son audition par le Dialogue national, la HACA a
exposé les objectifs atteints conformément à la mission que lui
a définie le législateur par le Dahir du 31 Août 2002… Des obj-
354
dialogue national - media et societe
jectifs qui, selon le Président de la HACA, concernent les enjeux
induits par la libéralisation du secteur audiovisuel consacrée
par le décret loi du 30 Septembre 2002 qui mit fin au monopole
de l’État sur le secteur en vigueur depuis 1924 et par la loi 77-03
relative à la communication audiovisuelle (Dahir du 7 Janvier
2005) qui, elle, apporta les instruments juridiques nécessaires
à la HACA pour que celle-ci remplisse son mandat d’autorité
publique de régulation. Au titre des enjeux inhérents à la libérallisation du secteur, le président de la HACA a cité :
üdes enjeux économiques à des fins de « drainage d’investtissements et de création d’emplois » dans le secteur;
üdes enjeux socioculturels à des fins de promotion de la
diversité culturelle, artistique et linguistique, de réponddre aux attentes des jeunes générations en matière de
culture, d’éducation et de divertissement, de diffusion et
de promotion de valeurs de civisme et de solidarité, de
protection des citoyens contre la marginalisation, l’excclusion et contre tout ce qui peut menacer la cohésion et
l’épanouissement du tissu social;
üdes enjeux « liés à la construction démocratique et au dévveloppement durable », comme l’apport du secteur à la
construction démocratique, au processus de l’ouverture
politique, aux choix stratégiques du pays que sont la déccentralisation et la régionalisation et à l’élargissement de
l’espace des libertés publiques.
Pour relever tous ces grands défis, tout en gérant les tâches
techniques (octroi de licences, définition de cahiers de chargges, veille et contrôle de l’application de ces cahiers de charges
etc.), la HACA, souligne son Président, doit œuvrer pour « la
consécration de la dualité liberté/responsabilité comme nouvn
veau mode de gouvernance du secteur, à travers un nouveau
concept : la régulation ».
Le concept de la régulation par une autorité publique est, commme l’admet le Président de la HACA, perméable au contexte
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
355
dans lequel il y est fait recours : il est d’inspiration libérale dans
le monde anglo-saxon (allant, dans ses extrêmes, jusqu’à parier
totalement sur la régulation par le marché), alors qu’il est fondammentalement acquis à une approche interventionniste de l’État
et des pouvoirs publics dans les sociétés latines et dans nombre
de leurs ex-colonies, avec des extrêmes qui peuvent aller jusqu’à
vider de son sens le concept de régulation.
Sauf que la longue mise à l’épreuve, aussi bien des normes de la
démocratie que du concept de régulation des médias, tout partticulièrement dans les démocraties anglo-saxonnes et les réformmes incessantes que n’ont cessé de connaître certaines sociétés
latines, et des ex colonies britanniques et françaises, en Afrique
et en Asie notamment, avec une évidente influence progressive
du modèle anglo-saxon, ont fini, de nos jours, par configurer un
modèle standard de la régulation, de l’audiovisuel en l’occurrrence, à l’élaboration duquel ont contribué nombre d’organisattions spécialisées de la société civile mondiale et tout particullièrement « Article 19 » et des agences onusiennes, à leur tête
l’Unesco.
Limitons nous ici à approcher un modèle que l’organisation Artticle 19, qui a le plus généré des réflexions à ce sujet, a élaboré
dans une recherche d’adaptation aux contextes africains, en tennant compte aussi bien des modèles et pratiques de mise dans
les démocraties du Nord, que d’expériences avancées en Afrique
où notre HACA a acquis indéniablement une visibilité et une
place de référence et de source d’expertise.112
Soulignons d’abord, comme préalable à ce modèle, les principes
qui doivent fonder le recours à une politique de régulation :
1. « Toute autorité publique qui exerce des pouvoirs dans
le domaine de la radiodiffusion-télévision et de la régullation des télécommunications doit être indépendante et
bien protégée contre l’ingérence, en particulier de nature
politique ou économique;
112 - Le modèle d’Article XIX, auquel nous faisons largement référence ici est consultable sur :
http://www.article19.org/pdfs/tools/politiques-regulations-audiovisuel-afrique-fre.pdf
356
dialogue national - media et societe
2. La procédure de nomination des membres d’un organe
de régulation doit être ouverte, transparente, prendre en
compte la participation de la société civile et ne doit pas
être contrôlée par un parti politique donné;
3. Toute autorité publique qui exerce des pouvoirs dans le
domaine de la radiodiffusion-télévision ou des télécommmunications doit formellement rendre compte au public
par le biais d’un organe multipartite ».
Ces principes fondateurs d’une politique présidant à une réggulation de l’audiovisuel résonnent dans le contexte marocain
concernant deux critiques récurrentes retenues par le Dialogue
national à l’adresse de la HACA. Critiques exprimées par différrents partenaires de ce Dialogue et bien souvent sur les colonnnes de la presse.
La première critique concerne le degré et les garanties d’indéppendance de l’instance vis-à-vis de quelconque influence d’orddre politique ou économique. Nombre de critiques en doutent113.
Des critiques qui se basent sur des réalités, qui peuvent être plus
ou moins fondées, entre autres, celles relatives au mode de nommination des membres. Ce mode veut qu’en plus des membres
nommés par le Roi, sans que leur indépendance soit toujours
convaincante pour tous les observateurs, deux membres le sont
par le 1er Ministre (chef de parti) et deux autres par les préssidents des deux chambres du Parlement (également chefs de
partis). L’expérience, certes courte, enregistrée sur ce registre
par la HACA, a été, pour deux mandats déjà, au profit de nominnations manifestement partisanes, c’est-à-dire qu’au moins la
moitié des désignés sortent des rangs de partis politiques.
Or, pour Article XIX :
113 - Comme, par exemple, dans le cas de non octroi à ce jour de licence TV : les arguments
avancés par la présidence de la HACA, évoquées dans notre section de diagnostic et d’analyse du
secteur de la télévision, n’arrivent pas à enlever des doutes quant à la prise en compte, dans ce
refus, de considérations d’ordre politique ou revenant à des conflits d’intérêts entre différents
lobbys économiques…
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
357
-
« La procédure de nomination des membres devrait
être transparente et démocratique, à l’abri de toute
domination d’un quelconque parti politique ou d’inttérêts commerciaux, et permettre la participation et
la consultation du public. Seules les personnes ayant
les compétences et/ou expériences requises devraient
être éligibles. La composition des membres devrait
être représentative de l’ensemble de la société;
- Les membres des instances dirigeantes (conseils d’admministration) des entités publiques dotées du pouvoir
de réglementation dans le domaine de l’audiovisuel
et/ou des télécommunications, devraient être nommmés selon une procédure qui réduit les risques d’inggérence politique ou commerciale. La procédure de
nomination des membres devrait être clairement déffinie par la loi. Les membres devraient siéger à titre
personnel et toujours exercer leurs fonctions conformmément à l’intérêt général.
- Les critères d’exclusion ou ‘règles d’incompatibilité’
suivants devraient s’appliquer. Ne devrait être nommmé aucun individu qui:
üest employé dans la fonction publique ou par d’autres
organes du gouvernement;
üoccupe une fonction officielle ou est employé d’un
parti politique, ou occupe un poste au gouvernement,
qu’il ait été élu ou nommé »
Pour cette organisation il faut aussi pour que « le fonctionnemment quotidien du régulateur ne soit pas influencé par le gouvvernement ou les autres organes politiques» et pour « que les
méthodes de travail permettent une prise de décision indépenddante » :
ü«que les membres des organes d’administration soient
choisis sur la base du mérite et de manière à assurer une
pluralité des intérêts;
üque les organisations de la société civile puissent nommmer des membres aux organes d’administration des rég-
358
dialogue national - media et societe
gulateurs et/ou des cadres devraient être crées pour facciliter une collaboration étroite entre le régulateur et ces
organes ».
Sur la même question de l’indépendance de l’instance de réggulation en relation avec la nomination de son membership,
l’Unesco retient de son côté, comme indicateurs clés :
• « garanties légales explicites d’autonomie et d’indépenddance vis-à-vis des ingérences partisanes ou commercialles ;
• choix des membres de l’organisme de régulation à l’issue
d’un processus transparent et démocratique, destiné à
minimiser les risques d’interférence partisane ou commmerciale (par exemple, en définissant des règles d’inccompatibilité et d’éligibilité) ».114
La 2ème critique est relative à la nécessaire obligation de l’insttance de régulation de rendre compte de ses activités devant
« un organe multipartite ». Pour beaucoup, dans le cas maroccain, cela ne doit pas concerner uniquement le parlement, mais
doit impliquer également la société civile. Dans ses indicateurs,
Article 19 souligne que « les organes de régulation devraient
être formellement tenus responsables envers le public par l’intn
termédiaire d’un corps multipartite, tel que le corps législatif
ou un comité de celui-ci plutôt qu’un ministre, un autre indivn
vidu ou un organe partisan». L’indicateur Unesco parle lui de :
« rapports émanant d’institutions crédibles sur l’autonomie
institutionnelle de l’organisme de régulation » et «sur l’efficacn
cité dans la réalisation de ses buts ».
Dans tous les cas, tous les modèles retiennent que l’instance de
régulation « est formellement responsable devant le public »
(Unesco) et se doit de produire un rapport annuel et d’en asssurer la plus large diffusion publique, comme moyen de rendre
compte au public dans la plus grande transparence : « Les orgn
ganes de régulation devraient être obligés par la loi de préparn
114 - Confère « Indicateurs de développement des médias ».op.cit.
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
359
rer un rapport annuel détaillé sur leurs activités et leur budget
comprenant leurs comptes vérifiés. Ce rapport annuel devrait
être publié et largement diffusé » (Article XIX).
Il reste que les critiques, ou les interrogations, les plus partagées
par les élites comme par le grand public restent celles qui interppellent ou souhaitent un rôle fort de la HACA au niveau de la
régulation, voire du contrôle, des contenus audiovisuels.
S’interroger sur la latitude d’une autorité de régulation de réguller les contenus peut être à la fois une interrogation qui n’a pas
de sens, vu que ce type d’instance régule les contenus en posant
des principes et valeurs à respecter et/ou à promouvoir, avec
même des détails dans ses cahiers de charges, et l’interrogation
peut aussi être dangereuse dans la mesure où l’autorité de réggulation doit éviter de toucher à l’indépendance éditoriale et de
programmation du média régulé.
Tous les modèles et les standards internationaux de la régulattion sont, ou prudents, ou peu développés sur cette question de
réguler les contenus, au niveau de la qualité doit-on le préciser…
Car, la régulation touche aux contenus quand elle veille sur le
respect de certains principes et valeurs universelles prévus dans
un certain nombre d’instruments internationaux, notamment :
la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), le
Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (ICCPPR), le Pacte International relatif aux Droits Sociaux et Culturrels (ICESCR), la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples (la Charte de Banjul), la Convention Européenne des
Droits de l’Homme (ECHR), et la Convention Inter-Américaine
des Droits de l’Homme (IACHR). Ce référentiel universel souttient les droits fondamentaux relatifs à la personne humaine,
dont la liberté d’expression… Un contenu de médias qui ne fait
pas la promotion des principes démocratiques comme la diverssité, l’accès, et l’égalité, viole ces instruments et, au niveau du
contenu des médias, ces instruments doivent présider à la réggulation pour protéger les aspects socioculturels, politiques et
économiques d’une société.
360
dialogue national - media et societe
Si on met de côté l’aspect quantitatif du contenu, avec notammment la question du quota à garantir pour le contenu local
(National) et que nous avons longuement analysé dans notre
diagnostic du secteur de la télévision, nous sommes ici sur
l’aspect qualitatif de ce contenu… Article XIX le précise ainssi :
« Les aspects qualitatifs sont ceux qui sont basés sur les valleurs de la culture, de la langue, du genre, de la démographie
ainsi que d’autres valeurs connexes. Par exemple, l’Afrique du
Sud, le Canada et l’Australie disposent tous de réglementattions qualitatives sur le théâtre, les films, les émissions enfanttines, les informations, les causerie-débats, les vidéos musiqques, etc.».
On s’en doute, ce qui est en jeu ici ce sont les valeurs morales
de la société…
« Les objectifs moraux se fondent sur le besoin de préserver
la décence publique et la bienséance. Les objectifs présuppossent l’existence de mesures classiques sur des valeurs souvent
subjectives, comme le bon goût, la violence, le crime et les
comportements antisociaux, la diffamation, la vie privée, etc.
Par exemple, la Loi sur l’Audiovisuel (1990 et 1996) a mis en
place en Grande Bretagne la Commission Indépendante de
la Télévision (ITC), qui à son tour a élaboré un code détaillé
de programmes sur les questions morales/éthiques comme
la précision, l’impartialité, la représentation sexuelle, le langgage, la violence, le goût et la décence, et les crimes raciaux et
religieux ».
Globalement, le critère majeur qu’on peut retenir à ce niveau
est celui d’informer le public et de d’éduquer, valablement,
c’est-à-dire dans le respect de ses valeurs communes et moralles. Mais avec des limites, car, autrement, on tomberait dans
un contrôle inacceptable, parce que non démocratique, de la
liberté de création et sur la question des goûts qui ne se discuttent pas comme dit l’adage. C’est donc un terrain très délicat à
faire endosser automatiquement ou totalement à une instance
publique de régulation. C’est d’ailleurs, à cause de cette pruddence que nombre de standards internationaux préfèrent détailler
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
361
davantage les limites et les interdits à l’intervention de la régullation dans les contenus que la nature d’une intervention posssible. Ainsi en est-t-il dans le modèle de principes, concernant
le « contenu positif », que propose Article XIX et que l’Unesco
qualifie d’ «excellent résumé » comme une section de ce modèle
consacrée aux « Questions relatives au contenu du matériel diffn
fusé »115 :
ØLes lois régissant l’audiovisuel ne devraient pas imposer
aux organismes de radiotélévision des restrictions quant
au contenu, de nature civile ou criminelle, au-delà de, ou
reproduisant, celles qui s’appliquent à toutes les formes
d’expression;
ØUn régime administratif de réglementation du contenu
des émissions conforme aux principes définis dans la
présente Section, peut être légitime. Lorsqu’il existe un
système d’autorégulation efficace pour régler les questtions relatives au contenu des émissions, il ne faudrait
pas imposer un système administratif;
ØToute règle relative au contenu devrait être élaborée en
étroite collaboration avec les organismes de radiotélévission et d’autres parties intéressées, et ne devrait être finnalisée qu’après consultation du public. Les règles convennues devraient être clairement définies dans le détail et
publiées. Les règles devraient tenir compte des différenttes situations des trois types d’opérateurs et des deux typpes d’organismes de radiotélévision;
ØLa responsabilité de surveillance de toute règle de contennu devrait être attribuée à un organe de régulation qui sattisfait aux conditions d’indépendance définies. Il est préfférable qu’un seul organe applique les règles de contenu
à tous les organismes de radiotélévision;
ØLes organismes publics de radiotélévision ont l’obligattion première de promouvoir le droit du public à l’inform115 - Confère « Indicateurs de développement des médias ».op.cit.2008. Page 14.
