L`augmentation de l`âge légal de la pension à 67 ans : une fausse
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L`augmentation de l`âge légal de la pension à 67 ans : une fausse
L’augmentation de l’âge légal de la pension à 67 ans : une fausse bonne idée ? L’ABC DE L’ACTU Auteur : Jean-Yves Kitantou Jeunes cdH asbl 19/11/2014 Jeunes cdH ABC de l’actu Table des matières I. Le système des pensions, une histoire de solidarité sociale __________________________ 2 - II. 1890 – 1914, l’éveil de la solidarité sociale ______________________________________________ 2 1944, une année charnière ___________________________________________________________ 2 Quel modèle pour la solidarité entre les belges ? __________________________________ 3 - Le système bévéridgien : la sécurité sociale ______________________________________________ 3 Le système Bismarckien ou assurantiel _________________________________________________ 3 III. Structure du système de pensions ____________________________________________ 5 - 1 pilier : les pensions légales _________________________________________________________ 5 2e pilier : les pensions complémentaires ou extralégales ___________________________________ 5 3e pilier : l’épargne-pension individuelle ________________________________________________ 5 IV. Comment est financé le mécanisme des pensions? ______________________________ 6 - Pourquoi le débat sur l’avenir des pensions ? ____________________________________________ 6 Quelle est la situation actuelle en matière de pension ? ____________________________________ 7 L’augmentation de l’âge légal de la pension, une solution miracle ? __________________________ 8 L’augmentation de l’âge légal de la pension, une mesure contre l’accès des jeunes à l’emploi ? ____ 9 V. e Conclusions _______________________________________________________________ 10 1 Jeunes cdH ABC de l’actu L’augmentation de l’âge légal de la pension à 67 ans : une fausse bonne idée ? Parmi les mesures phares décidées par le gouvernement Michel Ier figure le recul de l’âge de la pension à 67 ans. Cette mesure suscite énormément de réflexions et de discussions. Quelles sont les enjeux réels qui se cachent derrière ce débat ? Quel impact pour l’avenir des pensions ? Décryptage ! I. Le système des pensions, une histoire de solidarité sociale - 1890 – 1914, l’éveil de la solidarité sociale Entre 1890 et 1914, les initiatives politiques n’ont guère manquées, plusieurs propositions de lois visant à instaurer un système d’assurances sociales voient le jour. Il faut remonter à la fin du XIXe siècle pour trouver les prémisses du système de sécurité sociale actuel. Désireux d’aider les travailleurs à pouvoir constituer une pension, l’Etat décida de créer la Caisse Générale d’Epargne et de Retraites (CGER). Cette structure avait pour mission de collecter, développer et gérer l’épargne populaire. Elle comprenait deux organes distincts : une caisse d’épargne, créée pour la circonstance, et une caisse de retraite, fondée en 18501. En 1903, la Belgique met en place la première assurance sociale obligatoire : la loi sur les accidents du travail. En 1911, on introduit l’assurance obligatoire contre la vieillesse et le décès en faveur des ouvriers mineurs.2 La première guerre mondiale va ralentir cette dynamique sociale et politique, elle reprendra après celle-ci avec la promulgation de la loi du 20 août 1920 octroyant à tout belge résidant en Belgique, né avant le 1er janvier 1858 et âgé d’au moins 65 ans, une pension gratuite et non financée par des cotisations à condition que ses revenus ne dépassent pas un plafond déterminé3. Par la suite, la loi est élargie aux personnes nées avant 1860 dans un premier temps et à celles nées avant 18634 dans un second temps. En 1930, la loi du 4 août 1930 créée un système d’allocations-familiales obligatoire pour tous les travailleurs salariés. La loi du 10 juin 1937 en étend ensuite l’accès aux