Interventions and Recommandations

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Interventions and Recommandations
ECPAT INTERNATIONAL
Faire respecter le droit des enfants à vivre
sans exploitation sexuelle à des fins commerciales :
Interventions and Recommandations
Photo Credit: Rajat Ghosh
April 2008
Copyright © ECPAT International
ECPAT International
328/1 Phayathai Road Ratchathewi
Bangkok 10400 THAILANDE
Tél: +662 215 3388, +662 611 0972 Fax: +662 215 8272
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Table des Matières
2
3
Remerciements
Sigles et acronymes
4
Préface
6
Incohérence des législations en Asie : une entrave à la lutte contre l’ECSEC dans la
région
16
Pornographie enfantine sur Internet : Abus flagrant d’enfants en augmentation en
Ukraine
26
Tourisme sexuel et droits de l’enfant: qui peut faire quoi?
33
Partage de bonnes pratiques: Travail en partenariat avec des enfants victimes
d’exploitation sexuelle à des fins commerciales en Asie du Sud
40
Interventions différenciées et ciblées dans la lutte contre la traite des enfants à des
fins sexuels
50
Les liens entre la traite des enfants à des fins sexuelles et d’autres types
d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales
Bemerciements
ECPAT International souhaite remercier pour
leurs contributions à cette publication : Nuttawut
Teachatanawat, Associé pour l’Asie de l’Est et le
Pacifique ; Olha Shved, Associé pour la CEI ; Amihan
Abueva, Président d’ECPAT International ; Ilona
Bhattacharya, Coordinateur National du Projet de
Partenariat avec la Jeunesse (PPJ), SANLAAP, Inde ;
Mark Capaldi, Directeur Adjoint des programmes
; Patchareboon Sakulpikatphon, Associé pour la
lutte contre le trafic de personne et le tourisme
sexuel impliquant des enfants ; et Vimala Crispin,
Coordinatrice du projet PPJ.
La présente publication a été préparée avec l’aide et
la coordination technique de Mark Capaldi d’ECPAT
International. Elle a été éditée par Anthony Burnett et
Maria Thundu et conçue par Manida Naebklang.
Sigles et Acronymes
ASE – Abus sexuel d’enfant
ASEAN - Association des nations de l’Asie du Sud-Est
CDE - Convention relative aux droits de l’enfant
CSE – Exploitation sexuelle commerciale
ECSEC – Exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales
FBI - Bureau fédéral d>enquête
IDE – Investissement direct étranger
ICE – Ministère américain de la sécurité intérieure
ILO – Bureau international du travail
IT – Technologies de l’information
OMT – Organisation Mondiale du Tourisme
ONG – Organisation non-gouvernementale
ONGI – Organisation non-gouvernementale internationale
NHRC - Commission nationale des droits de l’Homme
PAN - Plan d’action national
RRER – Réseau régional d’échange de ressources
SIDA – Syndrome d’immunodéficience acquise
TIC – Technologies de l’information et des communications
TSE – Tourisme sexuel impliquant des enfants
UFTAA - Union de fédérations d’associations d’agences de voyages
VAP - Programme d’action de Vientiane
VIH – Virus d’immunodéficience humaine
PRÉFACE
L’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales (ESEC) est une activité criminelle
observée dans le monde entier. Le réseau ECPAT
s’adapte en permanence pour relever les défis
qu’engendrent les changements de l’environnement
social, économique et politique, ainsi que le
développement de nouvelles technologies. Les articles
présentés ici examinent les différentes façons dont
nous intervenons et quelles recommandations nous
faisons face à ces contraintes.
Les TIC ont favorisé une hausse spectaculaire de la
production, de la distribution et de la consommation
de la pornographie enfantine. Cependant, dans de
nombreux pays, le cadre légal n’a pas pu à faire face
à ce problème. L’Ukraine est un pays qui a connu
une très forte augmentation de la production de la
pornographie enfantine, sans toutefois se doter de lois
qui définissent cette dernière. Des recommandations
pour une meilleure protection de l’enfance sont ici
données.
A cet effet, une condition fondamentale est l’existence,
dans les pays et juridictions, de lois suffisamment
concertées, cohérentes et fortes. L’ESEC est une
préoccupation internationale : des enfants sont
trafiqués d’un pays à l’autre et forcés à se prostituer ;
les touristes sexuels se déplacent à différents endroits
pour exploiter les enfants ; et la croissance rapide
de l’utilisation de l’Internet et d’autres technologies
de l’information et des communications (TIC) permet
à la pornographie enfantine d’être distribuée à
l’échelle mondiale. Beaucoup de pays ne possèdent
pas de législation adaptée pour à l’ECSEC. Cette
revue étudie le contexte légal en Asie et décrit les
mesures qu’un pays peut prendre pour respecter ses
obligations envers les enfants.
Les origines d’ECPAT International se trouvent dans
le combat contre le tourisme sexuel impliquant des
enfants, problème global et en augmentation. Par des
actions d’influence auprès des gouvernements pour
introduire une législation qui empêche les auteurs de
crimes sexuels sur enfant d’agir impunément et en
incitant l’industrie du tourisme et du voyage à prendre
ses responsabilités, le réseau ECPAT a obtenu des
résultats importants.
Le réseau ECPAT se préoccupe également de la
réadaptation et de la réinsertion des enfants rescapés.
Le Projet de Participation de la Jeunesse est une
initiative unique, qui par des programmes de soutien
entre pairs, de sensibilisation des communautés et de
défense des droits, améliore la vie des victimes et leur
offre l’opportunité de jouer un rôle essentiel dans la
lutte contre l’ECSEC.
La traite des enfants est souvent considérée sous
l’angle plus large du trafic humain. Cependant, c’est
une question importante des droits de l’enfant, et à ce
titre, les enfants doivent être non seulement protégés
légalement, mais la protection doit être étendue à un
soutien psychosociale adéquat. Le système légal doit
en outre s’assurer que les personnes faisant la traite
soient jugées pour leurs crimes.
Cette revue informe, propose des modes
d’intervention et des recommandations à tous ceux
concernés par la protection des enfants et la défense
de leurs droits.
Incohérence des législations en Asie :
une entrave à la lutte contre l’ECSEC dans la région
Nuttawut Teachatanawat, ECPAT International, Associé pour le Sud-est et l’Est Asiatiques
Contexte
L’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales (ESEC) est un problème transnational
qui affecte des enfants dans toute l’Asie et qui doit
être traité aux plans régional et international. Un
système légal proprement coordonné, fort et cohérent,
dans et à travers les juridictions, est essentiel à la
protection des enfants contre l’exploitation sexuelle
à but commercial, qui se caractérise en grande
partie par sa nature internationale: des enfants sont
trafiqués à des fins sexuelles par-delà les frontières ; la
pornographie enfantine, distribuée sur Internet, a une
portée mondiale ; et les touristes sexuels choisissent
les destinations où ils peuvent exploiter les enfants.
Bien que beaucoup de pays d’Asie soient connus
pour avoir un grand nombre d’enfants sexuellement
exploités, ils ne se sont toujours pas dotés de lois
adéquates pour combattre cette violation grave des
droits de l’enfant. Les normes internationales font
souvent défaut dans les lois pour combattre l’ESEC,
conséquence des retards de la signature et de la
____________________________
1
Article 34, Convention relative aux Droits de l’Enfant
ratification des principaux actes internationaux. En
outre, les différents pays de la région définissent
souvent les crimes liés à l’ESEC (tels que la
prostitution enfantine, la pornographie enfantine et
la traite des enfants), en se fondant sur leurs propres
perceptions et compréhension de ces questions, plutôt
que sur les conventions internationales. Certaines des
idées fausses les plus répandues, qui portent préjudice
à la protection des enfants, comme la tendance à les
tenir responsables de se mettre dans des situations
d’exploitation, donnent lieu à des législations
impropres à assurer la sécurité des enfants. Ceci
s’oppose aux normes internationales, selon lesquelles
les enfants ont le droit d’être pleinement protégés
contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et
d’abus sexuel.1 Sans une définition standard (qui
puisse constituer la base de la définition des crimes
domestiques qui soit compatible avec et qui prête
main-forte à une coopération internationale efficace
en termes d’investigations et de poursuites judiciaires),
les exploitants sexuels peuvent profiter des lacunes
existantes pour échapper à l’arrestation ou aux
poursuites. Ainsi, en contradiction avec l’obligation
des états de respecter les droits de la personne,
l’impunité de l’exploitation sexuelle des enfants
persiste dans beaucoup de pays d’Asie.
Le caractère internationale de l’ESEC exige des
efforts régionaux et internationaux concertés pour
la combattre. L’action mondiale a été lancée au
Premier Congrès Mondial Contre l’Exploitation
Sexuelle à des Fins Commerciales à Stockholm, en
Suède, en 1996, avec l’adoption de la Déclaration
et du Plan d’Action de Stockholm, qui fournit un
cadre légal universel fondamental pour lutter contre
l’ESEC. L’engagement a été réaffirmé au Deuxième
Congrès Mondial de Yokohama, au Japon, en 2001.
Cependant, ces engagements n’ont pas été adoptés
uniformément en Asie, constituant un obstacle majeur
pour combattre l’ESEC dans la région. Des actes
juridiques internationaux, en particulier le Protocole
additionnel relatif à la vente d’enfants, la prostitution
des enfants et la pornographie mettant en scène
des enfants (Protocole Additionnel) et le Protocole
additionnel à la Convention des Nations Unies sur la
criminalité transnationale organisée visant à prévenir,
réprimer et punir la traite des personnes, en particulier
des femmes et des enfants (Protocole sur le Trafic),
n’ont pas été non plus adoptés uniformément dans la
région.
En 2006, ECPAT International a mis en place son
«Observatoire mondial de la situation de l’action
contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales» (OMAE) pour 54 pays. L’OMAE
analyse les actions prises et identifient les lacunes
et les mesures prioritaires recommandées pour
traiter l’ECSEC et protéger les enfants. Treize pays
en Asie ont été étudiés : le Cambodge, l’Indonésie,
les Philippines et la Thaïlande en Asie du SudEst ; le Bangladesh, le Népal, le Pakistan, l’Inde
et le Sri Lanka en Asie du sud ; et le Japon, la
Mongolie, la Corée du Sud et Taiwan en Asie de
l’Est. Les rapports indiquent que la connaissance et
la compréhension générales de la gravité du crime
sexuel sont basses. En conséquence, les lois dans
ces pays ne garantissent pas une protection adéquate
contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales
(ECSEC) et ne sont généralement pas conformes aux
normes internationales.
Ce document examinera premièrement les
insuffisances qui existent dans la région concernant
la protection de l’enfance, en particulier à la lumière
de l’adoption de la Déclaration et du Plan d’Action
de Stockholm qui énonce le besoin d’établir des
plans d’action nationaux contre l’ECSEC. Cet article
étudiera ensuite certaines des carences législatives
qui existent par rapport aux principaux instruments
juridiques internationaux, le Protocole Additionnel
et le Protocole sur le Trafic, et les implications pour
la protection des enfants contre l’ECSEC dans la
région de l’Asie. Il analysera les facteurs qui mènent
à de tels dysfonctionnements légaux, par exemple,
les perceptions erronées au sujet de l’ECSEC qui
se reflètent dans les diverses droits nationaux et qui
ne protègent pas suffisamment les enfants contre
cette violation majeure de leurs droits. Enfin, des
recommandations seront données afin de corriger
les failles mentionnées ci-dessus, pour une meilleure
protection des enfants contre l’ECSEC.
Adoption discordante de la Déclaration et
du Plan d’Action de Stockholm et du Plan
d’Action National
Une faiblesse notable du système de protection contre
l’ECSEC en Asie, tient au fait que la Déclaration et
le Plan d’Action de Stockholm n’ont pas été adoptés
par certains pays. Depuis qu’ils ont été présentés au
Premier Congrès International, 161 pays ont adopté
leurs directives, lesquels stipulent que les signataires
doivent développer des plans d’action nationaux
comprenant des indicateurs de progrès et des objectifs
ainsi qu’un calendrier de mise en oeuvre. Un Plan
d’Action National (PAN) est le premier signe réel de
l’engagement d’un pays à supprimer l’ECSEC. Le
PAN (selon les lignes directrices du Plan d’Action)
permettra de guider chaque pays pour développer
une structure complète dans laquelle les divers acteurs
participent à l’amélioration de la coopération et de
la coordination, de la protection, de la prévention,
de la réadaptation et de la réinsertion des enfants
victimes, tout en favorisant le concours des enfants
et de la jeunesse au combat contre l’ECSEC. En Asie
de l’Est et dans le Pacifique, l’adoption en 2001
de l’Engagement des Pays de l’Est Asiatique et du
Pacifique et du Plan d’Action contre l’Exploitation
Sexuelle des Enfants à des Fins Commerciales fut une
avancée considérable dans les efforts pour mettre fin
à l’ECSEC. S’appuyant sur le cadre établi par le Plan
d’Action de Stockholm, l’engagement a été pris par
des représentants des gouvernements, les jeunes, les
organisations non-gouvernementales (NGOs) et le
secteur privé, représentant 21 pays, lors de la Réunion
Régionale Préparatoire pour le Deuxième Congrès
International de Yokohama contre l’Exploitation
Sexuelle des Enfants à des Fins Commerciales.
Bien que l’Engagement Régional et le Plan d’Action
fixaient à l’année 2004 la mise en oeuvre des
objectifs convenus, certains pays d’Asie ne sont
toujours pas parvenus à atteindre ces derniers. Par
exemple, en raison de son statut politique, Taïwan ne
peut pas adopter la Déclaration et le Plan d’Action de
Stockholm, ni ratifier les actes internationaux tels que
la Convention Relatives aux Droits de l’Enfant (CDE)
et son Protocole Additionnel. Parmi les autres pays
en Asie qui n’ont pas encore adopté la Déclaration
de Stockholm, on trouve l’Afghanistan, Singapour et
l’Est-Timor.
Parmi les gouvernements qui ont adopté le Plan
d’Action, certains ont encore à développer un PAN
pour combattre l’ECSEC. À l’heure où cet article est
rédigé, le Cambodge esquisse son PAN sur la traite et
l’exploitation sexuelle des enfants. Les pays signataires
sans PAN comprennent le Brunei Darussalam, la
Chine, la République Démocratique de Corée, la
République de Corée, le Laos, la Malaisie et le
Vietnam.
Bien que les gouvernements de la Thaïlande, de
l’Inde, du Népal, du Pakistan et du Sri Lanka aient
développé un plan d’action national pour protéger
les enfants contre l’ECSEC, les dispositions ne visent
pas spécifiquement tous les aspects de l’ECSEC.
En Thaïlande, par exemple, les stratégies et les
mécanismes pour agir contre l’ECSEC (comprenant
la Politique Nationale et le Plan d’Action pour la
Prévention et l’Eradication de l’Exploitation Sexuelle
des Enfants à des Fins Commerciales, adoptés
en 1996), ont été intégrés au Plan et Politique
Nationaux de Prévention et de Résolution de la
Traite Intérieure et Transfrontalière des Enfants et
des Femmes (2003-2009). Le danger de cette
approche est que d’autres manifestations de
l’ECSEC, telles que la pornographie enfantine,
reçoivent moins d’attention (bien qu’actuellement
en Thaïlande, les problèmes liés au tourisme
sexuel impliquant des enfants soient traités par le
Plan d’Action pour la Prévention de l’Exploitation
Sexuelle des Enfants dans le Tourisme). Avec
la fusion de la Politique et du Plan d’Action
Nationaux pour la Prévention et l’Eradication
de l’Exploitation Sexuelle des Enfants à des
Fins Commerciales avec le Plan et la Politique
Nationaux de Prévention et de Résolution de la
Traite Intérieure et Transfrontalière des Enfants
et des Femmes (2003-2009), la Thaïlande doit
s’assurer que ceci ne réduise pas l’importance
de transformer les dispositions contre toutes les
formes de l’ECSEC en actions, ni son engagement
à le faire. Un PAN complet pour supprimer toutes
les formes de l’ECSEC devrait donc être mis sur
pied d’urgence.2
Incohérence entre la législation
nationale et les normes juridiques
internationales
La CDE, la principale convention internationale sur
les droits de l’enfant, a été presque universellement
ratifiée par la communauté internationale. L’article
34 de la CDE stipule que les « gouvernements
s’engagent à protéger l’enfant contre toutes les
formes d’exploitation sexuelle et d’abus sexuel ».
D’autres instruments internationaux primordiaux
pour combattre l’ECSEC sont le Protocole
additionnel à la CDE relatif à la vente d’enfants, la
prostitution enfantine et la pornographie mettant
en scène des enfants (Protocole Additionnel) et le
Protocole additionnel à la Convention des Nations
Unies sur le crime transnational organisé visant à
prévenir, réprimer et punir la traite des personnes,
en particulier des femmes et des enfants (Protocole
sur le Trafic).
Beaucoup de pays en Asie n’ont pas encore ratifié
ni mis en oeuvre ces instruments internationaux.
L’OMAE d’ECPAT International a mis en relief
que neuf sur treize pays étudiés (le Bangladesh,
le Japon, le Pakistan, l’Inde, l’Indonésie, la
Mongolie, le Népal, la Thaïlande et le Sri Lanka),
n’ont pas ratifié le Protocole sur le Trafic et, deux
pays, le Pakistan et l’Indonésie, n’ont pas ratifié le
Protocole Additionnel.
Le retard pris par un Etat à ratifier et à appliquer
les dispositions de ces normes internationales dans
le la législation nationale, est une porte ouverte
aux violations des droits des enfants garantis
par la loi dans la CDE et les actes juridiques
connexes. Au Népal, par exemple, la loi ne
définit pas spécifiquement ou n’interdit pas la
____________________________
2
ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of Childdren in Thailand. ECPAT International. Bangkok. 2007.
prostitution enfantine. De plus, elle ne punit pas les
actes ayant pour but d’obtenir, de procurer, ou de
fournir un enfant pour la prostitution, tel que prescrit
par le Protocole Additionnel. Les dispositions qui
punissent l’organisation de la prostitution est limitée
à la participation des femmes dans la prostitution,
ainsi son application aux jeunes filles est peu claire
et elle n’offre aucune protection aux jeunes garçons.3
L’exclusion des garçons se retrouve également dans
le Code Pénal indien qui n’offre presque aucune
protection pour les garçons contre la prostitution, ce
qui est particulièrement préoccupant compte tenu de
l’étendue significative de la prostitution des garçons
en Inde.4
10
Par ailleurs, la législation sur la pornographie
enfantine ne satisfait pas aux normes internationales
(fixées par le Protocole Additionnel et par d’autres
actes) dans plusieurs pays d’Asie. En vertu de la loi
japonaise, la prohibition de la pornographie enfantine
est limitée seulement aux représentations visuelles et
numériques et aux images en pied d’un enfant, tandis
que le Protocole Additionnel comprend également
les matériaux audio et la figuration partielle d’un
enfant. La loi japonaise n’interdit pas non plus les
images simulées, ce qui constitue un vide juridique
important, étant donné que la pornographie enfantine
sous forme d’»anime» ou de «manga» est largement
diffusée et utilisée. En outre, elle ne punit pas la
simple possession de pornographie enfantine comme
l’exige le Plan d’Action de Stockholm : l’interdiction se
limite à la distribution, à la vente, à la location, ou au
fait d’exhiber la pornographie enfantine en public.5
Selon le Protocole sur le Trafic, le trafic (ou la traite)
de personnes est défini comme « le recrutement, le
transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil
de personnes, au moyen de la menace ou l’usage
de la force ou d’autres formes de coercition, de
l’enlèvement, fraude, tromperie, abus de pouvoir
ou d’une situation de vulnérabilité ou de l’offre ou
l’acceptation de paiements ou d’avantages pour
obtenir le consentement de la personne ayant autorité
sur une autre personne, aux fins d’exploitation ».6
La définition du Protocole sur le Trafic différencie
les adultes et les enfants sur un point essentiel : la
condition que le moyen illicite, telle que la contrainte
ou la tromperie, employé pour qu’un acte relève du
« trafic de personnes » ne s’applique pas au trafic
d’enfants. D’après le Protocole sur le Trafic, si un
enfant est recruté, transporté, transféré, hébergé ou
accueilli aux fins d’exploitation, cela est considéré
comme du trafic, même si aucun moyen illicite n’est
utilisé pour obtenir le consentement de l’enfant. Ainsi,
____________________________
3
4
5
6
ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of Children in
Nepal. ECPAT International. Bangkok. 2007
ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of Children in
India.. ECPAT International. Bangkok. 2007
ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of Children in
Japan. ECPAT International. Bangkok. 2007
Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies sur le crime transnational organisé visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnnes, en particulier des femmes et des enfants 2000, article 3 (a).
pour les enfants, le seul critère suffisant pour qualifier
le crime est qu’un enfant soit recruté, transporté,
transféré, hébergé ou accueilli aux fins d’exploitation.
Cette définition illustre le principe fondamental que
le consentement d’un enfant à l’exploitation n’est pas
pertinent7, mais ceci ne se reflète malheureusement
pas suffisamment dans les droits nationaux.