362
dialogue national - media et societe
mation par la diversité d’expressions et de points de vue,
et par un large éventail d’émissions, conformément au
principe de la mission de Service Public;
ØSous réserve de la présente Section, l’obligation de contennu positif pourrait être imposée aux organismes de radiottélévision commerciaux et communautaires, mais uniqquement lorsque leur but et leur effet est de promouvoir
la diversité des émissions en améliorant celle du contenu
proposé au public;
ØDe telles obligations ne sont pas légitimes lorsqu’elles
ont pour effet d’empêcher le développement de l’audiovvisuel, par exemple du fait de leur nature irréaliste ou de
leur coût prohibitif;
ØDe telles obligations devraient, d’une part, être de nature
suffisamment générale pour être politiquement neutres,
d’autre part, clairement définir le type d’émission propossée (afin de lever tout équivoque), et enfin, éviter d’être
trop vagues ou générales. Ces obligations pourraient être
imposées, par exemple, par rapport au contenu local et/
ou à la (aux) langue(s), aux programmes destinés aux minnorités et aux enfants, et aux actualités.;
ØL’élaboration d’un régime administratif distinct pour
réglementer le contenu publicitaire, conformément aux
principes définis dans la présente Section, pourrait être
envisagée ».
Comme le résument nos deux standards de référence, celui de
l’Unesco et celui d’Article XIX, la seule approche critique quant
à la régulation, bien relative, qui reviendrait à une instance de
régulation concernant le contenu est celle qui vérifierait comme
indicateurs de bonne gouvernance si le média s’emploie à :
• promouvoir la liberté d’expression et d’opinion, la diverssité, l’impartialité et la libre circulation de l’information
• promouvoir l’équité et les programmes de service public
(qui, rappelons-le, a comme missions majeures : plural-
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
363
lisme et diversité, en plus de l’indépendance et de la quallité).
Dans ses indicateurs, l’Unesco ajoute trois types d’indicateurs
fort pertinents pour s’assurer de « contenus positifs » tels que
la régulation devrait les vérifier :
• LE PUBLIC MANIFESTE UN FORT TAUX DE CONFIANCCE À L’ÉGARD DES MÉDIAS
üles médias sont perçus comme traitant de sujets d’un réel
intérêt ;
ül’équilibre entre les informations locales et nationales est
jugé satisfaisant ;
üles journalistes et les organisations des médias sont perççus comme intègres et non corrompus ;
ül’information est perçue comme équitable et impartiale ;
üfort taux de participation des citoyens aux médias, commme le montrent : le taux de participation aux émissions
de discussion, la place accordée aux courriers des lecteurs
dans la presse écrite, etc.
• LES ORGANISATIONS DES MÉDIAS SONT SENSIBBLES À LA FAÇON DONT LEUR TRAVAIL EST PERÇU
PAR LE PUBLIC
üles organisations des médias s’efforcent de mieux connaîttre leur public et la façon dont sont perçues la qualité et
la diversité culturelle de leurs programmes et de leurs infformations ;
üles organisations des médias ouvrent des espaces d’exppression publique – appels téléphoniques, débats, témoiggnages de citoyens- ;
üles organisations des médias créent des mécanismes de
contrôle interne afin de garantir la transparence et le diallogue avec leur public ;
364
dialogue national - media et societe
• LES ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE EXERCCENT UN SUIVI SYSTÉMATIQUE DES MÉDIAS
üles organisations de la société civile suivent de près le
contenu des médias et de la propriété dans le but de prommouvoir le pluralisme et la diversité ;
üles organisations de la société civile apportent une analysse critique des médias, notamment sur la place accordée
aux groupes marginalisés ;
üles organisations de la société civile jouent un rôle dans la
promotion de l’initiation aux médias.
Pour résumer donc notre éclairage de la donne de la régulation
par une autorité publique qui concerne, ne l’oublions pas, aussi
bien la radio que la télévision, nous retenons que cette confronttation entre notre jeune expérience nationale et les modèles et
pratiques recommandés à l’échelle internationale ou par référrence à des pays performants en la matière, nous amène à soulligner comme orientation majeure : une régulation par la loi
(puisque l’autorité de régulation est créée par la loi et se réfère à
une loi, la loi sur l’audiovisuel) doit servir une politique publique
et s’en inspirer, une politique qui vise l’intérêt général tel qu’il
peut être pris en charge par les médias pour ce qui les concerne.
Et la condition sine qua none pour que les médias s’inscrivent
dans cet objectif d’intérêt général est que l’État, en charge des
politiques publiques, œuvre pour promouvoir « un environnemn
ment médiatique caractérisé par la liberté d’expression, le plurn
ralisme et la diversité, grâce, d’une part, à une définition très
étroite des lois réduisant la liberté des médias, limitées à ce qui
est nécessaire dans une démocratie, et grâce, d’autre part, à
des dispositions légales qui garantissent un cadre économique
dans lequel tous les acteurs sont en situation d’équité concurrn
rentielle. Ceci exige que soient prises des dispositions pour les
médias publics et communautaires ainsi que pour les médias
privés ».116
116 - Confère « Indicateurs de développement des médias ».op.cit.2008. Page 4.
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
365
En l’absence d’une politique volontariste à l’égard de ces princippes, comme stratégie de gouvernance démocratique du champ
des médias, champ qui doit être perçu comme « bien public »
rappelons le, la tâche de la régulation ne pourra pas se déployer
aux meilleures normes qui dynamiseraient dans les structures,
la gouvernance et les contenus, la démocratisation des médias
et permettraient aux médias audiovisuels de produire dans l’inttérêt général avec tous ses aspects, politiques, socioculturels,
artistiques et civiques.
Comme nous l’avons vu, hormis des questions structurelles
comme le mode de nomination des membres, leurs profils, le
respect de la durée légale de leur mandat ou celle de leur remplaccement; le degré d’indépendance de l’instance par rapport aux
pouvoirs politiques et économiques, à tous les niveaux; le peu de
promotion et d’effectivité des voies de recours pour les acteurs
sanctionnés par l’instance, celle-ci, la HACA en l’occurrence, est
particulièrement interpellée sur la question des contenus, tant
par certains aspects des programmes du pôle télévisuel public
que par la foultitude d’émissions des radios privées : faibles vollume et qualité des émissions TV politiques et de débat, émisssions TV de divertissement de très faible niveau, « novellas »
étrangères décalées par rapport aux valeurs et aux langues de
la société marocaine…Émissions radiophoniques animées par
des non professionnels et sans code de conduite déontologique,
programmation d’émissions qui ne tient pas compte des horairres adaptées aux cibles et aux contenus diffusés sur les ondes
etc.
La question de la qualité et l’autorégulation
Or, réguler le contenu, dans ces dimensions qu’on peut résumer
par l’impératif de la « qualité », ne peut être valablement et légittimement envisagé que si on s’y attèle aussi dans un 2ème espace
que celui de la régulation par une autorité externe et publique :
l’espace de la gouvernance du média en interne. C’est effectivemment là que, dans le respect de l’indépendance du média, y comppris vis-à-vis de l’autorité de régulation, que l’on doit observer
366
dialogue national - media et societe
des normes et des conduites à même de garantir l’élaboration
et la diffusion d’un contenu de qualité, c’est-à-dire acceptable
aussi bien au regard des standards internationaux qu’aux yeux
du public. On a même, ces dernières années, développé une normme « ISO 9000 » pour mesurer la qualité des médias. Soit un
label de qualité qui, comme tout système d’évaluation similaire
dans d’autres secteurs, passe et scrute les contenus au travers de
nombreux critères de la gouvernance globale du média, avant de
conclure quand un média peut produire de la qualité et quand et
comment il lui faut y travailler.
A l’occasion du Dialogue national, nous avons fait appel à deux
experts suisses, en la matière, qui ont exposé devant des parllementaires et des opérateurs médias, un standard de qualité
qu’ils ont fondé avec l’appui de la Fondation suisse du développpement des médias, de l’Unesco et du réseau de chercheurs et
de chaires Unesco en communication, le réseau « Orbicom »,
basé au Canada, présidé pendant longtemps par un des deux
experts cités117.
Cette norme, dite ISAS (International Standardization and Acccreditation Services), propose, pour la presse écrite comme pour
la presse audiovisuelle des « SYSTEMES DE MANAGEMENT
DE LA QUALITE » ou « Exigences pour les médias ».
La norme, « BCP 9001 » qui fusionne une « BC 9001 » dédiée
aux médias audiovisuels et une « BP 9001 » dédiée à la presse
écrite, sert de base à des certifications de qualité des médias.
Pour les fondateurs de cette norme, « ce standard international
a l’ambition d’aider les médias et toutes les parties prenantes
associées à se mettre en conformité avec un modèle équilibré
de leur industrie ».118 Le travail d’évaluation à des fins de certiffication de la qualité, dans le cas des médias, part de l’identificattion de « l’environnement » :
117 - Il s’agit de M. Alain Modoux, ex Directeur général adjoint de l’Unesco pour la liberté
d’expression et la démocratie et du Pr Magalie Modoux, directrice de « Certimedia ».
118 - Guide ISAS, Page 12. http://www.media-society.org/en/press-reports/57-isas-bc-9001-quality-certification-for-media. Cette norme est le fruit de plusieurs années de travail d’un
groupe d’experts de plusieurs continents avec l’appui financier de la Fondation suisse « Médias
& Société » dédiée au développement des médias.
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
Interactions de l’industrie des médias avec
son environnement119
119 - ISAS, Idem. Page 13
367
368
dialogue national - media et societe
Aussi bien donc pour la presse écrite que pour la presse audiovissuelle, on relève un « flux – ou influence- du pouvoir » (qu’il soit
politique ou économique), venant de toutes les parties associées
en direction des médias. Les médias, de leur côté, émettent du
pouvoir (politique et économique) en direction du public, c’està-dire sur l’opinion publique. Ce qui conforte ceux qui qualifient
les médias de « 4ème pouvoir », c’est-à-dire un acteur, comme
les trois autres, dans la gouvernance de la société.
Mais on aura remarqué dans ce diagramme qu’il n’indique pas
de « flux financier » allant du gouvernement aux médias parce
que, dans le régime démocratique, il doit être exceptionnel, sous
forme d’aides (directes ou indirectes) et au nom de l’État (la colllectivité) et non du gouvernement. A cet égard les auteurs de
la norme attirent l’attention sur le fait que « la réalité diffère
souvent de cette représentation » proposée par le diagramme
ci-dessus, car, à un degré ou à un autre, partout dans le monde
on assiste à :
« 1. «Une forte dépendance vis-à-vis des gouvernements, partn
ticulièrement lorsque ces derniers contribuent de manière sign
gnificative, voire dominante, au financement du média et/ou
exercent des pressions par un ensemble de dispositions légales,
techniques, économiques et politiques ainsi que par des intervn
ventions directes ;
« 2. Une forte dépendance vis-à-vis des annonceurs, qui représn
sentent l’autre source principale de financement, dominante
dans les médias commerciaux ;
« 3. Une considération insuffisante pour la satisfaction des utiln
lisateurs, essentiellement mesurée en quantité et plus rarement
en qualité, exactitude, équité et mise en forme des contenus orign
ginale. D’une manière générale, les boucles de retro alimentatn
tion (feedback) en provenance de l’audience / lectorat et des
citoyens devraient avoir une forte influence sur la stratégie de
l’organisation ;
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
369
« 4. D’autres retours d’information non-officiels ne sont pas
montrés sur le diagramme, tels que ceux en provenance des
annonceurs et/ou des propriétaires des médias en direction
des gouvernements et vice versa et peuvent être dangereux en
termes d’influence »120.
Ce système d’évaluation, guidé donc par l’option et le préalable
d’un environnement démocratique tel que défendu par le référrentiel onusien, notamment l’Unesco, au profit des médias, vise
à installer/vérifier la qualité du média dans trois directions :
• « Service à ses utilisateurs (audience / lecteurs) et au pubblic en général ;
• « Service à la société dans laquelle il opère, notamment
en promouvant la libre circulation de l’information, esssentielle dans une démocratie ;
• « Service à d’autres parties prenantes d’importance telles
que :
o le personnel;
o les annonceurs;
o les sous-traitants ;
o les actionnaires ;
o les associations de la société civile;
o les syndicats de journalistes
o les autorités publiques »121.
Ceci dit, cette norme de qualité, qui a été appliquée pour certiffication dans nombre de médias (écrits et audiovisuels) en Eurrope, en Asie et en Amérique Latine, se veut adaptée aux spécifficités du monde des médias où la question de la qualité, comme
socle et but de la bonne gouvernance ne se pose pas de la même
manière que dans d’autres domaines…Car « tout système de
management de la qualité appliqué à un média doit considérer
que celui-ci, en tant qu’industrie, a un certain nombre de spécn
cificités »122.
120 - ISAS, Idem. Page 12
121 - ISAS, Idem. Page 8.
122 - ISAS, Idem. Page 11
370
dialogue national - media et societe
La norme « BCP 9001» résume ces spécificités des médias commme ci-dessous.
Spécificités de l’industrie des médias en relation
avec leur qualité
Ø« Son rôle social ne peut être mesuré avec les indicateurs
financiers habituels ;
ØIl est soumis à des pressions de ses propriétaires, des gouvvernements et d’autres institutions de pouvoir qui peuvvent avoir tendance à influencer ses contenus ;
ØSon équilibre économique dépend à la fois des utilisateurs
(audience / lectorat) et des annonceurs dont les intérêts
ne sont pas nécessairement convergents;
ØLa qualité d’un média est, à maints égards, subjective.
Elle ne peut pas être évaluée uniquement avec les donnnées habituellement utilisées dans les affaires : tirage,
chiffre d’affaires ou profitabilité;
ØLa mesure de la qualité dans ce domaine demande plus
que l’évaluation de fonctions techniques telles que la réddaction, le son, la photographie, la production, la concepttion, le montage, etc.
ØPar-dessus tout, un média doit faire montre d’intégrité. Il
doit être honnête, juste et digne de confiance;
ØTout média qui aspire à se mettre en conformité avec cette
norme doit être:
o Indépendant sur le plan éditorial ;
o Transparent pour ce qui concerne les propriétairres du média et les autres liens qui pourraient inffluencer ses contenus ;
o Régi par une ligne éditoriale qui soit comprise par
les producteurs de contenus, l’audience/lectorat
et les autres parties prenantes ;
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
371
o Respectueux des standards internationaux en
matière de conditions de travail et de dialogue soccial.
ØSa culture interne et ses processus devraient inclure :
o Une mission claire et une ligne éditoriale bien déffinie pour chaque plateforme de publication ou de
radiodiffusion à l’intérieur de l’organisation;
o L’accent mis sur l’exactitude dans la couverture
des faits ;
o Des mécanismes efficaces pour identifier et corrigger les erreurs ;
o Une claire distinction entre opinion et fait ;
o La prise en compte des réactions des utilisateurs
du média (audience / lectorat) et des autres parties
prenantes ;
o Un code d’éthique largement diffusé ;
o Une formation et une évaluation du personnel au
plus haut niveau de qualité ;
o Une séparation non ambiguë entre la publicité et
les contenus éditoriaux ainsi qu’une interdiction
d’interférence des annonceurs en termes d’influencce sur la prise de décision éditoriale ».123
Dans l’ensemble de ces indicateurs de qualité nous retrouvons
tous les éléments que nous avons rencontrés et soulignés tout
le long de nos diagnostics, secteur par secteur, et ceux, synthéttiques, que nous avons relevés, notamment avec les modèles de
l’Unesco et d’Article 19, concernant la bonne gouvernance et la
positive régulation des médias.