indépendants5. - 1944, une année charnière Un tournant est à observer durant la seconde guerre mondiale. En effet, les représentants des patrons et des ouvriers signent en 1944 un « projet d’accord de solidarité ». Cet accord, cité en exemple dans le monde, constitue un évènement social majeur qui représente l’aboutissement d’un long processus de négociation entre les partenaires6. Celui-ci invite le gouvernement à « 1 http://www.avae-vvba.be/modules/inventaire_details.php?id=14&lang=fr https://www.socialsecurity.be/CMS/fr/about/displayThema/about/ABOUT_1/ABOUT_1_2/ABOUT_1_2_2.xml 3 Ibidem 4 http://www.senate.be/lexdocs/S0670/S06701461.pdf 5 https://www.laligue.be/Public/allocs/Menu.php?ID=428780 6 « Het sociaal pact van 1944 », D.Luyten & G. Vanthemsche, ed. VUB Press, 1994, p.161 2 2 Jeunes cdH ABC de l’actu prendre dès le retour du pays à l’indépendance une série de mesures d’urgence propres à réparer les misères subies pendant l’occupation par la grande masse des travailleurs salariés. Ces mesures d’urgence visent le régime des salaires, l’institution d’un système complet de sécurité sociale reposant sur la solidarité nationale et la restauration ou l’instauration des méthodes de collaboration paritaire entre les organisations d’employeurs et organisations de travailleurs, ce qui instaure la création des allocations familiales. »7. Suite à cet accord, le gouvernement promulguera l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs8. II. Quel modèle pour la solidarité entre les belges ? Dans la période d’après-guerre, la Belgique avait le choix entre deux modèles de sécurité sociale : - Le système bévéridgien : la sécurité sociale Ce modèle se fonde sur les principes développés en 1942 par l’économiste britannique Lord William Beveridge. Il rédige, à la demande du gouvernement, un rapport sur le système d’assurance-maladie britannique. Il considère que celui-ci s’est développé sans réelle cohérence, qu’il est « trop limité (…), trop complexe (…) et mal coordonné »9. Il propose de le refonder sur base des principes suivants : o o o o universalité de la protection sociale par la couverture de toute la population (ouverture de droits individuels) et de tous les risques ; uniformité des prestations fondée sur les besoins des individus et non sur leurs pertes de revenus en cas de survenue d’un risque ; unité de gestion étatique de l’ensemble de la protection sociale ; financement basé sur l’impôt.10 - Le système Bismarckien ou assurantiel Ce modèle a été pensé et mis en place par le chancelier allemand Otto von Bismarck à la fin du XIXe siècle. Son action politique était largement guidée par une double lutte contre les syndicats et la montée du parti socialiste qui résulta sur la dissolution de ces organisations. En contrepartie, l'Etat a pris la responsabilité d'institutionnaliser la protection sociale, dispensée auparavant par de nombreuses caisses de secours. Les assurances sociales obligatoires sont apparues dans ce pays à partir de 1883. L'assurance est nettement distinguée de l'assistance sociale : la protection sociale est accordée en contrepartie d'une activité professionnelle.11 Son modèle repose sur les principes suivants : 7 « L’importance de la sécurité sociale en Belgique : fondements historiques et enjeux actuels », P. Reman, in notes educations permanente, n°1 – janvier 2005, p.2 8 http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&table_name=loi&cn=1969062704 9 http://www.senat.fr/lc/lc10/lc100.html 10 http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-publiques/protectionsociale/definition/systemes-bismarckien-beveridgien-protection-sociale-quelles-caracteristiques.html 11 http://www.senat.fr/lc/lc10/lc100.html 3 Jeunes cdH ABC de l’actu o o o o o protection fondée uniquement sur le travail et sur la capacité des individus à s’ouvrir des droits grâce à leur activité professionnelle protection obligatoire ; protection reposant sur une