Dans les pays considérés comme pays de transit
pour la traite des enfants à des fins sexuelles, comme
l’Indonésie, les dispositions sur le trafic des enfants
ne criminalisent pas un certain nombre d’actes qui
font partie intégrante du processus, tels que recruter,
transporter, transférer, héberger et accueillir des
enfants aux fins d’exploitation sexuelle.8 Comme
beaucoup d’autres lois anti-trafic dans la région, le
projet de loi de lutte contre le trafic en Indonésie ne
fait pas mention du trafic à l’intérieur du pays. L’article
4 de ce projet de loi identifie « le trafic interne », mais
seulement lorsqu’il s’agit de personnes introduites en
Indonésie, et, par là, ne protège pas les indonésiens
qui en sont victimes dans leur propre pays.9 Le projet
de loi ne comprend pas non plus de dispositions qui
abordent le problème du trafic chez les enfants. Il est
donc impératif que le projet de loi élargisse sa portée
pour inclure de telles dispositions, et pour couvrir le
trafic interne et externe.
L’absence et la limite de l’utilisation de la
législation extraterritoriale pour les crimes
liés à l’ECSEC
Sans définition uniformisée de l’ECSEC à travers le
monde, les lois nationales qui s’y rapportent sont
diverses, ce qui engendre d’importantes failles légales
dans la protection de l’enfance contre l’exploitation
sexuelle. Les auteurs de crimes sexuels sur enfant
peuvent également voyager dans d’autres pays, où
les lois font défaut ou où leur application est faible.
Comme certains pays ont développé des mesures
de contrôle et des lois plus fortes pour combattre
le tourisme sexuel impliquant des enfants, les
touristes sexuels se sont rabattus sur d’autres pays
aux législations plus déficientes afin de trouver plus
facilement des victimes.
Pour combler de telles lacunes, beaucoup de pays
ont promulgué une législation extraterritoriale pour
protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle à des
fins commerciales. Ceci permet aux états de protéger
leurs enfants quand ils sont en dehors de leur pays
d’origine, comme de pouvoir punir leurs propres
ressortissants qui commettent de tels crimes en dehors
de leur pays. Cependant, un certain nombre de pays
d’Asie, notamment le Bangladesh, le Cambodge,
____________________________
Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies sur le crime transnational organisé visant à prévenir, réprimer et punir la traite des
personnes, en particulier des femmes et des enfants 2000, article 3 (c)
8
ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of Children
in Indonesia. ECPAT International. Bangkok. 2007
9
Anti-child trafficking legislation in Asia : a six-country review (Bangladesh, Nepal, Pakistan, Sri Lanka, Thailand & Indonesia). OIT. Bangkok. 2006
7
11
l’Inde, le Pakistan, les Philippines et la Corée du
Sud n’ont pas de législation extraterritoriale pour les
délits liés à l’ECSEC. En vertu de la loi indonésienne,
la juridiction extraterritoriale s’étend seulement aux
violations du Code Pénal, omettant celles de l’Acte de
Protection de l’Enfant.
12
Dans certains pays qui possèdent une juridiction
extraterritoriale, tels que l’Indonésie et le Bangladesh,
le recours à une telle autorité est limitée. Dans
certains cas, les cirtères de double criminalité (qui
stipulent que le crime pour lequel l’extradition est
demandée doit être considéré en tant que tel à la
fois dans le pays demandeur et dans le pays qui fait
l’objet de la requête), peuvent gêner les poursuites et
encourager les auteurs de crimes à « faire leur marché
des juridictions », en voyageant intentionnellement aux
endroits où les lois et l’application des lois sont plus
clémentes. Par exemple, les ressortissants indonésiens
seront poursuivis pour des infractions commises à
l’étranger sous le coup du Code Pénal indonésien à
condition que le crime soit aussi illégal dans le pays
dans lequel il a eu lieu. La médiocre coopération
internationale sur l’extradition entrave également
l’application du droit extraterritoriale. Par exemple,
l’Acte d’extradition du Bangladesh a un ressort limité
parce qu’il s’applique seulement aux pays avec
lesquels le Bangladesh a un accord d’extradition.
Ainsi, les délinquants qui exploitent sexuellement les
enfants bangladais peuvent échapper aux poursuites
en se rendant dans les pays qui n’ont pas de traités
d’extradition avec le Bangladesh. Actuellement, la
Thaïlande est le seul pays avec lequel le Bangladesh
a passé un accord d’extradition.10 Enfin, dans certains
pays, l’application de la législation extraterritoriale
est sujette à la plainte préalable de la victime. Tous
les éléments ci-dessus réduisent la portée de la loi,
compromettant ainsi la protection des enfants contre
le crime sexuel.11
Le retard pris à ratifier ou à transposer les
actes internationaux et à incorporer les
mécanismes de contrôle et de suivi
Les lenteurs dans la ratification des principaux actes
internationaux pour combattre l’ECSEC a également
comme conséquence d’ajourner la transmission des
rapports et le contrôle de leur mise en oeuvre. La CDE
et le Protocole Additionnel imposent l’engagement des
états signataires à rendre des comptes. Dans un délai
de deux ans après l’entrée en vigueur de la CDE et
du Protocole Additionnel, les états doivent soumettre
des rapports initiaux et complets au Comité des droits
de l’enfance (le «Comité»), sur leur mise en oeuvre
respective. Le Comité est responsable du contrôle
de l’éxécution de la CDE et du Protocole Additionnel
dans le contexte national. Il reçoit et examine les
____________________________
ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of
Children in Bangladesh. ECPAT International. Bangkok. 2007.
11
ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action against Commercial Sexual Exploitation of
Children in Indonesia. ECPAT International. Bangkok. 2007
10
rapports nationaux et donne ses recommandations
sous forme de « remarques conclusives». Il existe
un mécanisme similaire par l’intermédiaire du
Rapporteur spécial sur la vente des enfants, de
la prostitution enfantine et de la pornographie
enfantine, qui produit des évaluations indépendantes
et des rapports annuels de la situation mondiale.
La Convention 182 de l’OIT fournit également un
dispositif de surveillance international sous forme de
: (1) supervision régulière ; (2) procédures ad hoc.
S’il apparaît que les engagements en vertu de la
Convention 182 de l’OIT ne sont pas respectés, le
Comité d’experts sur l’application des conventions
et des recommandations, peut faire une demande
directe pour obtenir de plus amples informations ou
ajouter une observation à son rapport, pressant la
résolution des insuffisances constatées.
Le délai pris à ratifier le Protocole Additionnel et la
Convention 182 de l’OIT compromet la protection
des enfants, car il retarde ainsi le rapport d’état,
ce qui empêche alors le contrôle par les parties
prenantes. Le rapport d’état est crucial étant donné
que c’est grâce à ce dernier que l’on peut tenir
un état responsable de l’accomplissement de ses
obligations en termes de protection de l’enfance.
Il permet également d’apprécier son efficience.
D’autre part, les rapports soumis au Comité
fournissent un premier aperçu des priorités d’un
gouvernement, de l’information disponible et de
l’interprétation de la convention ou du protocole.
Enfin, puisque aux O.N.G. est parfois accordée
l’opportunité de dresser indépendamment leurs
propres rapports sur l’application des dispositions
internationales, les atermoiements à ratifier la CDE
et son Protocole Additionnel affecteront, de même,
la capacité de celles-là à travailler de concert avec
les gouvernements pour s’assurer que les droits des
enfants sont suffisamment défendus.
Opinions erronées au sujet de l’ECSEC,
facteurs nuisibles à la protection des
enfants
Les lacunes légales mentionées précédemment sont
parfois le résultat d’idées fausses dominantes au
sujet de l’ECSEC et présentes dans beaucoup de
pays d’Asie. Nous avons déjà vu qu’au Japon, par
exemple, la pornographie enfantine est largement
disponible sous forme de bandes dessinées et de jeux
sur ordinateur ; et la possession de la pornographie
enfantine n’est pas considérée comme illégale
- souvent justifiée par certains comme droit à la
liberté d’expression. Le débat sur la crimilnalisation
de la possession de pornographie enfantine est
fréquemment dénaturé en étant présenté comme
une opposition entre la liberté d’expression et les
droits de l’enfant. Toutefois, le droit des enfants à
ne pas souffrir de l’abus sexuel et de l’exploitation,
le droit d’être protégé et le principe de l’intérêt le
meilleur pour l’enfant, signifient que le droit d’un
enfant à la protection devrait prévaloir sur toute autre
considération. Comme décrit par la Déclaration de
Stockholm, il existe un consensus international sur la
criminalisation de la possession de la pornographie
enfantine, afin de mieux protéger les enfants contre
l’exploitation.
En Asie de l’Est, dans certaines situations, on tend
13
14
aussi à percevoir les enfants, non pas comme victimes
de l’exploitation, mais comme étant responsables de
l’exploitation qu’ils subissent, en d’autres termes que
certains enfants ‘choisissent’ d’endurer l’exploitation
et ses répercussions physiques et psychologiques dans
le but d’acheter les derniers biens de consommation
ou parce qu’on considère qu’ils se sont offerts ou ont
consenti à l’exploitation. Cette tendance a alimenté
l’indifférence au sujet de leurs droits à la protection
et une propension à punir ou à blâmer les enfants
affectés. Cette façon de penser se reflète dans le droit
de beaucoup de pays qui punissent les enfants qui
ont été exploités : par exemple, au Sri Lanka, la loi
pénalise des enfants impliqués dans la prostitution
(bien que dans la pratique, de telles pénalités peuvent
être rarement appliquées). Beaucoup de sociétés
tendent à voir les enfants qui ont été sexuellement
exploités comme des «délinquants», par conséquent
les infractions sexuelles commises contre eux sont
rarement punies.
Conclusion :
Des efforts concertés doivent être fournis par
beaucoup de pays en Asie pour faire en sorte que
les enfants jouissent de leurs droits fondamentaux et
soient libres de toute forme d’exploitation sexuelle à
but commercial. La première étape est la ratification
des principaux actes internationaux, notamment le
Protocole Additionnel et le Protocole sur le Trafic,
pour s’assurer que, partout, les droits des enfants sont
respectés et que des enfants sont pleinement protégés
conformément aux normes internationales.
Les pays de la région doivent également harmoniser
leurs lois nationales selon les normes internationales.
Par rapport à la prostitution enfantine, les dispositions
légales devraient couvrir toutes les activités interdites
par le droit international, à savoir obtenir, offrir,
procurer et fournir un enfant pour la prostitution et
devrait couvrir la protection pour des garçons et des
filles. la pornographie enfantine, des lois intérieures
devraient être alignées sur la définition internationale
de la pornographie enfantine, incluant l’interdiction
sans équivoque de sa possession, de sa fabrication
et de sa distribution. La loi devrait également
s’étendre aux matériaux audio et numériques, comme
les images simulées, et doit criminaliser la simple
possession de pornographie enfantine.
En ce qui concerne la traite des enfants, la loi
nationale devrait porter sur toutes les activités, à
savoir, le recrutement, le transport, le transfert,
l’hébergement ou l’accueil des personnes. Les
états doivent établir une juridiction extraterritoriale
pour toutes les violations contre des enfants,
indépendamment du fait que celles-ci soient
considérées ou non comme un crime dans le
pays où elles sont commises. Avec la création du
Tribunal Pénal International, les gouvernements ont
accès à un autre tribunal, où sont traités des délits
particuliers ayant des implications internationales,
pour des crimes aggravés contre des enfants. A ce
titre, les gouvernements sont invités à classer le crime
de la participation (de quelque façon que ce soit)
à l’exploitation sexuelle à des fins commerciales,
comme crime contre l’humanité, le plaçant de ce fait
sous le coup de la juridiction universelle.12 En accord
avec les principes de la CDE, toutes les mesures
de protection citées ci-dessus devraient s’appliquer
également à tous les enfants jusqu’à l’âge de 18.
ECPAT International est un réseau mondial
d’organisations et d’individus engagés dans
l’éradication de l’exploitation sexuelle des enfants
à des fins commerciales. En Asie, ECPAT a
travaillé en collaboration tant avec les organismes
gouvernementaux pour mieux protéger des enfants
contre l’ECSEC, qu’avec les O.N.G. internationales
et les agences des Nations Unis pour les questions
régionales. Au niveau régional, ECPAT International,
avec les principales ONG internationales, a préconisé
l’établissement d’un mécanisme de défense des
droits de la personne et d’une mise en oeuvre
des programmes qui découlent du Programme de
Vientiane (PV), 2004-2010. ECPAT international
et d’autres organisations des droits de l’enfant ont
préconisé l’intégration du mécanisme des droits de
l’homme/droits de l’enfant dans le projet de Charte
de l’ASEAN et de la commission régionale sur les
droits des femmes et des enfants, afin de favoriser,
protéger et faire respecter ces droits dans la zone
de l’ASEAN. ECPAT International soutient également
l’action de chaque groupe de travail ECPAT au niveau
national, pour le développement, l’exécution et le
suivi des PAN (et dans les efforts pour l’adoption de la
Déclaration de Stockholm et du Plan d’Action).
Afin d’encourager l’application et le meilleur
exercice de la loi pour protéger les enfants contre
l’exploitation sexuelle, ECPAT International conduit
des travaux de recherche-action (récemment au
Bangladesh, en Inde, au Népal et en Indonésie),
pour mieux comprendre les droits nationaux,
régionaux et internationaux ayant trait à l’ECSEC ;
pour identifier des lacunes entre les droits nationaux
et les normes régionales et internationales ; et pour
formuler des recommandations visant à renforcer les
lois. Pour protéger des enfants contre l’exploitation
indirecte dans le processus légal, les travaux de
recherche décrivent également les procédures légales
concernant des cas d’ECSEC ; identifient les lacunes
entre ces procédures et les normes internationales ; et
analysent ces omissions procédurales, recommendant
de renforcer les procédures légales pour mieux
protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle à des
fins commerciales.
Le respect des droits de l’enfance, en particulier celui
de vivre sans exploitation sexuelle, associé à un cadre
juridique robuste dans tous les pays à travers l’Asie,
sont essentiels dans le combat contre l’exploitation
sexuelle commerciale des enfants.
____________________________
12
ECPAT International, Violence against Children in Cyberspace, Bangkok. Septembre 2005.
15
Pornographie enfantine sur Internet : Abus flagrant d’enfants en
augmentation en Ukraine
Olha Shved, ECPAT International, Associé Régional pour la CEI
Contexte
16
Au cours des dernières années, la pornographie
enfantine est devenue un phénomène répandu
qui continue à croître étant donné que l’Internet et
les nouvelles technologies de l’information et des
communications (TCI) facilitent sa production aussi
bien que sa large distribution.
La pornographie enfantine est une forme
d’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales (ESEC) et est étroitement liée à d’autres
manifestations de l’ESEC, telles que la prostitution
d’enfantine, le tourisme sexuel impliquant des enfants
et la traite des enfants à but sexuel. Les enfants
exploités dans la prostitution, le tourisme sexuel et
ceux victimes de la traite à des fins sexuelles sont
extrêmement vulnérables et souvent utilisés dans la
production pornographique.
Il y a beaucoup de genres de pornographie
enfantine, qui seront décrits plus loin. Les idées
erronées communes dans certaines sociétés et
communautés à propos de ce qu’est, par exemple,
la pornographie enfantine, et/ou le «droit civique»
d’accéder en privé à de tels produits ont eu comme
conséquence de dangereuses divergences dans les
systèmes de protection, en dépit de l’existence d’actes
internationaux, tels que le Protocole additionnel relatif
à la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la
pornographie mettant en scène des enfants, qui pose
un cadre général pour combattre ces actes criminels.
Quoique la pornographie enfantine soit
internationalement considérée comme une forme
d’abus sexuel des enfants et soit illégale dans la
plupart des pays, sa définition et la criminalisation
des actes liés à sa production, sa distribution et sa
consommation, varient considérablement. Tandis que
certains pays interdisent seulement la production,
d’autres interdisent aussi la distribution. La simple
possession et le ‘processus de préparation’ (compris
dans ce contexte comme le processus consistant
à amadouer et désinhiber en ligne des enfants en
vue d’actes sexuels) sont rarement correctement
inclus dans la législation nationale, à certaines
exceptions comme au Royaume-Uni, où l’Acte sur les
crimes sexuels de 2003 légifère sur le processus de
préparation sur Internet en vue d’actes sexuels. En
effet, ce processus de conditionnement a été identifié
comme un mécanisme par lequel les auteurs d’abus
accèdent aux enfants et aux jeunes, ce qui peut
mener à des crimes non-virtuels d’abus sexuel et/ou
d’exploitation.
L’Ukraine est maintenant considérée comme l’un des
producteurs principaux de la pornographie enfantine
sur Internet dans le territoire de l’ex-Union soviétique.
Des cas de pornographie enfantine sont découverts
chaque mois, et l’opinion publique prend de plus
en plus conscience du problème. Dans un cas très
discuté de 2006, on dénombrait le chiffre terrifiant de
1 500 filles, âgées de huit à 16 ans, ayant approché
des agences de mannequin à la recherche de travail
à Kiev, à Kharkiv et à Simferopol, pour être, à leur
insu, victimes de pornographie enfantine.1 Des photos
des filles ont été prises avec les appareils cachés
dans les vestiaires, les douches et même à l’intérieur
des toilettes puis largement diffusées sur Internet.
Huit personnes ont été arrêtées et l’affaire est en
cours. Les recettes générées par ces actes illicites se
sont élevées à 100 000 $ par mois. Les victimes qui
ont été identifiées sont peu disposées à collaborer
et à témoigner devant le tribunal, par crainte
d’être soumises à davantage d’humiliation et de
traumatisme. S’ils sont condamnés, les huit accusés
encourent entre trois et sept ans d’emprisonnement
conformément au Code Pénal ukrainien.
Malgré l’ampleur que prend le problème, l’Ukraine
ne possède toujours pas une législation spécifique
définissant la pornographie enfantine, qui est pour le
moment traitée sous les dispositions plus larges sur
la pornographie. La législation couvre simplement
l’utilisation ‘des personnes mineures’ (individus de
moins de 18 ans) dans la production de ce type
de matériel, et le vide juridique sur plusieurs points
____________________________
1
Lu le 2 avril 2007 sur http://uatoday.net/rus/news/cryminal/202880
favorise significativement la progression de cette
activité criminelle dans le pays. En outre, en dépit
des efforts des organismes chargés de faire appliquer
la loi et des arrestations des malfaiteurs, le nombre
de condamnations demeure assez bas. En 2006,
571 enquêtes criminelles ont été lancées dans la
production pornographique en violation de l’article
301 du Code Pénal de l’Ukraine, qui se réfère à l’«
importation, la fabrication, la vente et la distribution
des images pornographiques ». Les trois quarts de ces
cas (419) ont été portés devant les tribunaux. Dix-huit
cas impliquaient des mineurs mais, parmi ces derniers,
seuls 12 ont fait l’objet d’un procès. Même lorsqu’une
affaire est instruite, il n’y a aucune garantie que
l’auteur du crime soit puni.
Pourquoi la loi ukrainienne est-elle si inefficace dans
la protection des enfants contre de tels abus? Mise à
part l’incomplétude de la loi et le fait que seul l’acte
de « forcer des enfants à participer à la production des
matériels pornographiques » est passible de peine, les
juges ne semblent pas comprendre les conséquences
graves que les crimes liés à la pornographie enfantine
ont pour les victimes comme pour les autres enfants
et, par conséquent, ne les considèrent pas comme
des crimes sérieux qui exigent une peine sévère.
Généralement, les auteurs de crimes s’en tirent avec
une amende d’une somme modique (10$ à 30$)
comme compensation aux enfants, qui ne sont plus
alors considérés comme des victimes mais plutôt
comme des «individus consentants» et, à ce titre,
ne reçoivent aucune autre assistance (par exemple,
17
une assistance socio-psychologique). La peine
prescrite par des juges est donc limitée à trois à
six mois d’emprisonnement seulement et, puisque
les malfaiteurs réalisent des bénéfices substantiels
par de telles activités criminelles, une amende n’est
absolument pas un obstacle.
Définition de la pornographie enfantine
18
Des définitions de la pornographie enfantine sont
données dans deux actes internationaux importants,
le Protocole additionnel relatif à la vente d’enfants,
la prostitution des enfants et la pornographie mettant
en scène des enfants, ratifié par l’Ukraine en 2003,
et la Convention sur la cybercriminalité du Conseil
de l’Europe, qui est entrée en vigueur en Ukraine en
juillet 2006.
Le Protocole additionnel définit la pornographie
enfantine comme : « toute représentation, par quelque
moyen que ce soit, d’un enfant s’adonnant à des
activités sexuelles explicites, réelles ou simulées, ou
dans la représentation des organes sexuelles d’un
enfant, à des fins principalement sexuelles».
Bien que nous associons souvent la pornographie
enfantine aux images et aux représentations visuelles,
elle comprend également les représentations sonores
et écrites, produites et distribuées par des magazines,
les livres, les bandes dessinées, les films, les vidéos
et les téléphones portables etc.2 Malheureusement,
des textes pornographiques décrivant des activités
sexuelles avec des enfants sont souvent négligés
et leurs auteurs ne sont pas poursuivis, alors qu’ils
participent aussi à la normalisation et à la promotion
de comportements déviants et criminels.
La majorité des images de pornographie enfantine
montrent des activités sexuelles explicites avec des
enfants, y compris l’attouchement sexuel entre un
enfant et un adulte (allant de l’attouchement des
parties génitales de l’enfant à la pénétration), coït
entre mineurs, pénétration avec des objets et, dans
certains cas, violence sexuelle extrême, y compris
sadisme, bondage et battements.3 Certains produits
de la pornographie enfantine sont mis en scène
tandis que d’autres montrent des actes sadiques
réels, qui peuvent même être exécutés en temps réel
par webcam. En examinant les images produites, les
enquêtes policières ont parfois pu déterminer le lieu
de l’abus grâce au papier peint, aux tapis ou à un
linge de maison particulier. Au moyen d’investigations
médico-légales, elles peuvent également déterminer
si les images constituent de la pornographie enfantine
existante en circulation ou bien s’il s’agit de nouvelles
images d’abus possiblement en cours. Néanmoins,
l’identification des victimes a été extrêmement rare
jusqu’ici.