Tout compte fait, la régulation par la loi, texte législatif, texte régglementaire, ou par des instances indépendantes mais qui sont,
123 - ISAS, Idem. Page 11.
372
dialogue national - media et societe
de par leur statut (comme la HACA), des autorités publiques
liées, sous une forme ou une autre, au chef de l’État, à l’exéccutif ou au parlement, ne peut être démocratique et prétendre
aux normes de la bonne gouvernance que si elle est appuyée/seccondée par l’autorégulation, garante, pour une grande part, de
l’objectif de la qualité comme des standards de la bonne gouvernnance en interne. Or, si la régulation est, peu ou prou, anti-démmocratique (administrative, aux commandes d’un quelconque
pouvoir ou s’y inféodant, à l’occasion), elle ne peut concéder à
l’autorégulation la place et le rôle qui lui sont nécessaires au
mieux de son efficience. L’autorégulation, droit syndical et déonttologique revendiqué par les professionnels des médias, partout
dans le monde et par leurs organisations internationales, ne se
conçoit que dans une indépendance totale par rapport à toute
source de pouvoir ou de pressions, y compris de la part des trois
pouvoirs constitutionnels dans une démocratie : le pouvoir léggislatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. A l’inverse,
l’autorégulation ne peut être envisageable qu’en présence d’une
régulation par la loi qui soit démocratique, vivante, réactive et
anticipatrice, de telle sorte que l’autorégulation devienne indisppensable pour :
ücouvrir des zones difficilement envisageables pour le règgne de la loi;
üprévenir au maximum l’intervention de la loi qui, par
nature et par interprétation de son mandat parfois, peut
être trop interventionniste, voire oppressive de la liberté
des médias et de leurs pratiques, tombant, à l’extrême,
dans l’iniquité, l’abus ou l’arbitraire.
Mais si la force de l’autorégulation repose sur un acte volontarriste des concernés, médias et leurs professionnels, elle ne peut
être construite et être conséquente sur la vie professionnelle et
l’exercice de la liberté d’expression, que si elle se fonde sur un
socle de valeurs éthiques et un code de pratiques déontologiques
d’inspiration universelle. Comme elle ne peut tirer son énergie,
s’améliorer et augmenter son influence que dans une interact-
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
373
tion avec le règne codifié de la loi…Il ya donc une interaction,
une dynamique organique entre le domaine de la loi et celui de
l’autorégulation au moyen de l’éthique et de la déontologie des
médias, il y une dialectique entre les deux. L’un ne peut bien
fonctionner sans le bon fonctionnement de l’autre.
Par conséquent, une autorité d’autorégulation du champ méddiatique dans son ensemble, dans le cas qui est le nôtre, au Marroc, ne peut espérer jouer le rôle de dynamo de la bonne gouvvernance des médias en interne comme en externe, de défensseur vigilant et influent de la liberté des médias et des droits de
leurs professionnels, de fécondateur d’une démocratisation de
la société et des médias et de levier de la modernisation et de la
responsabilisation des médias et de leurs contenus que si elle
- cette autorité d’autorégulation donc – prend place dans un envvironnement où les encadrements constitutionnels, législatifs et
réglementaires sont aux plus hautes normes de la démocratie
et de l’État de droit avec son référentiel universel des droits de
la personne. C’est avec une telle recommandation que l’on doit
envisager une haute instance indépendante de l’information et
de la communication dans le Maroc actuel.
Une Haute Instance d’autorégulation et de développemment des médias
Une instance qui, comme on l’a longuement évoquée dans nos
sections précédentes, notamment dans notre cadrage politique
et de référence, doit prendre en charge deux missions, organiqquement liées : la veille déontologique et la veille stratégique.
vVeille Déontologique
Par veille déontologique, nous entendons l’autorégulation par
excellence dans le journalisme : la défense de ses valeurs éthiqques et la codification d’un « code de conduite » des pratiques
du professionnel en conformité avec des règles déontologiques
induites par ces valeurs éthiques. Des valeurs qui, partout dans
le monde et chez toutes les organisations professionnelles intern-
374
dialogue national - media et societe
nationales rejoignent ou s’inspirent des valeurs universelles des
Droits de l’Homme.124
Le rôle des médias dans la défense et la promotion des Droits de
l’Homme n’est plus à démontrer de nos jours. Partout dans le
monde, depuis au moins un demi siècle, ils ont été d’un apport,
plus ou moins engagé, dans la défense des libertés et des droits
individuels, dans la dénonciation des violations des Droits de
l’Homme, dans la lutte contre les régimes totalitaires, autoritairres ou anti démocratiques.
Très tôt, la communauté internationale, avec ses institutions,
s’est intéressée à l’impact des médias sur la gouvernance monddiale, en allant même jusqu’à tenter de codifier la déontologie
du métier du journalisme. En effet, en 1950, l’ONU a élaboré un
« code d’honneur international du personnel de presse et d’infformation ». Mais après divers débats et consultations et, en
raison sans doute de l’atmosphère de guerre froide qui régnait
à l’époque entre deux thèses opposées, ce projet fût abandonné,
confirmant, s’il en était besoin, que la codification de la déonttologie des médias doit être laissée exclusivement aux professsionnels des médias. Car il s’agit d’une autorégulation volontarriste des concernés eux-mêmes pour défendre leur métier et sa
« noblesse » soulignée dans nombre de leurs chartes à travers le
monde, depuis celle des journalistes français en 1918 jusqu’à la
charte de référence mondiale, adoptée par la Fédération Internnationale des Journalistes (FIJ) : la « Déclaration de Munich »,
élaborée en 1971 et autour de laquelle se rallièrent, au lendemmain de la chute du mur de Berlin en 1989, la FIJ et l’Organissation Internationale des Journalistes (OIJ) qui, elle, réunissait
les syndicats des journalistes des pays de l’Est de l’Europe et
certains des pays du sud.
124 - Confère l’ouvrage « Médias et journalistes, Précis de déontologie » (par J.E.Naji.) qui
expose les valeurs de l’éthique du journalisme, son référentiel et passe en revue les chartes
déontologiques de plus d’une cinquantaine de pays. Version française (2002) et version arabe
(2004) à consulter sur www.rabat.unesco.org ou www.unesco.org/communication/chaires
Ces deux ouvrages ont été largement disséminés dans les rédactions au Maroc, en Afrique
francophone et dans certains pays arabes et à l’occasion du Dialogue national une réédition
spéciale de la version arabe a été distribuée à tous les participants à ce Dialogue, à titre de
documentation.
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
375
« Déclaration de principes de la FIJ sur la conduite
des journalistes » (1954; 1986)
La présente déclaration internationale précise les règles de conduite des journall
listes dans la recherche, la transition, la diffusion et le commentaire des nouvelll
les et de l’information et dans la prescription des événements.
1. Respecter la vérité et le droit que le public a de la connaître constitue le devl
voir primordial du journaliste;
2. Conformément à ce devoir, le journaliste défendra, en tout temps, le double
principe de la liberté de rechercher et de publier honnêtement l’information,
du commentaire et de la critique et le droit au commentaire équitable et à la
critique loyale.
3. Le journaliste ne rapportera que les faits dont il/elle connaît l’origine, ne
supprimera pas les informations essentielles et ne falsifiera pas de documl
ments.
4. Le journaliste n’utilisera que des moyens équitables pour obtenir des informl
mations, des photographies et des documents.
5. Le journaliste s’efforcera par tous les moyens de rectifier toute information
publiée et révélée inexacte et nuisible.
6. Le journaliste gardera le secret professionnel concernant la source des informl
mations obtenues confidentiellement.
7. Le journaliste prendra garde aux risques d’une discrimination propagée par
les médias et fera son possible pour éviter de faciliter une telle discriminatl
tion, fondée notamment sur la race, le sexe, les mœurs sexuelles, la langue,
la religion, les opinions politiques et autres et l’origine nationale ou sociale.
8. Le journaliste considérera comme fautes professionnelles graves: le plagiat;
la distorsion malveillante; la calomnie, la médisance, la diffamation, les accl
cusations sans fondement; l’acceptation d’une quelconque gratification en
raison de la publication d’une information ou de sa suppression.
9. Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d’observer strictement les
principes énoncés ci-dessus. Reconnaissant le droit connu de chaque pays, le
journaliste n’acceptera, en matière professionnelle, que la juridiction de ses
pairs, à l’exclusion de toute intrusion gouvernementale ou autre.
Par rapport à la déclaration de la FIJ, la « Déclaration de Munnich » a surtout tenté d’épouser les deux volets qui sous-tendent
à la fois la préoccupation déontologique chez les journalistes
acquis à la nécessité de codifier leur conduite et leur pratique,
c’est-à-dire le volet des devoirs du journaliste envers le public,
et le volet des droits du journaliste pour bien exercer son métier,
notamment dans le respect de ces « devoirs déontologiques ».
376
dialogue national - media et societe
Déclaration de Munich (1971; 1989…)
Préambule
Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des
libertés fondamentales de tout être humain. De ce droit du public de
connaître les faits et les opinions procède l’ensemble des devoirs et des
droits des journalistes. La responsabilité des journalistes vis-àvis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à
l’égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics.
La mission d’information comporte nécessairement des limites que les
journalistes eux-mêmes s’imposent spontanément. Tel est l’objet de la décn
claration des devoirs formulés ici.
Mais ces devoirs ne peuvent être effectivement respectés dans l’exercice
de la profession de journaliste que si les conditions concrètes de l’indépn
pendance et de la dignité professionnelle sont réalisées. Tel est l’objet de
la déclaration des droits qui suit.
Déclaration des devoirs
Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la rédaction et le
commentaire des événements, sont :
1. respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour
lui-même, et ce, en raison du droit que le public à de connaître;
2. défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critiqn
que;
3. publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les
accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent; ne pas
supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et
les documents;
4. ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations,
des photographies et des documents;
5. s’obliger à respecter la vie privée des personnes;
6. rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte;
7. garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informn
mations obtenues confidentiellement;
8. s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations
sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en
raison de la publication ou de la suppression d’une information;
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
377
9. ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitn
taire ou du propagandiste; n’accepter aucune consigne, directe ou
indirecte, des annonceurs;
10. refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que
des responsables de la rédaction.
Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d’observer strictement
les principes énoncés ci-dessus; reconnaissant le droit en vigueur dans
chaque pays, le journaliste n’accepte, en matière d’honneur professionnn
nel, que la juridiction de ses pairs, à l’exclusion de toute ingérence gouvn
vernementale ou autre.
Déclaration des droits
1. Les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d’infn
formation et le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui conditn
tionnent la vie publique. Le secret des affaires publiques ou privées
ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception en
vertu de motifs clairement exprimés.
2. Le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait
contraire à la ligne générale de son entreprise, telle qu’elle est détermn
minée par écrit dans son contrat d’engagement, de même que toute
subordination qui ne serait pas clairement impliquée par cette ligne
générale.
3. Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnn
nel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou
sa conscience.
4. L’équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de toute
décision importante de nature à affecter la vie de l’entreprise. Elle
doit être au moins consultée, avant décision définitive, sur toute mesn
sure intéressant la composition de la rédaction : embauche, licenciemn
ment, mutation et promotion de journaliste.
5. En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaln
liste a droit non seulement au bénéfice des conventions collectives,
mais aussi à un contrat personnel assurant sa sécurité matérielle
et morale ainsi qu’une rémunération correspondant au rôle social
qui est le sien et suffisante pour garantir son indépendance économn
mique.
378
dialogue national - media et societe
Comme on le voit, cette « Déclaration de Munich » a, d’une
part, englobé et élargi les repères déontologiques retenus par la
charte de la FIJ de 1954, amendée en 1986, mais surtout, elle a
donné la preuve, en un seul texte, du lien organique qui existe
entre la dimension des « devoirs » du journaliste et celle de ses
« droits ». Un lien qui installe une logique, sans laquelle aucune
réelle application, sur le terrain, ne peut être envisagée au profit
d’une pratique de journalisme conforme aux différentes recommmandations d’ordre éthique (depuis le référentiel d’origine, cellui des droits et libertés fondamentales de l’Homme), ou d’ordre
purement professionnel, c’est-à-dire strictement déontologique.
Un « journalisme d’excellence » comme le qualifient nombre de
chartes et de textes internationaux.
D’ailleurs, cette démarche qui construit la déontologie des méddias sur la double fondation des « devoirs » et des « droits » du
journaliste, est celle justement qu’adopte le référentiel universel,
à l’origine de la proclamation du règne de la liberté d’expression
et de la liberté de la presse grâce à l’Article 19 de la Déclaration
de 1948. Il est donc fondamental de souligner qu’il faut compprendre par la déontologie du journalisme ce lien établi entre
obligations et droits du journaliste pour que la jouissance de la
liberté de l’expression et de la liberté de la presse soit acceptabble et digne aussi bien aux yeux des professionnels que de la
société démocratique, qu’aux yeux des défenseurs des droits et
libertés fondamentales de l’Homme. L’éthique du journalisme,
traduite en règles déontologiques dans la pratique de ce métier,
débouche, pour le professionnel des médias, sur deux niveaux
de responsabilités allant de pair pour lui :
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
379
Deux niveaux de dix responsabilités pour le journalliste
1. Au sein de son entreprise médiatique, le journaliste
est personnellement responsable
§envers son public et l’opinion publique en général;
§envers ses sources et les personnes dont il parle;
§envers ses règles professionnelles et les organes qui en ont la gardn
de;125
§envers ses propres convictions relevant de sa conscience individuelln
le;
§envers la hiérarchie rédactionnelle, qui est elle-même comptable du
travail de chaque journaliste devant l’éditeur ou le propriétaire du
média, ainsi que devant les clients annonceurs.
2. Le journaliste partage, d’autre part, les responsabilités de son entrepn
prise médiatique
§
envers son public et l’opinion publique;
§
envers les sources et les personnes faisant l’objet d’informations;
§
envers les groupes d’intérêt, puissants ou non, qui constituent l’envirn
ronnement économique et social de l’entreprise;
§
envers l’État et ses organes, qui définissent la mission générale des
médias et encadrent leurs activités par un certain nombre de lois;
§
envers la société dans son ensemble.126
En ce qui concerne ses droits – sur le registre déontologique inddépendamment de la stipulation par la loi de certains parmi eux
- on peut les résumer comme suit, sachant qu’ils sont indispenssables à garantir pour que les devoirs puissent être valablement
assumés par le journaliste :
125 - La Déclaration de Munich, comme la Charte de la FIJ, parle de « la juridiction de ses
pairs » (exclusivement)
126 - Résumés des responsabilités et des droits propos é par Daniel Cornu in «Journalisme et
vérité, pour une éthique de l’information ». Genève, Édit. Labor et Fides, 1994.