participation financière des ouvriers et des employeurs qui prend la forme de cotisations sociales ; cotisations qui ne sont pas proportionnelles aux risques – comme dans la logique assurantielle pure – mais aux salaires. On parle ainsi de « socialisation du risque » ; protection gérée par les salariés et les employeurs.12 Source : http://www.manpowergroup.fr/assurance-chomage-en-europe-etude-unedic/ L’approche choisie par la Belgique est de conception bismarckienne. Cela se vérifie à travers l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 et confirmé dans la loi du 29 juin 1981 qui établit les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés13. Au fil du temps, on voit l’assurance sociale s’élargir et devenir une véritable sécurité sociale couvrant de nombreuses politiques différentes à travers divers actes internationaux (la déclaration universelle des droits de l’Homme, la Charte sociale européenne, la convention n°102 de l’organisation internationale du travail, …) ce qui conduit à créer des droits non contributifs en pensions, chômage, assurance-maladie, sans parler de la lutte contre la pauvreté qui devient un des principaux objectifs de la sécurité sociale14. 12 http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-publiques/protectionsociale/definition/systemes-bismarckien-beveridgien-protection-sociale-quelles-caracteristiques.html 13 http://www.emploi.belgique.be/DownloadAsset.aspx?id=7082 14 « Le modèle social belge est-il soutenable ? », FEB, Janvier 2014, p.4 4 Jeunes cdH ABC de l’actu III. Structure du système de pensions La pension, avec le temps, devient un pan important de la sécurité sociale belge. Elle repose sur un système qui s’articule autour de trois piliers qui concernent les travailleurs salariés, les fonctionnaires et les indépendants, tel qu’expliqué sur le site de l’office national des pensions: - 1e pilier : les pensions légales La pension légale est calculée en fonction de la carrière professionnelle. Toute personne qui a travaillé en Belgique a droit à une telle pension. Les cotisations levées sur les rémunérations des actifs sont utilisées pour payer les pensions actuelles, ce qui permet de réaliser une solidarité entre les générations actives et les générations plus anciennes. Trois critères influent sur le calcul : la durée de la carrière, la rémunération perçue durant la carrière et la situation familiale15. - 2e pilier : les pensions complémentaires ou extralégales La pension complémentaire ou assurance-groupe est un avantage extralégal proposé par votre employeur. Elle vous permet, via votre employeur, de constituer, auprès d’un organisme financier, un capital ou une rente dont vous disposerez à l’âge de la pension16. Il est fortement encouragé par le législateur qui accorde de réels avantages fiscaux pour ceux qui y souscrivent. - 3e pilier : l’épargne-pension individuelle L’épargne-pension est une formule pour laquelle vous intervenez à titre personnel. Elle repose sur le principe suivant : vous placez, chaque année, une certaine somme auprès d’un organisme financier. L’épargne-pension peut vous donner droit à une déduction fiscale calculée sur la somme versée.17 Ce troisième pilier n’est donc pas véritablement une pension mais une épargne individuelle. Le législateur les encourage également en octroyant de réels avantages fiscaux. 15 http://ep.cfsasbl.be/sites/cfsasbl.be/ep/site/IMG/pdf/CFS_EP_ANA_systeme_belge_des_pensions_solidarite _ou_responsabilite_individuelle.pdf 16 http://www.onprvp.fgov.be/fr/futur/pension/pages/default.aspx 17 http://www.onprvp.fgov.be/fr/futur/pension/pages/default.aspx 5 Jeunes cdH IV. ABC de l’actu Comment est financé le mécanisme des pensions? Le débat politique sur le financement public des pensions porte essentiellement sur le premier pilier, celui de la pension légale. Dès lors, nous allons cibler notre analyse sur ce point. Celui-ci est financé par les cotisations obligatoires des