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ECPAT INTERNATIONAL Faire respecter le droit des enfants à vivre sans exploitation sexuelle à des fins commerciales : Interventions and Recommandations Photo Credit: Rajat Ghosh April 2008 Copyright © ECPAT International ECPAT International 328/1 Phayathai Road Ratchathewi Bangkok 10400 THAILANDE Tél: +662 215 3388, +662 611 0972 Fax: +662 215 8272 Email: [email protected] Site Web : www.ecpat.net Table des Matières 2 3 Remerciements Sigles et acronymes 4 Préface 6 Incohérence des législations en Asie : une entrave à la lutte contre l’ECSEC dans la région 16 Pornographie enfantine sur Internet : Abus flagrant d’enfants en augmentation en Ukraine 26 Tourisme sexuel et droits de l’enfant: qui peut faire quoi? 33 Partage de bonnes pratiques: Travail en partenariat avec des enfants victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales en Asie du Sud 40 Interventions différenciées et ciblées dans la lutte contre la traite des enfants à des fins sexuels 50 Les liens entre la traite des enfants à des fins sexuelles et d’autres types d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales Bemerciements ECPAT International souhaite remercier pour leurs contributions à cette publication : Nuttawut Teachatanawat, Associé pour l’Asie de l’Est et le Pacifique ; Olha Shved, Associé pour la CEI ; Amihan Abueva, Président d’ECPAT International ; Ilona Bhattacharya, Coordinateur National du Projet de Partenariat avec la Jeunesse (PPJ), SANLAAP, Inde ; Mark Capaldi, Directeur Adjoint des programmes ; Patchareboon Sakulpikatphon, Associé pour la lutte contre le trafic de personne et le tourisme sexuel impliquant des enfants ; et Vimala Crispin, Coordinatrice du projet PPJ. La présente publication a été préparée avec l’aide et la coordination technique de Mark Capaldi d’ECPAT International. Elle a été éditée par Anthony Burnett et Maria Thundu et conçue par Manida Naebklang. Sigles et Acronymes ASE – Abus sexuel d’enfant ASEAN - Association des nations de l’Asie du Sud-Est CDE - Convention relative aux droits de l’enfant CSE – Exploitation sexuelle commerciale ECSEC – Exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales FBI - Bureau fédéral d>enquête IDE – Investissement direct étranger ICE – Ministère américain de la sécurité intérieure ILO – Bureau international du travail IT – Technologies de l’information OMT – Organisation Mondiale du Tourisme ONG – Organisation non-gouvernementale ONGI – Organisation non-gouvernementale internationale NHRC - Commission nationale des droits de l’Homme PAN - Plan d’action national RRER – Réseau régional d’échange de ressources SIDA – Syndrome d’immunodéficience acquise TIC – Technologies de l’information et des communications TSE – Tourisme sexuel impliquant des enfants UFTAA - Union de fédérations d’associations d’agences de voyages VAP - Programme d’action de Vientiane VIH – Virus d’immunodéficience humaine PRÉFACE L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC) est une activité criminelle observée dans le monde entier. Le réseau ECPAT s’adapte en permanence pour relever les défis qu’engendrent les changements de l’environnement social, économique et politique, ainsi que le développement de nouvelles technologies. Les articles présentés ici examinent les différentes façons dont nous intervenons et quelles recommandations nous faisons face à ces contraintes. Les TIC ont favorisé une hausse spectaculaire de la production, de la distribution et de la consommation de la pornographie enfantine. Cependant, dans de nombreux pays, le cadre légal n’a pas pu à faire face à ce problème. L’Ukraine est un pays qui a connu une très forte augmentation de la production de la pornographie enfantine, sans toutefois se doter de lois qui définissent cette dernière. Des recommandations pour une meilleure protection de l’enfance sont ici données. A cet effet, une condition fondamentale est l’existence, dans les pays et juridictions, de lois suffisamment concertées, cohérentes et fortes. L’ESEC est une préoccupation internationale : des enfants sont trafiqués d’un pays à l’autre et forcés à se prostituer ; les touristes sexuels se déplacent à différents endroits pour exploiter les enfants ; et la croissance rapide de l’utilisation de l’Internet et d’autres technologies de l’information et des communications (TIC) permet à la pornographie enfantine d’être distribuée à l’échelle mondiale. Beaucoup de pays ne possèdent pas de législation adaptée pour à l’ECSEC. Cette revue étudie le contexte légal en Asie et décrit les mesures qu’un pays peut prendre pour respecter ses obligations envers les enfants. Les origines d’ECPAT International se trouvent dans le combat contre le tourisme sexuel impliquant des enfants, problème global et en augmentation. Par des actions d’influence auprès des gouvernements pour introduire une législation qui empêche les auteurs de crimes sexuels sur enfant d’agir impunément et en incitant l’industrie du tourisme et du voyage à prendre ses responsabilités, le réseau ECPAT a obtenu des résultats importants. Le réseau ECPAT se préoccupe également de la réadaptation et de la réinsertion des enfants rescapés. Le Projet de Participation de la Jeunesse est une initiative unique, qui par des programmes de soutien entre pairs, de sensibilisation des communautés et de défense des droits, améliore la vie des victimes et leur offre l’opportunité de jouer un rôle essentiel dans la lutte contre l’ECSEC. La traite des enfants est souvent considérée sous l’angle plus large du trafic humain. Cependant, c’est une question importante des droits de l’enfant, et à ce titre, les enfants doivent être non seulement protégés légalement, mais la protection doit être étendue à un soutien psychosociale adéquat. Le système légal doit en outre s’assurer que les personnes faisant la traite soient jugées pour leurs crimes. Cette revue informe, propose des modes d’intervention et des recommandations à tous ceux concernés par la protection des enfants et la défense de leurs droits. Incohérence des législations en Asie : une entrave à la lutte contre l’ECSEC dans la région Nuttawut Teachatanawat, ECPAT International, Associé pour le Sud-est et l’Est Asiatiques Contexte L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC) est un problème transnational qui affecte des enfants dans toute l’Asie et qui doit être traité aux plans régional et international. Un système légal proprement coordonné, fort et cohérent, dans et à travers les juridictions, est essentiel à la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle à but commercial, qui se caractérise en grande partie par sa nature internationale: des enfants sont trafiqués à des fins sexuelles par-delà les frontières ; la pornographie enfantine, distribuée sur Internet, a une portée mondiale ; et les touristes sexuels choisissent les destinations où ils peuvent exploiter les enfants. Bien que beaucoup de pays d’Asie soient connus pour avoir un grand nombre d’enfants sexuellement exploités, ils ne se sont toujours pas dotés de lois adéquates pour combattre cette violation grave des droits de l’enfant. Les normes internationales font souvent défaut dans les lois pour combattre l’ESEC, conséquence des retards de la signature et de la ____________________________ 1 Article 34, Convention relative aux Droits de l’Enfant ratification des principaux actes internationaux. En outre, les différents pays de la région définissent souvent les crimes liés à l’ESEC (tels que la prostitution enfantine, la pornographie enfantine et la traite des enfants), en se fondant sur leurs propres perceptions et compréhension de ces questions, plutôt que sur les conventions internationales. Certaines des idées fausses les plus répandues, qui portent préjudice à la protection des enfants, comme la tendance à les tenir responsables de se mettre dans des situations d’exploitation, donnent lieu à des législations impropres à assurer la sécurité des enfants. Ceci s’oppose aux normes internationales, selon lesquelles les enfants ont le droit d’être pleinement protégés contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et d’abus sexuel.1 Sans une définition standard (qui puisse constituer la base de la définition des crimes domestiques qui soit compatible avec et qui prête main-forte à une coopération internationale efficace en termes d’investigations et de poursuites judiciaires), les exploitants sexuels peuvent profiter des lacunes existantes pour échapper à l’arrestation ou aux poursuites. Ainsi, en contradiction avec l’obligation des états de respecter les droits de la personne, l’impunité de l’exploitation sexuelle des enfants persiste dans beaucoup de pays d’Asie. Le caractère internationale de l’ESEC exige des efforts régionaux et internationaux concertés pour la combattre. L’action mondiale a été lancée au Premier Congrès Mondial Contre l’Exploitation Sexuelle à des Fins Commerciales à Stockholm, en Suède, en 1996, avec l’adoption de la Déclaration et du Plan d’Action de Stockholm, qui fournit un cadre légal universel fondamental pour lutter contre l’ESEC. L’engagement a été réaffirmé au Deuxième Congrès Mondial de Yokohama, au Japon, en 2001. Cependant, ces engagements n’ont pas été adoptés uniformément en Asie, constituant un obstacle majeur pour combattre l’ESEC dans la région. Des actes juridiques internationaux, en particulier le Protocole additionnel relatif à la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (Protocole Additionnel) et le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole sur le Trafic), n’ont pas été non plus adoptés uniformément dans la région. En 2006, ECPAT International a mis en place son «Observatoire mondial de la situation de l’action contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales» (OMAE) pour 54 pays. L’OMAE analyse les actions prises et identifient les lacunes et les mesures prioritaires recommandées pour traiter l’ECSEC et protéger les enfants. Treize pays en Asie ont été étudiés : le Cambodge, l’Indonésie, les Philippines et la Thaïlande en Asie du SudEst ; le Bangladesh, le Népal, le Pakistan, l’Inde et le Sri Lanka en Asie du sud ; et le Japon, la Mongolie, la Corée du Sud et Taiwan en Asie de l’Est. Les rapports indiquent que la connaissance et la compréhension générales de la gravité du crime sexuel sont basses. En conséquence, les lois dans ces pays ne garantissent pas une protection adéquate contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales (ECSEC) et ne sont généralement pas conformes aux normes internationales. Ce document examinera premièrement les insuffisances qui existent dans la région concernant la protection de l’enfance, en particulier à la lumière de l’adoption de la Déclaration et du Plan d’Action de Stockholm qui énonce le besoin d’établir des plans d’action nationaux contre l’ECSEC. Cet article étudiera ensuite certaines des carences législatives qui existent par rapport aux principaux instruments juridiques internationaux, le Protocole Additionnel et le Protocole sur le Trafic, et les implications pour la protection des enfants contre l’ECSEC dans la région de l’Asie. Il analysera les facteurs qui mènent à de tels dysfonctionnements légaux, par exemple, les perceptions erronées au sujet de l’ECSEC qui se reflètent dans les diverses droits nationaux et qui ne protègent pas suffisamment les enfants contre cette violation majeure de leurs droits. Enfin, des recommandations seront données afin de corriger les failles mentionnées ci-dessus, pour une meilleure protection des enfants contre l’ECSEC. Adoption discordante de la Déclaration et du Plan d’Action de Stockholm et du Plan d’Action National Une faiblesse notable du système de protection contre l’ECSEC en Asie, tient au fait que la Déclaration et le Plan d’Action de Stockholm n’ont pas été adoptés par certains pays. Depuis qu’ils ont été présentés au Premier Congrès International, 161 pays ont adopté leurs directives, lesquels stipulent que les signataires doivent développer des plans d’action nationaux comprenant des indicateurs de progrès et des objectifs ainsi qu’un calendrier de mise en oeuvre. Un Plan d’Action National (PAN) est le premier signe réel de l’engagement d’un pays à supprimer l’ECSEC. Le PAN (selon les lignes directrices du Plan d’Action) permettra de guider chaque pays pour développer une structure complète dans laquelle les divers acteurs participent à l’amélioration de la coopération et de la coordination, de la protection, de la prévention, de la réadaptation et de la réinsertion des enfants victimes, tout en favorisant le concours des enfants et de la jeunesse au combat contre l’ECSEC. En Asie de l’Est et dans le Pacifique, l’adoption en 2001 de l’Engagement des Pays de l’Est Asiatique et du Pacifique et du Plan d’Action contre l’Exploitation Sexuelle des Enfants à des Fins Commerciales fut une avancée considérable dans les efforts pour mettre fin à l’ECSEC. S’appuyant sur le cadre établi par le Plan d’Action de Stockholm, l’engagement a été pris par des représentants des gouvernements, les jeunes, les organisations non-gouvernementales (NGOs) et le secteur privé, représentant 21 pays, lors de la Réunion Régionale Préparatoire pour le Deuxième Congrès International de Yokohama contre l’Exploitation Sexuelle des Enfants à des Fins Commerciales. Bien que l’Engagement Régional et le Plan d’Action fixaient à l’année 2004 la mise en oeuvre des objectifs convenus, certains pays d’Asie ne sont toujours pas parvenus à atteindre ces derniers. Par exemple, en raison de son statut politique, Taïwan ne peut pas adopter la Déclaration et le Plan d’Action de Stockholm, ni ratifier les actes internationaux tels que la Convention Relatives aux Droits de l’Enfant (CDE) et son Protocole Additionnel. Parmi les autres pays en Asie qui n’ont pas encore adopté la Déclaration de Stockholm, on trouve l’Afghanistan, Singapour et l’Est-Timor. Parmi les gouvernements qui ont adopté le Plan d’Action, certains ont encore à développer un PAN pour combattre l’ECSEC. À l’heure où cet article est rédigé, le Cambodge esquisse son PAN sur la traite et l’exploitation sexuelle des enfants. Les pays signataires sans PAN comprennent le Brunei Darussalam, la Chine, la République Démocratique de Corée, la République de Corée, le Laos, la Malaisie et le Vietnam. Bien que les gouvernements de la Thaïlande, de l’Inde, du Népal, du Pakistan et du Sri Lanka aient développé un plan d’action national pour protéger les enfants contre l’ECSEC, les dispositions ne visent pas spécifiquement tous les aspects de l’ECSEC. En Thaïlande, par exemple, les stratégies et les mécanismes pour agir contre l’ECSEC (comprenant la Politique Nationale et le Plan d’Action pour la Prévention et l’Eradication de l’Exploitation Sexuelle des Enfants à des Fins Commerciales, adoptés en 1996), ont été intégrés au Plan et Politique Nationaux de Prévention et de Résolution de la Traite Intérieure et Transfrontalière des Enfants et des Femmes (2003-2009). Le danger de cette approche est que d’autres manifestations de l’ECSEC, telles que la pornographie enfantine, reçoivent moins d’attention (bien qu’actuellement en Thaïlande, les problèmes liés au tourisme sexuel impliquant des enfants soient traités par le Plan d’Action pour la Prévention de l’Exploitation Sexuelle des Enfants dans le Tourisme). Avec la fusion de la Politique et du Plan d’Action Nationaux pour la Prévention et l’Eradication de l’Exploitation Sexuelle des Enfants à des Fins Commerciales avec le Plan et la Politique Nationaux de Prévention et de Résolution de la Traite Intérieure et Transfrontalière des Enfants et des Femmes (2003-2009), la Thaïlande doit s’assurer que ceci ne réduise pas l’importance de transformer les dispositions contre toutes les formes de l’ECSEC en actions, ni son engagement à le faire. Un PAN complet pour supprimer toutes les formes de l’ECSEC devrait donc être mis sur pied d’urgence.2 Incohérence entre la législation nationale et les normes juridiques internationales La CDE, la principale convention internationale sur les droits de l’enfant, a été presque universellement ratifiée par la communauté internationale. L’article 34 de la CDE stipule que les « gouvernements s’engagent à protéger l’enfant contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et d’abus sexuel ». D’autres instruments internationaux primordiaux pour combattre l’ECSEC sont le Protocole additionnel à la CDE relatif à la vente d’enfants, la prostitution enfantine et la pornographie mettant en scène des enfants (Protocole Additionnel) et le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies sur le crime transnational organisé visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole sur le Trafic). Beaucoup de pays en Asie n’ont pas encore ratifié ni mis en oeuvre ces instruments internationaux. L’OMAE d’ECPAT International a mis en relief que neuf sur treize pays étudiés (le Bangladesh, le Japon, le Pakistan, l’Inde, l’Indonésie, la Mongolie, le Népal, la Thaïlande et le Sri Lanka), n’ont pas ratifié le Protocole sur le Trafic et, deux pays, le Pakistan et l’Indonésie, n’ont pas ratifié le Protocole Additionnel. Le retard pris par un Etat à ratifier et à appliquer les dispositions de ces normes internationales dans le la législation nationale, est une porte ouverte aux violations des droits des enfants garantis par la loi dans la CDE et les actes juridiques connexes. Au Népal, par exemple, la loi ne définit pas spécifiquement ou n’interdit pas la ____________________________ 2 ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of Childdren in Thailand. ECPAT International. Bangkok. 2007. prostitution enfantine. De plus, elle ne punit pas les actes ayant pour but d’obtenir, de procurer, ou de fournir un enfant pour la prostitution, tel que prescrit par le Protocole Additionnel. Les dispositions qui punissent l’organisation de la prostitution est limitée à la participation des femmes dans la prostitution, ainsi son application aux jeunes filles est peu claire et elle n’offre aucune protection aux jeunes garçons.3 L’exclusion des garçons se retrouve également dans le Code Pénal indien qui n’offre presque aucune protection pour les garçons contre la prostitution, ce qui est particulièrement préoccupant compte tenu de l’étendue significative de la prostitution des garçons en Inde.4 10 Par ailleurs, la législation sur la pornographie enfantine ne satisfait pas aux normes internationales (fixées par le Protocole Additionnel et par d’autres actes) dans plusieurs pays d’Asie. En vertu de la loi japonaise, la prohibition de la pornographie enfantine est limitée seulement aux représentations visuelles et numériques et aux images en pied d’un enfant, tandis que le Protocole Additionnel comprend également les matériaux audio et la figuration partielle d’un enfant. La loi japonaise n’interdit pas non plus les images simulées, ce qui constitue un vide juridique important, étant donné que la pornographie enfantine sous forme d’»anime» ou de «manga» est largement diffusée et utilisée. En outre, elle ne punit pas la simple possession de pornographie enfantine comme l’exige le Plan d’Action de Stockholm : l’interdiction se limite à la distribution, à la vente, à la location, ou au fait d’exhiber la pornographie enfantine en public.5 Selon le Protocole sur le Trafic, le trafic (ou la traite) de personnes est défini comme « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, au moyen de la menace ou l’usage de la force ou d’autres formes de coercition, de l’enlèvement, fraude, tromperie, abus de pouvoir ou d’une situation de vulnérabilité ou de l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement de la personne ayant autorité sur une autre personne, aux fins d’exploitation ».6 La définition du Protocole sur le Trafic différencie les adultes et les enfants sur un point essentiel : la condition que le moyen illicite, telle que la contrainte ou la tromperie, employé pour qu’un acte relève du « trafic de personnes » ne s’applique pas au trafic d’enfants. D’après le Protocole sur le Trafic, si un enfant est recruté, transporté, transféré, hébergé ou accueilli aux fins d’exploitation, cela est considéré comme du trafic, même si aucun moyen illicite n’est utilisé pour obtenir le consentement de l’enfant. Ainsi, ____________________________ 3 4 5 6 ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of Children in Nepal. ECPAT International. Bangkok. 2007 ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of Children in India.. ECPAT International. Bangkok. 2007 ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of Children in Japan. ECPAT International. Bangkok. 