Le transport routier français tend vers zéro

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Le transport routier français tend vers zéro
Figure C
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Stratégies & marchés 15
Coûts kilométriques du transport routier. “Indagine relativa al monitoraggio
del posizionamento delle aziende di autotrasporto (parte A “costi e f
iscalità”) albo, juin 2011.
Figure D
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Transport international
Le transport routier français
tend vers zéro
Les échanges de services de transport de la France ne cessent
de se détériorer. En 2011, le déficit des échanges dépasse 5,6
milliards d’euros. Pour les seuls transports routiers, le déficit est de
5,5 milliards d’euros. Un déficit croissant. Après un redressement
temporaire au début des années 2000, celui-ci n’a fait que se creuser.
T
Pourquoi sommes-nous
en perte de vitesse ?
Généralement, deux facteurs
jouent dans la construction
des échanges de services :
– les équilibres ou déséquilibres des échanges de biens,
– la compétitivité du
“pavillon”, terme global
recoupant à la fois le niveau
des prix et le niveau de
service.
Le déséquilibre des
échanges en tonnage
s’accentue. Sur le plan des
échanges force est de constater que la “balance en tonnage” des échanges empruntant la route avec nos
partenaires européens s’est
détériorée. Comme on le voit,
le déficit est sensible au
début des années 1990 et
pendant la dernière décennie
(figure A). Cette situation
constitue la base même favorisant intrinsèquement un
recours plus massif des
pavillons tiers.
Il reste que ce qui se passe est
bien plus profond. Pour schématiser, retenons que le
pavillon routier français est
revenu au niveau de transport
du milieu des années 1980,
alors que, dans le même
temps, le transport routier sur
le sol national a été multiplié
par 2,5 ! La courbe suivante
est révélatrice. Elle figure le
transport international en
milliards de tonnes-kilomètres
sur le sol national (figure B). On
peut observer facilement une
rupture aux alentours de 1995
– qui constitue un décrochement du pavillon français et surtout un écroulement à partir de
2000. La perte de trafic en une
décennie est de l’ordre de
Base Sitram d’après les données de la DGDDI.
Transport Info Hebdo ● 14 septembre 2012 - N°383
50 %. Autant dire quelque
chose de majeur. Reste à comprendre l’origine de ce cataclysme. L’étude des coûts – et
tant qu’à faire autant se référer
à des sources étrangères – fait
ressortir un niveau élevé de
coûts pour le pavillon national,
mais inférieur au coût allemand, et surtout italien et autrichien, loin devant, il est vrai, la
Pologne, la Hongrie et bien
entendu la Roumanie.
Perte subie ou perte consentie ? Alors pourquoi ce cataclysme ? Le coût du travail ?
Pas vraiment ou pas uniquement ! Selon l’étude italienne,
les pays les plus chers ont, finalement, des coûts comparables.
Figure B
SOes
Figure A
Une perte de 50 %
en 10 ans
SOes
echniquement, un déficit des échanges de
services de transport
routier pourrait masquer un
simple mouvement de soustraitance des organisateurs
de transports au profit de
“pavillons” meilleur marché.
Rien n’est moins sûr, le
solde de ce secteur n’est
guère encourageant : les activités “auxiliaires” dégagent
un déficit à peu près stable
ces dernières années autour
de 2 milliards d’euros.
Taux de cotisation sociale. “Indagine relativa al monitoraggio del
posizionamento delle aziende di autotrasporto (parte A “costi e fiscalità”)
albo, juin 2011.
Milliards de tonnes-kilomètres.
En revanche, la nature de ces
coûts peut jouer un rôle, la
France ayant de loin les taux de
cotisation pour la Sécurité sociale les plus élevés. Mais, selon
l’étude italienne, les firmes françaises sont, dans toutes les
classes de taille (nombre de
véhicules), celles qui ont les chiffres d’affaires par camion les
plus élevés. Inversement et logiquement, ce sont les firmes françaises qui ont les coûts d’exercice les plus élevés mais aussi
les bénéfices les plus importants. Le résultat d’un
chauvinisme moins marqué
qu’ailleurs ? Là où d’autres
feraient de la péréquation entre
bons et mauvais marchés, nos
entreprises y rechigneraient ? La
perte serait plus consentie que
subie… L’argument ne convainc
guère. Reste que les pavillons
chers se développent moins
comme en attestent les statistiques européennes. Allemands,
Italiens, Autrichiens et Français
ne sont pas les champions sur
les routes et encore moins de
gros caboteurs ! Convergence
des économies ou jeu dangereux ? Convergence peut-on
répondre en regardant l’Espagne
ou le Portugal. Sauf que le
phénomène a concerné brutalement plus de pays et plus
pauvres.
Naïveté
?
(figure C et D).
PATRICE SALINI