Jean ROMAIN Lettre ouverte à ceux qui croient encore en l`école

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Jean ROMAIN Lettre ouverte à ceux qui croient encore en l`école
Jean ROMAIN
Lettre ouverte à ceux qui croient encore en l’école
Préambule
Chers vous,
Vous le savez, l'école traverse une crise inédite. Ce n'est partout que réformes,
restructurations, changements radicaux, introduction de cycles de formation, réécriture des
programmes, redéfinition des objectifs, suppression des notes, hétérogénéité, adaptations
incessantes en tous sens, qui ont fini par déstabiliser un système scolaire qui, il n'y a pas si
longtemps encore, se révélait un des meilleurs qu'on puisse espérer. Chacun y va de sa petite
retouche personnelle ou de sa réforme complète pour être « romando-compatible », peut-être
même « euro-compatible ». Tout change, tout évolue :
on s'accorde en ceci au principe de supériorité du nouveau venu, et les professeurs, les élèves,
les parents même sont mécontents parce qu'il s'agit non pas d'une amélioration mais d'une
véritable spoliation. En effet, personne ne s'y reconnaît, et il faut être un mutant pour
comprendre les arcanes de la nomenclature moderne aussi bien que la complexité des filières,
des options et des incompatibilités proposées aux élèves. Le monde est complexe, vous
rétorque-t-on, pourquoi voudriez-vous que l'école o' épouse pas les mêmes chemins tordus ? Il
vous a suffi de participer une seule fois dans votre vie à une de ces fameuses séances
d'information et vous avez jaugé l'ampleur du problème. Vous êtes instantanément placés au
coeur d'un labyrinthe mais c'est un labyrinthe où on ne se retrouve jamais parce qu'à chaque
tournant que vous prenez, les murs changent de position. C'est un système mouvant, sans
repères, qui se modifie à mesure que vous le comprenez. En fait personne ne peut maîtriser
l'ensemble du système. Mais cette complexité est indicatrice de la vacuité du contenu. Aussi
n'avez-vous qu'une vague idée de la solitude des élèves, des professeurs et des parents, placés
continuellement dans la tourmente de la réformite qui s'est emparée de notre école.
Et dire qu'ici ou là nous croisons encore des agités de tous poils qui proposent de « faire
bouger l'école » alors que nous souhaiterions nous arrêter un moment, juste un instant, une
minute, pour faire le point! Pour reprendre notre souffle avant de nous recentrer sur l'essentiel.
Aussi longtemps qu'on pouvait croire au progrès, c'est-à-dire penser que ce qui arrivera
demain est supérieur à ce qui se passe aujourd'hui, que le successeur est meilleur par
définition, l'école pouvait affirmer qu'en changeant elle irait vers un mieux. Il n'en est rien.
Cette courte lettre que je vous adresse, chers vous, est le fruit d'une profonde inquiétude. Elle
se veut un apport à la fois vif et parcellaire à une réflexion sur l'avenir de notre école, sur le
rôle d'une institution publique aujourd'hui en perte de crédibilité, minée de l'intérieur par des
idéologies puissantes et destructrices, et menacée par un mouvement extérieur toujours plus
légitime qui milite en faveur d'une réelle alternative: le bon scolaire proposé aux
contribuables pour leur assurer un nouveau droit, celui de choisir librement pour leur enfant
l'école qui leur convient. 1
1
. Jean- Daniel Nordmann et Alfred Fernandez, Le droit de choisir l'école, L’Age d'Homme, Lausanne, 2000.
Jean ROMAIN
Lettre ouverte à ceux qui croient encore en l’école
Edition L’Age d’Homme, 2001