travailleurs18. Ce financement se base sur le principe suivant : les actifs d’aujourd’hui paient pour les pensionnés d’aujourd’hui. Il s’agit du système de la répartition. - Pourquoi le débat sur l’avenir des pensions ? La Belgique, et l’Europe d’une façon plus large, doit faire face à un vieillissement de sa population. Chute de la natalité, augmentation de l’espérance de vie, arrivée massive à l’âge de la retraite de la génération du baby-boom à partir de 2010… constituent autant d’éléments qui auront comme conséquence, une augmentation des dépenses de pensions19. En 1970, l’espérance de vie était de 70 ans, aujourd’hui elle est de 80,46 ans20. Selon les études, on prédit qu’il y’aura, en 2030, 75.000 personnes qui auront atteint l’âge de 65 ans, et 350.000 personnes entre 60 et 64 ans. On parle donc potentiellement de 425.000 personnes directement concernées21. Cette situation aura un impact budgétaire non négligeable sur le régime des pensions et pour y faire face, la grande question est de savoir si les actifs de demain seront assez nombreux pour rencontrer ce défi. Aujourd’hui on compte 3,7 travailleurs pour 1 pensionné, il n’y en aura plus que 3,3 en 2020 et 2,2 en 206022. Le surcoût des pensions résultant du vieillissement démographique pourrait atteindre 300 milliards d’euros à pouvoir d’achat constant d’ici à 2060 d’après des projections du Cabinet de stratégie Roland Berger23. Pour mettre ce montant en relief, ceci représente près de troisquarts de la richesse du Royaume24 ! La part des pensions dans le coût budgétaire total de l’Etat ne cesse d’augmenter avec un pic attendu en 2040 de 14,9%25, il s’agit donc bien d’un enjeu majeur de société. Dès lors, la question qui agite le monde politique est de savoir comment assurer le financement d’une telle importance sans « casser » le mécanisme de solidarité entre les générations ? 18 http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_quel-est-le-systeme-des-pensions-en-belgique?id=7268033 https://www.socialsecurity.be/CMS/fr/about/displayThema/about/ABOUT_5/ABOUT_5_5.xml 20 http://statbel.fgov.be/fr/binaries/tablesdemortaliteAE_1994-2013_tcm326-255885.xls 21 « Reculer l’âge de la pension à 67 ans ne résout pas le souci du papy-boom », N.B., L’Echo, 08 octobre 2014 22 « Pourquoi l’âge de la pension va passer de 65 à 67 ans », L.G. et V.R., La Libre Belgique, 8 octobre 2014 23 http://blogs.lecho.be/colmant/2014/02/2014-il-faut-oser-r%C3%A9former-les-pensions-.html 24 Ibid. 25 « Le coût budgétaire du vieillissement en % du PIB », P. De Boeck, Le Soir, 8 oct. 2014 19 6 Jeunes cdH ABC de l’actu - Quelle est la situation actuelle en matière de pension ? En Belgique, l’âge légale de la pension est actuellement fixé à 65 ans, tant pour les hommes que pour les femmes26. Toutefois, on constate que dans la réalité, la grande majorité des travailleurs belges partent plus tôt à la retraite. Actuellement, l’âge moyen effectif de départ à la retraite est de 59 ans en moyenne27, ce qui est inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE. L’efficacité du régime des prépensions, des pensions anticipées ainsi que les exceptions pour certains métiers sont les principales causes régulièrement avancées pour expliquer ce décalage entre l’âge légal de départ à la pension et l’âge effectif. Cet argument a motivé jusqu’ici les refus de toucher à l’âge légal de la pension28. Aujourd’hui, le taux d’emploi des personnes âgées (55-65 ans) est de 41,7%, ce qui reste bien en dessous de la moyenne européenne qui est de 50,3 %. Toutefois, nous pouvons remarquer que celuici augmente presque continuellement depuis 1992, passant de 22,2% à 41,7%, notamment chez les femmes, et les perspectives pour 2020 semblent confirmer la tendance29. Il y’avait d’ailleurs une unanimité du monde politique sur l’importance de travailler sur l’âge effectif du départ à la retraite plutôt que sur l’âge légal de la retraite. C’est dans cet esprit que le