380
dialogue national - media et societe
Dix droits déontologiques du journaliste
1. Droit de jouir librement de la liberté d’expression en général et de la
liberté de la presse, en particulier
2. Droit au libre accès à toutes les sources d’information 3. Droit au « secret professionnel »
4. Droit moral de refuser toute subordination 5. Droit à une « clause de conscience »
6. Droit de confier la surveillance de sa déontologie exclusivement à ses
pairs
7. Droit à la transparence au sein de l’entreprise
8. Droit à un contrat de travail
9. Droit à une convention collective
10. Droit à la formation professionnelle et éthique L’autorégulation est donc le fruit de cette synergie constante
et organique entre les droits et les devoirs du journaliste. Mais
cette autorégulation n’est pas du tout imperméable aux contexttes nationaux, sociaux et culturels dans lesquels le journaliste
pratique ce métier, même si ces dix responsabilités et ces dix
droits sont universellement admis par toutes les organisations
professionnelles et syndicales des journalistes. Toujours est-il,
que, par référence au credo de la démocratie, quel que soit le
contexte dans lequel on pratique le journalisme et quels que
soient les formulations, les termes et les énoncés explicites ou
implicites que l’on peut rencontrer dans les diverses chartes
déontologiques à travers le monde, il y a un substrat commun
qui anime toute charte déontologique127 :
127 - Code synthétique proposé par Claude-Jean Bernard in : « La déontologie des médias ».
PUF. Paris. Que sais-je? No 3255.
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
381
Code déontologique synthétique
(substrat commun à toutes les chartes)
Valeurs fondamentales
• Respecter la vie
• Promouvoir la solidarité entre les humains
Prohibitions fondamentales
• Ne pas mentir
• Ne pas s’approprier le bien d’autrui (plagiat)
• Ne pas faire souffrir inutilement
Principes journalistiques
• Être compétent (donc sûr de soi, donc prêt à reconnaître ses erreurs).
• Être indépendant, vis-à-vis des forces économiques, politiques et intn
tel
lectuelles.
• Ne rien faire qui diminue la confiance du public envers les médias.
• Avoir une définition large et profonde de l’information (pas limitée à
l’évident, à l’intéressant, au superficiel).
• Fournir un rapport exact, complet et compréhensible sur l’activité (les
faits)
• Servir tous les groupes (riches/pauvres, jeunes/vieux, gauche/droitn
te).
• Défendre et promouvoir les droits de l’homme et la démocratie
• Travailler à l’amélioration de la société environnante.
L’autorégulation, ce pendant d’équilibre à la régulation par la
loi, dépend donc exclusivement des journalistes eux-mêmes,
avec l’accord de la société et de son législateur. C’est pourquoi,
nombre de syndicats et de corporations de professionnels, commme le SNPM au Maroc, choisissent de se doter d’une structure,
en interne, pour veiller à la mise en œuvre de cette autorégullation. Alors que dans certains pays cette « veille déontologiqque » est confiée à une autorité indépendante du syndicat qui
y est présent, parfois de manière majoritaire, aux côtés de repprésentations diverses, selon les pays : des opérateurs médias
ou employeurs, des juges – souvent retraités et respectés pour
leur indépendance d’esprit- des professeurs d’université spéccialisés ou experts, des parlementaires, des anciens ministres
(cas du Pakistan), des activistes de la société civile…Les deux
382
dialogue national - media et societe
formules les plus en vogue étant des instances déontologiques
constituées pour moitié par des journalistes et pour l’autre moittié d’opérateurs médias (cas de l’Allemagne), ou des instances
dont le membership est partagé, plus ou moins à égalité, entre
journalistes, employeurs et représentants du public… Le public
qui, dans certaines instances scandinaves peut occuper même
les 2/3 des sièges de l’instance (cas de la Suède).
Si on met de côté les conseils dont l’origine ou la constitution
émanent de l’État (cas du Danemark, de la Grèce, de Chypre, de
l’Égypte, de l’Inde…), ou les pays où cet instrument a été dilué
dans une « Haute autorité » de régulation de tous les médias
(mode actuelle dans les pays africains, ou cas du Portugal), on
constate donc que les conseils diffèrent selon qu’ils :
• Impliquent le public et les usagers
• Impliquent les éditeurs aux côtés des journalistes
• Impliquent des représentants de secteurs proches des
médias (magistrats, experts, professeurs de journalisme,
industriels, parlementaires…)
• Impliquent des représentants de la « société civile », nouvvel acteur (assez difficile à définir) de plus en plus évoqué,
notamment dans les pays où les ONG humanitaires et de
développement font figure de défenseurs/promoteurs de
progrès, de démocratie et des libertés fondamentales.
Dans ce panorama de l’alchimie possible pour constituer un
conseil, on peut retrouver :
• Le cas du Conseil suisse qui n’est constitué que de journnalistes;
• Le cas du Conseil allemand que partagent les patrons de
presse et les journalistes;
• Les cas où le conseil est de constitution tripartite, avec
patrons, journalistes et les usagers qui, selon le pays,
sont plus ou moins représentés au sein du conseil par
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
383
rapport aux deux autres parties : cas de la Finlande, du
Royaume-Uni, des Pays-Bas, des conseils provinciaux ou
régionaux aux États-Unis (comme au Minnesota), ou au
Canada (cas de l’Ontario, de la Colombie-Britannique ou
du Québec), et cas de la Norvège et de la Suède où le pubblic a plus de représentants que les deux autres parties
du conseil tripartite. A relever aussi le cas où le public
n’intervient que lors de « forums » ou d’audiences publiqques que lui ouvre ponctuellement le conseil (cas de certtains conseils américains) 128;
• Les cas où le conseil intègre des membres désignés par
le gouvernement et les partis politiques (Grèce), des expperts et des universitaires (Italie, Royaume-Uni, Islande,
Pays-Bas), l’association des professeurs de journalisme
(Estonie), des magistrats (Suède, Italie, Pays-Bas, Espaggne).
Bref, l’instance en charge de la veille déontologique diffère
quant à sa composition d’un contexte à un autre, comme elle
diffère concernant ses prérogatives : outre la sanction morale
du journaliste auteur d’un écart déontologique, par exemple,
qu’on rencontre dans la mission de toutes les instances, certainnes instances ont la prérogative exclusive de délivrer et de retirrer la carte professionnelle, d’autres de déclarer un incriminé
ne plus être reconnu par elle comme appartenant à la professsion…Certaines reçoivent les plaintes d’employeurs en plus des
plaintes du public et des journalistes que toute instance du genre
reçoit…La plupart sont conçues comme « commission », « colllège », « autorité », « instance », « conseil », mais certaines ont
toutes les qualités et les prérogatives d’un « ordre » à l’instar de
l’ « ordre des médecins » ou « l’ordre des architectes »…
128 - « L’idée - du conseil national ou régional - fut suédoise à l’origine (1916). Elle ressurgit
en 1928 dans un rapport de l’Organisation Internationale du Travail, puis dans un projet de
Cour d’honneur conçu par la Fédération internationale des journalistes en 1931. La commission
Hutchins reprit l’idée d’un conseil national en 1947. Et, en 1953, la Grande Bretagne mit en
place son Press Council qui allait devenir un modèle ». Confère Claude-Jean Bertrand, « La
déontologie des médias », Que sais-je ?, op. cit. (page 94).
384
dialogue national - media et societe
À l’exception du cas atypique de l’Italie où le « Conseil national
de l’ordre des journalistes » peut prononcer la suspension d’acttivité contre le journaliste coupable d’avoir transgressé les règles
de la déontologie, les avis du conseil n’ont comme force d’effet
que l’impact moral qu’une décision peut avoir sur le contrevennant, sur son employeur et ses confrères pour faire pression sur
eux afin qu’ils améliorent leur comportement. Un tel impact
est surtout recherché à travers la publication dans les médias,
et tout particulièrement le média concerné, de l’avis rendu, du
blâme prononcé, de la sanction infligée… La publication du blâmme, auprès des professionnels et du public, est supposée être un
instrument dissuasif à long terme. Car il s’agit davantage d’une
longue éducation que d’une prompte injonction ou d’une obliggation au pouvoir coercitif comme l’est la loi…Le paradoxe du
souci déontologique étant : alors qu’on est résigné à admettre
que l’éthique n’est finalement sauve que du fait du comportemment et de la conscience individuelle de chaque journaliste, on
est forcé malgré tout d’inciter le journaliste, d’encadrer sa « verttu » par des instruments qui lui sont externes, quitte à ce qu’ils
soient contraignants et frustrants pour sa liberté d’exercice de
l’expression.
« Comment amener – le journaliste – comme tout être humn
main à se bien comporter ? On peut envisager que s’exercn
cent sur lui trois types de pression. Sa perversité entraîne
que, dans l’intérêt de ses semblables, il doit être soumis à une
pression physique externe. Sa noblesse fait qu’il est sensible
à la valeur de certains principes et donc à une pression morn
rale interne. Son ambivalence amène à espérer qu’une pressn
sion morale externe suffise; c’est-à-dire celles qu’exercent
des règles d’éthique professionnelles, dont la violation par
un individu, lui vaut la réprobation de ses pairs et le mépris
des usagers ». 129
Quand on invoque le « droit du public à l’information », l’« inttérêt public » ou quelconque « mandat social » de la presse,
129 - Claude-Jean Bertrand, « La déontologie des médias », Que sais-je ?. op. cit. (page 82)
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
385
l’argument ultime pour justifier une démarche favorable à un
mécanisme de surveillance déontologique est celui qui fait réfférence aux usagers des médias pour en sonder ou défendre les
attentes, le regard qu’ils jettent sur les médias et les journalistes
et de là leur droit à contrôler et à surveiller les pratiques des
professionnels. Cette conception est basée donc sur le postulat
de « responsabilité sociale des médias », avec le principe de leur
imputabilité vis-à-vis de la société. Par là donc, on peut parler
de contrôle des médias et des journalistes par la société dans
leur exercice de la liberté d’expression que les professionnels,
souvent, veulent absolue.
Ceci dit, il reste que la propension à vouloir contrôler les pratiqques journalistiques, à l’aune de repères déontologiques professsionnels, menace directement le sacro-saint « droit à l’informattion », le « droit du public à être informé » qui procède de « l’inttérêt public » et auquel la primauté doit être donnée en toute
circonstance. Toute charte déontologique, code d’éthique, guide
d’application, insistent sur ce droit comme préalable.
Cette primauté du droit à l’information ne manque pas générallement de marquer de son empreinte la démarche constitutive
des instances de surveillance, quelle que soit la forme de l’insttance. On peut même dire que les instances de surveillance difffèrent fondamentalement selon qu’elles ont tendance à priviléggier davantage, dans leurs attendus, avis ou jugements, ce droit
du public à l’information, ou les droits des tiers, supposés lésés
par un acte médiatique jugé « journalistiquement incorrect »,
pour reprendre une formule contestable mais significative quant
aux excès latents et dangereux des prétentions à la surveillancce. Mais « tout dire, tout permettre » au nom de la sacro-sainte
liberté de la presse, n’est plus acceptable, même aux yeux des
concernés eux-mêmes, parce que l’absence de « balises » éthiqques rend pour le moins, la compétition - qui est de plus en plus
vive - intenable, improductive, voire dangereuse pour la place et
le crédit des médias et des journalistes au sein de la société. La
méfiance doit certes être toujours présente face à quelconque
386
dialogue national - media et societe
projet de codification, mais l’absence de tout repère éthique ou
déontologique est de moins en moins défendable.
À l’opposé, l’option pour une surveillance coercitive de la déonttologie est autrement plus préjudiciable à la liberté des méddias, puisqu’elle peut générer des limites inadmissibles à la libberté d’expression et à la liberté de la presse, et peut servir les
desseins des adversaires habituels de la presse : les pouvoirs.
Néanmoins, dans certains contextes, on n’a pas hésité à faire ce
dernier choix dissuasif au point d’ériger un « ordre », à l’instar
des ordres qui ont pouvoir de sanctionner sévèrement, comme
l’ordre des médecins, par exemple. 130 Ce type d’encadrement
institutionnel contraignant (que le syndicat tunisien, par exempple, souhaite depuis la révolution du 14 janvier 2011) est, de tout
point de vue, incompatible, voire antinomique, avec l’essence
même de ce métier, qui a comme fondement la liberté d’exercice
de la liberté d’expression (une des libertés suprêmes de l’Hommme) et, tenant compte de l’évolution irrémédiable des moyens
de communication et de leurs usages, cet exercice tend de nos
jours vers de plus en plus de liberté de parole, vers plus d’univversalisme, vers plus de communication libre et autonome entre
les individus à l’échelle de la planète, via le cyberespace. Admetttre l’idée d’un ordre signifie ipso facto l’institution d’une sorte
de « délit de pratique illégal du journalisme », ce qui, en réalité,
« donne au gouvernement un contrôle de fait sur l’exercice de la
profession ». 131
Ce détournement de l’exigence déontologique qui finit par réinttroduire le contrôle de l’exécutif, ou d’hypertrophier celui de la
justice, sur la presse et sur l’exercice de sa liberté, peut prenddre plusieurs formes, selon les contextes. Il peut s’opérer par la
création, par texte de loi, d’une instance de surveillance, appelée
130 - Confère Henri Pigeat, in « Médias et déontologie ; règles du jeu ou jeu sans règles »,
Paris, Édit. PUF 1997,qui commente « l’ordre des journalistes » créé en Italie en 1953 et divers
« colegios », ou ordres, créés dans dix pays d’Amérique latine dont le Costa Rica où cependant
la Cour suprême se prononça en jugeant ce type d’institution « inconstitutionnelle », prenant en
considération un avis de la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme qualifiant ce système
d’incompatible avec les droits de l’Homme (page 101).
131 - Cas du Venezuela qui a institué en 1994 un ordre de ce type ou « colegio ».
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
387
généralement, « Conseil de presse » (cas de l’Inde par exemple),
à l’instar d’un tribunal qui va interpréter de son point de vue un
code déontologique même si celui-ci émane, de façon volontarriste, de la profession. Il peut prendre la forme d’une « loi sur la
presse » qui comporte aussi bien des dispositions d’ordre légal
que des dispositions d’ordre éthique et déontologique (cas de
l’Égypte ou de la France, par exemple). Il peut prendre la forme
d’une « Haute autorité », chargée en principe de « réguler »
mais, dans de nombreux cas, se transformant petit à petit en un
« tribunal déontologique », dictant au journaliste quoi respecter
et comment pratiquer son métier (une tendance qu’on retrouve
en Afrique francophone)…La limitation de l’exercice de la liberté
d’expression par les médias peut aussi venir d’un parlement ou
d’une commission parlementaire qui aurait un droit de regard
sur les pratiques des médias, notamment publics, avec, comme
moyens de pression le vote des budgets, la nomination ou la vallidation de la nomination des dirigeants, l’obligation de certainnes programmations (cas du Royaume-Uni, de la France pour
ce qui concerne l’audiovisuel)132. Bref, la préoccupation déontollogique peut se prêter à diverses formes d’institutionnalisation
de la fonction de surveillance, ce qui explique pourquoi, dans
l’écrasante majorité des pays où cette préoccupation a fait l’objjet d’une charte, les rédacteurs insistent pour que cette fonction
soit attribuée exclusivement au seul corps des professionnels.