2007 Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies sur le crime transnational organisé visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnnes, en particulier des femmes et des enfants 2000, article 3 (a). pour les enfants, le seul critère suffisant pour qualifier le crime est qu’un enfant soit recruté, transporté, transféré, hébergé ou accueilli aux fins d’exploitation. Cette définition illustre le principe fondamental que le consentement d’un enfant à l’exploitation n’est pas pertinent7, mais ceci ne se reflète malheureusement pas suffisamment dans les droits nationaux. Dans les pays considérés comme pays de transit pour la traite des enfants à des fins sexuelles, comme l’Indonésie, les dispositions sur le trafic des enfants ne criminalisent pas un certain nombre d’actes qui font partie intégrante du processus, tels que recruter, transporter, transférer, héberger et accueillir des enfants aux fins d’exploitation sexuelle.8 Comme beaucoup d’autres lois anti-trafic dans la région, le projet de loi de lutte contre le trafic en Indonésie ne fait pas mention du trafic à l’intérieur du pays. L’article 4 de ce projet de loi identifie « le trafic interne », mais seulement lorsqu’il s’agit de personnes introduites en Indonésie, et, par là, ne protège pas les indonésiens qui en sont victimes dans leur propre pays.9 Le projet de loi ne comprend pas non plus de dispositions qui abordent le problème du trafic chez les enfants. Il est donc impératif que le projet de loi élargisse sa portée pour inclure de telles dispositions, et pour couvrir le trafic interne et externe. L’absence et la limite de l’utilisation de la législation extraterritoriale pour les crimes liés à l’ECSEC Sans définition uniformisée de l’ECSEC à travers le monde, les lois nationales qui s’y rapportent sont diverses, ce qui engendre d’importantes failles légales dans la protection de l’enfance contre l’exploitation sexuelle. Les auteurs de crimes sexuels sur enfant peuvent également voyager dans d’autres pays, où les lois font défaut ou où leur application est faible. Comme certains pays ont développé des mesures de contrôle et des lois plus fortes pour combattre le tourisme sexuel impliquant des enfants, les touristes sexuels se sont rabattus sur d’autres pays aux législations plus déficientes afin de trouver plus facilement des victimes. Pour combler de telles lacunes, beaucoup de pays ont promulgué une législation extraterritoriale pour protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Ceci permet aux états de protéger leurs enfants quand ils sont en dehors de leur pays d’origine, comme de pouvoir punir leurs propres ressortissants qui commettent de tels crimes en dehors de leur pays. Cependant, un certain nombre de pays d’Asie, notamment le Bangladesh, le Cambodge, ____________________________ Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies sur le crime transnational organisé visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants 2000, article 3 (c) 8 ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of Children in Indonesia. ECPAT International. Bangkok. 2007 9 Anti-child trafficking legislation in Asia : a six-country review (Bangladesh, Nepal, Pakistan, Sri Lanka, Thailand & Indonesia). OIT. Bangkok. 2006 7 11 l’Inde, le Pakistan, les Philippines et la Corée du Sud n’ont pas de législation extraterritoriale pour les délits liés à l’ECSEC. En vertu de la loi indonésienne, la juridiction extraterritoriale s’étend seulement aux violations du Code Pénal, omettant celles de l’Acte de Protection de l’Enfant. 12 Dans certains pays qui possèdent une juridiction extraterritoriale, tels que l’Indonésie et le Bangladesh, le recours à une telle autorité est limitée. Dans certains cas, les cirtères de double criminalité (qui stipulent que le crime pour lequel l’extradition est demandée doit être considéré en tant que tel à la fois dans le pays demandeur et dans le pays qui fait l’objet de la requête), peuvent gêner les poursuites et encourager les auteurs de crimes à « faire leur marché des juridictions », en voyageant intentionnellement aux endroits où les lois et l’application des lois sont plus clémentes. Par exemple, les ressortissants indonésiens seront poursuivis pour des infractions commises à l’étranger sous le coup du Code Pénal indonésien à condition que le crime soit aussi illégal dans le pays dans lequel il a eu lieu. La médiocre coopération internationale sur l’extradition entrave également l’application du droit extraterritoriale. Par exemple, l’Acte d’extradition du Bangladesh a un ressort limité parce qu’il s’applique seulement aux pays avec lesquels le Bangladesh a un accord d’extradition. Ainsi, les délinquants qui exploitent sexuellement les enfants bangladais peuvent échapper aux poursuites en se rendant dans les pays qui n’ont pas de traités d’extradition avec le Bangladesh. Actuellement, la Thaïlande est le seul pays avec lequel le Bangladesh a passé un accord d’extradition.10 Enfin, dans certains pays, l’application de la législation extraterritoriale est sujette à la plainte préalable de la victime. Tous les éléments ci-dessus réduisent la portée de la loi, compromettant ainsi la protection des enfants contre le crime sexuel.11 Le retard pris à ratifier ou à transposer les actes internationaux et à incorporer les mécanismes de contrôle et de suivi Les lenteurs dans la ratification des principaux actes internationaux pour combattre l’ECSEC a également comme conséquence d’ajourner la transmission des rapports et le contrôle de leur mise en oeuvre. La CDE et le Protocole Additionnel imposent l’engagement des états signataires à rendre des comptes. Dans un délai de deux ans après l’entrée en vigueur de la CDE et du Protocole Additionnel, les états doivent soumettre des rapports initiaux et complets au Comité des droits de l’enfance (le «Comité»), sur leur mise en oeuvre respective. Le Comité est responsable du contrôle de l’éxécution de la CDE et du Protocole Additionnel dans le contexte national. Il reçoit et examine les ____________________________ ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of Children in Bangladesh. ECPAT International. Bangkok. 2007. 11 ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of Children in Indonesia. ECPAT International. Bangkok. 2007 10 rapports nationaux et donne ses recommandations sous forme de « remarques conclusives». Il existe un mécanisme similaire par l’intermédiaire du Rapporteur spécial sur la vente des enfants, de la prostitution enfantine et de la pornographie enfantine, qui produit des évaluations indépendantes et des rapports annuels de la situation mondiale. La Convention 182 de l’OIT fournit également un dispositif de surveillance international sous forme de : (1) supervision régulière ; (2) procédures ad hoc. S’il apparaît que les engagements en vertu de la Convention 182 de l’OIT ne sont pas respectés, le Comité d’experts sur l’application des conventions et des recommandations, peut faire une demande directe pour obtenir de plus amples informations ou ajouter une observation à son rapport, pressant la résolution des insuffisances constatées. Le délai pris à ratifier le Protocole Additionnel et la Convention 182 de l’OIT compromet la protection des enfants, car il retarde ainsi le rapport d’état, ce qui empêche alors le contrôle par les parties prenantes. Le rapport d’état est crucial étant donné que c’est grâce à ce dernier que l’on peut tenir un état responsable de l’accomplissement de ses obligations en termes de protection de l’enfance. Il permet également d’apprécier son efficience. D’autre part, les rapports soumis au Comité fournissent un premier aperçu des priorités d’un gouvernement, de l’information disponible et de l’interprétation de la convention ou du protocole. Enfin, puisque aux O.N.G. est parfois accordée l’opportunité de dresser indépendamment leurs propres rapports sur l’application des dispositions internationales, les atermoiements à ratifier la CDE et son Protocole Additionnel affecteront, de même, la capacité de celles-là à travailler de concert avec les gouvernements pour s’assurer que les droits des enfants sont suffisamment défendus. Opinions erronées au sujet de l’ECSEC, facteurs nuisibles à la protection des enfants Les lacunes légales mentionées précédemment sont parfois le résultat d’idées fausses dominantes au sujet de l’ECSEC et présentes dans beaucoup de pays d’Asie. Nous avons déjà vu qu’au Japon, par exemple, la pornographie enfantine est largement disponible sous forme de bandes dessinées et de jeux sur ordinateur ; et la possession de la pornographie enfantine n’est pas considérée comme illégale - souvent justifiée par certains comme droit à la liberté d’expression. Le débat sur la crimilnalisation de la possession de pornographie enfantine est fréquemment dénaturé en étant présenté comme une opposition entre la liberté d’expression et les droits de l’enfant. Toutefois, le droit des enfants à ne pas souffrir de l’abus sexuel et de l’exploitation, le droit d’être protégé et le principe de l’intérêt le meilleur pour l’enfant, signifient que le droit d’un enfant à la protection devrait prévaloir sur toute autre considération. Comme décrit par la Déclaration de Stockholm, il existe un consensus international sur la criminalisation de la possession de la pornographie enfantine, afin de mieux protéger les enfants contre l’exploitation. En Asie de l’Est, dans certaines situations, on tend 13 14 aussi à percevoir les enfants, non pas comme victimes de l’exploitation, mais comme étant responsables de l’exploitation qu’ils subissent, en d’autres termes que certains enfants ‘choisissent’ d’endurer l’exploitation et ses répercussions physiques et psychologiques dans le but d’acheter les derniers biens de consommation ou parce qu’on considère qu’ils se sont offerts ou ont consenti à l’exploitation. Cette tendance a alimenté l’indifférence au sujet de leurs droits à la protection et une propension à punir ou à blâmer les enfants affectés. Cette façon de penser se reflète dans le droit de beaucoup de pays qui punissent les enfants qui ont été exploités : par exemple, au Sri Lanka, la loi pénalise des enfants impliqués dans la prostitution (bien que dans la pratique, de telles pénalités peuvent être rarement appliquées). Beaucoup de sociétés tendent à voir les enfants qui ont été sexuellement exploités comme des «délinquants», par conséquent les infractions sexuelles commises contre eux sont rarement punies. Conclusion : Des efforts concertés doivent être fournis par beaucoup de pays en Asie pour faire en sorte que les enfants jouissent de leurs droits fondamentaux et soient libres de toute forme d’exploitation sexuelle à but commercial. La première étape est la ratification des principaux actes internationaux, notamment le Protocole Additionnel et le Protocole sur le Trafic, pour s’assurer que, partout, les droits des enfants sont respectés et que des enfants sont pleinement protégés conformément aux normes internationales. Les pays de la région doivent également harmoniser leurs lois nationales selon les normes internationales. Par rapport à la prostitution enfantine, les dispositions légales devraient couvrir toutes les activités interdites par le droit international, à savoir obtenir, offrir, procurer et fournir un enfant pour la prostitution et devrait couvrir la protection pour des garçons et des filles. la pornographie enfantine, des lois intérieures devraient être alignées sur la définition internationale de la pornographie enfantine, incluant l’interdiction sans équivoque de sa possession, de sa fabrication et de sa distribution. La loi devrait également s’étendre aux matériaux audio et numériques, comme les images simulées, et doit criminaliser la simple possession de pornographie enfantine. En ce qui concerne la traite des enfants, la loi nationale devrait porter sur toutes les activités, à savoir, le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil des personnes. Les états doivent établir une juridiction extraterritoriale pour toutes les violations contre des enfants, indépendamment du fait que celles-ci soient considérées ou non comme un crime dans le pays où elles sont commises. Avec la création du Tribunal Pénal International, les gouvernements ont accès à un autre tribunal, où sont traités des délits particuliers ayant des implications internationales, pour des crimes aggravés contre des enfants. A ce titre, les gouvernements sont invités à classer le crime de la participation (de quelque façon que ce soit) à l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, comme crime contre l’humanité, le plaçant de ce fait sous le coup de la juridiction universelle.12 En accord avec les principes de la CDE, toutes les mesures de protection citées ci-dessus devraient s’appliquer également à tous les enfants jusqu’à l’âge de 18. ECPAT International est un réseau mondial d’organisations et d’individus engagés dans l’éradication de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. En Asie, ECPAT a travaillé en collaboration tant avec les organismes gouvernementaux pour mieux protéger des enfants contre l’ECSEC, qu’avec les O.N.G. internationales et les agences des Nations Unis pour les questions régionales. Au niveau régional, ECPAT International, avec les principales ONG internationales, a préconisé l’établissement d’un mécanisme de défense des droits de la personne et d’une mise en oeuvre des programmes qui découlent du Programme de Vientiane (PV), 2004-2010. ECPAT international et d’autres organisations des droits de l’enfant ont préconisé l’intégration du mécanisme des droits de l’homme/droits de l’enfant dans le projet de Charte de l’ASEAN et de la commission régionale sur les droits des femmes et des enfants, afin de favoriser, protéger et faire respecter ces droits dans la zone de l’ASEAN. ECPAT International soutient également l’action de chaque groupe de travail ECPAT au niveau national, pour le développement, l’exécution et le suivi des PAN (et dans les efforts pour l’adoption de la Déclaration de Stockholm et du Plan d’Action). Afin d’encourager l’application et le meilleur exercice de la loi pour protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle, ECPAT International conduit des travaux de recherche-action (récemment au Bangladesh, en Inde, au Népal et en Indonésie), pour mieux comprendre les droits nationaux, régionaux et internationaux ayant trait à l’ECSEC ; pour identifier des lacunes entre les droits nationaux et les normes régionales et internationales ; et pour formuler des recommandations visant à renforcer les lois. Pour protéger des enfants contre l’exploitation indirecte dans le processus légal, les travaux de recherche décrivent également les procédures légales concernant des cas d’ECSEC ; identifient les lacunes entre ces procédures et les normes internationales ; et analysent ces omissions procédurales, recommendant de renforcer les procédures légales pour mieux protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Le respect des droits de l’enfance, en particulier celui de vivre sans exploitation sexuelle, associé à un cadre juridique robuste dans tous les pays à travers l’Asie, sont essentiels dans le combat contre l’exploitation sexuelle commerciale des enfants. ____________________________ 12 ECPAT International, Violence against Children in Cyberspace, Bangkok. Septembre 2005. 15 Pornographie enfantine sur Internet : Abus flagrant d’enfants en augmentation en Ukraine Olha Shved, ECPAT International, Associé Régional pour la CEI Contexte 16 Au cours des dernières années, la pornographie enfantine est devenue un phénomène répandu qui continue à croître étant donné que l’Internet et les nouvelles technologies de l’information et des communications (TCI) facilitent sa production aussi bien que sa large distribution. La pornographie enfantine est une forme d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC) et est étroitement liée à d’autres manifestations de l’ESEC, telles que la prostitution d’enfantine, le tourisme sexuel impliquant des enfants et la traite des enfants à but sexuel. Les enfants exploités dans la prostitution, le tourisme sexuel et ceux victimes de la traite à des fins sexuelles sont extrêmement vulnérables et souvent utilisés dans la production pornographique. Il y a beaucoup de genres de pornographie enfantine, qui seront décrits plus loin. Les idées erronées communes dans certaines sociétés et communautés à propos de ce qu’est, par exemple, la pornographie enfantine, et/ou le «droit civique» d’accéder en privé à de tels produits ont eu comme conséquence de dangereuses divergences dans les systèmes de protection, en dépit de l’existence d’actes internationaux, tels que le Protocole additionnel relatif à la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, qui pose un cadre général pour combattre ces actes criminels. Quoique la pornographie enfantine soit internationalement considérée comme une forme d’abus sexuel des enfants et soit illégale dans la plupart des pays, sa définition et la criminalisation des actes liés à sa production, sa distribution et sa consommation, varient considérablement. Tandis que certains pays interdisent seulement la production, d’autres interdisent aussi la distribution. La simple possession et le ‘processus de préparation’ (compris dans ce contexte comme le processus consistant à amadouer et désinhiber en ligne des enfants en vue d’actes sexuels) sont rarement correctement inclus dans la législation nationale, à certaines exceptions comme au Royaume-Uni, où l’Acte sur les crimes sexuels de 2003 légifère sur le processus de préparation sur Internet en vue d’actes sexuels. En effet, ce processus de conditionnement a été identifié comme un mécanisme par lequel les auteurs d’abus accèdent aux enfants et aux jeunes, ce qui peut mener à des crimes non-virtuels d’abus sexuel et/ou d’exploitation. L’Ukraine est maintenant considérée comme l’un des producteurs principaux de la pornographie enfantine sur Internet dans le territoire de l’ex-Union soviétique. Des cas de pornographie enfantine sont découverts chaque mois, et l’opinion publique prend de plus en plus conscience du problème. Dans un cas très discuté de 2006, on dénombrait le chiffre terrifiant de 1 500 filles, âgées de huit à 16 ans, ayant approché des agences de mannequin à la recherche de travail à Kiev, à Kharkiv et à Simferopol, pour être, à leur insu, victimes de pornographie enfantine.1 Des photos des filles ont été prises avec les appareils cachés dans les vestiaires, les douches et même à l’intérieur des toilettes puis largement diffusées sur Internet. Huit personnes ont été arrêtées et l’affaire est en cours. Les recettes générées par ces actes illicites se sont élevées à 100 000 $ par mois. Les victimes qui ont été identifiées sont peu disposées à collaborer et à témoigner devant le tribunal, par crainte d’être soumises à davantage d’humiliation et de traumatisme. S’ils sont condamnés, les huit accusés encourent entre trois et sept ans d’emprisonnement conformément au Code Pénal ukrainien. Malgré l’ampleur que prend le problème, l’Ukraine ne possède toujours pas une législation spécifique définissant la pornographie enfantine, qui est pour le moment traitée sous les dispositions plus larges sur la pornographie. La législation couvre simplement l’utilisation ‘des personnes mineures’ (individus de moins de 18 ans) dans la production de ce type de matériel, et le vide juridique sur plusieurs points ____________________________ 1 Lu le 2 avril 2007 sur http://uatoday.net/rus/news/cryminal/202880 favorise significativement la progression de cette activité criminelle dans le pays. En outre, en dépit des efforts des organismes chargés de faire appliquer la loi et des arrestations des malfaiteurs, le nombre de condamnations demeure assez bas. En 2006, 571 enquêtes criminelles ont été lancées dans la production pornographique en violation de l’article 301 du Code Pénal de l’Ukraine, qui se réfère à l’« importation, la fabrication, la vente et la distribution des images pornographiques ». Les trois quarts de ces cas (419) ont été portés devant les tribunaux. Dix-huit cas impliquaient des mineurs mais, parmi ces derniers, seuls 12 ont fait l’objet d’un procès. Même lorsqu’une affaire est instruite, il n’y a aucune garantie que l’auteur du crime soit puni. Pourquoi la loi ukrainienne est-elle si inefficace dans la protection des enfants contre de tels abus? Mise à part l’incomplétude de la loi et le fait que seul l’acte de « forcer des enfants à participer à la production des matériels pornographiques » est passible de peine, les juges ne semblent pas comprendre les conséquences graves que les crimes liés à la pornographie enfantine ont pour les victimes comme pour les autres enfants et, par conséquent, ne les considèrent pas comme des crimes sérieux qui exigent une peine sévère. Généralement, les auteurs de crimes s’en tirent avec une amende d’une somme modique (10$ à 30$) comme compensation aux enfants, qui ne sont plus alors considérés comme des victimes mais plutôt comme des «individus consentants» et, à ce titre, ne reçoivent aucune autre assistance (par exemple, 17 une assistance socio-psychologique). La peine prescrite par des juges est donc limitée à trois à six mois d’emprisonnement seulement et, puisque les malfaiteurs réalisent des bénéfices substantiels par de telles activités criminelles, une amende n’est absolument pas un obstacle. Définition de la pornographie enfantine 18 Des définitions de la pornographie enfantine sont données dans deux actes internationaux importants, le Protocole additionnel relatif à la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ratifié par l’Ukraine en 2003, et la Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe, qui est entrée en vigueur en Ukraine en juillet 2006. Le Protocole additionnel définit la pornographie enfantine comme : « toute représentation, par quelque moyen que ce soit, d’un enfant s’adonnant à des activités sexuelles explicites, réelles ou simulées, ou dans la représentation des organes sexuelles d’un enfant, à des fins principalement sexuelles». Bien que nous associons souvent la pornographie enfantine aux images et aux représentations visuelles, elle comprend également les représentations sonores et écrites, produites et distribuées par des magazines, les livres, les bandes dessinées, les films, les vidéos et les téléphones portables etc.2 Malheureusement, des textes pornographiques décrivant des activités sexuelles avec des enfants sont souvent négligés et leurs auteurs ne sont pas poursuivis, alors qu’ils participent aussi à la normalisation et à la promotion de comportements déviants et criminels. La majorité des images de pornographie enfantine montrent des activités sexuelles explicites avec des enfants, y compris l’attouchement sexuel entre un enfant et un adulte (allant de l’attouchement des parties génitales de l’enfant à la pénétration), coït entre mineurs, pénétration avec des objets et, dans certains cas, violence sexuelle extrême, y compris sadisme, bondage et battements.3 Certains produits de la pornographie enfantine sont mis en scène tandis que d’autres montrent des actes sadiques réels, qui peuvent même être exécutés en temps réel par webcam. En examinant les images produites, les enquêtes policières ont parfois pu déterminer le lieu de l’abus grâce au papier peint, aux tapis ou à un linge de maison particulier. Au moyen d’investigations médico-légales, elles peuvent également déterminer si les images constituent de la pornographie enfantine existante en circulation ou bien s’il s’agit de nouvelles images d’abus possiblement en cours. Néanmoins, l’identification des victimes a été extrêmement rare jusqu’ici. ____________________________ 2 3 ECPAT International. Questions et réponses sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. 