système du Bonus-Pensions avait été mis en place : il octroyait un bonus à tout travailleur qui décidait de rester plus longtemps actif sur le marché de l’emploi. Sa suppression est d’ailleurs assez étonnante30. Le cdH disait, durant les élections, qu’« il n’est pas question d’augmenter l’âge légal d’accès à la pension. La priorité est plutôt de poursuivre les efforts afin de rehausser progressivement l’âge effectif du départ à la pension et d’augmenter le taux d’emploi des travailleurs âgés »31, les partis de la majorité fédérale actuelle ne disaient pas autre chose durant les élections : le MR disait vouloir « l’accroissement significatif de l’emploi des plus de 65 ans », le CD&V appelait à travailler sur « la durée de la carrière plutôt que l’âge », la NV-A parlait de fixer « fixer l’âge de la retraite à 65 ans, une carrière sera considérée comme complète après 45 ans » et l’Open VLD mentionnait que « l’âge de la retraite reste fixé à 65 ans » et appelait à « progressivement relever l’âge effectif de la pension, afin de progressivement l’aligner sur l’âge légal »32. Dès lors, pourquoi le Gouvernement suédois a-t-il décidé de toucher à l’âge légal de la pension ? Cette mesure était-elle nécessaire ? Comment réagissent la société civile ainsi que les acteurs politiques à cette mesure ? 26 http://www.onprvp.fgov.be/FR/profes/benefits/retirement/age/Pages/default.aspx « Pourquoi l’âge de la pension va passer de 65 à 67 ans », L.G. et V.R., La Libre Belgique, 8 octobre 2014 28 « Les départs anticipés vont-ils rendre la réforme illusoire ? », B.Dy, Le Soir, 8 octobre 2014 29 http://www.indicators.be/fr/indicator/emploi-taux-demploi-des-personnes-agees?detail= 30 http://www.lexalert.net/fr/content/le-gouvernement-modifie-le-bonus-de-pension-activite-professionnelleautorisee-et#.VGn54PmG91Y 31 http://www.les-100-propositions-du-cdh.be/fr/proposition-detail/augmenter-le-taux-de-remplacement-despensions/2 32 « Pourtant dans leurs programmes : pas touche aux 65 ans », V.La, Le Soir, 08 octobre 2014 27 7 Jeunes cdH ABC de l’actu - L’augmentation de l’âge légal de la pension, une solution miracle ? Dans la chronologie du débat sur les pensions, un élément a été déterminant : le rapport de la commission de réforme des pensions publié dans le courant du mois de juin. Celui-ci plaide pour une réforme en profondeur du système des pensions et propose de mettre en place un système à points, de rapprocher les régimes (salariés, indépendants, fonctionnaires) et ouvre également la réflexion sur l’impact que pourraient avoir des modifications des conditions de carrières et de l’âge légal de la pension (à 66 ans en 2025, puis à 67 ans en 2030) sur notre système de retraite 33. L’ex Ministre et membre de la commission, Frank Vandenbroucke (S-PA) disait, en conférence de presse, que "A politique inchangée, le système de pension actuel n'est pas soutenable financièrement. Il ne correspond plus à l'évolution de la société et il pose des problèmes de qualité sociale"34. En se basant sur ces travaux, le Gouvernement a décidé que : - Durant cette législature, le gouvernement mettra en œuvre la transition vers un système à points pour le calcul des pensions ;35 - L’âge auquel on peut prendre sa retraite anticipée est porté à 62,5 ans en 2017 et à 63 ans en 201836, à condition d’avoir derrière soi une carrière de 41 ans ; L'âge légal de la retraite est porté en 2025 à 66 ans et en 2030 à 67 ans, conformément au rapport du groupe d’experts.37 Les mesures sont donc nombreuses mais ici nous nous limiterons à la question de l’âge légal de la retraite. Cette mesure a suscité de nombreuses réactions dans la société civile. A l’heure où, avant la publication du rapport, tous mettaient l’accent sur l’alignement entre l’âge de départ effectif à la retraite et l’âge légal de la pension, on constate que l’on opte pour l’augmentation de l’âge légal. On peut dès lors se demander pourquoi un tel retournement de