____________________________
2
3
ECPAT International. Questions et réponses sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. 3ème édition. 2006. Disponibble sur : www.ecpat.net.
J. Wolak, D. Finkelhor et K.J. Mitchell. The Varieties of Child Pornography Production. In E. Quayle & M. Taylor (Eds.). Viewing child pornogrraphy on the Internet: Understanding the offence, managing the offender, helping the victims. Russell House Publishing. Dorset. UK. Pages
31-48. . Disponible sur : http://www.unh.edu/ccrc/national_juvenile_online_victimization_publications.html
Ce qui se nomme parfois l’érotisme enfantin’
(«child erotica») se rapporte non pas à des images
sexuellement explicites mais à des images lascives
ou d’enfants nus.4 Cela comprendrait des images de
nudité ou d’enfants à moitié-nus mettant l’accent sur
leur sexualisation, tel que des enregistrements vidéos
d’enfants réalisés à leur insu dans les vestiaires ou
les toilettes avec les appareils-photo cachés, comme
ce fut le cas dans les studios de modèles en Ukraine.
Cela inclut également des images sexuellement
suggestives d’enfants vêtus se concentrant sur
leurs parties génitales, par exemple, pendant des
manifestations sportives, montrant des bribes des
sous-vêtements, les parties érotiques du corps,
maillots de bain minuscules, collants de danseur
ou habits transparents.5 Ce type de pornographie
enfantine provoque souvent le débat car il n’y a
aucun consensus sur le fait qu’il constitue ou non de
la pornographie ; en conséquence, sa production
et sa distribution demeurent légales dans plusieurs
pays. Cependant, les images érotiques des enfants
sont fréquemment utilisées pour attirer des pédophiles
vers des sites Web où des images plus violentes et
plus abusives sont disponibles sur paiement. Les lois
danoises sont un exemple d’implications que cette
lacune du système légale peut avoir. En 2003, 10
pour cent des 4 684 cas enregistrés sur le service
d’assistance en ligne de Save the Children Danemark,
concerne rapport avec l’érotisme enfantin, et auxquels
il n’a pas été donné suite puisque l’érotisme enfantin
n’est pas considéré comme un crime selon la loi
danoise.
La convention sur la cybercriminalité du Conseil
de l’Europe a donné une définition plus complète
des images créées par ordinateur de pornographie
enfantine puisqu’elle inclut «tout produit
pornographique qui représente visuellement : a) un
mineur se livrant à une attitude sexuellement explicite
; b) une personne vraisemblablement mineure se
livrant à une conduite sexuellement explicite ; c) les
images réalistes représentant un mineur se livrant
à une conduite sexuellement explicite » (article 9).
Deux autres catégories importantes sont désormais
classées dans la pornographie enfantine : les
représentations des personnes en apparence jeunes
et les images réalistes ou simulées, telles que des
images de synthèse créées par ordinateur ou par
d’autres techniques. Par conséquent, le manga (mot
japonais désignant des bandes dessinées provenant
du Japon, de la Chine et d’autres pays d’Extrême
Orient, qui ont souvent un contenu sexuellement
explicite impliquant des enfants), le hentai (film
d’animation japonais à contenu pornographique et
sexuellement perverti) et les images «morphed» (effets
spéciaux utilisés dans films cinématographiques et
____________________________
4
5
Sous-groupe contre l’exploitation sexuelle des enfants, groupe d’O.N.G. pour la Convention sur les droits de l’enfance. Sémantique ou
substance. 2005. Page 26.
J. Wolak, D. Finkelhor et K.J. Mitchell. The Varieties of Child Pornography Production. In E. Quayle & M. Taylor (Eds.). Viewing child pornogrraphy on the Internet: Understanding the offence, managing the offender, helping the victims. Russell House Publishing. Dorset. UK. Pages
31-48. . Disponible sur : http://www.unh.edu/ccrc/national_juvenile_online_victimization_publications.html
19
les films d’animation) seraient considérés comme de
la pornographie enfantine. Ces produits «virtuels»
aussi bien que les memes (fichiers informatiques qui
se diffusent rapidement et largement sur Internet), les
bandes dessinées, les films d’animation et les jeux
vidéo, souvent désignés sous le nom de «pseudopornographie enfantine», ne devraient pas être jugés
comme inoffensifs sous le prétexte qu’ils sont «faux».
Bien qu’ils n’impliquent pas une «vraie» victime, ils
servent à saper les inhibitions et normaliser le rapport
sexuel avec des enfants, produisant davantage de
demande de pornographie enfantine et de rapports
sexuels avec des enfants. De même, les prédateurs
utilisent souvent ces supports pour entraîner ou
«préparer» un enfant à l’exploitation sexuelle.
pauvreté en Ukraine (classée soixante-dix-septième
au monde selon le rapport sur le Développement
Humain du PNUD en 2006) et le faible niveau des
revenus de la majorité des familles qui peuvent à
peine répondre à tous leurs besoins, rendent les
enfants hautement vulnérable à l’ESEC en général,
mais aussi à ce type d’exploitation. Le développement
rapide des TCI en Ukraine et une absence de
mesures de prévention des risques potentiels pour
les enfants engendrés par celui-là, contribuent
également à faciliter la production et la distribution
de pornographie enfantine. Pour illustrer ce point,
le nombre d’utilisateurs ukrainiens de téléphones
portables dépasse 51 millions alors que la population
est estimée à environ 47 millions et le nombre
20
Facteurs contribuant à la diffusion de
la pornographie enfantine en Ukraine
Il est nécessaire d’étudier un certain nombre
de facteurs qui caractérisent l’offre et la
demande de pornographie enfantine pour bien
comprendre le phénomène, afin de concevoir
une prévention adaptée et de mener des projets
qui la combattront efficacement.
Les facteurs qui expliquent pourquoi l’Ukraine
est particulièrement touchée par la production
de pornographie enfantine (et également par
d’autres formes d’exploitation sexuelle des
enfants à des fins commerciales), vont du
niveau mondial au niveau national.
Au plan national, les facteurs tels que la
Un studio produisant la pornographie enfantine à Odessa
prétend créer des « oeuvres d’art avec des nymphes »
Un citoyen américain de Moldavie a monté un studio de
pornographie à Odessa dans lequel il a pris des photos de filles
nues en échange de cadeaux, de nourriture et d’argent (jusqu’à
50$ pour deux ou trois jours de séances photo ou vidéo). Les
victimes âgées de sept à 14 ans, furent recrutées dans des familles
monoparentales de Moldavie en situation difficile, pour être plus
ensuite emmenées à Odessa pour la production de ces matériaux.
Son associé était un citoyen suisse qui a financé la production et
la distribution des images sur divers sites Web. Ils ont tous les deux
échappé à l’arrestation en 2002, en s’envolant hors de l’Ukraine
après une fuite des nouvelles de leur arrestation en cours. Dans le
studio, les officiers de police ont trouvé l’ordinateur et les dispositifs
numériques, les CD contenant des images pornographiques
d’enfant, les vidéos, les drogues (qui ont été également
administrées aux enfants), les pénis artificiels et un pistolet.6
d’internautes était de 8,5 à neuf millions fin 2006.7
Avec la démocratie est venue la libéralisation des
médias, y compris ceux en rapport avec la sexualité.
La société ukrainienne devient en effet de plus en
plus `sexualisée’, avec des représentations érotiques
innombrables de filles et de femmes dans la publicité,
les films, etc., rendant la sexualisation des personnes
acceptable et moins inconvenante. Les répercussions
sur la conduite et les comportements socialement
acceptables sont nombreuses, touchant les enfants
et les filles en particulier dans la mesure où elles sont
encouragées à être des objets sexuels et fascinées par
le pouvoir d’attraction de l’image érotique. Le faible
degré de contrôle social est évident dans beaucoup
de sphères et d’institutions du pays, telles que la
milice, les écoles et les services médicaux et sociaux.
La priorité est donnée aux profits financiers sur les
valeurs morales et la responsabilité professionnelle ;
un environnement plus laxiste et l’impunité générale
des auteurs d’abus favorisent considérablement
la prolifération des crimes sexuels sur enfant.
L’indifférence générale de la population à cette
question aggrave le problème.
Grandir ou vivre dans certains types d’environnements
sociaux présentent également des facteurs de
risque qui augmentent la vulnérabilité des enfants
à l’exploitation sexuelle. Ceux-ci comprennent: la
vie dans les villes ou zones urbaines où le taux de
criminalité est extrêmement élevé et où les groupes
de crime organisés recrutent activement de jeunes
garçons et filles dans le commerce du sexe. De même,
les districts ‘économiquement en déclin’, caractérisés
par des taux de chômage élevés et les revenus des
familles bas et les zones avec des niveaux élevés
de population rurale ayant migré vers des villes
incapables de faire face à l’afflux de gens. Les lieux
touristiques et de loisir présentent eux aussi des risques
étant donné que le pouvoir économique des touristes
peut trop facilement mener à l’exploitation sexuelle
des enfants. En outre, les enfants placés dans des
institutions publiques sont extrêmement vulnérables
à l’abus et à l’exploitation, en particulier puisqu’ils
quittent habituellement de telles institutions à l’âge
16 ou 17 ans, peu armés pour réintégrer la société.
Les enfants qui vivent dans les rues ou en fugue sont
également des proies faciles pour les exploiteurs,
notamment une fois piégés par la drogue, l’alcool
ou par l’abus et la dépendance à des substances
chimiques.
Par ailleurs, on trouve également des facteurs de
risque liés à la famille et aux amis de l’enfant. Les
éléments qui concourent à la vulnérabilité d’un
enfant à l’exploitation sexuelle, comprennent
l’expérience de l’abus, l’absence d’amour-propre
ou les penchants à alcool ou à d’autres produits.
Beaucoup d’enfants victimes de l’ESEC subissent aussi
la violence domestique, des parents alcooliques ou
ont un membre de leur famille déjà impliqué dans
l’exploitation sexuelle. En effet, dans certains cas, les
____________________________
6
7
Reportage «agence de stars du porno juvénile». http://www.i-scoop.org/scoop/documents/Porno-english.pdf
http://stc.kmu.gov.ua/komsvyaz/uk/publish/article/67679
21
parents prennent part directement à l’exploitation
sexuelle de leur enfant ou indirectement par leur
indifférence aux moyens par lesquels l’enfant
contribue aux revenus de la famille.
Un examen de cas d’enfants impliqués dans la
production pornographique en Ukraine met en relief
plusieurs façons de les circonvenir, ouvertement ou de
manière dissimulée. Diverses méthodes de coercition,
de manipulation et de paiement semblables à ceux
utilisées pour d’autres formes d’exploitation sexuelle
des enfants à des fins commerciales sont utilisées pour
attirer les enfants dans la pornographie.
Les enfants sont également recrutés par de fausses
annonces d’agences de mannequin ou de comédien,
comme ce fut le cas en 2006 dans la région de
Dniproperovsk, où six hommes et femmes ont filmé
des enfants mineurs dans des hôtels et des saunas
en les convainquant que c’était de ‘l’art’.8 Dans
une autre affaire en 2005, un photographe et un
professeur de danse ont été accusés d’agression
sexuelle sur des filles mineures provenant d’écoles
locales et d’avoir filmé les abus après être devenus
familiers avec les filles sous le prétexte de séances
photo et de cours de danse.9
La promesse de rémunération, en liquide ou en
nature, est une méthode classique pour exploiter
les enfants dans des circonstances extrêmement
difficiles (telles que les enfants des rues ou des enfants
de familles défavorisées) en les amenant vers la
prostitution ou la pornographie en échange d’argent
ou de nourriture, donnés à eux directement ou à la
famille.
Ces annonces trompeuses sont fréquentes dans
les journaux, magazines et sur Internet, avec
des légendes aguicheuses comme : « Recherche
jeunes gens jolis pour un travail bien payé ». Dans
d’autres cas, le recrutement est fait par les adultes
qui établissent une relation proche avec les futures
victimes pour gagner leur confiance ou par le biais
d’autres mineurs qui recrutent leurs amis.
Les parents peuvent également user de leur autorité
sur l’enfant pour le contraindre à participer à des
séances photo ou de tournage pour la production
pornographique, comme l’illustre un cas récent à
Dans certains cas, les criminels ont recours à la
drogue et à l’alcool pour affaiblir la résistance de
l’enfant. Par exemple, ce professeur d’informatique
à Kiev, qui avait invité des enfants à utiliser des
Attirer les enfants vers la pornographie
22
Kiev, datant d’octobre 2006, où une fille de six ans
était l’une des huit jeunes filles photographiées et
filmées par sa propre mère.
____________________________
8
9
Accès au site en août 2007 sur http://zadonbass.org/allnews/message.html?id=40523
Cas révélé dans l’émission de télévision ‘Closed Zone’ en janvier 2007.
ordinateurs chez lui, les drogua avant de les utiliser
dans de la production pornographique.10
Des enfants sont également recrutés des centres de
réhabilitation. Dans un de ces cas, un garçon a été
incité à s’habiller en fille et à se déshabiller dans
des séries de photographies en échange d’un peu
d’argent (20 $). D’autres enfants se sont également
livrés à de telles activités pendant le même mois en
2005. 11
Internet a fourni de nombreux espaces pour
rencontrer et exploiter les enfants. Dans le processus
de préparation en ligne, des enfants sont attirés
et initier à l’exploitation sexuelle dans les divers
environnements d’Internet où ils se réunissent. En
Ukraine, les blogs, les jeux multi-joueurs en ligne,
les salles virtuelles de discussion et autres forums
sont particulièrement populaires chez les jeunes. Les
adultes peuvent facilement y prendre contact avec
des enfants dans puis passer à des communications
plus privées à travers, par exemple, les messages
instantanés ou même arranger une rencontre dans
la vie réelle afin de les abuser. Les auteurs d’abus
emploient également Internet pour soumettre aux
enfants des produits pornographiques de manière à
réduire leurs inhibitions et à les convaincre d’envoyer
des clichés pornographiques d’eux-mêmes ou de
poser devant leur webcam.
Difficultés de la réinsertion des victimes
L’exploitation des enfants dans la pornographie (y
compris l’abus avec ou sans contact physique) a
d’importantes conséquences sur la vie des victimes.
En plus des séquelles physiques et psychologiques de
l’agression sexuelle elle-même, les enfants victimes
de la pornographie éprouve évidemment la crainte
que les images prises ne soient davantage distribuées
et exhibées. Dans le cas du studio à Odessa, où
plusieurs filles ont été violées pendant ou après que
les séances de photo et que l’abus soit enregistré
par des caméras dissimulées, quelques victimes ont
plus tard refusé d’aller à l’école ou de jouer avec
d’autres enfants en plein air. Ils redoutaient aussi les
appels téléphoniques et des visiteurs par crainte de
l’humiliation, étant donné que leurs images étaient
visibles sur Internet et pourraient être trouvées par
leurs amis, voisins, camarades de classe et proches.
Les victimes savent pertinemment que les images de
leur agression sont accessibles à grande échelle et
sont rongées par l’anxiété qu’elles soient dévoilées, y
compris même à leurs futurs enfants.
Il est ainsi très difficile pour les psychologues
d’aider les victimes à surmonter ce qu’ils ont vécu
compte tenu de cette réalité. De plus, la plupart des
professionnels de la santé mentale ne sont pas bien
préparés à travailler avec des victimes de ce genre et
dans ces circonstances spécifiques.
____________________________
10
11
Cas révélé dans l’émission de télévision ‘Closed Zone’ en janvier 2007.
Entretien avec Mme Vera Koshil, Directrice du Centre pour enfants « ASPERN » de Kiev,
23
Comment venir en aide? Les
projets d’ECPAT en Ukraine et les
recommandations
En 2006, le premier groupe de jeunes du réseau
All-Ukrainian Network contre l’ECSEC (le partenaire
d’ECPAT en Ukraine) a été formé à l’éducation des
pairs. La formation s’est concentrée sur les risques
de la violence contre des enfants sur Internet, les TCI
et sur la façon dont les enfants peuvent se protéger.
Douze jeunes éducateurs ont ensuite dispensé des
sessions de formation dans les écoles à Kiev, à
Lviv et à Donetsk. Pour soutenir leurs activités de
sensibilisation, ce groupe de jeunes a développé et a
imprimé des cartes postales en ukrainien et en russe,
intitulées `lis et passe à ton copain’, qui donnent un
aperçu de ce que les enfants devraient prendre en
compte pour leur protection, notamment :
• Ne pas envoyer votre photo ou des images
vidéo aux amis que vous n’avez pas rencontrés
personnellement ou que vous ne connaissez pas
bien, parce que vous ne pouvez pas savoir quel
usage ils feront de ces images ;
• Si vous décidez que vous allez rencontrer un
nouvel ami que vous avez contacté sur Internet,
prévenez vos parents ou amis. Aller à un endroit
autour où il y a beaucoup de monde et pendant
la journée; amener un ami ou un adulte à la
première rencontre ;
• Ignorer et ne pas répondre aux mots grossiers et
aux suggestions obscènes. Aviser les professeurs
ou le personnel du café Internet au sujet de
l’information ou des images obscènes que vous
recevez ;
• Les messages et les offres attrayantes envoyés
sur votre téléphone portable ou par Internet sont
souvent trompeurs ;
• Ne pas vous inscrire sur des sites pour adultes ;
• Mettez vous d’accord avec vos parents sur une
période d’utilisation de l’ordinateur (de longue
heures passés devant l’écran peut être mauvais
pour votre santé et pour votre équilibre).
• Ne donner aucune information personnelle au
sujet de vous-même ou de vos parents sur Internet,
telle que votre adresse, le nom de votre école,
vos numéros de téléphone et les revenus de votre
famille ;
• Prendre conscience que, sur internet, les gens ne
sont pas toujours ce qu’ils semblent être. Ils ne
disent pas toujours la vérité sur leur âge ou sur
leur sexe, par exemple ;
De plus, entre 2006 et 2007, plusieurs tables
rondes ont été conduites dans différentes régions
de l’Ukraine, organisées par All-Ukrainian Network
against CSEC et soutenues par le ministère de
l’éducation ; le Ministère de l’Intérieur et des Sciences;
et le Ministère de la famille, de la jeunesse et des
sports. Le Ministère de l’Education et des Sciences,
avec le réseau All-Ukrainian Network against CSEC,
prévoit également une conférence nationale sur la
Dans beaucoup de pays, y compris l’Ukraine, ECPAT
International a mené des projets de sensibilisation sur
la protection des enfants sur Internet, en ciblant les
groupes-clés, comme les enfants, les parents et les
maîtres d’école.
24
sécurité des enfants sur Internet, dans le cadre de
leur programme sur Internet et sur la prévention de la
pornographie enfantine.
En 2006, le Ministère des Affaires Intérieures a
organisé une réunion pour inciter des prestataires de
service informatique à signer un code de conduite.
Bien que plus de 50 fournisseurs aient été invités,
35 seulement se sont rendus à la réunion, et moins
encore à considérer la pornographie enfantine
comme étant un problème pressant nécessitant leur
coopération dans ce combat. Beaucoup étaient rétifs
à adhérer à un code de conduite en raison du risque
de perte de profits potentielle qu’ils estiment courir.
Quelques recommandations pour
améliorer la protection des enfants contre
la pornographie enfantine en Ukraine :
1) Au niveau gouvernemental, de vastes campagnes
contre la production, la diffusion et la possession
de pornographie enfantine devraient être
conduites. La population doit être informée de
ces activités criminelles et être sensibilisée au rôle
qu’elle peut jouer pour les combattre.
2) Il est nécessaire de développer un programme
national destiné à avertir les internautes au sujet
de l’existence illégale des sites de pornographie
enfantine et à bloquer l’accès à ces pages web.
3) La loi ukrainienne devrait être révisée être
conforme aux normes internationales, en
particulier en définissant correctement la
pornographie enfantine et en criminalisant la
possession de la pornographie enfantine.
4) La formation spécialisée à la prévention de
l’ECSEC devrait être intégrée à divers niveaux
pour les professionnels qui travaillent avec les
enfants. Des programmes de formation spécifiques
devraient également être mis œuvre pour les
organismes chargés de faire appliquer la loi et
pour les cours de justice, et notamment en vue
d’une meilleure compréhension de la gravité des
crimes liés à la pornographie enfantine.
5) Un module sur l’exploitation sexuelle des enfants,
y compris la pornographie enfantine et les risques
de violence contre des enfants liés aux nouvelles
TIC, devrait être introduit dans les cursus scolaires
et dans d’autres programmes pédagogiques
appropriés. Cela devrait également être rendu
obligatoire aux futurs instituteurs et être inclus dans
la formation pédagogique.
6) Il est recommandé de profiter des camps d’été et
d’hiver pour les enfants (comme ceux organisés
par ECPAT en Ukraine) comme autant d’occasions
de sensibiliser sur les droits des enfants et de
former à la protection contre l’exploitation sexuelle
(incluant la pornographie enfantine), aiguillonnant
ainsi la participation active des jeunes en tant
qu’acteurs essentiels de ces activités.
25
Tourisme sexuel et droits de l’enfant: qui peut faire quoi?
Par: Amihan Abueva, Président d’ECPAT International
(Cet article a d’abord été présenté au Forum International des Droits de l’Homme à Lucerne, Suisse, 24-25 mai 2007).