C’est d’ailleurs ce que revendique le SNPM depuis l’évocation
d’une telle instance dans le discours royal du 30 juillet 2004.
La méfiance des journalistes de se voir surveiller, concernant
leur éthique et leur déontologie, par une instance qui soit en
totalité ou en partie constituée de personnes étrangères à leur
monde, est de plus en plus renforcée, comme c’est le cas au
Maroc actuellement, par la tendance de la justice à invoquer la
déontologie dans ses verdicts. La judiciarisation qui assaille de
132 - Depuis le début de l’année 2011, on assiste en Afrique du Sud à une forte confrontation
entre, d’une part, les journalistes et la société civile et, d’autre part, le gouvernement qui compte
faire adopter une loi instituant un « tribunal éthique ». 388
dialogue national - media et societe
plus en plus l’activité des médias et des journalistes peut être asssimilée à un redéploiement de la censure et du contrôle des méddias. Si la censure gouvernementale dans ses formes classiques
(censure préalable, saisie, interdiction, aux mains du pouvoir
exécutif) est en constant recul à travers le monde, il apparaît de
plus en plus évident que par le biais des jurisprudences et de
l’arbitraire d’appréciation qu’elles permettent aux juges, y comppris sur le registre de la déontologie, on assiste à une sorte de
« privatisation de la censure »…
« Via le pouvoir judiciaire, des particuliers ou des entreprisn
ses multiplient les procès en diffamation et en dommages et
intérêts, intimidant jusqu’aux émissions et aux publications
les plus respectables. Ces actions en justice sont parfois légn
gitimes, car la liberté d’expression doit être mise en balance
avec d’autres droits, comme la non-discrimination, le respn
pect de la vie privée, la réputation et l’honneur des personnn
nes, mais elles sont de plus en plus souvent conçues comme
un moyen visant à intimider les médias et à réduire le débat
public. Aux États-Unis d’Amérique, on leur a donné le nom
éloquent de « slapp » (Strategic lawsuits against public partn
ticipation, - actions en justice stratégiques contre la participn
pation publique -, le mot anglais « slap » signifie « claque »
ou « gifle ») ». 133
C’est une tendance lourde, tout particulièrement dans les pays
de faible ou récente expérience en matière de « procès de déllit de presse » et de longue tradition de régulation autoritaire,
voire répressive, de la liberté des médias. Le Maroc ne fait pas
encore exception à cet égard.
D’un autre côté, il faut aussi faire preuve de prudence sur un
autre registre : celui du financement d’une instance d’autoréggulation déontologique, car une dépendance par rapport à un
financement de l’État, par exemple, peut induire une influence
133 - Jean-Paul Marthoz, « La liberté des médias », dans Rapport mondial sur la communication
et l’information 1999-2000 ». Paris. 1999. Éditions UNESCO (page 82)
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
389
des pouvoirs publics sur les activités, les initiatives et les décissions d’une telle instance, voire un contrôle. Le financement des
activités de ces instances ou conseils d’autorégulation, paramèttre important pour juger de leur indépendance, peut prendre
diverses formules dépendant des parties impliquées : financemment de l’État, des organisations et syndicats des journalistes,
des industriels des médias, et même le financement grâce aux
amendes infligées pour manquement à l’éthique comme dans
le cas, rare, de la Suède (seul pays, avec la Grèce, où on prévoit
des amendes).
Par ailleurs, la déontologie propre au monde des médias connait
de nos jours un bouleversement sans précédent au point que
son autorégulation semble de moins en moins possible à mettre
en œuvre sur toute l’étendue de ce monde…
Confrontée à la révolution actuelle de ses moyens techniques
d’expression, avec les TIC, la communauté internationale des
médias et des journalistes, n’a pas pour autant été découragée
d’accompagner, en même temps, ce formidable et complexe
bouleversement des données de son enjeu principal, la liberté
d’expression, par une réflexion – à chaud – sur les registres de
l’éthique et de la déontologie. Bien que cela soit un défi sans préccédent, dans la mesure où ces nouveaux moyens ont déclenché
l’irruption massive, inattendue et impossible à réguler, du pubblic, du « Net citoyen ». Le public étant un acteur que le monde
médiatique d’avant cette nouvelle ère technologique, pouvait
garder loin de sa sphère de travail, loin de ses outils et de sa
« cuisine » de fabrication et de diffusion de l’information et de
l’expression. La promesse généreuse de donner la parole au pubblic, de développer l’interactivité, une fois devenue réalité, malggré les médias et les journalistes, a donc pris l’allure d’une remisse en question de la position de ces derniers et de leur mission
dans la société… Même l’exclusivité de leur savoir-faire, de leur
rôle, naguère prédominante dans l’exercice de la liberté d’exppression, est remise en question, chaque jour, inexorablement.
390
dialogue national - media et societe
Pour se rendre compte de l’ampleur d’un tel bouleversement
des données pour le souci déontologique, il suffit de prendre
connaissance d’une résolution récente de la FIJ à propos du
journalisme électronique :
« En raison des conditions dans lesquelles sont reçus les
nouveaux services d’information, souvent par-delà les frontn
tières nationales, les structures nationales existantes en matn
tière de régulation du contenu médiatique devraient être
adaptées afin de se conformer aux principes suivants :
« L’information mise à la disposition du public par des
moyens électroniques est à considérer comme étant du ressn
sort des organes nationaux de régulation;
« Les organes nationaux de régulation devront traiter les
plaintes sur le contenu de l’information fournie électronn
niquement et qui provient de leur domaine de juridiction,
même si ces plaintes sont formulées par des personnes ou
des institutions pertinentes situées à l’extérieur des frontièrn
res nationales;
« Sur cette base, la FIJ estime inopportun d’envisager des
structures internationales de régulation du contenu médiatn
tique, et s’oppose à toute initiative d’instaurer une quelconqn
que structure transnationale de régulation chargée de régir
le contenu médiatique ».
L’enjeu déontologique a pris donc de nos jours des dimensions
que les rédacteurs des premières chartes ne pouvaient imaginner. L’effort de la réflexion sur l’éthique, sur la déontologie de
la pratique, sur la surveillance et la régulation, avait été mené,
généralement, de manière circonscrite à un territoire nationnal, dans le cadre d’une société ayant un contexte et un référrentiel qui lui sont particuliers. Or, voilà que l’interpellation de
la déontologie peut enjamber les frontières, être formulée dans
un contexte donné pour dénoncer la pratique de mise dans un
contexte étranger : une personne d’un pays peut se plaindre et
obtenir gain de cause - en principe - à propos d’un manquement
à la déontologie commis à l’autre bout de la planète, via un méddia traditionnel ou un nouveau média de type TIC.
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
391
Ne maintenant, pour l’instant, comme légitimité, que celle des
organes nationaux de régulation, et écartant - pour le moment
- l’idée d’une structure internationale, la FIJ, comme d’autres
instances concernées à l’échelle mondiale, ne saurait dire si
l’évolution future du monde des médias ne l’obligera pas un
jour à revoir sa position actuelle. Devenant de plus en plus monddial, le champ des médias a lentement, surtout sur les quinze
ou vingt dernières années, progressé vers une réflexion sur soimême qui fait référence à des dispositifs et édifices de droits
et de principes internationaux, cherchant sources d’inspiration
et repères d’énoncés dans les consensus et règles de conduite
admis par la communauté internationale, par le système onussien et sa littérature. Ce champ a maintenant admis, au plan de
l’éthique et de la déontologie, qu’un litige survenu dans un pays
soit examiné à la lumière des textes d’un autre pays (ou d’une
instance, organisation ou cour multilatérale ou internationale).
Le Conseil de presse suisse, par exemple, se recommande de se
fonder, pour ses directives et avis d’instance de régulation, non
seulement sur la « Déclaration des devoirs et droits du journalliste suisse » mais « également sur les codes d’éthique étrangers
et internationaux ». La tentative américaine en 1996 de la « loi
sur la décence dans les télécommunications » (Communication
Decency Act), pionnière en la matière, a intéressé et nourri débbats et propositions de juristes et de spécialistes dans presque
tous les pays confrontés à la nouveauté de la communication via
Internet. La loi française, dite « ADOPI » concernant le piratage
de contenus numériques est en passe de devenir une référence
d’inspiration pour nombre de pays, voire d’organisations internnationales…
C’est dire combien la déontologie est une préoccupation majjeure à l’échelle planétaire, une constante inévitable dans tout
produit et processus médiatiques, et non une panacée superféttatoire, ou un alibi pour une condamnable intention de réduire
la liberté de l’expression ou de contrôler la liberté des journalisttes et des médias dans un pays en particulier. On se rend bien
compte, tous les jours, dans le nouveau monde des médias, que
392
dialogue national - media et societe
chaque saut technologique de ce monde transforme les données
de la problématique de l’éthique, sans l’élimer, chaque nouveau
moyen de communication, chaque nouvelle forme d’expression,
permettent en fait d’affaiblir davantage les velléités à la censure,
au contrôle et à la domestication de la liberté de la parole et de
l’opinion.
« La déontologie n’est pas une mode, qui serait née aux
États-Unis après la contestation des années 1960 et en Eurn
rope après la guerre du Golfe. Elle n’est pas une éphémère
contre-offensive provoquée par une vague de méfiance pubn
blique. La déontologie est la seule méthode à la fois efficace
et inoffensive pour améliorer le service des médias. Mais elle
est lente, elle opère à long terme: raison de plus pour la mettn
tre en œuvre sans attendre ». 134
Dans le contexte du Maroc, le souci de la déontologie et de sa
surveillance, est encore dominé par nombre d’ambivalences et
de fausses croyances qu’on peut expliquer par l’histoire de la
pratique du journalisme au pays. Des pratiques longtemps ceintturées et inhibées par la censure et l’autocensure qui étouffaient
et les droits et les devoirs déontologiques du journaliste. Autant
dire que la dimension déontologique est peu comprise et quand
elle est évoquée elle est quasi automatiquement suspectée d’être
comme étant une ultime forme de censure et une sophistiquée
injonction de limitation de la liberté, surtout si elle est brandie
par les autorités, judiciaires ou autres…Si le déficit en formattion sur l’éthique et la déontologie est patent, voire gravissime,
parmi nos journalistes, il y a eu, ces dernières années, nombre
d’initiatives et de déclarations, émanant en particulier des autorrités et de la justice, au nom de la déontologie, qui poussaient à
la défiance, car il leur était souvent difficile de convaincre qu’ellles n’étaient pas motivées par quelconque dessein de réduire la
marge de liberté d’expression des journalistes.135
134 - Claude-Jean Bertrand, « La déontologie des médias », Que sais-je ?, op. cit. (page 124).
135 - Au plan de la formation, il est symptomatique de relever que ce n’est qu’à partir de
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
393
Quoiqu’il en soit, il est difficile d’imaginer qu’un journaliste marrocain, normalement ou particulièrement respectueux des normmes de son éthique et des règles de sa déontologique, aura une
facilité dans les réflexes à cet égard, alors qu’il pratique dans
un champ médiatique où la violation de ces normes et de ces
règles est monnaie courante, circulant dans la quasi-totalité
des médias, dans tous leurs secteurs et avec toutes les formes
imaginables, sur tous les registres qui préoccupent l’éthique et
la déontologie de ce métier : vie privée, réputation et honneur
d’autrui, présomption d’innocence, véracité et exactitude des
faits et des sources, protection des droits des minorités et des
mineurs, droit à l’image, respect de la propriété intellectuelle
du confrère, respect de la souffrance de victimes, respect de la
diversité et de la différence, respect d’institutions, de valeurs
morales de la société, etc.
Comme il est difficile que le journaliste fasse preuve d’une vigillance déontologique en l’état actuel de la gouvernance de l’entrepprise-type marocaine qui ne promeut réellement ni une charte
déontologique propre à l’entreprise, ni une formation continue
sur cet aspect et dont nombre de pratiques, comme on l’a vu, ne
manquent pas d’écarts non seulement aux normes de l’éthique
et de la déontologie, mais même aux dispositions de la loi et à
la législation du travail. La culture ambiante dans l’entreprise
média-type au Maroc est fondamentalement, voire structurellemment, hostile à un règne effectif et conséquent sur les contenus,
comme sur la gouvernance de l’éthique et de la déontologie.
De cette situation, nous voulons tirer deux enseignements structturants majeurs :
1. Il est urgent que le champ médiatique national dispose
d’une instance nationale d’autorégulation au plan de
2005/2006 qu’un module annuel de 40 heures sur l’éthique et la déontologie a été intégré au
cursus de la 4ème année à l’ISIC, avec un faible coefficient de notation, alors que cette matière
n’est pas du tout enseignée ni dans les établissements privés du secteur, ni à l’occasion des rares
sessions de formation continue organisées épisodiquement par certaines entreprises.
394
dialogue national - media et societe
l’éthique et de la déontologie, qui soit en charge de tous
les types de médias, les traditionnels comme les nouvveaux;
2. Il est urgent que le champ médiatique national, dans sa
globalité, soit encadré et soutenu par un instrument nattional de « veille stratégique » qui aurait en charge, avec
les moyens qu’il faut, le développement, la modernisattion, la démocratisation et la moralisation (éthique et
déontologie) de l’entreprise média nationale, de sa gouvvernance et, partant, de ses contenus comme de ses différrentes ressources, les matérielles comme les humaines.
Ces deux urgences ne sont pas incompatibles, ni parallèles. Au
contraire elles sont organiquement liées et intrinsèquement
l’une dépendante de l’autre. C’est pourquoi, les deux missions
doivent aller de pair, de sorte que la veille déontologique ne soit
pas assimilée à une dimension exclusivement de contrôle et de
sanctions, surtout aux yeux des journalistes si sceptiques à cet
égard.
vVeille stratégique
Par conséquent, la veille stratégique doit être liée à la veille déonttologique et vice versa, dans la mesure où les deux se rejoignent
sur la question de la bonne gouvernance du média de laquelle
dépend l’efficacité de son autorégulation, de l’autorégulation du
professionnel. Partant de tous les éléments de diagnostic que
nous avons relevés, secteur par secteur, et de notre analyse de la
gouvernance des médias par le biais de la régulation par la loi et
la gouvernance interne à l’entreprise média, nous avons souvent
dégagé nombre de pistes de réformes qui nécessitent une grande
politique publique de mise à niveau, de refontes, d’accompagnemment et de soutien par les pouvoirs publics et les institutions de
l’État concernées. Cette tâche, qui revient à déployer une « strattégie de développement et de démocratisation des médias marrocains », converge vers les objectifs de la veille déontologique
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
395
comme elle constitue sa raison d’être et la quintessence de ses
objectifs ultimes et stratégiques : ceux de la viabilité de l’entrepprise média, de sa bonne gouvernance, de sa bonne régulation
et sa conséquente autorégulation, de la professionnalisation des
pratiques du journaliste et de la qualité de son journalisme.