3ème édition. 2006. Disponibble sur : www.ecpat.net. J. Wolak, D. Finkelhor et K.J. Mitchell. The Varieties of Child Pornography Production. In E. Quayle & M. Taylor (Eds.). Viewing child pornogrraphy on the Internet: Understanding the offence, managing the offender, helping the victims. Russell House Publishing. Dorset. UK. Pages 31-48. . Disponible sur : http://www.unh.edu/ccrc/national_juvenile_online_victimization_publications.html Ce qui se nomme parfois l’érotisme enfantin’ («child erotica») se rapporte non pas à des images sexuellement explicites mais à des images lascives ou d’enfants nus.4 Cela comprendrait des images de nudité ou d’enfants à moitié-nus mettant l’accent sur leur sexualisation, tel que des enregistrements vidéos d’enfants réalisés à leur insu dans les vestiaires ou les toilettes avec les appareils-photo cachés, comme ce fut le cas dans les studios de modèles en Ukraine. Cela inclut également des images sexuellement suggestives d’enfants vêtus se concentrant sur leurs parties génitales, par exemple, pendant des manifestations sportives, montrant des bribes des sous-vêtements, les parties érotiques du corps, maillots de bain minuscules, collants de danseur ou habits transparents.5 Ce type de pornographie enfantine provoque souvent le débat car il n’y a aucun consensus sur le fait qu’il constitue ou non de la pornographie ; en conséquence, sa production et sa distribution demeurent légales dans plusieurs pays. Cependant, les images érotiques des enfants sont fréquemment utilisées pour attirer des pédophiles vers des sites Web où des images plus violentes et plus abusives sont disponibles sur paiement. Les lois danoises sont un exemple d’implications que cette lacune du système légale peut avoir. En 2003, 10 pour cent des 4 684 cas enregistrés sur le service d’assistance en ligne de Save the Children Danemark, concerne rapport avec l’érotisme enfantin, et auxquels il n’a pas été donné suite puisque l’érotisme enfantin n’est pas considéré comme un crime selon la loi danoise. La convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe a donné une définition plus complète des images créées par ordinateur de pornographie enfantine puisqu’elle inclut «tout produit pornographique qui représente visuellement : a) un mineur se livrant à une attitude sexuellement explicite ; b) une personne vraisemblablement mineure se livrant à une conduite sexuellement explicite ; c) les images réalistes représentant un mineur se livrant à une conduite sexuellement explicite » (article 9). Deux autres catégories importantes sont désormais classées dans la pornographie enfantine : les représentations des personnes en apparence jeunes et les images réalistes ou simulées, telles que des images de synthèse créées par ordinateur ou par d’autres techniques. Par conséquent, le manga (mot japonais désignant des bandes dessinées provenant du Japon, de la Chine et d’autres pays d’Extrême Orient, qui ont souvent un contenu sexuellement explicite impliquant des enfants), le hentai (film d’animation japonais à contenu pornographique et sexuellement perverti) et les images «morphed» (effets spéciaux utilisés dans films cinématographiques et ____________________________ 4 5 Sous-groupe contre l’exploitation sexuelle des enfants, groupe d’O.N.G. pour la Convention sur les droits de l’enfance. Sémantique ou substance. 2005. Page 26. J. Wolak, D. Finkelhor et K.J. Mitchell. The Varieties of Child Pornography Production. In E. Quayle & M. Taylor (Eds.). Viewing child pornogrraphy on the Internet: Understanding the offence, managing the offender, helping the victims. Russell House Publishing. Dorset. UK. Pages 31-48. . Disponible sur : http://www.unh.edu/ccrc/national_juvenile_online_victimization_publications.html 19 les films d’animation) seraient considérés comme de la pornographie enfantine. Ces produits «virtuels» aussi bien que les memes (fichiers informatiques qui se diffusent rapidement et largement sur Internet), les bandes dessinées, les films d’animation et les jeux vidéo, souvent désignés sous le nom de «pseudopornographie enfantine», ne devraient pas être jugés comme inoffensifs sous le prétexte qu’ils sont «faux». Bien qu’ils n’impliquent pas une «vraie» victime, ils servent à saper les inhibitions et normaliser le rapport sexuel avec des enfants, produisant davantage de demande de pornographie enfantine et de rapports sexuels avec des enfants. De même, les prédateurs utilisent souvent ces supports pour entraîner ou «préparer» un enfant à l’exploitation sexuelle. pauvreté en Ukraine (classée soixante-dix-septième au monde selon le rapport sur le Développement Humain du PNUD en 2006) et le faible niveau des revenus de la majorité des familles qui peuvent à peine répondre à tous leurs besoins, rendent les enfants hautement vulnérable à l’ESEC en général, mais aussi à ce type d’exploitation. Le développement rapide des TCI en Ukraine et une absence de mesures de prévention des risques potentiels pour les enfants engendrés par celui-là, contribuent également à faciliter la production et la distribution de pornographie enfantine. Pour illustrer ce point, le nombre d’utilisateurs ukrainiens de téléphones portables dépasse 51 millions alors que la population est estimée à environ 47 millions et le nombre 20 Facteurs contribuant à la diffusion de la pornographie enfantine en Ukraine Il est nécessaire d’étudier un certain nombre de facteurs qui caractérisent l’offre et la demande de pornographie enfantine pour bien comprendre le phénomène, afin de concevoir une prévention adaptée et de mener des projets qui la combattront efficacement. Les facteurs qui expliquent pourquoi l’Ukraine est particulièrement touchée par la production de pornographie enfantine (et également par d’autres formes d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales), vont du niveau mondial au niveau national. Au plan national, les facteurs tels que la Un studio produisant la pornographie enfantine à Odessa prétend créer des « oeuvres d’art avec des nymphes » Un citoyen américain de Moldavie a monté un studio de pornographie à Odessa dans lequel il a pris des photos de filles nues en échange de cadeaux, de nourriture et d’argent (jusqu’à 50$ pour deux ou trois jours de séances photo ou vidéo). Les victimes âgées de sept à 14 ans, furent recrutées dans des familles monoparentales de Moldavie en situation difficile, pour être plus ensuite emmenées à Odessa pour la production de ces matériaux. Son associé était un citoyen suisse qui a financé la production et la distribution des images sur divers sites Web. Ils ont tous les deux échappé à l’arrestation en 2002, en s’envolant hors de l’Ukraine après une fuite des nouvelles de leur arrestation en cours. Dans le studio, les officiers de police ont trouvé l’ordinateur et les dispositifs numériques, les CD contenant des images pornographiques d’enfant, les vidéos, les drogues (qui ont été également administrées aux enfants), les pénis artificiels et un pistolet.6 d’internautes était de 8,5 à neuf millions fin 2006.7 Avec la démocratie est venue la libéralisation des médias, y compris ceux en rapport avec la sexualité. La société ukrainienne devient en effet de plus en plus `sexualisée’, avec des représentations érotiques innombrables de filles et de femmes dans la publicité, les films, etc., rendant la sexualisation des personnes acceptable et moins inconvenante. Les répercussions sur la conduite et les comportements socialement acceptables sont nombreuses, touchant les enfants et les filles en particulier dans la mesure où elles sont encouragées à être des objets sexuels et fascinées par le pouvoir d’attraction de l’image érotique. Le faible degré de contrôle social est évident dans beaucoup de sphères et d’institutions du pays, telles que la milice, les écoles et les services médicaux et sociaux. La priorité est donnée aux profits financiers sur les valeurs morales et la responsabilité professionnelle ; un environnement plus laxiste et l’impunité générale des auteurs d’abus favorisent considérablement la prolifération des crimes sexuels sur enfant. L’indifférence générale de la population à cette question aggrave le problème. Grandir ou vivre dans certains types d’environnements sociaux présentent également des facteurs de risque qui augmentent la vulnérabilité des enfants à l’exploitation sexuelle. Ceux-ci comprennent: la vie dans les villes ou zones urbaines où le taux de criminalité est extrêmement élevé et où les groupes de crime organisés recrutent activement de jeunes garçons et filles dans le commerce du sexe. De même, les districts ‘économiquement en déclin’, caractérisés par des taux de chômage élevés et les revenus des familles bas et les zones avec des niveaux élevés de population rurale ayant migré vers des villes incapables de faire face à l’afflux de gens. Les lieux touristiques et de loisir présentent eux aussi des risques étant donné que le pouvoir économique des touristes peut trop facilement mener à l’exploitation sexuelle des enfants. En outre, les enfants placés dans des institutions publiques sont extrêmement vulnérables à l’abus et à l’exploitation, en particulier puisqu’ils quittent habituellement de telles institutions à l’âge 16 ou 17 ans, peu armés pour réintégrer la société. Les enfants qui vivent dans les rues ou en fugue sont également des proies faciles pour les exploiteurs, notamment une fois piégés par la drogue, l’alcool ou par l’abus et la dépendance à des substances chimiques. Par ailleurs, on trouve également des facteurs de risque liés à la famille et aux amis de l’enfant. Les éléments qui concourent à la vulnérabilité d’un enfant à l’exploitation sexuelle, comprennent l’expérience de l’abus, l’absence d’amour-propre ou les penchants à alcool ou à d’autres produits. Beaucoup d’enfants victimes de l’ESEC subissent aussi la violence domestique, des parents alcooliques ou ont un membre de leur famille déjà impliqué dans l’exploitation sexuelle. En effet, dans certains cas, les ____________________________ 6 7 Reportage «agence de stars du porno juvénile». http://www.i-scoop.org/scoop/documents/Porno-english.pdf http://stc.kmu.gov.ua/komsvyaz/uk/publish/article/67679 21 parents prennent part directement à l’exploitation sexuelle de leur enfant ou indirectement par leur indifférence aux moyens par lesquels l’enfant contribue aux revenus de la famille. Un examen de cas d’enfants impliqués dans la production pornographique en Ukraine met en relief plusieurs façons de les circonvenir, ouvertement ou de manière dissimulée. Diverses méthodes de coercition, de manipulation et de paiement semblables à ceux utilisées pour d’autres formes d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales sont utilisées pour attirer les enfants dans la pornographie. Les enfants sont également recrutés par de fausses annonces d’agences de mannequin ou de comédien, comme ce fut le cas en 2006 dans la région de Dniproperovsk, où six hommes et femmes ont filmé des enfants mineurs dans des hôtels et des saunas en les convainquant que c’était de ‘l’art’.8 Dans une autre affaire en 2005, un photographe et un professeur de danse ont été accusés d’agression sexuelle sur des filles mineures provenant d’écoles locales et d’avoir filmé les abus après être devenus familiers avec les filles sous le prétexte de séances photo et de cours de danse.9 La promesse de rémunération, en liquide ou en nature, est une méthode classique pour exploiter les enfants dans des circonstances extrêmement difficiles (telles que les enfants des rues ou des enfants de familles défavorisées) en les amenant vers la prostitution ou la pornographie en échange d’argent ou de nourriture, donnés à eux directement ou à la famille. Ces annonces trompeuses sont fréquentes dans les journaux, magazines et sur Internet, avec des légendes aguicheuses comme : « Recherche jeunes gens jolis pour un travail bien payé ». Dans d’autres cas, le recrutement est fait par les adultes qui établissent une relation proche avec les futures victimes pour gagner leur confiance ou par le biais d’autres mineurs qui recrutent leurs amis. Les parents peuvent également user de leur autorité sur l’enfant pour le contraindre à participer à des séances photo ou de tournage pour la production pornographique, comme l’illustre un cas récent à Dans certains cas, les criminels ont recours à la drogue et à l’alcool pour affaiblir la résistance de l’enfant. Par exemple, ce professeur d’informatique à Kiev, qui avait invité des enfants à utiliser des Attirer les enfants vers la pornographie 22 Kiev, datant d’octobre 2006, où une fille de six ans était l’une des huit jeunes filles photographiées et filmées par sa propre mère. ____________________________ 8 9 Accès au site en août 2007 sur http://zadonbass.org/allnews/message.html?id=40523 Cas révélé dans l’émission de télévision ‘Closed Zone’ en janvier 2007. ordinateurs chez lui, les drogua avant de les utiliser dans de la production pornographique.10 Des enfants sont également recrutés des centres de réhabilitation. Dans un de ces cas, un garçon a été incité à s’habiller en fille et à se déshabiller dans des séries de photographies en échange d’un peu d’argent (20 $). D’autres enfants se sont également livrés à de telles activités pendant le même mois en 2005. 11 Internet a fourni de nombreux espaces pour rencontrer et exploiter les enfants. Dans le processus de préparation en ligne, des enfants sont attirés et initier à l’exploitation sexuelle dans les divers environnements d’Internet où ils se réunissent. En Ukraine, les blogs, les jeux multi-joueurs en ligne, les salles virtuelles de discussion et autres forums sont particulièrement populaires chez les jeunes. Les adultes peuvent facilement y prendre contact avec des enfants dans puis passer à des communications plus privées à travers, par exemple, les messages instantanés ou même arranger une rencontre dans la vie réelle afin de les abuser. Les auteurs d’abus emploient également Internet pour soumettre aux enfants des produits pornographiques de manière à réduire leurs inhibitions et à les convaincre d’envoyer des clichés pornographiques d’eux-mêmes ou de poser devant leur webcam. Difficultés de la réinsertion des victimes L’exploitation des enfants dans la pornographie (y compris l’abus avec ou sans contact physique) a d’importantes conséquences sur la vie des victimes. En plus des séquelles physiques et psychologiques de l’agression sexuelle elle-même, les enfants victimes de la pornographie éprouve évidemment la crainte que les images prises ne soient davantage distribuées et exhibées. Dans le cas du studio à Odessa, où plusieurs filles ont été violées pendant ou après que les séances de photo et que l’abus soit enregistré par des caméras dissimulées, quelques victimes ont plus tard refusé d’aller à l’école ou de jouer avec d’autres enfants en plein air. Ils redoutaient aussi les appels téléphoniques et des visiteurs par crainte de l’humiliation, étant donné que leurs images étaient visibles sur Internet et pourraient être trouvées par leurs amis, voisins, camarades de classe et proches. Les victimes savent pertinemment que les images de leur agression sont accessibles à grande échelle et sont rongées par l’anxiété qu’elles soient dévoilées, y compris même à leurs futurs enfants. Il est ainsi très difficile pour les psychologues d’aider les victimes à surmonter ce qu’ils ont vécu compte tenu de cette réalité. De plus, la plupart des professionnels de la santé mentale ne sont pas bien préparés à travailler avec des victimes de ce genre et dans ces circonstances spécifiques. ____________________________ 10 11 Cas révélé dans l’émission de télévision ‘Closed Zone’ en janvier 2007. Entretien avec Mme Vera Koshil, Directrice du Centre pour enfants « ASPERN » de Kiev, 23 Comment venir en aide? Les projets d’ECPAT en Ukraine et les recommandations En 2006, le premier groupe de jeunes du réseau All-Ukrainian Network contre l’ECSEC (le partenaire d’ECPAT en Ukraine) a été formé à l’éducation des pairs. La formation s’est concentrée sur les risques de la violence contre des enfants sur Internet, les TCI et sur la façon dont les enfants peuvent se protéger. Douze jeunes éducateurs ont ensuite dispensé des sessions de formation dans les écoles à Kiev, à Lviv et à Donetsk. Pour soutenir leurs activités de sensibilisation, ce groupe de jeunes a développé et a imprimé des cartes postales en ukrainien et en russe, intitulées `lis et passe à ton copain’, qui donnent un aperçu de ce que les enfants devraient prendre en compte pour leur protection, notamment : • Ne pas envoyer votre photo ou des images vidéo aux amis que vous n’avez pas rencontrés personnellement ou que vous ne connaissez pas bien, parce que vous ne pouvez pas savoir quel usage ils feront de ces images ; • Si vous décidez que vous allez rencontrer un nouvel ami que vous avez contacté sur Internet, prévenez vos parents ou amis. Aller à un endroit autour où il y a beaucoup de monde et pendant la journée; amener un ami ou un adulte à la première rencontre ; • Ignorer et ne pas répondre aux mots grossiers et aux suggestions obscènes. Aviser les professeurs ou le personnel du café Internet au sujet de l’information ou des images obscènes que vous recevez ; • Les messages et les offres attrayantes envoyés sur votre téléphone portable ou par Internet sont souvent trompeurs ; • Ne pas vous inscrire sur des sites pour adultes ; • Mettez vous d’accord avec vos parents sur une période d’utilisation de l’ordinateur (de longue heures passés devant l’écran peut être mauvais pour votre santé et pour votre équilibre). • Ne donner aucune information personnelle au sujet de vous-même ou de vos parents sur Internet, telle que votre adresse, le nom de votre école, vos numéros de téléphone et les revenus de votre famille ; • Prendre conscience que, sur internet, les gens ne sont pas toujours ce qu’ils semblent être. Ils ne disent pas toujours la vérité sur leur âge ou sur leur sexe, par exemple ; De plus, entre 2006 et 2007, plusieurs tables rondes ont été conduites dans différentes régions de l’Ukraine, organisées par All-Ukrainian Network against CSEC et soutenues par le ministère de l’éducation ; le Ministère de l’Intérieur et des Sciences; et le Ministère de la famille, de la jeunesse et des sports. Le Ministère de l’Education et des Sciences, avec le réseau All-Ukrainian Network against CSEC, prévoit également une conférence nationale sur la Dans beaucoup de pays, y compris l’Ukraine, ECPAT International a mené des projets de sensibilisation sur la protection des enfants sur Internet, en ciblant les groupes-clés, comme les enfants, les parents et les maîtres d’école. 24 sécurité des enfants sur Internet, dans le cadre de leur programme sur Internet et sur la prévention de la pornographie enfantine. En 2006, le Ministère des Affaires Intérieures a organisé une réunion pour inciter des prestataires de service informatique à signer un code de conduite. Bien que plus de 50 fournisseurs aient été invités, 35 seulement se sont rendus à la réunion, et moins encore à considérer la pornographie enfantine comme étant un problème pressant nécessitant leur coopération dans ce combat. Beaucoup étaient rétifs à adhérer à un code de conduite en raison du risque de perte de profits potentielle qu’ils estiment courir. Quelques recommandations pour améliorer la protection des enfants contre la pornographie enfantine en Ukraine : 1) Au niveau gouvernemental, de vastes campagnes contre la production, la diffusion et la possession de pornographie enfantine devraient être conduites. La population doit être informée de ces activités criminelles et être sensibilisée au rôle qu’elle peut jouer pour les combattre. 2) Il est nécessaire de développer un programme national destiné à avertir les internautes au sujet de l’existence illégale des sites de pornographie enfantine et à bloquer l’accès à ces pages web. 3) La loi ukrainienne devrait être révisée être conforme aux normes internationales, en particulier en définissant correctement la pornographie enfantine et en criminalisant la possession de la pornographie enfantine. 4) La formation spécialisée à la prévention de l’ECSEC devrait être intégrée à divers niveaux pour les professionnels qui travaillent avec les enfants. Des programmes de formation spécifiques devraient également être mis œuvre pour les organismes chargés de faire appliquer la loi et pour les cours de justice, et notamment en vue d’une meilleure compréhension de la gravité des crimes liés à la pornographie enfantine. 5) Un module sur l’exploitation sexuelle des enfants, y compris la pornographie enfantine et les risques de violence contre des enfants liés aux nouvelles TIC, devrait être introduit dans les cursus scolaires et dans d’autres programmes pédagogiques appropriés. Cela devrait également être rendu obligatoire aux futurs instituteurs et être inclus dans la formation pédagogique. 6) Il est recommandé de profiter des camps d’été et d’hiver pour les enfants (comme ceux organisés par ECPAT en Ukraine) comme autant d’occasions de sensibiliser sur les droits des enfants et de former à la protection contre l’exploitation sexuelle (incluant la pornographie enfantine), aiguillonnant ainsi la participation active des jeunes en tant qu’acteurs essentiels de ces activités. 