Introduction
26
Avec les progrès des transports de masse, de la
communication et des autres infrastructures à travers
le monde, davantage de régions sont devenues
accessibles à un nombre croissant de touristes. Tandis
que le tourisme et le voyage sont porteurs de valeurs
de compréhension et de tolérance, ils ont aussi
contribué à l’émergence d’un autre phénomène – le
toursime sexuel impliquant des enfants (TSIE). Ce
phénomène fut dans un premier temps largement
observé comme un problème essentiellement lié
à l’Asie du Sud-Est, mais des rapports ultérieurs
indiquèrent que le TSIE touchait des enfants d’autres
régions d’Asie et du Pacifique, d’Amérique Latine,
d’Afrique, d’une partie de l’Europe et d’Amérique du
Nord.
Le tourisme sexuel impliquant des enfants fait
référence à l’abus sexuel et à l’exploitation d’enfants
par une personne qui a voyagé depuis un endroit
différent, en général un autre pays. Les agresseurs
sexuels peuvent être des touristes, des hommes
d’affaires ou des expatriés.1 Il a été observé que la
croissance de l’exploitation sexuelle des enfants à des
fins commerciales (ECSEC) est souvent consécutive
à une hausse du tourisme dans plusieurs parties du
monde.
Bien que le tourisme ne soit pas la cause de
l’exploitation sexuelle de l’enfant, il favorise un accès
plus facile aux enfants vulnérables.2 Les auteurs de
sévices sexuels sur enfant profitent des moyens mis
à disposition par les voyagistes, hôtels, complexes
hôteliers, restaurants, compagnies aériennes et autres
entreprises de transport.3
Il a été estimé que plusieurs centaines de milliers
de filles et de garçons de par le monde sont soumis
à des conditions inhumaines et à des violences
de leur proxénète ou acheteur, subissant des viols
répétés et diverses formes d’abus sexuel, grandement
exposés à être atteints par des maladies sexuellement
____________________________
3
1
2
ECPAT Australia, Travel with Care, Australia 2000
ECPAT International/ECPAT Australia, ECPAT Information Booklet, 1996
ECPAT International, Questions and Answers about CSEC, 2006
transmissibles, y compris le VIH/SIDA, et au risque
d’accoutumance à la drogue et à l’alcool. Bien
que les exploiteurs soient en majorité des locaux,
des touristes et des voyageurs, les étrangers basés
ou travaillant à l’étranger constituent également un
groupe significatif. Le TSIE est amplement corrélé à
la prostitution enfantine, à la traite de mineurs et à la
production de pornographie enfantine.
Améliorer les lois pour protéger les
enfants
L’un des premiers obstacles qu’ECPAT a rencontré
fut un déni généralisé de la gravité du problème par
les gouvernements. Toutefois, la ténacité d’ECPAT et
d’ONG locales, avec l’aide des medias, a conduit
à de nombreuses révélations et à la mobilisation de
l’opinion publique, qui ont finalement donné lieu à
une nouvelle législation visant à protéger l’enfant
de l’exploitation sexuelle. La loi fut changée dans
plusieurs pays d’Asie tels que les Philippines (1992),
Taïwan (1995), le Sri Lanka (1995) et la Thaïlande
(1996).
Parallèlement à la création de lois de protection de
l’enfance plus strictes dans les pays asiatiques, il
est apparu nécessaire de créer des lois permettant
de protéger les enfants contre les agresseurs qui se
déplacent, afin que ces derniers puissent être punis
quand ils reviennent dans leur pays d’origine ou
après avoir quitté le pays où ils ont commis l’abus.
____________________________
4
O’Grady R., The ECPAT Story, Bangkok 1996
Ces lois confèrent une compétence juridictionnelle
extraterritoriale au pays de la victime, facilitant ainsi la
poursuite de délinquants sexuels. 4
ECPAT et d’autres organisations travaillant sur le
TSIE ont compris que pour donner de la consistance
à ces mesures, davantage devait être fait en termes
d’application des lois. Des organisations appartenant
au réseau ECPAT ont tissé, conjointement avec les
polices locale et nationale, des liens avec INTERPOL.
Le réseau a également participé au lobbying, et à leur
organisation, en faveur de formations permettant à
la police d’être plus pro-active et mieux sensibilisée
à la gestion de cas impliquant des enfants victimes
d’exploitation sexuelle à des fins commerciales.
27
Soutien à l’enfant exploité
Un autre aspect important du travail était d’assurer
une meilleure prise en charge des enfants qui ont subi
un abus sexuel et ont été exploités. La plupart d’entre
eux avaient besoin de se rétablir et de se sentir mieux
moralement avant de pouvoir faire face au système
judiciaire et à témoigner contre leur agresseur.
Une autre percée fut de trouver des alliés au sein
même de l’industrie du tourisme. Un des premiers
groupes internationaux à apporter son soutien à
ECPAT fut la Universal Federation of Travel Agent’s
Associations (UFTAA), la plus importante association
d’agents de voyage, comprenant des organisations
membres dans 85 pays. Peu après, d’autres membres
de l’industrie ont décidé de coopérer avec ECPAT
pour lutter contre le TSIE, dans le cadre de leur
politique de Responsabilité Sociale de l’Entreprise.
Plus d’agresseurs sexuels d’enfant arrêtés
28
Un succès majeur fut l’arrestation d’un nombre
croissant de touristes étrangers perpétrant des
agressions sexuelles sur enfants, en particulier en
Thaïlande, au Cambodge et en Indonésie. Par
exemple, au cours de l’année 2003 et jusqu’en mars
2004, l’Associated Press a signalé que la police
cambodgienne a arrêté au moins 16 étrangers
soupçonnés de pédophilie - le double d’arrestations
réalisées en 2002. 5
En Thaïlande, les diverses failles du système légal sont
en train d’être comblées pour améliorer la protection
des enfants contre l’exploitation sexuelle. La Thaïlande
a signé des actes d’assistance légale mutuelle et ratifié
des traités d’extradition, respectivement dix de chaque
à l’heure actuelle, avec de nombreux pays dans le
but de faciliter les poursuites contre les délinquants
sexuels étrangers. La Thaïlande a également adopté
en 2003 l’Acte de Protection de l’Enfant, qui contient
des dispositions en faveur du recours aux entretiens
filmés des victimes mineures, de sorte qu’elles n’ont
à témoigner qu’une seule fois, et qui leur évitent de
rencontrer l’agresseur en personne.
Cependant, plusieurs obstacles à l’application
effective des lois subsistent, notamment : les mutations
régulières des officiers de police à d’autres services
ont limité la capitalisation des compétences des
agents qui ont été spécialement formés à la prise
en charge des cas d’exploitation sexuelle d’enfants;
la difficulté perçue des procédures d’obtention d’un
mandat pour chercher et arrêter les délinquants
présumés ; le besoin pour la police de fournir
des efforts supplémentaires dans ces situations,
par exemple, de subvenir aux besoins des enfants
victimes, s’entend : soutien psychologique, protection,
nourriture et autres formes d’assistance.
À cet égard, le livre La fin de l’exploitation
d’enfants6 a soulevé un point essentiel concernant
deux principes du droit international - la double
criminalité et le double péril - qui méritent des études
et des recherches supplémentaires en Asie, dans
la mesure où ils entravent la mise en œuvre, dans
son intégralité, du Protocole additionnel relatif à
la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la
pornographie mettant en scène des enfants (2002),
qui fournit un cadre législatif extraterritorial.
Un autre obstacle a été le manque de coopération
et la passivité de certaines ambassades, qui, en dépit
d’une connaissance des charges retenues contre leurs
ressortissants, continuent de délivrer ou de renouveler
les passeports qui ont été retirés aux personnes faisant
l’objet d’une enquête, ce qui a facilité l’évasion d’une
partie des suspects.7
____________________________
7
5
6
Munthit K., Associated Press, 2004
Beddoe C., The End of the Line for Child Exploitation, London 2006
Fry E., Closing the Loopholes in: Sunday Bangkok Post 24/9/2006, Bangkok 2006
Impliquer l’industrie du tourisme
Parmi les précédentes initiatives d’associer l’industrie
du tourisme à notre action, on peut citer : la
production d’une vidéo projetée en vol, visant à
avertir les voyageurs contre l’exploitation sexuelle
des enfants dans le pays de destination ; la création
d’étiquettes de bagage distribuées aux voyageurs
européens, comportant des messages éducatifs
au sujet des dangers et de l’illégalité du TSIE ; la
production d’une pochette à billet distribuée par les
tours opérateurs et agences de voyage pour rappeler
aux voyageurs de respecter les droits des enfants à
leur intégrité sexuelle dans les pays de leur destination
; des brochures éducatives (voir www.ecpat.net)
Le Code de Conduite pour la Protection des Enfants
contre l’Exploitation Sexuelle lié au tourisme a été
lancé et exposé par ECPAT Suède et l’Organisation
Mondiale du Tourisme des Nations Unies à (OMT)
l’usage des voyagistes. Aujourd’hui, près de 600
compagnies dans le monde ont signé le Code de
Conduite et sont devenues membres de l’organisme
« du Code ». En considérant le nombre de touristes
utilisant les services des compagnies signataires, on
estime aujourd’hui à 30 millions par an le nombre
de touristes internationaux prenant connaissance
du Code de Conduite. Le Code de Conduite est un
instrument pour la responsabilisation individuelle et la
responsabilité sociale de l’entreprise qui assure une
protection accrue contre l’exploitation sexuelle liée
au tourisme. Le Code de Conduite se compose des
critères suivants :
1 : Etablir une politique éthique d’entreprise contre
l’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales ;
2 : Eduquer et former les employés à la fois dans le
pays d’origine et dans les destinations de voyage ;
3 : Introduire dans les contrats avec des prestataires
de service/fournisseurs une clause énonçant une
condamnation commune de l’exploitation sexuelle
commerciale des enfants ;
4 : Fournir les informations et les matériaux de
sensibilisation aux voyageurs au moyen de
catalogues, brochures, films projetés en vol,
pochettes de billet, pages d’accueil, etc. ;
5 : Fournir les informations aux personnes-clés
locales des lieux de villégiature ;
6 : Faire un rapport annuel sur la mise en place de
ces critères.
L’un des meilleurs exemples de la coopération entre
ECPAT et le secteur privé est son partenariat avec les
Hôtels Accor et Accor Services. Le partenariat entre
Accor et ECPAT comprend : la signature du code
de conduite, des campagnes de sensibilisation et
d’information, des programmes de formation pour le
personnel et la collecte de fonds et les contributions
en nature au travail d’ECPAT.
Campagne d’éducation régionale de
l’ASEAN
Un autre terrain qui prend une importance croissante
dans la campagne contre le TSIE est l’engagement de
l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE
29
ou ASEAN). Child Wise, le groupe national d’ECPAT
en Australie, a pris la tête de cette coopération étroite
en lançant une série d’activités avec l’ASEAN et les
Ministères du Tourisme dans la région. Lors de la
réunion du groupe de travail régional tenue à Bali
en janvier 2004, tous les pays membres de l’ASEAN
signèrent un Plan d’Action Régional, qui incluait la
proposition d’une Campagne d’Education Régionale.
30
L’analyse du marché a montré que la majeure partie
des messages publicitaires avait ciblé les agresseurs.
Ceci signifie que les efforts se sont concentrés sur la
très petite minorité de voyageurs qui cherchaient à
s’attaquer aux enfants. Toutefois, dans les pays de
destination, il s’est avéré que les possibilités de traiter
le problème étaient considérablement augmentées si
la majorité des voyageurs responsables pouvaient être
les yeux et les oreilles des autorités locales pendant
leur voyage.
La campagne dans les pays d’accueil a consisté
à sensibiliser les gens à l’exploitation sexuelle de
l’enfant et à les inciter à signaler les comportements
suspects. Le résultat fut une campagne convaincante,
positive, significative, accrocheuse, très visible et
concentrée sur le changement de comportement, en
particulier orientée vers :
• La mobilisation des voyageurs responsables et des
citoyens locaux pour signaler le TSIE au moyen
d’un numéro d’appel dédié ;
• La dissuasion des auteurs de crimes sexuels sur
enfant ;
• La création d’une culture de non-tolérance par
rapport à l’abus sexuel d’enfant.
Les efforts permanents d’ECPAT
ECPAT International continue à combattre le tourisme
sexuel impliquant des enfants à travers diverses
initiatives. Un des principaux efforts est l’engagement
continu d’ECPAT International auprès de l’organisme
du Code en étant membre du comité de direction,
en fournissant des informations sur le TSIE et en
assurant la formation des membres signataires, en
renforçant la mise en œuvre du Code de Conduite
et en promouvant ce dernier auprès des acteursclés de l’industrie du tourisme. Parmi d’autres
actions, on compte aussi le lobbying d’ECPAT
International auprès de différents gouvernements,
ayant pour objectif d’inciter le renforcement du
cadre juridique permettant de combattre le TSIE.
ECPAT fournit souvent l’expertise technique à
divers groupes de travail, en ébauchant la nouvelle
législation relative à l’exploitation sexuelle des
enfants à des fins commerciales. En outre, ECPAT
continue à participer aux événements internationaux,
régionaux et nationaux concernant le tourisme
sexuel impliquant des enfants. Par exemple, lors
du 2007 CSR Asia Seminar (Colloque Asie 2007
de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise), ECPAT
International a été invité à partager les bonnes
pratiques de son partenariat avec Accor Asie en ce
qui concerne l’application du Code de Conduite
et, en même temps, à promouvoir le besoin de plus
de responsabilité sociale des entreprises au sein
du secteur du tourisme. Enfin, ECPAT International
continue de produire différentes publications sur le
TSIE et des supports de communication ayant pour
but de faire prendre conscience du problème à ses
membres et à l’opinion publique.
Lacunes et défis
En 2004, cinquante millions de visiteurs ont
été enregistrées dans les dix pays membres de
l’ASEAN (secrétariat de l’ASEAN), le chiffre annuel
le plus important relevé dans la zone de l’ASEAN.
Cependant, par le biais d’une combinaison de
facteurs complexes et atténuants, la région d’ASEAN
connaît aussi malheureusement le nombre le plus
élevé de cas de TSIE dans le monde. Ces dernières
années, en réponse à ce phénomène, les divers pays
d’Asie ont pris des mesures d’instruction du public
pour sensibiliser ce dernier au TSIE.
En ce qui concerne la collaboration avec le secteur
du tourisme, quelques segments n’ont toujours pas
été impliqués, en particulier les petites et moyennes
entreprises de tourisme (guesthouses, et notamment
les petits hôtels indépendants). Il devient également
impérieux de faire participer les transporteurs lowcosts, qui émergent dans toute la région. A mesure
que les déplacements dans la zone augmentent,
le TSIE suit la même tendance, et l’industrie
devrait anticiper plutôt que réagir au problème. En
conséquence, il apparaît nécessaire d’étendre les
partenariats à d’autres branches du secteur privé.
Il reste beaucoup à faire dans certains pays, dans
le domaine de l’application de la loi, afin d’éviter
que les auteurs de crimes de TSIE n’échappent à la
justice. La création d’une base de données régionale
____________________________
8
Beddoe C., The End of the Line for Child Exploitation, London 2006
est une étape importante en vue d’amoindrir les
dysfonctionnements dans la mise en vigueur des lois.
Il est également important de poursuivre la conduite
de débats, les consultations et les autres activités de
partage d’information.
Une question importante est la manière dont
les agresseurs sont définis et, par conséquent,
poursuivis. ECPAT Royaume-Uni a introduit le terme
d’’agresseur itinérant’ pour désigner un contrevenant
qui se déplace d’un endroit à un autre, où l’abus et
l’exploitation peuvent avoir lieu dans les situations qui
ne sont pas normalement liées au tourisme, telles que
des orphelinats. Le terme couvre également l’abus
d’enfants par les touristes intérieurs (par opposition
à internationaux), un problème naissant dans de
nombreux pays.8 Le nombre des O.N.G. travaillant
sur cette question s’est considérablement accru ces
dix dernières années, ce qui est positif dans la mesure
où cela peut être attribué à une préoccupation
accrue et à une plus grande prise de conscience du
problème. Toutefois, il demeure nécessaire de prêter
attention au risque de parallélisme des actions de ces
organisations pour s’assurer que chaque groupe ne
travaille pas isolément.
La coopération entre et au sein des organismes
nationaux au moyen d’une juridiction régionale est un
enjeu essentiel, pour faire en sorte que le succès dans
une communauté n’ait pas comme conséquence la
hausse des incidences dans une autre : comme cela
31
a été vu en Asie, l’amélioration des actions menées
dans un pays peut avoir comme conséquence que
les auteurs de crimes sexuels s’intéressent à d’autres
«marchés» potentiels dans la région.
Combattre le TSIE exige des efforts supplémentaires.
Il est devenu crucial de faire participer la jeunesse.
Depuis le Congrès Mondial de Stockholm en 1996, le
rôle des enfants dans leur propre protection et pour se
construire un meilleur avenir a été souligné. Grâce à
l’action d’ECPAT, d’importants progrès ont été réalisés
concernant la participation des jeunes dans la luttre
contre le TSIE.
32
Les enfants demeurent vulnérables à l’exploitation
et, dans certains cas, leur vulnérabilité augmente
en raison de facteurs tels que les conflits civils, les
catastrophes naturelles, la pandémie du SIDA, les
progrès techniques engendrant des formes d’abus
supplémentaires.9 D’autres acteurs de la société
doivent s’impliquer et être incités à agir, notamment
les jeunes, afin d’offrir aux enfants une meilleure
défense contre l’abus et l’exploitation. Les enfants
doivent recevoir tout le soutien et la protection
____________________________
9
Beddoe C., The End of the Line for Child Exploitation, London 2006
octroyés par les actes internationaux des droits de
l’homme, mais, au final, leur futur doit être placé
entre leurs propres mains et tous les pans de la
société doivent y concourir.
Partage de bonnes pratiques: Travail en partenariat avec des enfants victimes
d’exploitation sexuelle à des fins commerciales en Asie du Sud
Par: Ilona Bhattacharya, YPP National Coordinator, SANLAAP, India
Ce que je préfère dans le PPJ, c>est qu>il soutient les anciennes victimes
et les aide à être traitées avec respect et dignité dans la société.
Un jeune Népalais engagé dans le Projet de Partenariat avec la Jeunesse pour les enfants vicitmes de l’exploitation
sexuelle à des fins commerciales en Asie du sud (PPJ)
Le Projet de Partenariat avec la Jeunesse pour les
enfants victimes de l’exploitation sexuelle à des fins
commerciales en Asie du sud (PPJ) est une initiative
unique qui s’efforce d’avoir un impact psychosocial
positif et d’améliorer la vie des enfants affectés
en Inde, au Bangladesh et au Népal. Les jeunes
auparavant victimes de l’exploitation sexuelle à des
fins commerciales (ESEC) et les jeunes en situation
de risque vivant dans des quartiers chauds, dans la
rue ou dans d’autres endroits dangereux, tels que les
quais de gare, sont les participants-clés du projet.
Au travers de programmes de soutien entre pairs,
les campagnes de sensibilisation des communautés
et la défense publique des droits, les anciennes
victimes d’ESEC et la jeunesse à risque emploient leur
connaissance et leur savoir-faire pour se protéger et
défendre le droit des enfants.
Le PPJ est opérationnel depuis trois ans et mis en
œuvre par SANLAAP en Inde, Maiti Nepal au Népal
et Aparajeyo au Bangladesh. Le projet est coordonné
au niveau régional par ECPAT International et financé
par Comic Relief et Christian Aid. L’objectif premier
de ce projet est d’encourager, assister et renforcer
la participation et la collaboration de la jeunesse
dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants
à des fins commerciales. Par des programmes de
formation et de renforcement des capacités, les jeunes
acquièrent des compétences leur permettant de
prendre le leadership dans leur communauté, écoles,
foyers et organisations.
Le PPJ est l’un des premiers exemples où d’anciennes
victimes d’ECSEC jouent un rôle actif dans la
conception, l’exécution, la prise de décision et le
contrôle d’un projet créé pour eux. Ceci a donné
l’opportunité aux enfants de jouer un rôle de meneur
dans les communautés ou les organisations où ils
33
vivent, érodant l’image d’assistanat rattachée à l’aide
apportée aux anciennes victimes et les encourageant
à devenir des acteurs positifs dans les décisions qui
affectent leur avenir et la société dans laquelle ils
vivent. Observant les résultats probants des méthodes
innovatrices du projet, ECPAT et les partenaires de PPJ
ont estimé qu’il était important de promouvoir et de
faire connaître ces stratégies efficaces pour travailler
avec les jeunes les plus vulnérables.
Exploitation sexuelle des enfants à des
fins commerciales en Asie du sud
34
conduite par l’Organisation Internationale du Travail
(OIT), environ 30 pour cent des personnes prostituées
à Katmandou se sont avérés être des enfants.
Les victimes de l’exploitation sexuelle souffrent d’un
trauma physique et mental extrême, qui peut souvent
entraîner des effets durables, longtemps après qu’un
enfant a réchappé à un abus. Le manque d’amourpropre peut miner l’énergie et la joie de vivre d’un
enfant. Le Projet de Partenariat avec la Jeunesse
cherche à atténuer ce sentiment d’abandon en
rendant les jeunes plus forts, de sorte qu’ils soient en
mesure d’engager le dialogue et de créer des tribunes
où leurs avis soient entendus avec sérieux et respect.