situation ? Ivan De Cloot, Professeur Executive d’économie à l'Universiteit Antwerpen Management School et économiste pour l’Itinera Institute se veut positif : il pense que « repousser l’âge de la retraite n’est pas une garantie de pouvoir à l’avenir payer les pensions. Mais au moins on crée une nouvelle perspective »38. Guiseppe Pagano, Professeur d’économie et de finances publiques à l’Université de Mons, est moins euphorique. Il considère « qu’on prend le problème par le mauvais bout (…) augmenter l’âge légal de la pension ne garantit en rien que les gens seront encore au travail à cet âge-là. Le problème fondamental c’est le chômage. Faut-il vraiment repousser l’âge de la retraite quand on a 600.000 chômeurs ? »39. 33 « Pourquoi l’âge de la pension va passer de 65 ans à 67 ans », L.G. et V.R., La Libre Belgique, 08 octobre 2014 http://www.rtbf.be/info/economie/detail_pensions-la-commission-de-reforme-plaide-pour-un-systeme-apoints?id=8293754 35 « Accord de Gouvernement », 10 octobre 2014, P.28 36 « Accord de Gouvernement », 10 octobre 2014, p.30 37 Ibid. 38 « Ce qu’en pensent les économistes », J-P.B., L’Echo, 09 octobre 2014 39 Ibid. 34 8 Jeunes cdH ABC de l’actu Jean Hindriks, Professeur d’économie à l’Université Catholique de Louvain, se montre pour sa part plus nuancé bien qu’il considère que la mesure va donner un « signal positif à la population (…) il faudra travailler plus »40. Selon lui, l’impact de cette mesure sera limité. En effet, il existe en Belgique un très grand nombre de formules de départs anticipés qui sont tellement utilisés que l’âge légal de départ à la pension n’est que pure théorie. Comme déjà évoqué, en moyenne, le belge part à la retraite à 59 ans, soit 6 ans trop tôt. Il prédit qu’il y’aura certainement une forte augmentation des sorties parallèles (entre 40 et 60% de la population concernée) vers le crédit-temps, le chômage ou l’interruption de carrière afin de contourner cette mesure, sans compter les invalidités qui devraient augmenter de 10 à 15%41. Il est surtout crucial de « retenir plus longtemps au travail les gens qui sont sur le point de partir »42 dit-il. Paul De Grauwe, Professeur à la London School of Economics estime lui aussi que « les possibilités de départs anticipés qui subsistent rendent le relèvement de l’âge légal théorique (…) ce qu’il faut faire c’est effectivement augmenter l’âge moyen de départ à la retraite »43. La Fédération des entreprises de Belgique et le VOKA ont toutes deux réagi positivement : ils considèrent qu’il faut « lier l’âge des pensions à l’espérance de vie (…) cela suit la logique dans les autres pays de la zone Euro »44. Jo Libeer du VOKA considère que « Les coûts du vieillissement seront les plus importants entre 2020 et 2030. Nous aurons donc besoin de croissance économique et d’un nombre maximum de personnes actives pour pouvoir supporter ce coût. Si l’on relève l’âge de la retraire à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030, la génération du baby-boom sera déjà sortie »45. Du côté syndical, la CSC, par la voix de sa secrétaire générale Marie-Hélène Ska, considère qu’il s’agit là d’une « provocation supplémentaire » : elle fait remarquer que l’Allemagne, qui avait également augmenté l’âge légal de la pension, fait aujourd’hui marche arrière. Elle déclare que « La pension, c’est un contrat social entre les générations, c’est un très mauvais signal (…) cela brise le contrat social. D’autant que l’on doit parler dans le même temps de relèvement des faibles pensions. (…) on condamne une génération entière à ne jamais avoir de carrière complète. Le bon signal doit venir d’investissements massifs dans la mise à l’emploi des jeunes le plus tôt possible »46. - L’augmentation de l’âge légal de la pension, une mesure contre l’accès des jeunes à l’emploi ? Le professeur d’économie Alain Jousten a étudié le phénomène il y’a quelques années. Selon lui, pendant de nombreuses années, des