25 Tourisme sexuel et droits de l’enfant: qui peut faire quoi? Par: Amihan Abueva, Président d’ECPAT International (Cet article a d’abord été présenté au Forum International des Droits de l’Homme à Lucerne, Suisse, 24-25 mai 2007). Introduction 26 Avec les progrès des transports de masse, de la communication et des autres infrastructures à travers le monde, davantage de régions sont devenues accessibles à un nombre croissant de touristes. Tandis que le tourisme et le voyage sont porteurs de valeurs de compréhension et de tolérance, ils ont aussi contribué à l’émergence d’un autre phénomène – le toursime sexuel impliquant des enfants (TSIE). Ce phénomène fut dans un premier temps largement observé comme un problème essentiellement lié à l’Asie du Sud-Est, mais des rapports ultérieurs indiquèrent que le TSIE touchait des enfants d’autres régions d’Asie et du Pacifique, d’Amérique Latine, d’Afrique, d’une partie de l’Europe et d’Amérique du Nord. Le tourisme sexuel impliquant des enfants fait référence à l’abus sexuel et à l’exploitation d’enfants par une personne qui a voyagé depuis un endroit différent, en général un autre pays. Les agresseurs sexuels peuvent être des touristes, des hommes d’affaires ou des expatriés.1 Il a été observé que la croissance de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ECSEC) est souvent consécutive à une hausse du tourisme dans plusieurs parties du monde. Bien que le tourisme ne soit pas la cause de l’exploitation sexuelle de l’enfant, il favorise un accès plus facile aux enfants vulnérables.2 Les auteurs de sévices sexuels sur enfant profitent des moyens mis à disposition par les voyagistes, hôtels, complexes hôteliers, restaurants, compagnies aériennes et autres entreprises de transport.3 Il a été estimé que plusieurs centaines de milliers de filles et de garçons de par le monde sont soumis à des conditions inhumaines et à des violences de leur proxénète ou acheteur, subissant des viols répétés et diverses formes d’abus sexuel, grandement exposés à être atteints par des maladies sexuellement ____________________________ 3 1 2 ECPAT Australia, Travel with Care, Australia 2000 ECPAT International/ECPAT Australia, ECPAT Information Booklet, 1996 ECPAT International, Questions and Answers about CSEC, 2006 transmissibles, y compris le VIH/SIDA, et au risque d’accoutumance à la drogue et à l’alcool. Bien que les exploiteurs soient en majorité des locaux, des touristes et des voyageurs, les étrangers basés ou travaillant à l’étranger constituent également un groupe significatif. Le TSIE est amplement corrélé à la prostitution enfantine, à la traite de mineurs et à la production de pornographie enfantine. Améliorer les lois pour protéger les enfants L’un des premiers obstacles qu’ECPAT a rencontré fut un déni généralisé de la gravité du problème par les gouvernements. Toutefois, la ténacité d’ECPAT et d’ONG locales, avec l’aide des medias, a conduit à de nombreuses révélations et à la mobilisation de l’opinion publique, qui ont finalement donné lieu à une nouvelle législation visant à protéger l’enfant de l’exploitation sexuelle. La loi fut changée dans plusieurs pays d’Asie tels que les Philippines (1992), Taïwan (1995), le Sri Lanka (1995) et la Thaïlande (1996). Parallèlement à la création de lois de protection de l’enfance plus strictes dans les pays asiatiques, il est apparu nécessaire de créer des lois permettant de protéger les enfants contre les agresseurs qui se déplacent, afin que ces derniers puissent être punis quand ils reviennent dans leur pays d’origine ou après avoir quitté le pays où ils ont commis l’abus. ____________________________ 4 O’Grady R., The ECPAT Story, Bangkok 1996 Ces lois confèrent une compétence juridictionnelle extraterritoriale au pays de la victime, facilitant ainsi la poursuite de délinquants sexuels. 4 ECPAT et d’autres organisations travaillant sur le TSIE ont compris que pour donner de la consistance à ces mesures, davantage devait être fait en termes d’application des lois. Des organisations appartenant au réseau ECPAT ont tissé, conjointement avec les polices locale et nationale, des liens avec INTERPOL. Le réseau a également participé au lobbying, et à leur organisation, en faveur de formations permettant à la police d’être plus pro-active et mieux sensibilisée à la gestion de cas impliquant des enfants victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales. 27 Soutien à l’enfant exploité Un autre aspect important du travail était d’assurer une meilleure prise en charge des enfants qui ont subi un abus sexuel et ont été exploités. La plupart d’entre eux avaient besoin de se rétablir et de se sentir mieux moralement avant de pouvoir faire face au système judiciaire et à témoigner contre leur agresseur. Une autre percée fut de trouver des alliés au sein même de l’industrie du tourisme. Un des premiers groupes internationaux à apporter son soutien à ECPAT fut la Universal Federation of Travel Agent’s Associations (UFTAA), la plus importante association d’agents de voyage, comprenant des organisations membres dans 85 pays. Peu après, d’autres membres de l’industrie ont décidé de coopérer avec ECPAT pour lutter contre le TSIE, dans le cadre de leur politique de Responsabilité Sociale de l’Entreprise. Plus d’agresseurs sexuels d’enfant arrêtés 28 Un succès majeur fut l’arrestation d’un nombre croissant de touristes étrangers perpétrant des agressions sexuelles sur enfants, en particulier en Thaïlande, au Cambodge et en Indonésie. Par exemple, au cours de l’année 2003 et jusqu’en mars 2004, l’Associated Press a signalé que la police cambodgienne a arrêté au moins 16 étrangers soupçonnés de pédophilie - le double d’arrestations réalisées en 2002. 5 En Thaïlande, les diverses failles du système légal sont en train d’être comblées pour améliorer la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle. La Thaïlande a signé des actes d’assistance légale mutuelle et ratifié des traités d’extradition, respectivement dix de chaque à l’heure actuelle, avec de nombreux pays dans le but de faciliter les poursuites contre les délinquants sexuels étrangers. La Thaïlande a également adopté en 2003 l’Acte de Protection de l’Enfant, qui contient des dispositions en faveur du recours aux entretiens filmés des victimes mineures, de sorte qu’elles n’ont à témoigner qu’une seule fois, et qui leur évitent de rencontrer l’agresseur en personne. Cependant, plusieurs obstacles à l’application effective des lois subsistent, notamment : les mutations régulières des officiers de police à d’autres services ont limité la capitalisation des compétences des agents qui ont été spécialement formés à la prise en charge des cas d’exploitation sexuelle d’enfants; la difficulté perçue des procédures d’obtention d’un mandat pour chercher et arrêter les délinquants présumés ; le besoin pour la police de fournir des efforts supplémentaires dans ces situations, par exemple, de subvenir aux besoins des enfants victimes, s’entend : soutien psychologique, protection, nourriture et autres formes d’assistance. À cet égard, le livre La fin de l’exploitation d’enfants6 a soulevé un point essentiel concernant deux principes du droit international - la double criminalité et le double péril - qui méritent des études et des recherches supplémentaires en Asie, dans la mesure où ils entravent la mise en œuvre, dans son intégralité, du Protocole additionnel relatif à la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (2002), qui fournit un cadre législatif extraterritorial. Un autre obstacle a été le manque de coopération et la passivité de certaines ambassades, qui, en dépit d’une connaissance des charges retenues contre leurs ressortissants, continuent de délivrer ou de renouveler les passeports qui ont été retirés aux personnes faisant l’objet d’une enquête, ce qui a facilité l’évasion d’une partie des suspects.7 ____________________________ 7 5 6 Munthit K., Associated Press, 2004 Beddoe C., The End of the Line for Child Exploitation, London 2006 Fry E., Closing the Loopholes in: Sunday Bangkok Post 24/9/2006, Bangkok 2006 Impliquer l’industrie du tourisme Parmi les précédentes initiatives d’associer l’industrie du tourisme à notre action, on peut citer : la production d’une vidéo projetée en vol, visant à avertir les voyageurs contre l’exploitation sexuelle des enfants dans le pays de destination ; la création d’étiquettes de bagage distribuées aux voyageurs européens, comportant des messages éducatifs au sujet des dangers et de l’illégalité du TSIE ; la production d’une pochette à billet distribuée par les tours opérateurs et agences de voyage pour rappeler aux voyageurs de respecter les droits des enfants à leur intégrité sexuelle dans les pays de leur destination ; des brochures éducatives (voir www.ecpat.net) Le Code de Conduite pour la Protection des Enfants contre l’Exploitation Sexuelle lié au tourisme a été lancé et exposé par ECPAT Suède et l’Organisation Mondiale du Tourisme des Nations Unies à (OMT) l’usage des voyagistes. Aujourd’hui, près de 600 compagnies dans le monde ont signé le Code de Conduite et sont devenues membres de l’organisme « du Code ». En considérant le nombre de touristes utilisant les services des compagnies signataires, on estime aujourd’hui à 30 millions par an le nombre de touristes internationaux prenant connaissance du Code de Conduite. Le Code de Conduite est un instrument pour la responsabilisation individuelle et la responsabilité sociale de l’entreprise qui assure une protection accrue contre l’exploitation sexuelle liée au tourisme. Le Code de Conduite se compose des critères suivants : 1 : Etablir une politique éthique d’entreprise contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales ; 2 : Eduquer et former les employés à la fois dans le pays d’origine et dans les destinations de voyage ; 3 : Introduire dans les contrats avec des prestataires de service/fournisseurs une clause énonçant une condamnation commune de l’exploitation sexuelle commerciale des enfants ; 4 : Fournir les informations et les matériaux de sensibilisation aux voyageurs au moyen de catalogues, brochures, films projetés en vol, pochettes de billet, pages d’accueil, etc. ; 5 : Fournir les informations aux personnes-clés locales des lieux de villégiature ; 6 : Faire un rapport annuel sur la mise en place de ces critères. L’un des meilleurs exemples de la coopération entre ECPAT et le secteur privé est son partenariat avec les Hôtels Accor et Accor Services. Le partenariat entre Accor et ECPAT comprend : la signature du code de conduite, des campagnes de sensibilisation et d’information, des programmes de formation pour le personnel et la collecte de fonds et les contributions en nature au travail d’ECPAT. Campagne d’éducation régionale de l’ASEAN Un autre terrain qui prend une importance croissante dans la campagne contre le TSIE est l’engagement de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE 29 ou ASEAN). Child Wise, le groupe national d’ECPAT en Australie, a pris la tête de cette coopération étroite en lançant une série d’activités avec l’ASEAN et les Ministères du Tourisme dans la région. Lors de la réunion du groupe de travail régional tenue à Bali en janvier 2004, tous les pays membres de l’ASEAN signèrent un Plan d’Action Régional, qui incluait la proposition d’une Campagne d’Education Régionale. 30 L’analyse du marché a montré que la majeure partie des messages publicitaires avait ciblé les agresseurs. Ceci signifie que les efforts se sont concentrés sur la très petite minorité de voyageurs qui cherchaient à s’attaquer aux enfants. Toutefois, dans les pays de destination, il s’est avéré que les possibilités de traiter le problème étaient considérablement augmentées si la majorité des voyageurs responsables pouvaient être les yeux et les oreilles des autorités locales pendant leur voyage. La campagne dans les pays d’accueil a consisté à sensibiliser les gens à l’exploitation sexuelle de l’enfant et à les inciter à signaler les comportements suspects. Le résultat fut une campagne convaincante, positive, significative, accrocheuse, très visible et concentrée sur le changement de comportement, en particulier orientée vers : • La mobilisation des voyageurs responsables et des citoyens locaux pour signaler le TSIE au moyen d’un numéro d’appel dédié ; • La dissuasion des auteurs de crimes sexuels sur enfant ; • La création d’une culture de non-tolérance par rapport à l’abus sexuel d’enfant. Les efforts permanents d’ECPAT ECPAT International continue à combattre le tourisme sexuel impliquant des enfants à travers diverses initiatives. Un des principaux efforts est l’engagement continu d’ECPAT International auprès de l’organisme du Code en étant membre du comité de direction, en fournissant des informations sur le TSIE et en assurant la formation des membres signataires, en renforçant la mise en œuvre du Code de Conduite et en promouvant ce dernier auprès des acteursclés de l’industrie du tourisme. Parmi d’autres actions, on compte aussi le lobbying d’ECPAT International auprès de différents gouvernements, ayant pour objectif d’inciter le renforcement du cadre juridique permettant de combattre le TSIE. ECPAT fournit souvent l’expertise technique à divers groupes de travail, en ébauchant la nouvelle législation relative à l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. En outre, ECPAT continue à participer aux événements internationaux, régionaux et nationaux concernant le tourisme sexuel impliquant des enfants. Par exemple, lors du 2007 CSR Asia Seminar (Colloque Asie 2007 de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise), ECPAT International a été invité à partager les bonnes pratiques de son partenariat avec Accor Asie en ce qui concerne l’application du Code de Conduite et, en même temps, à promouvoir le besoin de plus de responsabilité sociale des entreprises au sein du secteur du tourisme. Enfin, ECPAT International continue de produire différentes publications sur le TSIE et des supports de communication ayant pour but de faire prendre conscience du problème à ses membres et à l’opinion publique. Lacunes et défis En 2004, cinquante millions de visiteurs ont été enregistrées dans les dix pays membres de l’ASEAN (secrétariat de l’ASEAN), le chiffre annuel le plus important relevé dans la zone de l’ASEAN. Cependant, par le biais d’une combinaison de facteurs complexes et atténuants, la région d’ASEAN connaît aussi malheureusement le nombre le plus élevé de cas de TSIE dans le monde. Ces dernières années, en réponse à ce phénomène, les divers pays d’Asie ont pris des mesures d’instruction du public pour sensibiliser ce dernier au TSIE. En ce qui concerne la collaboration avec le secteur du tourisme, quelques segments n’ont toujours pas été impliqués, en particulier les petites et moyennes entreprises de tourisme (guesthouses, et notamment les petits hôtels indépendants). Il devient également impérieux de faire participer les transporteurs lowcosts, qui émergent dans toute la région. A mesure que les déplacements dans la zone augmentent, le TSIE suit la même tendance, et l’industrie devrait anticiper plutôt que réagir au problème. En conséquence, il apparaît nécessaire d’étendre les partenariats à d’autres branches du secteur privé. Il reste beaucoup à faire dans certains pays, dans le domaine de l’application de la loi, afin d’éviter que les auteurs de crimes de TSIE n’échappent à la justice. La création d’une base de données régionale ____________________________ 8 Beddoe C., The End of the Line for Child Exploitation, London 2006 est une étape importante en vue d’amoindrir les dysfonctionnements dans la mise en vigueur des lois. Il est également important de poursuivre la conduite de débats, les consultations et les autres activités de partage d’information. Une question importante est la manière dont les agresseurs sont définis et, par conséquent, poursuivis. ECPAT Royaume-Uni a introduit le terme d’’agresseur itinérant’ pour désigner un contrevenant qui se déplace d’un endroit à un autre, où l’abus et l’exploitation peuvent avoir lieu dans les situations qui ne sont pas normalement liées au tourisme, telles que des orphelinats. Le terme couvre également l’abus d’enfants par les touristes intérieurs (par opposition à internationaux), un problème naissant dans de nombreux pays.8 Le nombre des O.N.G. travaillant sur cette question s’est considérablement accru ces dix dernières années, ce qui est positif dans la mesure où cela peut être attribué à une préoccupation accrue et à une plus grande prise de conscience du problème. Toutefois, il demeure nécessaire de prêter attention au risque de parallélisme des actions de ces organisations pour s’assurer que chaque groupe ne travaille pas isolément. La coopération entre et au sein des organismes nationaux au moyen d’une juridiction régionale est un enjeu essentiel, pour faire en sorte que le succès dans une communauté n’ait pas comme conséquence la hausse des incidences dans une autre : comme cela 31 a été vu en Asie, l’amélioration des actions menées dans un pays peut avoir comme conséquence que les auteurs de crimes sexuels s’intéressent à d’autres «marchés» potentiels dans la région. Combattre le TSIE exige des efforts supplémentaires. Il est devenu crucial de faire participer la jeunesse. Depuis le Congrès Mondial de Stockholm en 1996, le rôle des enfants dans leur propre protection et pour se construire un meilleur avenir a été souligné. Grâce à l’action d’ECPAT, d’importants progrès ont été réalisés concernant la participation des jeunes dans la luttre contre le TSIE. 32 Les enfants demeurent vulnérables à l’exploitation et, dans certains cas, leur vulnérabilité augmente en raison de facteurs tels que les conflits civils, les catastrophes naturelles, la pandémie du SIDA, les progrès techniques engendrant des formes d’abus supplémentaires.9 D’autres acteurs de la société doivent s’impliquer et être incités à agir, notamment les jeunes, afin d’offrir aux enfants une meilleure défense contre l’abus et l’exploitation. Les enfants doivent recevoir tout le soutien et la protection ____________________________ 9 Beddoe C., The End of the Line for Child Exploitation, London 2006 octroyés par les actes internationaux des droits de l’homme, mais, au final, leur futur doit être placé entre leurs propres mains et tous les pans de la société doivent y concourir. Partage de bonnes pratiques: Travail en partenariat avec des enfants victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales en Asie du Sud Par: Ilona Bhattacharya, YPP National Coordinator, SANLAAP, India Ce que je préfère dans le PPJ, c>est qu>il soutient les anciennes victimes et les aide à être traitées avec respect et dignité dans la société. Un jeune Népalais engagé dans le Projet de Partenariat avec la Jeunesse pour les enfants vicitmes de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales en Asie du sud (PPJ) Le Projet de Partenariat avec la Jeunesse pour les enfants victimes de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales en Asie du sud (PPJ) est une initiative unique qui s’efforce d’avoir un impact psychosocial positif et d’améliorer la vie des enfants affectés en Inde, au Bangladesh et au Népal. Les jeunes auparavant victimes de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales (ESEC) et les jeunes en situation de risque vivant dans des quartiers chauds, dans la rue ou dans d’autres endroits dangereux, tels que les quais de gare, sont les participants-clés du projet. Au travers de programmes de soutien entre pairs, les campagnes de sensibilisation des communautés et la défense publique des droits, les anciennes victimes d’ESEC et la jeunesse à risque emploient leur connaissance et leur savoir-faire pour se protéger et défendre le droit des enfants. Le PPJ est opérationnel depuis trois ans et mis en œuvre par SANLAAP en Inde, Maiti Nepal au Népal et Aparajeyo au Bangladesh. Le projet est coordonné au niveau régional par ECPAT International et financé par Comic Relief et Christian Aid. L’objectif premier de ce projet est d’encourager, assister et renforcer la participation et la collaboration de la jeunesse dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Par des programmes de formation et de renforcement des capacités, les jeunes acquièrent des compétences leur permettant de prendre le leadership dans leur communauté, écoles, foyers et organisations. Le PPJ est l’un des premiers exemples où d’anciennes victimes d’ECSEC jouent un rôle actif dans la conception, l’exécution, la prise de décision et le contrôle d’un projet créé pour eux. Ceci a donné l’opportunité aux enfants de jouer un rôle de meneur dans les communautés ou les organisations où ils 33 vivent, érodant l’image d’assistanat rattachée à l’aide apportée aux anciennes victimes et les encourageant à devenir des acteurs positifs dans les décisions qui affectent leur avenir et la société dans laquelle ils vivent. Observant les résultats probants des méthodes innovatrices du projet, ECPAT et les partenaires de PPJ ont estimé qu’il était important de promouvoir et de faire connaître ces stratégies efficaces pour travailler avec les jeunes les plus vulnérables. Exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales en Asie du sud 34 conduite par l’Organisation Internationale du Travail (OIT), environ 30 pour cent des personnes prostituées à Katmandou se sont avérés être des enfants. Les victimes de l’exploitation sexuelle souffrent d’un trauma physique et mental extrême, qui peut souvent entraîner des effets durables, longtemps après qu’un enfant a réchappé à un abus. Le manque d’amourpropre peut miner l’énergie et la joie de vivre d’un enfant. Le Projet de Partenariat avec la Jeunesse cherche à atténuer ce sentiment d’abandon en rendant les jeunes plus forts, de sorte qu’ils soient en mesure d’engager le dialogue et de créer des tribunes où leurs avis soient entendus avec sérieux et respect. Les organisations de terrain et les recherches ont fourni des statistiques reflétant l’ampleur et l’augmentation de l’ECSEC en Asie du Sud. En Inde, Participation des enfants et des jeunes le nombre estimé d’enfants dans la prostitution varie entre 270 000 et Les pouvoirs publics doivent assurer à l’enfant qui 400 000. En 2005, la Commission est capable de former ses propres opinions, le droit Nationale Indienne des Droits de l’Homme a déclaré que la durée de les exprimer librement dans tous les domaines qui moyenne des enfants maintenues en le touchent, et ce faisant, en conférant à l’opinion de situation d’ESEC s’étend