Les organisations de terrain et les recherches
ont fourni des statistiques reflétant l’ampleur et
l’augmentation de l’ECSEC en Asie du Sud. En Inde,
Participation des enfants et des jeunes
le nombre estimé d’enfants dans la
prostitution varie entre 270 000 et
Les pouvoirs publics doivent assurer à l’enfant qui
400 000. En 2005, la Commission
est capable de former ses propres opinions, le droit
Nationale Indienne des Droits de
l’Homme a déclaré que la durée
de les exprimer librement dans tous les domaines qui
moyenne des enfants maintenues en
le touchent, et ce faisant, en conférant à l’opinion de
situation d’ESEC s’étend de deux à dix
l’enfant l’importance qu’elle mérite en fonction de son
ans, période pendant laquelle ils sont
âge et de sa maturité.
soumis à l’abus physique et maintenus
dans les conditions semblables à
l’esclavage. De nombreuses jeunes filles sauvées de
l’exploitation sexuelle sont souvent trafiquées. Au
L’article 12 de la Convention relative aux Droits de
Bangladesh, il y a approximativement deux millions
l’Enfant (CDE) a introduit le principe que l’enfant
d’enfants des rues et l’exploitation sexuelle est
est non pas un «objet» de protection mais un «sujet»
courante parmi eux. Une étude conduite en 2005 par
ayant des droits, ce qui lui confère la légitimité
le partenaire Aparajeyo-Bangladesh a indiqué des
de prendre part aux décisions qui le concernent.
cas d’enfants forcés à des activités sexuelles dans des
Impliquer les jeunes dans le processus de participation
marchés, des parcs et des gares. Selon une recherche
renforce leur confiance en eux et peut améliorer la
prise de décision. Quand les jeunes participent aux
décisions qui affectent leur vie, ils ont une meilleure
compréhension des raisons qui amènent à prendre
une décision et prêtent une plus grande attention à
son aboutissement.
Faire partie de groupes sociaux et être traité avec
respect contribuent aux sentiments d’appartenance
à une communauté, permettant aux jeunes de se
construire une identité. L’expérience de la participation
à une cause, à une décision ou à un groupe peut
constituer une étape décisive dans le développement
de la responsabilité, du sens du but et de la confiance
en soi. Le droit et la capacité de faire valoir ses droits,
de prendre en main et de participer au processus
de décision et d’interventions par les enfants et la
jeunesse contribuent à l’intégration dans la société
civile et renforce les mécanismes démocratiques.
Une grande partie de ce dont les jeunes ont besoin
pour leur épanouissement dépend des rapports avec
autrui et de leur capacité à négocier les relations et à
prendre de bonnes décisions.
Projet de Partenariat avec la Jeunesse
Le Projet de Partenariat avec la Jeunesse aide les
anciennes victimes de l’exploitation sexuelle à opérer
un changement psychologique de leur perception
de soi, allant d’une image de bénéficiaires passifs
ou de victimes, à celle de citoyens actifs. Cette
transformation contribue au processus de guérison
dans la mesure où ils ne se perçoivent plus comme
des êtres sans valeur, mais commencent à concevoir
un sentiment de but en parvenant à atteindre les
enfants vulnérables qui continuent, eux, à vivre dans
des situations difficiles.
Le PPJ coordonne les groupes de soutien entre pairs
qui travaillent dans les communautés vulnérables et
à haut risque, partageant et diffusant l’information,
et sensibilisant les gens sur les questions essentielles
liées à l’ECSEC. Les animateurs du PPJ apportent
également une assistance individualisée, pour
éviter aux pairs qu’ils encadrent d’être victimes
de l’exploitation et de la violence. Les jeunes qui
ont traversé ces épreuves par le passé, offrent
également assistance aux enfants victimes de la
traite, qui essayent de s’adapter à leur nouvelle vie
et à l’environnement du foyer d’assistance publique.
Ils influencent les décideurs politiques locaux et
nationaux en termes de prévention, de protection
et de réinsertion des enfants sexuellement exploités,
par des actions de lobbying et de défense des droits.
Par le biais de programme de sensibilisation des
communautés et la production d’information, de
matériels d’éducation et de communication (MEC), les
jeunes du projet sensibilisent aux risques de l’ECSEC
et à la traite des enfants, aux droits des enfants,
à la prévention et au traitement du VIH/SIDA, en
particulier parmi les groupes vulnérables, tels que des
enfants des rues et des enfants infirmes.
Les micro-projets du PPJ permettent aux enfants
désavantagés et aux jeunes de la région de
développer et de mettre en œuvre les initiatives qu’ils
ont identifiées eux-mêmes comme des priorités,
et appuient un large éventail d’activités de petite
envergure proposées par les jeunes. Des micro-projets
sont gérés par les jeunes du PPJ, qui créent et réalisent
35
une gamme d’activités avec l’aide et le conseil
d’adultes. Les projets comprennent notamment la
création d’une bibliothèque et d’un espace de jeu, le
soutien à un groupe de théâtre pour promouvoir l’art
dramatique comme moyen de sensibiliser les jeunes
à la traite des enfants et à l’exploitation sexuelle,
des rassemblements contre la traite des enfants et
l’exploitation sexuelle et la conception d’affiches
contre la traite et l’abus sexuel ou en faveur des
droits de l’enfant. Le processus de participation à ces
micro-projets s’est avéré utile au développement et au
renforcement des compétences et des responsabilités
pour la prise de décision, de la réalisation des idées,
du travail en équipe et a produit un impact positif sur
la vie de leurs pairs et de la communauté en général.
Identifier les pratiques qui marchent
Alors que ces réponses données par les jeunes
appartenant au projet commençaient à se faire
36
entendre, il est devenu impératif de recueillir le récit de ces expériences afin d’analyser et d’évaluer l’impact du PPJ sur
la vie des enfants, de même que pour développer des stratégies efficaces ayant pour objectif de favoriser l’engagement
Le travail dans les écoles était une nouvelle et riche expérience pour moi. Je
n>ai jamais pensé que les professeurs me montreraient un tel respect. Nous
nous réunissons régulièrement pour discuter des progrès des enfants dans le
cadre du programme de soutien entre pairs.
Les adultes ont pensé que nous étions capables de prendre en charge les
finances du projet et de mettre en place les micro-projets nous-mêmes.
Nous en sommes très fiers.
J’ai réalisé que nous ne sommes pas les seuls avoir souffert et qu>il y a des
centaines d>autres comme nous, qui vivent toujours dans des situations exttrêmement préjudiciables.
de la jeunesse anciennement victime de l’exploitation
et en situation de vulnérabilité dans le combat contre
l’ESEC.
Une série de questions a été développée par ECPAT
International puis partagée avec les jeunes du
PPJ dans les trois pays du projet. Les jeunes ont
fait le point sur le projet, ont donné des réponses
aux questions et un questionnaire régional a été
développé. Les informations ont été collectées par
les jeunes du PPJ auprès de leurs pairs et des jeunes
participant par le biais de groupes de discussion,
d’entretiens individuels, de réponses individuelles
et de groupe, ainsi que d’autres moyens, comme le
dessin et la poésie.
Tous les enfants impliqués dans la démarche se sont
mis préalablement d’accord sur le procédé et le
problème de la confidentialité a été discutée à la fois
avec les enquêteurs et les participants. Des thèmes
communs et des critères ont été identifiés à partir
des informations collectées. Une consultation menée
par les jeunes a été organisée au Népal en octobre
2006. Au cours de celle-ci, avec le concours des
adultes, les jeunes ont développé le cadre des bonnes
pratiques et des leçons tirées de l’expérience acquise
qui ont aidé à affiner et à renforcer la planification et
l’exécution du projet, et qui ont également fait l’objet
d’une publication.
Le Guide des Bonnes Pratiques du PPJ décrit certaines
des méthodes participatives et des principes que les
jeunes recommandent afin de faire participer les
victimes, les enfants et jeunes vulnérables à l’action
contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales.
Les principaux composants déterminés comprennent :
• Encourager les jeunes à transformer leur image
négative d’eux-mêmes et à changer les mauvaises
perceptions par le public en se concentrant sur
leur influence bénéfique de leur rôle de soutien
envers leurs pairs, de défenseur des droits de la
jeunesse et de leaders de la communauté.
• Offrir des cours de théâtre, de poésie et d’art des
marionnettes pour permettre à des survivants de
s’exprimer à travers l’art er par d’autres moyens
créatifs, qui établissent la confiance en soi au
travers de la libre expression et les présentations
en public.
• Confier aux jeunes la responsabilité de planifier et
de mettre en place des projets, tout en fournissant
l’assistance et la formation adéquates.
• Garantir la sécurité des jeunes participant à des
projets tels que le PPJ ou aux autres, en établissant
des cartes d’identité, en assurant la surveillance
des adultes, etc.
• Un environnement devrait être créé pour faciliter
la participation où les adultes comprennent
et respectent la capacité de la jeunesse et des
enfants à participer à la gestion des projets. Les
adultes y ont un rôle important et doivent d’abord
s’interroger sur eux-mêmes, sur leurs modes de
pensée avec honnêteté et sincérité. Une fois que
les enfants deviennent indépendants, ils peuvent
remettre en questions certaines actions ou certains
motifs, et les adultes devraient être ouverts d’esprit
à dans de telles situations et respecter les opinions
des enfants et des jeunes.
37
Mira : Une Animatrice du PPJ en Inde ?
Quand elle rejoignit le projet, Mira était timide, en retrait
et peu à l’aise pour parler en public. Mira a commencé
à participer aux discussions et aux sessions du PPJ, où
elle a appris comment les jeunes peuvent s’entraider et
en partageant l’information sur la façon de se protéger
contre l’ECSEC, le VIH/SIDA et contre d’autres dangers.
A mesure que Mira s’impliquait dans les discussions, elle
a pris peu à peu conscience que d’autres jeunes suivaient
ses conseils et qu’ils dépendaient de son leadership, si
bien que ses pairs l’ont élue Animatrice de Jeunes du
PPJ.
38
Au départ, elle était hésitante à prendre la parole au
cours des réunions du personnel adulte du PPJ. Toutefois,
elle a su qu’elle avait la responsabilité de représenter ses
pairs et de s’assurer que leurs opinions étaient prises en
compte dans la gestion du projet. Elle a appris à diriger
des sessions de groupe non-hiérarchiques, où chacun
participe et où l’information est présentée par des activités
et des techniques interactives. En tant qu’ancienne victime
d’ECSEC, Mira comprenait parfaitement la façon dont
D’autres suggestions pratiques et pragmatiques
ont été faites par les jeunes du PPJ pour donner
du sens à la participation, afin qu’elle ne soit pas
simplement symbolique. Le procédé consistant à faire
l’analyse critique et identifier les bonnes pratiques, a
également mis au jour comment le projet a changé
la vie des enfants et des jeunes touchés. Comme
des témoignages et des succès étaient partagés, il
était évident que les jeunes gagnaient non seulement
en confiance et développaient leurs facultés de
communication, mais qu’ils aidaient aussi d’autres
autour d’eux à faire de même.
d’autres enfants ayant traversé les mêmes épreuves
peuvent se sentir. Elle a apporté un soutien aux Assistants
de Pairs du PPJ opérant dans les écoles et les abris, et a
ressenti une fierté que ces jeunes lui aient fait confiance et
aient compté sur elle.
Mira a fourni un effort particulier pour toucher les jeunes
filles qui, comme elle, étaient dans un premier temps peu
disposées à dialoguer avec les autres. Elle a utilisé les
techniques qu’elle avait apprises pour atteindre les jeunes
individus insensibles ou agressifs en les invitant à participer
aux micro-projets, de danse, de théâtre et de discussion
de groupe. Mira a voyagé à Genève, en Suisse, pour
participer à un événement international de défense des
droits, qui l’a aidée à réaliser qu’elle avait un message
universel à transmettre.
Mira sait maintenant que les chefs ne sont pas toujours
des personnes connues. On peut les trouver parmi des
gens de toute condition sociale, exactement comme elle.
Les cas comme celui de Mira ont été documentés
au cours de la démarche d’identification des bonnes
pratiques. Il est apparu que le projet a eu un impact
sur la vie des enfants à quatre niveaux :
• Protection de l’enfance;
• Création de liens entre les jeunes travaillant sur
le terrain et défense effective des droits au niveau
national et international ;
• Développer le sentiment d’autonomie, de
confiance en soi et de dignité ;
• Briser le silence, les tabous, les stigmates et la
discrimination autour de l’ESEC.
Conclusion
Le PPJ Asie du Sud a clairement démontré que,
lorsque l’occasion leur est donnée, les enfants
rescapés peuvent jouer un rôle important et crucial
dans le combat contre l’exploitation sexuelle des
enfants à des fins commerciales. Ces jeunes sont
en position unique pour plaider auprès de leur
gouvernement en faveur d’une législation plus forte et
de meilleures prestations sociales pour les enfants. Ils
sont également capables d’informer leurs pairs pour
les aider à se protéger et à développer des stratégies
interactives et adaptées aux enfants de diffusion de
messages de prévention de l’ECSEC parmi les plus
vulnérables et dans les communautés.
L’approche proposée par le PPJ peut être mise
en œuvre dans d’autres pays et ECPAT travaille
étroitement avec les jeunes et les partenaires du
projet pour développer les modèles reproductibles et
les lignes directrices destinés à d’autres organismes
travaillant avec les anciennes victimes et les jeunes en
situation de risque. Les jeunes du PPJ sont désireux
d’être des mentors, de participer au renforcement
des capacités et de partager leurs expériences avec
d’autres organisations et des jeunes, de sorte que
ces techniques innovatrices puissent être mises en
place dans d’autres régions du monde. Nous voulons
que les voix des ces jeunes soient entendues grâce
à la publication des Bonnes Pratiques du PPJ et par
d’autres moyens que le projet a conçus pour inspirer
les différents acteurs et responsables à respecter et à
faire respecter pleinement les droits des enfants.
39
Interventions différenciées et ciblées dans la lutte contre la traite des enfants à
des fins sexuels
Par : Mark P. Capaldi, ECPAT INTERNATIONAL, Directeur adjoint, Programmes
Résumé
40
Introduction
psychologique, spirituel, émotionnel et social et pour
leur bien-être général. Il existe trois formes primaires
et interdépendantes d’exploitation sexuelle des enfants
à des fins commerciales: la prostitution enfantine, la
pornographie enfantine et la traite d’enfant dans un
but sexuel. Les autres formes d’exploitation sexuelle
des enfants à des fins commerciales comprennent
notamment le tourisme sexuel impliquant des enfants
et certains types de mariages d’enfant (où une
rémunération est donnée en échange d’un enfant en
mariage). Le dénominateur commun de toutes ces
manifestations de l’ESEC est qu’il y a un échange
par lequel une ou plusieurs parties tirent un revenu
- argent liquide, biens ou services en nature - de
l’exploitation à buts sexuels d’un individu âgé de
moins de 18 ans.
L’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales (ECSEC) est une des pratiques
criminelles les plus honteuses et une violation abjecte
des droits et de la dignité des enfants. Ces crimes
contre les enfants peuvent avoir des conséquences
graves pour leur développement physique,
Le trafic d’enfant peut être considéré comme un
problème à facettes multiples lié à différents genres
de violations des droits de la personne. L’OIT estime
qu’il y a environ 1,2 million d’enfants trafiqués
dans le monde chaque année.1 Les victimes du
trafic peuvent être exploitées et utilisées pour la
Tiré de l’expérience d’ECPAT à travers le monde,
cet article souligne les différences entre le trafic
d’enfant pour l’exploitation sexuelle et le problème
plus large du trafic de personne, et explique la
nécessité d’agir en prenant en compte les besoins
spécifiques des enfants. La nécessité de fournir une
meilleure protection légale et une aide psychosociale
adaptée aux enfants victimes, tout en poursuivant
les trafiquants au moyen d’une législation et d’une
utilisation efficiente des ressources politiques et
gouvernementales.
____________________________
1
OIT, A Future without Child Labour, Genève. 2002, p.32.
contrebande (de drogues, par exemple), la mendicité,
le vol d’organe, l’adoption illégale, le travail forcé et
pour l’exploitation sexuelle. Ce qui définit clairement
la traite de personne est que la victime du trafic est
destinée à être exploitée par ceux qui prennent part
à l’organisation de son déplacement d’un endroit à
un autre. Tandis que des enfants sont trafiqués pour
plusieurs raisons, de nombreux cas dans le monde
montrent que les adolescents sont souvent trafiqués
pour des motifs sexuels.2
Beaucoup de ces crimes sont liés entre eux. Des
enfants peuvent être trafiqués et asservis dans les
maisons closes où ils sont quotidiennement exploités
dans la prostitution. De même, le tourisme sexuel
impliquant des enfants peut alimenter le trafic. Le
trafic d’enfant a été également relié à la production
et à la distribution de pornographie enfantine,
suite à l’utilisation croissante des technologies
de l’information et des communications (TIC) et
d’Internet par les criminels. Néanmoins, réponde
efficacement à ce problème exige une compréhension
claire par toutes les parties prenantes des diverses
formes et composantes de l’ESEC, de sorte que des
interventions différenciées en matière de prévention
et de protection puissent être mis en œuvre. Par
exemple, des enfants et les femmes sont souvent
groupés ensemble dans les actions et les politiques
développées contre le trafic. Cependant, là où les
enfants sont victimes de la traite de personne, il
devient bien plus difficile de combattre le problème
parce que les enfants ont des besoins spécifiques et
les soins qui leur seront prodigués seront différents
de ceux des victimes adultes. En outre, les droits
des enfants exigent une protection propre comme le
montre la Convention relative aux Droits de l’Enfant
(CDE). Si l’on ne tient pas compte de cette spécificité,
il y a de fortes chances que plus de mal soit causé.
ECPAT International, un réseau d’organisations qui
se consacrent à la lutte contre l’ESEC dans plus
de 70 pays dans le monde, prône une meilleure
compréhension des formes multiples de l’ESEC (dont
l’une des manifestations est le trafic d’enfant dans un
but sexuel) de sorte que soient définies et menées des
interventions appropriées et une assistance adéquate.
ECPAT International, un réseau d’organisations qui
se consacrent à la lutte contre l’ESEC dans plus
de 70 pays dans le monde, prône une meilleure
compréhension des formes multiples de l’ESEC (dont
l’une des manifestations est le trafic d’enfant dans un
but sexuel) de sorte que soient définies et menées des
interventions appropriées et une assistance adéquate.
Stratégies permettant d’améliorer la
prévention
potentiellement exposées au trafic dans un but
d’exploitation sexuelle, remettant ainsi en cause les
stéréotypes sexistes qui supposent souvent que les
adolescents sont des ‘cibles légitimes’ pour les auteurs
____________________________
2
ECPAT Europe Law Enforcement Group: East West Research on Trafficking in Children for Sexual Purposes in Europe: The Sending Countries.
Pays-Bas, 2004.
41
42
d’abus sexuels en raison de la maturité sexuelle ou
de la beauté perçues des jeunes filles.3 Si des enfants
sont trafiqués d’un pays à l’autre pour l’exploitation
sexuelle, il est particulièrement important de mettre
en œuvre des actions de sensibilisation anti-trafic en
faisant campagne dans les langues appropriées et
ciblant l’origine, le transit et les pays de destination
finale des enfants trafiqués. Les emplacements
principaux pour de telles campagnes comprennent
les bureaux d’immigration, les aéroports, les terminus
des transports en commun, les postes-frontières, les
zones urbaines et les sites touristiques. Le personnelclé dans ces emplacements (tels que les douaniers,
les patrouilles frontalières, les officiers de police,
les travailleurs sociaux et les personnels médicaux)
devraient être formés à un contrôle systématique
des signes qui peuvent indiquer qu’un enfant est une
victime de la traite (par exemple, les faux papiers
ou les documents de transport manquants, le jeune
n’a pas accès aux services médicaux, il est impliqué
dans la prostitution, il ne parle pas la langue locale
ou est d’un pays connu pour le trafic de personne,
la personne qui prend le jeune en charge a fait des
demandes de visa au nom de beaucoup d’autres,
etc.) 4
Sensibiliser au moyen de ressources fondées sur
des connaissances solides qui soient accessibles
aux enfants et aux jeunes vulnérables présente de
nombreux avantages. En Ukraine (pays de transit et
de destination des enfants trafiqués pour l’exploitation
sexuelle), le La Strada Ukraine Centre (membre de
la coalition ECPAT dans le pays) soutient un service
téléphonique national gratuit dédié au trafic de
personne et a créé une équipe d’opérateurs régionaux
de service téléphonique spécialisé dans le trafic
d’enfant et l’ECSEC.5 A ce titre, les enfants victimes
ou en situation de risque ont plus facilement accès à
un éventail de services d’assistance intégrée, allant
de l’information sur des règles de sécurité permettant
aux jeunes de se responsabiliser quant à la protection
contre la traite de personne et l’exploitation sexuelle,
à l’information sur la façon dont on peut accéder à
une aide médicale, à l’assistance psychologique et à
une aide juridique selon les besoins.
Dans les régions du monde où les ressources
disponibles pour combattre l’ECSEC sont encore
plus rares, des moyens plus traditionnels pour la
prévention s’appuyant sur des techniques d’utilisation
des mass médias seront employés. L’Asie du sud, qui
a la mauvaise réputation d’être la région comptant
le plus grand nombre d’enfants victimes du trafic,
en est une illustration. En Inde, les chiffres pour les
enfants forcés à se prostituer s’étend de 270 000 à
400 000 6 et on l’estime qu’il y a approximativement
10 000 à 29 000 victimes d’ECSEC au Bangladesh
(avec 40 000 enfants bangladais en plus impliqués
____________________________
ECPAT International. Distilling Elements of Good Practice: The Action Programme against Trafficking in Minors for Sexual Purposes. 2007
ECPAT Europe Law Enforcement Group Programme against Trafficking in Children for Sexual Purposes. Combating the Trafficking in Children for
Sexual Purposes: Questions and Answers. 2006.