Autrement dit, le motif de l’autorégulation est dans le dessein
national de développer le champ des médias au Maroc, en investtissant des efforts collectifs et publics dans l’entreprise et dans
le journaliste. Un investissement d’intérêt public en un bien pubblic (les médias) qui doit être encadré et orchestré par un outil
institutionnel dédié à cet objectif.
Certains pays, comme la France, tout récemment, ou la Belgique,
optent pour des fonds de financement conçus pour une tâche de
développement et de modernisation d’un secteur ou de tous les
secteurs des médias. Certes, l’aspect financement de plans nattionaux de développement est le cœur d’un dispositif de « veille
stratégique », mais il n’est, en définitive, que l’outil de mise en
œuvre d’une vision, d’une feuille de route qui identifie des choix
stratégiques de mise à niveau du présent et d’anticipation du
futur. Dans ce cas, une stratégie nationale de développement
des médias s’inscrit dans le structurant à court, moyen et long
terme, inspirant des politiques publiques, sur tous les registres,
depuis les initiatives législatives gouvernant le champ jusqu’aux
agissements et pratiques des acteurs, les évaluant périodiquemment à des fins d’amélioration, de rectification et de réajustemment. Cette stratégie nationale doit faire de même vis-à-vis des
politiques et pratiques de gouvernance au sein de l’entreprise,
vis-à-vis des professionnels, de leurs pratiques professionnellles et déontologiques, de leurs productions (contenus). Sans
oublier de suivre et de promouvoir les publics des médias, tant
dans leurs attentes et besoins en tant que consommateurs de
contenus des médias, que dans leur éducation sur les médias
et leur droit légitime de participer à la vie et aux contenus des
médias.
396
dialogue national - media et societe
L’essentiel donc, dans notre cas, celui du Maroc, est d’ériger
un espace qui opère comme un régulateur des choix et des pollitiques publiques et privées du développement et de la modernnisation du champ médiatique, en assurant un rôle de veille
stratégique concernant l’arrimage au futur : le futur de la démoccratie et de la démocratisation des médias dans le pays, le futur
des technologies et nouveaux supports du cyberespace, le futur
de l’économie de l’information, le futur des contenus et de leur
qualité, le futur de la formation et du recyclage, le futur de la
régulation par la loi, le futur de l’autorégulation…
En l’état actuel de notre champ médiatique national et tenant
compte de l’insoutenable rythme d’évolution, pour tous les
pays, des moyens, formes, contenus et technologies du monde
des médias, une telle stratégie nationale de veille et de développpement prend la caractéristique d’un programme de « salut pubblic ». On doit nécessairement la concevoir ainsi, d’autant plus
que la donne médiatique est devenue désormais, comme jamais
auparavant, une donne politique par excellence, déterminant
même l’avenir politique d’un pays, son « contrat social » ses
chances de vivre ou non sous le règne de la paix, de la cohésion,
de la démocratie et de l’État de droit.
L’intrusion en force des médias et autres réseaux cybernétiques
et blogs dans la sphère publique, là où se construit le « contrat
social », exige désormais que le monde des médias devienne un
secteur des plus prioritaires dans quelconque projet de société.
Surtout dans les sociétés à faible masse critique en matière de
gouvernance démocratique (confirmation faite par ce que les
médias internationaux ont appelé : « le printemps arabe » ou
« les indignés espagnols et grecs».
Qui dit un « programme de salut public » dit une obligation
d’engagement fort de la part de l’État. Il est donc bien évident
qu’une telle stratégie de veille et de développement du champ
médiatique doit être portée fondamentalement par l’État, dans
le cadre d’une politique publique volontariste. Si une telle polittique, avec ses objectifs de mise à niveau, doit inspirer, comme
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
397
on l’a dit, toutes les formes de la régulation du champ de l’exppression médiatique et citoyenne, comme la régulation par la
loi ou par des institutions de régulations publiques ou semi-pubbliques, il reste que l’État dispose d’un instrument de développpement et de régulation séculaire : le financement. C’est-à-dire
l’ « aide publique ».
La régulation par l’aide de l’État
Dans la logique d’une politique publique au service d’une strattégie de veille et de développement, il y a nécessairement besoin
de compter sur des leviers de soutien et d’accompagnement de
la part de l’État au profit des médias et de leurs professionnels.
Les chantiers de mise à niveau et de modernisation des équippements, des technologies, des formations, des contenus et de
la gouvernance nécessitent des investissements et des mécanismmes de soutien financier que le champ médiatique national et
l’entreprise média marocaine en particulier ne peuvent affrontter avec leurs propres ressources générées par leurs activités.
Une intervention des deniers publics pour ce champ d’intérêt
public est indispensable, d’autant plus que le champ marocain
est historiquement et structurellement bâti, pour une part impportante, sur cette aide publique. Aide directe et aide indirecte,
selon un modèle fortement inspiré du modèle français, réputé
champion en matière d’aide publique à la presse.
Ce modèle a depuis toujours, pratiquement depuis la révoluttion française, en passant par la loi de 1881 puis par les mesurres prises en faveur de la presse au lendemain de la libération
de 1945, comme philosophie : la subvention. Or, les rédacteurs
du « Livre vert» remis au Président de la république en 2009,
ont recommandé de renoncer à cette conception pour concevoir
l’aide à la presse comme un « investissement ». Nous avons déjà
eu l’occasion d’exposer la différence entre ces deux démarches
quand on a abordé notamment le secteur de la presse écrite.
Ce que nous voulons souligner ici c’est qu’une aide publique en
398
dialogue national - media et societe
tant qu’investissement est la conception qui sied à une politique
publique soucieuse de responsabiliser et l’État et les médias et
leurs professionnels. Il s’agit d’une aide basée en quelque sorte
sur un « contrat social » entre le monde des médias et le monde
politique représenté par l’État, entre le monde des médias et la
société représentée par toutes ses institutions et ses organisattions civiles.
Dans le livre vert français, fruit d’un travail d’écoute et de débbats auprès de 150 professionnels, ciblé uniquement sur la pressse écrite, on peut lire :
« Il faut repenser les aides de l’État (…) Les États généraux
de la presse écrite auraient raté leur objectif s’ils n’avaient
saisi l’occasion d’une réflexion de fond sur le système d’aides
publiques et sur sa refonte (…) Les États généraux ont mis en
lumière les effets pervers des aides, qui structurent les comportn
tements dans une logique conservatrice au lieu de pousser au
renouvellement de l’offre, et qui n’encouragent pas nécessairn
rement le dialogue social (…) Les aides doivent désormais être
conditionnées à l’obtention de résultats tangibles et chiffrables.
Il faut passer en la matière d’une logique de subvention à une
logique d’investissement »136.
A des fins d’illustrer le choix français d’une « aide investissemment », voici un tableau succinct sur la démarche et les recommmandations du « Livre vert » : 137
136 - Consulter : http://www.etatsgenerauxdelapresseecrite.fr
137 - Ces États généraux ont été organisés en 4 pôles : Pôle « Métiers du journalisme» présidé
par Bruno Frappat; Pôle «Processus industriel» présidé par Arnaud de Puyfontaine; Pôle «Le
choc d’internet, quels modèles pour la presse écrite» présidé par Bruno Patino; Pôle «Presse
et société» présidé par François Dufour et « Mise en Perspective », synthèse de Bernard Spitz,
Délégué à la coordination des États généraux de la presse écrite.
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
399
Les Etats généraux de la presse écrite
en France (2008/2009)
Les États généraux de la presse écrite ont été lancés le 2 octobre 2008 par
le Président de la République. Il s’agissait d’apporter des réponses aux
difficultés économiques que rencontre la presse écrite, notamment face
au développement de l’Internet et des journaux gratuits.
Quatre pôles de réflexion ont été mis sur pied, chaque pôle constituant un
groupe de travail :
Ø La situation des journalistes et l’évolution de leur métier ;
Ø Les aspects économiques et industriels de la presse (impression, disttribution). Réflexion sur l’évolution du Syndicat du livre ;
Ø Réflexion sur le numérique ;
Ø Réflexion sur les questions de presse et de société.
Les quatre pôles ont réuni plus de 140 participants, composés de représsentants de la presse, de députés, d’universitaires et de membres d’assocciations. En plus des nombreuses auditions organisées au sein des groupes
de travail, plusieurs auditions publiques ou débats publics ont eu lieu.
Le 8 janvier 2009, les chefs de pôles ont remis un Livre vert de plus
de 90 recommandations à la ministre de la Culture et de la Communiccation. Le Président de la République a présenté, le 23 janvier 2009, les
mesures de soutien qu’il a retenues parmi les 90 préconisées. L’aide que
l’État consentira représente un total de 200 millions d’euros par an penddant trois ans - hors coût des mesures sur l’imprimerie. Cette aide doit
s’accompagner de réformes profondes du secteur, que les acteurs doivent
eux-mêmes mener à bien.
Les principales mesures sont :
- Le report d’un an de l’augmentation des tarifs postaux ;
- L’augmentation de la part de dépenses de communication de l’Etat
consacrée à la presse écrite.
- Le soutien aux diffuseurs de presse : augmentation de l’aide à la modernnisation des lieux de vente (l’aide à la modernisation des diffuseurs) et
aide exceptionnelle de 4 000 euros (l’aide exceptionnelle au bénéfice des
diffuseurs de presse spécialistes et indépendants) ;
- L’augmentation de l’aide au portage à domicile (l’aide au portage de la
presse) ;
400
dialogue national - media et societe
- Un abonnement gratuit pour les jeunes à un quotidien de leur choix, un
jour par semaine pendant un an (www.monjournaloffert.fr) ;
- La création d’un statut d’éditeur de presse en ligne (le régime des servicces de presse en ligne) et l’augmentation de l’aide de l’Etat au développemment de la presse en ligne (fonds d’aide au développement des services de
presse en ligne) ;
- L’adaptation du régime des droits d’auteur des journalistes à l’ère numérrique : remplacement d’un droit lié à la publication dans un support par
un droit lié à un temps d’exploitation ;
- La conclusion d’un engagement de développement de l’emploi et des
compétences;
- L’élaboration d’un projet de code de déontologie, par un groupe de proffessionnels (projet de code de déontologie) ;
- L’expérimentation de formes alternatives de distribution, par exemple
la distribution des quotidiens nationaux par le réseau de la presse régionnale ou la distribution par les éditeurs eux-mêmes de leurs titres dans des
enseignes spécialisées et la réforme du Conseil supérieur des messageries
de presse ;
- La levée des obstacles au développement du réseau de vente au numérro.
L’approche est donc une approche similaire à l’approche de cahhier des charges dont on retrouve l’esprit ayant présidé à l’élabboration du « contrat programme » au Maroc. Sauf que dans ce
cas, l’aide et sa reconduction, comme sa suppression, sont autommatiquement liées à « des résultats tangibles et chiffrables »,
certaines sont limitées dans le temps, d’autres reposant davanttage sur l’apport des médias eux-mêmes que sur celui de l’État…
Bref, l’aide de l’État est accordée et distillée en fonction d’une
feuille de route nationale conçue à partir d’un dialogue national
entre pouvoirs publics et acteurs du champ médiatique. C’est
l’approche la plus adaptée tant à l’objectif de la démocratisation
du champ médiatique et à la gouvernance de l’État vis-à-vis de
ce monde (responsabilisation mutuelle et partagée), qu’à l’objjectif de garantir la modernisation continuelle du champ et sa
mise à niveau par rapport aux évolutions et progrès de toutes
sortes qui le transforment à chaque invention technologique, à
chaque nouveauté dans les comportements de consommation
des médias par les publics. C’est dans ce sens que l’aide publiq-
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
401
que aux médias joue un rôle progressiste et citoyen de régulattion, responsabilisant les médias par rapport à leurs enjeux et
ambitions comme par rapport à leur mission et à leurs devoirs
vis-à-vis de la société. Et l’État se responsabilise lui-même en
tant qu’État œuvrant pour l’intérêt général, développant ainsi
les capacités et les ambitions de ce « bien public » que sont les
médias.
Dans l’exemple français, de tout temps champion dans l’aide à
la presse (si on met de côté l’exemple suédois, similaire et diffférent à la fois), la refonte de l’aide de l’État a débouché sur la
recommandation par le « livre vert » de réunir toutes les aides,
celles déjà existantes et celles proposées par ces États généraux,
en un seul « Fonds de modernisation de la presse écrite » conçu
en quatre « paniers » correspondant aux quatre types de bessoins identifiés en 2009 par ces travaux :
üDes aides ciblées pour le maintien du pluralisme, pour
soutenir des publications menacées à terme d’incapacittés économiques à paraitre ou à se développer de manièrre viable économiquement;
üDes aides à la distribution visant de nouveaux équilibres
entre presse nationale et presse régionale, une aide en
faveur du mécanisme de portage, notamment par un morratoire accordé par les services de la poste;
üDes mesures de restructuration, s’étalant sur le moyen
terme, mais à vocation non pérenne, et visant les déficcits industriels et sociaux de l’entreprise. « Ce panier de
``modernisation industrielle`` sera consacré à ces invvestissements structurants, avec une réelle exigence de
l’État quant à la rationalité des projets, au respect des
conditions, et avec des taux de subvention moindres que
pour les aides allouées à l’innovation, au numérique, au
développement qui sont prioritaires »;138
138 - Synthèse de mise en perspective du « Livre vert » (« Pour gagner la bataille de l’écrit »),
par Bernard Spitz, Délégué à la coordination des États généraux de la presse écrite (page 62 &
63).
402
dialogue national - media et societe
üDes mesures d’incitation à l’innovation, à la création et
au développement : « le panier ``innovation`` concernn
nerait l’aide éditoriale et technologique, les projets ciblés
sur de nouveaux publics (jeunesse…), l’aide au développn
pement des services en ligne et du e-Paper… Ce panier
pour des aides qui devront être précisément évaluées
quant à leur pertinence, sera substantiellement abondé
eu égard au caractère essentiel de ces chantiers. Les
Etats généraux ont suggéré qu’il puisse, le cas échéant,
être financé par une augmentation de la taxe sur la pubn
blicité hors médias »139.
Autant les deux premiers paniers consacrent la volonté polittique de l’État français d’aider au pluralisme des médias, à la
démocratisation, à la diversité et à la proximité de l’offre de la
presse sur tout le territoire national, ce qui relève d’un choix de
gouvernance et de régulation, autant les deux derniers sont au
cœur d’une stratégie publique d’ordre structurel et réformateur,
inscrite dans le long terme et visant la plus solide adaptation
possible au futur. Une prise en charge donc du futur des méddias qui apporte le soutien qu’il faut et la vision prospectiviste
qu’exigent les moult défis lancés par les mutations technologiqques, économiques et sociologiques au monde des médias de
nos jours. Les médias français étant, en plus, comme le souligna
à l’occasion leur chef d’État confrontés à une rude menace de la
part des grands groupes européens.
C’est vers cette démarche de gouvernance et de régulation par
l’outil de l’aide publique que nombre de pays, « info riches » se
tournent de plus en plus, car nul doute n’est permis désormais
quand à l’indispensable et la décisive aide de l’État démocratiqque aux médias, levier plus dynamique que jamais pour la démmocratie et qui confronte nombre de périls et de défis : concenttration et convergence, stratégies conquérantes de grands grouppes multinationaux, recul et instabilité de la manne publicitaire,
menaces de la presse électronique sur la presse papier, précarité
139 - Idem.op.cit. Page 63.