de deux à dix l’enfant l’importance qu’elle mérite en fonction de son ans, période pendant laquelle ils sont âge et de sa maturité. soumis à l’abus physique et maintenus dans les conditions semblables à l’esclavage. De nombreuses jeunes filles sauvées de l’exploitation sexuelle sont souvent trafiquées. Au L’article 12 de la Convention relative aux Droits de Bangladesh, il y a approximativement deux millions l’Enfant (CDE) a introduit le principe que l’enfant d’enfants des rues et l’exploitation sexuelle est est non pas un «objet» de protection mais un «sujet» courante parmi eux. Une étude conduite en 2005 par ayant des droits, ce qui lui confère la légitimité le partenaire Aparajeyo-Bangladesh a indiqué des de prendre part aux décisions qui le concernent. cas d’enfants forcés à des activités sexuelles dans des Impliquer les jeunes dans le processus de participation marchés, des parcs et des gares. Selon une recherche renforce leur confiance en eux et peut améliorer la prise de décision. Quand les jeunes participent aux décisions qui affectent leur vie, ils ont une meilleure compréhension des raisons qui amènent à prendre une décision et prêtent une plus grande attention à son aboutissement. Faire partie de groupes sociaux et être traité avec respect contribuent aux sentiments d’appartenance à une communauté, permettant aux jeunes de se construire une identité. L’expérience de la participation à une cause, à une décision ou à un groupe peut constituer une étape décisive dans le développement de la responsabilité, du sens du but et de la confiance en soi. Le droit et la capacité de faire valoir ses droits, de prendre en main et de participer au processus de décision et d’interventions par les enfants et la jeunesse contribuent à l’intégration dans la société civile et renforce les mécanismes démocratiques. Une grande partie de ce dont les jeunes ont besoin pour leur épanouissement dépend des rapports avec autrui et de leur capacité à négocier les relations et à prendre de bonnes décisions. Projet de Partenariat avec la Jeunesse Le Projet de Partenariat avec la Jeunesse aide les anciennes victimes de l’exploitation sexuelle à opérer un changement psychologique de leur perception de soi, allant d’une image de bénéficiaires passifs ou de victimes, à celle de citoyens actifs. Cette transformation contribue au processus de guérison dans la mesure où ils ne se perçoivent plus comme des êtres sans valeur, mais commencent à concevoir un sentiment de but en parvenant à atteindre les enfants vulnérables qui continuent, eux, à vivre dans des situations difficiles. Le PPJ coordonne les groupes de soutien entre pairs qui travaillent dans les communautés vulnérables et à haut risque, partageant et diffusant l’information, et sensibilisant les gens sur les questions essentielles liées à l’ECSEC. Les animateurs du PPJ apportent également une assistance individualisée, pour éviter aux pairs qu’ils encadrent d’être victimes de l’exploitation et de la violence. Les jeunes qui ont traversé ces épreuves par le passé, offrent également assistance aux enfants victimes de la traite, qui essayent de s’adapter à leur nouvelle vie et à l’environnement du foyer d’assistance publique. Ils influencent les décideurs politiques locaux et nationaux en termes de prévention, de protection et de réinsertion des enfants sexuellement exploités, par des actions de lobbying et de défense des droits. Par le biais de programme de sensibilisation des communautés et la production d’information, de matériels d’éducation et de communication (MEC), les jeunes du projet sensibilisent aux risques de l’ECSEC et à la traite des enfants, aux droits des enfants, à la prévention et au traitement du VIH/SIDA, en particulier parmi les groupes vulnérables, tels que des enfants des rues et des enfants infirmes. Les micro-projets du PPJ permettent aux enfants désavantagés et aux jeunes de la région de développer et de mettre en œuvre les initiatives qu’ils ont identifiées eux-mêmes comme des priorités, et appuient un large éventail d’activités de petite envergure proposées par les jeunes. Des micro-projets sont gérés par les jeunes du PPJ, qui créent et réalisent 35 une gamme d’activités avec l’aide et le conseil d’adultes. Les projets comprennent notamment la création d’une bibliothèque et d’un espace de jeu, le soutien à un groupe de théâtre pour promouvoir l’art dramatique comme moyen de sensibiliser les jeunes à la traite des enfants et à l’exploitation sexuelle, des rassemblements contre la traite des enfants et l’exploitation sexuelle et la conception d’affiches contre la traite et l’abus sexuel ou en faveur des droits de l’enfant. Le processus de participation à ces micro-projets s’est avéré utile au développement et au renforcement des compétences et des responsabilités pour la prise de décision, de la réalisation des idées, du travail en équipe et a produit un impact positif sur la vie de leurs pairs et de la communauté en général. Identifier les pratiques qui marchent Alors que ces réponses données par les jeunes appartenant au projet commençaient à se faire 36 entendre, il est devenu impératif de recueillir le récit de ces expériences afin d’analyser et d’évaluer l’impact du PPJ sur la vie des enfants, de même que pour développer des stratégies efficaces ayant pour objectif de favoriser l’engagement Le travail dans les écoles était une nouvelle et riche expérience pour moi. Je n>ai jamais pensé que les professeurs me montreraient un tel respect. Nous nous réunissons régulièrement pour discuter des progrès des enfants dans le cadre du programme de soutien entre pairs. Les adultes ont pensé que nous étions capables de prendre en charge les finances du projet et de mettre en place les micro-projets nous-mêmes. Nous en sommes très fiers. J’ai réalisé que nous ne sommes pas les seuls avoir souffert et qu>il y a des centaines d>autres comme nous, qui vivent toujours dans des situations exttrêmement préjudiciables. de la jeunesse anciennement victime de l’exploitation et en situation de vulnérabilité dans le combat contre l’ESEC. Une série de questions a été développée par ECPAT International puis partagée avec les jeunes du PPJ dans les trois pays du projet. Les jeunes ont fait le point sur le projet, ont donné des réponses aux questions et un questionnaire régional a été développé. Les informations ont été collectées par les jeunes du PPJ auprès de leurs pairs et des jeunes participant par le biais de groupes de discussion, d’entretiens individuels, de réponses individuelles et de groupe, ainsi que d’autres moyens, comme le dessin et la poésie. Tous les enfants impliqués dans la démarche se sont mis préalablement d’accord sur le procédé et le problème de la confidentialité a été discutée à la fois avec les enquêteurs et les participants. Des thèmes communs et des critères ont été identifiés à partir des informations collectées. Une consultation menée par les jeunes a été organisée au Népal en octobre 2006. Au cours de celle-ci, avec le concours des adultes, les jeunes ont développé le cadre des bonnes pratiques et des leçons tirées de l’expérience acquise qui ont aidé à affiner et à renforcer la planification et l’exécution du projet, et qui ont également fait l’objet d’une publication. Le Guide des Bonnes Pratiques du PPJ décrit certaines des méthodes participatives et des principes que les jeunes recommandent afin de faire participer les victimes, les enfants et jeunes vulnérables à l’action contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Les principaux composants déterminés comprennent : • Encourager les jeunes à transformer leur image négative d’eux-mêmes et à changer les mauvaises perceptions par le public en se concentrant sur leur influence bénéfique de leur rôle de soutien envers leurs pairs, de défenseur des droits de la jeunesse et de leaders de la communauté. • Offrir des cours de théâtre, de poésie et d’art des marionnettes pour permettre à des survivants de s’exprimer à travers l’art er par d’autres moyens créatifs, qui établissent la confiance en soi au travers de la libre expression et les présentations en public. • Confier aux jeunes la responsabilité de planifier et de mettre en place des projets, tout en fournissant l’assistance et la formation adéquates. • Garantir la sécurité des jeunes participant à des projets tels que le PPJ ou aux autres, en établissant des cartes d’identité, en assurant la surveillance des adultes, etc. • Un environnement devrait être créé pour faciliter la participation où les adultes comprennent et respectent la capacité de la jeunesse et des enfants à participer à la gestion des projets. Les adultes y ont un rôle important et doivent d’abord s’interroger sur eux-mêmes, sur leurs modes de pensée avec honnêteté et sincérité. Une fois que les enfants deviennent indépendants, ils peuvent remettre en questions certaines actions ou certains motifs, et les adultes devraient être ouverts d’esprit à dans de telles situations et respecter les opinions des enfants et des jeunes. 37 Mira : Une Animatrice du PPJ en Inde ? Quand elle rejoignit le projet, Mira était timide, en retrait et peu à l’aise pour parler en public. Mira a commencé à participer aux discussions et aux sessions du PPJ, où elle a appris comment les jeunes peuvent s’entraider et en partageant l’information sur la façon de se protéger contre l’ECSEC, le VIH/SIDA et contre d’autres dangers. A mesure que Mira s’impliquait dans les discussions, elle a pris peu à peu conscience que d’autres jeunes suivaient ses conseils et qu’ils dépendaient de son leadership, si bien que ses pairs l’ont élue Animatrice de Jeunes du PPJ. 38 Au départ, elle était hésitante à prendre la parole au cours des réunions du personnel adulte du PPJ. Toutefois, elle a su qu’elle avait la responsabilité de représenter ses pairs et de s’assurer que leurs opinions étaient prises en compte dans la gestion du projet. Elle a appris à diriger des sessions de groupe non-hiérarchiques, où chacun participe et où l’information est présentée par des activités et des techniques interactives. En tant qu’ancienne victime d’ECSEC, Mira comprenait parfaitement la façon dont D’autres suggestions pratiques et pragmatiques ont été faites par les jeunes du PPJ pour donner du sens à la participation, afin qu’elle ne soit pas simplement symbolique. Le procédé consistant à faire l’analyse critique et identifier les bonnes pratiques, a également mis au jour comment le projet a changé la vie des enfants et des jeunes touchés. Comme des témoignages et des succès étaient partagés, il était évident que les jeunes gagnaient non seulement en confiance et développaient leurs facultés de communication, mais qu’ils aidaient aussi d’autres autour d’eux à faire de même. d’autres enfants ayant traversé les mêmes épreuves peuvent se sentir. Elle a apporté un soutien aux Assistants de Pairs du PPJ opérant dans les écoles et les abris, et a ressenti une fierté que ces jeunes lui aient fait confiance et aient compté sur elle. Mira a fourni un effort particulier pour toucher les jeunes filles qui, comme elle, étaient dans un premier temps peu disposées à dialoguer avec les autres. Elle a utilisé les techniques qu’elle avait apprises pour atteindre les jeunes individus insensibles ou agressifs en les invitant à participer aux micro-projets, de danse, de théâtre et de discussion de groupe. Mira a voyagé à Genève, en Suisse, pour participer à un événement international de défense des droits, qui l’a aidée à réaliser qu’elle avait un message universel à transmettre. Mira sait maintenant que les chefs ne sont pas toujours des personnes connues. On peut les trouver parmi des gens de toute condition sociale, exactement comme elle. Les cas comme celui de Mira ont été documentés au cours de la démarche d’identification des bonnes pratiques. Il est apparu que le projet a eu un impact sur la vie des enfants à quatre niveaux : • Protection de l’enfance; • Création de liens entre les jeunes travaillant sur le terrain et défense effective des droits au niveau national et international ; • Développer le sentiment d’autonomie, de confiance en soi et de dignité ; • Briser le silence, les tabous, les stigmates et la discrimination autour de l’ESEC. Conclusion Le PPJ Asie du Sud a clairement démontré que, lorsque l’occasion leur est donnée, les enfants rescapés peuvent jouer un rôle important et crucial dans le combat contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Ces jeunes sont en position unique pour plaider auprès de leur gouvernement en faveur d’une législation plus forte et de meilleures prestations sociales pour les enfants. Ils sont également capables d’informer leurs pairs pour les aider à se protéger et à développer des stratégies interactives et adaptées aux enfants de diffusion de messages de prévention de l’ECSEC parmi les plus vulnérables et dans les communautés. L’approche proposée par le PPJ peut être mise en œuvre dans d’autres pays et ECPAT travaille étroitement avec les jeunes et les partenaires du projet pour développer les modèles reproductibles et les lignes directrices destinés à d’autres organismes travaillant avec les anciennes victimes et les jeunes en situation de risque. Les jeunes du PPJ sont désireux d’être des mentors, de participer au renforcement des capacités et de partager leurs expériences avec d’autres organisations et des jeunes, de sorte que ces techniques innovatrices puissent être mises en place dans d’autres régions du monde. Nous voulons que les voix des ces jeunes soient entendues grâce à la publication des Bonnes Pratiques du PPJ et par d’autres moyens que le projet a conçus pour inspirer les différents acteurs et responsables à respecter et à faire respecter pleinement les droits des enfants. 39 Interventions différenciées et ciblées dans la lutte contre la traite des enfants à des fins sexuels Par : Mark P. Capaldi, ECPAT INTERNATIONAL, Directeur adjoint, Programmes Résumé 40 Introduction psychologique, spirituel, émotionnel et social et pour leur bien-être général. Il existe trois formes primaires et interdépendantes d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales: la prostitution enfantine, la pornographie enfantine et la traite d’enfant dans un but sexuel. Les autres formes d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales comprennent notamment le tourisme sexuel impliquant des enfants et certains types de mariages d’enfant (où une rémunération est donnée en échange d’un enfant en mariage). Le dénominateur commun de toutes ces manifestations de l’ESEC est qu’il y a un échange par lequel une ou plusieurs parties tirent un revenu - argent liquide, biens ou services en nature - de l’exploitation à buts sexuels d’un individu âgé de moins de 18 ans. L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ECSEC) est une des pratiques criminelles les plus honteuses et une violation abjecte des droits et de la dignité des enfants. Ces crimes contre les enfants peuvent avoir des conséquences graves pour leur développement physique, Le trafic d’enfant peut être considéré comme un problème à facettes multiples lié à différents genres de violations des droits de la personne. L’OIT estime qu’il y a environ 1,2 million d’enfants trafiqués dans le monde chaque année.1 Les victimes du trafic peuvent être exploitées et utilisées pour la Tiré de l’expérience d’ECPAT à travers le monde, cet article souligne les différences entre le trafic d’enfant pour l’exploitation sexuelle et le problème plus large du trafic de personne, et explique la nécessité d’agir en prenant en compte les besoins spécifiques des enfants. La nécessité de fournir une meilleure protection légale et une aide psychosociale adaptée aux enfants victimes, tout en poursuivant les trafiquants au moyen d’une législation et d’une utilisation efficiente des ressources politiques et gouvernementales. ____________________________ 1 OIT, A Future without Child Labour, Genève. 2002, p.32. contrebande (de drogues, par exemple), la mendicité, le vol d’organe, l’adoption illégale, le travail forcé et pour l’exploitation sexuelle. Ce qui définit clairement la traite de personne est que la victime du trafic est destinée à être exploitée par ceux qui prennent part à l’organisation de son déplacement d’un endroit à un autre. Tandis que des enfants sont trafiqués pour plusieurs raisons, de nombreux cas dans le monde montrent que les adolescents sont souvent trafiqués pour des motifs sexuels.2 Beaucoup de ces crimes sont liés entre eux. Des enfants peuvent être trafiqués et asservis dans les maisons closes où ils sont quotidiennement exploités dans la prostitution. De même, le tourisme sexuel impliquant des enfants peut alimenter le trafic. Le trafic d’enfant a été également relié à la production et à la distribution de pornographie enfantine, suite à l’utilisation croissante des technologies de l’information et des communications (TIC) et d’Internet par les criminels. Néanmoins, réponde efficacement à ce problème exige une compréhension claire par toutes les parties prenantes des diverses formes et composantes de l’ESEC, de sorte que des interventions différenciées en matière de prévention et de protection puissent être mis en œuvre. Par exemple, des enfants et les femmes sont souvent groupés ensemble dans les actions et les politiques développées contre le trafic. Cependant, là où les enfants sont victimes de la traite de personne, il devient bien plus difficile de combattre le problème parce que les enfants ont des besoins spécifiques et les soins qui leur seront prodigués seront différents de ceux des victimes adultes. En outre, les droits des enfants exigent une protection propre comme le montre la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE). Si l’on ne tient pas compte de cette spécificité, il y a de fortes chances que plus de mal soit causé. ECPAT International, un réseau d’organisations qui se consacrent à la lutte contre l’ESEC dans plus de 70 pays dans le monde, prône une meilleure compréhension des formes multiples de l’ESEC (dont l’une des manifestations est le trafic d’enfant dans un but sexuel) de sorte que soient définies et menées des interventions appropriées et une assistance adéquate. ECPAT International, un réseau d’organisations qui se consacrent à la lutte contre l’ESEC dans plus de 70 pays dans le monde, prône une meilleure compréhension des formes multiples de l’ESEC (dont l’une des manifestations est le trafic d’enfant dans un but sexuel) de sorte que soient définies et menées des interventions appropriées et une assistance adéquate. Stratégies permettant d’améliorer la prévention potentiellement exposées au trafic dans un but d’exploitation sexuelle, remettant ainsi en cause les stéréotypes sexistes qui supposent souvent que les adolescents sont des ‘cibles légitimes’ pour les auteurs ____________________________ 2 ECPAT Europe Law Enforcement Group: East West Research on Trafficking in Children for Sexual Purposes in Europe: The Sending Countries. Pays-Bas, 2004. 41 42 d’abus sexuels en raison de la maturité sexuelle ou de la beauté perçues des jeunes filles.3 Si des enfants sont trafiqués d’un pays à l’autre pour l’exploitation sexuelle, il est particulièrement important de mettre en œuvre des actions de sensibilisation anti-trafic en faisant campagne dans les langues appropriées et ciblant l’origine, le transit et les pays de destination finale des enfants trafiqués. Les emplacements principaux pour de telles campagnes comprennent les bureaux d’immigration, les aéroports, les terminus des transports en commun, les postes-frontières, les zones urbaines et les sites touristiques. Le personnelclé dans ces emplacements (tels que les douaniers, les patrouilles frontalières, les officiers de police, les travailleurs sociaux et les personnels médicaux) devraient être formés à un contrôle systématique des signes qui peuvent indiquer qu’un enfant est une victime de la traite (par exemple, les faux papiers ou les documents de transport manquants, le jeune n’a pas accès aux services médicaux, il est impliqué dans la prostitution, il ne parle pas la langue locale ou est d’un pays connu pour le trafic de personne, la personne qui prend le jeune en charge a fait des demandes de visa au nom de beaucoup d’autres, etc.) 4 Sensibiliser au moyen de ressources fondées sur des connaissances solides qui soient accessibles aux enfants et aux jeunes vulnérables présente de nombreux avantages. En Ukraine (pays de transit et de destination des enfants trafiqués pour l’exploitation sexuelle), le La Strada Ukraine Centre (membre de la coalition ECPAT dans le pays) soutient un service téléphonique national gratuit dédié au trafic de personne et a créé une équipe d’opérateurs régionaux de service téléphonique spécialisé dans le trafic d’enfant et l’ECSEC.5 A ce titre, les enfants victimes ou en situation de risque ont plus facilement accès à un éventail de services d’assistance intégrée, allant de l’information sur des règles de sécurité permettant aux jeunes de se responsabiliser quant à la protection contre la traite de personne et l’exploitation sexuelle, à l’information sur la façon dont on peut accéder à une aide médicale, à l’assistance psychologique et à une aide juridique selon les besoins. Dans les régions du monde où les ressources disponibles pour combattre l’ECSEC sont encore plus rares, des moyens plus traditionnels pour la prévention s’appuyant sur des techniques d’utilisation des mass médias seront employés. L’Asie du sud, qui a la mauvaise réputation d’être la région comptant le plus grand nombre d’enfants victimes du trafic, en est une illustration. En Inde, les chiffres pour les enfants forcés à se prostituer s’étend de 270 000 à 400 000 6 et on l’estime qu’il y a approximativement 10 000 à 29 000 victimes d’ECSEC au Bangladesh (avec 40 000 enfants bangladais en plus impliqués ____________________________ ECPAT International. Distilling Elements of Good Practice: The Action Programme against Trafficking in Minors for Sexual Purposes. 2007 ECPAT Europe Law Enforcement Group Programme against Trafficking in Children for Sexual Purposes. Combating the Trafficking in Children for Sexual Purposes: Questions and Answers. 