5
Ibid.
6
CWIN. State of the Rights of the Child in Nepal 2004. National Report on the Implementation of the Convention on the Rights of the Child. Nepal,
2004.
3
4
dans la prostitution au Pakistan 7). Dans ces pays, la
pauvreté est un facteur destructeur qui aggrave la
vulnérabilité des enfants à l’exploitation sexuelle, qui,
par conséquent, affecte la capacité des états et de
la société civile à fournir des services fondamentaux.
Dans de telles circonstances, les campagnes de
prévention dépendent des systèmes locaux pour
toucher davantage d’enfants vulnérables. Des moyens
innovants de communication, utilisant souvent les
formes d’art local telles que le théâtre de rue, le
théâtre de marionnettes et les danses folkloriques
sont employées dans le travail de sensibilisation à
la question de la traite de personne. L’enjeu est de
s’assurer que ces programmes sont organisés et
conduits d’une façon durable et suffisamment clairs
pour instruire les enfants sur leurs droits et pour
leur donner les outils pratiques qui leur permettront
d’améliorer leur propre protection (et dans le même
temps, traiter un sujet considéré comme sensible et
tabou dans plusieurs de ces cultures).
être réellement protégés contre l’exploitation sexuelle
à des fins commerciales s’il existe des lois spécifiques
qui définissent précisément et criminalisent les
différentes formes de cette exploitation.
Cibler et renforcer les forces de la loi
Bien que le Protocole additionnel relatif à la
vente d’enfants, la prostitution des enfants et la
pornographie mettant en scène des enfants (PAVE) 10
ne mentionne pas spécifiquement la traite des enfants,
il fait référence à la ‘vente des enfants’ et sert ainsi
de mécanisme international des droits de l’homme
pour mettre en relief les différentes manifestations de
Des interventions différenciées pour lutter contre
toutes les formes de l’ECSEC seront d’autant plus
efficaces si elles s’appuient sur des lois qui traitent
spécifiquement ces crimes sous toutes leurs formes.
L’expérience d’ECPAT montre que des enfants peuvent
Dans le cas du trafic des enfants dans un but sexuel,
la convention internationale la plus pertinente, qui
donne une définition précise du trafic et donne les
grandes lignes d’un système général d’application
des lois, est le Protocole des Nations Unies visant à
prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en
particulier des femmes et des enfants, qui est entré
en vigueur en décembre 2003 8 (117 pays l’ont
signé depuis, et parmi eux, 110 pays ont ratifié le
Protocole). 9 Toutefois, dans beaucoup de pays, le
droit national sur le trafic des enfants dans un but
sexuel ne reprend pas tous les actes que le Protocole
considère comme du trafic et il est encore nécessaire
d’assurer la mise en vigueur, l’adaptation ad hoc et
l’appropriation locale du cadre juridique international
dans chacune des législations nationales.
____________________________
ECPAT International, Global Monitoring Report on the status of action against commercial sexual exploitation of children - (Bangladesh), 2006,
www.ecpat.net
8
G.A. res. 55/25, annex II, 55 U.N. GAOR Supp. (No. 49) at 60, U.N. doc. A/45/49 (Vol. I) (2001).
9
Site Internet du Bureau des Nations Unies sur les Drogues et la Criminalité (UNODC). Visité le 7 décembre 2006 sur http://www.unodc.org/unodc/
crime_cicp_signatures_trafficking.html
10
G.A. res. 54/263, annex II, 54 U.N. GAOR Supp. (No. 49) at 6, U.N. doc. A/45/49 (Vol. III) (2000). Entrée en vigueur le 18 janvier 2002.
7
43
l’ESEC, y compris le trafic dans un but sexuel. Divers
organismes régionaux ont également développé les
instruments régionaux contre le trafic, 11 bien que leur
impact soit généralement inégal.
44
Il est évident cependant qu’une intelligence commune
du crime du trafic d’enfant, incorporée dans des
définitions légales qui soient cohérentes parmi
les nations et conformes aux normes juridiques
internationales, est nécessaire pour agir avec
détermination. Des définitions et une compréhension
limpides des éléments qui composent ces crimes
facilitent le travail de la police et les différentes
formes d’exploitation auxquelles le trafic (qu’il soit
transfrontalier ou domestique) peut mener- y compris
l’ESEC - devraient être couvertes. Des éléments
spécifiques aux enfants (par exemple le fait qu’un
enfant n’ait pas besoin de produire les preuves
d’usage de moyens coercitifs ayant servi à vicier son
consentement) et les dispositions qui comprennent la
protection à la fois des filles et des garçons doivent
être couverts. Une procédure légale adaptée aux
enfants devrait être institutionnalisée, et devrait
comprendre la formation des autorités d’application
des lois (notamment la police, les juges et les avocats)
sur des crimes de l’ESEC, les droits de l’enfant et les
démarches de protection de l’enfance pour empêcher
davantage de traumas aux anciennes victimes.
Disposer d’un processus légal adapté aux enfants
garantira aussi d’obtenir les preuves de façon plus
efficace. Les systèmes légaux existants dans la plupart
des pays ne sont pas adaptés aux enfants victimes et
leurs besoins particuliers sont souvent ignorés. Par
exemple, la plupart des enfants victimes n’ont pas
connaissance du vocabulaire technique usité au cours
des investigations légales. Quand un agent chargé de
faire appliquer la loi communique avec un enfant, on
suppose que l’enfant comprend les questions qui lui
sont posées, alors que ceci n’est peut-être pas souvent
le cas. Pour les enfants, il est important de poser la
bonne question de façon simple et appropriée à leur
âge et leur développement. De tels malentendus avec
les enfants dans le milieu légal affectent le recueil des
preuves et réduisent le taux de condamnation.
En dépit des efforts gouvernementaux actuels et de
l’avancée légale d’adopter la législation anti-trafic
et de poursuivre des auteurs de crime, l’analyse
mondiale réalisée par ECPAT suggère que le nombre
de trafiquants condamnés demeure réduit. Un
autre préoccupation est que les politiques anti-trafic
favorisées par des gouvernements dans beaucoup
de pays abordent toujours le problème de la traite
de personne tellement largement que l’identification
et le référencement des enfants victimes ont parfois
pour conséquence que les enfants soient traités à
tort comme des migrants illégaux et, par suite, ne
reçoivent pas l’aide dont ils ont besoin (même si celleci existe).
____________________________
11
Par exemple : Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et l’abus sexuels ; prévention et la lutte contre le
trafic des femmes et des enfants pour la prostitution.
Assistance efficace aux victimes
Les enfants qui ont été des victimes du trafic dans
un but d’exploitation sexuelle auront gravement
souffert physiquement, psychologiquement et
émotionnellement, à tel point que leur habileté à
vivre pleinement pourra être affectée. En tant que
victimes de la traite, ils peuvent également endurer le
rejet au sein de leur famille et communauté quand ils
retournent chez eux.
Les divers effets sur les enfants qui peuvent résulter
de l’exploitation sexuelle incluent les problèmes de
santé liés aux blessures des violences physiques ou
sexuelles, les maladies sexuellement transmissibles
et la contraction du VIH/SIDA, ou la grossesse et
les complications connexes pour les filles. Les effets
sur la santé mentale et les séquelles émotionnelles
peuvent aller de la dépression, du sentiment de
culpabilité et de honte, à la perte de confiance en
soi, en passant par la perte d’amour-propre et divers
autres symptômes causés par le stress. Ces facteurs
constituent autant de défis pour ceux qui délivrent les
soins et aident à identifier et réhabiliter les enfants
victimes du trafic dans un but sexuel, dans la mesure
où leurs conséquences sur le comportement se
manifestent par des attitudes considérées comme
antisociales, de méfiance, de dépendance à des
substances ou fondée sur une conception plus
matérialiste de la vie (ceci est souvent en contraste
avec les enfants victimes d’abus sexuels qui sont
souvent vus comme plus retirés, plus craintifs du
contact sexuel et semblent souvent plus introvertis,
retirés et silencieux).
Les enfants victimes de l’exploitation sexuelle
peuvent ainsi refuser l’aide ou l’assistance qui leur
est offerte en dépit du mal qu’ils ont enduré, par
crainte de divulgation, de représailles, ou de la
criminalisation. Ces enfants doivent donc passer par
un processus d’interventions thérapeutiques (car il y a
de nombreux types d’approches utilisées qui ne sont
pas uniquement cognitives, mais qui, par exemple,
relèvent de la thérapeutique comportementale par
nature) pour les aider à reconnaître et à transformer
l’expérience de victime avant que le processus de
guérison puisse continuer. Dans le cas des enfants
qui ont été trafiqués, ceci signifie généralement qu’ils
sont placés dans un centre de soin temporaire où les
services spécialisés d’assistance sociale, assurés par
du personnel compétent, permettent d’évaluer les
implications des actes sexuels subis dans le cycle du
trafic.
Tout enfant trafiqué a le droit à la sécurité et aucun
enfant ne devrait être renvoyé dans son pays ou lieu
d’origine ou dans sa famille sans que des soins lui
aient été apportés ni sans les mesures appropriées
ou si cela n’est pas dans son meilleur intérêt. Les
soins alternatifs devraient être disponibles et l’avis de
l’enfant pris en compte. En Asie du sud, des groupes
du réseau ECPAT gèrent des logements provisoires
installés dans les zones à haut risque (particulièrement
les zones frontalières) qui servent d’abri temporaire
aux enfants sauvés des maisons closes et
d’établissements semblables. Pendant leur séjour, les
enfants reçoivent une assistance psychosociale, une
instruction extrascolaire, passent des visites médicales
pour déterminer leur état de santé, et font l’objet
d’un dossier de gestion de cas. Des services similaires
45
sont fournis par des groupes d’ECPAT en Amérique
latine. L’ONG Raices au Chili et ECPAT Guatemala
administrent des centres d’accueil/logements
provisoires où les enfants victimes reçoivent un
traitement individuel ; intervention de crise ; assistance
psychosociale individuelle et en groupe ; soutien entre
pairs ; aide juridique; activités de loisir telles que le
théâtre; soutien scolaire ; activités de sensibilisation
; et service pour retrouver la trace des membres
de la famille. Les interventions thérapeutiques font
généralement partie d’un démarche d’ensemble où la
thérapie renforce et est renforcée par d’autres types
d’activité. Beaucoup de groupes utilisent différentes
formes de thérapie dans
46
leurs programmes, convaincus que la guérison du
mal doit avoir lieu à plusieurs niveaux agissant sur les
différentes dimensions de l’expérience. Par exemple,
certains programmes utilisent la thérapie de la danse
pour aider des enfants à redécouvrir leur corps d’une
manière différente des formes plus traditionnelles
de la thérapie permettant de retrouver de l’estime
par rapport à leur être physique. Des interventions
thérapeutiques comportementales cognitives
sont également utilisées lorsque celles-ci peuvent
aider à résoudre les logiques de comportements
autodestructeurs ou les dépendances qui résultent
des mécanismes d’adaptation. La réussite de la
guérison et la de réhabilitation psychosociales peut
dépendre également de l’utilisation de ressources
culturelles positives, telles que la spiritualité, les
rituels, les activités culturelles ou établir des stratégies
socialement culturellement intégrées pour rétablir les
liens sociaux avec autrui.12
Après rapatriement, l’appui continu à la réintégration
des enfants, qui comprend la réhabilitation
psychosociale, l’éducation scolaire ou extrascolaire,
les services d’aide à une autonomisation financière,
etc., est nécessaire. Il est particulièrement important
de faire des visites de suivi et de surveillance pour
aider les enfants à éviter d’être trafiqués de nouveau.
Cependant, une étude récente menée par ECPAT
sur les divers aspects de l’aide apportée aux enfants
victimes du trafic établit qu’il y a un manque
alarmant de soins professionnels spécialisés pour les
enfants vulnérables à l’exploitation sexuelle à des
fins commerciales ou qui en sont victimes, dans la
plupart des régions du monde.13 En conséquence,
l’identification et la coordination entre les agences
compétentes pour venir en aide aux enfants
victimes sexuellement exploités et, dès lors, le soin
et la réhabilitation pour des enfants victimes de
l’exploitation sexuelle à des fins commerciales ne
sont pas suffisamment différenciés pour répondre aux
besoins de ces enfants vulnérables. On constate aussi
souvent que les services de soutien offerts aux enfants
victimes varient rarement de ceux donnés aux victimes
adultes. En outre, la quasi-absence de programmes
dispensant les soins et l’assistance à la réadaptation
pour les garçons victimes est également observée,
____________________________
12
13
Procacio-De Castro, Elizabeth. Integrating Indigenous knowledge and practices into psychosocial help. 2002
Rapport d’ECPAT au Rapporteur Spécial, 2007
en dépit du fait que l’on a largement identifié que
l’exploitation sexuelle à des fins commerciales touche
de même les garçons.14
Participation des enfants et des jeunes
La participation des anciennes victimes de l’ESEC et
des jeunes et des enfants à risque dans la lutte contre
le trafic mérite une mention particulière. L’expérience
d’ECPAT International à cet égard, en particulier les
initiatives pour contrebalancer les effets de l’ESEC
avec les enfants qui ont survécu à l’exploitation
sexuelle, a démontré que la participation des enfants
crée des opportunités pour qu’ils aient un rôle de
leader dans leurs communautés ou organisations,
et les aide à construire leur capacité de résilience et
devenir autonomes, tout en favorisant dans le même
temps la mobilisation sociale pour combattre la
violence et l’exploitation sexuelles.
Le Projet de Partenariat avec la Jeunesse d’ECPAT, qui
s’adresse aux enfants victimes de l’ESEC en Asie du
sud (Bangladesh, Inde et Népal), est un bon exemple
d’une initiative originale qui a pour objectif de créer
un impact psychosocial positif et d’améliorer ainsi la
vie des anciennes victimes de l’ECSEC. Grâce à la
participation, les programmes de soutien entre pairs,
les campagnes de sensibilisation des communautés
et de défense des droits, de nombreuses anciennes
victimes et des jeunes à risque ont rejoint des les
rangs des partenaires du projet, plutôt que de
compter parmi les bénéficiaires d’assistance sociale.
Cette approche ciblée est particulièrement efficace
chez les anciennes victimes de l’ECSEC, dont
beaucoup se sont habituées à l’indépendance et sont
actives lorsqu’il s’agit de saisir des opportunités de
leadership. Les jeunes qui jusque là étaient insensibles
aux actions de proximité et d’assistance psychosociale
ont fait de remarquables progrès après avoir participé
au projet.
Malheureusement, la mise en place et les succès
d’une participation significative des enfants et des
jeunes victimes de l’exploitation sexuelle à des fins
commerciales a été inégale dans d’autres régions
du monde. Dans le cas des enfants africains
anciennement victimes de l’exploitation sexuelle à
des fins commerciales, la participation a été lente
et difficile en raison des discriminations liées à la
nature de leur victimisation. Néanmoins, certains
groupes ECPAT en Afrique ont proposé des solutions
innovatrices et créatives pour travailler avec les
jeunes. Leur participation active aide les enfants à
conforter leur résilience et leur force intérieure et à
surmonter les séquelles émotionnelles et physiques.
Quelques exemples d’initiatives: Kiwohede en
Tanzanie, qui dispense des micro-prêts aux victimes
d’ESEC pour démarrer un commerce afin des les
aider à s’intégrer dans leur communauté ; en Afrique
____________________________
14
ECPAT International. Stockholm, Yokohama and Beyond: 10 Years of Global Action Fighting CSEC. (Prostitution of Boys, a shocking truth for South Asia, p.
23). 2006
47
48
du Sud, la filiale d’ECPAT a un partenariat avec
l’Université de Johannesburg pour fournir une aide
psychosociale aux victimes de l’ESEC au moyen de
leur projet original ‘Projet Valise’ (dans ce projet,
le processus de guérison consiste à faire dessiner
les enfants ou leur faire écrire des poèmes sur leurs
expériences pour ensuite les placer dans une valise
qu’on verrouille pour prendre un nouveau départ,
débarrassé de l’exploitation) ; et au Cameroun,
ASSEJA travaille avec les enfants et les jeunes pour
leur faire prendre conscience des dangers de l’ESEC
grâce aux clubs d’enfants ou de jeunes et grâce
aussi aux parlements des jeunes, qui ont contribué
à l’adoption d’une loi contre le trafic, en plaidant
efficacement et avec persévérance en faveur de cette
cause.
L’utilisation de procédés plus créatifs par la
participation active des enfants et des jeunes est
ainsi une approche thérapeutique propre à impliquer
les enfants victimes dans leur propre guérison. Le
but est généralement de créer un espace pour les
jeux, le théâtre, la créativité, de travailler sur une
image positive et de responsabilité et sur l’expression
individuelle pour aider les enfants à surmonter leurs
expériences traumatiques. Ces approches doivent
toutefois être complétées par l’apprentissage du
leadership et de savoir-faire sociaux et par des liens
ou des opportunités pour la formation professionnelle
ou la micro entreprise, de sorte que les enfants
puissent briser le cycle de l’exploitation.
Conclusion
En l’absence d’identification des types spécifiques
d’exploitation et du contexte dans lequel elle se
produit, les interventions pour la prévention, la
protection, la réhabilitation et la réintégration sont
difficilement appropriées et efficaces. Tandis que les
mesures de protection des enfants contre le trafic dans
un but sexuel doivent être spécifiques et ciblées, ces
actions doivent également faire partie d’un effort plus
global et complet pour assurer le respect des droits
des enfants ; dans le cas contraire, la vulnérabilité
des enfants à l’exploitation sexuelle à des fins
commerciales et le risque d’être à nouveau trafiqué
n’en seront qu’exacerbés.
Les femmes et les enfants (surtout les filles) sont
souvent compris dans un groupe unique dans les
dispositions et les politiques développées contre la
traite. Cependant, les garçons et les filles victimes
du trafic ont des besoins spécifiques qui doivent
être satisfaits et les soins dont ils ont besoin diffèrent
de ceux des victimes adultes. Les conséquences
du trafic dans un but d’exploitation sexuelle à
des fins commerciales affectent le bien-être et le
développement de l’enfant, menant à de graves
effets sur le développement physique, psychologique,
spirituel, émotionnel et social qui peuvent subsister
durablement à l’âge adulte. Le théâtre, la danse,
la musique, la thérapie par l’art et l’exploration
et le soutien spirituels sont parmi les approches
thérapeutiques innovantes pour faciliter la guérison et
la réhabilitation des enfants victimes de l’exploitation
sexuelle.
Le travail d’ECPAT avec les anciennes victimes de
l’ECSEC a prouvé que leur propre participation
comme soutien à leurs pairs ou comme activistes
de la jeunesse peut encourager les jeunes à
transformer une image de soi négative et à devenir
un instrument puissant en renforçant la résilience,
la responsabilisation et la protection des victimes.
Des campagnes de sensibilisation qui intègrent
des activités culturelles et d’autres moyens créatifs
s’appuient sur le talent des jeunes pour présenter
efficacement l’information au public, d’une façon qui
soit attractive et qui touche les communautés locales.
Il subsiste un manque de services spécialisés pour
le soin et la protection des enfants vulnérables ou
victimes du trafic dans un but sexuel. Les organisations
du réseau ECPAT autour du monde travaillent
intensément pour fournir les soins directs et le soutien
aux enfants victimes de l’exploitation sexuelle à des
fins commerciales avec la ferme conviction que les
enfants victimes du trafic ont des besoins particuliers,
afin d’assurer le rétablissement immédiat des droits
des victimes et de leur redonner toutes les chances de
s’accomplir personnellement à long terme.
49
Les liens entre la traite des enfants à des fins sexuelles et d’autres types
d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales
Par : Patchareeboon Sakulpitakphon, Associé pour la Lutte contre le Trafic et le Tourisme Sexuel Impliquant des Enfants
50
La traite d’enfant est une forme spécifique et une
partie du trafic de personnes commis contre les
membres les plus vulnérables et les moins protégés
de la société. C’est un crime grave qui ne connaît
pas de frontière et est à l’origine de situations qui
privent des enfants de leurs droits fondamentaux. Le
mal causé par la traite a un effet dévastateur sur la
vie des enfants, provoquant souvent des blessures
physiques et émotionnelles profondes et conduisant
à des traitements inhumains comme les violences
corporelles, le viol et même la mort. Beaucoup
d’articles se sont focalisés sur la question générale
du trafic de personne, expliquant le problème,
identifiant les motifs (tels que le besoin de main
d’œuvre, l’exploitation sexuelle, l’adoption, ou la
greffe d’organes) et recommandant des mesures pour
combattre cette forme moderne d’esclavage. Il y a
différentes estimations de l’étendue et l’importance de
la traite d’enfant et les Nations Unies considère que
1,2 million d’enfants sont victime de traite chaque
année.1 Cependant, peu d’attention est portée à
la décomposition des données pour différencier les
diverses formes et causes du trafic, ou le sexe et l’âge
des victimes.
