GUELLOU Charlotte

Transcription

GUELLOU Charlotte
GUELLOU Charlotte
J’avais 3 ans, j’ai dit à Maman : « Ça fait bizarre dans mon ventre ». Depuis, cette sensation ne m’a
jamais quittée. Ce n’est pas désagréable, mais simplement viscéral. Il me semble qu’indissociablement
ma tête guide mon corps à travers mes tripes, afin qu’il donne tout ce qu’elle possède. Ici, je me
demande alors si l’on ne danse pas comme l’on pense. D’ailleurs Geisha Fontaine en parle : « danser à
la vitesse de la pensée ». Ce que j’aime dans la danse c’est cette perpétuelle remise en question qui dit
« tu peux toujours faire mieux. » Et j’en meurs d’envie. Tout le temps. J’ai tout le temps envie de
danser. Danser c’est lorsque le temps s’étire avant, s’accélère pendant, résonne et raisonne après. De
cette façon, elle ne s’arrête jamais, nulle part. C’est lorsque l’espace devient une évidence. C’est
lorsque la musique pénètre mes poumons, que je disparais derrière tous ces paramètres. Mon
échappatoire. Et je m’échappe dans la vitesse, la chute, le saut, la nouveauté, et parfois le complexe.
La contrainte s’impose souvent comme une porte entre ouverte, c’est-à-dire qu’à partir d’un élément,
une multiplicité de mouvements devient possible.
Mais avec un dispositif comme Immersive Theater, les contraintes du micro et de la respiration
modifient complètement ma façon de danser. Les entrailles retenues, il s’agit de contrôler et définir un
mouvement sonore, le tout en improvisant. Je me sentais gênée, comme si j’étais en train de mentir,
car soudain mes gestes n’étaient plus générés par mon esprit. Ou presque. Je cherchais sans cesse
quelque chose « à dire ». De plus, la difficulté était accentuée par le fait d’écouter nos mouvements,
ceux des autres, et les conseils de Claire portaient principalement sur le résultat dansé plutôt que sur le
jeu autour des capteurs. Je me souviens d’ailleurs qu’elle m’indiquait : « relâche la tête ». Pourquoi la
tête ?! Il se pourrait que ma tête se soit sentie totalement désorientée ; dès lors ce maintien, cette
tension crânienne, pourrait être justifié par mes fâcheuses tendances autoritaire et exigeante. D’une
certaine façon, peut-être due au fait que j’avais du mal à saisir l’enjeu du projet, une partie de moi
refusait de s’immerger. Mais voilà un travail intéressant dans le contexte d’une recherche sur soi.
D’autant plus que l’exploration du son via le corps comme matériau est une idée vraiment riche. De
quoi suis-je capable quand le mouvement provient de la fonction vitale la plus habituelle ? Puis, que se
passe-t-il grâce au système d’amplification ? Après la première journée de recherche, j’étais
sceptique ; le lendemain, mon corps a vite retrouvé des propriétés inhabituelles. Immersive Theater
m’a finalement apporté plus qu’une réflexion à propos de l’émergence du son. Cette expérience m’a
permis de cibler les domaines corporels que je ne maîtrise pas. Ainsi, à retardement, je la comprends
également comme un moyen d’enrichir mon langage chorégraphique.