2006. 5 Ibid. 6 CWIN. State of the Rights of the Child in Nepal 2004. National Report on the Implementation of the Convention on the Rights of the Child. Nepal, 2004. 3 4 dans la prostitution au Pakistan 7). Dans ces pays, la pauvreté est un facteur destructeur qui aggrave la vulnérabilité des enfants à l’exploitation sexuelle, qui, par conséquent, affecte la capacité des états et de la société civile à fournir des services fondamentaux. Dans de telles circonstances, les campagnes de prévention dépendent des systèmes locaux pour toucher davantage d’enfants vulnérables. Des moyens innovants de communication, utilisant souvent les formes d’art local telles que le théâtre de rue, le théâtre de marionnettes et les danses folkloriques sont employées dans le travail de sensibilisation à la question de la traite de personne. L’enjeu est de s’assurer que ces programmes sont organisés et conduits d’une façon durable et suffisamment clairs pour instruire les enfants sur leurs droits et pour leur donner les outils pratiques qui leur permettront d’améliorer leur propre protection (et dans le même temps, traiter un sujet considéré comme sensible et tabou dans plusieurs de ces cultures). être réellement protégés contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales s’il existe des lois spécifiques qui définissent précisément et criminalisent les différentes formes de cette exploitation. Cibler et renforcer les forces de la loi Bien que le Protocole additionnel relatif à la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (PAVE) 10 ne mentionne pas spécifiquement la traite des enfants, il fait référence à la ‘vente des enfants’ et sert ainsi de mécanisme international des droits de l’homme pour mettre en relief les différentes manifestations de Des interventions différenciées pour lutter contre toutes les formes de l’ECSEC seront d’autant plus efficaces si elles s’appuient sur des lois qui traitent spécifiquement ces crimes sous toutes leurs formes. L’expérience d’ECPAT montre que des enfants peuvent Dans le cas du trafic des enfants dans un but sexuel, la convention internationale la plus pertinente, qui donne une définition précise du trafic et donne les grandes lignes d’un système général d’application des lois, est le Protocole des Nations Unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, qui est entré en vigueur en décembre 2003 8 (117 pays l’ont signé depuis, et parmi eux, 110 pays ont ratifié le Protocole). 9 Toutefois, dans beaucoup de pays, le droit national sur le trafic des enfants dans un but sexuel ne reprend pas tous les actes que le Protocole considère comme du trafic et il est encore nécessaire d’assurer la mise en vigueur, l’adaptation ad hoc et l’appropriation locale du cadre juridique international dans chacune des législations nationales. ____________________________ ECPAT International, Global Monitoring Report on the status of action against commercial sexual exploitation of children - (Bangladesh), 2006, www.ecpat.net 8 G.A. res. 55/25, annex II, 55 U.N. GAOR Supp. (No. 49) at 60, U.N. doc. A/45/49 (Vol. I) (2001). 9 Site Internet du Bureau des Nations Unies sur les Drogues et la Criminalité (UNODC). Visité le 7 décembre 2006 sur http://www.unodc.org/unodc/ crime_cicp_signatures_trafficking.html 10 G.A. res. 54/263, annex II, 54 U.N. GAOR Supp. (No. 49) at 6, U.N. doc. A/45/49 (Vol. III) (2000). Entrée en vigueur le 18 janvier 2002. 7 43 l’ESEC, y compris le trafic dans un but sexuel. Divers organismes régionaux ont également développé les instruments régionaux contre le trafic, 11 bien que leur impact soit généralement inégal. 44 Il est évident cependant qu’une intelligence commune du crime du trafic d’enfant, incorporée dans des définitions légales qui soient cohérentes parmi les nations et conformes aux normes juridiques internationales, est nécessaire pour agir avec détermination. Des définitions et une compréhension limpides des éléments qui composent ces crimes facilitent le travail de la police et les différentes formes d’exploitation auxquelles le trafic (qu’il soit transfrontalier ou domestique) peut mener- y compris l’ESEC - devraient être couvertes. Des éléments spécifiques aux enfants (par exemple le fait qu’un enfant n’ait pas besoin de produire les preuves d’usage de moyens coercitifs ayant servi à vicier son consentement) et les dispositions qui comprennent la protection à la fois des filles et des garçons doivent être couverts. Une procédure légale adaptée aux enfants devrait être institutionnalisée, et devrait comprendre la formation des autorités d’application des lois (notamment la police, les juges et les avocats) sur des crimes de l’ESEC, les droits de l’enfant et les démarches de protection de l’enfance pour empêcher davantage de traumas aux anciennes victimes. Disposer d’un processus légal adapté aux enfants garantira aussi d’obtenir les preuves de façon plus efficace. Les systèmes légaux existants dans la plupart des pays ne sont pas adaptés aux enfants victimes et leurs besoins particuliers sont souvent ignorés. Par exemple, la plupart des enfants victimes n’ont pas connaissance du vocabulaire technique usité au cours des investigations légales. Quand un agent chargé de faire appliquer la loi communique avec un enfant, on suppose que l’enfant comprend les questions qui lui sont posées, alors que ceci n’est peut-être pas souvent le cas. Pour les enfants, il est important de poser la bonne question de façon simple et appropriée à leur âge et leur développement. De tels malentendus avec les enfants dans le milieu légal affectent le recueil des preuves et réduisent le taux de condamnation. En dépit des efforts gouvernementaux actuels et de l’avancée légale d’adopter la législation anti-trafic et de poursuivre des auteurs de crime, l’analyse mondiale réalisée par ECPAT suggère que le nombre de trafiquants condamnés demeure réduit. Un autre préoccupation est que les politiques anti-trafic favorisées par des gouvernements dans beaucoup de pays abordent toujours le problème de la traite de personne tellement largement que l’identification et le référencement des enfants victimes ont parfois pour conséquence que les enfants soient traités à tort comme des migrants illégaux et, par suite, ne reçoivent pas l’aide dont ils ont besoin (même si celleci existe). ____________________________ 11 Par exemple : Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et l’abus sexuels ; prévention et la lutte contre le trafic des femmes et des enfants pour la prostitution. Assistance efficace aux victimes Les enfants qui ont été des victimes du trafic dans un but d’exploitation sexuelle auront gravement souffert physiquement, psychologiquement et émotionnellement, à tel point que leur habileté à vivre pleinement pourra être affectée. En tant que victimes de la traite, ils peuvent également endurer le rejet au sein de leur famille et communauté quand ils retournent chez eux. Les divers effets sur les enfants qui peuvent résulter de l’exploitation sexuelle incluent les problèmes de santé liés aux blessures des violences physiques ou sexuelles, les maladies sexuellement transmissibles et la contraction du VIH/SIDA, ou la grossesse et les complications connexes pour les filles. Les effets sur la santé mentale et les séquelles émotionnelles peuvent aller de la dépression, du sentiment de culpabilité et de honte, à la perte de confiance en soi, en passant par la perte d’amour-propre et divers autres symptômes causés par le stress. Ces facteurs constituent autant de défis pour ceux qui délivrent les soins et aident à identifier et réhabiliter les enfants victimes du trafic dans un but sexuel, dans la mesure où leurs conséquences sur le comportement se manifestent par des attitudes considérées comme antisociales, de méfiance, de dépendance à des substances ou fondée sur une conception plus matérialiste de la vie (ceci est souvent en contraste avec les enfants victimes d’abus sexuels qui sont souvent vus comme plus retirés, plus craintifs du contact sexuel et semblent souvent plus introvertis, retirés et silencieux). Les enfants victimes de l’exploitation sexuelle peuvent ainsi refuser l’aide ou l’assistance qui leur est offerte en dépit du mal qu’ils ont enduré, par crainte de divulgation, de représailles, ou de la criminalisation. Ces enfants doivent donc passer par un processus d’interventions thérapeutiques (car il y a de nombreux types d’approches utilisées qui ne sont pas uniquement cognitives, mais qui, par exemple, relèvent de la thérapeutique comportementale par nature) pour les aider à reconnaître et à transformer l’expérience de victime avant que le processus de guérison puisse continuer. Dans le cas des enfants qui ont été trafiqués, ceci signifie généralement qu’ils sont placés dans un centre de soin temporaire où les services spécialisés d’assistance sociale, assurés par du personnel compétent, permettent d’évaluer les implications des actes sexuels subis dans le cycle du trafic. Tout enfant trafiqué a le droit à la sécurité et aucun enfant ne devrait être renvoyé dans son pays ou lieu d’origine ou dans sa famille sans que des soins lui aient été apportés ni sans les mesures appropriées ou si cela n’est pas dans son meilleur intérêt. Les soins alternatifs devraient être disponibles et l’avis de l’enfant pris en compte. En Asie du sud, des groupes du réseau ECPAT gèrent des logements provisoires installés dans les zones à haut risque (particulièrement les zones frontalières) qui servent d’abri temporaire aux enfants sauvés des maisons closes et d’établissements semblables. Pendant leur séjour, les enfants reçoivent une assistance psychosociale, une instruction extrascolaire, passent des visites médicales pour déterminer leur état de santé, et font l’objet d’un dossier de gestion de cas. Des services similaires 45 sont fournis par des groupes d’ECPAT en Amérique latine. L’ONG Raices au Chili et ECPAT Guatemala administrent des centres d’accueil/logements provisoires où les enfants victimes reçoivent un traitement individuel ; intervention de crise ; assistance psychosociale individuelle et en groupe ; soutien entre pairs ; aide juridique; activités de loisir telles que le théâtre; soutien scolaire ; activités de sensibilisation ; et service pour retrouver la trace des membres de la famille. Les interventions thérapeutiques font généralement partie d’un démarche d’ensemble où la thérapie renforce et est renforcée par d’autres types d’activité. Beaucoup de groupes utilisent différentes formes de thérapie dans 46 leurs programmes, convaincus que la guérison du mal doit avoir lieu à plusieurs niveaux agissant sur les différentes dimensions de l’expérience. Par exemple, certains programmes utilisent la thérapie de la danse pour aider des enfants à redécouvrir leur corps d’une manière différente des formes plus traditionnelles de la thérapie permettant de retrouver de l’estime par rapport à leur être physique. Des interventions thérapeutiques comportementales cognitives sont également utilisées lorsque celles-ci peuvent aider à résoudre les logiques de comportements autodestructeurs ou les dépendances qui résultent des mécanismes d’adaptation. La réussite de la guérison et la de réhabilitation psychosociales peut dépendre également de l’utilisation de ressources culturelles positives, telles que la spiritualité, les rituels, les activités culturelles ou établir des stratégies socialement culturellement intégrées pour rétablir les liens sociaux avec autrui.12 Après rapatriement, l’appui continu à la réintégration des enfants, qui comprend la réhabilitation psychosociale, l’éducation scolaire ou extrascolaire, les services d’aide à une autonomisation financière, etc., est nécessaire. Il est particulièrement important de faire des visites de suivi et de surveillance pour aider les enfants à éviter d’être trafiqués de nouveau. Cependant, une étude récente menée par ECPAT sur les divers aspects de l’aide apportée aux enfants victimes du trafic établit qu’il y a un manque alarmant de soins professionnels spécialisés pour les enfants vulnérables à l’exploitation sexuelle à des fins commerciales ou qui en sont victimes, dans la plupart des régions du monde.13 En conséquence, l’identification et la coordination entre les agences compétentes pour venir en aide aux enfants victimes sexuellement exploités et, dès lors, le soin et la réhabilitation pour des enfants victimes de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales ne sont pas suffisamment différenciés pour répondre aux besoins de ces enfants vulnérables. On constate aussi souvent que les services de soutien offerts aux enfants victimes varient rarement de ceux donnés aux victimes adultes. En outre, la quasi-absence de programmes dispensant les soins et l’assistance à la réadaptation pour les garçons victimes est également observée, ____________________________ 12 13 Procacio-De Castro, Elizabeth. Integrating Indigenous knowledge and practices into psychosocial help. 2002 Rapport d’ECPAT au Rapporteur Spécial, 2007 en dépit du fait que l’on a largement identifié que l’exploitation sexuelle à des fins commerciales touche de même les garçons.14 Participation des enfants et des jeunes La participation des anciennes victimes de l’ESEC et des jeunes et des enfants à risque dans la lutte contre le trafic mérite une mention particulière. L’expérience d’ECPAT International à cet égard, en particulier les initiatives pour contrebalancer les effets de l’ESEC avec les enfants qui ont survécu à l’exploitation sexuelle, a démontré que la participation des enfants crée des opportunités pour qu’ils aient un rôle de leader dans leurs communautés ou organisations, et les aide à construire leur capacité de résilience et devenir autonomes, tout en favorisant dans le même temps la mobilisation sociale pour combattre la violence et l’exploitation sexuelles. Le Projet de Partenariat avec la Jeunesse d’ECPAT, qui s’adresse aux enfants victimes de l’ESEC en Asie du sud (Bangladesh, Inde et Népal), est un bon exemple d’une initiative originale qui a pour objectif de créer un impact psychosocial positif et d’améliorer ainsi la vie des anciennes victimes de l’ECSEC. Grâce à la participation, les programmes de soutien entre pairs, les campagnes de sensibilisation des communautés et de défense des droits, de nombreuses anciennes victimes et des jeunes à risque ont rejoint des les rangs des partenaires du projet, plutôt que de compter parmi les bénéficiaires d’assistance sociale. Cette approche ciblée est particulièrement efficace chez les anciennes victimes de l’ECSEC, dont beaucoup se sont habituées à l’indépendance et sont actives lorsqu’il s’agit de saisir des opportunités de leadership. Les jeunes qui jusque là étaient insensibles aux actions de proximité et d’assistance psychosociale ont fait de remarquables progrès après avoir participé au projet. Malheureusement, la mise en place et les succès d’une participation significative des enfants et des jeunes victimes de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales a été inégale dans d’autres régions du monde. Dans le cas des enfants africains anciennement victimes de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, la participation a été lente et difficile en raison des discriminations liées à la nature de leur victimisation. Néanmoins, certains groupes ECPAT en Afrique ont proposé des solutions innovatrices et créatives pour travailler avec les jeunes. Leur participation active aide les enfants à conforter leur résilience et leur force intérieure et à surmonter les séquelles émotionnelles et physiques. Quelques exemples d’initiatives: Kiwohede en Tanzanie, qui dispense des micro-prêts aux victimes d’ESEC pour démarrer un commerce afin des les aider à s’intégrer dans leur communauté ; en Afrique ____________________________ 14 ECPAT International. Stockholm, Yokohama and Beyond: 10 Years of Global Action Fighting CSEC. (Prostitution of Boys, a shocking truth for South Asia, p. 23). 2006 47 48 du Sud, la filiale d’ECPAT a un partenariat avec l’Université de Johannesburg pour fournir une aide psychosociale aux victimes de l’ESEC au moyen de leur projet original ‘Projet Valise’ (dans ce projet, le processus de guérison consiste à faire dessiner les enfants ou leur faire écrire des poèmes sur leurs expériences pour ensuite les placer dans une valise qu’on verrouille pour prendre un nouveau départ, débarrassé de l’exploitation) ; et au Cameroun, ASSEJA travaille avec les enfants et les jeunes pour leur faire prendre conscience des dangers de l’ESEC grâce aux clubs d’enfants ou de jeunes et grâce aussi aux parlements des jeunes, qui ont contribué à l’adoption d’une loi contre le trafic, en plaidant efficacement et avec persévérance en faveur de cette cause. L’utilisation de procédés plus créatifs par la participation active des enfants et des jeunes est ainsi une approche thérapeutique propre à impliquer les enfants victimes dans leur propre guérison. Le but est généralement de créer un espace pour les jeux, le théâtre, la créativité, de travailler sur une image positive et de responsabilité et sur l’expression individuelle pour aider les enfants à surmonter leurs expériences traumatiques. Ces approches doivent toutefois être complétées par l’apprentissage du leadership et de savoir-faire sociaux et par des liens ou des opportunités pour la formation professionnelle ou la micro entreprise, de sorte que les enfants puissent briser le cycle de l’exploitation. Conclusion En l’absence d’identification des types spécifiques d’exploitation et du contexte dans lequel elle se produit, les interventions pour la prévention, la protection, la réhabilitation et la réintégration sont difficilement appropriées et efficaces. Tandis que les mesures de protection des enfants contre le trafic dans un but sexuel doivent être spécifiques et ciblées, ces actions doivent également faire partie d’un effort plus global et complet pour assurer le respect des droits des enfants ; dans le cas contraire, la vulnérabilité des enfants à l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et le risque d’être à nouveau trafiqué n’en seront qu’exacerbés. Les femmes et les enfants (surtout les filles) sont souvent compris dans un groupe unique dans les dispositions et les politiques développées contre la traite. Cependant, les garçons et les filles victimes du trafic ont des besoins spécifiques qui doivent être satisfaits et les soins dont ils ont besoin diffèrent de ceux des victimes adultes. Les conséquences du trafic dans un but d’exploitation sexuelle à des fins commerciales affectent le bien-être et le développement de l’enfant, menant à de graves effets sur le développement physique, psychologique, spirituel, émotionnel et social qui peuvent subsister durablement à l’âge adulte. Le théâtre, la danse, la musique, la thérapie par l’art et l’exploration et le soutien spirituels sont parmi les approches thérapeutiques innovantes pour faciliter la guérison et la réhabilitation des enfants victimes de l’exploitation sexuelle. Le travail d’ECPAT avec les anciennes victimes de l’ECSEC a prouvé que leur propre participation comme soutien à leurs pairs ou comme activistes de la jeunesse peut encourager les jeunes à transformer une image de soi négative et à devenir un instrument puissant en renforçant la résilience, la responsabilisation et la protection des victimes. Des campagnes de sensibilisation qui intègrent des activités culturelles et d’autres moyens créatifs s’appuient sur le talent des jeunes pour présenter efficacement l’information au public, d’une façon qui soit attractive et qui touche les communautés locales. Il subsiste un manque de services spécialisés pour le soin et la protection des enfants vulnérables ou victimes du trafic dans un but sexuel. Les organisations du réseau ECPAT autour du monde travaillent intensément pour fournir les soins directs et le soutien aux enfants victimes de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales avec la ferme conviction que les enfants victimes du trafic ont des besoins particuliers, afin d’assurer le rétablissement immédiat des droits des victimes et de leur redonner toutes les chances de s’accomplir personnellement à long terme. 