La traite d’enfant à des fins sexuelles est une
manifestation de l’exploitation sexuelle des enfants à
des fins commerciales (ESEC). A ce titre, elle présente
un caractère multiple qui exige une analyse spécifique
permettant d’obtenir une compréhension et une
identification des éléments distincts qui la composent
et peut affecter la protection des enfants contre ce
crime. Discerner les expériences et le mal spécifiques
vécus par les enfants est essentiel pour s’assurer
que des stratégies adéquates sont déterminées pour
prévenir, combattre et répondre aux diverses formes et
conséquences de ces violations. Cet article étudiera
ainsi les liens entre la traite d’enfant à buts sexuels et
d’autres types d’ESEC, donnant un cadre d’analyse
à l’idée que la lutte contre le trafic doit faire partie
d’un effort général de respect des droits des enfants.
Il mettra également en exergue les bonnes pratiques
des initiatives anti-trafic destinées à protéger les
enfants et les jeunes contre les différentes formes
de l’ESEC. Pour finir, des recommandations seront
données concernant l’action nécessaire pour protéger
efficacement les enfants, en tenant compte de leur
situation et de leurs besoins uniques à la lumière des
____________________________
1
Organisation des Nations Unies, Special Session for Children, Experts share strategies to stop child trafficking, New York, 2002
différentes violations auxquelles ils peuvent faire face
tout au long du processus de la traite.
Concepts-clés et terminologie de
l’exploitation sexuelle des enfants à des
fins commerciales.
Comme le trafic d’enfant dans un but sexuel est une
forme d’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales, il est utile de définir les concepts et les
termes-clés qui s’y rattachent:
L’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales (ESEC) est définie par ECPAT
International comme l’abus sexuel perpétré par un
adulte en échange d’une rémunération en espèces
ou en nature donnée à l’enfant ou à un tiers ou à
d’autres personnes; l’enfant est traité comme un
objet sexuel et commercial pour réaliser des profits.
Un enfant est toute personne âgée de moins de18
ans, comme le définit par la Convention relative
aux Droits des Enfants des Nations Unies (CDE).
L’ESEC constitue une forme de violence contre
l’enfant et est une pratique criminelle qui viole
gravement les droits des enfants.
Le consentement n’est pas considéré comme
pertinent parce que la victime est un enfant
et, comme tel, celui-ci a besoin d’une
protection spéciale contre des actions ayant
des conséquences non entièrement connues
ou comprises et auxquelles il ne peut donc pas
consentir. Les auteurs de crime emploieront souvent
la coercition, la tromperie et la violence pour
contrôler et manipuler l’enfant afin de l’exploiter,
conduisant un enfant ou un jeune dans une
situation d’abus tout en proclamant que ce dernier
en avait connaissance et y a consenti.
Les formes principales de l’ESEC sont la prostitution
enfantine, la pornographie enfantine, la traite
des enfants à buts sexuels, le tourisme sexuel
impliquant des enfants (un sous-ensemble de
la prostitution enfantine) et certaines formes de
mariage d’enfant. 2
La définition la plus largement reconnue et
légalement adoptée au niveau international est
celle du trafic d’enfant donnée par le Protocole
de l’ONU visant à prévenir, réprimer et punir la
traite des personnes, en particulier des femmes et
des enfants, qui définit le trafic comme tout acte
participant au recrutement, transport, transfert,
hébergement ou à la réception des enfants ou
à l’intérieur ou au-delà des frontières à des fins
d’exploitation. S’agissant du trafic d’enfant, il
ne comporte pas nécessairement l’usage de
la menace, de la force, ou d’autres formes de
coercition, ou de l’abus de pouvoir. Comme
avec la définition de l’ECSEC, la question du
consentement de l’enfant n’est pas pertinente.
____________________________
2
Le mariage d’enfant peut être considéré comme une forme d’exploitation sexuelle commerciale quand un enfant est offert en mariage
dans un but sexuel et donnant lieu à un échange de marchandises, un paiement en espèces ou en nature (ECPAT International Child/Early
Marriage : Shades of Grey 2006)
51
Également conforme à la CDE, pour cette
définition, un enfant est tout individu âgé de moins
de18 ans. Lorsqu’on la différencie avec les autres
formes de l’ESEC, la traite d’enfant à buts sexuels
implique spécifiquement le transfert intentionnel
ou le mouvement d’un enfant vers une certaine
destination, et la personne responsable peut être
qualifiée de trafiquant si l’exploitation est l’objectif
ultime. Le trafic comporte trois phases dans le
processus de déplacement d’un enfant : l’origine
(d’où l’enfant vient), le transit (le déplacement de
l’enfant) et la destination (l’endroit final où arrive
l’enfant). Le trafic se distingue de la contrebande
et de la migration illégale par l’intention d’exploiter
les victimes.
52
La traite d’enfant pour l’exploitation sexuelle est
considérée comme une forme de l’ESEC surtout en
raison du fait l’enfant est trafiqué dans l’objectif de
tirer profit de l’exploitation sexuelle. Comme avec la
plupart des victimes du trafic, les enfants victimes ne
sont pas vues par les trafiquants comme des êtres
humains avec des droits, mais comme des biens
commerciaux susceptibles de produire de grands
profits, que ce soit sous forme d’argent, de biens ou
de services.
Une étude récente commanditée par le Secrétaire
Général de l’ONU montre l’importance et l’impact
de la violence contre des enfants, en indiquant
que l’on a affaire à un phénomène mondial
considérable et grave. L’étude rapporte que tandis
que l’abus sexuel des enfants est souvent commis
par une personne connue de la famille, la violence
sexuelle et l’exploitation est présente dans tous les
environnements où l’on trouve des enfants, comme
les établissements scolaires, les lieux de travail et les
communautés dans lesquelles ils vivent. L’étude révèle
également que le seul fait d’être mineur prédispose
de façon significative un enfant au risque de violence,
d’abus et d’exploitation. Tandis que cette réalité
affecte les enfants dans le monde entier, elle prend
un caractère spécifique selon les groupes d’âge, le
genre et le contexte socio-économique de l’enfant. Par
exemple, alors que le risque d’abus physique s’avère
plus élevé pour les enfants plus jeunes, le risque
d’abus sexuel et l’exploitation, bien qu’également
commis contre les enfants plus jeunes, augmente de
manière significative à partir de l’âge de 10 ans et
est un risque plus grand chez les filles de tous âges et
dans tous les pays.
Dans ces circonstances, il est important de replacer
notre compréhension de l’action nécessaire pour
protéger les enfants contre le trafic dans le cadre
général de la protection de l’enfance. Quand les
enfants vivent dans les conditions où il n’existe pas
de dispositif de protection, ils sont plus vulnérables
et susceptibles d’être pris au piège de situations
d’exploitation. Les risques augmentent quand les
enfants doivent chercher un abri, de la nourriture, des
produits de première nécessité, du travail, ou quand ils
sont obligés de compléter les revenus de subsistance
pour eux-mêmes ou leur famille ou pour consommer
le flot de marchandises qui leur sont agressivement
proposées. Les trafiquants et les adultes qui facilitent
l’accès aux enfants pour le trafic exploiteront ces
vulnérabilités et abuseront du rapport de force entre
un adulte et enfant afin de manipuler et duper des
enfants.
Tandis que l’offre des enfants pour l’exploitation
sexuelle est facilitée par l’insuffisance de la protection
qui leur est offerte, la demande de ceux qui cherchent
des enfants pour des motifs sexuels alimente la
participation des intermédiaires à tous les niveaux,
qui se tiennent prêts à en tirer profit en favorisant une
telle exploitation. Des enfants victimes peuvent être
forcés à endurer une exploitation sexuelle répétée
pour satisfaire cette demande et pour maximiser les
revenus de ceux qui facilitent l’accès aux enfants. La
prostitution enfantine, le tourisme sexuel impliquant
des enfants, la pornographie enfantine et certaines
formes de mariage d’enfant sont des phénomènes
rencontrés dans le monde entier. La traite d’enfant est
un crime transnational et fait partie du côté vicieux de
la globalisation, où l’offre et la demande des enfants
n’est rien d’autre qu’un marché où le commerce n’a
pas de frontière géographique ou financière. Dans le
même temps, les exploiteurs découvrent que l’Internet
et les nouvelles technologies de l’information et des
communications (TIC), qui manquent d’objectif en
matière de protection de l’enfant, peuvent amplement
augmenter les opportunités de rentrer en contact avec
des enfants et de les influencer pour les exploiter.
Ils ont constaté que d’énormes bénéfices peuvent
être générés à partir de la demande mondiale
d’images d’abus sexuels sur enfant et d’autres formes
d’exploitation préjudiciables aux enfants qui sont
facilitées par ces médias. Par exemple, un couple
arrêté aux Etats-Unis réalisait un bénéfice annuel d’un
million de dollars grâce à la vente de pornographie
enfantine.3
Relier la traite des enfants à des fins
sexuelles à d’autres formes d’ESEC
Les cas d’ESEC impliquent habituellement plus d’une
forme d’exploitation sexuelle. Parfois, en raison du
chevauchement des différentes formes d’abus et
d’exploitation commis contre un enfant, il peut être
épineux de classifier les cas afin d’engager sans
ambigüités des poursuites. Ce problème peut être
aggravé par la confusion dans la compréhension
des différences entre l’abus sexuel d’enfant, où
l’enfant est utilisé comme objet pour la satisfaction
sexuelle 4, et exploitation sexuelle commerciale des
enfants, où l’enfant a été échangé pour en tirer profit,
économiquement ou autre, à une tierce personne
qui utilisera l’enfant pour des motifs sexuels. Ces
confusions peuvent mener à l’identification erronée
d’un délit et à recueillir des preuves inadéquates
pour poursuivre les auteurs, ainsi qu’à des réponses
inappropriées ou insatisfaisantes en termes de
prévention, de protection, de réhabilitation ou de
réinsertion, permettant de ce fait aux malfaiteurs
d’échapper à la justice, et échouant à fournir l’aide
nécessaire au rétablissement de l’enfant. Il est
important d’analyser les aspects spécifiques des
crimes sexuels contre des enfants afin d’en distinguer
les similarités et les différences quand il faut des
interventions différenciées et ciblées. Le cadre
protecteur et la protection légale qui doivent être
étendus aux enfants contre toute exploitation sexuelle,
devraient être spécialement adaptés pour définir et
____________________________
3
4
ECPAT International Make-IT-Safe FACT SHEET #1, www.make-it-safe.net/eng/pdf/IT
Définie comme les contacts ou interactions entre un enfant et un adulte ou un enfant plus âgé ou mieux informé, où l’enfant est utilisé
comme un objet de satisfaction des besoins sexuels de l’auteur de sévices ; l’enfant n’est pas vu comme un bien servant à réaliser un
profit.
53
criminaliser tous les formes et aspects de l’exploitation
sexuelle à des fins commerciales.
Traite d’enfants à des fins sexuelles et
mariage d’enfant
d’abus. Cependant, dans d’autres situations, ces
arrangements sont convenus depuis des lieux éloignés
d’un même pays ou bien d’un pays à l’autre. Bien que
les mariages d’enfant impliquent les garçons comme
les filles, les jeunes filles sont généralement destinées
à des hommes sensiblement plus âgés. La pauvreté
et la discrimination à l’égard des femmes sont parmi
les facteurs qui incitent au mariage d’enfant. Bien
que le mariage d’enfant soit particulièrement élevé en
Afrique Subsaharienne, en Asie et au Moyen-Orient,
il n’est pas limité aux pays en voie de développement.
Par exemple, de 2001 à 2005, le UK Joint Home et
le Ministère des affaires étrangères britannique ont
traité 1,000 cas de mariages forcés, compromettant
majoritairement des jeunes filles, parfois âgées de 13
ans à peine, qui avaient été trafiqués depuis l’Afrique
et l’Asie. 5
Le trafic d’enfant en vue de mariage est un fait.
ECPAT International identifie comme une forme
d’exploitation sexuelle commerciale, le mariage d’un
individu de moins de 18 ans en échange d’argent
ou de services en nature, car c’est une transaction
financière qui donne accès sexuellement à l’enfant
dans le mariage. Dans de telles situations, ce sont
les parents ou une famille qui donne leur enfant en
mariage pour tirer un gain financier ou d’autres types
d’indemnités de cet arrangement. Dans beaucoup de
cas, le mariage d’enfant est arrangé entre les familles
et au sein des communautés, des familles étendues
ou des clans. Dans de telles circonstances, le trafic
ne fait pas nécessairement partie de cette forme
Dans les régions où le mariage d’enfant est
couramment toléré et pratiqué, les enfants sont plus
vulnérables à la traite. Cela est principalement dû au
fait que les hommes cherchant des partenaires sexuels
mineurs, peuvent avoir accès à eux par la légitimité
du mariage. Les trafiquants, tenant à profiter de cette
demande, tireront partie de la tolérance ou l’apathie
sociale pour entraîner les enfants dans ce commerce.
Les parents et les filles sont souvent victimes de ce
procédé, croyant que les propositions de mariage
bénéficieront à l’enfant autant qu’à la famille. En
Inde, les recherches menées au Bengale Occidental
rapportent des cas de trafiquants se faisant passer
pour de futurs époux afin d’entraîner par la ruse des
La corrélation entre le trafic d’enfant et les crimes
de l’exploitation sexuelle sous ses diverses formes,
peut donner lieu à un amalgame concernant
les investigations et le traitement de ces crimes.
Néanmoins, le travail d’ECPAT démontre que la
distinction entre toutes les composantes des crimes
commis contre les enfants dans le processus du
trafic est essentielle à une action effective contre les
auteurs et pour permettre de réagir avec pertinence et
d’apporter le soutien approprié aux enfants victimes.
54
____________________________
5
Forced Marriage ‘could be banned’. BBC News. http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/politics/421 4308.stm
jeunes femmes et des filles. Une fois mariées, les
filles furent vendues puis trafiquées jusqu’à Bombay,
à Dubaï ou dans le Cachemire pour y être exploitées
sexuellement.6 En Asie du sud, ces mariages sont
rarement enregistrés et sont souvent officieux,
entravant par conséquent la recherche des jeunes
filles et des trafiquants.7
Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, beaucoup
de mariages d’enfant sont à durée limitée et
connus sous le nom de« siqueh » ou « sigheh ».
Ces arrangements à court terme sont destinés à
contourner l’illégalité de la prostitution enfantine. 8
Les mariages siqueh peuvent durer quelques heures
ou plusieurs années et sont officiées par à un mollah
en échange d’une somme d’argent. Un homme peut
avoir plusieurs épouses siqueh, en revanche une fille
peut seulement avoir un mari, autrement elle risque
d’être mise à mort.9 On pense que les trafiquants
transportent des jeunes filles à travers le MoyenOrient pour ces mariages temporaires, les vendant
à des individus ou à des maisons closes.10 Le danger
supplémentaire pour les jeunes femmes piégées
dans ce type d’union est qu’elles sont abandonnées
par leur époux. Les filles mineures forcées dans
ces mariages s’échappent ou affrontent le divorce
demandé par leur mari, et, sans recours à la famille,
se retrouvent dans l’indigence. De nouveau, elles
deviennent alors des proies faciles pour les trafiquants
ou les exploiteurs sexuels, qui promettent de les aider
financièrement.
Comme mentionné ci-dessus, dans le mariage
d’enfant, les parents peuvent livrer l’enfant aux
trafiquants pour peu qu’ils croient que la personne
organisant l’arrangement verse une indemnité à la
famille et à l’enfant. Bien que le mariage d’enfant
puisse être interdit par loi, l’acceptation sociale et les
usages peuvent donner la légitimité à de telles unions.
Les éléments caractéristiques qui se rapportent aux
crimes du trafic ou bien à l’exploitation sexuelle, que
l’on retrouve fréquemment dans le mariage d’enfant,
ne sont pas distingués lors de l’enregistrement ou des
enquêtes de tels cas. Le manque de différenciation
entre les crimes, distincts bien que corrélés,
du mariage d’enfant, de l’exploitation sexuelle
commerciale et de la traite de personne, a pour
conséquence des mesures inadaptées voire l’absence
de mesures pour contrecarrer ou punir ces méfaits.
En outre, les enfants victimes de ces crimes manquent
non seulement de recours légal mais également
d’assistance psychosociale, étant donné que le
système de valeurs dans la société tolère l’existence de
telles pratiques et est peu sensible aux souffrances que
les enfants ont vécues.
____________________________
8
9
DAS, Antara. “Child Marriages, Trafficking on the Rise in West Bengal.” The Hindu Times. 19 juillet 2007.
Aghi, Mira B. “Early Marriage in South Asia”, août 2007.
ECPAT International. Questions & Answers about the Commercial Sexual Exploitation of Children. Bangkok. 2006
Mazahery, Lily. “The Silent Screams of Women and Girls” Jerusalem Post. December 11, 2007. Accessed at: http://www.jpost.com/servlet/Satellite?ap
age= 1 &cid = 11 67467739732&pagename=JPost%2FJPArticle%2FshowFull
10
Ibid.
6
7
55
Traite d’enfants à des fins sexuelles et
pour la prostitution enfantine
56
Des enfants qui sont trafiqués dans un but sexuel
sont souvent exploités dans la prostitution. La
prostitution enfantine se produit quand une personne
tire bénéfice d’une transaction commerciale dans
laquelle un enfant est rendu disponible pour des
motifs sexuels. Souvent, ils sont commandés par une
personne qui veille à la transaction et les maintient
dans des maisons, des établissements privés ou des
maisons closes. Les enfants qui ont fugué, les enfants
des rues ou vivant dans les quartiers chauds, les
orphelins dont les parents sont morts du VIH/SIDA, les
enfants affectés par le consumérisme ou la pression
de leurs pairs, peuvent tous devenir des proies de la
prostitution, sans pour autant être victimes de la traite.
ECPAT International surveille les actions menées par
les états à travers le monde pour protéger des enfants
contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales,
incluant la traite d’enfant à des fins sexuelles. Les
rapports récents évaluant le progrès des mesures
prises en Asie du sud pour protéger les enfants contre
ces crimes, mettent en relief les liens forts qui existent
entre la traite d’enfant et l’exploitation sexuelle des
enfants en situation de prostitution dans des maisons
closes.11 On estime entre 5 000 et 7 000 le nombre
de filles népalaises trafiquées en Inde chaque année
pour l’exploitation sexuelle, tandis que 200 000
enfants bangladais ont été trafiqués en Inde dans
le même but. En 2005, la Commission Nationale
pour les Droits de l’Homme a estimé que presque
la moitié des enfants trafiqués en Inde ont entre
11
et 14 ans.12 De plus, un autre rapport a montré
qu’un nombre significatif des jeunes filles sauvées de
situations d’exploitation sexuelle étaient re-trafiquées
ultérieurement. 13
Bien que tous les enfants ne soient pas trafiqués pour
l’exploitation sexuelle, en Asie du sud, la relation forte
entre le trafic des enfants et la prostitution enfantine
dans les maisons closes et les établissements de
prostitution indique que ces lieux sont les points
centraux pour le placement des enfants trafiqués
et pour satisfaire la demande de ceux qui payeront
pour les exploiter. Tout effort de protection des
enfants contre la traite à des fins sexuelles doit donc
prendre en compte que, en plus des autres actions
qui constituent le trafic, à savoir le recrutement, le
transfert et l’hébergement d’un enfant, soustrait à
son milieu d’origine, la forme d’exploitation sexuelle
à laquelle les enfants sont soumis dans ces pays
est la prostitution. Négliger la forme spécifique
d’exploitation sexuelle pour laquelle les enfants sont
trafiqués, peut, dans ce cas, mener à l’examen erroné
des cadres légal et réglementaire qui déterminent la
pratique de la prostitution adulte, derrière laquelle
____________________________
ECPAT International. ECPAT International Global Monitoring Report on the Status of Action Against Commercial Sexual Exploitation of Children – Neppal; Bangladesh. Bangkok 2006
12
India Global Monitoring Report 2006. ECPAT International
13
Ibid.
11
se cache souvent la prostitution enfantine. De telles
lacunes ont des conséquences réelles et dévastatrices
pour les enfants victimes, puisqu’elles empêchent un
dialogue et un examen indispensables pour identifier
les mesures qui assureront que, par exemple, là
où il existe une pratique légale de la prostitution et
des établissements qui y pourvoient, ces derniers ne
seront pas utilisés pour couvrir ou aider la prostitution
enfantine.
Traite des enfants à des fins sexuelles et
tourisme sexuel impliquant des enfants
Le tourisme sexuel impliquant des enfants est
l’exploitation sexuelle d’enfants par une ou plusieurs
personnes qui voyagent d’un endroit à un autre où
ils se livrent à des actes sexuels avec des enfants. Les
touristes sexuels peuvent être des voyageurs locaux
ou des touristes internationaux. Tout comme en Asie
du sud, où la prostitution enfantine est concentrée
autour des maisons closes et d’autres établissements
de prostitution, le tourisme sexuel impliquant
des enfants converge souvent vers les structures
touristiques et les services liés au tourisme tels que le
logement, le transport et d’autres infrastructures pour
établir le contact avec des enfants dans l’anonymat
d’un environnement peu familier. Des enfants sont
également trafiqués vers les destinations touristiques
pour satisfaire la demande des touristes de sexuels qui
payent les services d’un enfant.
Ce phénomène qui augmente dans le monde entier,
s’accompagne d’une chute de l’âge moyen des
garçons et des filles trouvés dans la prostitution liée au
tourisme. Parmi les raisons données pour la préférence
pour les enfants jeunes on trouve : une crainte réduite
de contracter le VIH/SIDA ; le désir de rapports sexuels
avec des vierges ; une préférence à commander et
dominer ; et l’attraction exercée par les destinations
connues pour le tourisme sexuel sur les pédophiles.