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
403
des conditions des professionnels et chômage en hausse, régresssion du professionnalisme et de la déontologie, éclatement des
publics, intrusion du « Net citoyen » ou « journalisme » des cittoyens, réseaux sociaux etc.
« Dans un système idéal, la presse ne devrait pas avoir besoin
d’aides publiques. Elle devrait vivre de ses ventes, de ses recettn
tes publicitaires, de sa rentabilité, meilleure garantie de son
indépendance vis-à-vis de tous les pouvoirs, l’État, comme les
annonceurs et les actionnaires. C’est l’objectif qui anime toutes
les propositions des États généraux. Pour autant, le principe
de réalité l’emporte : la suppression des aides ne peut intervenn
nir du jour au lendemain. Leur gouvernance doit en revanche
être professionnalisée : les aides doivent devenir plus efficaces,
plus transparentes, mieux évaluées, elles doivent encourager
les mutations et les adaptations, non pas les retarder ».140
De l’autre côté de l’Atlantique, au Canada, en décembre 2010,
une spécialiste remettait au gouvernement du Québec le fruit
d’un travail d’une année, sur la question stratégique qui lui a
été posée par le gouvernement de cette 2ème province de la
Fédération canadienne (près de 8 millions d’habitants, leader à
l’échelle nord-américaine dans nombre de secteurs de technologgies des médias) : « comment cerner les difficultés de l’informatn
tion au Québec dans le contexte des nouvelles technologies et
devant la crise générale des médias qui secoue l’ensemble des
pays industrialisés? »141.
Estimant qu’ «un effort collectif s’impose si on veut s’assurer
que la population continue de bénéficier d’une information de
qualité, fondement de la démocratie et de la participation cittoyenne, et qu’elle soit équitablement répartie », l’auteure de ce
rapport, Dominique Payette dégage 51 recommandations dont
notamment :
140 - Idem. Op.cit. page 63.
141 - « L’information au Québec : un intérêt public » (Groupe de travail sur le journalisme et
l’avenir de l’information au Québec), par Dominique Payette : www.etatdelinfo.qc.ca
404
dialogue national - media et societe
Exemple d’un système d’aide-investissement intégré de l’État
(Québec)
ØQu’une structure de gestion du titre de journaliste proffessionnel soit instituée et qu’elle ait le mandat de définir
les critères devant être rencontrés pour le droit d’obtenttion du titre de journaliste professionnel;
ØNous recommandons que 25 % du budget dont disposera
le Fonds pour le journalisme québécois soit versé à l’orgganisation qui se chargera de la gestion du titre de journnaliste professionnel;
ØQue le Conseil de presse ait la responsabilité supplémenttaire de proposer une définition de l’entreprise de presse,
d’admettre en ses rangs toutes les entreprises qui se quallifient selon cette définition et d’assurer le suivi des avanttages permis aux entreprises de presse membres;
ØQue le gouvernement du Québec verse annuellement un
minimum de 250 000 $ au budget du Conseil de presse
du Québec ; à cette somme il devra s’engager à ajouter un
montant équivalent aux contributions réunies des entrepprises de presse;
ØQu’un financement additionnel et temporaire soit accorddé au Conseil de presse pour les trois prochaines années.
Ce financement servira à la mise en place des nouvelles
mesures et permettra d’évaluer l’effet structurant sur
l’organisation;
ØQue les entreprises de presse membres du Conseil de
presse soient les seules admissibles à toutes formes de
subventions accordées par l’État dans le cadre de tout
programme de soutien aux médias ou à la presse;
ØQue la publicité gouvernementale et les annonces judicciaires soient réservées aux seules entreprises membres
du Conseil de presse du Québec, sous réserve du respect
du quota de 4 % garanti aux médias communautaires;
ØLa mise en œuvre d’un crédit d’impôt remboursable à
l’embauche de journalistes professionnels dans les enttreprises de presse en région;
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
405
ØLa mise en œuvre d’un crédit d’impôt remboursable à
l’embauche de journalistes professionnels dans les méddias indépendants en incluant les coopératives de pressse, les producteurs indépendants d’information et les
éditeurs de presse en ligne indépendants qui emploient
des journalistes professionnels et qui correspondent à la
définition d’entreprise de presse établie par le Conseil de
presse;
ØLa création d’un Fonds pour le journalisme québécois
qui permettra la réalisation de projets d’enquête journallistique et de projets d’information. Ce fonds indépenddant servira également à financer les activités de gestion
du titre de journaliste professionnel;
ØQu’il soit possible pour les médias d’une même région de
se regrouper en coopérative pour obtenir des services jurridiques et que ces dépenses soient déductibles d’impôt
pour les entreprises de presse ou compris dans les frais
de fonctionnement admissibles pour les médias communnautaires;
ØQue le Conseil de presse du Québec ait le mandat de
créer et promouvoir une ligne téléphonique gratuite : 1800-Déontologie pour les journalistes et les entreprises
de presse;
ØQu’Internet haute vitesse soit reconnu comme un service
essentiel au même titre que l’électricité et le téléphone et
que des mesures soient prises en conséquence;
ØUn soutien accru aux organismes qui offrent des services
d’alphabétisation numérique et d’accompagnement dans
les nouvelles technologies;
ØQue le statut d’éditeur de presse en ligne soit reconnu
aux entreprises de presse correspondant aux critères étabblis par le Conseil de presse;
ØQue le journaliste professionnel réussisse un certain
406
dialogue national - media et societe
nombre de crédits de formation annuels pour maintenir
son titre et sa carte;
ØQue les écoles de journalisme ajoutent un cours de déonttologie appliquée obligatoire dans leurs cursus. La réusssite de ce cours permettrait aux finissants d’obtenir leur
carte de presse automatiquement avec leur diplôme. Pour
les titulaires d’autres diplômes ou pour les individus déssirant obtenir la carte de presse sans passer par une école
de journalisme, nous recommandons à l’association proffessionnelle d’établir un examen basé sur la déontologie
et la pratique et de reconnaître certains examens professsionnels dans certaines entreprises de presse;
ØQue le ministère de l’Éducation prévoie un programme
de bourses pour les étudiants qui choisissent de faire leur
stage de journalisme en région éloignée et de s’y établir;
ØQue le Conseil de presse offre une formation aux écoles
du Québec sur la responsabilité des médias et la déontollogie;
ØQue les associations professionnelles et les médias financcent conjointement un programme qui permettra aux
journalistes de visiter les classes et parler de leur professsion;
ØQue des abonnements gratuits aux journaux soient offferts aux écoles du Québec par un partenariat entre les
éditeurs qui le désirent et le ministère de l’Éducation;
ØL’initiative du gouvernement français d’offrir, en collabboration avec les journaux, un abonnement d’un jour par
semaine pour une année à un quotidien aux jeunes de 18
à 25 ans nous semble efficace pour stimuler le lectorat et
nous croyons que Québec devrait s’en inspirer pour créer
son propre programme;
ØCréation d’un laboratoire de recherche sur l’informat-
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
407
tion et les pratiques journalistiques disposant de fonds
publics de fonctionnement récurrents, soit à l’intérieur
d’une structure déjà existante, soit à l’extérieur de mannière autonome.
Si nous avons choisi d’illustrer par autant de recommandations
de ce récent exemple, unique en Amérique du Nord où, comme
de tradition anglo-saxonne, l’aide publique aux médias est sinon
inexistante, à peine symbolique et bien souvent indirecte, c’est
pour donner à voir comment l’aide de l’État, une fois conçue
comme un système intégré, guidé par des objectifs partagés colllectivement par la société (État, médias et publics), devienne
une régulation et un instrument de gouvernance au profit de
tout acteur et cible concernés directement ou indirectement par
la donne médiatique : journalistes, bloggeurs, employeurs et
éditeurs, syndicalistes, distributeurs et diffuseurs, enseignants
et formateurs, écoles et universités, collectivités territoriales et
associations civiles et communautaires, publicitaires et annoncceurs, décideurs politiques et chercheurs etc.
L’enseignement à tirer est dans la comparaison avec notre systtème actuel d’aide publique au Maroc qui ne peut plus rester
dans une logique de subvention, logique qui date de plus d’un
demi-siècle, bien que le contrat programme signé entre l’État et
la FMEJ ait introduit quelques aides conditionnées par quelques
objectifs obligatoires de gouvernance de l’entreprise média. nottre système d’aide se présente essentiellement comme suit :
408
dialogue national - media et societe
Exonérations et subventions accordées au secteur
de la presse au Maroc (En Millions DH)
Exonération
2008
2009
431
415
TVA
- Exonération à l’intérieur et à l’importation des
journaux, des publications, des livres, de la musique
imprimée ainsi que des CD-ROM reproduisant les
publications et les livres ;
- Exonération de la vente de déchets provenant de
l’impression des journaux, publications et livres ;
- Exonération des ventes à l’intérieur et à l’importation
des papiers destinés à l’impression des journaux et
publications périodiques ainsi qu’à l’édition, lorsqu’ils
sont dirigés sur une imprimerie.
Subventions directes du budget général au titre
des années : 2008 ; 2009 et 2010
- Subvention aux associations et organismes 2008 2009 2010
professionnels nationaux opérant dans le domaine
1,5
de la communication
- Subvention à la presse nationale :
• Subvention au titre de l’achat de papier
• Subvention au titre du transport de
journaux
• Subvention au titre de la ristourne sur frais
de communications téléphoniques et télex
• Subvention au profit de l’ONCF au titre de
transport des journalistes
• Subvention au titre de l’abonnement à la
MAP
• Grand prix national de la presse
50
37
2
50
35
2
50
35
2
6,4
4
4
2,9
2,9
2,9
0,6
5
5
1,1
1,1
1,1
Quant au contrat programme, et tout en tenant compte de la
pesanteur de contexte qui l’a marquée en mars 2005 - étant le
1er de l’histoire au Maroc - il est resté, pour l’essentiel, calé sur
cette traditionnelle conception de subventions, directes et indirrectes, quoique dans certains de ses annexes (annexes 4 et 5),
il met en perspective d’ « éventuelles » aides dont « pourront »
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
409
bénéficier les entreprises et qui sont à même de constituer des
leviers à une mise à niveau structurelle et stratégique142. Pour
l’essentiel, en fait, l’aide publique précisée et consolidée dans ce
contrat programme est ainsi évoquée :
« Les aides publiques directes aux entreprises de presse écritn
te éligibles sont octroyées, dans la limite des crédits ouverts
annuellement, sous forme de subvention pour contribuer au
financement de leurs programmes de modernisation, notammn
ment les dépenses d’équipement nécessaires et les frais relatifs
à l’achat de papier, au téléphone, au fax, à la connexion Internn
net, l’hébergement des sites et aux coûts de transport des journn
naux à l’étranger…Les entreprises de presse écrite bénéficient
également de tarifs préférentiels pour le déplacement des journn
nalistes et pour le transport de la presse nationale au Maroc et
à l’étranger ».
En résumé donc, il est devenu impératif que le Maroc opte,
comme nombre de démocraties, pour une nouvelle conception
de l’aide publique, d’en élever sérieusement les sommes, de l’arrrimer à un « contrat social » entre la collectivité (représentée
par l’État) et les médias pour la diversifier, la planifier en foncttion du futur et ce qu’il nous réserve à court comme à long termme, pour mieux cibler toute aide directe ou indirecte sur les enjjeux et les défis structurants de notre champ national : viabilité
économique et modernité technologique de l’entreprise, accès
universel, peu coûteux et de proximité de l’offre médiatique sur
tout support, professionnalisation des compétences techniques
et déontologiques des professionnels, promotion de la diversité,
du pluralisme, de la qualité des produits et des droits sociaux
et moraux des journalistes, mécanismes efficients et démocrattiques de régulation…L’aide publique doit en fait épouser totallement le rôle d’un instrument de gouvernance et de régulation,
à l’aune de la responsabilisation de l’État et des médias et de
142 - Dans l’annexe 4 relatif à « l’appui direct aux entreprises de presse », on lit : « Par la
présente convention, l’entreprise de presse écrite pourra bénéficier, dans le cadre du Programme
National de Mise à Niveau de la définition et la mise en œuvre de programmes d’assistance
intégrée (technique et financière) ».
410
dialogue national - media et societe
l’ambition collective de démocratiser le champ médiatique, de
le rendre performant dans son apport à la démocratisation des
institutions et de la société.
Pour ce faire, il est clairement recommandé par les systèmes démmocratiques avancés, et par leurs expériences avérées, d’opter
pour un mécanisme qui soit en charge de cette régulation en
même temps que de l’autorégulation du point de vue de l’éthiqque et de la déontologie. De sorte que la bonne gouvernance, la
régulation et l’autorégulation soient menées dans une cohérencce bien articulée, dans l’interdépendance entre aide publique et
bonne gouvernance en interne de l’entreprise du média, avec,
bien sûr, une responsabilité partagée, dans cette conduite, entre
l’État et les professionnels…Sans écarter l’indispensable assocciation, sous une forme ou une autre, du citoyen, c’est-à-dire les
publics des médias.
Autrement dit, et comme le résumait, en substance, au cours des
débats du Dialogue national, un juriste marocain, reconnu pour
son expertise en matière de législation de presse : il faut que
le Maroc imagine une instance de veille, d’autorégulation et de
développement, dans ce champ de l’expression, et qui se charggerait en même temps, d’une part, de réguler la dimension éthiqque et les pratiques déontologiques et qui, d’autre part, aurait
des prérogatives décisionnelles dans l’octroi des aides publiques
aux médias destinées à la mise à niveau continuelle, à la modernnisation et à la démocratisation des médias nationaux sur tous
les plans. De telle sorte que cette autorité, propre aux médias,
devienne l’interlocuteur de l’État pour ces objectifs stratégiques
et structurants de l’avenir de la démocratie au pays, pour la part
qui revient aux médias et aux journalistes. En tant que telle, elle
sera le porte-parole et le régulateur de toutes les formes, tradittionnelles et nouvelles, de l’expression médiatique. La force du
corps professionnel réside, de nos jours, dans l’existence d’une
telle instance, en face de l’État comme vis-à-vis de la société et
du journaliste. Ce dernier doit y voir, non pas une autorité excclusivement destinée à contrôler et à sanctionner ses pratiques
Principes et indicateurs de gouvernance et de régulation
411
professionnelles, mais un cadre lui appartenant et qui régule ses
pratiques et ses obligations, mais en même temps, lui profite
en soutenant par divers mécanismes et aides publiques le proggrès du journalisme national, de ses performances en matière
de compétences et de contenus, le progrès de toute l’écologie du
système médiatique national, de son impact conséquent auprès
de la société, auprès de l’opinion publique dont le journalisme
est, en principe, dans une démocratie, un artisan de premier
plan…Le but final de la démocratie n’est-il pas que les médias
soient en phase, fécondatrice de démocratie, avec l’opinion pubblique ?