49 Les liens entre la traite des enfants à des fins sexuelles et d’autres types d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales Par : Patchareeboon Sakulpitakphon, Associé pour la Lutte contre le Trafic et le Tourisme Sexuel Impliquant des Enfants 50 La traite d’enfant est une forme spécifique et une partie du trafic de personnes commis contre les membres les plus vulnérables et les moins protégés de la société. C’est un crime grave qui ne connaît pas de frontière et est à l’origine de situations qui privent des enfants de leurs droits fondamentaux. Le mal causé par la traite a un effet dévastateur sur la vie des enfants, provoquant souvent des blessures physiques et émotionnelles profondes et conduisant à des traitements inhumains comme les violences corporelles, le viol et même la mort. Beaucoup d’articles se sont focalisés sur la question générale du trafic de personne, expliquant le problème, identifiant les motifs (tels que le besoin de main d’œuvre, l’exploitation sexuelle, l’adoption, ou la greffe d’organes) et recommandant des mesures pour combattre cette forme moderne d’esclavage. Il y a différentes estimations de l’étendue et l’importance de la traite d’enfant et les Nations Unies considère que 1,2 million d’enfants sont victime de traite chaque année.1 Cependant, peu d’attention est portée à la décomposition des données pour différencier les diverses formes et causes du trafic, ou le sexe et l’âge des victimes. La traite d’enfant à des fins sexuelles est une manifestation de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC). A ce titre, elle présente un caractère multiple qui exige une analyse spécifique permettant d’obtenir une compréhension et une identification des éléments distincts qui la composent et peut affecter la protection des enfants contre ce crime. Discerner les expériences et le mal spécifiques vécus par les enfants est essentiel pour s’assurer que des stratégies adéquates sont déterminées pour prévenir, combattre et répondre aux diverses formes et conséquences de ces violations. Cet article étudiera ainsi les liens entre la traite d’enfant à buts sexuels et d’autres types d’ESEC, donnant un cadre d’analyse à l’idée que la lutte contre le trafic doit faire partie d’un effort général de respect des droits des enfants. Il mettra également en exergue les bonnes pratiques des initiatives anti-trafic destinées à protéger les enfants et les jeunes contre les différentes formes de l’ESEC. Pour finir, des recommandations seront données concernant l’action nécessaire pour protéger efficacement les enfants, en tenant compte de leur situation et de leurs besoins uniques à la lumière des ____________________________ 1 Organisation des Nations Unies, Special Session for Children, Experts share strategies to stop child trafficking, New York, 2002 différentes violations auxquelles ils peuvent faire face tout au long du processus de la traite. Concepts-clés et terminologie de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Comme le trafic d’enfant dans un but sexuel est une forme d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, il est utile de définir les concepts et les termes-clés qui s’y rattachent: L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC) est définie par ECPAT International comme l’abus sexuel perpétré par un adulte en échange d’une rémunération en espèces ou en nature donnée à l’enfant ou à un tiers ou à d’autres personnes; l’enfant est traité comme un objet sexuel et commercial pour réaliser des profits. Un enfant est toute personne âgée de moins de18 ans, comme le définit par la Convention relative aux Droits des Enfants des Nations Unies (CDE). L’ESEC constitue une forme de violence contre l’enfant et est une pratique criminelle qui viole gravement les droits des enfants. Le consentement n’est pas considéré comme pertinent parce que la victime est un enfant et, comme tel, celui-ci a besoin d’une protection spéciale contre des actions ayant des conséquences non entièrement connues ou comprises et auxquelles il ne peut donc pas consentir. Les auteurs de crime emploieront souvent la coercition, la tromperie et la violence pour contrôler et manipuler l’enfant afin de l’exploiter, conduisant un enfant ou un jeune dans une situation d’abus tout en proclamant que ce dernier en avait connaissance et y a consenti. Les formes principales de l’ESEC sont la prostitution enfantine, la pornographie enfantine, la traite des enfants à buts sexuels, le tourisme sexuel impliquant des enfants (un sous-ensemble de la prostitution enfantine) et certaines formes de mariage d’enfant. 2 La définition la plus largement reconnue et légalement adoptée au niveau international est celle du trafic d’enfant donnée par le Protocole de l’ONU visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, qui définit le trafic comme tout acte participant au recrutement, transport, transfert, hébergement ou à la réception des enfants ou à l’intérieur ou au-delà des frontières à des fins d’exploitation. S’agissant du trafic d’enfant, il ne comporte pas nécessairement l’usage de la menace, de la force, ou d’autres formes de coercition, ou de l’abus de pouvoir. Comme avec la définition de l’ECSEC, la question du consentement de l’enfant n’est pas pertinente. ____________________________ 2 Le mariage d’enfant peut être considéré comme une forme d’exploitation sexuelle commerciale quand un enfant est offert en mariage dans un but sexuel et donnant lieu à un échange de marchandises, un paiement en espèces ou en nature (ECPAT International Child/Early Marriage : Shades of Grey 2006) 51 Également conforme à la CDE, pour cette définition, un enfant est tout individu âgé de moins de18 ans. Lorsqu’on la différencie avec les autres formes de l’ESEC, la traite d’enfant à buts sexuels implique spécifiquement le transfert intentionnel ou le mouvement d’un enfant vers une certaine destination, et la personne responsable peut être qualifiée de trafiquant si l’exploitation est l’objectif ultime. Le trafic comporte trois phases dans le processus de déplacement d’un enfant : l’origine (d’où l’enfant vient), le transit (le déplacement de l’enfant) et la destination (l’endroit final où arrive l’enfant). Le trafic se distingue de la contrebande et de la migration illégale par l’intention d’exploiter les victimes. 52 La traite d’enfant pour l’exploitation sexuelle est considérée comme une forme de l’ESEC surtout en raison du fait l’enfant est trafiqué dans l’objectif de tirer profit de l’exploitation sexuelle. Comme avec la plupart des victimes du trafic, les enfants victimes ne sont pas vues par les trafiquants comme des êtres humains avec des droits, mais comme des biens commerciaux susceptibles de produire de grands profits, que ce soit sous forme d’argent, de biens ou de services. Une étude récente commanditée par le Secrétaire Général de l’ONU montre l’importance et l’impact de la violence contre des enfants, en indiquant que l’on a affaire à un phénomène mondial considérable et grave. L’étude rapporte que tandis que l’abus sexuel des enfants est souvent commis par une personne connue de la famille, la violence sexuelle et l’exploitation est présente dans tous les environnements où l’on trouve des enfants, comme les établissements scolaires, les lieux de travail et les communautés dans lesquelles ils vivent. L’étude révèle également que le seul fait d’être mineur prédispose de façon significative un enfant au risque de violence, d’abus et d’exploitation. Tandis que cette réalité affecte les enfants dans le monde entier, elle prend un caractère spécifique selon les groupes d’âge, le genre et le contexte socio-économique de l’enfant. Par exemple, alors que le risque d’abus physique s’avère plus élevé pour les enfants plus jeunes, le risque d’abus sexuel et l’exploitation, bien qu’également commis contre les enfants plus jeunes, augmente de manière significative à partir de l’âge de 10 ans et est un risque plus grand chez les filles de tous âges et dans tous les pays. Dans ces circonstances, il est important de replacer notre compréhension de l’action nécessaire pour protéger les enfants contre le trafic dans le cadre général de la protection de l’enfance. Quand les enfants vivent dans les conditions où il n’existe pas de dispositif de protection, ils sont plus vulnérables et susceptibles d’être pris au piège de situations d’exploitation. Les risques augmentent quand les enfants doivent chercher un abri, de la nourriture, des produits de première nécessité, du travail, ou quand ils sont obligés de compléter les revenus de subsistance pour eux-mêmes ou leur famille ou pour consommer le flot de marchandises qui leur sont agressivement proposées. Les trafiquants et les adultes qui facilitent l’accès aux enfants pour le trafic exploiteront ces vulnérabilités et abuseront du rapport de force entre un adulte et enfant afin de manipuler et duper des enfants. Tandis que l’offre des enfants pour l’exploitation sexuelle est facilitée par l’insuffisance de la protection qui leur est offerte, la demande de ceux qui cherchent des enfants pour des motifs sexuels alimente la participation des intermédiaires à tous les niveaux, qui se tiennent prêts à en tirer profit en favorisant une telle exploitation. Des enfants victimes peuvent être forcés à endurer une exploitation sexuelle répétée pour satisfaire cette demande et pour maximiser les revenus de ceux qui facilitent l’accès aux enfants. La prostitution enfantine, le tourisme sexuel impliquant des enfants, la pornographie enfantine et certaines formes de mariage d’enfant sont des phénomènes rencontrés dans le monde entier. La traite d’enfant est un crime transnational et fait partie du côté vicieux de la globalisation, où l’offre et la demande des enfants n’est rien d’autre qu’un marché où le commerce n’a pas de frontière géographique ou financière. Dans le même temps, les exploiteurs découvrent que l’Internet et les nouvelles technologies de l’information et des communications (TIC), qui manquent d’objectif en matière de protection de l’enfant, peuvent amplement augmenter les opportunités de rentrer en contact avec des enfants et de les influencer pour les exploiter. Ils ont constaté que d’énormes bénéfices peuvent être générés à partir de la demande mondiale d’images d’abus sexuels sur enfant et d’autres formes d’exploitation préjudiciables aux enfants qui sont facilitées par ces médias. Par exemple, un couple arrêté aux Etats-Unis réalisait un bénéfice annuel d’un million de dollars grâce à la vente de pornographie enfantine.3 Relier la traite des enfants à des fins sexuelles à d’autres formes d’ESEC Les cas d’ESEC impliquent habituellement plus d’une forme d’exploitation sexuelle. Parfois, en raison du chevauchement des différentes formes d’abus et d’exploitation commis contre un enfant, il peut être épineux de classifier les cas afin d’engager sans ambigüités des poursuites. Ce problème peut être aggravé par la confusion dans la compréhension des différences entre l’abus sexuel d’enfant, où l’enfant est utilisé comme objet pour la satisfaction sexuelle 4, et exploitation sexuelle commerciale des enfants, où l’enfant a été échangé pour en tirer profit, économiquement ou autre, à une tierce personne qui utilisera l’enfant pour des motifs sexuels. Ces confusions peuvent mener à l’identification erronée d’un délit et à recueillir des preuves inadéquates pour poursuivre les auteurs, ainsi qu’à des réponses inappropriées ou insatisfaisantes en termes de prévention, de protection, de réhabilitation ou de réinsertion, permettant de ce fait aux malfaiteurs d’échapper à la justice, et échouant à fournir l’aide nécessaire au rétablissement de l’enfant. Il est important d’analyser les aspects spécifiques des crimes sexuels contre des enfants afin d’en distinguer les similarités et les différences quand il faut des interventions différenciées et ciblées. Le cadre protecteur et la protection légale qui doivent être étendus aux enfants contre toute exploitation sexuelle, devraient être spécialement adaptés pour définir et ____________________________ 3 4 ECPAT International Make-IT-Safe FACT SHEET #1, www.make-it-safe.net/eng/pdf/IT Définie comme les contacts ou interactions entre un enfant et un adulte ou un enfant plus âgé ou mieux informé, où l’enfant est utilisé comme un objet de satisfaction des besoins sexuels de l’auteur de sévices ; l’enfant n’est pas vu comme un bien servant à réaliser un profit. 53 criminaliser tous les formes et aspects de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Traite d’enfants à des fins sexuelles et mariage d’enfant d’abus. Cependant, dans d’autres situations, ces arrangements sont convenus depuis des lieux éloignés d’un même pays ou bien d’un pays à l’autre. Bien que les mariages d’enfant impliquent les garçons comme les filles, les jeunes filles sont généralement destinées à des hommes sensiblement plus âgés. La pauvreté et la discrimination à l’égard des femmes sont parmi les facteurs qui incitent au mariage d’enfant. Bien que le mariage d’enfant soit particulièrement élevé en Afrique Subsaharienne, en Asie et au Moyen-Orient, il n’est pas limité aux pays en voie de développement. Par exemple, de 2001 à 2005, le UK Joint Home et le Ministère des affaires étrangères britannique ont traité 1,000 cas de mariages forcés, compromettant majoritairement des jeunes filles, parfois âgées de 13 ans à peine, qui avaient été trafiqués depuis l’Afrique et l’Asie. 5 Le trafic d’enfant en vue de mariage est un fait. ECPAT International identifie comme une forme d’exploitation sexuelle commerciale, le mariage d’un individu de moins de 18 ans en échange d’argent ou de services en nature, car c’est une transaction financière qui donne accès sexuellement à l’enfant dans le mariage. Dans de telles situations, ce sont les parents ou une famille qui donne leur enfant en mariage pour tirer un gain financier ou d’autres types d’indemnités de cet arrangement. Dans beaucoup de cas, le mariage d’enfant est arrangé entre les familles et au sein des communautés, des familles étendues ou des clans. Dans de telles circonstances, le trafic ne fait pas nécessairement partie de cette forme Dans les régions où le mariage d’enfant est couramment toléré et pratiqué, les enfants sont plus vulnérables à la traite. Cela est principalement dû au fait que les hommes cherchant des partenaires sexuels mineurs, peuvent avoir accès à eux par la légitimité du mariage. Les trafiquants, tenant à profiter de cette demande, tireront partie de la tolérance ou l’apathie sociale pour entraîner les enfants dans ce commerce. Les parents et les filles sont souvent victimes de ce procédé, croyant que les propositions de mariage bénéficieront à l’enfant autant qu’à la famille. En Inde, les recherches menées au Bengale Occidental rapportent des cas de trafiquants se faisant passer pour de futurs époux afin d’entraîner par la ruse des La corrélation entre le trafic d’enfant et les crimes de l’exploitation sexuelle sous ses diverses formes, peut donner lieu à un amalgame concernant les investigations et le traitement de ces crimes. Néanmoins, le travail d’ECPAT démontre que la distinction entre toutes les composantes des crimes commis contre les enfants dans le processus du trafic est essentielle à une action effective contre les auteurs et pour permettre de réagir avec pertinence et d’apporter le soutien approprié aux enfants victimes. 54 ____________________________ 5 Forced Marriage ‘could be banned’. BBC News. http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/politics/421 4308.stm jeunes femmes et des filles. Une fois mariées, les filles furent vendues puis trafiquées jusqu’à Bombay, à Dubaï ou dans le Cachemire pour y être exploitées sexuellement.6 En Asie du sud, ces mariages sont rarement enregistrés et sont souvent officieux, entravant par conséquent la recherche des jeunes filles et des trafiquants.7 Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, beaucoup de mariages d’enfant sont à durée limitée et connus sous le nom de« siqueh » ou « sigheh ». Ces arrangements à court terme sont destinés à contourner l’illégalité de la prostitution enfantine. 8 Les mariages siqueh peuvent durer quelques heures ou plusieurs années et sont officiées par à un mollah en échange d’une somme d’argent. Un homme peut avoir plusieurs épouses siqueh, en revanche une fille peut seulement avoir un mari, autrement elle risque d’être mise à mort.9 On pense que les trafiquants transportent des jeunes filles à travers le MoyenOrient pour ces mariages temporaires, les vendant à des individus ou à des maisons closes.10 Le danger supplémentaire pour les jeunes femmes piégées dans ce type d’union est qu’elles sont abandonnées par leur époux. Les filles mineures forcées dans ces mariages s’échappent ou affrontent le divorce demandé par leur mari, et, sans recours à la famille, se retrouvent dans l’indigence. De nouveau, elles deviennent alors des proies faciles pour les trafiquants ou les exploiteurs sexuels, qui promettent de les aider financièrement. Comme mentionné ci-dessus, dans le mariage d’enfant, les parents peuvent livrer l’enfant aux trafiquants pour peu qu’ils croient que la personne organisant l’arrangement verse une indemnité à la famille et à l’enfant. Bien que le mariage d’enfant puisse être interdit par loi, l’acceptation sociale et les usages peuvent donner la légitimité à de telles unions. Les éléments caractéristiques qui se rapportent aux crimes du trafic ou bien à l’exploitation sexuelle, que l’on retrouve fréquemment dans le mariage d’enfant, ne sont pas distingués lors de l’enregistrement ou des enquêtes de tels cas. Le manque de différenciation entre les crimes, distincts bien que corrélés, du mariage d’enfant, de l’exploitation sexuelle commerciale et de la traite de personne, a pour conséquence des mesures inadaptées voire l’absence de mesures pour contrecarrer ou punir ces méfaits. En outre, les enfants victimes de ces crimes manquent non seulement de recours légal mais également d’assistance psychosociale, étant donné que le système de valeurs dans la société tolère l’existence de telles pratiques et est peu sensible aux souffrances que les enfants ont vécues. ____________________________ 8 9 DAS, Antara. “Child Marriages, Trafficking on the Rise in West Bengal.” The Hindu Times. 19 juillet 2007. Aghi, Mira B. “Early Marriage in South Asia”, août 2007. ECPAT International. Questions & Answers about the Commercial Sexual Exploitation of Children. Bangkok. 2006 Mazahery, Lily. “The Silent Screams of Women and Girls” Jerusalem Post. December 11, 2007. Accessed at: http://www.jpost.com/servlet/Satellite?ap age= 1 &cid = 11 67467739732&pagename=JPost%2FJPArticle%2FshowFull 10 Ibid. 6 7 55 Traite d’enfants à des fins sexuelles et pour la prostitution enfantine 56 Des enfants qui sont trafiqués dans un but sexuel sont souvent exploités dans la prostitution. La prostitution enfantine se produit quand une personne tire bénéfice d’une transaction commerciale dans laquelle un enfant est rendu disponible pour des motifs sexuels. Souvent, ils sont commandés par une personne qui veille à la transaction et les maintient dans des maisons, des établissements privés ou des maisons closes. Les enfants qui ont fugué, les enfants des rues ou vivant dans les quartiers chauds, les orphelins dont les parents sont morts du VIH/SIDA, les enfants affectés par le consumérisme ou la pression de leurs pairs, peuvent tous devenir des proies de la prostitution, sans pour autant être victimes de la traite. ECPAT International surveille les actions menées par les états à travers le monde pour protéger des enfants contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, incluant la traite d’enfant à des fins sexuelles. Les rapports récents évaluant le progrès des mesures prises en Asie du sud pour protéger les enfants contre ces crimes, mettent en relief les liens forts qui existent entre la traite d’enfant et l’exploitation sexuelle des enfants en situation de prostitution dans des maisons closes.11 On estime entre 5 000 et 7 000 le nombre de filles népalaises trafiquées en Inde chaque année pour l’exploitation sexuelle, tandis que 200 000 enfants bangladais ont été trafiqués en Inde dans le même but. En 2005, la Commission Nationale pour les Droits de l’Homme a estimé que presque la moitié des enfants trafiqués en Inde ont entre 11 et 14 ans.12 De plus, un autre rapport a montré qu’un nombre significatif des jeunes filles sauvées de situations d’exploitation sexuelle étaient re-trafiquées ultérieurement. 13 Bien que tous les enfants ne soient pas trafiqués pour l’exploitation sexuelle, en Asie du sud, la relation forte entre le trafic des enfants et la prostitution enfantine dans les maisons closes et les établissements de prostitution indique que ces lieux sont les points centraux pour le placement des enfants trafiqués et pour satisfaire la demande de ceux qui payeront pour les exploiter. Tout effort de protection des enfants contre la traite à des fins sexuelles doit donc prendre en compte que, en plus des autres actions qui constituent le trafic, à savoir le recrutement, le transfert et l’hébergement d’un enfant, soustrait à son milieu d’origine, la forme d’exploitation sexuelle à laquelle les enfants sont soumis dans ces pays est la prostitution. Négliger la forme spécifique d’exploitation sexuelle pour laquelle les enfants sont trafiqués, peut, dans ce cas, mener à l’examen erroné des cadres légal et réglementaire qui déterminent la pratique de la prostitution adulte, derrière laquelle ____________________________ ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action Against Commercial Sexual Exploitation of Children – Neppal; Bangladesh. Bangkok 2006 12 India Global Monitoring Report 2006. ECPAT International 13 Ibid. 11 se cache souvent la prostitution enfantine. De telles lacunes ont des conséquences réelles et dévastatrices pour les enfants victimes, puisqu’elles empêchent un dialogue et un examen indispensables pour identifier les mesures qui assureront que, par exemple, là où il existe une pratique légale de la prostitution et des établissements qui y pourvoient, ces derniers ne seront pas utilisés pour couvrir ou aider la prostitution enfantine. Traite des enfants à des fins sexuelles et tourisme sexuel impliquant des enfants Le tourisme sexuel impliquant des enfants est l’exploitation sexuelle d’enfants par une ou plusieurs personnes qui voyagent d’un endroit à un autre où ils se livrent à des actes sexuels avec des enfants. Les touristes sexuels peuvent être des voyageurs locaux ou des touristes internationaux. Tout comme en Asie du sud, où la prostitution enfantine est concentrée autour des maisons closes et d’autres établissements de prostitution, le tourisme sexuel impliquant des enfants converge souvent vers les structures touristiques et les services liés au tourisme tels que le logement, le transport et d’autres infrastructures pour établir le contact avec des enfants dans l’anonymat d’un environnement peu familier. Des enfants sont également trafiqués vers les destinations touristiques pour satisfaire la demande des touristes de sexuels qui payent les services d’un enfant. Ce phénomène qui augmente dans le monde entier, s’accompagne d’une chute de l’âge moyen des garçons et des filles trouvés dans la prostitution liée au tourisme. Parmi les raisons données pour la préférence pour les enfants jeunes on trouve : une crainte réduite de contracter le VIH/SIDA ; le désir de rapports sexuels avec des vierges ; une préférence à commander et dominer ; et l’attraction exercée par les destinations connues pour le tourisme sexuel sur les pédophiles. Néanmoins, le tourisme de sexuel impliquant des enfants peut se produire dans différents types de situations, par exemple, une opération récente du FBI a arrêté 131 personnes pour prostitution enfantine pendant les principales manifestations