Néanmoins, le tourisme de sexuel impliquant des
enfants peut se produire dans différents types de
situations, par exemple, une opération récente du FBI
a arrêté 131 personnes pour prostitution enfantine
pendant les principales manifestations sportives
dans plusieurs villes de Californie, où les personnes
impliquées avaient voyagé pour les événements
sportifs aussi bien que pour les rapports sexuels avec
des enfants. La plus jeune victime sauvée était âgée
de 11 ans. Le FBI croit que les enfants impliqués dans
cette affaire étaient des victimes de trafic transitées
par Oakland, une importante plaque tournante de la
traite de personne, 14 vers d’autres destinations où la
demande de rapports sexuels avec des enfants était
connue pour être élevée. Un autre exemple dans une
autre partie du monde illustre comment les trafiquants
visent les demandes spécifiques des exploiteurs : filles
vietnamiennes qui sont trafiquées dans le Yunnan,
en Chine, pour satisfaire la demande des touristes
et des hommes d’affaires du Vietnam et de Chine.
La demande de ces groupes se porte sur de jeunes
« filles exotiques » des pays voisins avec la croyance
____________________________
14
Woodall, Angela. “131 Arrested in Child Prostitution Ring.” Accessed on July 1 7, 2007 at: http://www.mercurynews.com/portlet/article/html/
fragments/print_article.jsp?articleId = 6394466&siteId =568
57
populaire que les rapports sexuels avec elles leur
porteront bonheur.15
58
D’autre part, les enfants locaux (non trafiqués) qui
sont déjà piégés et en situation de prostitution par des
touristes sexuels peuvent devenir des victimes du trafic
pour être exploités sexuellement dans un autre lieu.
Une enquête du Department of Homeland Security
Immigration and Customs Enforcement (ICE) illustre
ce phénomène. Elle dévoila l’existence à Acapulco,
au Mexique, d’un hôtel appelé « Castillo Vista del
Mar», destiné aux touristes sexuels, où un jeune
garçon de la région qui y était sexuellement exploité,
fut ensuite trafiqué vers les USA contre paiement par
un client aux propriétaires américains de l’hôtel. Dans
un autre cas, 16 un garçon de 15 ans a été persuadé
par un trafiquant par des promesses d’étudier aux
Etats-Unis.17 Ce jeune garçon avait été sexuellement
exploité par un touriste dans sa communauté natale
avant de devenir une victime du trafic en étant
déplacé aux USA. Dans les deux cas, les enfants
étaient déjà des victimes du tourisme sexuel avant
d’être encore trompés et exploités, puis forcés d’avoir
des rapports sexuels en échange d’un toit et de quoi
survivre une fois arrivés à destination.
Les trafiquants compte sur l’intérêt qu’ils suscitent chez
les enfants de visiter ou de trouver des opportunités
dans les destinations touristiques populaires et s’y
pour entraîner par la ruse les enfants vulnérables
dans les lieux où le tourisme sexuel est organisé, ou
dans les lieux où il y a un marché pour leurs victimes,
utilisant restaurants, bars, pubs et les services de
transport pour arriver à leurs fins. Au Costa Rica par
exemple, des filles des zones rurales pauvres et des
pays voisins sont dupées par des trafiquants dans les
sites touristiques principaux tels que San José et les
villes côtières, pendant des festivals populaires et les
carnavals.18 Dans une affaire récente qui a impliqué le
secteur du transport touristique au Nigéria, des jeunes
filles âgées d’à peine douze ans étaient asservies
à la prostitution dans les principales destinations
touristiques en France, en Italie et en Espagne. Les
filles ont été transportées par avion en Europe avec
de faux passeports et de faux papiers et il leur a été
dit de réclamer l’asile à leur arrivée à l’aéroport. Une
fois à destination, elles étaient forcées à se prostituer
et gardées sous contrôle par le vaudou.19 A la suite
de l’arrestation du trafiquant, Gilber Ektor, d’autres
trafiquants appartenant à des réseaux semblables
furent arrêtées à New York, à Madrid et à Anvers. 20
____________________________
17
18
19
Davidson, Julia O’Connell. “Children in the Sex Trade in China” 2001 Save the Children Suède.
The Protection Project. “International Child Sex Tourism” Janvier 2007
The Protection Project. “International Child Sex Tourism” Janvier 2007
Altamura, ‘Alessia. Action Programme against Trafficking. ECPAT International. 2007
Avant d’être trafiquées, les jeunes filles ont été endoctrinées par des sorciers qu’ils leur inculquaient que résister à ou dénoncer leur exploittation pouvait les conduire à leur mort ou à celle de membres de leur famille.
20
Stone, Emma. “Child Vice Suspect to be Tried Abroad” November 5, 2007 Accessed at: http://iccoventry.icnetwork.co.uk/0100news/01
00localnews/tm_headline=child-vice-suspect-to-be-tried-abroad&method=full&objectid=20063 1 56&siteid=50003-name_page.html
15
16
Les touristes sexuels constituent des sources de
revenus spécifiques sur les sites touristiques et sont
ainsi les cibles finales des trafiquants car ils sont les
«acheteurs» qui créent la demande du trafic d’enfant.
Tandis que l’action contre la traite est nécessaire,
nous devons prendre conscience que là où l’enfant a
été recruté, physiquement transféré et hébergé dans
le but d’être exploité sexuellement dans le cadre du
tourisme, au moins deux crimes liés à l’exploitation
sexuelle commerciale ont alors été commis contre
l’enfant: celui du trafic et celui de la prostitution.
Trafic d’enfants à des fins sexuelles et
pornographie enfantine
Des images d’abus sexuel d’enfant sont souvent prises
pendant l’entrée d’un enfant dans la prostitution,
le trafic, le tourisme sexuel et d’autres formes
d’exploitation sexuelle. La pornographie enfantine,
maintenant appelée «images d’abus sur enfant»
pour refléter mieux ce qu’elles sont réellement, est
définie comme toute représentation, par quelque
moyens que ce soit, d’un enfant s’adonnant à des
activités sexuelles explicites, simulées ou réelles,
ou toute représentation des parties sexuelles d’un
enfant dans un but sexuel. De telles images sont
employées par des auteurs d’abus pour l’excitation
et le plaisir sexuels, échangés comme pièces de
collection, gagnant l’entrée dans les clubs privés ou
les groupes, ou simplement pour le profit. L’existence
de la pornographie enfantine alimente la demande
d’images, d’abus sexuel et d’exploitation des enfants
et ainsi, de la création de nouvelles images.
L’utilisation de la pornographie enfantine en tant
qu’instrument de «conditionnement», par lequel
des enfants sont exposés à de telles images pour
«sexualiser» le rapport entre l’adulte et l’enfant et
pour le désensibiliser au danger d’un tel échange, est
un précurseur commun pour l’abus et l’exploitation
adultes d’un enfant. Dans un cas rapporté récemment
en Thaïlande, un groupe de filles cambodgiennes
âgées de sept à 13 ans, a été dupé par des
trafiquants par des promesses d’emplois, de nourriture
et de logement. En vue de l’exploitation sexuelle,
leurs trafiquants les ont enfermées dans une petite
pièce et les ont forcées à regarder de la pornographie
enfantine pendant un mois. 21
Des enfants victimes du trafic pour différentes formes
d’exploitation sexuelle à des fins commerciales
peuvent également être incitées à s’engager dans
la production pornographique, souvent à leur insu.
Par exemple, en Ukraine, des adolescentes ont été
entraînées dans l’exploitation sexuelle à des fins
commerciales avec l’espoir de devenir des modèles
internationaux. Cependant, ces agences de modèles
se sont révélées être des façades de réseaux de
trafic visant les jeunes filles. Dans certains cas,
des appareils-photo cachés étaient placés dans
____________________________
21
Mutch, Thembi. BBC News “Thailand’s Child Trafficking Industry” July 7, 2007 Accessed at: http://news.bbc.co.uk/1/hi/programmes/
from_our_own_correspondent/62771 76.stm
59
les vestiaires et les salles de bain pour enregistrer
des enfants se préparant aux séances photo ; bien
souvent les filles avaient été trafiquées et asservies
sexuellement et forcées dans la pornographie
enfantine. 22 En 2006, au Cambodge, deux jeunes
filles victimes de trafic, âgées de 13 et 14 ans, ont
été sauvées par la police de près de cinq mois de
captivité. Les filles voulaient trouver du travail dans le
sud du pays mais furent des proies du trafic et de la
pornographie enfantine. Les autorités cambodgiennes
ont trouvé une vidéo, d’environ 10 heures, que les
trafiquants ont enregistrée de l’exploitation sexuelle de
ces jeunes filles.23
60
Il convient de noter que jusqu’à une période récente,
beaucoup d’organismes chargés de faire appliquer
la loi ne se rendaient pas suffisamment compte du
rapport entre la traite des enfants et la production de
pornographie enfantine. En conséquence, pendant
les investigations et le recueil des témoignages des
enfants, on a tout simplement omis de demander
aux victimes si elles savaient si leur abus avait été
enregistré. En outre, les procédures légales n’ont
pas inclus la recherche d’équipement de technologie
de l’information et des communications (TIC), qui a
donc été rarement saisi ou examiné pour trouver des
images d’abus. De telles lacunes, qui subsistent dans
diverses régions du monde, démontrent le manque
de compréhension concernant l’interdépendance
du trafic d’enfants avec différents types de crimes
d’exploitation sexuelle à buts commerciaux et de
l’importance de disséquer une affaire d’exploitation
afin d’identifier les divers composantes des crimes
en jeu. Le besoin de sensibilisation et d’une
compréhension approfondie de la nature de ces délits
commis contre des enfants se fait encore ressentir. De
même, des unités spéciales de protection de l’enfance
sont nécessaires dans la police pour s’assurer que les
enquêtes criminelles sont correctement menées et que
les victimes reçoivent une assistance complète pour
se rétablir et réintégrer la société, indispensable pour
remédier aux abus dont ils ont souffert.
Bonnes pratiques pour la lutte contre le
trafic d’enfants dans un but sexuel
Parmi les nombreux programmes de lutte contre la
traite de personnes dans le monde entier, seul une
poignée se concentre spécifiquement sur la traite
d’enfants dans un but sexuel. Souvent, les initiatives
pour parer le trafic de personnes sont générales et
s’adressent aux femmes et aux enfants comme un
groupe unique. Cependant, ECPAT International
estime que les enfants ont besoin d’une protection
spécifique et des interventions différenciées. D’ailleurs,
ECPAT propose que l’action contre l’exploitation
sexuelle à des fins commerciales requière des
interventions spécialisées qui diffèrent des mesures
générales contre le trafic. Les enfants ont des droits et
des besoins distincts qui ont été codifiés dans le droit
international, dissociés des droits des adultes afin de
____________________________
22
23
La St rada Ukraine, groupe membre d’ECPAT.
Doyle, Kevin. TIME “Cambodia’s Child Sex Crackdown” October 2006. Accessible sur: http://www.time.com/time/world/article/0,8599,1
5431 74-1 ,00.html
pouvoir les garantir et d’assurer leur mise en œuvre
par des mesures spéciales. La plupart des nations
identifient les besoins et les droits inhérents aux
enfants et les discernent dans le droit national. Ainsi,
le cadre pour des actions de protection spécifiques
aux enfants est déjà établi. Les programmes antitrafic doivent également refléter cela, en prenant
les mesures nécessaires et en tenant compte des
facteurs en jeu pour concevoir des interventions
spécifiquement adaptées aux enfants.
Un exemple d’opération anti-trafic réalisée par
ECPAT est une initiative qui a été spécialement
conçue pour faire participer les enfants à risque ou
les anciennes victimes de l’exploitation sexuelle à
des fins commerciales. Le Projet de Partenariat avec
la Jeunesse s’applique à renforcer les capacités
de la jeunesse à risque et des anciennes victimes
pour qu’ils puissent jouer un rôle essentiel dans le
combat contre l’ESEC, dans le contexte qui est le
leur, au Bangladesh, en Inde et au Népal.24 Par
exemple, les jeunes ont développé les qualifications
qui leur permettent de lancer des programmes de
soutien entre pairs dans les écoles des zones à haut
risque ; ils sont formés dans la défense des droits
et à interagir avec les médias, compétences qu’ils
utilisent pour créer les campagnes de sensibilisation
au sein des communautés locales ; et travaillent avec
les travailleurs sociaux qualifiés pour apporter une
assistance de qualité aux autres enfants à risque ou
exploités.
Tandis que le projet se concentre principalement sur
la lutte contre la traite de personnes, il s’efforce aussi
de répondre aux formes spécifiques d’exploitation
sexuelle à des fins commerciales auxquelles les
enfants sont confrontés. Dans les programmes de
soutien entre pairs, par exemple, les jeunes du PPJ
discutent comment prévenir et se protéger contre les
formes particulières d’exploitation sexuelle telles que
la prostitution et le mariage d’enfant, et distribuent
des informations aux enfants sur où obtenir aide
et assistance. Les bonnes relations qui peuvent
être établies entre les jeunes en discutant de ces
problèmes, ainsi que le fait que plusieurs animateurs
de groupe du PPJ sont eux-mêmes des anciennes
victimes du trafic et de l’exploitation sexuelle, aident
fortement à approcher et à éduquer les enfants à
risque. En outre, les jeunes du PPJ sont également
impliqués dans des activités de sensibilisation auprès
des communautés locales. Par exemple, ils peuvent
monter une pièce de théâtre dans un village pour
faire prendre conscience aux gens des dangers du
trafic et, au cours de type d’évènements, ils illustreront
des thèmes particuliers, comme la façon dont les
trafiquants peuvent duper ou contraindre des parents
ou des enfants avec des promesses de mariage ou
____________________________
24
Les associés locaux d’ECPAT comprennent Sanlaap en Inde, MAITI au Népal et Aparejeyo au Bangladesh.
61
d’une vie meilleure, ou pour livrer des exemples des
effets néfastes de ces derniers.
62
La sensibilisation est une stratégie-clé pour prévenir
la traite d’enfant à des fins sexuelles et le tourisme
sexuel impliquant des enfants. En 2006, une
campagne conduite par Fundación Paniamor, groupe
ECPAT au Costa Rica, 25 fut destinée aux filles et aux
adolescents en situation de risque face au trafic à
des fins d’exploitation sexuelle, particulièrement dans
les principaux sites touristiques tels que San José, les
villes côtières et les zones frontalières. La campagne
a été spécifiquement organisée pour combattre le
trafic d’enfants pour l’exploitation et le tourisme
sexuel impliquant des enfants, puisque le Costa Rica
est touché par les deux phénomènes. La campagne
incluait un spot TV et des messages à la radio,
des panneaux-publicitaires, des annonces sur des
autobus, des autocollants et des brochures.
Le succès de cette campagne fut le résultat de
plusieurs facteurs. Premièrement, elle a mis en avant
une image de responsabilisation et des messages
positifs des modèles de jeunes auxquels les filles
et les adolescents vulnérables s’identifiaient. Des
jeunes filles ont été encouragées à résister aux offres
attrayantes des trafiquants dans le secteur du tourisme
ou du divertissement, qui, souvent, ne font que voiler
l’exploitation sexuelle. Deuxièmement, la campagne a
visé les emplacements-clés, à savoir les zones à risque
identifiées comme
des itinéraires de
la traite, des sites
de tourisme sexuel
impliquant des
enfants et des zones
fréquentées par des
touristes (plages,
ports, aéroports
et bureaux
d’immigration). La
campagne, utilisant plusieurs média et à caractère
transfrontalier, a pu ainsi atteindre un grand
nombre de bénéficiaires et de parties prenantes
avec ses messages ciblés à propos de la prévention
et de la protection contre le trafic et le tourisme
sexuel impliquant des enfants. Enfin, facteur-clé
de la réussite de la campagne, fut l’approche
participative en impliquant les principales parties
prenantes à tous les niveaux de la campagne pour
en garantir la pertinence et la durabilité. Les autorités
gouvernementales, la police et les douanes, le
secteur privé (par exemple l’industrie du tourisme et
des transports), et des responsables politiques ont
été également sensibilisés à travers leur participation
dans cette campagne et sont ainsi devenus plus
proactifs et responsables dans la lutte contre la traite
d’enfants dans un but sexuel et contre le tourisme
sexuel impliquant des enfants, et en faveur de l’action
judiciaire.
____________________________
25
Plus d’informations sur cette campagne peuvent être trouvées dans le Programme d’Action Contre la Traite. Alessia, Altamura. ECPAT
International. 2007.
Conclusion et recommandations
L’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales est une violation majeure des droits de
l’enfant qui peut prendre la forme de la prostitution
enfantine, de la pornographie enfantine, du tourisme
sexuel impliquant des enfants, du mariage d’enfant
et du trafic d’enfant dans un but sexuel. Tous les
enfants victimes du trafic à des fins sexuelles subiront
au moins l’une des formes de l’exploitation sexuelle à
des fins commerciales, cependant, ces crimes doivent
être distinctement qualifiés et traités par les mesures
appropriées qui en punissent les auteurs et
viennent en aide aux enfants en les protégeant et en
les aidant à se rétablir.
Bien que l’élément caractéristique du trafic soit le
procédé par lequel l’enfant ou l’adulte est déplacé
d’un endroit à un autre à des fins d’exploitation, les
diverses manifestations de l’exploitation sexuelle des
enfants à des fins commerciales peuvent toutefois
se produire indépendamment de ce procédé. C’est
pourquoi, par exemple, un enfant dans son propre
village peut devenir une victime de la pornographie
enfantine ou de la prostitution, alors que le mariage
d’enfant dans beaucoup de régions du monde peut
avoir lieu dans les villages et les communautés où les
familles sont liées par un clan ou par d’autres facteurs
socio-économiques poussant des enfants dans ces
mariages pour des motifs lucratifs. Cependant, pour
beaucoup d’enfants, le trafic est la première phase
d’un cycle d’exploitation sexuelle brutale.
La différenciation entres ces éléments est donc
nécessaire, en particulier en identifiant et en
créant des stratégies adéquates pour prévenir et
combattre ces crimes. Par exemple, une victime du
tourisme sexuel ou de la pornographie enfantine
dans son propre village peut avoir des recours très
différents, à la fois en termes de d’assistance légal
et psychosociale, par rapport à un enfant qui a été
trafiqué dans une maison close d’une communauté
éloignée ou dans un autre pays. Dans ce dernier cas,
la langue et l’identité culturelle seront des facteurs
importants dans l’aide donnée pendant le sauvetage
et le rétablissement de cet enfant. La réhabilitation à
long terme exigera probablement le rapatriement et
des programmes de soins spécialisés pour l’enfant
retourné.
La détermination nette des formes distinctes de
l’ESEC et le besoin d’une démarche différenciée sont
surtout pertinents dans l’établissement des mesures de
prévention et de protection permettant de contrecarrer
le trafic. En effet, si l’enfant a été déplacé vers un
autre pays, le développement des campagnes de
sensibilisation anti-trafic visant les communautés
d’origine des enfants trafiqués est particulièrement
important. Là où les enfants trafiqués finissent victimes
du tourisme sexuel ou de la prostitution, les services
d’assistance téléphoniques et les mécanismes d’alerte
dans le pays de destination (dans la langue de
l’enfant) sont également cruciaux.
Beaucoup d’acteurs sont impliqués dans le combat
contre la traite et autres formes d’exploitation sexuelle
des enfants. Là où les liens sont compris et évidents,
les bonnes pratiques dans le travail de prévention
ont vu l’apparition de la collaboration et de l’action
63
entreprise par les jeunes, les gouvernements, les
organismes de la société civile et le secteur privé. De
tels exemples comprennent le Code de Conduite pour
la Protection des Enfants Contre l’Exploitation Sexuelle
dans le Secteur du Tourisme et la campagne «makeIT-safe», qui a pour but de faire des préconisations
aux leaders de l’industrie des Technologies de
l’Information et du gouvernement pour développer et
mettre en œuvre des politiques et des mécanismes de
protection pour la jeunesse au moyen des nouvelles
technologies.
64
L’expérience d’ECPAT International montre que les
efforts de lutte contre toutes les formes de l’ESEC sont
le mieux soutenus par un cadre juridique spécifique
qui prend en compte tous ces crimes dans leurs
différentes manifestations.
La façon la plus efficace de réduire la demande et de
protéger les enfants est d’autant plus durable s’il existe
des lois spécifiques qui caractérisent et criminalisent
clairement les différentes formes de l’exploitation. De
plus, ces lois doivent être imposées et appliquées. A
ce titre, il est nécessaire de désagréger les différentes
données sur les crimes et les violations sexuelles
contre des enfants pour permettre de recueillir
toutes les preuves nécessaires, et pour faciliter les
investigations et les poursuites contre les trafiquants,
les souteneurs, les pédophiles, les touristes sexuels et
des auteurs d’abus sexuels sur enfant.
ECPAT International est convaincu qu’une
compréhension approfondie du contexte et de la
dynamique qui lie toutes les formes d’exploitation
au trafic d’enfants dans un but sexuel permettra
des interventions plus ciblées et plus efficaces pour
combattre ces crimes atroces perpétrés contre les
enfants.
Cette publication a été réalisée avec le soutien financier de l’Agence Suédoise de Développement
International (ASDI), le Ministère des Affaires étrangères du Grand-Duché du Luxembourg, le
Ministère français des Affaires étrangères, Groupe Développement et ECPAT Luxembourg. Les
opinions présentées dans cette publication ne sont attribuables qu’à ECPAT International. Le soutien
reçu de la part de l’ASDI, du Ministère des Affaires étrangères du Grand-Duché du Luxembourg et
du Ministère français des Affaires étrangères ne doit pas être entendu comme une validation des
propos exprimés dans cette publication.
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