générations de travailleurs âgés ont compris le départ à la retraite anticipée comme un service qu'ils rendaient aux jeunes générations. Dans cette logique, quitter la force de travail de façon anticipée permettait à un jeune de démarrer sa carrière. Cet argument ne semble pas résister à une analyse comparative de la situation d’un point de vue 40 « Les départs anticipés vont-ils rendre la réforme illusoire ? », B.Dy, Le Soir, 8 octobre 2014 « Reculer l’âge de la pension à 67 ans ne résout pas le souci du papy-boom », N.B., l’Echo, 42 Ibid. 43 « Les départs anticipés vont-ils rendre la réforme illusoire ? », Ibid. 44 « Le regard patronal et syndical sur le relèvement de l’âge de la pension », J-B M., La Derniere Heure, 8 octobre 2014 45 Ibid. 46 Ibid. 41 9 Jeunes cdH ABC de l’actu international. Il a constaté que « des pays tels que la Belgique et la France font face à un phénomène de chômage de jeunes important. En même temps, ce sont aussi les pays avec le taux d'activité le plus bas au niveau des 55 à 64 ans (...) Certains argumenteront que vu que la Belgique et la France traversent toutes les deux une phase de transformations structurelles, la situation aurait encore été bien pire pour les jeunes générations dans un monde sans système de préretraite. Cette interprétation est cependant discutable. Ainsi, des pays comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne traversent tout autant une phase de réadaptation structurelle, sans cependant observer les mêmes taux de chômage des jeunes et taux d'activités des 55-64 ans. De même, de nombreuses études empiriques montrent que la substitution des travailleurs âgés par des travailleurs jeunes est moins que parfaite. »47. Il apparait donc que dans les pays où le taux d’emploi des personnes âgées est élevé, le taux d’emploi des jeunes l’est aussi48. L’économiste Philippe Defeyt remarque toutefois que « les pays où le taux d’emploi des jeunes et âgés sont les plus élevés sont aussi ceux où le taux d’emploi global est le plus haut (…) un marché du travail plus dynamique profite donc à tous ses segments, (…) on ne peut donc pas totalement exclure que l’allongement de la carrière des personnes âgées ne se traduise, dans un premier temps, par une réduction d’opportunités pour les jeunes »49. V. Conclusions Nous pouvons affirmer que le vieillissement de la population représente un enjeu fondamental en matière de financement de nos pensions. C’est un enjeu majeur auquel une réponse doit être apportée maintenant sous peine de devoir faire face à de grandes difficultés dans les années qui viennent. Des actions étaient nécessaires et certaines ont été prises, néanmoins, le choix d’agir sur l’âge légal de la pension laisse perplexe quant on constate que l’ensemble du monde scientifique et politique s’accorde sur l’idée de dire qu’il faut d’abord, en priorité, créer des incitants pour retarder l’âge effectif de départ à la retraite qui est bien trop bas. On peut considérer cette mesure comme n’étant que symbolique, ou stratégique, mais cela laisse à penser que le gouvernement Michel 1e prend le problème par l’autre bout, à savoir le moment où effectivement le Belge doit prendre sa retraite alors qu’il faut au contraire l’inciter à rester plus longtemps au travail. Il est d’ailleurs étonnant de constater que ce même gouvernement a décidé de ne pas renouveler le principe des Bonus-pensions qui rencontraient cet objectif. Ceci dit, cette réforme est encore loin de voir le jour. Le gouvernement devra convaincre les partenaires sociaux de prendre part à sa mise en œuvre au moment où les syndicats ont déjà dit tout le mal qu’ils pensaient de cette mesure50. 47 http://www2.ulg.ac.be/crepp/papers/crepp-wp200209.pdf « La facture pourrait-elle être payée par les plus jeunes ? », D.B., Le Soir, 7 Octobre 2014 49 Ibidem 50 « Pourquoi l’âge de la pension va passer de 65 ans à 67 ans », L.G. et V.R., La Libre Belgique, 08 octobre 2014 48 10