sportives dans plusieurs villes de Californie, où les personnes impliquées avaient voyagé pour les événements sportifs aussi bien que pour les rapports sexuels avec des enfants. La plus jeune victime sauvée était âgée de 11 ans. Le FBI croit que les enfants impliqués dans cette affaire étaient des victimes de trafic transitées par Oakland, une importante plaque tournante de la traite de personne, 14 vers d’autres destinations où la demande de rapports sexuels avec des enfants était connue pour être élevée. Un autre exemple dans une autre partie du monde illustre comment les trafiquants visent les demandes spécifiques des exploiteurs : filles vietnamiennes qui sont trafiquées dans le Yunnan, en Chine, pour satisfaire la demande des touristes et des hommes d’affaires du Vietnam et de Chine. La demande de ces groupes se porte sur de jeunes « filles exotiques » des pays voisins avec la croyance ____________________________ 14 Woodall, Angela. “131 Arrested in Child Prostitution Ring.” Accessed on July 1 7, 2007 at: http://www.mercurynews.com/portlet/article/html/ fragments/print_article.jsp?articleId = 6394466&siteId =568 57 populaire que les rapports sexuels avec elles leur porteront bonheur.15 58 D’autre part, les enfants locaux (non trafiqués) qui sont déjà piégés et en situation de prostitution par des touristes sexuels peuvent devenir des victimes du trafic pour être exploités sexuellement dans un autre lieu. Une enquête du Department of Homeland Security Immigration and Customs Enforcement (ICE) illustre ce phénomène. Elle dévoila l’existence à Acapulco, au Mexique, d’un hôtel appelé « Castillo Vista del Mar», destiné aux touristes sexuels, où un jeune garçon de la région qui y était sexuellement exploité, fut ensuite trafiqué vers les USA contre paiement par un client aux propriétaires américains de l’hôtel. Dans un autre cas, 16 un garçon de 15 ans a été persuadé par un trafiquant par des promesses d’étudier aux Etats-Unis.17 Ce jeune garçon avait été sexuellement exploité par un touriste dans sa communauté natale avant de devenir une victime du trafic en étant déplacé aux USA. Dans les deux cas, les enfants étaient déjà des victimes du tourisme sexuel avant d’être encore trompés et exploités, puis forcés d’avoir des rapports sexuels en échange d’un toit et de quoi survivre une fois arrivés à destination. Les trafiquants compte sur l’intérêt qu’ils suscitent chez les enfants de visiter ou de trouver des opportunités dans les destinations touristiques populaires et s’y pour entraîner par la ruse les enfants vulnérables dans les lieux où le tourisme sexuel est organisé, ou dans les lieux où il y a un marché pour leurs victimes, utilisant restaurants, bars, pubs et les services de transport pour arriver à leurs fins. Au Costa Rica par exemple, des filles des zones rurales pauvres et des pays voisins sont dupées par des trafiquants dans les sites touristiques principaux tels que San José et les villes côtières, pendant des festivals populaires et les carnavals.18 Dans une affaire récente qui a impliqué le secteur du transport touristique au Nigéria, des jeunes filles âgées d’à peine douze ans étaient asservies à la prostitution dans les principales destinations touristiques en France, en Italie et en Espagne. Les filles ont été transportées par avion en Europe avec de faux passeports et de faux papiers et il leur a été dit de réclamer l’asile à leur arrivée à l’aéroport. Une fois à destination, elles étaient forcées à se prostituer et gardées sous contrôle par le vaudou.19 A la suite de l’arrestation du trafiquant, Gilber Ektor, d’autres trafiquants appartenant à des réseaux semblables furent arrêtées à New York, à Madrid et à Anvers. 20 ____________________________ 17 18 19 Davidson, Julia O’Connell. “Children in the Sex Trade in China” 2001 Save the Children Suède. The Protection Project. “International Child Sex Tourism” Janvier 2007 The Protection Project. “International Child Sex Tourism” Janvier 2007 Altamura, ‘Alessia. Action Programme against Trafficking. ECPAT International. 2007 Avant d’être trafiquées, les jeunes filles ont été endoctrinées par des sorciers qu’ils leur inculquaient que résister à ou dénoncer leur exploittation pouvait les conduire à leur mort ou à celle de membres de leur famille. 20 Stone, Emma. “Child Vice Suspect to be Tried Abroad” November 5, 2007 Accessed at: http://iccoventry.icnetwork.co.uk/0100news/01 00localnews/tm_headline=child-vice-suspect-to-be-tried-abroad&method=full&objectid=20063 1 56&siteid=50003-name_page.html 15 16 Les touristes sexuels constituent des sources de revenus spécifiques sur les sites touristiques et sont ainsi les cibles finales des trafiquants car ils sont les «acheteurs» qui créent la demande du trafic d’enfant. Tandis que l’action contre la traite est nécessaire, nous devons prendre conscience que là où l’enfant a été recruté, physiquement transféré et hébergé dans le but d’être exploité sexuellement dans le cadre du tourisme, au moins deux crimes liés à l’exploitation sexuelle commerciale ont alors été commis contre l’enfant: celui du trafic et celui de la prostitution. Trafic d’enfants à des fins sexuelles et pornographie enfantine Des images d’abus sexuel d’enfant sont souvent prises pendant l’entrée d’un enfant dans la prostitution, le trafic, le tourisme sexuel et d’autres formes d’exploitation sexuelle. La pornographie enfantine, maintenant appelée «images d’abus sur enfant» pour refléter mieux ce qu’elles sont réellement, est définie comme toute représentation, par quelque moyens que ce soit, d’un enfant s’adonnant à des activités sexuelles explicites, simulées ou réelles, ou toute représentation des parties sexuelles d’un enfant dans un but sexuel. De telles images sont employées par des auteurs d’abus pour l’excitation et le plaisir sexuels, échangés comme pièces de collection, gagnant l’entrée dans les clubs privés ou les groupes, ou simplement pour le profit. L’existence de la pornographie enfantine alimente la demande d’images, d’abus sexuel et d’exploitation des enfants et ainsi, de la création de nouvelles images. L’utilisation de la pornographie enfantine en tant qu’instrument de «conditionnement», par lequel des enfants sont exposés à de telles images pour «sexualiser» le rapport entre l’adulte et l’enfant et pour le désensibiliser au danger d’un tel échange, est un précurseur commun pour l’abus et l’exploitation adultes d’un enfant. Dans un cas rapporté récemment en Thaïlande, un groupe de filles cambodgiennes âgées de sept à 13 ans, a été dupé par des trafiquants par des promesses d’emplois, de nourriture et de logement. En vue de l’exploitation sexuelle, leurs trafiquants les ont enfermées dans une petite pièce et les ont forcées à regarder de la pornographie enfantine pendant un mois. 21 Des enfants victimes du trafic pour différentes formes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales peuvent également être incitées à s’engager dans la production pornographique, souvent à leur insu. Par exemple, en Ukraine, des adolescentes ont été entraînées dans l’exploitation sexuelle à des fins commerciales avec l’espoir de devenir des modèles internationaux. Cependant, ces agences de modèles se sont révélées être des façades de réseaux de trafic visant les jeunes filles. Dans certains cas, des appareils-photo cachés étaient placés dans ____________________________ 21 Mutch, Thembi. BBC News “Thailand’s Child Trafficking Industry” July 7, 2007 Accessed at: http://news.bbc.co.uk/1/hi/programmes/ from_our_own_correspondent/62771 76.stm 59 les vestiaires et les salles de bain pour enregistrer des enfants se préparant aux séances photo ; bien souvent les filles avaient été trafiquées et asservies sexuellement et forcées dans la pornographie enfantine. 22 En 2006, au Cambodge, deux jeunes filles victimes de trafic, âgées de 13 et 14 ans, ont été sauvées par la police de près de cinq mois de captivité. Les filles voulaient trouver du travail dans le sud du pays mais furent des proies du trafic et de la pornographie enfantine. Les autorités cambodgiennes ont trouvé une vidéo, d’environ 10 heures, que les trafiquants ont enregistrée de l’exploitation sexuelle de ces jeunes filles.23 60 Il convient de noter que jusqu’à une période récente, beaucoup d’organismes chargés de faire appliquer la loi ne se rendaient pas suffisamment compte du rapport entre la traite des enfants et la production de pornographie enfantine. En conséquence, pendant les investigations et le recueil des témoignages des enfants, on a tout simplement omis de demander aux victimes si elles savaient si leur abus avait été enregistré. En outre, les procédures légales n’ont pas inclus la recherche d’équipement de technologie de l’information et des communications (TIC), qui a donc été rarement saisi ou examiné pour trouver des images d’abus. De telles lacunes, qui subsistent dans diverses régions du monde, démontrent le manque de compréhension concernant l’interdépendance du trafic d’enfants avec différents types de crimes d’exploitation sexuelle à buts commerciaux et de l’importance de disséquer une affaire d’exploitation afin d’identifier les divers composantes des crimes en jeu. Le besoin de sensibilisation et d’une compréhension approfondie de la nature de ces délits commis contre des enfants se fait encore ressentir. De même, des unités spéciales de protection de l’enfance sont nécessaires dans la police pour s’assurer que les enquêtes criminelles sont correctement menées et que les victimes reçoivent une assistance complète pour se rétablir et réintégrer la société, indispensable pour remédier aux abus dont ils ont souffert. Bonnes pratiques pour la lutte contre le trafic d’enfants dans un but sexuel Parmi les nombreux programmes de lutte contre la traite de personnes dans le monde entier, seul une poignée se concentre spécifiquement sur la traite d’enfants dans un but sexuel. Souvent, les initiatives pour parer le trafic de personnes sont générales et s’adressent aux femmes et aux enfants comme un groupe unique. Cependant, ECPAT International estime que les enfants ont besoin d’une protection spécifique et des interventions différenciées. D’ailleurs, ECPAT propose que l’action contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales requière des interventions spécialisées qui diffèrent des mesures générales contre le trafic. Les enfants ont des droits et des besoins distincts qui ont été codifiés dans le droit international, dissociés des droits des adultes afin de ____________________________ 22 23 La St rada Ukraine, groupe membre d’ECPAT. Doyle, Kevin. TIME “Cambodia’s Child Sex Crackdown” October 2006. Accessible sur: http://www.time.com/time/world/article/0,8599,1 5431 74-1 ,00.html pouvoir les garantir et d’assurer leur mise en œuvre par des mesures spéciales. La plupart des nations identifient les besoins et les droits inhérents aux enfants et les discernent dans le droit national. Ainsi, le cadre pour des actions de protection spécifiques aux enfants est déjà établi. Les programmes antitrafic doivent également refléter cela, en prenant les mesures nécessaires et en tenant compte des facteurs en jeu pour concevoir des interventions spécifiquement adaptées aux enfants. Un exemple d’opération anti-trafic réalisée par ECPAT est une initiative qui a été spécialement conçue pour faire participer les enfants à risque ou les anciennes victimes de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Le Projet de Partenariat avec la Jeunesse s’applique à renforcer les capacités de la jeunesse à risque et des anciennes victimes pour qu’ils puissent jouer un rôle essentiel dans le combat contre l’ESEC, dans le contexte qui est le leur, au Bangladesh, en Inde et au Népal.24 Par exemple, les jeunes ont développé les qualifications qui leur permettent de lancer des programmes de soutien entre pairs dans les écoles des zones à haut risque ; ils sont formés dans la défense des droits et à interagir avec les médias, compétences qu’ils utilisent pour créer les campagnes de sensibilisation au sein des communautés locales ; et travaillent avec les travailleurs sociaux qualifiés pour apporter une assistance de qualité aux autres enfants à risque ou exploités. Tandis que le projet se concentre principalement sur la lutte contre la traite de personnes, il s’efforce aussi de répondre aux formes spécifiques d’exploitation sexuelle à des fins commerciales auxquelles les enfants sont confrontés. Dans les programmes de soutien entre pairs, par exemple, les jeunes du PPJ discutent comment prévenir et se protéger contre les formes particulières d’exploitation sexuelle telles que la prostitution et le mariage d’enfant, et distribuent des informations aux enfants sur où obtenir aide et assistance. Les bonnes relations qui peuvent être établies entre les jeunes en discutant de ces problèmes, ainsi que le fait que plusieurs animateurs de groupe du PPJ sont eux-mêmes des anciennes victimes du trafic et de l’exploitation sexuelle, aident fortement à approcher et à éduquer les enfants à risque. En outre, les jeunes du PPJ sont également impliqués dans des activités de sensibilisation auprès des communautés locales. Par exemple, ils peuvent monter une pièce de théâtre dans un village pour faire prendre conscience aux gens des dangers du trafic et, au cours de type d’évènements, ils illustreront des thèmes particuliers, comme la façon dont les trafiquants peuvent duper ou contraindre des parents ou des enfants avec des promesses de mariage ou ____________________________ 24 Les associés locaux d’ECPAT comprennent Sanlaap en Inde, MAITI au Népal et Aparejeyo au Bangladesh. 61 d’une vie meilleure, ou pour livrer des exemples des effets néfastes de ces derniers. 62 La sensibilisation est une stratégie-clé pour prévenir la traite d’enfant à des fins sexuelles et le tourisme sexuel impliquant des enfants. En 2006, une campagne conduite par Fundación Paniamor, groupe ECPAT au Costa Rica, 25 fut destinée aux filles et aux adolescents en situation de risque face au trafic à des fins d’exploitation sexuelle, particulièrement dans les principaux sites touristiques tels que San José, les villes côtières et les zones frontalières. La campagne a été spécifiquement organisée pour combattre le trafic d’enfants pour l’exploitation et le tourisme sexuel impliquant des enfants, puisque le Costa Rica est touché par les deux phénomènes. La campagne incluait un spot TV et des messages à la radio, des panneaux-publicitaires, des annonces sur des autobus, des autocollants et des brochures. Le succès de cette campagne fut le résultat de plusieurs facteurs. Premièrement, elle a mis en avant une image de responsabilisation et des messages positifs des modèles de jeunes auxquels les filles et les adolescents vulnérables s’identifiaient. Des jeunes filles ont été encouragées à résister aux offres attrayantes des trafiquants dans le secteur du tourisme ou du divertissement, qui, souvent, ne font que voiler l’exploitation sexuelle. Deuxièmement, la campagne a visé les emplacements-clés, à savoir les zones à risque identifiées comme des itinéraires de la traite, des sites de tourisme sexuel impliquant des enfants et des zones fréquentées par des touristes (plages, ports, aéroports et bureaux d’immigration). La campagne, utilisant plusieurs média et à caractère transfrontalier, a pu ainsi atteindre un grand nombre de bénéficiaires et de parties prenantes avec ses messages ciblés à propos de la prévention et de la protection contre le trafic et le tourisme sexuel impliquant des enfants. Enfin, facteur-clé de la réussite de la campagne, fut l’approche participative en impliquant les principales parties prenantes à tous les niveaux de la campagne pour en garantir la pertinence et la durabilité. Les autorités gouvernementales, la police et les douanes, le secteur privé (par exemple l’industrie du tourisme et des transports), et des responsables politiques ont été également sensibilisés à travers leur participation dans cette campagne et sont ainsi devenus plus proactifs et responsables dans la lutte contre la traite d’enfants dans un but sexuel et contre le tourisme sexuel impliquant des enfants, et en faveur de l’action judiciaire. ____________________________ 25 Plus d’informations sur cette campagne peuvent être trouvées dans le Programme d’Action Contre la Traite. Alessia, Altamura. ECPAT International. 2007. Conclusion et recommandations L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales est une violation majeure des droits de l’enfant qui peut prendre la forme de la prostitution enfantine, de la pornographie enfantine, du tourisme sexuel impliquant des enfants, du mariage d’enfant et du trafic d’enfant dans un but sexuel. Tous les enfants victimes du trafic à des fins sexuelles subiront au moins l’une des formes de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, cependant, ces crimes doivent être distinctement qualifiés et traités par les mesures appropriées qui en punissent les auteurs et viennent en aide aux enfants en les protégeant et en les aidant à se rétablir. Bien que l’élément caractéristique du trafic soit le procédé par lequel l’enfant ou l’adulte est déplacé d’un endroit à un autre à des fins d’exploitation, les diverses manifestations de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales peuvent toutefois se produire indépendamment de ce procédé. C’est pourquoi, par exemple, un enfant dans son propre village peut devenir une victime de la pornographie enfantine ou de la prostitution, alors que le mariage d’enfant dans beaucoup de régions du monde peut avoir lieu dans les villages et les communautés où les familles sont liées par un clan ou par d’autres facteurs socio-économiques poussant des enfants dans ces mariages pour des motifs lucratifs. Cependant, pour beaucoup d’enfants, le trafic est la première phase d’un cycle d’exploitation sexuelle brutale. La différenciation entres ces éléments est donc nécessaire, en particulier en identifiant et en créant des stratégies adéquates pour prévenir et combattre ces crimes. Par exemple, une victime du tourisme sexuel ou de la pornographie enfantine dans son propre village peut avoir des recours très différents, à la fois en termes de d’assistance légal et psychosociale, par rapport à un enfant qui a été trafiqué dans une maison close d’une communauté éloignée ou dans un autre pays. Dans ce dernier cas, la langue et l’identité culturelle seront des facteurs importants dans l’aide donnée pendant le sauvetage et le rétablissement de cet enfant. La réhabilitation à long terme exigera probablement le rapatriement et des programmes de soins spécialisés pour l’enfant retourné. La détermination nette des formes distinctes de l’ESEC et le besoin d’une démarche différenciée sont surtout pertinents dans l’établissement des mesures de prévention et de protection permettant de contrecarrer le trafic. En effet, si l’enfant a été déplacé vers un autre pays, le développement des campagnes de sensibilisation anti-trafic visant les communautés d’origine des enfants trafiqués est particulièrement important. Là où les enfants trafiqués finissent victimes du tourisme sexuel ou de la prostitution, les services d’assistance téléphoniques et les mécanismes d’alerte dans le pays de destination (dans la langue de l’enfant) sont également cruciaux. Beaucoup d’acteurs sont impliqués dans le combat contre la traite et autres formes d’exploitation sexuelle des enfants. Là où les liens sont compris et évidents, les bonnes pratiques dans le travail de prévention ont vu l’apparition de la collaboration et de l’action 63 entreprise par les jeunes, les gouvernements, les organismes de la société civile et le secteur privé. De tels exemples comprennent le Code de Conduite pour la Protection des Enfants Contre l’Exploitation Sexuelle dans le Secteur du Tourisme et la campagne «makeIT-safe», qui a pour but de faire des préconisations aux leaders de l’industrie des Technologies de l’Information et du gouvernement pour développer et mettre en œuvre des politiques et des mécanismes de protection pour la jeunesse au moyen des nouvelles technologies. 64 L’expérience d’ECPAT International montre que les efforts de lutte contre toutes les formes de l’ESEC sont le mieux soutenus par un cadre juridique spécifique qui prend en compte tous ces crimes dans leurs différentes manifestations. La façon la plus efficace de réduire la demande et de protéger les enfants est d’autant plus durable s’il existe des lois spécifiques qui caractérisent et criminalisent clairement les différentes formes de l’exploitation. De plus, ces lois doivent être imposées et appliquées. A ce titre, il est nécessaire de désagréger les différentes données sur les crimes et les violations sexuelles contre des enfants pour permettre de recueillir toutes les preuves nécessaires, et pour faciliter les investigations et les poursuites contre les trafiquants, les souteneurs, les pédophiles, les touristes sexuels et des auteurs d’abus sexuels sur enfant. ECPAT International est convaincu qu’une compréhension approfondie du contexte et de la dynamique qui lie toutes les formes d’exploitation au trafic d’enfants dans un but sexuel permettra des interventions plus ciblées et plus efficaces pour combattre ces crimes atroces perpétrés contre les enfants. Cette publication a été réalisée avec le soutien financier de l’Agence Suédoise de Développement International (ASDI), le Ministère des Affaires étrangères du Grand-Duché du Luxembourg, le Ministère français des Affaires étrangères, Groupe Développement et ECPAT Luxembourg. Les opinions présentées dans cette publication ne sont attribuables qu’à ECPAT International. Le soutien reçu de la part de l’ASDI, du Ministère des Affaires étrangères du Grand-Duché du Luxembourg et du Ministère français des Affaires étrangères ne doit pas être entendu comme une validation des propos exprimés dans cette publication. ECPAT International 328/1 Phayathai Road Ratchathewi, Bangkok 10400 THAILAND Tel: +662 215 3388, +662 611 0972 Fax: +662 215 8272 Email: [email protected] | [email protected] Website: www.ecpat.net