412
dialogue national - media et societe
413
Conclusion
Conclusion
414
dialogue national - media et societe
Conclusion
415
La perspective de la mise en œuvre de cette feuille de route a
été indéniablement rendue plus claire et raisonnablement atteiggnable suite à la nouvelle donne constitutionnelle et politique
déclenchée par le discours royal du 9 mars. La régulation du
champ de la liberté d’expression et de la liberté des médias aux
niveaux constitutionnel et législatif a désormais des ancrages
bien plus favorables et plus solides que ne l’étaient ceux permis
par la période antérieure, la période encadrée par la Constituttion de 1996.
Ces nouveaux ancrages dans la loi suprême sont à même d’ouvrir
des espaces potentiellement promotionnels d’une plus profondde démocratisation du champ des médias au Maroc, à condittion qu’ils soient compris, interprétés et invoqués par tous les
concernés du champ, le législateur comme le professionnel des
médias, avec vigilance et vision libérale, dans le sens de cette
démocratisation avancée. Tout dépend de l’effort que tout un
chacun mettra dans ce sens, afin de transformer les nouveaux
énoncés de la Constitution en forces pour l’avenir démocratique
et moderne des médias et de leur libre expression.
Ces forces potentielles sont, en particulier :
1. Dans le préambule :
Outre un plus explicite engagement à « Protéger et promouvn
voir les dispositifs des droits de l’Homme et du droit internationn
nal humanitaire et contribuer à leur développement dans leur
indivisibilité et leur universalité », il est stipulé que le Maroc
s’engage à :
« Accorder aux conventions internationales dûment ratifiées
par lui, dans le cadre des dispositions de la Constitution et des
lois du Royaume, dans le respect de son identité nationale immn
muable, et dès la publication de ces conventions, la primauté
sur le droit interne du pays, et harmoniser en conséquence les
dispositions pertinentes de sa législation nationale ».
Ces affirmations et engagements doivent renforcer le lien que
cette feuille de route recommande d’établir entre les choix de
416
dialogue national - media et societe
réforme du champ médiatique et le référentiel universel des
droits de l’Homme, avec primauté du droit international et de
ses normes en le domaine.
2. Sur la liberté d’expression
article 25 :
Sont garanties les libertés de pensée, d’opinion et d’expression
sous toutes ses formes.
Sont garanties les libertés de création, de publication et d’expossition en matière littéraire et artistique et de recherche scientiffique et technique.
Article 28
La liberté de la presse est garantie et ne peut être limitée par
aucune forme de censure préalable.
Tous ont le droit d’exprimer et de diffuser librement et dans les
seules limites expressément prévues par la loi, les informations,
les idées et les opinions.
Les pouvoirs publics favorisent l’organisation du secteur de la
presse de manière indépendante et sur des bases démocratiqques, ainsi que la détermination des règles juridiques et déonttologiques le concernant.
La loi fixe les règles d’organisation et de contrôle des moyens
publics de communication. Elle garantit l’accès à ces moyens en
respectant le pluralisme linguistique, culturel et politique de la
société marocaine.
Ce que nous relevons en souligné dans ces deux articles conforttent ce que recommande le Dialogue national : préciser « toutes
les formes » de l’expression ; « aucune forme de censure préallable », le droit d’exprimer « et de diffuser » librement ; « fav-
Conclusion
417
voriser l’organisation du secteur de la presse de manière indéppendante et sur des bases démocratiques » ; « déterminer des
règles juridiques et déontologiques » ; « organiser et contrôler
par la loi les moyens publics de communication » et en « garanttir l’accès dans le respect du pluralisme ».
3. Le droit d’accès à l’information
Article 27
Les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’informn
mation détenue par l’administration publique, les institutions
élues et les organismes investis d’une mission de service pubn
blic.
Le droit à l’information ne peut être limité que par la loi, dans
le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne la défense
nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, ainsi que
la vie privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux droits et
libertés énoncés dans la présente Constitution et de protéger
des sources et des domaines expressément déterminés par la
loi.
Cette disposition est manifestement le plus grand acquis à soulligner tant pour le citoyen que pour les médias, d’autant plus
que son énoncé est assez explicite pour inspirer une loi - que le
Dialogue national souhaite organique – qui soit aux normes les
plus avancées internationalement, tout particulièrement dans
la définition du « domaine informationnel public ».
4.De la bonne gouvernance
Sur l’axe majeur sur lequel ce rapport insiste longuement, à savvoir la bonne gouvernance des médias et leur régulation indéppendante, le texte de la nouvelle Constitution stipule ce qui peut
et doit inspirer/guider la gouvernance des médias de service
public :
418
dialogue national - media et societe
Article 154
Les services publics sont organisés sur la base de l’égal accès
des citoyennes et citoyens, de la couverture équitable du territn
toire national et de la continuité des prestations.
Ils sont soumis aux normes de qualité, de transparence, de reddn
dition des comptes et de responsabilité, et sont régis par les
principes et valeurs démocratiques consacrés par la Constitutn
tion.
Enfin, dans l’article 159, libellé sous le même titre de « Princcipes généraux de la bonne gouvernance », on dispose désormmais de la possibilité de création d’une autorité indépendante
de régulation de la gouvernance du champ médiatique, par une
loi organique, ce que souhaite le Dialogue national puisque la
constitutionnalisation d’une telle instance n’a pas été retenue
comme le demandaient le « Dialogue national », les organisattions professionnelles et certains partis politiques…Cet article
reste néanmoins un sérieux ancrage pour envisager la création
de cet instrument si décisif pour une gouvernance des médias
en général et de la presse écrite et électronique en particulier :
Article 159
Les instances en charge de la bonne gouvernance sont indépn
pendantes. Elles bénéficient de l’appui des organes de l’Etat. La
loi pourra, si nécessaire, créer d’autres instances de régulation
et de bonne gouvernance.
En somme, il nous faut, tous, aborder la perspective de la réformme globale de notre champ médiatique national et l’exercice de
la liberté d’expression avec donc ces lignes de force, au niveau
constitutionnel, mais aussi aux niveaux institutionnel et politiqque… Car il ne faut pas négliger les clairs énoncés de la nouvelle
Constitution tant en ce qui concerne l’indépendance de la justtice, qu’en ce qui concerne les nouvelles et larges prérogatives
des pouvoirs exécutif et législatif.
Conclusion
419
Mais la portée effective de ces ancrages normatifs et politiques
dépendra, à n’en pas douter, d’une culture de partage entre tous
les acteurs concernés, l’État comme les professionnels des méddias : partage des valeurs démocratiques, partage des responsabbilités, des droits et des devoirs, partage de la prise en charge de
la gouvernance et de la qualité, partage de l’ambition collective
de doter le pays d’un journalisme d’excellence, bien outillé matérriellement, technologiquement, professionnellement et déontollogiquement pour contribuer à l’avancée de la démocratisation
de l’État, des institutions, des médias et de la société. Démocrattisation de la société qui est, pour les médias, le défi qui exige le
plus d’efforts au quotidien, car elle ne peut être décrétée ni par
un texte constitutionnel, ni par une mesure législative, encore
moins par une décision politique. C’est, d’ailleurs, pourquoi ce
Dialogue national a choisi de confronter les médias à leur socciété, la société marocaine, mais avec une vision ouverte sur le
monde, ses meilleures normes et ses meilleures pratiques, car,
dans ce domaine, la seule stratégie possible est celle qui place le
Maroc dans le monde de ce début du 21ème siècle, monde déssormais planétaire, sans frontière aucune, ni pour l’expression,
ni pour les médias ou leurs technologies et contenus.
420
dialogue national - media et societe
421
annexe
Annexe
422
dialogue national - media et societe
Consultez sur le web site
(www.mediasociete.ma ; www.mediasociete.net) :
• Versions arabe, française, anglaise et espagnole
• Mémoires des partis politiques
• Verbatim des auditions au Parlement
• Rapports de synthèse des tables-rondes et ateliers thématiques
• Press-book et communiqués
• Photothèque des auditions
• Documents de référence
• Forum «Media et Société »
• Etudes et expertises
423
annexe
Membres de l’instance
Des deux chambres du Parlement
Groupe Istiqlalien pour l’Unité et l’égalitarisme Groupe socialiste
Groupe « Authenticité et modernité »
Groupe du Rassemblement constitutionnel unifié (RNI et UC)
Groupe Justice et développement Groupe de la Mouvance populaire « Haraki » (MP)
Groupe de l’Alliance des forces démocratiques et progressistes.
Du Gouvernement
Ministère de la communication
Du monde des médias
Syndicat national de la presse marocaine (SNPM)
Fédération marocaine des éditeurs de journaux
Coordination générale du Dialogue national
« Médias et société »
Jamal Eddine NAJI, coordinateur général du Dialogue national
Secrétariat de la coordination générale
Mohammed DOUKHA, coordinateur administratif et
technique du Dialogue national
Khalid EL MESFIOUI, adjoint au coordinateur administratif et
technique
424
dialogue national - media et societe
Les partis politiques représentés par leurs
parlementaires au sein de l’instance en charge
du dialogue national
1. Parti de l’Istiqlal
2. Parti de l’Union socialiste des forces populaires
3. Parti de l’Authenticité et de la modernité
4. Parti du progrès et du socialisme
5. Parti du Mouvement populaire
6. Rassemblement national des indépendants
7. L’Union constitutionnelle
8. Parti de la Justice et du développement
9. Front des forces démocratiques
10. Parti travailliste
11. Parti Alâhd démocratique
Auditions et débats du Dialogue national
« Media et société »
(21 auditions, 15 séminaires, débats et rencontres thématiques
et trois conférences de presse)
Auditions à huis clos au Parlement avec :
1. Fédération marocaines des éditeurs de journaux
2. Syndicat national de la presse marocaine
3. Ministère de la communication
4. L’Association marocaine des droits de l’Homme
5. L’organisation marocaine des droits de l’Homme
6. La société Sapress
7. Centre d’études sur les droits de l’Homme et la démocratie
8. Forum social marocain
annexe
425
9. La ligue marocaine de défense des droits de l’Homme
10. Transparency Maroc
11. Forum marocain vérité et justice
12. Forum « Al Karama » pour les droits de l’Homme
13. Conseil de la concurrence
14. L’Agence Maghreb arabe presse
15. Conseil consultatif des droits de l’Homme
16. L’instance Centrale de lutte et de la prévention de la
corruption
17. L’Institut royal de la culture Amazigh
18. Conseil consultatif des Marocains résidant à l’étranger
19. Acteurs et associations de la presse électronique et des
nouveaux médias
20. La société nationale de radio télévision et Soread 2M
21. La Haute autorité de la communication audio-visuelle
Débats, journées d’études et tables rondes
1. Journées d’études sur la presse régionale au Maroc
(Tanger)
2. Journée d’étude sur les radios privées
3. Journée d’étude sur « Femme et médias »
4. Séminaire sur « Les indicateurs d’évaluation de la qualité
des médias écrits et audiovisuels » (Casablanca)
5. Journée d’étude sur « Culture et Médias : patrimoine,
identité, éthique, esthétique, arts et création »
6. Journée d’étude sur « la gouvernance d’Internet »
7. Journée d’étude sur « École et Médias : l’éducation sur
les médias, les pédagogies, les partenariats, usages et
innovations » (avec participation du Ministre et de la
426
dialogue national - media et societe
secrétaire d’État à l’éducation nationale, l’enseignement
supérieur, formation des cadres et recherche scientifique)
8. Journée d’étude sur « Législation, encadrement de la
justice et rapports entre pouvoirs publics et Médias »
(avec participation des ministres de la justice et de la
communication)
9. Journée d’étude sur « Formation et éthique
professionnelle »(avec participation des responsables
des institutions de formation publiques et privées et
enseignants spécialisés
10. Journée d’étude sur « Le pôle des médias publics », avec
participation des professionnels (journalistes, techniciens
de la MAP, de la SNRT et de Soread 2M)
11. Journée d’étude sur « le photojournalisme » avec
participation des professionnels de médias nationaux et
étrangers accrédités au Maroc
12. Journée d’étude sur « La presse généraliste et politique :
l’entreprise, les contenus et les publics » (Casablanca)
13. Journée d’étude sur « Publicité et communication » avec
participation des professionnels et des annonceurs
14. Journée d’étude sur « L’information régionale :
l’information, les sources locales et la déontologie »
(Marrakech)
15. Colloque national des journalistes marocains exerçant
dans des médias hors du Maroc (en partenariat avec le
CCME, El Jadida).
Études réalisées par le Dialogue national
1. Étude quantitative sur « Les CAP des jeunes et les
médias », enquête nationale ( par Pr Mokhtar El Harras)
2. Étude qualitative sur « Les usages des médias et des Tic
427
annexe
par les jeunes », enquête nationale (par Pr Mkhtar El
Harras)
3. Étude sur « L’économie de l’information au Maroc et dans
le monde » (par Pr. Abdelmajid Fadil)
4. Étude sur « Le modèle de l’entreprise de presse écrite au
Maroc » (par Aziz Boucetta)
5. Étude sur « La gestion et le management de l’entreprise de
presse marocaine » (par Nadia Akkouri)
6. Étude sur « Les TIC et l’Internet au Maroc » (par Rachid
Jankari)
7. Étude sur « Formation et formation continue des
journalistes » (par Pr Ridha Najar)
8. Enquête sur « Le vécu et les conditions des journalistes »
(par Mme Maria Moukrim)
Mémoires, points de vue et documents reçus
par la coordination générale du Dialogue national
Du Gouvernement (points de vue et documents)
1. Ministère de la communication
2. Ministère de la culture
3. Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement
supérieur, de la formation des cadres et de la recherche
scientifique
4. Ministère de la justice
5. Ministère de la formation professionnelle et de l’emploi
6. Ministère du commerce, de l’industrie et des nouvelles
technologies
428
dialogue national - media et societe
7. Ministère de l’économie et des finances
Des partis politiques (Mémoire au nom du parti)
1. Parti de l’Istiqlal
2. Parti de l’Union socialiste des forces populaires
3. Parti de l’Authenticité et de la modernité
4. Parti du progrès et du socialisme
5. Parti du Mouvement populaire
6. Rassemblement national des indépendants
7. L’union constitutionnelle
8. Parti de Justice et du développement
9. Parti démocrate national
10. Parti du mouvement démocratique et social
D’instances ou institutions publiques et d’organisations
civiles (Mémoires et points de vue, documents)
1. Syndicat national de la presse marocaine
2. L’Association marocaine des droits de l’Homme
3. L’organisation marocaine des droits de l’Homme
4. La société Sapress
5. Centre d’études sur les droits de l’Homme et la démocratie
6. Association des femmes démocratiques
7. Forum « Az Zahra » pour la femme marocaine
8. La ligue marocaine de défense des droits de l’Homme
9. Transparency Maroc
10. « Diwan Al Madhalim »
11. Conseil de la concurrence
12. L’agence Maghreb arabe presse
13. Conseil consultatif de la prévention de la corruption
annexe
429
14. L’Institut royal de la culture Amazigh
15. Conseil consultatif des Marocains résidant à l’étranger
16. Radios privées
17. Opérateurs de la presse électronique
18. Opérateurs/agences dans le domaine de la publicité
19. La Haute autorité de la communication audio-visuelle
20. Magistrats et avocats
En plus de points de vue et de propositions envoyés à la
coordination générale par nombre d’associations nationales,
régionales et sectorielles.